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L’Église dans l’enseignement secondaire

 | 
Samuel Gicquel
, 
Frédéric Le Moigne

Deuxième partie. Pratiques et expériences éducatives

Entre mémoire et histoire

L’institut Notre-Dame d’Avranches au lendemain de la guerre (1945-1955)

Claude Langlois

Texte intégral

  • 1 En fait la sanction fut collective, ledit prix échut, à la surprise générale, à un redoublant.

1Qu’on ne s’y trompe pas, à plus de 80 ans, je n’entends pas faire le procès des internats, je ne cherche pas davantage à régler des comptes avec des parents qui pour de bonnes raisons ont fait le choix de m’éloigner d’eux pendant sept années ni avec une institution qui m’a nourri, instruit et formé. Certes, il y a bien eu un squelette dans le placard, mais il y est resté. À notre grand regret ! En effet, pour clore notre scolarité, notre intention – je parle de la petite classe d’internes de philosophie – était de hisser Nestor tout en haut du mas des couleurs et de partager un repas nocturne hors du collège. Notre complot fut éventé, ce qui créa quelque incompréhension avec la direction et me valut d’être privé du prix des anciens élèves et donc des premiers volumes de l’Histoire de l’Église du Christ de Daniel-Rops1 ! À quoi tient une vocation d’historien !

  • 2 Plouasne se situe alors dans les Côtes-du-Nord et compte 2 000 habitants. La ferme de mon oncle éta (...)
  • 3 Abréviation ultérieure, IND.
  • 4 Michel Normand, 5 janvier 2013, période postérieure à la Seconde Guerre mondiale, [http://abouvet.o (...)
  • 5 Michel Normand, 6 avril 2016 : « Louis Forget n’est plus… ». Michel Normand, qui résidait à Saint-P (...)

2Plus sérieusement, j’ai été mu, en proposant cette communication, par un désir de faire retour à mes sources normandes : après une année (1943-1944) d’exil breton à Plouasne2, dans une lointaine famille maternelle pour échapper au risque de bombardement de Puteaux, alors banlieue usinière. Me voilà donc normand pendant sept années (1948-1955), pour fortifier, a-t-on laissé entendre à mes parents, une santé jugée fragile. Bonne réussite au moins de ce côté. Pour revenir sur ces années scolaires, j’ai bénéficié d’une source occasionnée par le centième anniversaire (2013) de l’Institut Notre-Dame d’Avranches3 : Michel Normand, un élève de ma génération, de deux classes plus jeune que moi, en a profité pour écrire une chronique chaleureuse et bien documentée4. Mais surtout l’élément déclencheur a été la découverte de l’éloge mortuaire en 2016 du maire de Jullouville, Louis Forget, avec lequel je passais mes dernières années, quand nous avions mis sur pied une équipe de basket qu’il mena, après mon départ de l’IND, à la consécration nationale. On y disait son investissement pour ses concitoyens. Ses adversaires politiques concédaient qu’« il avait le sens de l’intérêt général5 ». Il devait, a-t-on écrit avec justesse, cet altruisme efficace à sa tenace volonté d’aboutir, et aussi à l’éducation reçue à l’IND, y compris par le sport.

  • 6 Alors département de la Seine.
  • 7 Chauvière Michel, « Madeleine Delbrel dans les mutations du familialisme », Vie sociale, 2008/3, p. (...)
  • 8 Ainsi à la suite de bombardements alliés sur les usines Renault, la municipalité de Boulogne-Billan (...)
  • 9 Downs Laura Lee, Histoire des colonies de vacances, de 1880 à nos jours, Paris, Perrin, 2009, 433 p (...)
  • 10 Commune de boccage de moins de 400 habitants qui, en, juin 1944, accueillit une partie des habitant (...)

3Si pour l’essentiel cet exposé se tiendra à distance de son objet, il me faut cependant expliquer d’abord pourquoi j’ai atterri à Avranches au terme de mes études primaires à Puteaux6 alors que, après avoir été reçu à l’examen d’entrée en sixième, je devais entrer au lycée proche de Saint-Cloud. L’explication dépasse, me semble-t-il, mon cas personnel. Mon père, menuisier de son état, a été, après la guerre, engagé dans le Mouvement populaire des familles, mouvement ouvrier catholique issu de la JOC, qui a développé à son origine « une conception franchement syndicale des intérêts familiaux populaires7 ». Le MPF, outre une aide alimentaire, distribuée par une coopérative, proposait des vacances aux enfants de milieu ouvrier en les plaçant dans des familles rurales, selon une pratique ancienne, en perte de vitesse à cause de la création des colonies de vacances, mais que les bombardements alliés8 avaient ravivée à partir de 19429. Cette initiative catholique, il faut aussi le préciser, avait eu lieu dans une municipalité longtemps socialiste, qui venait de passer depuis 1945 aux mains du parti communiste. Et voici comment je me suis retrouvé dans les Deux-Sèvres à l’été 1946 et dans la Manche, à Saint-Loup10, près d’Avranches, en 1947, chez un vieux curé qui avait connu la Séparation à Cherbourg et qui appela en chaire ses ouailles pour lui venir en aide, car nous étions deux affamés à sa table alors qu’il avait prévu d’en accueillir un seul. Je trouvais, durant ce mois, un chaleureux accueil dans une famille de fermiers qui avait un fils de mon âge ; celle-ci m’invita l’année suivante pour d’ultimes vacances en 1948. Il se trouvait que le vieux curé avait un neveu, professeur d’histoire à l’IND, où justement le fils de la famille qui m’hébergeait allait entrer en 6e à l’automne 1948. Voici comment je devins normand d’adoption et comment une trajectoire personnelle peut témoigner d’une histoire plus large des solidarités de l’immédiat après-guerre entre catholicismes des villes et des champs.

Un collège-internat catholique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : la quête d’une histoire

  • 11 Langlois Claude, Le Catholicisme au féminin. Les congrégations françaises à supérieure générale au (...)

4Comme certaines congrégations féminines, étudiées en d’autres temps11, l’IND offre la particularité d’avoir une double date de fondation : 1821 et 1913.

5La reconstitution du clergé paroissial, au lendemain de la Révolution, passe dans les diocèses par la création de grands séminaires dès l’Empire et par celles de petits, sous la Restauration. Le nouveau diocèse de Coutances a été créé en 1790 par la Constitution civile du Clergé dans les limites du nouveau département de la Manche : il fut maintenu par le Concordat de 1801, comme tous ceux de l’Ouest normand et breton où les nouveaux diocèses étaient exceptionnellement monodépartementaux. L’ouverture en 1821, d’un petit séminaire à Mortain, petite ville de 2 500 habitants en perte de vitesse, enclavée en bordure de la forêt de Mortain, mais chef-lieu d’arrondissement, correspondait à une volonté alors commune de placer ces nouveaux collèges à l’écart de l’influence néfaste des grandes villes, là aussi où l’on trouvait encore des biens nationaux disponibles. Le petit séminaire s’installa en effet dans l’Abbaye Blanche, une ancienne abbaye cistercienne de femmes. La loi Falloux (1850) créa, ici comme ailleurs, un appel d’air, qui se manifesta par l’édification d’un nouveau bâtiment (1854-1871) dont l’importance se mesurait au nombre de ses fenêtres, qui se montait à 300. Ce petit séminaire élargi ne survécut pas au refus par Pie X de la loi de Séparation et aux conséquences que le gouvernement en tira.

  • 12 Les lieux passèrent plus récemment à la communauté des Béatitudes où l’un des frères fut accusé de (...)
  • 13 « Dans le retable sont représentés en bas-relief du côté de l’évangile la prédication du Bienheureu (...)
  • 14 Et Jean-Paul II en fit un saint un siècle plus tard (2000).
  • 15 Toussaint Joseph, Un martyr normand. Le Bienheureux Auguste Chapdelaine, Coutances, Éditions Notre- (...)
  • 16 Alexandre Le Roy (1854-1938), natif de la Manche, fait ses études à Mortain puis entre chez les Pèr (...)

