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    Plan détaillé Texte intégral Histoire d’une notion La propagande, « concept nomade » Questionnements Notes de bas de page Auteurs

    Convaincre, persuader, manipuler

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Introduction

    Isaure Boitel et Yann Lignereux

    p. 9-22

    Texte intégral Histoire d’une notion La propagande, « concept nomade » Questionnements Notes de bas de page Auteurs

    Texte intégral

    1Alors qu’en 1603 paraît pour la première fois l’édition illustrée de l’Iconologia de Cesare Ripa, le graveur flamand Jacques de Bie donne corps à l’allégorie de la Persuasion en suivant fidèlement la description fournie par l’auteur italien1 (fig. 1).

    Fig. 1. – Persuasion, gravure de Jacques de Bie extraite de l’Iconologie, 1636, p. 184.

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    2Incarnée par une femme dont les jambes sont prisonnières de cordes dorées, la Persuasion se distingue par l’originalité d’une coiffure ornée d’une langue et d’un œil, en parfait contraste avec la simplicité de ses vêtements. Un des liens qui l’entravent lui sert à tenir en laisse une créature tricéphale, sorte de Cerbère, pourvue de têtes de chien, de chat et de singe. Savante, la figuration est cependant qualifiée de « bizarre » par l’érudit italien qui détaille la signification des différents attributs de l’allégorie :

    « Et comme l’œil se peut dire la fenestre par où Ame voit ; la parole en est une aussi, par où elle est veuë des autres. Les cordages d’or qui luy ceignent le corps, monstrent que par la force de l’Eloquence l’homme peut lier en quelque sorte les volontez d’autruy, & les tenir en arrest par le moyen de la Persuasion. L’Animal à trois testes signifie, que trois choses sont necessaires à celuy qui veut persuader quelqu’un. La premiere, de s’insinuër en la bienveillance de son Auditeur ; ce qui est denoté par le Chien, qui flatte & caresse pour ses interests. La seconde, de le rendre docile, en luy faisant nettement comprendre ce qu’il luy veut persuader : dequoy sert d’exemple le Singe, pource qu’il semble estre celuy de tous les animaux qui comprend le mieux les pensees des hommes. Et la troisiesme, de le réduire à estre attentif, à l’imitation du Chat, qui l’est grandement en tout ce qu’il fait2. »

    3L’utilisateur de l’Iconologia comprend alors qu’en usant de l’esprit et de l’art de bien parler, il est possible de toucher autrui au point de le convaincre et que, pour parvenir à cette fin, il faut non seulement enjôler son auditeur mais aussi l’amadouer et l’intéresser. Et de finir en ajoutant : « Que si l’Orateur ne sçait agir avecque les conditions que je viens de dire, ou il ne gaigne rien du tout sur l’esprit de son Auditeur, ou du moins il n’avance pas beaucoup3. » À lire cette conclusion, la persuasion est considérée comme une conquête sur l’esprit du récepteur du discours, une sorte d’emprise résultant d’un rapport de force entre deux consciences. Une telle conception traduit le déséquilibre de la relation établie par les deux interlocuteurs, l’un, actif, devant parvenir à avoir un ascendant sur l’autre, passif récepteur, doté cependant d’un « esprit » possiblement critique.

    4De plus, en bon pédagogue humaniste, Ripa associe persuasion, éloquence et rhétorique. Animalisés sous la forme d’un chien, d’un chat et d’un singe, les trois moyens auxquels recourt un individu pour persuader son prochain sont similaires à ceux en usage dans l’art rhétorique ; l’exorde d’un discours cherchant à rendre les auditeurs attentifs, bienveillants et dociles4. Remarquons également que les cordes dorées parant l’allégorie ne sont pas sans rappeler les chaînes de l’éloquence de l’Hercule Gaulois, liens par lesquels ce dernier parvient à contraindre librement les hommes5. La figure mythique, que les thuriféraires se plaisent à associer aux rois de France tout au long du xvie siècle, affirme la puissance politique de la parole et les facultés civilisatrices du héros.

    5Il en est ainsi dans la relation de l’Entrée de Henri II, imprimée en 1549, où est reproduite une gravure de l’arc de triomphe éphémère élevé à l’occasion de la cérémonie6 (fig. 2).

    Fig. 2. – Arc de triomphe placé à la Porte Saint-Denis et érigé lors de l’Entrée royale d’Henri II à Paris du 16 juin 1549, gravure, in Jean Martin, C’est l’ordre qui a este tenu a la nouvelle et ioyeuse entrée, que treshault, tresexcellent, et trespuissant Prince, le Roy treschrestien Henry deuzieme de ce nom a faicte en sa bonne ville et cite de Paris,… le sezieme iour de Iuing M. D. XLIX, Paris, J. Dallier, 1549, fo 4.

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    6Surplombant l’ensemble, la statue de François Ier-Hercule s’est attachée la fidélité de quatre personnages – un clerc, un conseiller, un soldat et un vigneron – grâce aux chaînes de l’éloquence. Sous la clé de l’arc, nous précise l’auteur, pend un tableau à fond noir sur lequel un quatrain, écrit en lettres d’or, porte la parole posthume de François Ier :

    Pour ma douce éloquence & royale bonté
    Chacun prenoit plaisir à m’honorer & suyvre :
    Chacun voyant aussi mon successeur m’ensuyvre,
    L’honore & suyt, contrainct de franche volunté7.

    7Si l’éloquence est une qualité par laquelle une personne en influence une autre au point de la rallier à son avis et de susciter son approbation, dans les deux figures précédemment évoquées l’objet exprimant ce nouvel attachement est une chaine ou une corde, autrement dit un symbole d’asservissement. Cette manière de représenter l’art oratoire correspond parfaitement à la dénotation coercitive charriée par le mot « persuasion », considéré jusqu’à la fin du xviie siècle comme le fait d’« obliger quelqu’un à croire quelque chose8 ». Ainsi, dans son acception ancienne, persuader consiste à assujettir autrui, à l’aliéner, à le manipuler9. Appliquée au domaine politique et à la diffusion d’idées partisanes auprès d’un large public, la persuasion ressemble à de nombreux égards à un concept contemporain, à la plasticité inouïe : la propagande.

