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L’Église dans l’enseignement secondaire

 | 
Samuel Gicquel
, 
Frédéric Le Moigne

Deuxième partie. Pratiques et expériences éducatives

Le Ratio studiorum au collège

Pédagogie et pédagogues jésuites en France aux xixe-xxe siècles

Philippe Rocher

Texte intégral

  • 1 Alors que la Ratio studiorum désigne la méthode d’enseignement, l’emploi du masculin est d’usage à (...)

1Les Jésuites sont membres de la Compagnie de Jésus, un institut religieux dont le Ratio studiorum1 est l’un des principaux textes : les Constitutions fixent l’esprit, les missions et la structure de l’Ordre ; les Exercices spirituels détaillent le fond et la forme de la spiritualité des Jésuites ; le Ratio studiorum organise les études des religieux de la Compagnie de Jésus et en même temps l’éducation et l’enseignement que dispensent les enseignants jésuites. Il est donc constitutif de ce qu’est l’Ordre du point de vue éducatif et de sa visibilité au sein de l’enseignement catholique, notamment dans la société française.

2S’intéresser à ce texte permet de mesurer l’évolution de l’enseignement jésuite en observant comment les Jésuites ont utilisé ce document normatif. Comment le Ratio studiorum, élaboré au xvie siècle, héritier des valeurs et des usages pédagogiques de la Renaissance, a-t-il traversé les xixe et xxe siècles ? Une réponse à cette question peut s’apprécier au travers d’un parcours chronologique divisé en trois parties principales : « Éducation jésuite et restauration de la Ratio studiorum » ; « Le projet d’un Ratio studiorum pour un nouvel humanisme chrétien » ; « De la pédagogie jésuite à la pédagogie ignatienne (de 1945 à nos jours) ».

Éducation jésuite et restauration de la Ratio studiorum

L’éducation jésuite au temps de la Restauration (1814-1832)

  • 2 Le bref Dominus ac Redemptor de Clément XIV du 21 juillet 1773.
  • 3 On note par exemple la fermeture d’établissements scolaires dans la région lyonnaise.

3Lorsqu’elle est rétablie, en 1814, quarante ans après sa suppression, la Compagnie de Jésus compte très peu de religieux ayant connu l’époque où l’Ordre était actif. Une cinquantaine d’années auparavant, leurs établissements confisqués, les Jésuites ont été dispersés et il n’est resté que de petits groupes en Prusse et en Russie, là où les monarques ont refusé d’enregistrer la décision du Pape de 1773 de supprimer leur ordre2. Des groupes de prêtres, dont les Pères de la Foi, ont entrepris de perpétuer l’esprit des Jésuites. En France, la Police du ministre Joseph Fouché a étroitement surveillé ceux que le pouvoir considère comme des « jésuites déguisés » et a tenté d’empêcher leurs activités, particulièrement l’enseignement3.

  • 4 Par la Bulle Sollicitudo omnium ecclesiarum du 7 août 1814, Pie VII restaure universellement la Com (...)

4La Compagnie de Jésus est dite « rétablie » ou « restaurée ». Toutefois, du seul fait qu’elle est constituée d’une grande majorité de nouveaux membres, elle est une « Nouvelle Compagnie ». À l’Ordre reconstitué est donnée pour mission particulière la tâche d’éduquer et d’enseigner4. Les nouveaux membres héritent des textes de l’Institut sans avoir l’expérience d’une mise en œuvre de la tradition. Or, le Ratio studiorum a déjà une longue histoire et des caractéristiques propres dont il faut tenir compte au moment d’en faire usage.

5Le Ratio studiorum a été élaboré dans un contexte particulier. Au xvie siècle, la pédagogie jésuite est le produit d’un effort pour lier la foi catholique à la culture humaniste de la Renaissance, notamment par l’explication des poètes grecs et latins. Initialement destinée à la formation des jeunes religieux de la Compagnie de Jésus, elle a été appliquée dans des collèges ouverts rapidement à de jeunes laïcs, dans un temps de confrontation du catholicisme avec la Réforme protestante.

  • 5 Dainville François de, « L’évolution de l’enseignement de la rhétorique au dix-septième siècle », d (...)
  • 6 Selon le principe du « devoir d’état », soit l’ensemble des obligations qui découlent d’un état de (...)
  • 7 Herman J.-B., La pédagogie des Jésuites au xvie siècle ses sources ses caractéristiques, Bruxelles/ (...)
  • 8 Ferté Henri, Programme et règlement des études de la Société de Jésus, Paris, Hachette, 1892.

6Au xviie siècle, lorsque la rhétorique supplante la dialectique5, l’éducation et l’enseignement ont servi à la formation de « l’honnête homme chrétien », homme de culture dans son temps, capable d’agir à sa place dans l’organisation sociale6. Au fil des années, les enseignants jésuites, tout en respectant le Ratio studiorum, ont adapté leur pratique. Au xviiie siècle, l’un des principaux artisans de cet accommodement a été le père Joseph de Jouvancy (1643-1719), particulièrement pour l’enseignement des belles lettres et l’acceptation de la langue française. Selon lui, le Ratio studiorum doit être pour le maître l’égal ou presque des Exercices spirituels7. Auteur de nombreuses tragédies, il a aussi composé un livre devenu une référence au sein de la Compagnie de Jésus : le Ratio discendi et docendi, c’est-à-dire la manière de s’instruire pour devenir professeur et la manière d’enseigner aux élèves8.

  • 9 Frelaut Bertrand, Provost Georges et Tranvouez Yvon (dir.), Le petit séminaire de Sainte-Anne-d’Aur (...)
  • 10 Cité par Burnichon Joseph, La Compagnie de Jésus en France. Histoire d’un siècle, 1814-1914, t. I : (...)
  • 11 Henrion Mathieu-Richard-Auguste, Vie du révérend père Loriquet, de la Compagnie de Jésus, écrite d’ (...)
  • 12 Juvencii Josephi, Ratio discendi et docendi, Paris, 1778 ; Jouvancy Joseph de, De la Manière d’appr (...)
  • 13 Henrion Mathieu-Richard-Auguste, Vie du révérend père Loriquet…, op. cit., p. 80.

7Le rétablissement de l’Ordre en 1814 est lié à une forte demande d’enseignement. En France, où Louis XVIII refuse de reconnaître officiellement leur existence, des évêques confient aux Jésuites entre 1814 à 1826 la direction de huit petits séminaires : Saint-Acheul, Bordeaux et Montmorillon, Sainte-Anne-d’Auray9, Forcalquier, Aix-en-Provence, Dole et Billon. Il y a deux échecs, l’un à Soissons en 1815, l’autre à Avignon en 1816. « On veut de l’éducation chrétienne10 », écrit en 1820 le père Fidèle de Grivel (1769-1842) dans son rapport à la XXe Congrégation générale. Les Jésuites voudraient restaurer l’ordre ancien, sinon effacer ou surmonter les effets de la Révolution française. Dans l’urgence, il leur faut toutefois improviser et s’adapter. Le Ratio studiorum est inapplicable en l’état. Nicolas Loriquet (1767-1845) a été Père de la Foi et enseignant dans l’un de leurs établissements. Il a composé un « Plan d’études » qu’il a voulu laisser inédit, alors qu’il était préfet des études au séminaire de l’Argentière de 1805 à 1808. Il l’a complété par le « Règlement » instauré pour l’établissement d’Amiens où il a auparavant exercé11. Son « plan d’études » sert à tous les petits séminaires qu’administrent désormais les jésuites. Recteur à Amiens et Aix-en-Provence, il se défend d’être un novateur. « C’est Jouvancy12 qui a été notre principal guide et, en beaucoup d’endroits, notre plan n’est que le développement de celui qu’il a tracé dans le précieux ouvrage intitulé Ratio discendi et docendi13 ».

