Contrepoints diaristes
L’écriture du conflit à l’ACA dans les carnets Grente et Baudrillart
p. 111-124
Texte intégral
1Relatant un entretien avec le cardinal Suhard, Mgr Georges Grente écrit dans son journal personnel : « Nous avons été informés sur la dernière réunion des archevêques. Plusieurs de ceux-ci probablement écrivent, comme moi, leurs souvenirs. Ils les serviront de première main. Cela vaut mieux1. » L’archevêque-évêque du Mans ne partage guère qu’avec son confrère académicien, le cardinal Alfred Baudrillart, la chronique de l’ACA. Leurs journaux cumulés ont ainsi l’avantage de couvrir quasiment toute la période d’activité de l’institution et peuvent se diviser en deux parties. La première est celle du statut évoqué par Grente de seconde main qui, comme chez Baudrillart, le fait rapporter, contrairement à l’exemple cité plus haut, les confidences des membres de l’assemblée. Leur proximité avec nombre d’acteurs, dont les plus éminents (archevêques de Paris en premier lieu), permet à leur ambition de dévoilement et d’enregistrement mémorialistes de contourner leur absence physique de l’ACA. Second temps, leur participation effective à l’ACA, durant une période centrale (1936-1942) pour Baudrillart2, tardive (1950-1959) pour Grente, leur donne un statut d’observateurs directs, mais aussi d’acteurs. Les diaristes sont désormais maîtres de la confidence, qui se transforme dès lors en anecdotes, et démontrent leurs talents d’observateurs et de mémorialistes. Ces deux périodes peuvent être réunies en une même thématique : de quelle manière leurs journaux traitent-ils du conflit interne de l’ACA et comment cette écriture aboutit-elle à la constitution d’un récit alternatif à celui construit par la littérature institutionnelle ? Le statut particulier des deux académiciens par rapport aux fonctions centrales de l’assemblée (secrétaires, présidents, membres) et la confrontation de leur écriture des coulisses avec l’écrit de surface de l’ACA (déclarations, rapports) permettent de repérer les ressorts profonds de l’institution autour de scènes choisies, réparties sur l’ensemble de la période.
Scènes initiales (1925-1928)
2Depuis les travaux de Jean-Marie Mayeur3, il est d’usage d’entamer l’histoire institutionnelle de l’ACA par un récit fondateur tourné vers l’extérieur, celui d’une séparation rejouée avec l’État laïcisateur. L’acte de naissance de l’épiscopat de la Séparation, à savoir la constitution d’une génération Pie X, lors de la consécration de quatorze évêques français, le 25 février 1906, à Saint-Pierre de Rome, est ainsi reproduit par la déclaration contre les lois de laïcité du 10 mars 19254, qui donne vie à l’ACA. Comme tout récit fondateur, la scène mérite d’être déconstruite. On utilisera pour ce faire le contre-récit diariste de Georges Grente, un évêque de la génération Benoît XV, souvent négligée des coupes d’ensemble, qui encourage davantage à voir la déclaration comme une scène primitive, celle d’une famille moins unie contre l’État qu’en conflit avec elle-même.
3Depuis 1921, l’ACA, institution lointaine rapidement évoquée lors de ses sessions provinciales, n’a que peu concerné les carnets de l’évêque du Mans. Seulement s’y intéresse-t-il au moment de la crise du Cartel des gauches pour noter que son silence ne pousse guère les évêques à relayer les déclarations estivales venant d’Alsace de son ami Charles Ruch5. Après les prises de position individuelles, dont la sienne, de l’automne 1924 et le début de structuration diocésaine et nationale de la défense catholique, l’évêque du Mans n’est plus dans l’attente d’une déclaration collective. Lorsqu’il la découvre en ouvrant son journal du matin6, le 12 mars 1925, celle-ci le surprend à tous points de vue7. Attentif à la forme, il n’y reconnaît pas le style habituel des déclarations hiérarchiques. L’abus d’épithètes est le signe que les archevêques ont rédigé par accumulation. « Il faut changer le secrétaire au bref » – « Dieu que c’est lourd ! », écrit-il en se demandant comment lire en chaire un tel document. Il doute de l’unanimité évoquée qui efface « la partie modérée » de l’assemblée et se demande comment le nonce Cerretti a pu laisser publier une telle déclaration de « principes » qui nuit à la négociation officielle des diocésaines8, en donnant qui plus est des armes aux adversaires anticléricaux.