    Histoire d’une notion

    8Initialement employé en biologie pour traiter de la reproduction des plantes et des animaux, le terme latin « propaganda » – dérivé du verbe propagare, c’est-à-dire « propager, répandre comme un liquide » – commence à imprégner le domaine religieux à la fin du xvie siècle. Luttant contre la vague de réformes déferlant sur la Chrétienté depuis la publication des 95 thèses de Luther en 1517 et désireux de (re)conquérir les consciences de ceux qu’ils considèrent comme païens, schismatiques, hérétiques ou infidèles, les souverains pontifes de la seconde moitié du xvie siècle favorisent différentes entreprises missionnaires à travers le monde. Cette succession d’initiatives éphémères conduites dans un contexte de Contre-Réforme catholique participe de la fondation, en 1622, d’une institution à vocation pérenne et universelle : la Sacra Congregatio de propaganda Fide10. Grégoire XV, qui souhaite affirmer par cette mesure sa primauté en matière de diffusion du catholicisme, poursuit alors l’ambition de convertir les âmes en envoyant des prédicateurs répandre la vraie foi. À cette date, le terme « propagande » n’est employé que dans la sphère spirituelle mais contient déjà un certain nombre de caractères spécifiques aux procédés de propagande contemporains. Il s’agit en effet d’une organisation centralisée chargée de diffuser largement une idéologie par le biais d’outils et de médias variés.

    9En France, le mot n’investit la sphère politique qu’à la fin du xviiie siècle, en pleine période révolutionnaire. Il s’entend alors comme une « association ayant pour but de propager certaines opinions (surtout politiques11) », un regroupement d’individus dont l’action consiste à organiser une communication efficace assurant la diffusion d’une idéologie. Certains rassemblements revendiquent même cette appellation telle la « confrérie de la Sainte Propagande » qui se charge de populariser les idées révolutionnaires dans les villages alsaciens dès l’hiver 1793-179412. Tout au long du xixe siècle, des organismes officiels et officieux sont investis de missions de promotion partisane sans que cela ne porte atteinte au sens du terme. Cependant, au début du xxe siècle, le vocable se teinte de noir pour revêtir une connotation négative dont il a du mal à se défaire encore aujourd’hui13. Il tend désormais davantage vers l’entreprise de persuasion abusive, de séduction féroce ou, pour l’écrire autrement, de manipulation des masses. « Mot disgracié », la propagande devient synonyme de désinformation, d’intox, de « bourrage de crâne14 ». Cette dévaluation du terme n’a fait que croitre au xxe siècle alors que les régimes totalitaires deviennent les champions de la mise en œuvre de cette notion et alors que s’affirme un nouvel individualisme selon lequel chacun doit se faire ses propres opinions par lui-même15. La propagande se mue en « viol de masse » pour Serge Tchakhotine, sociologue dont la réflexion s’impose en France à partir des années cinquante16.

    10À cette évolution sémantique dépréciative s’ajoute une autre difficulté : celle de l’appropriation du concept par les historiens des mondes anciens, médiévaux et modernes. Nul ne niera la pertinence de la notion pour l’histoire contemporaine ni pour l’histoire du temps présent, à l’heure des mass-médias, des enquêtes d’opinion et de la généralisation en politique du « formatage » des esprits17. Nos démocraties occidentales en sont aussi le théâtre, victimes de fake-news, de théories complotistes au point que plusieurs érudits les voient sombrer dans un « nouveau régime de […] vérité » : l’ère de la post-vérité18.

    11Cependant, pour des périodes antérieures, l’emploi répandu de ce concept fait toujours débat entre ceux qui en défendent la pertinence et ceux qui le considèrent comme un pur anachronisme, « péché des péchés » de l’historien selon Lucien Febvre19. Plusieurs auteurs ont souligné que, dans de nombreux cas, des œuvres dites « de propagande » car porteuses d’un discours politique péremptoire ne s’adressaient qu’à un public extrêmement restreint en raison de leur exposition confidentielle et/ou de leur contenu difficilement déchiffrable. Ainsi, Paul Veyne, réagissant à la publication du volume collectif Iconographie, propagande et légitimation de la collection « les origines de l’État moderne en Europe », proposait d’employer le terme d’apparat, distinguant « l’exhibition du pouvoir » de la recherche de persuasion20. L’antiquiste mettait en garde les spécialistes : « Ce mot est trompeur ; loin de faire mieux comprendre les faits antiques en les rapprochant d’une réalité qui nous est plus familière, il méconnaît la mentalité politique d’autrefois21. » D’autres chercheurs invitent à la prudence car une telle interprétation des productions littéraires et artistiques exaltant le pouvoir réduit les créateurs à de simples passeurs d’idées enfermés dans une relation de patronage complètement univoque. Certains pointent aussi les dangers de l’étiquetage abusif car il sous-entend qu’il y aurait d’un côté des œuvres visant à convaincre les foules et de l’autre des créations fidèles au réel et désintéressées. Pour les portraits royaux, par exemple, Barbara Stollberg-Rilinger rappelle qu’une « politique pure et authentique, sans mise en scène, une image “vraie” du Roi par-delà toute stratégie, n’existe pas et n’a jamais existé – pas plus dans l’Ancien Régime qu’aujourd’hui22 ».

    12Face à ces réserves, une multitude d’analyses portant sur le pouvoir – qu’il soit princier, royal, impérial ou spirituel – et sur les conflits religieux déchirant l’Europe dès la première modernité utilisent le mot, vocable tendance depuis les années 198023. Aussi, la propagande serait-elle devenue « une clé générale de déchiffrement et d’explication », une manière commode de catégoriser les œuvres comme la seule expression d’une stratégie de pouvoir, ce que déplorait déjà Olivier Christin il y a quinze ans de cela24 ? S’il est clair que les dictats du monde éditorial sont pour partie responsables de la banalisation du terme « propagande » dans les titres publiés, il semble néanmoins important de se demander si un « usage raisonné de l’anachronisme » est possible25. Jacques Ellul, un des premiers « penseur[s] de la propagande » défendait cette idée26. Tout en identifiant la naissance de « la grande propagande moderne » dans les États démocratiques et en constatant son foisonnement au xxe siècle, il en étudiait la genèse dans les époques passées, s’aventurant en Égypte ou dans l’Athènes de Pisistrate27.