8Contrairement à la lettre du Ratio studiorum, le « plan d’études » du père Nicolas Loriquet admet les classes élémentaires et décrit un cycle d’études en dix années. Les matières enseignées sont plus nombreuses. Les langues anciennes demeurent la base de toute la culture et la part faite aux langues vivantes étrangères et aux sciences est très faible, mais le « plan d’études » innove en donnant une large place à l’enseignement du français et de l’histoire. Ayant contribué à restaurer l’éducation jésuite en France, il participe à Rome, de 1830 à 1832, au travail collectif sur la rénovation du texte du Ratio studiorum demandé par le préposé général.

Retour au Ratio (1832-1850)

  • 14 Leroy Michel, Le mythe jésuite. De Bérenger à Michelet, Paris, PUF, 1992 ; Cubbit Geoffrey, The Jes (...)
  • 15 Notice « Brugelette », dans Delattre Pierre, Les établissements des Jésuites en France depuis quatr (...)

9Sous la Restauration, l’antijésuitisme est une arme politique14. Désignés comme les soutiens des « Ultras » de la monarchie et visés par les attaques des libéraux, les Jésuites sont interdits d’enseignement par décret en 1828. Afin de poursuivre leur apostolat enseignant, ils quittent le territoire français. Deux collèges sont ouverts aux frontières. En Suisse, l’internat de Fribourg est dirigé par les Jésuites du Midi de la France. Un autre est fondé en Belgique, à Brugelette, près de Mons, par les religieux parisiens15. Si ces collèges réunissent des garçons de familles légitimistes parmi les plus réactionnaires autour des Pères jésuites, ils servent aussi d’école de formation des maîtres et sont de véritables laboratoires pédagogiques.

  • 16 « Circulaire du RP. Roothan [sic], général de la Société de Jésus, aux Provinciaux, aux Recteurs de (...)

10D’importants changements sont alors à l’œuvre au sein de la Compagnie de Jésus. Jean-Philippe Roothaan, élu préposé général de la Compagnie de Jésus lors de la XXIe Congrégation générale en 1829, a reçu la mission de restaurer les pratiques de vie religieuse, notamment à partir des Exercices spirituels. Il doit aussi œuvrer pour l’amélioration de la formation des jeunes jésuites et veiller aux conditions d’admission définitive dans la Compagnie. Il lui faut également développer l’apostolat intellectuel par l’étude des nouveaux courants philosophiques et théologiques. Du point de vue pédagogique, il faudrait aussi s’assurer du respect d’un programme d’études conforme aux usages de la Compagnie de Jésus. La demande d’une mise à jour du Ratio studiorum avait été déjà exprimée lors de la XXe Congrégation générale en 1820, mais la XXIe demande que ce travail soit conduit prioritairement. Il ne s’agit pas de produire un nouveau Ratio studiorum mais de réviser le texte originel. Chaque province est appelée à faire part d’ajouts et de corrections à apporter. Le texte, remanié à Rome en 1832, est adressé à toute la Compagnie avec pour consigne d’en « faire loyalement l’essai pour qu’à la suite de nouvelles corrections, si elles sont nécessaires, il puisse avoir force de loi16 ».

11Pour se conformer à cette consigne, le collège de Brugelette abandonne le « Plan d’études » de Nicolas Loriquet et adopte le « nouveau » Ratio de 1832. L’enseignement est divisé en trois cours : un cours préparatoire consacré à la grammaire française, au latin, à l’histoire et à la géographie ; un cours de lettres dans lequel en plus du latin et du grec, sont enseignées l’algèbre et la géométrie ; un cours de sciences, durant deux ans, avec de la philosophie et des mathématiques, de la chimie et de la physique. Même si le plan d’études ne le dit pas, les élèves peuvent recevoir des leçons en langues anglaise et allemande.

  • 17 Burnichon Joseph, La Compagnie de Jésus en France. Histoire d’un siècle, 1814-1914, t. II, Paris, B (...)

12Après quelques années, cette nouvelle organisation ne semble pas convenir. Le recteur le fait remarquer au préposé général en 1838. Les sciences ont selon lui trop de place au détriment du latin. En conséquence, il préfère le retour à l’usage de l’ancien texte17.

La pratique du Ratio studiorum au collège (1850-1880)

  • 18 Burnichon Joseph, La Compagnie de Jésus en France. Histoire d’un siècle, 1814-1914, t. III, Paris, (...)

13La situation politique française évolue avec les événements du premier semestre de l’année 1848. Quelques mois après la révolution de février, le pouvoir républicain réprime les contestations et l’insurrection de juin. À beaucoup, et à la bourgeoisie en particulier, l’ordre social paraît menacé. Auparavant dénoncée comme le modèle de l’éducation réactionnaire, l’éducation jésuite est désormais promue comme le fondement d’une société ordonnée. La loi Falloux de mars 1850 ayant institué la liberté d’enseigner au niveau secondaire, les Jésuites sont très sollicités pour ouvrir des collèges. En août, le préposé général affirme que le provincial de Paris a refusé vingt-deux demandes18. En quatre ans, seize établissements sont ouverts. C’est le cas à Avignon, Amiens, Vannes, Dole, Saint-Étienne, Bordeaux, Toulouse, Villefranche-sur-Saône, Saint-Affrique, Paris, Metz et Poitiers. Un collège est aussi ouvert à Oran en 1851. Les Jésuites dirigent également les petits séminaires d’Yzeure, Montauban et de Sarlat, et ouvrent à Paris en 1854, rue des Postes, l’école Sainte-Geneviève. Le collège municipal de Mende est également dirigé jusqu’en 1864.

  • 19 Ratio atque institutio studiorum societatis Jesu, Paris, F. Didot, 1850.

14Plus ou moins prêts, mais en tout cas assez nombreux désormais pour faire fonctionner leurs établissements, les Jésuites entendent appliquer le texte du Ratio studiorum traditionnel. La liberté prévue par la loi leur donne en effet à penser qu’ils ont toute latitude pour appliquer leur méthode d’enseignement. Témoin de ce recours au texte classique, une nouvelle édition de la Ratio atque institutio studiorum societatis Jesu est publiée à Paris en 185019.

15Au sein de chaque établissement, l’enseignement débute par la création des premières classes, celles de grammaire. Puis, les autres niveaux d’étude sont ouverts au fur et à mesure de la progression des élèves. L’idée est d’assurer une bonne et complète formation selon la méthode jésuite appliquée à des collégiens qui doivent suivre la totalité du cycle d’études. L’application du même texte partout vise à imposer une certaine uniformité à tous les établissements, même s’il peut toujours y avoir ici ou là des écarts entre la norme et la pratique.

  • 20 Rocher Philippe, « Les Jésuites au xixe siècle. Un Ordre de religieux enseignants ? », Cahiers d’hi (...)

16La règle veut que les collèges fonctionnent tous peu ou prou selon les principes et dispositions du Ratio studiorum. Au regard des familles qui scolarisent leurs enfants chez les Jésuites, le lien avec la monarchie légitimiste reste fort, mais l’ouverture à la bourgeoisie revenue de son orientation voltairienne est de plus en plus manifeste. Or, cette évolution n’est pas sans induire une nouvelle pratique en réponse à une demande particulière. Très vite, se pose la question de la place à concéder aux sciences dans un programme d’études à dominante littéraire, alors que la perspective est la préparation du baccalauréat. Il résulte de ces contraintes que les Jésuites ne sont pas tout à fait maîtres de leurs méthodes. Un jésuite du collège d’Avignon alerte dès 1850 le préposé général à Rome à ce sujet : « Ce que les parents nous demandent, c’est d’abord la préparation au baccalauréat20. » En conséquence, un des professeurs assurera désormais dans chaque établissement cette préparation, au moins pour l’année où se déroulent les premières épreuves de l’examen. Le second signe d’une limite dans l’autonomie pédagogique et le strict respect de la lettre du Ratio studiorum est la crise provoquée au sein de l’univers scolaire jésuite par la question de la méthode d’enseignement du latin. Faut-il ou non enseigner le latin en latin et selon la méthode dite d’Alvarez ? Un demi-siècle après la querelle, Joseph Burnichon a résumé ce qui avait conduit les Jésuites à tenter, un temps, de revenir aux « classiques » de la Compagnie de Jésus :

  • 21 Burnichon Joseph, La Compagnie de Jésus en France. Histoire d’un siècle, 1814-1914, t. IV : 1860-18 (...)