6Ce petit séminaire, dont les bâtiments passèrent en 1923 aux mains des Spiritains12, apporta à l’IND une mémoire spécifique qui se manifesta de deux manières différentes. La première, dont je fus l’immédiat témoin, était aussi la plus visible, la plus symbolique. La chronique de l’établissement note que « le 25 novembre 1947, l’autel du bienheureux Chapdelaine est transféré depuis l’Abbaye Blanche dans le transept gauche de la chapelle » de l’IND. Sa bénédiction, l’année suivante, sera largement fêtée13. La mort du bienheureux – c’est triste à dire ! – nous réjouissait fort car chaque année sa fête était l’occasion d’un congé accompagné d’un bon repas. Ce nouveau protecteur fut en effet tué en Chine en 1856 ; sa mort compta même, je l’appris plus tard, parmi les événements qui poussèrent les gouvernements français et anglais à intervenir par la guerre en Chine. Sa béatification eut lieu en 190014. Son histoire a été relayée par une solide biographie publiée en 195515. Le bienheureux Chapdelaine ne fut pas la seule figure de missionnaire alors évoquée : sur la quinzaine de gloires répertoriées dans le mémorial de l’IND, on trouve huit missionnaires qui ont surtout exercé leur activité en Extrême-Orient et en Afrique subsaharienne, l’autre plus célèbre étant Mgr Le Roy16, longtemps supérieur des Spiritains.

  • 17 Ducey, gros bourg alors de moins de 2 000 habitants, à l’est d’Avranches, abrita quelques années le (...)
  • 18 Ces associations, dans les collèges catholiques bretons, se développent avec la IIIe République ; e (...)

7La seconde filiation mémorielle qui rattachait l’IND à Mortain, est passée par la création d’une institution aussi discrète que durable : dès 1890 s’est constituée une association des anciens élèves de l’abbaye Blanche. Celle-ci, en 1937, se transforma en une « association amicale des anciens élèves de l’Abbaye-Blanche de Mortain, de Sainte-Marie de Ducey17 et de l’Institut Notre-Dame d’Avranches ». De telles créations, qui se sont multipliées dans les dernières décennies du xixe siècle, servaient à maintenir un esprit de corps autour des établissements et, pour les collèges catholiques, à fournir une structure de mobilisation des anciens élèves susceptibles d’apporter une aide, notamment financière, dans des moments difficiles18. L’IND puisa ainsi dans un fichier de quelque 1 600 personnes pour chercher, au lendemain de la guerre, à financer le transfert de la chapelle du bienheureux Chapdelaine (100 000 F), puis, dans la foulée, pour régler la note des indispensables travaux de rénovation du chauffage.

  • 19 MN.

8La crise de la Séparation entraîna donc la spoliation des grands et petits séminaires. Ce fut l’occasion, pour Avranches, de disposer d’un établissement d’enseignement catholique. Telle fut la seconde naissance de l’IND. En 1911 est fondée une Société immobilière de la Basse-Normandie, maîtresse d’œuvre des bâtiments : la même année fut posée la première pierre. La statue de Notre-Dame a été érigée, le 20 juin 1912, au sommet du pavillon central. La rentrée scolaire se fit en octobre 1913. Pour à peine une année. Les bâtiments furent réquisitionnés pendant la guerre à des fins sanitaires, puis par les Allemands de 1940 à 1944. La position du bâtiment, à l’écart de la ville, le laissa presque indemne lors des bombardements alliés du 7 juin 1944. Le nouvel établissement ne se présentait pas comme un petit séminaire, mais sa fonction était double, ainsi que la rappelait aux anciens, en 1947, l’abbé Bérenger, son fondateur : « Recrutez-nous, préparez-nous des élèves. Il en faut pour le sacerdoce […] ; il faut aussi des cadres catholiques, à la campagne, comme à la ville. » La demande était ponctuée d’une formule bien sentie, encourageant à faire du collège un « noviciat d’action catholique dans les diverses carrières19 ». Une telle revendication confessionnelle ne mettait toutefois en rien l’IND à l’écart de la sociabilité locale. On en trouva un témoignage éclatant lors de l’enterrement du chanoine Bérenger en avril 1948 :

  • 20 Idem.

« Les cordons [du drap funéraire] étaient tenus par le maire d’Avranches et celui de Granville, un professeur prêtre du collège, deux docteurs anciens élèves. Les nombreux drapeaux des Anciens Combattants et des pompiers suivaient. […]. Parmi les notabilités on notait le procureur de la République et le président du tribunal, le principal du collège [Littré] et une délégation de professeurs [de l’IND], la directrice du Cours Complémentaire, le directeur de l’école communale, le lieutenant de gendarmerie, les Anciens Combattants avec les divers présidents cantonaux20. »

9Entré en octobre 1948, je ne connus, comme supérieur, que son successeur, l’abbé Jean-Marie Hamel, qui dut faire face aux difficultés financières de l’après-guerre mais sut instaurer, aussitôt en fonction, un module de classes d’une heure qui permettait d’homogénéiser l’enseignement de toutes les disciplines. Ce supérieur fut bientôt célèbre par sa « quatre-chevaux » qui lui permettait de nombreux déplacements dans les paroisses environnantes, ainsi qu’à Paris, où il se rendait fréquemment.

  • 21 Notice dans Dauzet Dominique-Marie et Le Moigne Frédéric, Dictionnaire des évêques de France au xxe(...)
  • 22 Il est alors qualifié, par le préfet d’Ille-et-Vilaine « d’esprit large et libéral ».
  • 23 Voir l’article que Frédéric Le Moigne lui consacre dans ce volume.

10La mise en place de l’IND après la Séparation ne fut pas un cas unique dans le diocèse. La naissance du nouveau collège s’inscrit en effet dans une politique volontariste menée par Mgr Joseph Guérard21 qui, bien que choisi en 1898 par le ministre des Cultes pour son loyalisme républicain22, réagit avec fermeté à la Séparation, notamment en organisant un réseau de grands collèges. Deux autres en effet ont été édifiés en même temps : Saint-Lô et Cherbourg. Le collège d’Agneau (près de Saint-Lô) avait été ouvert en 1804 et s’était offert de nouveaux locaux après 1850 ; lui aussi, comme petit séminaire, fut confisqué après la Séparation. Un nouveau collège lui succéda immédiatement, édifié en 1909-1910 sur la colline du Varroc, toujours à Agneau : il put même ouvrir dès janvier 1911. Il en alla de même à Cherbourg. Ces deux collèges eurent de plus un illustre directeur en la personne de l’abbé Georges Grente23. Après des études secondaires au collège d’Agneau, tenu alors par les Oratoriens, l’abbé Grente, professeur à Mortain après son ordination en 1895, se vit offrir une carrière à l’Institut catholique de Paris après la soutenance d’une thèse de doctorat ès-Lettres en 1903. Mais son évêque s’y opposa et il le plaça à la direction du nouveau collège d’Agneau ; puis en 1915, alors que Grente avait été nommé recteur de l’Institut catholique de Lille, mais se trouvait dans l’impossibilité de rejoindre son poste, son évêque lui confia la direction du nouveau collège de Cherbourg qu’il ne quitta qu’en 1918 pour devenir évêque du Mans.

  • 24 Deries Madeleine, L’École centrale du département de la Manche, Saint-Lô, imp. Jacqueline, 1922, XI (...)
  • 25 Il était en quatrième en 1959-1960.

11Ajoutons, pour achever de brosser le décor, la présence de deux autres établissements importants. La première est le collège Littré. Le Directoire installa à Avranches en 1795 l’École centrale du département de la Manche24 dont les meilleurs élèves, sous l’Empire, furent envoyés au nouveau lycée de Caen. La commune d’Avranches se dota en 1811 d’un collège de garçons qui fut nationalisé seulement en 1957. L’historien Michel Lagrée y fit une partie de ses études25. Le premier contact, après la guerre, entre l’IND et le collège Littré, se fit par le truchement du sport, une rencontre de basket.

  • 26 Perrée Thérèse, Le Tiers-Ordre du Mont-Carmel d’Avranches, Coutances, Éditions Notre-Dame, 1963, p. (...)
  • 27 Actuellement, dans une autre configuration, les locaux de l’IND et de la Providence constituent deu (...)

