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    Table des matières

    La rhétorique de l’architecture monumentale au xviie siècle

    Jean-Vincent Blanchard

    p. 173-186

    Texte intégral Vers une phénoménologie monumentale de l’architecture classique La rhétorique de la description monumentale Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Si la propagande est une entreprise de communication systématique visant à manipuler l’opinion publique afin de soutenir un régime politique, est-il possible de la déjouer ? Peut-on en démasquer les énoncés et les rhétoriques pour deviner la réalité et les visées du pouvoir qu’elle soutient ? On comprend souvent la propagande et la résistance qu’on lui oppose dans le cadre d’une conception objective et instrumentale du langage. Combien d’encre aura coulé au sujet du programme allégorique du château de Versailles, vaste ensemble de discours, de signes et d’images censé être le paradigme de la flatterie politique mais aussi un répertoire de significations politiques à déchiffrer. Suivant l’invitation d’André Félibien, historiographe des bâtiments du roi pour qui tout dans Versailles avait rapport au soleil comme signe, des générations de chercheurs ont tenté d’expliquer les œuvres d’art du château, ou sa disposition générale, selon une intention allégorique1. Le palais de Louis XIV, cependant, défie les tentatives ; c’est un véritable piège à interpréter. Plus on s’y penche, et plus ses mystères semblent difficiles à percer. Thierry Sarmant reconnaît alors de manière avisée que « dans les palais de Louis XIV, le soleil fut un thème décoratif, non une idée directrice2 ». Voilà qui rend problématique l’idée d’un rapport objectif à la propagande.

    2Considérer que les tromperies du pouvoir sont objectivement déchiffrables n’épuise pas vraiment la manière dont il était possible d’informer les sujets de Louis XIV. N’existerait-il pas une manière de persuader qui serait plus subtile et efficace dans la mesure où elle affecterait ces sujets de manière profonde, et surtout parce qu’elle constituerait un domaine de l’expérience humaine apparemment naturel, inné et évident, alors que cette expérience humaine aurait tout à voir avec la politique et surtout l’apprentissage d’une nouvelle manière d’être corporelle dans le domaine politique ?

    3Il s’agit d’apporter ici quelques éléments de réponse à cette problématique en cherchant à situer et à définir l’apparition d’un affect humain particulier, celui que l’on éprouve devant une structure architecturale – monument, bâtiment, ou ensemble architecturé urbain – qui paraît être hors d’échelle humaine. Nous parlons à cet effet de monumentalisme. Le sentiment diffus éprouvé dans le monumentalisme paraît souvent lié à une appartenance sociale et politique, à une manière d’être ensemble dans le temps, non seulement dans le passé par le biais de récits, puis dans le présent, mais aussi dans le futur par une conception du devenir, notamment d’une idée de progrès. Ce monumentalisme, enfin, serait un phénomène historiquement daté, qui relèverait de l’avènement de l’État moderne au xviie siècle, en France.

    4Quand a-t-on vécu l’espace urbain par le biais de ces sémaphores que sont les bâtiments monumentaux, et en particulier dans Paris, le Paris monumental qui naquit sous les règnes d’Henri IV et de son petit-fils Louis XIV ? Comment ont été conçus ces plans de Jouvin de Rochefort (1672) ou Nicolas de Fer (1692), là où figurent de manière éminente dans des cartouches les réalisations monumentales du règne de Louis XIV, et plus tard encore ces plans du xixe siècle où toute la topographie de la capitale française se trouve piquetée de monuments, représentés en trois dimensions, comme si leur présence donnait son sens à la ville3 ? Dans les pages qui suivent, il s’agit de jeter un nouveau regard sur la ville et les domaines royaux comme théâtre du pouvoir, au sens large de la politique spectacle, en tentant de saisir la propagande comme une forme d’affect que la monarchie française des premiers Bourbons aurait su capter à son avantage, permettant alors à l’État moderne de s’inscrire dans un nouveau type de récit et de s’ancrer sur un territoire, c’est-à-dire de se situer dans le temps et dans l’espace.

    Vers une phénoménologie monumentale de l’architecture classique

    5Dans le cercle d’artistes et de lettrés groupés au sein de la Petite Académie, ou du moins agissant dans son orbe, Claude Perrault envisageait en 1666 un immense obélisque destiné occuper la cour du Louvre – c’était sous la direction de Colbert, qui, notons-le, avait déjà demandé au Bernin un projet pour ce palais qui puisse inspirer « le respect dans l’esprit des peuples et leur laisse quelque impression de sa force4 ». En 1669, Perrault concevait l’Arc de Triomphe de la Place du Trône, au-delà de la Porte Saint-Antoine, un arc dont les dimensions excédaient celles de la plupart des monuments de la capitale5. Jean Chapelain, parlant de ce projet avec un correspondant, expliquait qu’il devait s’agir d’une construction capable d’attirer les foules de toute l’Europe, autant pour ses dimensions prodigieuses que pour son esthétique :

    « Un arc de triomphe de soixante toises de hauteur, dont les deux faces contiendront en tables de marbre à bas reliefs les actions les plus éclatantes de son règne, et au milieu de la terrasse de l’arc plantée sur un haut piédestal une statue équestre du roi de marbre blanc d’une grandeur prodigieuse, et cet ouvrage ne cédera en rien aux plus fameux de l’antiquité. […] Cela seul sera un sujet de voyage aux curieux de toute l’Europe6 […]. »

    6De tous les impressionnants projets sortis de l’imagination des frères Perrault, c’est la colonnade du Louvre de Claude Perrault qui demeure le plus connu, puisque c’est celui qui fut effectivement réalisé pour donner une nouvelle façade au palais ancestral des rois de France. L’aspect esthétique grandiose de l’architecture était indissociable des moyens techniques inédits nécessaires pour la réaliser. Charles Perrault est revenu plus tard dans sa carrière sur le chef-d’œuvre de son frère, qu’il considérait comme un événement extraordinaire :

    « Nous avons vu des pierres plus grandes et plus lourdes que des rochers s’élever par les forces de [la mécanique] sur le frontispice du plus grand de tous les palais, et nos yeux étonnés ont vu marcher à Versailles des forêts de sapins d’une hauteur prodigieuse pour aller former des allées aux endroits qu’elle leur avait prescrit7. »

    7Ces effets prodigieux, dans l’optique de Charles Perrault, sont les preuves du pouvoir de Louis XIV, et de l’excellence de son siècle. D’une question qui pourrait sembler triviale au prime abord, celle de l’effet de masse et de l’échelle d’un bâtiment par rapport à l’être humain, on en arrive donc à la constatation suivante : la monumentalité était une valeur importante dans la propagande politique ordonnée par Louis XIV.