« Quand la Compagnie de Jésus fut admise à la liberté d’enseignement, elle n’eut d’abord à mettre aux mains de ses élèves d’autres livres classiques que ceux de l’université ; la plupart ne répondaient guère à son idéal ; il lui fallut donc renouveler cette partie du bagage scolaire. Les anciens Jésuites avaient produit pour l’usage des maîtres et des élèves des œuvres qui n’ont pas été surpassées. On crut bien faire d’y revenir. Ainsi furent rééditées la Grammaire latine d’Alvarès et la Grammaire grecque de Gretzer, que suivit de près la Rhétorique de Colonia, le tout dans le texte original, autrement dit en latin. Cet essai de restauration de la langue de Cicéron dans l’enseignement des collèges de notre temps se heurtait à trop de difficultés pour pouvoir réussir. On dut se résigner à des méthodes plus modestes et plus modernes21. »

  • 22 Maurain Jean, « Le gouvernement et les congrégations (1860) », dans La politique ecclésiastique du (...)

17La place faite aux sciences et le renoncement à la méthode traditionnelle pour l’enseignement du latin précèdent un changement de climat et une rupture : l’ouverture des collèges a coïncidé avec l’avènement du Second Empire. Sa phase dite « autoritaire » est l’âge d’or des collèges jésuites. Le climat se dégrade dans la phase dite « libérale » du régime, notamment à cause de l’écho de « la question romaine ». La Compagnie de Jésus soutenant les positions ultramontaines, son enseignement est surveillé. Plus aucun collège n’est ouvert22. De nouveaux établissements peuvent ouvrir dans les années qui suivent la fin de l’Empire. « L’Ordre moral » a créé une situation équivoque : l’éducation des Jésuites paraît renforcée par la coalition des droites conservatrices qui entend opposer une restauration religieuse à la montée d’un certain radicalisme républicain. Elle est aussi la cible des plus vives critiques de la part des opposants républicains.

Le Ratio studiorum, nouvel humanisme chrétien pour une nouvelle élite chrétienne

Les humanités chrétiennes du Ratio studiorum à l’épreuve des tempêtes de la République laïque (1880-1920)

  • 23 Monneret Florian, Le Ratio studiorum de la Compagnie de Jésus, Lyon, 1876, 61 p.
  • 24 Ibid., p. 59.

18Pour une grande part au centre de l’antijésuitisme, le Ratio studiorum est contesté en ce qu’il représente la méthode de l’éducation « jésuitique » honnie. Tandis que l’État devient le « maître des programmes », les Jésuites tâchent de défendre leur conception du primat des lettres classiques au travers de leur code pédagogique. Le père Florian Monneret se revendique comme fidèle à l’esprit qui a présidé à l’élaboration de ce texte. Il recommande la valeur des humanités dans leur lecture chrétienne comme l’idéal d’une formation pleinement humaine. En 1876, son long article paru dans les Études devient un livre intitulé Le Ratio studiorum de la Compagnie de Jésus23. Il appelle à « viser plus haut que le succès au baccalauréat, succès dont chacun est libre d’apprécier à son gré la valeur ». Il affirme que « les études classiques n’ont rien perdu en elles-mêmes de leur souveraine importance : elles demeurent l’étude capitale à laquelle on doit appliquer la jeunesse ». « La supériorité intellectuelle en tous genres, poursuit-il, restera aux peuples et aux sociétés qui les auront le moins négligées, qui les auront les plus soigneusement et le plus chrétiennement cultivées. » Le choix ne souffre pas d’hésitation entre « la méthode si sage, si éprouvée, si infaillible, qui forma nos grands siècles littéraires, et la méthode, ou mieux l’anarchie moderne, pour un homme raisonnable24 ».

  • 25 Burnichon Joseph, « Alliance des maisons d’éducation chrétienne », dans L’État et ses rivaux dans l (...)

19Consécutifs à l’arrivée au pouvoir des Républicains, les décrets de Jules Ferry en 1880 interdisent aux Jésuites d’enseigner. Le recours à des prête-noms permet de ne pas fermer leurs établissements tandis que les religieux s’exilent à l’étranger. Alors que des jésuites, comme le père Joseph Burnichon, dénoncent la mainmise de l’État sur les programmes scolaires25, l’Ordre doit désormais associer à son œuvre scolaire de nombreux professeurs laïcs. Dès lors, comment le corps professoral hétérogène peut-il pratiquer la méthode des Jésuites ? À suivre ou à vilipender le Ratio studiorum ? Sa « lettre » doit être connue, particulièrement des enseignants.

  • 26 Ferté Henri, Programme et règlement des études de la Société de Jésus, comprenant les modifications (...)
  • 27 Passard François-Xavier, La pratique du Ratio studiorum pour les collèges, Paris, Poussielgue, 1896

20En 1892, Henri Ferté, ancien professeur de rhétorique propose la traduction du Ratio en langue française26. Mécontent de la traduction et voulant proposer un commentaire éclairé, François-Xavier Passard, religieux de la province de Lyon, publie quatre ans plus tard, La pratique du Ratio studiorum pour les collèges27. L’ouvrage doit servir de guide aux professeurs non jésuites qui enseignent dans un établissement organisé à partir du Ratio studiorum.

  • 28 Durkheim Émile, L’évolution pédagogique en France. Cours pour les candidats à l’Agrégation prononcé (...)

21L’ouvrage s’avère d’autant plus utile que la loi sur le droit d’association, en 1901, interdit de facto les Jésuites. Trois ans plus tard, une autre loi interdit l’enseignement à toutes les congrégations. Premiers visés par la nouvelle législation, les Jésuites sont sommés de disparaître. Quittant la France, ils confient leurs collèges à des laïcs. Ironie, Émile Durkheim enseigne alors à Paris l’histoire de la pédagogie. À propos de ce qu’ont fait les religieux depuis le xviie siècle, il n’hésite pas à affirmer : « L’enseignement jésuite a contribué pour la plus large part à former notre génie national28. »

Un nouvel humanisme chrétien par le Ratio studiorum ? (1920-1940)

22Le retour des Jésuites dans l’enseignement se fait au lendemain du grand bouleversement de la Première Guerre mondiale. Les religieux sont d’abord revenus à la faveur de la mobilisation. Les Jésuites reprennent en nombre des postes dans leurs anciens collèges. Ils occupent les postes de recteurs, de préfets des études, de professeurs de philosophie et de lettres. Ils tirent parti de leurs expériences pendant les années d’exil. Henri Bremond a ainsi observé de près l’action des éducateurs anglais. Le père Jacques Sevin a eu connaissance du scoutisme alors qu’il était en Belgique.

  • 29 Rocher Philippe, Un collège de la Compagnie de Jésus au xixe-xxe siècle. Notre-Dame de Mongré à Vil (...)
  • 30 Avon Dominique, Paul Doncœur s. j. (1880-1961). Un croisé dans le siècle, Paris, Cerf, 2001.
  • 31 Trait d’union. Faisant suite à Entr’collèges, le bulletin a d’abord paru de janvier 1907 (no 1) à j (...)
  • 32 Rocher Philippe, « Un dictionnaire de pédagogie catholique pour le xxe siècle ? Histoire d’un proje (...)
  • 33 Charmot François, L’humanisme et l’humain. Psychologie individuelle et sociale, Paris, Spes, 1934.