4Le surlendemain, Mgr Grente se rend à l’archevêché de Paris. C’est l’effervescence. Le cardinal Dubois reçoit des parlementaires mécontents, tandis que son vicaire général et secrétaire, le chanoine Delabar, doit lutter « contre l’ouragan des catholiques timorés9 » et user de la langue de buis pour défendre un texte hiérarchique qui est pourtant loin d’être dans sa ligne. L’évêque du Mans n’a cependant guère à patienter pour être reçu par son protecteur et confident, qui lui donne sa lecture de la séance de l’ACA :
« Évidemment, c’est le triomphe des intransigeants. Le coup avait dû être préparé en silence. Le cardinal Dubois ne l’avait pas prévu, précise Grente. C’est le P. Janvier qui a rédigé la déclaration et qui l’a lue à l’assemblée. Celle-ci s’est « emballée » et a « voté l’affichage ». Si le document avait été soumis préalablement à une commission, et si surtout chacun avait pu le lire à loisir, il aurait, sans doute, subi des modifications10. Trop de phrases sont à mettre au point. Plusieurs archevêques, entre autres celui d’Alger [Mgr Leynaud], ont désapprouvé la violence des termes, mais le flot a tout emporté11. »
5Ses explications ne sont que partielles. Il faut attendre la mi-avril, lorsque Dubois revient dans son diocèse d’origine du Mans, pour obtenir la totalité du récit. Grente l’interroge : pourquoi avoir laissé le P. Janvier orienter l’assemblée ? « J’ai insisté sur ce point, non seulement parce que le père a une nuance politique déclarée, et parce que, religieux, il ne s’élève pas assez au-dessus des barrières de son état, mais parce qu’il est peu glorieux, pour une assemblée, de solliciter des lumières hors de son sein12. » La remarque est faite pour provoquer la confidence, car il sait qu’il n’est pas dans les habitudes de l’archevêque de Paris, dur et habile en affaire, de se laisser aussi facilement contourner. Celle-ci ne manque pas. Dubois évoque « un complot13 » contre lui. Paris n’est que la scène finale d’un épisode romain qui vaut d’être retranscrit.
6« Lorsque le cardinal Dubois arrive chez Pie XI [26 février 1925], celui-ci lui annonce que la réunion des archevêques se ferait à Tours », à la demande de cinq ou six membres de l’assemblée invoquant le manque de sûreté de Paris en raison de la situation politique cartelliste. Après avoir souligné l’identité intégriste de Mgr Nègre, archevêque de Tours, Mgr Grente relève que l’archevêque de Paris a signifié au pape qu’il s’agissait d’un affront pour lui et pour le nonce. Pie XI lui rétorque : « Mais il y a une lettre de vous. J’ai reconnu votre écriture. » Dubois suppose la manipulation du cardinal De Lai, préfet conservateur de la Congrégation consistoriale, qui a transféré l’une de ses lettres, adressée pour la provision du diocèse de Blois. De retour au séminaire français, l’archevêque de Paris interroge Mgr Chollet, secrétaire de l’ACA. Ce dernier l’informe que De Lai a télégraphié au cardinal Luçon pour le transfert de l’ACA à Tours et que Mgr Nègre a tout organisé pour l’hospitalité des archevêques. Dubois se précipite le lendemain chez le secrétaire d’État, Gasparri, qui convainc Pie XI de faire machine arrière. Le secrétaire d’État se rend lui-même chez De Lai pour télégraphier un nouvel ordre au cardinal Luçon. Grente conclut comme s’il avait lui-même assisté à la scène : « Tête de l’archevêque de Cambrai quand celui de Paris lui apprend l’écroulement de l’échafaudage. On comprend alors qu’il ait eu une heure d’allégresse en prenant, à Paris même, sa revanche par la publication de la déclaration des Cardinaux et archevêques sur les lois de laïcité14. »
7L’activisme intransigeant de la majorité hiérarchique devient dès lors dénoncé par le pape et par le cardinal Gasparri qui tiennent le cardinal Luçon, président de l’ACA, pour directement responsable de la déclaration15. La poursuite du Ralliement et les négociations avec la République prévalent dès avant la condamnation de l’Action française sur le reste et dévaluent l’assemblée d’unité trop provinciale au profit de l’archevêque de Paris et de son entourage. Un homme incarne cette marginalisation de l’ACA : l’archevêque de Tours, Mgr Nègre. Lors de la session de mars 1926, celui-ci y intervient en archevêque triomphant contre « la peste du laïcisme16 », dans l’exacte ligne de la déclaration de 1925. En mars 1927, il apparaît encore comme le leader du camp intransigeant en présentant un rapport politico-religieux dans le même sens. En 1928, après un contre-rapport de Gasparri sur le même thème, cet archevêque Action française n’est plus rien. C’est ce que fixe la plume impitoyable de son suffragant du Mans, lors de la réunion provinciale de Tours : « Mgr Nègre commence par nous lire le procès-verbal des réunions des archevêques. […] Le nonce [Maglione] est allé ouvrir la première séance de l’ACA et a donné les instructions du Saint-Père. Elles sont précises, on pourrait ajouter : méticuleuses. Dans le programme de la Fédération de la Ligue Castelnau, il y avait “combattre les lois d’exception, inspirées par la laïcité”. Le pape a biffé : “inspirées par la laïcité”. » Grente ajoute : « On devine ce que peut penser l’archevêque de Tours d’une telle suppression. En la lisant il hoche la tête expressivement17. »
8Après la tête de Mgr Chollet, Grente, qui sait capter le corps hiérarchique par son sens du détail, se paie celle de Mgr Nègre, serait-on tenté d’écrire. Il ne faut en effet pas se tromper : le règlement tardif de 1928, qui vaut acceptation de l’ACA par Rome, est le refus de ce qu’a été l’ACA jusqu’alors. Cette « deuxième naissance18 » ouvre une nouvelle période.