    13En empruntant à nouveau le chemin sur lequel il s’est aventuré, nous nous demanderons, quelles situations, par-delà les espaces et les âges, permettent de « dépayser [la notion contemporaine] de propagande » pour en révéler la fécondité heuristique28 ? Et comment utiliser une telle catégorie sans l’accompagner du regard moralisateur du censeur contemporain ?

    La propagande, « concept nomade29 »

    14Partant du constat que la propagande fait partie de ces « concepts nomades » qui voyagent à travers le temps, l’espace et les disciplines puis finissent par échapper à la communauté scientifique pour envahir le discours public, Yann Lignereux et moi-même avions organisé à Amiens, en avril 2017, un colloque international rassemblant historiens, historiens de l’art, politistes et littéraires. La question posée aux différents spécialistes conviés à cette occasion, naïve autant que piquante, tenait en quelques mots : la propagande existait-elle en Europe avant le milieu du xviiie siècle, c’est-à-dire avant que l’opinion publique ne devienne un « acteur politique » communément reconnu en Occident30 ? Les communications proposées, les questions stimulantes qui avaient été soulevées comme les échanges fructueux qui s’en étaient suivis nourrissent ce présent volume.

    15Riche de réflexions qui font voyager le lecteur à travers les âges, les arts et les lieux, ce livre collectif interroge la pertinence opératoire de la notion de propagande en se concentrant sur une époque marquée par une ouverture des horizons européens – géographiques, scientifiques, culturels –, par l’affirmation de la raison, par le lent recul du religieux et par une « dilatation progressive de la sphère du politique » dans la société31. En prenant pour champ d’expérimentation les pays occidentaux de la Renaissance aux Lumières, il s’agit de considérer un espace marqué par la montée en puissance des États modernes au moment où la pensée politique se polarise entre les chantres d’un pouvoir absolu et les défenseurs de la liberté individuelle. Alors que la diffusion des procédés d’impression bouleverse les rapports des contemporains à l’écrit et à mesure que l’accès à l’information se généralise grâce à de nouveaux médiums (nouvelles à la main, périodiques, gravures…), les puissants réalisent que la maîtrise de leur image et la promotion de leurs actions exigent toute leur attention. Bien qu’il faille attendre la seconde moitié du xviiie siècle pour voir les gouvernants composer avec une opinion publique devenue actrice politique de premier plan, force est de constater que, dès l’Antiquité, l’approbation des peuples – naturelle et/ou encouragée – est une condition nécessaire pour rester au pouvoir. Ainsi, en un temps où les paysages médiatiques connaissent de profondes recompositions et où les logiques partisanes s’affirment comme le corollaire d’une politisation accrue des individus, il apparaît essentiel d’analyser au plus près les ressorts employés par le(s) pouvoir(s) pour susciter l’adhésion.

    Questionnements

    16Soucieux de proposer de nouvelles analyses sur la fécondité heuristique de cette notion contemporaine, il nous a semblé que seule une approche pluridisciplinaire pouvait être fructueuse. Grâce à des études de cas précises, nécessaires à une contextualisation fine des phénomènes, des acteurs et des moyens auxquels ils ont recours, plusieurs contributions font l’examen de formes originaires de propagande. À ces enquêtes minutieuses s’ajoute une réflexion menée sur un temps plus long et sur des espaces plus larges dans le but de déterminer la place que pourrait occuper la notion dans l’outillage mental de l’historien ou de l’historien de l’art. Cet essai, rédigé par Joël Cornette, ouvre notre recueil. En croisant les savoirs et les méthodes, en multipliant les questionnements définitoires, ce livre a pour ambition de préciser les contours de l’objet étudié, d’en éprouver les formes et les usages.

    17La loupe du chercheur peut d’abord se pencher sur l’existence réelle ou imaginée de stratégies communicatives adoptées par le pouvoir. Les questions, évidentes pour un investigateur contemporain, s’avèrent bien plus complexes à plusieurs siècles de distance, alors que certaines sources font cruellement défaut. Il faut toutefois se les poser et tâcher d’y répondre car elles révèlent l’intentionnalité des réalisations comme le caractère systémique de la communication envisagée. Qui finance ? Qui réalise et selon quelles contraintes calendaires ? Qui contrôle les créations ? En combien d’exemplaires les œuvres sont-elles conçues ? Sur quels types de support ? Impossible donc de faire l’économie de la genèse comme de la nature des compositions.

    18Dans un deuxième temps, l’examen peut porter sur la qualité du message idéologique véhiculé. Il s’agira alors de mesurer la clarté du contenu énoncé comme sa capacité à provoquer l’assentiment des récipiendaires. Car pour que la persuasion soit effective, il est nécessaire que la position défendue soit explicite. La simplicité de l’argumentation comme les effets destinés à en favoriser la mémorisation sont autant de paramètres à prendre en compte pour évaluer l’efficace de la communication.

    19Enfin, les conditions de diffusion et de réception des œuvres constituent aussi un champ de recherche à explorer. Les interrogations se portent dès lors sur les publics, ensembles complexes et flous qui ne peuvent être réduits à un corps collectif unique et dépourvu d’esprit critique, dont la seule fonction serait de recevoir les idées politiques promues par les puissants. Malgré les difficultés à prospecter sur des catégories « poreuse[s], instable[s] » et « équivoque[s] », malgré l’impression de vouloir cerner des audiences « qui se dérobe[nt] à la fois d’un point de vue épistémologique, méthodologique, mais aussi matériel », il apparaît fondamental de ne pas négliger les études sur les réceptions ni sur les réactions des publics32. Ce n’est qu’à l’issue d’un tel travail qu’une économie de l’audible, du visible et du lisible pourra être restituée.

    ⁂

    20Proposant des réponses aux différents questionnements que nous venons de soulever, les textes rassemblés dans ce volume s’attachent à mettre à l’épreuve la notion de propagande dans l’Europe des Temps modernes.