12Il existait un autre établissement catholique féminin, le pensionnat de la Providence, officiellement Cours complémentaire en 1948. Celui-ci était tenu par les sœurs du Tiers-Ordre du Mont-Carmel d’Avranches, congrégation créée au milieu du xixe siècle à partir d’un réseau dense d’institutrices de l’Avranchin affiliées à un tiers-ordre ancien, rétabli au lendemain de la Révolution. La nouvelle congrégation fit preuve d’une grande activité pédagogique, notamment en développant, à partir de 1850, le cours normal d’institutrices, créé en 1844. Les sœurs, bien que massivement sécularisées sur place après la loi de 1904, pour sauver les écoles, conservèrent leur maison-mère grâce à leurs activités hospitalières. En 1933, l’ouverture du Cours Saint-Michel, premier établissement secondaire catholique du diocèse, permit l’accès des jeunes filles à des études classiques et modernes, au moment même où le collège Littré devenait mixte en 1932. Après la guerre, la Providence put recevoir, dans des locaux neufs, près de 300 internes avec une double filière, classique et technique26. Dans les années 1970, la mixité s’installant, les professeurs et les élèves des deux établissements fusionnèrent et, pour le lycée, s’installèrent dans les locaux de l’IND27.

Un établissement scolaire méritocratique et son public

  • 28 « Mais nous avons un jardin sur la rive droite de la Sée, à Saint Jean de la Haize qui nous donne u (...)
  • 29 Informations puisées dans les Bulletins de Distributions solennelle des prix, petits fascicules d’u (...)
  • 30 Poucet Bruno, « Bourses », dans Yann Celton et alii (dir.), Dictionnaire des lycées catholiques…, o (...)

13Les ressources financières de l’établissement sont mal connues. On les pressent diversifiées : apport de l’évêché, sans doute par des bourses pour des séminaristes, aide des anciens élèves, participation des familles, ressources en nature provenant d’une propriété rurale28 puis de la ferme-école. Aides publiques aussi. Le système de bourses est complexe au lendemain de la guerre et il faut attendre la loi Marie (1951) pour que les collèges privés bénéficient de bourses nationales. L’IND reçoit, en 1948, des bourses départementales, puis à partir de 1951 les bourses d’État. Pour l’année scolaire 1952-1953, il bénéficie de 73 bourses nationales et de 47 bourses départementales ou aides au titre de pupilles de la nation29, ce qui représente peut-être un tiers des effectifs du collège proprement dit. Une situation assez semblable à celle du petit séminaire de Quintin, dans les mêmes années30.

14Le collège, dans la décennie qui suit la guerre, tourne autour de 250/300 élèves selon les années. Près des neuf dixièmes sont internes. Je détaillerai, plus loin, la géographie du recrutement. L’essentiel des élèves est réparti entre les classes habituelles, de la 6e à la terminale ; mais à chaque niveau une séparation est nettement marquée entre A, B et C et moderne. L’enseignement du latin constitue le critère discriminant, d’un côté latin et grec (A), latin et langue (B), puis latin et sciences (C), de l’autre l’enseignement moderne, langues vivantes et sciences. En 1955, les élèves de seconde et de première comptaient deux tiers de AB ; ceux de cinquième, quatrième et troisième, trois quarts. Probable recentrage sur un enseignement classique qui, dans l’esprit de la direction, nécessite, en vue de la prêtrise, un large recrutement initial pour tenir compte d’inévitables abandons.

  • 31 C’est entre 1925 et 1932 que ces classes de lycée passent progressivement dans le giron du primaire (...)

15La concentration sur les classes du collège se fit aussi durant ces mêmes années. Au lendemain de la guerre, l’IND, comme les établissements publics similaires, comptait un petit collège comprenant des classes primaires31. En 1948-1949, les deux classes de huitième et surtout de septième sont largement constituées d’internes, qui, s’ils font une scolarité complète, passent neuf années au collège. Mais le primaire se réduit, en sept ans, des trois quarts de ses effectifs. Toutefois, le passage de la 7e en 6e n’est pas automatique. L’IND instaure encore en 1954-1955 un rigoureux examen d’entrée en sixième puisque sur une bonne trentaine d’élèves de septième, dix-huit seulement le réussissent. L’entrée en sixième est donc l’occasion d’un amalgame entre les meilleurs élèves du primaire et ceux qui viennent de l’extérieur. Il existait aussi au lendemain de la guerre un cours supérieur de français qui a disparu rapidement. Par contre le collège n’assurait pas de classe C et M (Moderne) en terminale, sans doute faute d’équipement voire de professeurs compétents. Plus importante a été la création en 1949 d’une section agricole avec 37 élèves dès la première année ; en 1955, avec 130 élèves, elle fonctionne normalement sur deux années.

  • 32 Bindet Jean, L’Évêque constitutionnel de la Manche, François Bécherel, 1732-1802, Mortain, G. Letel (...)

16L’IND, dirigé par le clergé diocésain, bénéficiait d’un fort encadrement clérical. En 1954-1955, le personnel du collège comprend 38 personnes, dont 21 prêtres : les laïcs interviennent ponctuellement et restent cantonnées dans le primaire où l’on compte une ou deux institutrices selon les années, et dans des disciplines annexes (musique, dessin, éducation physique et préparation militaire). Ces prêtres ont eu une bonne formation : en 1949, sept sont licenciés, un a même passé un diplôme d’enseignement supérieur d’histoire, l’abbé Bindet – le neveu de mon recruteur – qui ressuscita la figure de l’évêque constitutionnel de la Manche sous la Révolution, un ancien curé de Saint-Loup32. Le monde est petit ! Les titres des professeurs apparaissent de manière régulière sur les livrets scolaires des élèves pour les deux années du baccalauréat, témoignant ainsi du bon niveau de l’enseignement.

  • 33 Cf. infra.
  • 34 J’emploie cette qualification faute de mieux ; il ne faut évidemment pas le confondre avec le profe (...)
  • 35 « Les professeurs rendaient de grands services dans les paroisses environnantes, “semeurs de parole (...)

17Le clergé avait l’exclusivité de l’administration, de l’encadrement des divisions33, des classes principales à partir de 4e, de l’enseignement des autres disciplines (langues vivantes, sciences, histoire-géo) à partir de la seconde. Il faut dire ici un mot du système de professeur principal34 : un même enseignant, chaque année, à partir de la 6e, enseigne le français et le latin et, à partir de la 5e, le français, le latin et le grec. Les licenciés se concentrent dans l’administration (supérieur, préfet des études) et dans les classes du second cycle. La charge d’enseignement, évaluée selon mes souvenirs, paraît plutôt réduite (10/12 heures), mais les prêtres enseignants la cumulent avec d’autres occupations : administration, surveillance des dortoirs, enseignement dans la section agricole, sans oublier les activités périscolaires. Ils participent aussi à l’animation des paroisses environnantes35. À part, les « invisibles », les sœurs qui assurent l’infirmerie, la lingerie et le réfectoire.

  • 36 Un prix pour 10 élèves, un accessit pour 5.
  • 37 Coefficient 2 pour 1er trimestre, 3 pour le second, 4 pour le troisième.

18L’IND met en œuvre une stricte méritocratie (prix et accessits, en fonction du nombre d’élèves)36 qui tient beaucoup compte de la progression des résultats en cours d’année scolaire37. Malheur aux malades ! On apprend, au détour d’une note dans un palmarès de distribution des prix, que deux premiers élèves au terme d’une année ne sont séparés que par deux ou trois points sur 1 500 ! Ce système peut produire un sentiment d’exclusion chez ceux qui restaient hors du système scolaire, même si la pluralité des matières permettait à plus de la moitié des élèves de figurer dans les divers palmarès.

  • 38 Ce qui est dit explicitement dans un ajout au règlement : « Dans le Palmarès, l’ordre suivi indique (...)
  • 39 L’enseignement religieux est structuré en brevet supérieur (philosophie et première), brevet élémen (...)
  • 40 Ces notes en fait sont réparties par division. La nomenclature des qualités évaluées montre le rôle (...)
  • 41 Le système ancien a duré au moins jusqu’en 1948 et 1949. Le nouveau existe à partir de 1952. Une la (...)

19On voit toutefois apparaître, pendant ces années de l’après-guerre, une nette évolution. La plus visible est une meilleure identification de l’excellence scolaire individuelle. On a rapidement supprimé la présentation des résultats par discipline pour y substituer une autre, nominale, où chaque élève occupe une place identifiée en fonction de son mérite marqué par la somme de ses prix et accessits38. Surtout, la hiérarchie de l’attention évolue rapidement. En 1948-1949, on met encore au premier plan l’enseignement religieux39, l’intégration de l’habitus moral (piété, travail, conduite, bonne tenue40), les notes de classe (travail et discipline) et on accorde aussi une large place aux arts d’agrément et à la chorale. En 1954-195541, l’excellence scolaire, de la terminale à la sixième, est placée au premier plan ; l’enseignement religieux est relégué à la fin du palmarès, les arts d’agrément ont disparu ; les résultats sportifs, par contre, prennent une place importante comme manifestation d’une excellence collective dont le collège entend tirer bénéfice pour sa nouvelle image.