    8La philosophie de l’architecture s’est intéressée depuis longtemps à cette question de l’effet monumental. Certes, l’architecture est un langage, et, en ce qui concerne l’architecture fondée sur les principes classiques, un langage codé. Les différents ordres existent pour manifester des différences à la fois esthétiques et sociales. L’ordre corinthien, par exemple, dénote le prestige. Mais des phénoménologues comme Christian Norbert-Schulz, à la suite de philosophes comme Martin Heidegger, Georges Bataille et Henri Lefebvre, attirent notre attention sur le fait que l’architecture signifie de manière plus simple et affective, mais non moins importante8. Un bâtiment peut produire des effets de masse, par exemple. Il peut paraître léger ou lourd, serré ou dégagé, il peut même avoir une texture particulière.

    9Un tel effet architectural paraissait évident aux architectes du temps de Louis XIV : pour leur imaginaire nourri de références antiques, les éléments décoratifs d’une architecture de pierre représentaient la fonction, la structure et la masse d’une construction comme si elle avait été faite en bois. Félibien écrivait que : « On voit que tous les membres d’architecture ne sont que la représentation des pièces de bois nécessaires à la structure d’un bâtiment9. » Les colonnes représentent des troncs d’arbres, les architraves des poutres, et ainsi de suite : l’architecture a dans cette optique une fonction imitative, et cette imitation doit aussi favoriser un certain type de perception. C’est ce qu’on appelle l’expressivité techtonique du bâti. La base d’une colonne doit être sculptée de manière plus arrondie, comme pour manifester une compression sous un poids énorme. Ainsi Félibien écrit-il :

    « Il faut voir que les véritables règles de cet art [architecture] ne permettent jamais d’y rien produire non seulement dont on ne puisse rendre raison, mais qui ne porte encore avec soi tous les caractères sensibles de la raison. Ainsi il ne suffit pas qu’un édifice soit construit solidement, il faut que sa solidité paraisse à la raison d’une manière conforme à la nature même de l’édifice. Il ne suffit pas non plus qu’un bâtiment soit orné d’ouvrages très exquis, il faut que ces ornements s’y trouvent employés comme par nécessité, et tels que le caractère, l’usage et la dignité de ce même bâtiment semblent les exiger10. »

    10Au sujet du projet de l’Arc de la Place du Trône de Perrault, le même explique que les statues qui semblaient porter une partie considérable de l’édifice devaient être en bronze, et non pas en pierre, car même si en pratique les deux matériaux offrent la même solidité, l’apparence du bronze le rendait encore plus approprié à sa fonction. Ces questions d’expression font surface dans les discussions de l’Académie royale, alors que l’on y commente un projet de Serlio, « un soubassement qui porte des colonnes colossales ne peut être percé de fenêtres car il ne s’en dégagera plus une idée de solidité11 ».

    11La philosophie de l’architecture attire encore notre attention sur un autre phénomène : l’échange phénoménologique par lequel la monumentalité d’un bâtiment définit aussi le territoire sur lequel il existe. On pourrait presque dire que la monumentalité d’un bâtiment déteint sur un paysage, et inversement. Mikel Dufresne parle justement de Versailles comme d’un ensemble capable de donner une dimension esthétique au territoire sur lequel il est construit : c’est toute la France qui se pare d’une certaine « dignité esthétique » avec un tel palais comme emblème12. Cette idée est importante, parce qu’elle permet de comprendre comment une idéologie politique se greffe et prospère dans l’effet affectif et esthétique du monumentalisme.

    12Les thuriféraires de Louis XIV semblent bien avoir eu l’intuition que l’architecture monumentale possède une valeur intrinsèque, propre à l’effet qu’elle produit par sa masse et son apparence. Lors de la fameuse « Entrée Triomphante » que firent le roi et la reine dans leur ville de Paris le 26 août 1660, de nombreuses architectures éphémères sont élevées, au faubourg Saint-Antoine, sur le pont Notre-Dame, à la place Dauphine. Curieusement, le rédacteur de la principale description de l’événement ne considère pas que ces monuments sont les symboles et les catalyseurs d’une joie partagée par tout le corps politique ; il s’intéresse plutôt à leurs effets sur un public qu’il considère comme des spectateurs dans un Paris devenu théâtre de l’autorité royale. Ainsi, il indique au sujet de l’arc construit sur cette place Dauphine, dans l’axe de l’île de la Cité, du pont Neuf, et de la statue d’Henri IV : « On ne sait si l’arc avait été dressé pour l’ornement du pont, ou si le pont avait été dressé pour servir la grandeur de ce monument. » Plus loin, on lit :

    « Cette magnifique statue de bronze que chacun considère comme un chef-d’œuvre de l’art, et qui fut érigée sur le milieu du Pont-Neuf, à la mémoire auguste de Henri le Grand, aïeul de notre monarque, semblait avoir été mise en ce lieu pour l’ornement de cet arc, et la perspective dont elle faisait partie, était achevée par la grande galerie du Louvre qui paraissait dans l’éloignement13. »

    13Inversement, les monuments ont des ornements, qui, bien que taillés dans la masse de l’architecture éphémère (faite sans doute de bois), paraissent avoir bénéficié d’un soin particulier. Le rédacteur écrit en parlant des guirlandes de fleurs mises en place sur l’arc du Pont-Neuf : « Ces festons ne paraissaient pas taillés ni épargnés sur la masse de l’ouvrage, mais appliqués après coup, et attachés seulement pour marque de la fête qui se solemnisait14. » Les descriptions de ces monuments de 1660, au lieu d’être insérées dans l’ordre du récit de L’Entrée, figurent dans une section spécifique du livre. Elles font désormais partie d’un décor où le monumentalisme fait sens, ou plutôt crée de la sensation politique.

    La rhétorique de la description monumentale

    14Le monument, tel qu’il était défini à la Renaissance et dans la culture humaniste, n’était pas forcément associé à une question d’échelle : c’était un objet, pouvant être aussi petit qu’une médaille, ou encore court comme une inscription lapidaire, et dont la fonction était de signaler un fait dans le passé (d’après l’étymologie du mot). Dans un commentaire sur les médailles, le rédacteur du Mercure galant indique que ce sont des « monuments incorruptibles laissés à la postérité15 ». On est donc bien loin de la définition d’un Antoine Furetière, qui propose dans son dictionnaire l’interprétation suivante du mot Machine, en référence au concept de monument : « Se dit aussi des choses pesantes & difficiles à remuer. […] Les Obélisques de Rome sont de puissantes machines, qu’on a de la peine à remuer, à transporter16. » L’Académie française, au vocable Monument, parle de « monument illustre, superbe, magnifiques, durable, glorieux, éternel17 ». Reste à savoir si les propositions des architectes-phénoménologues suffisent à expliquer seules comment un tel glissement de signification et de perception du monument a-t-il pu se produire.