    21Les nombreuses conflictualités qui traversent la période retentissent sur les productions littéraires et artistiques, à tel point que la place publique en est régulièrement investie. En comparant plusieurs campagnes de persuasion politique organisées dans la France du xvie siècle, Tatiana Debbagi Baranova évite les pièges d’une généralisation à outrance en proposant une contextualisation rigoureuse de chaque vague de publications. Appréhendant aussi bien la fabrique des discours que leur circulation, évaluant la solidité des argumentations employées tout comme les moyens mobilisés, elle parvient à apprécier comment les souverains et les partis prennent position et justifient leurs prises d’armes. De telles pratiques se perpétuent au siècle suivant et donnent lieu à des guerres de plumes qui surgissent lors des conflits civils – songeons aux milliers de mazarinades imprimées – ou lors des affrontements internationaux. Certaines actions armées, relatées puis commentées par toutes sortes d’imprimés (périodiques, pamphlets, gravures…), connaissent un retentissement inégal à l’échelle européenne, nous invitant ainsi à méditer sur la fabrique des événements33. Une même affaire peut susciter, en effet, un vif émoi dans certains pays alors que d’autres affichent une indifférence mesurée. En 1655, par exemple, plusieurs vallées piémontaises sont le théâtre des conversions forcées puis du massacre de quelques milliers de Vaudois. Stéphane Haffemayer revient sur la résonance considérable de ces Pâques vaudoises dans l’Angleterre de Cromwell, faisant de l’événement un nouveau chapitre de l’histoire des martyrs protestants après le sort cruel réservé aux réformés irlandais en 1641. Ce sont également les fonctions assignées aux périodiques qu’analyse Marion Brétéché. À la fin du siècle de fer, au moment où Louis XIV fait face à plusieurs coalitions cherchant à borner ses ambitions internationales, la presse francophone se diversifie grâce à la publication, depuis les Provinces-Unies notamment, de gazettes et de mercures politiques. En comparant le contenu des périodiques français et francophones, mais aussi le statut des auteurs et le contexte de production, elle interroge le rôle de la presse d’Ancien Régime, généralement considérée comme un outil de communication au service des pouvoirs. Parmi l’arsenal scripturaire à disposition des puissants, les libelles constituent une autre arme d’action. Fortement appréciés car très polymorphes, de production rapide et aisément reproductibles, ces écrits envahissent l’espace public à la moindre crise politique, religieuse ou artistique. Les années de régence forment un terrain particulièrement propice au surgissement d’« affrontements polémiques » que ce soit en France ou en Espagne34. Pendant la minorité de Charles II, dernier Habsbourg d’Espagne souffrant de nombreuses infirmités, Juan José d’Autriche organise une vaste campagne scripturaire destinée à favoriser son ascension politique tout en anéantissant son principal adversaire, le favori de la régente, Juan Everardo Nithard. S’attachant davantage à la diffusion des écrits qu’à leur qualité rhétorique et leur capacité à convaincre, Héloïse Hermant démontre comment le bâtard royal parvient à ses fins en devenant maître de « l’espace de publicité » et en débordant le cercle habituel du débat politique pour interpeller des publics plus éloignés du pouvoir.

    22Si la guerre contraint les princes et les chefs de clan à rechercher l’adhésion des peuples par la maîtrise des mots et des signes, les puissants encouragent aussi la parution d’ouvrages épidictiques en temps de paix. La monstration du pouvoir se révèle alors par des « cérémonies de l’information » savamment orchestrées puis médiatisées35. Par exemple, les jetons royaux français constituent un vecteur de choix pour montrer et exprimer la force monarchique. Bien qu’ils restent, aujourd’hui encore, des objets trop peu étudiés, leur production couvre toute la période moderne et leur usage commun facilite la commémoration plurielle de la monarchie. Sabrina Valin se propose de les mettre à l’honneur pour mieux cerner la conception de ces objets numismatiques, très savants, particulièrement prisés par les souverains avant même la fondation de la Petite Académie en 1663. Marie-Claude Canova Green accorde, quant à elle, une attention soutenue aux « livres » de ballet assurant la publicité des divertissements donnés à la cour au xviie siècle. Elle en étudie la production comme la distribution progressivement élargie à mesure que se construit « l’institution iconique » du prince et que le « roi-machine » instrumentalise les spectacles pour « faire voir » et « faire croire » sa force politique36. Contrastant fortement avec ces années de saturation de l’espace public français par l’image glorifiée de Louis XIV, le règne de Louis XII apparaît comme un moment où l’imaginaire royal manque de sens et de cohérence, un temps de dérèglement de la communication monarchique37. Florence Alazard se propose d’examiner à nouveau pourquoi le dernier Valois-Orléans semble être un « roi sans image », éclipsé par l’iconique François Ier, alors que, de son vivant, de nombreux auteurs font l’apologie de ce monarque bon et modeste.

    23C’est enfin du côté des effets des images et des discours qu’il nous faut regarder dans le but de mieux comprendre ce qui gouverne la réception des productions. Sandro Landi se concentre sur un traité médical italien, publié au début du xvie siècle, pour saisir comment les phénomènes de croyance collective ont pu être scientifiquement explicités aux érudits de la Renaissance italienne. Il démontre la manière dont Machiavel a pu s’approprier ce texte et s’en servir pour forger sa propre conception des mécanismes de persuasion. Animé du même désir de saisir les ressorts d’une adhésion collective à l’affirmation d’un pouvoir royal absolu, la contribution de Jean-Vincent Blanchard sonde les émotions ressenties face au monumentalisme des constructions architecturales de la seconde moitié du xviie siècle. Roi bâtisseur, Louis XIV parviendrait, plus que nul autre, à toucher directement le cœur de ses sujets grâce à l’érection de monuments majestueux marquant son emprise territoriale. La réussite de l’œuvre de pierre ludovicienne résiderait alors dans sa capacité à esthétiser le monde qui l’entoure et à séduire l’œil du public, ému par tant de splendeur. Un tel postulat invite le lecteur à reconsidérer les rapports entre art et propagande à l’époque moderne. Evonne Levy s’y attèle sans ambages, militant pour un usage raisonné et tempéré du concept. Dès lors, débarrassée de sa « vertu talismanique », la propagande pourrait être étudiée comme un phénomène historique dont le chercheur n’aurait plus à redouter l’emprise magique et enchanteresse.