  • 42 Un horsain (ou horsin) est, en parler normand, un étranger. Le terme a été vulgarisé par l’abbé Ber (...)
  • 43 Ce choix exclut les élèves de primaire : entre 60/70 en 1948-1949 et 25/30 encore en 1954-1955 ains (...)
  • 44 La sous-population retenue est supérieure à la moitié de l’effectif en 5e, elle est plus élevée en (...)

20Que l’IND ait eu un large recrutement rural était une évidence, même si les élèves entre eux évoquaient peu leur commune origine, au moins en face du « horsain42 » que j’étais. Pour moi, cette ruralité s’égrainait de manière litanique le jour de la distribution des prix où le nom des élèves était immédiatement suivi de celui des communes rurales qui m’étaient, pour la plupart, inconnues. Une enquête sur le recrutement géographique, qui resterait à affiner, permet déjà de mieux délimiter la zone de recrutement de l’IND qui s’identifie à un Avranchin tôt singularisé, sous l’Ancien Régime, et comme généralité et comme diocèse. Au lendemain de la Révolution, Avranches est chef-lieu d’arrondissement. En 1926, l’arrondissement absorbe les communes de celui de Mortain, supprimé alors, et donc couvre tout le sud de la Manche. L’enquête sur le recrutement géographique a été menée sur les élèves de la sixième à la terminale pour les années scolaires 1948-1949 et 1954-195543. Faute d’accès à des sources primaires, elle a été effectuée à partir des mentions nominales dans les palmarès de distribution des prix, ce qui, malgré une réelle sous-représentation44, ne nuit pas à la répartition géographique des effectifs (voir le tableau et les cartes ci-dessous).

Tableau 1. – Effectifs du secondaire (6e à Terminale) d’après les bulletins de distribution des prix.

Total

Manche

Villes

Chefs-lieux/canton

Comm. rurales

1948-1949

192

181 (84)

42 (4) 23 %

48 (20) 26,5 %

91 (60) 50,3 %

1954-1955

251

227 (104)

49 (4) 21,5 %

74 (21) 32,5 %

104 (79) 46 %

Hausse des effectifs (entre 1948-1949 et 1954-1955)

+ 30 %

+ 25 %

+ 17 %

+ 54 %

+ 14 %

1954-1955 Section agricole

79

8 (10 %)

32 (40,5 %)

39 (49,5 %)

Hausse des effectifs (section agricole incluse)

+ 69 %

+ 37 %

+ 121 %

+ 57 %

Fig. 1. – Géographie du recrutement en 1949 (effectifs : 192 élèves de la 6e à la terminale).

Fig. 1. – Géographie du recrutement en 1949 (effectifs : 192 élèves de la 6e à la terminale).

Fig. 2. – Géographie du recrutement en 1955 (effectifs : 251 élèves de la 6e à la terminale).

Fig. 2. – Géographie du recrutement en 1955 (effectifs : 251 élèves de la 6e à la terminale).

21Le premier chiffre est celui de la population scolaire, le deuxième (entre parenthèses) celui du nombre de communes qui fournissent des élèves et le 3e, en italique, fournit le pourcentage d’élèves originaire des différents types de communes par rapport au nombre total d’élèves de la Manche.

22Première constatation, le recrutement des classes de collège entre 1948 et 1954 est en hausse de 30 %. Effet du retour à une certaine normalité. Le recrutement de l’IND voit la part étrangère au département augmenter légèrement de 1948 (6 %) à 1954 (9 %), avant tout grâce à des apports frontaliers, de l’Orne et surtout de l’Ille-et-Vilaine ; il faut noter aussi une meilleure pénétration dans le Mortainais. Globalement, la part urbaine est faible et surtout stable (22-23 %), mais l’importance d’Avranches s’affirme davantage (de six à huit élèves d’origine urbaine sur dix en proviennent). Seule, la ville de Granville, sans collège catholique, continue à envoyer un contingent régulier à l’IND. En 1954, dans un recrutement rural qui se maintient, les chefs-lieux de canton portent l’augmentation des effectifs grâce à une hausse de 54 %, là où les villes (+ 17 %) et les communes rurales (+ 14 %) connaissent une plus faible progression. Et le recrutement de la section agricole corrobore, de manière paradoxale, l’importance de ces gros bourgs mi-urbains mi-ruraux, puisque, en incluant ses élèves, la hausse du recrutement départemental de l’IND passe à 69 % mais, pour les chefs-lieux de cantons, à 121 %.

23Pour interpréter ces données, il faudrait pouvoir passer de la géographie à la sociologie, mais le fait qu’une petite moitié des effectifs du collège proprement dit vienne de communes strictement rurales montre le poids d’une paysannerie, le plus souvent de fermiers disposant d’une certaine aisance, anciennement alphabétisée (l’Avranchin étant situé du bon côté de la fameuse ligne Saint-Malo-Genève) et fournissant depuis plusieurs décennies des prêtres au diocèse mais aussi des élites laïques. J’ai pu le constater dans les deux familles qui m’ont accueillies à Saint-Loup et à Vains, deux communes des environs d’Avranches. Par contre, les modifications enregistrées de 1948 à 1954 nécessiteraient une explication. Les bourgs ruraux, en retrouvant leur fonctionnalité traditionnelle après la guerre, cherchent à faire bénéficier leur population mixte et enrichie de l’offre diversifiée de l’Institut. Par ailleurs la crise commence à toucher un monde agricole trop abondant pour la terre disponible, ce qui se marque par la hausse rapide des loyers et l’émigration forcée des jeunes générations. Ces élites toutefois cherchent aussi les moyens d’une professionnalisation, offerte par la section agricole, dont la formation technologique s’inscrit dans la droite ligne de la modernisation du monde rural prônée par l’Action catholique, très présente dans l’Avranchin. Mais cette formation agricole renforce aussi l’offre d’activités séculières, ce qui conduira à la chute du recrutement sacerdotal, identifiée dès les années 1950 au niveau national par le chanoine Boulard.

L’institut Notre-Dame, internat et socialisation

  • 45 Ouest-France, 14 janvier 2018.

24« Autrefois, confiait en 2018 Jean Bouteloup, président de l’Association des anciens élèves de l’IND à Ouest-France45, 80 % des collégiens et lycéens étaient internes. Ils étaient cinq semaines sans rentrer dans leur famille. Ils pratiquaient alors toutes sortes d’activités qui, évidemment, créaient des liens entre eux. » Et ces liens se perpétuaient à travers l’association, qui peinait alors à recruter dans les plus jeunes générations. Confirmation, s’il en était besoin, le principal chroniqueur de ces années d’après-guerre auquel je ferai appel, Michel Normand, appartient à cette génération. Il était en seconde quand j’étais en terminale. Originaire aussi de Saint-Loup, je l’avais connu lors de mes deux années de vacances, avant d’entrer à l’IND. Lui-même s’en souvenait, et se fit l’écho de ma production universitaire, alors que mes liens avec l’IND s’étaient distendus.

25Il faut d’abord, pour comprendre la vie à l’IND, évoquer les contraintes qui pesaient sur l’internat. J’en retiendrai trois ; la première est conjoncturelle, les deux autres, davantage structurelles. La première est celle de vivre dans une ville en pleine reconstruction. Le collège, comme à Saint-Lô, a été bâti à l’écart de la ville : il faut 15 à 20 minutes à pied, par une pente raide pour rejoindre le centre-ville. Avranches, en 1948, est un chantier de reconstruction, entre baraquements de la cité Valhubert et nouvelles maisons construites dans un style qui se retrouvera dans beaucoup de petites villes normandes détruites par la guerre. À Avranches toutefois, le nouveau bâti a épousé le tracé des anciennes rues, au moins pour la vieille ville. Mais pour l’interne qui sort peu de son collège, la ville ne devient que progressivement attractive, avec ses commerces qui renaissent. Elle conserve longtemps aussi des traces durables de la guerre. L’imposante église néogothique, Notre-Dame-des-Champs, située sur une grande place en face du collège Littré, qui avait été terminée seulement au xxe siècle, fut gravement endommagée par un incendie en juin 1944. Elle ne fut rouverte au culte qu’en 1962.