    15L’existence d’un immense corpus de descriptions architecturales au xviie siècle – on peut parler d’une véritable frénésie de décrire le monument – nous met sur une autre piste de recherche : l’effet produit par la littérature sur la manière dont les sujets de Louis XIV ont appris à vivre dans un contexte monumental. Dans un article suggestif, Anne-Élisabeth Spica met en question la valeur d’une analyse politique du décor Versaillais qui serait exclusivement fondée sur l’interprétation allégorique18. Son approche se fonde sur une interprétation phénoménologique de textes tels que les fables ou les opéras, textes qu’elle considère comme capables de donner une qualité merveilleuse ajoutée au château de Louis XIV. Anne-Élisabeth Spica parle alors d’un « code d’agrandissement » esthétique. Suivant cette intuition, il est utile d’envisager une approche littéraire et rhétorique, en d’autres mots, de comprendre le phénomène du monumentalisme à travers le cadre de pensée que représente l’art de l’éloquence au xviie siècle.

    16L’histoire de la rhétorique nous invite d’abord à examiner ces rapports entre texte et architecture. Dès la Renaissance, la profession d’architecte avait acquis une légitimité artistique en se comparant à l’art de persuader ; un livre comme le De re aedificatoria d’Alberti devait être organisé comme les traités de rhétorique de Cicéron ou Quintilien19. Grâce à ce parallèle avec la rhétorique, l’architecte était devenu le maître d’une discipline intellectuelle, ce n’était plus le maître d’un chantier où œuvrent des tailleurs de pierre. Bien entendu, cette équivalence paraissait encore plus naturelle au regard du procédé mnémotechnique des traités classiques, qui recourent à l’imagination architecturale. Il était donc tout à fait naturel qu’un Antoine de Laval considère les palais des rois comme des sites privilégiés de la mémoire20, et qu’inversement un descripteur du château de Versailles comme le Sieur de Combes justifie la relative brièveté de son texte par rapport au besoin de mémoriser : « Je pouvais m’étendre plus que je n’ai fait dans la composition de cet ouvrage ; mais cela aurait trop embarrassé la mémoire21. » À travers ce cadre de pensée rhétorique, l’architecture est un art de persuader dont la fonction principale est de créer des effets.

    17Inversement, rhétoriciens et poéticiens n’ont eu cesse de recourir au vocabulaire de l’architecture pour exprimer leurs idées. André Félibien, historiographe des bâtiments du roi, parle ainsi de la fameuse Grotte de Versailles :

    « On peut dire que c’est une invention nouvelle, dont il ne paraît rien de si parfaitement achevé que dans cette grotte ; soit dans le choix de toutes les diverses coquilles, et des autres choses qui conviennent à un lieu tel que celui-là ; soit dans l’ordonnance et la disposition des ornements, soit dans la naturelle représentation des figures que l’on y a faites22. »

    18Pierre Le Moyne, dans son Traité du poème héroïque de 1666, compare l’épopée avec un palais, suivi en cela par Charles Perrault, écrivant dans son Parallèle des Anciens et des Modernes que :

    « Il faut pour bien juger d’un bâtiment s’en éloigner d’une distance raisonnable en sorte que l’œil l’embrasse tout entier et de là examiner les proportions de toutes les parties les unes avec les autres, voir si les règles de la belle architecture y sont bien observées, si la magnificence des dehors s’accorde avec les commodités des dedans […]. Comme il se trouve peu de gens capables de juger ainsi de la beauté d’un édifice, il ne s’en rencontre guère qui puisse bien porter leur jugement d’une manière semblable sur la beauté d’un poème épique23. »

    19S’ouvre alors sous un jour intéressant un vaste corpus de descriptions d’architecture, de récits d’entrées et de fêtes, de romans et de contes où la topique architecturale est omniprésente. Pensons, par exemple, à la nouvelle de Madeleine de Scudéry La Promenade de Versailles, publiée en 166924. Dans une telle optique, l’affectivité monumentale des sujets de Louis XIV émergerait d’une topique rhétorique et littéraire. Cette topique, il convient de l’analyser selon les catégories traditionnelles de l’inventio, de la dispositio, et de l’elocutio. À travers la lecture de ces textes où la monumentalité existe comme affect politique, les conceptions médiévales et humanistes du monument se sont transformées. Le monumentalisme nouveau, désignant un rapport disproportionné du bâti par rapport à l’échelle humaine, serait l’ascendant d’une poétique de la merveille sur l’inventio et la dispositio du discours sur l’architecture, une poétique qui serait issue fondamentalement de discours sur l’épopée. Nous ne pouvons donner ici qu’un trop schématique aperçu des développements qui viendraient étayer ces propositions :

    1. Inventio merveilleuse d’un roi bâtisseur magicien, capable de faire surgir des palais avec la facilité d’un ingénieur de théâtre à machines. Joël Cornette parle de l’idée de roi de conquête comme essentielle à la définition de la souveraineté25. On peut avancer que le roi bâtisseur contribue tout autant à cette notion de souveraineté. C’est ainsi qu’il faut comprendre le poète Louis Le Laboureur lorsqu’il décrit le château de Saint-Germain-en-Laye et, citant Madeleine de Scudéry, caractérise Louis XIV comme le « héros de toutes les saisons26 ». L’un des premiers ouvrages de propagande conçu en faveur du roi au sein de la Petite Académie spécifie du reste qu’« il est vrai que ces plaisirs sont tels [ceux de Versailles], que la force et l’adresse du Roy ne laissent pas d’y paraître, et que de ces jeux de paix il en fait un exercice qui ressemble à celui de la guerre27 ». La topique miraculeuse d’un roi bâtisseur de monuments extraordinaires engage en fin d’analyse un rapport au temps : Louis XIV n’est pas soumis aux vicissitudes du temps comme le sont ses sujets, car ses ordres sont immédiatement suivis par des effets.

    2. Dispositio miraculeuse opérée par un roi ordonnateur de constructions. Dans le cadre de son projet d’un obélisque monumental pour la cour du Louvre, Charles Perrault explique au sujet des monuments de l’Antiquité – monuments qu’il cherche ici à déprécier – qu’il faut : « demeurer d’accord que tout ce qu’il y a de plus merveilleux dans les édifices des anciens est plutôt l’effet du courage et de la persévérance des princes qui les ont fait bâtir que l’artifice de ceux qui y ont travaillé. […] Si on donnait lieu à nos ouvriers d’employer le temps et le soin exact qu’il faut pour le choix des matériaux et de tout ce qui, hors l’artifice, est nécessaire aux grands ouvrages, ils égaleraient tout ce que l’antiquité a jamais produit de plus accompli, puisque en effet on commence à avouer que le plus grand avantage qu’ait la peinture et l’architecture antique, est réduit à l’éclat des couleurs et à la grosseur et à la solidité des pierres28 […] ».