23S’il faut revenir au Ratio studiorum dans les établissements, le texte n’est pas donné tel quel aux enseignants et éducateurs, surtout s’ils sont laïcs. Le préfet des études en propose un commentaire dans des plans d’études. Au collège de Mongré, à Villefranche-sur-Saône, François Charmot rédige un « Directoire » dont la notoriété dépasse vite les murs de l’établissement29. À 40 ans, après une activité dans les collèges d’exil, il s’active comme préfet des études afin de restaurer la pédagogie jésuite, mais il tient aussi compte des innovations de l’époque. Pour adapter le scoutisme au collège, il crée les « Cadets ». De passage à Mongré, le jésuite Paul Doncoeur admire le serment d’honneur prêté par des jeunes garçons voulant s’engager dans la reconquête catholique à la suite de leurs aînés morts pour la France pendant la guerre. Il s’inspire de l’initiative pour la création d’un groupement de jeunesse30. François Charmot relance aussi le Trait d’Union et donne à ce petit bulletin publié avant-guerre une ambition nouvelle : être la « revue d’application des principes du Ratio studiorum31 ». Considéré comme le spécialiste des questions d’éducation, François Charmot est l’un des maîtres d’œuvre d’un grand projet d’édition des années 1930, mais resté inabouti à cause de la Seconde Guerre mondiale : rédiger et éditer un Dictionnaire de pédagogie catholique32. Autorité jésuite en la matière, le père Charmot met en forme les réponses à l’enquête sur les humanités qu’a organisée la revue L’Enseignement chrétien. En 1934, le volume titré L’humanisme et l’humain veut en être la synthèse sur le sujet de l’aspect social de l’humanisme. À l’heure du fascisme et du nazisme, l’ouvrage est une sorte de doctrine de l’humanisme intégral contre les totalitarismes33.

  • 34 Ravier André, « Le mouvement pédagogique dans la Province de Lyon », Lettres de Fourvière, 1936, p. (...)

24Jeune jésuite, André Ravier, disciple de François Charmot, juge que le temps de l’accommodation de l’enseignement jésuite est venu. Non sans provoquer la réprobation des partisans d’une certaine tradition éducative, il rappelle la consigne d’Ignace de Loyola de choisir ce qu’il y a de meilleur dans l’époque : le Ratio studiorum peut donc être adapté, notamment pour faire une place aux humanités modernes que sont les sciences34.

La pédagogie des Jésuites dans les équivoques de l’Occupation (1940-1945)

  • 35 Rocher Philippe, « Cité Nouvelle 1941-1944. Les jésuites entre incarnation et eschatologie », Chrét (...)
  • 36 Rocher Philippe, « André Valton », dans Guy Avanzini et al. (dir.), Dictionnaire historique de l’éd (...)
  • 37 Comte Bernard, L’honneur et la conscience. Catholiques français en résistance, 1940-1944, Paris, Éd (...)

25En 1940, quand la France est défaite, nombre de jésuites restent fidèles aux valeurs d’un nouvel humanisme chrétien opposé aux dictatures et aux totalitarismes. L’arrivée au pouvoir de Pétain ouvre toutefois une ère d’équivoques. Le programme de la « Révolution nationale » ne laisse pas certains jésuites indifférents35. Le latin et les humanités classiques sont privilégiés dans l’enseignement. Le programme de formation de la jeunesse n’offre-t-il pas aussi l’occasion de renouveler l’éducation jésuite ? À Amiens, André Valton organise des « Équipes », inspirées de l’école des Roches, pour répondre à la demande de l’heure36. Les éducateurs sont toutefois partagés : au nom de l’antinazisme, certains se méfient plus encore d’un régime qui s’engage dans la collaboration avec l’occupant allemand. Des religieux sont, sinon gaullistes, en tout cas engagés dans la « Résistance spirituelle37 ». Ils soutiennent les jeunes réticents ou hostiles au régime et ne désavouent pas leur engagement dans la Résistance. À Lyon, les Jésuites soutiennent les jeunes rédacteurs des Cahiers de Notre-Jeunesse et les membres de la Conférence Ampère, œuvre extra-scolaire.

  • 38 Rocher Philippe, Un collège de la Compagnie de Jésus…, op. cit.

26La mise en cause du collège est une contestation de la pédagogie jésuite. Défenseur de l’apostolat scolaire, François Charmot publie en 1943 La pédagogie des jésuites. Ses principes, son actualité. Dans ce gros volume, il présente sa lecture du Ratio studiorum, affirmant que le plan d’étude est parfaitement adapté aux méthodes actives de « l’École nouvelle38 ». Jean Rimaud exprime ses doutes dans son compte rendu de l’ouvrage. Le père Charmot a, selon lui, montré la « différence entre l’idéal et la réalité ». Il méconnait l’insistance depuis le xixe siècle sur la formation du caractère, par la discipline, au détriment de la formation intellectuelle. Jean Rimaud considère que la pédagogie jésuite n’existe plus du fait du nombre insuffisant de religieux dans les collèges. Il constate :

  • 39 Ibid., p. 503.

« Tout au plus, beaucoup de parents pensent-ils que leurs enfants feront chez les Jésuites de bonnes études, parce que la discipline y est une condition assurée du travail. […] Dans les collèges de la Compagnie, en France, le Ratio studiorum n’est plus appliqué parce qu’il ne peut plus l’être. […] Depuis près de deux siècles, un problème est posé qui n’a pas été résolu, celui d’un humanisme chrétien nouveau et donc d’une éducation répondant à cet idéal, aux besoins et aux conditions de la vie moderne39. »

  • 40 Ibid.

27Pierre Faure, fondateur en 1937 du Centre d’études pédagogiques, rattaché à l’Action populaire, est plus sceptique encore. Tout au plus relève-t-il l’affirmation de François Charmot selon laquelle un collège moderne conçu à partir de la pédagogie des jésuites rejoindrait la pédagogie des promoteurs des écoles nouvelles40.

De la pédagogie jésuite à la pédagogie ignatienne (de 1945 à nos jours)

Démocratiser la pédagogie jésuite ? (1945-1960)

  • 41 Faure Pierre, L’École et la cité, Paris, Spes, 1945. Sur Pierre Faure, voir Audic Anne-Marie, Pierr (...)
  • 42 Prudhomme Claude, « Le grand retour de la mission ? », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 2000/2 ( (...)
  • 43 Janssens, Jean-Baptiste, « Instruction sur l’apostolat social », 10 octobre 1949, Acta Romana Socie (...)
  • 44 Ibid.

28La Libération ouvre un large débat autour de la « question scolaire », c’est-à-dire sur le financement de l’enseignement catholique et, par là, sur sa place dans la société française. En 1945, le jésuite Pierre Faure intervient sur ce sujet avec son livre L’École et la cité41. Il défend une école catholique de qualité dont les anciens élèves seront utiles à la société. Au sein de la Compagnie de Jésus, au temps d’un retour à l’idée de mission42, nombre de jeunes jésuites ne s’intéressent pas aux questions pédagogiques et critiquent l’élitisme des collèges jésuites. Sans le vouloir, le préposé général Jean-Baptiste Janssens légitime indirectement le choix de ceux qui se détournent des collèges. En 1949, dans son « Instruction sur l’apostolat social43 », il interpelle en effet les éducateurs des collèges. Il faut selon lui « déraciner l’esprit de “caste” parmi les jésuites et leurs étudiants » et ne « pas donner l’impression de s’allier avec les riches et les capitalistes. Ceux, particulièrement, qui œuvrent dans le ministère des collèges devraient manifester un intérêt et une préoccupation pour les prolétaires qui soient égaux, sinon plus grands, que ceux qu’ils montrent à l’égard des riches44 ».

  • 45 Dainville François de, Les Jésuites et l’éducation de la société française, t. I : La naissance de (...)
  • 46 La dernière partie, inédite, est conservée aux Archives des Jésuites à Vanves. Voir Rocher Philippe (...)
  • 47 Julia Dominique, « De l’histoire littéraire aux sciences sociales : François de Dainville dans l’hi (...)