26Mais la contrainte principale est imposée par le site et les locaux (cf. photographie).

Fig. 3. – L’institut Notre-Dame d’Avranches au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (carte postale).

Fig. 3. – L’institut Notre-Dame d’Avranches au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (carte postale).
  • 46 Celui-ci sert de baromètre ; la pluie – une bruine souvent tenace – est assurée le lendemain du jou (...)

27L’IND était un collège à l’architecture compacte : conçu à la veille de la Première Guerre mondiale, il a été agrandi progressivement au gré des besoins et des disponibilités financières. Larges couloirs, abondantes fenêtres, bonne hauteur de plafond. Le bâtiment est doté d’une longue façade comprenant un grand rez-de-chaussée et deux beaux étages, le tout sommé d’un quatrième niveau, composé de chambres mansardées. Établie sur une petite colline, la façade du bâtiment est entièrement visible de la partie basse d’Avranches, le quartier de la gare, voire au-delà. Le bâtiment peint en noir, pour des raisons de camouflage pendant la guerre, le restera durant toute ma scolarité. Trois constructions perpendiculaires à la façade complètent le dispositif, deux ailes à chaque extrémité, également de trois étages, et au centre une grande chapelle néogothique aux vitraux lumineux. Le choix de construire sur une pente assez raide réduisait d’autant l’espace disponible. Pas de terrains de sport, il faut courir le 60 mètres dans une des allées qui longe la façade ou sauter en hauteur face à la statue du Sacré-Cœur. Pas de jardin, sinon pour la section agricole, mais celui-ci est inaccessible aux internes. Aussi, des trois cours, deux sont-elles entourées sur trois côtés par un haut bâti et pour la quatrième par un talus élevé. Seule la troisième, celle des grands, donne, au-delà de garages récemment aménagés, sur un plus vaste horizon, dont au loin la baie du Mont-Saint-Michel46. Dans les étages des ailes, se trouvent quatre dortoirs, sur deux niveaux et des chambres des professeurs. En façade, au premier étage, l’administration, l’infirmerie et quelques salles de cours spécialisés ainsi que la grande salle qui permet le rassemblement des élèves pour le théâtre, le cinéma et la distribution des prix. Au rez-de-chaussée, les études dans les ailes et sur la façade, les classes, surtout en façade, plus lumineuses, le réfectoire dans une aile. Le sentiment physique d’enfermement ne tient pas à quelque clôture mais à la disposition des lieux, à la masse des bâtiments, ainsi qu’aux usages : la grande allée, par exemple, qui a été construite au pied du bâtiment et ouvrant sur l’extérieur, était réservée aux fournisseurs, à l’administration et aux enseignants ; les élèves n’y avaient accès que pour entrer et sortir de l’établissement, notamment pour se rendre à la gare en contrebas.

28Pour les internes, tous les lieux de vie étaient entièrement collectivisés. Seul le personnel enseignant dispose d’une chambre, modeste d’ailleurs. En une même journée, le pensionnaire circule entre trois types de locaux différents. Le plus fréquenté est sa classe. Comme dans le primaire actuel, l’essentiel des cours a lieu dans la même salle, où chaque élève a sa place fixe, changeable parfois pour des raisons de discipline ou d’attention. Cette classe est plus ou moins fournie selon les années (une petite quinzaine en philosophie), selon les disciplines, davantage en français qu’en grec. Il faut attendre le second cycle pour migrer à l’étage dans les laboratoires de physique et de sciences naturelles ainsi que dans la salle d’histoire-géographie. La classe, où les élèves passent au moins quatre à six heures par jour, est le lieu de sociabilité par excellence. Les internes y vivent avec le professeur principal qui se fait toujours respecter, avec d’autres professeurs dont certains sont copieusement chahutés. Mais la classe est aussi le lieu privilégié du contact avec les externes qui apportent le bruit atténué de la ville.

29Les quatre autres lieux collectifs sont les salles de division et les dortoirs, le réfectoire et la chapelle. Ces deux derniers ont en commun d’avoir été conçus pour recevoir la totalité des internes. Environ trois cents collégiens se retrouvent chaque jour dans un réfectoire abandonné au brouhaha des élèves ; le calme règne à la chapelle, pour des messes basses quotidiennes, mais les liturgies dominicales sont animées par un chœur grégorien de qualité. Comme les vêpres y précèdent la sortie dominicale, quelque ordonnateur bienveillant des cérémonies remplace, sans doute par beau temps, l’interminable psaume 115 par une autre connu par sa brièveté.

  • 47 Noter une tentative de regroupement en trois divisions en 1949-1950.
  • 48 Non compris les externes.
  • 49 Vadaine Jules, L’abbé Jean Chesnay, 1926-1951, Saint-Hilaire-du-Harcouët, Imp. Lechaplais, 1951, 60 (...)
  • 50 L’abbé Lucien Navarre né en 1925 est décédé le 27 août 2019. Curé de paroisse après dix années à l’ (...)
  • 51 Voir la carrière atypique de l’abbé Jean Béasse (1923-2017) rappelée par Lemoffe Jean, Bulletin des (...)

30Mais le lieu de vie par excellence de l’interne est la salle de division. Les élèves y sont regroupés par classe d’âge. La discipline peut donc y être modulée : ainsi à partir de la rentrée 1951, les élèves de la division des grands ont-ils la permission de fumer le jeudi et le samedi. Les internes sont répartis, le plus souvent47, en quatre divisions, chacune regroupant deux classes. La première est celle des « grands » (terminale et première) ; la deuxième regroupe les classes de seconde et troisième ; la troisième, celles de quatrième et cinquième ; et la quatrième division, les sixième et septième voire huitième. Chaque division compte environ 50 à 70 internes, mais avec des variations selon les années. En 1954-1955, si l’on s’en tient aux effectifs des classes, en dehors d’une première division plus réduite (moins de 40) les autres oscillent entre 90 (2e division) et 110 (3e division)48. La direction de ces divisions est confiée à de jeunes prêtres, choisis avec attention. Par chance, je les ai connus compétents, dynamiques, inventifs, accommodants quand il le fallait. L’un d’eux, l’abbé Chesnay, a perdu la vie en sauvant un jeune de la noyade lors d’une sortie49. Deux d’entre eux, les abbés Rouellé et Navarre50, ont été présents de 1948 à 1955. Leur jeunesse et leur disponibilité équilibraient un corps professoral plutôt vieillissant, même si, au fil des ans, celui-ci incorporait de plus jeunes professeurs51. La division a deux lieux de vie identifiables, le dortoir (surveillé par un autre prêtre) et les études, mais c’est dans le cadre des divisions qu’ont lieu les récréations quotidiennes et les sorties du jeudi et du dimanche, promenades ou sport sur les grèves. La division a son lieu de référence, les grandes salles d’études où les internes se retrouvent régulièrement le matin avant le petit-déjeuner pour revoir les leçons, en fin d’après-midi et en soirée pour les devoirs. Mais aussi durant les jours fériés, pendant les moments festifs, le responsable de division doit se changer en animateur plus qu’en surveillant. Les divisions sont des lieux de tension interne, de sociabilité de base où les groupes, qui se font et se défont, sont porteurs d’inclusion comme d’exclusion, où les prêtres responsables, dans les premières années, avaient comme fonction de noter les qualités requises, piété, travail, conduite, bonne tenue. Lieux d’équilibres instables où les plus bavards étaient placés à côté des plus sages.

31De ce fait, la capacité d’individuation était fort limitée : un tiroir au réfectoire ou les internes plaçaient l’aide alimentaire reçue tous les samedis de leur famille, beurre, rillette, confiture, chocolat… objet souvent de partage, d’échange ; les grandes tables pupitres des salles de division accueillaient le matériel scolaire, les cahiers, les livres de classe ainsi que les livres empruntés à bibliothèque de la division ; enfin une partie d’armoire, dans les dortoirs, recueillait le linge lavé et repassé chaque semaine par les sœurs, le courrier, les médicaments éventuels… Chaque élève avait aussi le droit de se choisir un confesseur qui le recevait le plus souvent dans sa chambre.