    20En d’autres mots, les monuments tels que les pyramides de l’Égypte ancienne sont de moindre valeur parce qu’ils sont seulement le produit d’efforts matériels hors du commun, ce qui est possible sous le règne de monarques injustes. Les Français, en revanche, paraissent capables d’ériger des structures aussi colossales qui se distinguent cependant par leur dispositio harmonieuse. Un avis identique peut-être trouvé dans le Mercure galant, qui cite un correspondant anonyme faisant l’éloge de la nouvelle église des Invalides :

    « Les merveilles du monde, qui ont été vantées dans tous les siècles, l’ont moins été par la délicatesse et par la beauté de leurs ouvrages, que par l’immensité de leur grandeur, en quoi consistait ce qu’elles avaient de plus rare. Il faut que les ouvrages d’aujourd’hui soient accompagnés d’un grand nombre de parties différentes, qui, en leurs espèces, sont autant de chefs d’œuvres différents ; c’est ce qui doit faire admirer l’Église des Invalides29 […]. »

    21La topique du roi-bâtisseur, autant dans sa dimension inventive qu’ordonnatrice du bâtiment monumental, s’engage également dans un rapport au temps : Louis XIV, suprême ordonnateur des bâtiments et artiste du fil de l’Histoire, dispose d’une vue providentielle sur le temps, et surtout sur le futur.

    22C’est ainsi que l’étonnante transformation du monument depuis la Renaissance s’expliquerait. Dans les récits d’entrées solennelles, les structures éphémères comme les arcs de triomphe et les obélisques étaient des supports pour des messages à déchiffrer, renvoyant à la pérennité des valeurs morales et éthiques du roi et des qualités de ses bonnes villes. Par la médiation de la rhétorique monumentale décrite ici, naissent des monuments où ces messages symboliques se réduisent à leur valeur d’ornements, car c’est l’effet monumental qui constitue le message politique.

    23Un tel changement transparaît dans les critiques de l’Académie Royale d’Architecture au sujet de l’arc de triomphe de la Place du Trône : « Si on jugeait à propos de changer le dessin qui est déjà fait pour l’arc de triomphe, on s’empêcherait bien d’orner la face de tant de colonnes, de tant de petits bas reliefs et autres ornements, qui ne font que diminuer la grandeur et de la majesté de l’ouvrage. » Ces ornements, vu leur nombre, semblaient avoir perdu leur spécificité, et avoir « quelque chose de mesquin ». Les médailles placées entre les colonnes en étaient réduites à leur valeur ornementale, car elles étaient illisibles. Certes, admet l’Académie, l’Arc serait un projet valable « si l’on ne considérait les ouvrages que par grandeur et leurs ornements30 ». Il est ici question d’ornement au sens de motif décoratif sans valeur esthétique et symbolique propre. Les messages symboliques qui ornaient les monuments de la Renaissance et de la culture humaniste se sont vidés de leur sens et multipliés dans la démesure architecturale.

    24D’autres exemples montrent comment cette logique monumentale peut-être portée jusqu’à des dimensions absurdes quand il s’agit de projets imaginaires. Émerge un genre d’éloge monumental de Louis XIV, manifestement curieux et incongru, mais en fait témoin d’une nouvelle manière d’envisager la persuasion politique. Le Mercure galant, en premier lieu, évoque la création d’un certain Monsieur Jaugeon, qui de sa province avait fait parvenir au journal le projet suivant :

    « [M. Jaugeon] a imaginé depuis sept ou huit mois une espèce de monument le plus beau et le plus auguste qui se soit vu dans toute l’Antiquité, et il renfermera d’une manière admirable toutes les victoires, les combats, et les prises de villes, qui font appeler le règne de Louis le Grand un règne de miracles et de prodiges. Ce monument marquera sans écriture, l’année, le mois et le jour où chaque chose se sera passée. On y verra dans leurs figures naturelles tous ceux qui auront eu part à ces grandes actions. Ce seront toutes figures emblématiques, qui passeront le nombre de mille, et qui faisant connaître les maisons de ceux qu’elles représentent, seront accompagnées de tout ce qu’il a de plus beau dans l’horlogerie, et de tout ce qu’on peut faire par le moyen de l’eau31. »

    25Il est fascinant de constater combien ce monument est un de ces théâtres de mémoire où sont consignées les actions glorieuses du roi. Signe des temps nouveaux, cette structure est parée d’un nombre invraisemblable de figures, et le tout forme un mécanisme comparable à une horloge ou à celui d’une fontaine. Le projet de Monsieur Jaugeon est en phase directe avec la modernité du règne de Louis le Grand. L’éloge du roi prononcé au sein de l’Académie Française par l’abbé Tallemant participe de la même rhétorique :

    « Déjà je vois s’élever un superbe arc de triomphe, et dans son immense grandeur, à peine peut-il contenir une partie de tant d’exploits mémorables, qui y seront représentées en mille manière ingénieuses, poétiques et agréables. Je m’imagine voir alentours tout le peuple amoureux, et attentif à regarder avec admiration la vive image de tant d’extraordinaires événements [La Hollande éplorée, le passage du Rhin, la prise de Maastricht, etc.]. […] Mille nobles inscriptions accompagneront ces magnifiques monuments, et apprendront à la postérité la plus éloignée, que lorsque la Fortune et la Victoire offraient à Louis le Grand toutes les couronnes de ses ennemis, par une bonté et une modération sans exemple, il a donné libéralement la Paix à toute l’Europe32. »

    26On constate ici aussi une inflation monumentale : le monument est hors d’échelle, et cette taille est manifestée par un nombre démesuré d’ornements qui, perdant leur valeur intrinsèque, deviennent de purs ornements.