29Si les jeunes religieux ne sont pas convaincus d’avoir à œuvrer dans les collèges, c’est aussi parce que la sociologie de François de Dainville les conforte dans leur choix. Avant l’analyse sociologique, François de Dainville (1909-1971) a fait œuvre d’historien avec sa thèse, publiée en 1940, intitulée Les Jésuites et l’éducation de la société française, La naissance de l’humanisme moderne45. Elle devait initialement introduire à une étude plus large ayant pour but de définir les principes et les méthodes de l’enseignement des premiers jésuites. De là, elle aurait montré comment l’accommodation de leur pédagogie aux xviie et xviiie siècles avait faussé le projet initial. À cause de la guerre, elle s’est finalement concentrée sur le cœur de la pédagogie jésuite et n’a pas abordé l’idée de sa décadence46. Depuis cette histoire de l’éducation jésuite qui s’entendait « résolument catholique47 », François de Dainville a évolué sous l’influence de la culture universitaire à laquelle il se lie. Ne se résignant pas à « l’image momifiée » de l’éducation jésuite, il entreprend l’analyse de la structure des établissements scolaires de la Compagnie de Jésus pour la confronter avec le projet religieux jésuite. Il utilise la démographie et la sociologie pour présenter en 1953 la statistique des effectifs scolaires des collèges jésuites. En 1955, il expose les effectifs et l’origine sociale des élèves des collèges jésuites au xviiie siècle. Au travers des chiffres, il montre l’ouverture sociale des collèges d’Ancien régime et, par contraste, la fermeture sur un public bourgeois des établissements jésuites contemporains. Reliant le passé au présent, le père de Dainville sert l’idée que le maintien de la tradition scolaire jésuite passe par son renouvellement. Attentif aux questions scolaires comme rédacteur aux Études, le père de Dainville tire ainsi parti de l’érudition historique, renouvelée par l’apport des sciences sociales, pour alimenter le débat interne à la Compagnie de Jésus sur la place de l’école jésuite dans la cité.

  • 48 Ravier André, Principes d’éducation selon l’esprit de Saint Ignace et l’Institut des Jésuites, Pari (...)

30Sans nier l’élitisme social des collèges, d’autres jésuites de la même génération entendent les ouvrir par un retour aux sources de l’apostolat éducatif de la Compagnie de Jésus. Se voulant fidèle à l’idée d’une tradition renouvelée, André Ravier (1905-1999) a plaidé en 1948 l’adaptation, par un retour à « l’esprit » du Ratio studiorum48.

  • 49 Remarque symptomatique de l’époque, le provincial de Champagne reproche à Pierre Faure ne pas savoi (...)
  • 50 Les articles dans CEP-Intercollèges en témoignent, avec le retour à l’usage du féminin pour désigne (...)

31Le « Centre d’études pédagogiques », fondé avant-guerre, est développé pour suivre de près les questions de pédagogie et proposer aux éducateurs et enseignants jésuites matière à réflexion49. Dirigé par Pierre Faure, il édite deux titres, Pédagogie, créé par André Ravier, et Parents et Maîtres, lancé par François Ader. Dans les pages de CEP-Intercollèges, une publication dont la diffusion est limitée aux seuls collèges, revient souvent le problème de mise en adéquation du Ratio studiorum avec les exigences des programmes scolaires. Cette problématique est d’autant plus vive à l’approche de la commémoration du quatrième centenaire de la mort d’Ignace de Loyola50.

L’école jésuite dans la République : le Ratio studiorum après la loi Debré

  • 51 Rocher Philippe, Le goût de l’excellence. Quatre siècles d’éducation jésuite en France, Paris, Beau (...)

32En 1959, la loi Debré veut mettre un terme à la « question scolaire ». Les Jésuites acceptent le contrat et soutiennent l’application de la loi au sein de l’enseignement catholique. Selon les provinces et les établissements, l’adhésion est cependant plus ou moins enthousiaste51.

  • 52 La réforme organise principalement une orientation à la fin de la classe de 5e sinon au terme des q (...)
  • 53 Sainclair Jean, « La loi Debré après cinq ans », Études, juin 1965, p. 772-788.
  • 54 Ibid, p. 777.
  • 55 Le CAPES, Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré, a remplacé en 195 (...)

33La majorité des contrats d’association ont été signés en juillet et août. Lyon a préféré un contrat simple, mais les collèges de Montpellier et Nantes n’ont encore rien conclu. Forte de l’originalité de ses « équipes », la province de Champagne estime n’avoir rien à redouter des programmes d’enseignement de l’État. Les avantages financiers que procure la loi sont partout bienvenus, mais les pédagogues jésuites attendent également du ministère de l’Éducation nationale une réforme qui assurera l’autonomie de chaque établissement et permettra à la Compagnie de Jésus de préserver la spécificité de sa pédagogie. Loin de satisfaire cette attente, la loi Fouchet-Capelle qui réorganise en 1963 l’enseignement secondaire transforme le « collège », pièce maîtresse de l’éducation jésuite52. Directeur du Centre d’études pédagogiques depuis 1961, Jean Sainclair (1915-2010) tâche de convaincre les derniers réticents quant à l’acceptation de la loi Debré par l’enseignement secondaire catholique. À l’occasion d’un premier bilan, il écrit en 1965 que la loi Debré était un « compromis », un « signe d’apaisement », une « volonté d’union53 ». Les catholiques, disait-il, ont essayé d’en faire « l’essai loyal », ainsi que l’a demandé l’épiscopat. Le père Sainclair voit dans la loi la solution au problème du financement de l’enseignement catholique. Pour l’enseignement secondaire, où les établissements étaient selon lui les plus structurés, le choix du contrat d’association correspondait à l’idée de travailler « avec » et « à l’intérieur » de l’Éducation nationale54. Dans les nouveaux rapports entre l’école chrétienne et l’école publique, l’avantage était de voir s’améliorer la formation des maîtres du privé par l’ouverture du CAPES55.

  • 56 « Transformation de l’École et signification apostolique de nos collèges. Première partie des répon (...)
  • 57 Poucet Bruno, « Les collèges jésuites et la formation des élites : l’impact de la loi Debré », Le T (...)
  • 58 Ibid.

34Dès les années 1960, les établissements scolaires jésuites évoluent considérablement dans leur recrutement et leur offre de formation. Aux effets de la loi Debré se sont ajoutées les directives issues du concile Vatican II (1962-1965). Les questions pour concilier les formes pédagogiques traditionnelles du Ratio studiorum font place à l’interrogation sur la finalité même des collèges de la Compagnie de Jésus56. Dans les années qui suivent, trois modèles d’évolution des collèges jésuites sont perceptibles57. Le premier est marqué par une transformation complète de l’établissement, puisque le collège jésuite disparaît en tant que tel. Le second modèle s’affirme avec le maintien d’une certaine tradition éducative et pédagogique jésuite. Le troisième est résolument novateur en ce qu’il adopte une ligne d’ouverture dans une perspective « ignatienne58 ».

35L’éducation jésuite doit affronter une modernité renouvelée : le modèle clérical est atteint par le mouvement de sécularisation, les vocations religieuses diminuent fortement et les religieux quittent en nombre la congrégation. Des laïcs occupent désormais de nouvelles responsabilités au sein des institutions catholiques tandis que se font jour de nouvelles formes d’engagement des chrétiens dans le social. L’enseignement jésuite cède le pas aux collèges ignatiens.

Retour au Ratio : à sa lettre ou à son esprit ? (des années 1980 à nos jours)

  • 59 Watrelot Paul, « Y a-t-il encore des collèges jésuites en France ? », Études, mai 1982, p. 675-685.
  • 60 Arrupe Pedro, Écrits pour évangéliser, présentés par Jean-Yves Calvez, Paris, Desclée de Brouwer, 1 (...)
  • 61 « Dans des domaines classiques, il eut vite fait de bouleverser les habitudes. La Compagnie de Jésu (...)
  • 62 Les caractéristiques de l’éducation jésuite, Rome, Maison Généralice des Jésuites, 1987, 82 p.

36Si durant la décennie 1970, la référence explicite au Ratio studiorum est quasiment absente, cette situation change à partir des années 1980. Face à la perte de visibilité des Jésuites dans le domaine scolaire59, le préposé général Pedro Arrupe (1907-1991) tâche d’expliciter la dimension éducative propre à la Compagnie de Jésus. Selon lui, elle vise désormais à « former un “homme-pour-les-autres”60 ». Réponse à un questionnement sur l’éducation des Jésuites, le propos est aussi une réserve quant aux pratiques éducatives du passé. Il suscite de vives réactions61. Pour faire suite aux demandes renouvelées des éducateurs et enseignants des établissements sous tutelle jésuite, un texte est élaboré. Destiné à être recevable dans le monde entier, il est intitulé Les caractéristiques de l’éducation jésuite62. Pour ses auteurs, il se justifie par le fort développement des collèges à l’échelle mondiale depuis 1945, avec une variété de types et de niveaux, la mise en œuvre du second concile du Vatican et la collaboration de laïcs à l’apostolat jésuite de l’éducation. Obsolète dans sa lettre, l’ancien Ratio studiorum demeure une source d’inspiration.