    Notes de bas de page

    1 Iconologia di Cesare Ripa Cav.re De S.ti Mauritio, et Lazzaro, Nella quale si descrivono diverse Imagini, di Virtù, Vizi, Affetti, Passioni humane, Arti, Discipline, Humori, Elementi, Corpi Celesti, Provincie d’Italia, Fiumi, Tutte le parti del Mondo, ed altre infinite materie. Opera utile ad oratori, predicatori, poeti, pittori, scultori, Disegnatori, e ad ogni studioso, per inventar Concetti, Emblemi, ed Imprese, per divisare qualsivoglia apparato nuttiale, funerale, trionfale. Per rappresentare poemi drammatici, e per figurare co’ suoi propri simboli ciò che può cadere in pensiero humano. Ampliata ultimamente dallo stesso autore di CC imagini, e arricchita di molti discorsi pieni di varia erudizione; e con nuovi intagli, e con Indici copiosi nel fine. Dedicata all’Illustrissimo Signor Filippo Salviati, Sienne, hér. Matteo Florimi, 1613. La première traduction française illustrée date de 1636 : Iconologie, ou Explication nouvelle de plusieurs images, emblèmes et autres figures hyérogliphiques des vertus, des vices, des arts, des sciences… Tirée des recherches et des figures de César Ripa, desseignées et gravées par Jacques de Bie et moralisées par J. Baudoin, Paris, 1636.

    2 Ibid., p. 187-188.

    3 Souligné par nos soins.

    4 Nous adhérons à l’analyse de Paulette Choné pour qui l’ouvrage de Ripa, en tant que « manifeste de la Science des Images », s’impose comme « l’expression raisonnée, à la fois visuelle et littéraire, d’un véritable programme de formation humaniste ». Choné Paulette, « Iconologie du Chevalier Cesare Ripa de Pérouse », Europa Moderna. Revue d’histoire et d’iconologie, no 2, 2011, p. 108-117. Sur le rapprochement entre la Persuasion de César Ripa et la Rhétorique de Giarda dans ses Icones Symbolicae (1628), voir Plett Heinrich F., Rhetoric and Renaissance Culture, Berlin/New York, Walter De Gruyter, 2004, p. 509-511 et Hawhee Debra, Rhetoric in Tooth and Claw: Animals, Language, Sensation, Chicago/Londres, The University of Chicago Press, 2016, p. 162-164.

    5 Sur la dimension rhétorique du mythe de l’Hercule gaulois, on consultera La Charité Claude, « Henri III rhéteur, nouvel Hercule gaulois », in Laurent Pernot, New Chapters in the History of Rhetoric, Leyde/Boston, Brill, 2009, p. 269-286.

    6 Jean Cousin et Jean Goujon ont tous deux participé à la composition de cet arc éphémère.

    7 Martin Jean, C’est l’ordre qui a este tenu a la nouvelle et ioyeuse entrée, op. cit., fo 3 vo. [http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/INHA-8R531b.asp?param], consulté le 14 janvier 2021.

    8 Furetière Antoine, Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts, à La Haye et à Rotterdam, chez Arnout & Reinier Leers, 1690, 2 vol., t. II, article « Persuader ». Le verbe recouvre un deuxième sens au xviie siècle : « PERSUADER, signifie aussi, Conseiller, porter quelqu’un à faire quelque chose. »

    9 Ce sens paraît avoir complètement disparu de la forme transitive du verbe. Persuader signifie aujourd’hui « Amener (quelqu’un) à être convaincu (de quelque chose) par une argumentation logique ou faisant appel aux sentiments ». Dans sa forme réfléchie, on retrouve la dimension contraignante du sens initial du verbe ([https://www.cnrtl.fr/definition/persuader], consulté le 14 janvier 2021).

    10 Pizzorusso Giovanni, « Le Monde et/ou l’Europe : la Congrégation de Propaganda Fide et la politique missionnaire du Saint-Siège (xviie siècle) », séminaire réalisé à l’Institut d’histoire de la Réformation de Genève le 24 mars 2014, [https://www.unige.ch/ihr/files/1814/2347/5375/Article_PropagandaFide_Pizzorusso.pdf], consulté le 14 janvier 2021.

    11 Ranft Théodor, Der Einfluß der Französischen Revolution auf den französischen Wortschatz der französischen Sprache, Darmstadt, 1908, p. 148.

    12 Description du département du Bas-Rhin, Strasbourg publiée avec le concours du Conseil général sous les auspices de Migneret, préfet, Veuve Berger-Levrault, 1858-1871, 4 vol., t. I, p. 305.

    13 Plusieurs publications récentes confirment que ce terme conserve une image négative. Citons à titre d’exemple : Ramonet Ignacio, Propagandes silencieuses. Masses, télévision, cinéma, Paris, Gallimard, 2002.

    14 Almeida Fabrice d’, « Propagande, histoire d’un mot disgracié », Mots. Les langages du politique, no 69, 2002, [http://mots.revues.org/10673], consulté le 14 janvier 2021.

    15 Sur la dévaluation de la notion, voir Beauvois Jean-Léon, Les illusions libérales, individualisme et pouvoir social. Petit traité des grandes illusions, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2005 et « La propagande dans les démocraties libérales », Le Journal des psychologues, no 247, 4/2007, p. 39-43.

    16 Tchakhotine Serge, Le viol des foules par la propagande politique, Paris, Gallimard, 1952.

    17 Colon David, Propagande, la manipulation de masse dans le monde contemporain, Paris, Belin, 2019.

    18 Halévi Ran, « Le nouveau régime de la vérité », Le Débat, no 197, novembre-décembre 2017, p. 28-41. Signalons également la lecture stimulante de Troude-Chastenet Patrick, « Fake news et post-vérité. De l’extension de la propagande au Royaume-Uni, aux États-Unis et en France », Quaderni, no 96, 2018/2, p. 87-101.