    27S’il est un office de propagande sous Louis XIV, c’est donc bien celui de la Petite Académie centrée autour de Jean Chapelain à partir de 1663, et rassemblant notamment de grands commis de l’État comme André Félibien ou Charles Perrault. L’Histoire de l’académie royale des inscriptions et belles lettres précise que :

    « Le Roi regarda donc comme un avantage pour la nation l’établissement d’une académie qui travaillerait aux inscriptions, aux devises, aux médailles, et qui répandrait sur tous ces monuments le bon goût et la simplicité qui en font le véritable prix33. »

    28C’est au sein de ce groupe que se serait élaborée la rhétorique dont je parle. Au premier titre je placerais une lettre essentielle de Chapelain à Colbert le 18 novembre 1662, programme de propagande s’il en est car cette lettre répondait à la question fondamentale : comment faut-il parler du roi ? Si Chapelain reconnaît que les médailles font d’excellents supports pour louer le roi car elles survivent remarquablement aux vicissitudes de l’Histoire, ce sont les vers qui se défendent le mieux contre « l’injure du temps ». Cependant, Chapelain évoque des difficultés d’un autre ordre :

    « Il est pourtant fâcheux que les merveilles que Sa Majesté a déjà faites en si grand nombre, et qu’elle fera à l’avenir en plus grand nombre encore selon le train qu’elle prend, aient le malheur de ne pouvoir être traitées dans un poème narratif parce que la poésie ne se distingue de l’histoire que par les fictions34. »

    29Parce que les épopées sont des œuvres de fiction, mettant en scène de nombreux épisodes où brille le merveilleux, sinon le surnaturel, tout en présentant une narration souvent semblable à l’histoire réelle, louer le roi sur un mode épique risque de faire passer ses exploits pour des fictions, d’autant que ces actions tiennent presque du merveilleux. Pour Chapelain, le style épique appliqué à la louange du roi risquait de verser dans l’invraisemblance, et de passer pour de la propagande. Chapelain conclut sa lettre en évoquant les autres monuments susceptibles d’immortaliser la gloire de Louis XIV, tels que les pyramides, les colonnes, les statues équestres, les colosses ou les arcs de triomphe.

    30La Petite Académie oubliera vite les doutes de Chapelain et les sages précautions qu’ils invitaient à suivre. Les monuments de pierre s’élèveront dans toute la France pour célébrer Louis XIV, et ce sera la tâche de la Petite Académie que d’immortaliser ces œuvres en en fixant la grandeur dans des textes, textes sujets à une rhétorique d’inspiration épique où l’énonciation merveilleuse détermine l’elocutio et la dispositio.

    31Boileau, au début de la Querelle des Anciens et des Modernes, se retrouve à formuler le même genre de doute concernant la meilleure manière de louer le roi :

    « Quand ils [orateurs et poètes] écriront que sa conduite est maîtresse des événements, que la Fortune n’oserait contredire ses desseins ; quand ils le peindront à la tête de ses armées, marchant à pas de géant au travers des fleuves et des montagnes, foudroyant les remparts, brisant les rocs, terrassant tout ce qui s’oppose à sa rencontre : ces expressions paraîtront sans doute grandes, riches, nobles, accommodées au sujet ; mais, en les admirant, on ne se croira point obligé d’y ajouter foi, et la vérité sous ces ornements pompeux pourra aisément être désavouée ou méconnue35. »

    32Conseils judicieux venant d’une figure majeure parmi les Anciens, peut-être, et propres à nous rassurer sur la capacité critique de l’esprit humain à discerner le vrai du faux dans la propagande. Mais quand on considère à quel point l’affect monumental reste intimement lié à l’expression du pouvoir et de la souveraineté (pensons aux nouveaux projets d’urbanisme de certains potentats d’Asie centrale), on comprend que la propagande par le monumentalisme est très efficace. C’est un affect puissant qui sait diriger le regard des spectateurs depuis la mémoire partagée du passé et la vérité du présent, vers le futur des promesses de progrès36. La scène monumentale favorise une manière d’être ; au xviie siècle, elle investit la sphère affective humaine en se liant à un message politique.

    Notes de bas de page

    1 Félibien André, Description sommaire du château de Versailles, dans Recueil de descriptions de peintures et d’autres ouvrages faits pour le Roy, Paris, Mabre/Cramoisy, 1689 ; réédition Genève, Minkoff 1973, p. 279 : « Il est bon de remarquer d’abord, que comme le soleil est la devise du roi, et que les poètes confondent le soleil et Apollon, il n’y a rien dans cette superbe maison qui n’ait rapport à cette divinité : aussi toutes les figures et les ornements qu’on y voit, n’étant point placés au hazard, ils ont relation ou au soleil, ou aux lieux particuliers où ils sont mis. » La liste des lectures allégoriques du château étant trop longue pour être présentée ici, mentionnons simplement les problèmes d’interprétation posés par la fontaine du Bassin du Dragon, placée dans la perspective de l’Allée d’Eau : la fontaine représenterait la victoire de Louis XIV sur les désordres de la Fronde. Pourtant Félibien ne souffle mot de cette signification, alors que d’autres documents y voient une signification entièrement différente. Il n’est alors pas étonnant que Thomas Hesdin remarque : « we have been taking the Dragon Fountain much too seriously », « The Petite Commande of 1664: Burlesque in the Gardens of Versailles », Art Bulletin, vol. 83, no 4, 2001, p. 651-685 ; sur ces enjeux d’interprétation et pour une analyse de la gloire louis-quatorzienne déployée dans son palais, Sabatier Gérard, Versailles ou la disgrâce d’Apollon, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017.

    2 Sarmant Thierry, Les demeures du Soleil : Louis XIV, Louvois et la surintendance des bâtiments du roi, Seyssel, Champ Vallon, 2003, p. 185.

    3 Voir, par exemple, les plans intitulés Nouveau Paris Monumental. Itinéraire pratique de l’étranger dans Paris, édités par Garnier à partir de 1885 et consultables sur le site Gallica, [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53058365c], consulté le 14 janvier 2021.

    4 Cité par Autin Jean, Louis XIV architecte, Paris, Éditions Lanore, 2015, p. 16. Sur Claude Perrault, on consultera l’ouvrage de Picon Antoine, Claude Perrault, 1613-1688, ou, la curiosité d’un classique, Paris, Picard, 1988.

    5 Cet arc était appelé aussi Arc de la Place du Trône parce qu’il devait être construit là où se trouvait le dais de la reine Marie-Thérèse lors de l’entrée solennelle de 1660, c’est-à-dire sur l’actuelle Place de la Nation. Nous revenons plus loin sur cette entrée de 1660.

    6 Chapelain Jean, « Lettre à Wagenseil du 1er août 1669 », dans Lettres, Paris, Imprimerie nationale, 1880-1883, 2 vol., t. II, p. 658-659.

    7 Perrault Charles, Le cabinet des Beaux-Arts, Paris, Gérard Edelinck, 1690, p. 39-40.

    8 Norbert-Schulz Christian, Genius Loci. Paysage, ambiance, architecture, Bruxelles, P. Mardaga, 1989. Heidegger Martin, « Bâtir Habiter Penser », dans Essais et Conférences, Paris, Gallimard, 1980, p. 170-193 ; Bataille Georges, « Architecture », dans Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1970, 3 vol., t. I, p. 171 ; Lefebvre Henri, La production de l’espace, Paris, Anthropos, 1974.