  • 63 Ibid., p. 27-28.

« Il ne peut s’agir du “système” unifié du xviie siècle. Bien que certains principes du Ratio original restent valables aujourd’hui, un programme d’études et des structures uniformes imposés à tous les collèges à travers le monde ont laissé place aux besoins précis de cultures et de convictions religieuses différentes, ainsi que la mise au point de méthodes pédagogiques qui varient d’une culture à l’autre. Cela ne veut pas dire qu’un système jésuite de l’éducation n’est plus possible. Ce fut un esprit commun, la vision d’Ignace, qui permit aux collèges jésuites du xvie siècle de mettre au point des principes communs et des méthodes communes, ce fut un esprit commun et un but commun – autant que les principes et les méthodes les plus spécifiques contenues dans le Ratio – qui créèrent le système de collèges jésuites du xviie siècle. Ce même esprit commun, en même temps que des buts, une politique et des desseins fondamentaux qui en découlent, caractérisent les collèges “jésuites” d’aujourd’hui, même lorsque les applications concrètes diffèrent considérablement, même lorsque nombre de détails de la vie scolaire sont déterminés par des facteurs culturels et des organismes extérieurs au collège63. »

  • 64 Ibid., p. 40.
  • 65 Ibid.
  • 66 Ibid.

37Successeur de Pedro Arrupe, le préposé général Peter-Hans Kolvenbach (1928-2016) situe ce document dans la référence à Ignace de Loyola et aux Exercices spirituels. Le nouveau texte sur les principes de l’éducation jésuite découle du constat dressé lors du concile Vatican II d’un divorce entre la foi et le comportement du plus grand nombre. Cette rupture a conduit les Jésuites à développer un nouvel humanisme chrétien, dont l’accent devait être mis sur l’aspect social du christianisme. Ce faisant, l’éducation humaniste, « c’est un humanisme, une sensibilité humaine qui doit être renouvelée face aux exigences de notre temps ; ce doit être le fruit d’une éducation dont l’idéal continue à être motivé par les grands commandements : aimer Dieu et aimer son prochain64 ». La « construction du Royaume de justice et de paix de Dieu sur terre sera aussi le fruit d’une pédagogie ignatienne qui sert la foi par une recherche et une réflexion sur la pleine signification du message chrétien et de ses exigences pour notre temps65 ». En cela, les mots de son prédécesseur, Pedro Arrupe, ont leur pleine signification. « C’est ce que nous entendons quand nous disons que le but de l’éducation jésuite est la formation d’hommes et de femmes pour les autres, ayant compétence, conscience et engagement passionné66. » Dans cette perspective, Peter-Hans Kolvenbach explicite l’objectif du « modèle pédagogique ignatien » et ce qu’il doit enseigner aux élèves :

  • 67 Ibid., p. 42.

« Les encourager à intérioriser des attitudes de compassion profonde et universelle pour leur prochain qui souffre et à se transformer en hommes et femmes de paix et de justice, s’engageant à être des agents du changement dans un monde où l’on reconnaît combien répandue est l’injustice, combien envahissantes les forces de l’oppression, de l’égoïsme et de la société de consommation67. »

  • 68 Rocher Philippe, « L’école ? Ce lieu symbolique où les différences s’éprouvent dans la rencontre et (...)
  • 69 Le Dictionnaire historique de l’éducation chrétienne d’expression française, sous la direction de G (...)
  • 70 Pédagogie ignatienne, approches concrètes, Rome, Centre international pour l’Éducation jésuite, 199 (...)
  • 71 La Croix, 28 avril 2009, « Y a-t-il une pédagogie jésuite ? ».
  • 72 Ibid.
  • 73 Ibid.

38Motivé par cette demande de clarification attendue par les éducateurs et enseignants, un document intitulé Pédagogie ignatienne. Approches pratiques a ensuite été rédigé à partir de 1993 par la Commission internationale pour l’Apostolat de l’éducation Jésuites (ICAJE). Il développe la dixième partie des Caractéristiques de l’éducation jésuite. En France, l’ancien CEP (Centre d’études pédagogiques) ayant disparu avec la génération de Pierre Faure68, un nouveau CEPi voit le jour à Paris en 1991, avec un « i » qui renvoie à « ignatien ». Il est exclusivement animé depuis 1997 par des laïcs, même si un jésuite y reste affecté par le Provincial. L’activité du CEPi est d’autant plus nécessaire que la Compagnie de Jésus est comme les autres congrégations religieuses concernée par le vieillissement de ses membres. N’exerçant plus d’emplois d’enseignants ou de cadres éducatifs, les Jésuites agissent désormais seulement au travers des tutelles qui ont la charge de la transmission d’un savoir-faire pédagogique, voire d’une mémoire ou d’un patrimoine religieux69. Sur la pédagogie propre aux Jésuites, des publications se multiplient70. Le « projet pédagogique ignatien » devient la référence des éducateurs et enseignants. En 2009, Danielle Granry, directrice de l’école maternelle et primaire du Caousou, à Toulouse, déclare que la pédagogie jésuite est une manière de « prendre les enfants là où ils en sont pour les emmener le plus loin possible71 ». Elle renvoie au « magis » ignatien qui n’est pas dans la recherche de l’excellence, mais du meilleur : « Chercher des solutions appropriées pour chacun : plus de nourriture intellectuelle, une classe sautée pour les uns, mais aussi des auxiliaires de vie scolaire pour les enfants handicapés, accueillis ici depuis longtemps72. » Elle insiste aussi sur l’intériorité : Elle précise également que la formation ignatienne est « un passage obligé » pour les enseignants. « Certains d’entre nous pratiquent chaque soir la relecture de la journée avec leurs élèves73. »

  • 74 Les Jésuites ont hérité d’Ignace de Loyola, le « modo nostro », le « mode de procéder » explicité p (...)
  • 75 Sur le site Internet, cet objectif est détaillé en quatre axes, avant que ne soit affirmé : « Notre (...)

39Sans être directement liée à la « lettre » du Ratio studiorum, cette pratique s’inspire de l’« esprit » de ses origines, en unissant la spiritualité et la « manière de procéder74 » dans la dimension didactique de l’éducation à des jésuites. Le projet est résumé par l’acronyme FAVORI : « Favoriser chez tous une vie intérieure, Accompagner, Vivre des expériences, Oser, Responsabiliser, Innover75. »

40Au terme de ce survol de deux siècles d’histoire, les noms de quelques-uns des acteurs évoqués peuvent être rappelés : Nicolas Loriquet, François-Xavier Passard, François Charmot, François de Dainville, Pierre Faure… Il faudrait une « multibiographie », selon le néologisme créé par Jean Lacouture, pour dresser un panorama complet. Derrière ces hommes, il existe bien une histoire du Ratio studiorum, à l’époque contemporaine : ils en ont été des lecteurs… subjectifs. Cette histoire d’une subjectivité ne doit pas surprendre. En effet, comment un texte élaboré au xvie siècle pouvait-il être considéré – et surtout reçu – par les jésuites français aux xixe et xxe siècle ? Sans doute « la lettre » du Ratio a-t-elle eu des « fondamentalistes » qui ont considéré qu’il fallait appliquer le Ratio comme un texte capable de satisfaire aux besoins de toutes les époques. Il y a eu aussi des jésuites qui, sans renier « la lettre », ont été plutôt partisans de son « esprit ». Dans les deux cas, il y a bien une « lecture », un commentaire, une interprétation. Quoi qu’il en soit, la référence au Ratio studiorum est toujours une manière de rappeler que l’identité de la Compagnie de Jésus l’est autant avec ce texte qu’avec les Exercices spirituels.