    19 Febvre Lucien, Rabelais ou le problème de l’incroyance au xvie siècle, Paris, Albin Michel, 1968 (1942), p. 15.

    20 Ellenius Allan (dir.), Iconographie, propagande et légitimation, trad. Laurent Bury et Gérard Sabatier, Paris, Presses universitaires de France, 2001. Veyne Paul, « Lisibilité des images, propagande et apparat monarchique dans l’Empire romain », Revue historique, 621, 2002/1, p. 5.

    21 Ibid., p. 4.

    22 Stollberg-Rilinger Barbara, Pinelli Antonio, Sabatier Gérard, Tauber Christine et Bodart Diane, « Le portrait du roi : entre art, histoire, anthropologie et sémiologie », Perspective, no 1, 2012, p. 26.

    23 Les titres suivants semblent attester d’une certaine banalisation du terme : Cruz David González, Propaganda e información en tiempos de guerra. España y América, 1700-1714, Madrid, Sílex, 2009 ; Debby Nirit Ben-Aryeh, Crusade Propaganda in Word and Image in Early Modern Italy: Niccolò Guidalotto’s Panorama of Constantinople (1662), Toronto, Center for Reformation and Renaissance Studies, 2016 ; Harris Tim, London Crowds in the Reign of Charles II: Propaganda and Politics from the Restoration Until the Exclusion Crisis, New York, Cambridge University Press, 1987 ; Loskoutoff Yvan, Rome des Césars, Rome des Papes. La propagande du cardinal Mazarin, Paris, Honoré Champion, 2007 ; Marin Louis et Veyne Paul, Propagande expression roi, Image idole oracle. Visibilité et lisibilité des figures du pouvoir, Paris, Arkhê, 2011 ; Rameix Solange, Justifier la guerre. Censure et propagande dans l’Europe du xviie siècle (France-Angleterre), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014 ; Sawyer Jeffrey K., Printed Poison, pamphlet Propaganda, Faction Politics and the Public Sphere in early Seventeenth France, Berkeley, University of California Press, 1990 ; Scribner Robert William, For the sake of simple folk. Popular propaganda for the German Reformation, Cambridge, Cambridge University Press, 1981 ; Vaillancourt Luc, « Des bruits courent » : rumeurs et propagande au temps des Valois, Paris, Hermann, 2017 ; Ziegler Hendrik, Louis XIV et ses ennemis. Image, propagande et constatation, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2013.

    24 Christin Olivier, Le Roi Providence. Trois études sur l’iconographie gallicane, Lyon, Larhra/Resea, 2006, p. 99.

    25 Dosse François, « De l’usage raisonné de l’anachronisme », Espaces Temps, no 87-88, 2005, p. 156-171.

    26 Chastenet Patrick, Introduction à Jacques Ellul, Paris, La Découverte, 2019, p. 47.

    27 Ellul Jacques, Propagandes, Paris, Armand Colin, 1962.

    28 Buttay Florence, Peindre en leur âme des fantômes. Image et éducation militante pendant les guerres de Religion, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, p. 15.

    29 Christin Olivier (dir.), Dictionnaire des Concepts Nomades des Sciences Sociales, Paris, Éditions Métailié, 2010.

    30 L’histoire de la notion d’opinion publique a été retracée par Sandro Landi. Voir Landi Sandro, « Opinion publique », in Olivier Christin (dir.), Dictionnaire des Concepts Nomades, op. cit., p. 350-369 ; Naissance de l’opinion publique dans l’Italie moderne. Sagesse du peuple et savoir de gouvernement de Machiavel aux Lumières, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006.

    31 Bourquin Laurent et Hamon Philippe (dir.), La politisation. Conflits et construction du politique depuis le Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 7.

    32 Gimello-Mesplomb Frédéric et Vilatte Jean-Christophe, « Les recherches sur les publics en Sciences de l’Information et de la Communication », Revue française des sciences de l’information et de la communication, no 7, 2015, [https://journals-openedition-org] (erreur en 2022), consulté le 14 janvier 2021.

    33 Songeons, par exemple, à la manière dont le ravage du Palatinat a été érigé en un événement scandaleux. Dosquet Émilie, « Le ravage du Palatinat au prisme du scandale », Hypothèses, no 16, 2013/1, p. 217-226.

    34 Jouhaud Christian, « Les libelles en France au xviie siècle : action et publication », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, no 90-91, 2003, p. 36. L’auteur rappelle qu’au xviie siècle la régence de Marie de Médicis comme celle d’Anne d’Autriche correspondent aux deux temps forts de la production libelliste française.

    35 Fogel Michèle, Les cérémonies de l’information dans la France du xve au xviiie siècle, Paris, Fayard, 1989.

    36 Sabatier Gérard, « La gloire du roi. Iconographie de Louis XIV de 1661 à 1672 », Histoire, économie & société, vol. 19, no 4, 2000, p. 527 ; Apostolidès Jean-Marie, Le roi-machine. Spectacle et politique au temps de Louis XIV, Paris, Les Éditions de Minuit, 1981 ; Duccini Hélène, Faire voir, faire croire. L’opinion publique sous Louis XIII, Seyssel, Champ Vallon, 2003.