    9 Félibien André, Des principes de l’architecture, de la sculpture, de la peinture et des autres arts qui en dépendent avec un dictionnaire des termes propres à chacun de ces arts, Paris, J.-B. Coignard, 1676, p. 3.

    10 Félibien André, « Dissertation », in Les plans et descriptions de deux des plus belles maisons de Pline le Consul, Londres, D. Mortimer, 1707 (1669), p. 125.

    11 Procès-verbaux de l’Académie royale d’Architecture 1671-1793, publiés par la Société de l’histoire de l’art français sous le patronage de l’Académie des beaux-arts, 9 vol., t. I, p. 287.

    12 Dufrenne Mikel, Phénoménologie de l’expérience esthétique, Paris, Presses universitaires de France, 1953, 2 vol., t. I, p. 205 : « En se reliant au monde au lieu de s’en séparer, l’œuvre architecturale annexe ce monde et l’esthétise. Par la magie du château, à Versailles, le parc, et le ciel, et la ville, reçoivent une qualité nouvelle ; je ne peux plus les percevoir comme des objets ordinaires. Même l’histoire, dont le monument me parle peut-être, est promue à la dignité esthétique. » Voir dans cet ordre d’idées, Mariage Thierry, L’univers d’André Le Nostre, Bruxelles, P. Mardaga, 1990.

    13 L’Entrée triomphante de leurs majestés Louis XIV Roy de France et Marie Thérèse d’Autriche son épouse, dans la ville de Paris, capitale de leurs royaumes, au retour de la signature de la paix générale et de leur heureux mariage, Paris, Le Petit, Joly et Bilaine, 1660, p. 24.

    14 Ibid., p. 21.

    15 Mercure galant, octobre 1678, p. 271.

    16 Furetière Antoine, Dictionnaire universel, La Haye, A. et R. Leers, 1690, article « Machine ».

    17 Dictionnaire de l’Académie française, à Paris, chez la Veuve de Jean-Baptiste Coignard, Imprimeur ordinaire du Roy & de l’Académie Françoise, 1694, article « Monument ».

    18 Spica Anne-Élisabeth, « Les Rêveries du Promeneur enchanté. Symbole, allégorie et merveilleux dans le premier Versailles de Louis XIV (1664-1683) », XVIIe siècle, no 184, 1994, p. 444-445 : « On a souvent dit, à juste titre, que les années 1660-1680 marquaient le passage d’un discours mythologique “ancien” à un discours historique “moderne” du roi, évacuant les figures symboliques des dieux de la fable, asservissant le mythe à la chronique “mythistorique” de la geste royale. Suivre l’évolution de la valeur accordée à ce que l’on désigne sous le nom de “merveilleux” aide à mieux comprendre les changements symboliques à Versailles. » La référence à la « mythistoire » renvoie ici au livre séminal : Apostolidès Jean-Marie, Le roi-machine. Spectacle et politique au temps de Louis XIV, Paris, Éditions de Minuit, 1981.

    19 Alberti Leon Battista, L’art d’édifier, Pierre Caye, Paris, Françoise Choay éd., 2004 (éd. originale : De re aedificatoria, Florence, 1485).

    20 Laval Antoine de, Des Peintures convenables aux Basiliques et palais du Roy, et mesme à sa gallerie du Louvre, dans Desseins des professions nobles et publiques, Paris, chez Abel Langelier, 1605, p. 446 : « L’œil et l’esprit amateurs d’artifices singuliers y aura une leçon perpétuelle, et recevra grande instruction d’y avoir en peu de mots aux éloges et inscriptions un sommaire des faits de chaque roi. Qui est justement réduire en abrégé tout ce que qui est de plus mémorable en l’histoire de France, et le présenter à l’œil, qui en se promenant, aidé de ces belles figures pour mémoire locale, le rapportera si vivement à l’esprit, que malaisément s’en effacera-t-il jamais. »

    21 Combes Sieur de et Morellet Laurent, Description de ce qu’il y a de remarquable dans les maisons royales de Versailles et de celle de Monsieur à Saint-Cloud, Paris, B. C. Nego, 1681, n. p.

    22 Souligné par nos soins. Félibien André, « Description », dans Recueil de descriptions de peintures, op. cit., p. 349.

    23 Perrault Charles, Parallèle des Anciens et des Modernes en ce qui regarde la poésie, à Paris chez la Veuve de Jean Bapt. Coignard et Jean Baptiste Coignard Fils, 1692, t. III, 4e dialogue, p. 249.

    24 Scudéry Madeleine de, La promenade de Versailles, Paris, Barbin, 1669.

    25 Cornette Joël, Le roi de guerre. Essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle, Paris, Payot, 1993.

    26 Le Laboureur Louis, La promenade de Saint-Germain, Paris, 1669, reproduit dans Revue universelle des arts, 1863, p. 320.

    27 Felibien André, « Les quatre saisons », dans Recueil de descriptions de peintures, op. cit., p. 153. Voir aussi Tallemant Paul, « Panégyrique du Roy prononcé le 25 août 1673 », in Pierre Zoberman, Les panégyriques du roi, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 1991, p. 116.

    28 Perrault Charles, Mémoires de ma vie, Paris, Macula, 1993, p. 261-262.

    29 Mercure galant, septembre 1706, p. 258-259.

    30 Procès-verbaux de l’Académie Royale d’Architecture, op. cit., t. II, p. 100-101.

    31 Mercure galant, octobre 1678, p. 131-132.

    32 Tallemant Paul, Panégyrique du Roi sur la paix, prononcé le 25 août 1679, [http://www.academie-francaise.fr/panegyrique-du-roi-sur-la-paix], consulté le 14 janvier 2021.

    33 Gros de Boze Claude, Histoire de l’Académie royale des inscriptions et belles lettres, Paris, H.-L. Guérin, 1740, vol. 1, p. 2.

    34 Chapelain Jean, lettre à Colbert du 18 novembre 1662, dans Lettres, op. cit., t. II, p. 274. Voir aussi la lettre de Pellisson à Colbert, 1671, dans Lettres, instructions et mémoires de Colbert, publiés d’après les ordres de l’empereur sur la proposition de son excellence M. Magne, ministre secrétaire d’État des Finances par Pierre Clément, membre de l’Institut, Paris, Imprimerie impériale, 1861-1873, 10 vol., t. V, « Fortifications. Sciences, Lettres, Beaux-Arts, Bâtiments », p. 531-532.

    35 Boileau Nicolas, « Discours prononcé le 3 juillet 1684 par M. Boileau-Despréaux lorsqu’il fut reçu à l’Académie à la place de M. de Bezons, Conseiller d’État », [http://www.academie-francaise.fr/discours-de-reception-et-reponse-de-pierre-cureau-de-la-chambre-1], consulté le 14 janvier 2021.