Scènes médianes (1936-1943)
9Le recteur de l’Institut catholique de Paris, Alfred Baudrillart, participe, au titre de cardinal, à sa première session de l’ACA, les 10, 11 et 12 mars 1936. Il se félicite immédiatement de l’organisation. Le nouveau visage volontariste et pragmatique lui paraît être autant celui de Mgr Courbe, à travers ses rapports sur l’action catholique, que celui de Mgr Chollet, dans tout son travail de secrétariat. Son jugement sur l’archevêque de Cambrai a bien changé. En raison d’un long contentieux au sujet de l’Institut catholique de Lille, Baudrillart ne le traitait-il pas, avec Mgr Nègre, au moment de la déclaration de 1925, de « professeur de théologie, [et de] cuistre de séminaires19 », parfaitement inadapté pour occuper une telle fonction nationale ? Le rapprochement entre les deux conservateurs se fait en 1931, au moment de la réforme institutionnelle de l’ACA (coordination du secrétariat national de l’action catholique et du comité national de l’enseignement libre) et du centenaire de la liberté de l’enseignement. L’archevêque de Cambrai commande alors un rapport de synthèse sur la position de la hiérarchie sur l’école unique au recteur parisien.
10À ce premier niveau d’écriture des carnets, qui associe au passage la courtoisie des participants à son égard et la tenue respectueuse des discussions, succède cependant un second niveau, conflictuel, qui tient au programme de cette séance de l’ACA. Celui-ci traite, en effet, de la question de l’appartenance de la jeunesse catholique aux ligues, thème qui, à l’instar du pacifisme, clive la hiérarchie catholique20. Alfred Baudrillart feint de découvrir la position, pourtant établie depuis la fin des années 1920, d’une nouvelle génération hiérarchique nommée après la condamnation de l’Action française, et qu’il brocarde dans ses carnets et propos. Ces archevêques, à l’exemple de Mgr Béguin (Auch) ou de Mgr Roques (Aix), sont ici qualifiés de « lâcheurs », démissionnant en rase campagne devant la franc-maçonnerie du Midi. Le recteur se met d’ailleurs en scène de manière solitaire contre ce groupe : « Je parle avec énergie et même véhémence […]. On décide, sur la proposition de Mgr Chollet (qui a préparé un petit schéma), de rédiger au nom de l’assemblée un appel au peuple français, motivé par les circonstances si graves que nous traversons. Je rappelle que je suis nationaliste. On passe outre21. »
11C’est pourtant bien lui qui, le lendemain, est chargé de rédiger la déclaration cosignée officiellement par le secrétaire de l’ACA, Mgr Chollet, et par son président, le cardinal Maurin. Par cet acte, les archevêques utilisent davantage la plume que le conservatisme de Baudrillart. L’écriture du recteur tient ainsi l’assemblée. Les archevêques, qui savent que le recteur écrit un journal22, saisissent-ils bien le paradoxe de sa situation ? Leur secrétaire de rédaction, celui qui exprime l’unité institutionnelle du groupe, est aussi celui qui saisit ses principales divisions pour les brocarder en secret. Il semble ainsi faire payer le pensum de la déclaration que lui assigne le cardinal Maurin en signalant que le président quitte plus tôt l’ACA pour surveiller les devoirs de ses petits-neveux à Lyon23. Le trait est aussi appuyé dans les scènes d’ambiance réservées au repas et surtout à la réception de l’après-midi en marge de l’assemblée. Pour dénoncer l’air du temps action catholique, Mgr Baudrillart y repère deux ouvrières jocistes, « fort mal habillées ». Leur modestie, identique à celle envahissante de la Légion de Marie, lui paraît représenter la mesquinerie hiérarchique de l’heure privilégiant la « faiblesse » féminine à la virilité suspectée des forces vives des ligues et autres Croix de feu24. En 1937, une scène analogue de réception, plus longuement évoquée, entend dénoncer l’ouvriérisme de l’épiscopat qui s’apprête à célébrer les dix ans de la JOC au Parc des Princes. C’est