32Cet enfermement était toutefois rendu vivable par les possibilités de contact avec l’extérieur. Le samedi était le jour de parloir pour voir les parents et recevoir les provisions. Parisien, j’accordais une importance particulière au courrier familial hebdomadaire et je recevais mes provisions de la famille, de Saint-Loup puis de Vains, qui m’accueillait aussi chez elle. Deux fois par semaine, les internes sortaient du collège le plus souvent pour des longues promenades de deux heures au moins dans les environs. Il faudra être dans la grande division pour faire, au printemps, quelques balades à vélo. Lors des beaux jours, la promenade était remplacée par un séjour sur les grèves, terrain plat où il était aisé d’improviser des jeux et surtout de délimiter par quelque amas de vêtements les buts d’éphémères terrains de football. À cela s’ajoutaient des sorties dominicales mensuelles, récompenses des mérites. J’allais à pied dans ma famille d’accueil, ce qui me permettait quelques brèves respirations. Trop éloigné des miens, je ne rentrais à Puteaux que pour les vacances de Noël et de Pâques, ainsi que pour des longues vacances de trois mois, du 1er juillet au 30 septembre, pour lesquelles, dans les premières années à l’IND, il était prévu des devoirs spécifiques sanctionnés par des prix qui disparurent rapidement.

  • 52 « Des documentaires très éclectiques sont projetés : Notre Dame de Paris, la Sainte Chapelle, le cr (...)

33La mémoire individuelle se fait sélective au regard de la chronique plus nourrie déjà évoquée. J’avais ainsi oublié une ouverture sur le monde fournie, pour les plus âgés, par la Conférence de Saint-Vincent de Paul, dont les membres visitaient des familles en difficulté. Le cinéma à l’IND, des films d’actualité au début, ouvrait sur le monde du lendemain de la guerre52. Plus rarement des conférenciers parisiens étaient invités, tels, en 1949, Marcel Durry, professeur d’histoire ancienne à la Sorbonne, ou, en 1955, le père Daniélou, alors responsable de la revue Études qui présenta « les grands courants de la pensée contemporaine (existentialisme, marxisme, personnalisme chrétien) ». L’ouverture au monde politique restait limitée, mais nous fûmes initiés, dans le cadre des divisions, à la musique classique et à la peinture moderne : je revois encore des petits ouvrages en couleur qui servaient de support à cette découverte, un Renoir est resté dans ma mémoire. En troisième, notre classe prit un contact plus surprenant avec un écrivain qui ne faisait pas partie du programme : un jeune prêtre remplaçant, sans doute en mal de préparation, nous lisait chaque semaine pendant une heure des extraits de La femme pauvre de Léon Bloy, prose aussi troublante que peu conventionnelle.

  • 53 « Le 19 (mars 1949), les Miquelots donnent un concert dans la chapelle à l’intention des Avranchina (...)
  • 54 Paroles et musique de André Grassi (1947).
  • 55 Les paroles sont de Francis Blanche, ce qui explique mieux sa cocasserie.

34J’eus surtout l’avantage de me trouver mêlé à trois autres activités qui, de manière différente, donnaient quelque ouverture sur l’extérieur, la chorale, le théâtre et le sport. Je n’eus qu’une courte carrière de choriste : jeune, j’étais alto, un registre musical ingrat, mais surtout je n’avais pas suffisamment d’oreille pour faire autre chose que de la figuration ; je fis néanmoins quelques déplacements dont j’ai gardé un souvenir aussi vague qu’agréable53. Les productions publiques de la chorale vite célèbre, les « Miquelots », étaient bien accueillies le plus souvent, mais certains choix du répertoire n’étaient pas sans risque. Pour avoir chanté « La Marie » des Compagnons de la chanson, cette Marie54 délaissée par son amant et qui, de désespoir, « s’est noyée dans un vieil étang », la chorale fut tancée pour son audace. Des mêmes Compagnons de la chanson, j’ai gardé le souvenir de ce mystérieux « Prisonnier de la Tour55 » qui, lui aussi, pour s’être « tué ce matin », faisait dire à son amoureuse, qui se confiait à sa grand-mère : « Nous n’irons pas à la messe demain », conséquence qui a longtemps perturbé mon esprit ingénument cartésien.

  • 56 Langlois Claude, « Les Bénédictines calvairiennes face à l’autre moitié de leur histoire », dans Da (...)
  • 57 Il fallait un plus jeune pour ce rôle, ce qui me valut de monter sur les planches pendant trois ann (...)

35Les représentations théâtrales dans les collèges catholiques ne datent pas de l’après-guerre, elles réapparaissent au xixe dans les collèges de la nouvelle Compagnie de Jésus ; j’en avais trouvé la trace en Bretagne, durant l’entre-deux guerres, à Lesneven plus précisément, où les collégiennes des Calvairiennes de Landerneau venaient s’initier aux subtilités du marivaudage56. À la veille de la guerre, on jouait du Labiche à l’IND. La pratique que j’ai connue était la suivante : le professeur de français de première, l’abbé Vadaine, allait, tous les ans, humer l’air parisien pour dénicher des pièces jouables pour des garçons. Puis il les montait avec les élèves de première et de terminale pour être représentées en février au collège d’abord et aussi en ville, deux à trois fois selon le sujet choisi et la qualité des acteurs. L’intérêt pour un interne provenait du long temps de préparation, de la possibilité de côtoyer des élèves d’autres classes, mais aussi de partager cette expérience avec de jeunes enseignants, prêtres voire laïcs, qui jouaient souvent les rôles-titres. J’eus la chance de monter sur les planches trois années de suite, pour jouer successivement un mousse57 dans Maître après Dieu, le représentant du roi d’Espagne dans Sur la terre comme au ciel et un ingénieur buté dans les Cyclones de Jules Roy. Les deux premières pièces n’étaient pas sans intérêt. Maître après Dieu, de l’écrivain néerlandais Jan de Hartog, avait été montée par Jean Mercure en 1948 au théâtre Verlaine et reprise en 1950 à la Gaité-Montparnasse. La pièce fit en 1951 l’objet d’un film de Louis Daquin. Le scénario était dramatique à souhait, racontant comment, en 1938, un capitaine flibustier sans scrupule en vint à se convertir à des sentiments plus chrétiens et donc plus humains et à saborder son navire au large des côtes des États-Unis pour obliger les autorités à accueillir près de 150 juifs dont personne alors ne voulait. Le succès de ce sujet montre aussi comment, contrairement à ce qui a parfois été écrit, la « question juive » restait d’actualité avant que Le Vicaire (1963) ne cristallise l’attention sur le silence de Pie XII. Une autre pièce, Sur la terre comme au ciel, était encore plus connue. Elle a été écrite en 1942 par le dramaturge autrichien Fritz Hochwälder. La version française fut créée en 1952, toujours par Jean Mercure, pour le théâtre de l’Athénée. Elle relatait l’épisode dramatique de la fin des Réductions jésuites du Paraguay, sujet réactualisé plus tard par le film Mission (1986). Au début de 1954, quand la pièce est montée à l’IND, ce drame de l’obéissance trouve une nouvelle résonnance car on y lit la crise des prêtres ouvriers, alors à son apogée.

  • 58 Voir à ce sujet Lagrée Michel, Religion et cultures en Bretagne, Paris, Fayard, 1992.
  • 59 Juste retour des choses. La Saint-Michel d’Avranches a été fondée en 1919 par un professeur d’éduca (...)
  • 60 Elle récidivera deux autres fois grâce au talent du même entraîneur.