    36 Cet article voulait offrir une vue synthétique d’un travail de recherche entrepris depuis longtemps. Je me permets de renvoyer, entre autres, à deux publications précédentes : « Claude-François Menestrier and the Querelle des Anciens et des Modernes », Biblio 17, no 71, 2009, p. 507-514 ; « La description des Grandes Cascades de Saint-Cloud », in Clothilde Thouret et Lise Wajeman (dir.), Corps et interprétation (xvie-xviiie siècles), Amsterdam, Rodopi, 2012, p. 95-105.

    Auteur

    • Jean-Vincent Blanchard
      Jean-Vincent Blanchard est professeur d’études françaises à Swarthmore College (Pennsylvanie). Dans la perspective de l’histoire de la rhétorique, il s’intéresse à l’idée d’État au xviie siècle. À ce sujet, il prépare un article sur la correspondance entre Louis XIII et Marie de Médicis pendant l’épisode de la « Guerre de la Mère et du Fils » (1619-1620), de même qu’un livre sur l’idée de monumentalité sous Louis XIV – l’article publié dans ce volume donne un aperçu de ce projet. Il a participé par ailleurs à une édition digitale de La Princesse de Clèves – comprenant une traduction en anglais du roman de la comtesse de La Fayette, assortie d’un dossier pédagogique en humanités numériques – à paraître en 2022.
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    1 Félibien André, Description sommaire du château de Versailles, dans Recueil de descriptions de peintures et d’autres ouvrages faits pour le Roy, Paris, Mabre/Cramoisy, 1689 ; réédition Genève, Minkoff 1973, p. 279 : « Il est bon de remarquer d’abord, que comme le soleil est la devise du roi, et que les poètes confondent le soleil et Apollon, il n’y a rien dans cette superbe maison qui n’ait rapport à cette divinité : aussi toutes les figures et les ornements qu’on y voit, n’étant point placés au hazard, ils ont relation ou au soleil, ou aux lieux particuliers où ils sont mis. » La liste des lectures allégoriques du château étant trop longue pour être présentée ici, mentionnons simplement les problèmes d’interprétation posés par la fontaine du Bassin du Dragon, placée dans la perspective de l’Allée d’Eau : la fontaine représenterait la victoire de Louis XIV sur les désordres de la Fronde. Pourtant Félibien ne souffle mot de cette signification, alors que d’autres documents y voient une signification entièrement différente. Il n’est alors pas étonnant que Thomas Hesdin remarque : « we have been taking the Dragon Fountain much too seriously », « The Petite Commande of 1664: Burlesque in the Gardens of Versailles », Art Bulletin, vol. 83, no 4, 2001, p. 651-685 ; sur ces enjeux d’interprétation et pour une analyse de la gloire louis-quatorzienne déployée dans son palais, Sabatier Gérard, Versailles ou la disgrâce d’Apollon, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017.

    2 Sarmant Thierry, Les demeures du Soleil : Louis XIV, Louvois et la surintendance des bâtiments du roi, Seyssel, Champ Vallon, 2003, p. 185.

    3 Voir, par exemple, les plans intitulés Nouveau Paris Monumental. Itinéraire pratique de l’étranger dans Paris, édités par Garnier à partir de 1885 et consultables sur le site Gallica, [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53058365c], consulté le 14 janvier 2021.

    4 Cité par Autin Jean, Louis XIV architecte, Paris, Éditions Lanore, 2015, p. 16. Sur Claude Perrault, on consultera l’ouvrage de Picon Antoine, Claude Perrault, 1613-1688, ou, la curiosité d’un classique, Paris, Picard, 1988.

    5 Cet arc était appelé aussi Arc de la Place du Trône parce qu’il devait être construit là où se trouvait le dais de la reine Marie-Thérèse lors de l’entrée solennelle de 1660, c’est-à-dire sur l’actuelle Place de la Nation. Nous revenons plus loin sur cette entrée de 1660.

    6 Chapelain Jean, « Lettre à Wagenseil du 1er août 1669 », dans Lettres, Paris, Imprimerie nationale, 1880-1883, 2 vol., t. II, p. 658-659.

    7 Perrault Charles, Le cabinet des Beaux-Arts, Paris, Gérard Edelinck, 1690, p. 39-40.

    8 Norbert-Schulz Christian, Genius Loci. Paysage, ambiance, architecture, Bruxelles, P. Mardaga, 1989. Heidegger Martin, « Bâtir Habiter Penser », dans Essais et Conférences, Paris, Gallimard, 1980, p. 170-193 ; Bataille Georges, « Architecture », dans Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1970, 3 vol., t. I, p. 171 ; Lefebvre Henri, La production de l’espace, Paris, Anthropos, 1974.

    9 Félibien André, Des principes de l’architecture, de la sculpture, de la peinture et des autres arts qui en dépendent avec un dictionnaire des termes propres à chacun de ces arts, Paris, J.-B. Coignard, 1676, p. 3.

    10 Félibien André, « Dissertation », in Les plans et descriptions de deux des plus belles maisons de Pline le Consul, Londres, D. Mortimer, 1707 (1669), p. 125.

    11 Procès-verbaux de l’Académie royale d’Architecture 1671-1793, publiés par la Société de l’histoire de l’art français sous le patronage de l’Académie des beaux-arts, 9 vol., t. I, p. 287.

    12 Dufrenne Mikel, Phénoménologie de l’expérience esthétique, Paris, Presses universitaires de France, 1953, 2 vol., t. I, p. 205 : « En se reliant au monde au lieu de s’en séparer, l’œuvre architecturale annexe ce monde et l’esthétise. Par la magie du château, à Versailles, le parc, et le ciel, et la ville, reçoivent une qualité nouvelle ; je ne peux plus les percevoir comme des objets ordinaires. Même l’histoire, dont le monument me parle peut-être, est promue à la dignité esthétique. » Voir dans cet ordre d’idées, Mariage Thierry, L’univers d’André Le Nostre, Bruxelles, P. Mardaga, 1990.

    13 L’Entrée triomphante de leurs majestés Louis XIV Roy de France et Marie Thérèse d’Autriche son épouse, dans la ville de Paris, capitale de leurs royaumes, au retour de la signature de la paix générale et de leur heureux mariage, Paris, Le Petit, Joly et Bilaine, 1660, p. 24.

    14 Ibid., p. 21.

    15 Mercure galant, octobre 1678, p. 271.

    16 Furetière Antoine, Dictionnaire universel, La Haye, A. et R. Leers, 1690, article « Machine ».

    17 Dictionnaire de l’Académie française, à Paris, chez la Veuve de Jean-Baptiste Coignard, Imprimeur ordinaire du Roy & de l’Académie Françoise, 1694, article « Monument ».