41Rétablie, la Compagnie de Jésus se devait de se réapproprier son texte. Conscient de la nécessité de rendre plus efficace l’apostolat scolaire dans une époque aux attentes scolaires différentes de celles du passé, la Congrégation générale a choisi une mise à jour du Ratio studiorum. Le choix du pragmatisme n’a pas été récompensé. Le Ratio « rénové » entretenait pour ses critiques une certaine confusion que les professeurs ne pouvaient surmonter dès lors que la priorité devait être donnée aux humanités littéraires.

42Un texte ne peut pas tout. D’abord parce qu’il faut être assuré de sa bonne interprétation. C’est là le rôle du préfet des études. Un texte ne peut aussi pas tout car sa seule existence et même ses commentaires les plus autorisés ne garantissent pas que les personnels des collèges soient capables de mettre en œuvre la méthode qu’il détaille. La Compagnie de Jésus a voulu reprendre l’enseignement en revenant à la base de sa méthode. Un temps, cette identification a correspondu à l’attente de la société française. Peu à peu pourtant, la forme et les contenus d’enseignement codifiés par le Ratio studiorum n’ont plus correspondu à ce qui était attendu.

  • 76 Les caractéristiques de l’éducation jésuite…, op. cit.

43À l’époque de la rivalité avec l’enseignement d’État et des programmes qu’il impose, le recours au Ratio a été plutôt conservé comme une référence. Dans l’entre-deux-guerres, le Ratio studiorum est de nouveau convoqué pour proposer un enseignement correspondant au projet éducatif des jésuites. Après la Seconde Guerre mondiale, le Ratio demeure une référence, mais lointaine et inutilisée car inutilisable. Une nouvelle phase semble s’ouvrir en 1987, l’année de la publication des Caractéristiques de l’éducation jésuite76. Dans une époque en recherche de références, notamment pour définir une identité, la publication de ce document atteste que le Ratio est considéré, au moins par certains de ses aspects, comme étant encore et toujours d’actualité.

Notes

1 Alors que la Ratio studiorum désigne la méthode d’enseignement, l’emploi du masculin est d’usage à partir du xixe siècle pour qualifier ce texte de référence.

2 Le bref Dominus ac Redemptor de Clément XIV du 21 juillet 1773.

3 On note par exemple la fermeture d’établissements scolaires dans la région lyonnaise.

4 Par la Bulle Sollicitudo omnium ecclesiarum du 7 août 1814, Pie VII restaure universellement la Compagnie de Jésus et abroge le Bref Dominus ac Redemptor de Clément XIV du 21 juillet 1773.

5 Dainville François de, « L’évolution de l’enseignement de la rhétorique au dix-septième siècle », dans L’Éducation des jésuites (xvie-xviiie siècles), Paris, Éditions de Minuit, 1978, p. 185-208.

6 Selon le principe du « devoir d’état », soit l’ensemble des obligations qui découlent d’un état de vie, d’une profession, d’une charge. Voir Christus (Paris), no 29, janvier 1961, « Le devoir d’État ».

7 Herman J.-B., La pédagogie des Jésuites au xvie siècle ses sources ses caractéristiques, Bruxelles/Paris, Dewit/Picard, 1914, p. 169.

8 Ferté Henri, Programme et règlement des études de la Société de Jésus, Paris, Hachette, 1892.

9 Frelaut Bertrand, Provost Georges et Tranvouez Yvon (dir.), Le petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray : histoire et héritage, Sainte-Anne-d’Auray, Académie de musique et d’arts sacrés, 2018.

10 Cité par Burnichon Joseph, La Compagnie de Jésus en France. Histoire d’un siècle, 1814-1914, t. I : 1860-1880, Paris, Beauchesne, 1914-1922, p. 138.

11 Henrion Mathieu-Richard-Auguste, Vie du révérend père Loriquet, de la Compagnie de Jésus, écrite d’après sa correspondance et ses ouvrages inédits, Paris/Lyon, Poussielgue-Rusand/Pélagaud, 1845, p. 78-81.

12 Juvencii Josephi, Ratio discendi et docendi, Paris, 1778 ; Jouvancy Joseph de, De la Manière d’apprendre et d’enseigner (De ratione discendi et docendi), traduction par Henri Ferté, Paris, Hachette, 1892.

13 Henrion Mathieu-Richard-Auguste, Vie du révérend père Loriquet…, op. cit., p. 80.

14 Leroy Michel, Le mythe jésuite. De Bérenger à Michelet, Paris, PUF, 1992 ; Cubbit Geoffrey, The Jesuit Myth. Conspiracy Theory and Politics in Nineteenth-Century France, Oxford, Clarendon Press, 1993.

15 Notice « Brugelette », dans Delattre Pierre, Les établissements des Jésuites en France depuis quatre siècles, répertoire topo-bibliographique, II, Enghien (Belgique), Wetteren, De Meester, 1953, col. 1178-1182.

16 « Circulaire du RP. Roothan [sic], général de la Société de Jésus, aux Provinciaux, aux Recteurs des collèges, aux Préfets des études et aux professeurs relativement aux modifications faites à l’ancien règlement », cité par Henri Ferté, Programme et règlement des études de la Société de Jésus, comprenant les modifications faites en 1832 et 1858, Paris, Hachette, 1892, p. xv-xvi.

17 Burnichon Joseph, La Compagnie de Jésus en France. Histoire d’un siècle, 1814-1914, t. II, Paris, Beauchesne, 1914-1922, p. 66.

18 Burnichon Joseph, La Compagnie de Jésus en France. Histoire d’un siècle, 1814-1914, t. III, Paris, Beauchesne, 1914-1922, p. 375.

19 Ratio atque institutio studiorum societatis Jesu, Paris, F. Didot, 1850.

20 Rocher Philippe, « Les Jésuites au xixe siècle. Un Ordre de religieux enseignants ? », Cahiers d’histoire, Revue d’histoire critique, no 71, 1998, numéro spécial « Enseignants et société », p. 69-87.

21 Burnichon Joseph, La Compagnie de Jésus en France. Histoire d’un siècle, 1814-1914, t. IV : 1860-1880, Paris, Beauchesne, 1914-1922, p. 185.

22 Maurain Jean, « Le gouvernement et les congrégations (1860) », dans La politique ecclésiastique du Second Empire de 1852 à 1869, Paris, Alcan, 1930, p. 463 et suiv.

23 Monneret Florian, Le Ratio studiorum de la Compagnie de Jésus, Lyon, 1876, 61 p.

24 Ibid., p. 59.

25 Burnichon Joseph, « Alliance des maisons d’éducation chrétienne », dans L’État et ses rivaux dans l’enseignement secondaire, Paris, Poussielgue, 1898. Voir aussi son Du lycée au couvent, Paris, Retaux, 1900.

26 Ferté Henri, Programme et règlement des études de la Société de Jésus, comprenant les modifications faites en 1832 et 1858, Paris, Hachette, 1892.

27 Passard François-Xavier, La pratique du Ratio studiorum pour les collèges, Paris, Poussielgue, 1896.

28 Durkheim Émile, L’évolution pédagogique en France. Cours pour les candidats à l’Agrégation prononcé en 1904-1905, Paris, Presses universitaires de France, 1938.

29 Rocher Philippe, Un collège de la Compagnie de Jésus au xixe-xxe siècle. Notre-Dame de Mongré à Villefranche sur Saône (1851-1951), thèse de doctorat d’histoire de l’université du Mans, dir. Dominique Avon, 2015.

30 Avon Dominique, Paul Doncœur s. j. (1880-1961). Un croisé dans le siècle, Paris, Cerf, 2001.

31 Trait d’union. Faisant suite à Entr’collèges, le bulletin a d’abord paru de janvier 1907 (no 1) à juillet 1914 (VIII, no 7) au collège Saint-Joseph, puis au collège Sainte-Croix en 1920 (IX). Il a été ensuite repris à Notre-Dame de Mongré, au collège de Villefranche-sur-Saône, en janvier 1925. Il est devenu la Revue d’application des principes pédagogiques du « Ratio studiorum » de la Compagnie de Jésus, puis la Revue de pédagogie appliquée selon les principes du « Ratio studiorum ».