36Mais mon meilleur souvenir, largement commenté aussi dans les annales de l’Institut, fut la création d’une équipe de basket qui s’imposa rapidement en remportant le championnat national UGSEL. La pratique du sport, dans le cadre de l’UGSEL, fédération sportive des établissements catholiques, avait commencé par l’athlétisme. Mais le succès vint par le basket, sport de patronage qui connut un large développement dans l’après-guerre et tout particulièrement en terre bretonne58. Celui qui mit en place le basket à l’IND était un prêtre, peu sportif par lui-même, l’abbé Navarre, responsable alors de la division des grands, qui voulait ouvrir aux plus âgés de nouveaux horizons tout en valorisant davantage les aptitudes physiques. Bientôt la cour de la première division se transforma en terrain de basket. J’ai dû commencer à pratiquer ce sport en seconde, en faisant un stage d’initiation dans la région parisienne. En première (1953-1954) nous avons perdu en quart de finale à Paris au « maléfice » de l’âge ! L’année suivante, nous atteignîmes encore le quart de finale. J’ai surtout gardé, de cette ultime année, le souvenir de notre participation à l’équipe locale, la Saint-Michel d’Avranches59, que l’Institut renforçait de ses meilleurs éléments. Ce qui nous valait des déplacements homériques en camionnette en compagnie notamment de deux joueurs venus de Caen, recrutés dans son entreprise par un patron mordu de basket qui était aussi le responsable de l’équipe. La mayonnaise prit l’année qui suivit mon départ, avec le renfort de grands gaillards plus jeunes et mieux formés, grâce aussi au recrutement comme moniteur de sport et entraineur de l’équipe, de Robert Duchesnay, le meilleur joueur de l’équipe locale. L’IND devient champion de France UGSEL à Poitiers en 195660.

37Pour préparer cet exposé, j’ai regardé sur Internet la présentation de l’actuel lycée Notre-Dame de la Providence où l’on découvre des images joyeuses de celles et ceux qui ont l’âge de mes plus jeunes petits enfants. J’ai revu avec quelque pincement au cœur des lieux familiers quelque peu réaménagés et surtout bien colorisés ! Sans doute n’ai-je pas été malheureux dans mes premières années à Avranches, esprit frondeur mais caractère malléable, capable de partager le quotidien d’enfants de milieux également modestes dont plusieurs deviendront prêtres diocésains. Je fus même heureux durant les trois dernières années où je pus affermir mon excellence scolaire (être le premier à Avranches !), m’épanouir par le théâtre et le basket, et surtout où je découvrais, grâce à une forte amitié, ce que pouvaient être l’ouverture du cœur et la chaleur d’une famille de dix enfants, moi qui étais fils unique.

  • 61 À une exception près toutefois : pendant ces années, et longtemps après, se tenaient deux réunions (...)

38Quelles conclusions l’historien peut-il tirer de cette navigation entre mémoire et histoire ? Je n’ai découvert le Dictionnaire des lycées catholiques de Bretagne qu’après avoir fait cette communication, mais avant de l’avoir mise au net. J’y ai lu avec plaisir et intérêt force notices. Celle particulièrement du collège de Lesneven. Certes l’Avranchin n’est pas le Léon, mais les points de comparaison ne manquent pas. Les monographies de collèges montrent surtout combien les années de l’après-guerre ne sont évoquées seulement, à partir des années 1960, que pour montrer comment s’est faite la sortie d’un ancien régime décrié. La focalisation sur ces années oubliées offre pourtant plusieurs avantages. Elle permet d’abord de mieux prendre conscience du fonctionnement d’un système scolaire qui vit alors ses dernières années, marqué avant tout par le modèle de l’internat, par l’étroitesse aussi des publics touchés, qu’il s’agisse du public ou du privé : en effet quand je passe le baccalauréat de philosophie en 1955, j’appartiens aux 7 % de privilégiés d’une classe d’âge dont la moitié seulement fera des études supérieures. Mais l’exemple de l’IND montre aussi combien ces années d’après-guerre sont riches de micromutations qui en préparent d’autres plus visibles dans un contexte de riche sociabilité, d’ouverture encore timide à la société, mais aussi de faible décloisonnement géographique, si je me fie aux carrières professionnelles évoquées par les anciens élèves de cette génération61. Nous ne le savions pas, mais ce système ancien vivait ses dernières années avec l’introduction de la scolarisation de masse par la création des CEG (1960) et la fin de la guerre scolaire par la loi Debré (1959) qui assura une certaine pérennité à une institution catholique rapidement sécularisée par la rapide disparition de ses personnels cléricaux.

39L’IND a joué un rôle incontestable d’ascenseur social, renforcé par l’accès aux bourses nationales, comme sans doute beaucoup d’autres collèges catholiques de ce type. Boursiers nous étions presque tous, selon la sociologie classique, en rien des héritiers, mais l’institution, elle, était porteuse d’une longue tradition scolaire dont elle nous fit bénéficier. Après quoi, chacun, à sa manière, a tenté de prendre en main son destin !

Notes

1 En fait la sanction fut collective, ledit prix échut, à la surprise générale, à un redoublant.

2 Plouasne se situe alors dans les Côtes-du-Nord et compte 2 000 habitants. La ferme de mon oncle était située à 4/5 km à l’est du bourg, distance faite à pied chaque jour ; un pré proche de la ferme était traversé d’un petit ruisseau, que nous franchissions à pieds joints pour nous retrouver, avec mes cousins/cousines en Ille-et-Vilaine.

3 Abréviation ultérieure, IND.

4 Michel Normand, 5 janvier 2013, période postérieure à la Seconde Guerre mondiale, [http://abouvet.org/IND/Bicentenaire3.html]. Voir aussi, du même, pour la période antérieure, [http://abouvet.org/IND/Bicentenaire2.html]. Cette source qui ne sera pas toujours citée, sera identifiée par les initiales du narrateur, MN. Pour plus d’informations, voir Bulletin des anciens, Association amicale des anciens élèves de Mortain, Ducey et Avranches, nov. 1932-1964.

5 Michel Normand, 6 avril 2016 : « Louis Forget n’est plus… ». Michel Normand, qui résidait à Saint-Pair-sur-mer était de plus le voisin du maire de Jullouville [www.abouvet.org/IND/FORGET.html.webloc].

6 Alors département de la Seine.

7 Chauvière Michel, « Madeleine Delbrel dans les mutations du familialisme », Vie sociale, 2008/3, p. 55-66.

8 Ainsi à la suite de bombardements alliés sur les usines Renault, la municipalité de Boulogne-Billancourt envoie, à partir de 1943, plusieurs milliers d’enfants en Creuse où ils seront répartis dans les familles rurales (La Montagne, 9 mai 2017). Mes parents et ceux de ma femme, qui habitaient Vincennes, font de même, mais en faisant jouer leurs réseaux familiaux respectifs pour l’année scolaire 1943-1944.

9 Downs Laura Lee, Histoire des colonies de vacances, de 1880 à nos jours, Paris, Perrin, 2009, 433 p. De la même auteure, sur les déplacements d’enfants de familles ouvrières pendant la guerre, « Enfance en guerre. Les évacuations d’enfants en France et en Grande-Bretagne (1939-1940) », Annales HSS, 2011/2, p. 413-448 ; de la même, sur le contexte politico-social de l’avant-guerre, « “Nous plantions les trois couleurs”. Action sociale féminine et recomposition des politiques de la droite française : le mouvement Croix-de-feu et le parti social français, 1934-1947 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2011/3, no 58-3, p. 118-163.

10 Commune de boccage de moins de 400 habitants qui, en, juin 1944, accueillit une partie des habitants d’Avranches réfugiés au moment des bombardements. J’y découvris aussi la très belle église romane, déjà aménagée en respectant son architecture intérieure, et la vigueur du plain-chant, notamment la fameuse « messe des anges » de Du Mont (1619-1684).

11 Langlois Claude, Le Catholicisme au féminin. Les congrégations françaises à supérieure générale au xixe siècle, Paris, Cerf, 1984, 776 p.

12 Les lieux passèrent plus récemment à la communauté des Béatitudes où l’un des frères fut accusé de pédophilie sur la personne d’une enfant de 9 ans (Ely Solweig, Le silence et la honte, Paris, Michel Lafon, 2011).

13 « Dans le retable sont représentés en bas-relief du côté de l’évangile la prédication du Bienheureux en Chine de l’autre côté le supplice de la cage de fer […]. De chaque côté : statue de St François de Sales et St François Xavier. La Maîtrise, devenue “les Escholiers Notre-Dame” anime cette grandiose cérémonie […]. Le lendemain est jouée une pièce de théâtre, Le Sacerdoce » (MN).

14 Et Jean-Paul II en fit un saint un siècle plus tard (2000).

15 Toussaint Joseph, Un martyr normand. Le Bienheureux Auguste Chapdelaine, Coutances, Éditions Notre-Dame, 1955, XVIII-341 p.

16 Alexandre Le Roy (1854-1938), natif de la Manche, fait ses études à Mortain puis entre chez les Pères du Saint-Esprit. Ordonné en 1876, il est nommé vicaire apostolique du Gabon en 1892 et est élu supérieur général de la congrégation en 1896, fonction qu’il exercera pendant trente ans.