    18 Spica Anne-Élisabeth, « Les Rêveries du Promeneur enchanté. Symbole, allégorie et merveilleux dans le premier Versailles de Louis XIV (1664-1683) », XVIIe siècle, no 184, 1994, p. 444-445 : « On a souvent dit, à juste titre, que les années 1660-1680 marquaient le passage d’un discours mythologique “ancien” à un discours historique “moderne” du roi, évacuant les figures symboliques des dieux de la fable, asservissant le mythe à la chronique “mythistorique” de la geste royale. Suivre l’évolution de la valeur accordée à ce que l’on désigne sous le nom de “merveilleux” aide à mieux comprendre les changements symboliques à Versailles. » La référence à la « mythistoire » renvoie ici au livre séminal : Apostolidès Jean-Marie, Le roi-machine. Spectacle et politique au temps de Louis XIV, Paris, Éditions de Minuit, 1981.

    19 Alberti Leon Battista, L’art d’édifier, Pierre Caye, Paris, Françoise Choay éd., 2004 (éd. originale : De re aedificatoria, Florence, 1485).

    20 Laval Antoine de, Des Peintures convenables aux Basiliques et palais du Roy, et mesme à sa gallerie du Louvre, dans Desseins des professions nobles et publiques, Paris, chez Abel Langelier, 1605, p. 446 : « L’œil et l’esprit amateurs d’artifices singuliers y aura une leçon perpétuelle, et recevra grande instruction d’y avoir en peu de mots aux éloges et inscriptions un sommaire des faits de chaque roi. Qui est justement réduire en abrégé tout ce que qui est de plus mémorable en l’histoire de France, et le présenter à l’œil, qui en se promenant, aidé de ces belles figures pour mémoire locale, le rapportera si vivement à l’esprit, que malaisément s’en effacera-t-il jamais. »

    21 Combes Sieur de et Morellet Laurent, Description de ce qu’il y a de remarquable dans les maisons royales de Versailles et de celle de Monsieur à Saint-Cloud, Paris, B. C. Nego, 1681, n. p.

    22 Souligné par nos soins. Félibien André, « Description », dans Recueil de descriptions de peintures, op. cit., p. 349.

    23 Perrault Charles, Parallèle des Anciens et des Modernes en ce qui regarde la poésie, à Paris chez la Veuve de Jean Bapt. Coignard et Jean Baptiste Coignard Fils, 1692, t. III, 4e dialogue, p. 249.

    24 Scudéry Madeleine de, La promenade de Versailles, Paris, Barbin, 1669.

    25 Cornette Joël, Le roi de guerre. Essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle, Paris, Payot, 1993.

    26 Le Laboureur Louis, La promenade de Saint-Germain, Paris, 1669, reproduit dans Revue universelle des arts, 1863, p. 320.

    27 Felibien André, « Les quatre saisons », dans Recueil de descriptions de peintures, op. cit., p. 153. Voir aussi Tallemant Paul, « Panégyrique du Roy prononcé le 25 août 1673 », in Pierre Zoberman, Les panégyriques du roi, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 1991, p. 116.

    28 Perrault Charles, Mémoires de ma vie, Paris, Macula, 1993, p. 261-262.

    29 Mercure galant, septembre 1706, p. 258-259.

    30 Procès-verbaux de l’Académie Royale d’Architecture, op. cit., t. II, p. 100-101.

    31 Mercure galant, octobre 1678, p. 131-132.

    32 Tallemant Paul, Panégyrique du Roi sur la paix, prononcé le 25 août 1679, [http://www.academie-francaise.fr/panegyrique-du-roi-sur-la-paix], consulté le 14 janvier 2021.

    33 Gros de Boze Claude, Histoire de l’Académie royale des inscriptions et belles lettres, Paris, H.-L. Guérin, 1740, vol. 1, p. 2.

    34 Chapelain Jean, lettre à Colbert du 18 novembre 1662, dans Lettres, op. cit., t. II, p. 274. Voir aussi la lettre de Pellisson à Colbert, 1671, dans Lettres, instructions et mémoires de Colbert, publiés d’après les ordres de l’empereur sur la proposition de son excellence M. Magne, ministre secrétaire d’État des Finances par Pierre Clément, membre de l’Institut, Paris, Imprimerie impériale, 1861-1873, 10 vol., t. V, « Fortifications. Sciences, Lettres, Beaux-Arts, Bâtiments », p. 531-532.

    35 Boileau Nicolas, « Discours prononcé le 3 juillet 1684 par M. Boileau-Despréaux lorsqu’il fut reçu à l’Académie à la place de M. de Bezons, Conseiller d’État », [http://www.academie-francaise.fr/discours-de-reception-et-reponse-de-pierre-cureau-de-la-chambre-1], consulté le 14 janvier 2021.

    36 Cet article voulait offrir une vue synthétique d’un travail de recherche entrepris depuis longtemps. Je me permets de renvoyer, entre autres, à deux publications précédentes : « Claude-François Menestrier and the Querelle des Anciens et des Modernes », Biblio 17, no 71, 2009, p. 507-514 ; « La description des Grandes Cascades de Saint-Cloud », in Clothilde Thouret et Lise Wajeman (dir.), Corps et interprétation (xvie-xviiie siècles), Amsterdam, Rodopi, 2012, p. 95-105.

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    Blanchard, J.-V. (2022). La rhétorique de l’architecture monumentale au xviie siècle. In I. Boitel & Y. Lignereux (éds.), Convaincre, persuader, manipuler (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.163759
    Blanchard, Jean-Vincent. « La rhétorique de l’architecture monumentale au xviie siècle ». In Convaincre, persuader, manipuler, édité par Isaure Boitel et Yann Lignereux. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2022. https://doi.org/10.4000/books.pur.163759.
    Blanchard, Jean-Vincent. « La rhétorique de l’architecture monumentale au xviie siècle ». Convaincre, persuader, manipuler, édité par Isaure Boitel et Yann Lignereux, Presses universitaires de Rennes, 2022, https://doi.org/10.4000/books.pur.163759.

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    Format

    Boitel, I., & Lignereux, Y. (éds.). (2022). Convaincre, persuader, manipuler (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.163676
    Boitel, Isaure, et Yann Lignereux, éd. Convaincre, persuader, manipuler. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2022. https://doi.org/10.4000/books.pur.163676.
    Boitel, Isaure, et Yann Lignereux, éditeurs. Convaincre, persuader, manipuler. Presses universitaires de Rennes, 2022, https://doi.org/10.4000/books.pur.163676.
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