    37 Hochner Nicole, Louis XII. Les dérèglements de l’image royale (1498-1515), Seyssel, Champ Vallon, 2006.

    Auteurs

    • Isaure Boitel
      Isaure Boitel est maîtresse de conférences à l’université Picardie Jules Verne et fait partie du Centre d’histoire des sociétés, des sciences et des conflits. Elle a notamment publié L’image noire de Louis XIV. Provinces-Unies, Angleterre (1668-1715), Champ Vallon, 2016. Ses recherches portent sur les différentes formes de figuration du pouvoir, la contestation des modèles politiques ainsi que la politisation des sociétés européennes à l’époque moderne. Ses travaux se rattachent plus largement à l’histoire des idées et des représentations.
    • Yann Lignereux
      Yann Lignereux est professeur des universités en histoire moderne à l’université de Nantes, membre du Centre de recherches en histoire internationale et atlantique de Nantes et chercheur associé à l’UMR Mondes américains (EHESS). Ses recherches portent sur les cultures, les pratiques et les imaginaires politiques de la France moderne. Ses travaux actuels concernent l’histoire de la Nouvelle-France abordée au prisme de l’histoire impériale. Parmi ses dernières publications, on peut citer, sous sa direction et celle d’Hélène Rousteau-Chambon, Nantes révolutionnaire. Ruptures et continuités (1770-1830), Presses universitaires de Rennes, 2021 et, avec Marie Lezwoski, la direction de Matière à discorde. Les objets chrétiens dans les conflits modernes, Presses universitaires de Rennes, 2021.
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    1 Iconologia di Cesare Ripa Cav.re De S.ti Mauritio, et Lazzaro, Nella quale si descrivono diverse Imagini, di Virtù, Vizi, Affetti, Passioni humane, Arti, Discipline, Humori, Elementi, Corpi Celesti, Provincie d’Italia, Fiumi, Tutte le parti del Mondo, ed altre infinite materie. Opera utile ad oratori, predicatori, poeti, pittori, scultori, Disegnatori, e ad ogni studioso, per inventar Concetti, Emblemi, ed Imprese, per divisare qualsivoglia apparato nuttiale, funerale, trionfale. Per rappresentare poemi drammatici, e per figurare co’ suoi propri simboli ciò che può cadere in pensiero humano. Ampliata ultimamente dallo stesso autore di CC imagini, e arricchita di molti discorsi pieni di varia erudizione; e con nuovi intagli, e con Indici copiosi nel fine. Dedicata all’Illustrissimo Signor Filippo Salviati, Sienne, hér. Matteo Florimi, 1613. La première traduction française illustrée date de 1636 : Iconologie, ou Explication nouvelle de plusieurs images, emblèmes et autres figures hyérogliphiques des vertus, des vices, des arts, des sciences… Tirée des recherches et des figures de César Ripa, desseignées et gravées par Jacques de Bie et moralisées par J. Baudoin, Paris, 1636.

    2 Ibid., p. 187-188.

    3 Souligné par nos soins.

    4 Nous adhérons à l’analyse de Paulette Choné pour qui l’ouvrage de Ripa, en tant que « manifeste de la Science des Images », s’impose comme « l’expression raisonnée, à la fois visuelle et littéraire, d’un véritable programme de formation humaniste ». Choné Paulette, « Iconologie du Chevalier Cesare Ripa de Pérouse », Europa Moderna. Revue d’histoire et d’iconologie, no 2, 2011, p. 108-117. Sur le rapprochement entre la Persuasion de César Ripa et la Rhétorique de Giarda dans ses Icones Symbolicae (1628), voir Plett Heinrich F., Rhetoric and Renaissance Culture, Berlin/New York, Walter De Gruyter, 2004, p. 509-511 et Hawhee Debra, Rhetoric in Tooth and Claw: Animals, Language, Sensation, Chicago/Londres, The University of Chicago Press, 2016, p. 162-164.

    5 Sur la dimension rhétorique du mythe de l’Hercule gaulois, on consultera La Charité Claude, « Henri III rhéteur, nouvel Hercule gaulois », in Laurent Pernot, New Chapters in the History of Rhetoric, Leyde/Boston, Brill, 2009, p. 269-286.

    6 Jean Cousin et Jean Goujon ont tous deux participé à la composition de cet arc éphémère.

    7 Martin Jean, C’est l’ordre qui a este tenu a la nouvelle et ioyeuse entrée, op. cit., fo 3 vo. [http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/INHA-8R531b.asp?param], consulté le 14 janvier 2021.

    8 Furetière Antoine, Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts, à La Haye et à Rotterdam, chez Arnout & Reinier Leers, 1690, 2 vol., t. II, article « Persuader ». Le verbe recouvre un deuxième sens au xviie siècle : « PERSUADER, signifie aussi, Conseiller, porter quelqu’un à faire quelque chose. »

    9 Ce sens paraît avoir complètement disparu de la forme transitive du verbe. Persuader signifie aujourd’hui « Amener (quelqu’un) à être convaincu (de quelque chose) par une argumentation logique ou faisant appel aux sentiments ». Dans sa forme réfléchie, on retrouve la dimension contraignante du sens initial du verbe ([https://www.cnrtl.fr/definition/persuader], consulté le 14 janvier 2021).

    10 Pizzorusso Giovanni, « Le Monde et/ou l’Europe : la Congrégation de Propaganda Fide et la politique missionnaire du Saint-Siège (xviie siècle) », séminaire réalisé à l’Institut d’histoire de la Réformation de Genève le 24 mars 2014, [https://www.unige.ch/ihr/files/1814/2347/5375/Article_PropagandaFide_Pizzorusso.pdf], consulté le 14 janvier 2021.

    11 Ranft Théodor, Der Einfluß der Französischen Revolution auf den französischen Wortschatz der französischen Sprache, Darmstadt, 1908, p. 148.

    12 Description du département du Bas-Rhin, Strasbourg publiée avec le concours du Conseil général sous les auspices de Migneret, préfet, Veuve Berger-Levrault, 1858-1871, 4 vol., t. I, p. 305.

    13 Plusieurs publications récentes confirment que ce terme conserve une image négative. Citons à titre d’exemple : Ramonet Ignacio, Propagandes silencieuses. Masses, télévision, cinéma, Paris, Gallimard, 2002.

    14 Almeida Fabrice d’, « Propagande, histoire d’un mot disgracié », Mots. Les langages du politique, no 69, 2002, [http://mots.revues.org/10673], consulté le 14 janvier 2021.

    15 Sur la dévaluation de la notion, voir Beauvois Jean-Léon, Les illusions libérales, individualisme et pouvoir social. Petit traité des grandes illusions, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2005 et « La propagande dans les démocraties libérales », Le Journal des psychologues, no 247, 4/2007, p. 39-43.

    16 Tchakhotine Serge, Le viol des foules par la propagande politique, Paris, Gallimard, 1952.

    17 Colon David, Propagande, la manipulation de masse dans le monde contemporain, Paris, Belin, 2019.

    18 Halévi Ran, « Le nouveau régime de la vérité », Le Débat, no 197, novembre-décembre 2017, p. 28-41. Signalons également la lecture stimulante de Troude-Chastenet Patrick, « Fake news et post-vérité. De l’extension de la propagande au Royaume-Uni, aux États-Unis et en France », Quaderni, no 96, 2018/2, p. 87-101.