17 Ducey, gros bourg alors de moins de 2 000 habitants, à l’est d’Avranches, abrita quelques années les élèves avant la construction de l’IND.

18 Ces associations, dans les collèges catholiques bretons, se développent avec la IIIe République ; elles deviennent davantage, dans le privé, « une structure dynamique de la défense scolaire ». cf. Le Moigne Frédéric, « Anciens élèves », dans Yann Celton, Samuel Gicquel, Frédéric Le Moigne et Yvon Tranvouez (dir.), Dictionnaire des lycées catholiques de Bretagne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, p. 50-52.

19 MN.

20 Idem.

21 Notice dans Dauzet Dominique-Marie et Le Moigne Frédéric, Dictionnaire des évêques de France au xxe siècle, Cerf, 2010, p. 317-318.

22 Il est alors qualifié, par le préfet d’Ille-et-Vilaine « d’esprit large et libéral ».

23 Voir l’article que Frédéric Le Moigne lui consacre dans ce volume.

24 Deries Madeleine, L’École centrale du département de la Manche, Saint-Lô, imp. Jacqueline, 1922, XIV-164 p. Mme Deries fut la première femme docteure en histoire.

25 Il était en quatrième en 1959-1960.

26 Perrée Thérèse, Le Tiers-Ordre du Mont-Carmel d’Avranches, Coutances, Éditions Notre-Dame, 1963, p. 298-299.

27 Actuellement, dans une autre configuration, les locaux de l’IND et de la Providence constituent deux des trois pôles de l’enseignement catholique local.

28 « Mais nous avons un jardin sur la rive droite de la Sée, à Saint Jean de la Haize qui nous donne un peu plus de lait, de légumes et de fruits, précieux par les temps qui courent » (M. N.).

29 Informations puisées dans les Bulletins de Distributions solennelle des prix, petits fascicules d’une cinquantaine de pages comportant, outre les résultats scolaires des élèves, la liste du personnel de l’IND. J’utilise une collection personnelle qui va de 1949 (année 1948-1949) à 1955 (1954-1955) avec des lacunes pour 1951 et 1952. La source utilisée pour les développements suivants est identique.

30 Poucet Bruno, « Bourses », dans Yann Celton et alii (dir.), Dictionnaire des lycées catholiques…, op. cit., p. 87-88.

31 C’est entre 1925 et 1932 que ces classes de lycée passent progressivement dans le giron du primaire, Briand Jean-Pierrre et Chapoulie Jean-Michel, Les collèges du peuple. L’enseignement primaire supérieur et le développement de la scolarisation prolongée sous la Troisième République, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 426.

32 Bindet Jean, L’Évêque constitutionnel de la Manche, François Bécherel, 1732-1802, Mortain, G. Letellier, 1935, XIV-262 p. Nouvelle édition en 1971.

33 Cf. infra.

34 J’emploie cette qualification faute de mieux ; il ne faut évidemment pas le confondre avec le professeur principal qui, dans les établissements scolaires actuels, assure la coordination et le contact avec les parents.

35 « Les professeurs rendaient de grands services dans les paroisses environnantes, “semeurs de paroles” adaptées à tous les auditoires. Enfant je me souviens des homélies de l’abbé Bindet dans l’église de Saint-Loup, où il faisait preuve d’une belle éloquence qui émerveillait les paroissiens » (Michel Normand).

36 Un prix pour 10 élèves, un accessit pour 5.

37 Coefficient 2 pour 1er trimestre, 3 pour le second, 4 pour le troisième.

38 Ce qui est dit explicitement dans un ajout au règlement : « Dans le Palmarès, l’ordre suivi indique le rang que les élèves occupent dans leur classe ou leur section. »

39 L’enseignement religieux est structuré en brevet supérieur (philosophie et première), brevet élémentaire (de la seconde à la 4e) et certificat d’instruction religieuse (7e, 6e et cours supérieur de français). Il existe aussi des prix de catéchisme, du petit catéchisme à celui de la seconde communion.

40 Ces notes en fait sont réparties par division. La nomenclature des qualités évaluées montre le rôle de contrôle attribué au prêtre président chaque division.

41 Le système ancien a duré au moins jusqu’en 1948 et 1949. Le nouveau existe à partir de 1952. Une lacune, dans la documentation des années 1950 et 1951, empêche de donner davantage de précision.

42 Un horsain (ou horsin) est, en parler normand, un étranger. Le terme a été vulgarisé par l’abbé Bernard Alexandre (1918-1990) dans Le Horsain. Vivre et Survivre en pays de Caux, Plon, coll. « Terres humaines », 1988).

43 Ce choix exclut les élèves de primaire : entre 60/70 en 1948-1949 et 25/30 encore en 1954-1955 ainsi que ceux de la section agricole.

44 La sous-population retenue est supérieure à la moitié de l’effectif en 5e, elle est plus élevée en 3e.

45 Ouest-France, 14 janvier 2018.

46 Celui-ci sert de baromètre ; la pluie – une bruine souvent tenace – est assurée le lendemain du jour où l’on put voir le Mont avec netteté.

47 Noter une tentative de regroupement en trois divisions en 1949-1950.

48 Non compris les externes.

49 Vadaine Jules, L’abbé Jean Chesnay, 1926-1951, Saint-Hilaire-du-Harcouët, Imp. Lechaplais, 1951, 60 p.

50 L’abbé Lucien Navarre né en 1925 est décédé le 27 août 2019. Curé de paroisse après dix années à l’IND (1948-1957), il obtint son bâton de maréchal à partir de 1973 comme vicaire général et archidiacre d’Avranches.

51 Voir la carrière atypique de l’abbé Jean Béasse (1923-2017) rappelée par Lemoffe Jean, Bulletin des anciens (Notre-Dame d’Avranches), 2017, p. 8-10. Il commence à enseigner en 1946 à l’IND.

52 « Des documentaires très éclectiques sont projetés : Notre Dame de Paris, la Sainte Chapelle, le cross-country, la bataille de l’huile, le greffage des arbres fruitiers, les Îles du Saint Laurent, chants populaires canadiens, plus édifiants “Cœurs d’apôtres”, “Roses du Carmel”, Notre-Dame de Boulogne, ou plus comiques “Adémaï l’aviateur” » (avec Fernandel, 1934)… (MN).

53 « Le 19 (mars 1949), les Miquelots donnent un concert dans la chapelle à l’intention des Avranchinais […]. Ils iront ensuite chanter dans les diverses communes de la région, ainsi, le 9 octobre 1949, à Saint-Loup, pour la belle cérémonie de la bénédiction de la cloche par Mgr Guyot » (MN).

54 Paroles et musique de André Grassi (1947).

55 Les paroles sont de Francis Blanche, ce qui explique mieux sa cocasserie.

56 Langlois Claude, « Les Bénédictines calvairiennes face à l’autre moitié de leur histoire », dans Daniel-Odon Hurel, Renovamini. Les Bénédictines de Notre-Dame du Calvaire (xviie-xxie siècles), Limoges, PULIM, 2021.

57 Il fallait un plus jeune pour ce rôle, ce qui me valut de monter sur les planches pendant trois années.

58 Voir à ce sujet Lagrée Michel, Religion et cultures en Bretagne, Paris, Fayard, 1992.

59 Juste retour des choses. La Saint-Michel d’Avranches a été fondée en 1919 par un professeur d’éducation physique de l’IND, Michel Leclerc. La section basket fut la première créée dans le département.

60 Elle récidivera deux autres fois grâce au talent du même entraîneur.

61 À une exception près toutefois : pendant ces années, et longtemps après, se tenaient deux réunions annuelles des anciens élèves à Paris. Anciens originaires de la région parisienne, renforcés d’autres de la Manche, venus travailler dans la région parisienne.

Table des illustrations

Titre Fig. 1. – Géographie du recrutement en 1949 (effectifs : 192 élèves de la 6e à la terminale).
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/163459/img-1.jpg
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Titre Fig. 2. – Géographie du recrutement en 1955 (effectifs : 251 élèves de la 6e à la terminale).
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/163459/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 55k
Titre Fig. 3. – L’institut Notre-Dame d’Avranches au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (carte postale).
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/163459/img-3.jpg
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Auteur

Directeur d’études émérite à l’École pratique des hautes études, Ve Section, sciences religieuses.

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