32 Rocher Philippe, « Un dictionnaire de pédagogie catholique pour le xxe siècle ? Histoire d’un projet franco-belge », Revue d’histoire ecclésiastique, vol. 96, no 3-4, 2001, p. 391-425.

33 Charmot François, L’humanisme et l’humain. Psychologie individuelle et sociale, Paris, Spes, 1934.

34 Ravier André, « Le mouvement pédagogique dans la Province de Lyon », Lettres de Fourvière, 1936, p. 499-588.

35 Rocher Philippe, « Cité Nouvelle 1941-1944. Les jésuites entre incarnation et eschatologie », Chrétiens et sociétés, no 2, 1995, p. 7-82.

36 Rocher Philippe, « André Valton », dans Guy Avanzini et al. (dir.), Dictionnaire historique de l’éducation chrétienne d’expression française, édition revue et augmentée, Paris, Éditions Don Bosco, 2010 (1re éd. 2001).

37 Comte Bernard, L’honneur et la conscience. Catholiques français en résistance, 1940-1944, Paris, Éditions de l’Atelier, 1998.

38 Rocher Philippe, Un collège de la Compagnie de Jésus…, op. cit.

39 Ibid., p. 503.

40 Ibid.

41 Faure Pierre, L’École et la cité, Paris, Spes, 1945. Sur Pierre Faure, voir Audic Anne-Marie, Pierre Faure, S. J. (1904-1988), Vers une pédagogie personnalisée et communautaire, Paris, Éditions Don Bosco, 1998.

42 Prudhomme Claude, « Le grand retour de la mission ? », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 2000/2 (no 66), p. 119-132.

43 Janssens, Jean-Baptiste, « Instruction sur l’apostolat social », 10 octobre 1949, Acta Romana Societatis Iesu, AR, XL.

44 Ibid.

45 Dainville François de, Les Jésuites et l’éducation de la société française, t. I : La naissance de l’humanisme moderne, Paris, Beauchesne, 1940. Le tome II est intitulé La géographie des humanistes.

46 La dernière partie, inédite, est conservée aux Archives des Jésuites à Vanves. Voir Rocher Philippe, « Un dictionnaire de pédagogie catholique… », op. cit.

47 Julia Dominique, « De l’histoire littéraire aux sciences sociales : François de Dainville dans l’historiographie de son temps », dans Catherine Bousquet-Bressolier (dir.), François de Dainville. Pionnier de l’histoire de la cartographie et de l’éducation, Paris, Publications de l’École nationale des chartes, 2004, p. 39-68.

48 Ravier André, Principes d’éducation selon l’esprit de Saint Ignace et l’Institut des Jésuites, Paris, Centre d’études pédagogiques, 1948.

49 Remarque symptomatique de l’époque, le provincial de Champagne reproche à Pierre Faure ne pas savoir fédérer les religieux autour du Centre d’études pédagogiques.

50 Les articles dans CEP-Intercollèges en témoignent, avec le retour à l’usage du féminin pour désigner la méthode pédagogique. Ils cessent en 1962 : « Nos collèges actuels et la Ratio (journées des préfets généraux) », février et avril 1955 ; « L’émulation en classe d’après la Ratio », décembre 1956 ; « Les jeux dans la tradition pédagogique de la Compagnie », juin 1958 ; « L’évolution des collèges de la Compagnie de Jésus du vivant de saint Ignace », juillet 1958 ; « Formation spirituelle et formation littéraire dans les collèges », juin 1959 ; « L’académie selon la Ratio », novembre 1961 ; « La formation à la parole d’après la Ratio », juin 1962.

51 Rocher Philippe, Le goût de l’excellence. Quatre siècles d’éducation jésuite en France, Paris, Beauchesne, 2011.

52 La réforme organise principalement une orientation à la fin de la classe de 5e sinon au terme des quatre années du premier cycle secondaire, le baccalauréat étant la perspective de la formation au lycée, consécutive de celle au nouveau Collège d’enseignement secondaire (CES).

53 Sainclair Jean, « La loi Debré après cinq ans », Études, juin 1965, p. 772-788.

54 Ibid, p. 777.

55 Le CAPES, Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré, a remplacé en 1950 le Certificat d’aptitude à l’enseignement dans les collèges (CAEC) créé en 1941.

56 « Transformation de l’École et signification apostolique de nos collèges. Première partie des réponses au questionnaire préparatoire à la Session pédagogique sur ce sujet », CEP Intercollèges, no 7, juin 1965, et « Transformation de l’École et signification apostolique de nos collèges. Deuxième partie des réponses au questionnaire préparatoire à la Session pédagogique sur ce sujet », CEP Intercollèges, no 8, juillet 1965.

57 Poucet Bruno, « Les collèges jésuites et la formation des élites : l’impact de la loi Debré », Le Télémaque, 2011/1, no 39, p. 81-96.

58 Ibid.

59 Watrelot Paul, « Y a-t-il encore des collèges jésuites en France ? », Études, mai 1982, p. 675-685.

60 Arrupe Pedro, Écrits pour évangéliser, présentés par Jean-Yves Calvez, Paris, Desclée de Brouwer, 1985.

61 « Dans des domaines classiques, il eut vite fait de bouleverser les habitudes. La Compagnie de Jésus avait beaucoup travaillé dans l’éducation : le Père Arrupe ne se contenta pas de proclamer que l’éducation jésuite est éducation d’un “homme pour les autres” ; il osa dire que nous n’avions sans doute pas toujours été fidèles à cet idéal. Ce fut un choc, qui entraîna la démission d’un président de l’association des anciens élèves des jésuites d’Europe. Mais, le thème est entré dans la vie de toutes les institutions éducatives jésuites » (Calvez Jean-Yves, « Les choix du Père Arrupe », Études, octobre 2007, p. 356).

62 Les caractéristiques de l’éducation jésuite, Rome, Maison Généralice des Jésuites, 1987, 82 p.

63 Ibid., p. 27-28.

64 Ibid., p. 40.

65 Ibid.

66 Ibid.

67 Ibid., p. 42.

68 Rocher Philippe, « L’école ? Ce lieu symbolique où les différences s’éprouvent dans la rencontre et la séparation des êtres : les Jésuites de France pédagogues et éducateurs et les sciences humaines (années 1960-1980) », dans Étienne Fouilloux et Frédéric Gugelot (dir.), Jésuites français et sciences humaines (années 1960), Lyon, LARHRA, coll. « Chrétiens et Sociétés. Documents et Mémoires », no 22, 2014, p. 111-133).

69 Le Dictionnaire historique de l’éducation chrétienne d’expression française, sous la direction de Guy Avanzini, René Cailleau, Anne-Marie Audic, et Pierre Pénisson, publié en 1995 et réédité dans une version augmentée en 2001, participe de ce projet en se voulant un instrument utile à la connaissance historique des fondateurs, de leurs projets et des institutions.

70 Pédagogie ignatienne, approches concrètes, Rome, Centre international pour l’Éducation jésuite, 1993 ; Les collèges jésuites d’hier à demain. Pédagogie et spiritualité, Namur, Lumen Vitae, 1994 ; « La pédagogie ignatienne, Une expérience pour aujourd’hui », Christus, no spécial, mai 2011 ; Margenat Josep-Maria, La pédagogie jésuite. Des origines à nos jours, Namur/Paris, Lessius, 2018.

71 La Croix, 28 avril 2009, « Y a-t-il une pédagogie jésuite ? ».

72 Ibid.

73 Ibid.

74 Les Jésuites ont hérité d’Ignace de Loyola, le « modo nostro », le « mode de procéder » explicité par Jérôme Nadal selon lequel ce qui caractérise l’action propre à la Compagnie de Jésus est « esprit, cœur et pratique ».

75 Sur le site Internet, cet objectif est détaillé en quatre axes, avant que ne soit affirmé : « Notre école est appelée à toujours réinventer les espaces et les temps qui lui permettent de vivre ce qui est visé par les caractéristiques d’un établissement scolaire jésuite », [https://www.caousou.com/ecole].

76 Les caractéristiques de l’éducation jésuite…, op. cit.

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