    19 Febvre Lucien, Rabelais ou le problème de l’incroyance au xvie siècle, Paris, Albin Michel, 1968 (1942), p. 15.

    20 Ellenius Allan (dir.), Iconographie, propagande et légitimation, trad. Laurent Bury et Gérard Sabatier, Paris, Presses universitaires de France, 2001. Veyne Paul, « Lisibilité des images, propagande et apparat monarchique dans l’Empire romain », Revue historique, 621, 2002/1, p. 5.

    21 Ibid., p. 4.

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    23 Les titres suivants semblent attester d’une certaine banalisation du terme : Cruz David González, Propaganda e información en tiempos de guerra. España y América, 1700-1714, Madrid, Sílex, 2009 ; Debby Nirit Ben-Aryeh, Crusade Propaganda in Word and Image in Early Modern Italy: Niccolò Guidalotto’s Panorama of Constantinople (1662), Toronto, Center for Reformation and Renaissance Studies, 2016 ; Harris Tim, London Crowds in the Reign of Charles II: Propaganda and Politics from the Restoration Until the Exclusion Crisis, New York, Cambridge University Press, 1987 ; Loskoutoff Yvan, Rome des Césars, Rome des Papes. La propagande du cardinal Mazarin, Paris, Honoré Champion, 2007 ; Marin Louis et Veyne Paul, Propagande expression roi, Image idole oracle. Visibilité et lisibilité des figures du pouvoir, Paris, Arkhê, 2011 ; Rameix Solange, Justifier la guerre. Censure et propagande dans l’Europe du xviie siècle (France-Angleterre), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014 ; Sawyer Jeffrey K., Printed Poison, pamphlet Propaganda, Faction Politics and the Public Sphere in early Seventeenth France, Berkeley, University of California Press, 1990 ; Scribner Robert William, For the sake of simple folk. Popular propaganda for the German Reformation, Cambridge, Cambridge University Press, 1981 ; Vaillancourt Luc, « Des bruits courent » : rumeurs et propagande au temps des Valois, Paris, Hermann, 2017 ; Ziegler Hendrik, Louis XIV et ses ennemis. Image, propagande et constatation, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2013.

    24 Christin Olivier, Le Roi Providence. Trois études sur l’iconographie gallicane, Lyon, Larhra/Resea, 2006, p. 99.

    25 Dosse François, « De l’usage raisonné de l’anachronisme », Espaces Temps, no 87-88, 2005, p. 156-171.

    26 Chastenet Patrick, Introduction à Jacques Ellul, Paris, La Découverte, 2019, p. 47.

    27 Ellul Jacques, Propagandes, Paris, Armand Colin, 1962.

    28 Buttay Florence, Peindre en leur âme des fantômes. Image et éducation militante pendant les guerres de Religion, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, p. 15.

    29 Christin Olivier (dir.), Dictionnaire des Concepts Nomades des Sciences Sociales, Paris, Éditions Métailié, 2010.

    30 L’histoire de la notion d’opinion publique a été retracée par Sandro Landi. Voir Landi Sandro, « Opinion publique », in Olivier Christin (dir.), Dictionnaire des Concepts Nomades, op. cit., p. 350-369 ; Naissance de l’opinion publique dans l’Italie moderne. Sagesse du peuple et savoir de gouvernement de Machiavel aux Lumières, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006.

    31 Bourquin Laurent et Hamon Philippe (dir.), La politisation. Conflits et construction du politique depuis le Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 7.

    32 Gimello-Mesplomb Frédéric et Vilatte Jean-Christophe, « Les recherches sur les publics en Sciences de l’Information et de la Communication », Revue française des sciences de l’information et de la communication, no 7, 2015, [https://journals-openedition-org] (erreur en 2022), consulté le 14 janvier 2021.

    33 Songeons, par exemple, à la manière dont le ravage du Palatinat a été érigé en un événement scandaleux. Dosquet Émilie, « Le ravage du Palatinat au prisme du scandale », Hypothèses, no 16, 2013/1, p. 217-226.

    34 Jouhaud Christian, « Les libelles en France au xviie siècle : action et publication », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, no 90-91, 2003, p. 36. L’auteur rappelle qu’au xviie siècle la régence de Marie de Médicis comme celle d’Anne d’Autriche correspondent aux deux temps forts de la production libelliste française.

    35 Fogel Michèle, Les cérémonies de l’information dans la France du xve au xviiie siècle, Paris, Fayard, 1989.

    36 Sabatier Gérard, « La gloire du roi. Iconographie de Louis XIV de 1661 à 1672 », Histoire, économie & société, vol. 19, no 4, 2000, p. 527 ; Apostolidès Jean-Marie, Le roi-machine. Spectacle et politique au temps de Louis XIV, Paris, Les Éditions de Minuit, 1981 ; Duccini Hélène, Faire voir, faire croire. L’opinion publique sous Louis XIII, Seyssel, Champ Vallon, 2003.

    37 Hochner Nicole, Louis XII. Les dérèglements de l’image royale (1498-1515), Seyssel, Champ Vallon, 2006.

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    Boitel, Isaure, et Yann Lignereux. « Introduction ». In Convaincre, persuader, manipuler, édité par Isaure Boitel et Yann Lignereux. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2022. https://doi.org/10.4000/books.pur.163704.
    Boitel, Isaure, et Yann Lignereux. « Introduction ». Convaincre, persuader, manipuler, édité par Isaure Boitel et Yann Lignereux, Presses universitaires de Rennes, 2022, https://doi.org/10.4000/books.pur.163704.

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    Boitel, I., & Lignereux, Y. (éds.). (2022). Convaincre, persuader, manipuler (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.163676
    Boitel, Isaure, et Yann Lignereux, éd. Convaincre, persuader, manipuler. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2022. https://doi.org/10.4000/books.pur.163676.
    Boitel, Isaure, et Yann Lignereux, éditeurs. Convaincre, persuader, manipuler. Presses universitaires de Rennes, 2022, https://doi.org/10.4000/books.pur.163676.
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