donc logiquement que la vague Baudrillart emporte dans la critique les « deux fameux syndicalistes25 » (Liénart et Gerlier) de l’épiscopat, le « personnage [Émile Guerry, non encore évêque] dont il s’est engoué et qui lui paraît incarner l’esprit de l’action catholique26 », avant que la dernière séance des temps de paix, le 22 mars 1939, ne devienne une scène testamentaire de l’ACA dirigée contre l’autoritarisme stérile du président Verdier qui ne veut rien laisser débattre : « Paris a fait le cardinal-archevêque, Paris veut être le maître partout. En fait, l’assemblée est à peu près escamotée et se termine… par un télégramme de félicitations et de dévouement à… Daladier27. »
12Dans la continuité, sous l’Occupation, la dérive collaborationniste parisienne de Baudrillart traduit son impossibilité de diariste à écrire, sinon pour le dénoncer ou se plaindre de son isolement28, le destin commun et collectif d’une ACA démembrée, cloisonnée et fortement contrainte. C’est en 1943, après sa disparition et la reconstitution de l’assemblée jusqu’alors séparée par la ligne de démarcation, que les carnets Grente permettent de retrouver un regard sur le collectif, à travers la focale Suhard et une contestation interne le concernant. Depuis 1940, l’évêque du Mans fréquente assidûment le bureau de l’archevêque de Paris. En 1943, l’ACA devient un motif intéressant de leur relation complexe. En sous-main, Suhard bloque l’entrée de Grente à l’assemblée29, alors que sa promotion d’archevêque à titre personnel par Pie XII, cadeau de jubilé, peut l’y faire entrer. Comme par compensation, l’archevêque de Paris redouble alors de confidences sur l’assemblée à son visiteur. En cause, la déclaration publique que la hiérarchie catholique compte diffuser à Pâques sur la situation présente. L’acte, qui est la première décision de l’ACA réunifiée depuis 1940, a été décidé lors de la session de janvier 1943. Or, il pose problème dans le contexte de mise en place du STO. Vichy, consulté, le freine30 ; les archevêques se divisent, des évêques sont mécontents, Rome s’inquiète en trouvant « trop agitées » les réunions des archevêques31. Cela place le cardinal Suhard en position « difficile ». « J’ai passé une quinzaine de Pâques bien ennuyeuse » – il dit même « embêtante » rapporte Grente dans ses carnets. D’une déclaration collective de l’ACA, le texte devient en effet une déclaration cardinalice édulcorée, que les évêques ont liberté de ne pas prononcer. « Le cardinal Suhard en donnera lecture de son trône, comme j’ai décidé de le faire », écrit Mgr Grente. Cette conclusion lisse n’est pas choisie par tout le monde. Plusieurs évêques interviennent personnellement par des déclarations tapageuses d’obéissance au STO qui frappent leur opinion diocésaine et nuisent à la réputation du corps hiérarchique.
13Le cardinal Suhard est rendu responsable. Georges Grente, prompt à décrire l’archevêque de Paris enserré dans sa position officielle à Paris, reporte à la Libération le jugement sévère de son voisin de Laval, lui aussi familier de l’archevêché parisien : « Mgr Richaud, écrit-il peu après l’ACA de mars 1945, brocarde le cardinal Suhard en racontant que c’est lui qui a édulcoré la première protestation des cardinaux et archevêques. L’effet en eût, pourtant, été considérable, si nous l’avions tous lue, le jour de Pâques, dans nos cathédrales, et aujourd’hui nous en bénéficierions32. »
14La scène interne, à la fois cause et contrecoup de la scène extérieure du 26 août 1944 à Notre-Dame33, installe l’idée d’une déclaration manquée et cruciale, à l’exemple de celle du cardinal Mercier durant la Première Guerre, qui aurait changé le cours de l’histoire. L’individualisation du destin collectif qui atténue les responsabilités d’autres prélats, à commencer par celles du cardinal Liénart, est remarquable. Lors de ses obsèques en 1949, cette individualisation se retourne. Prophétique et missionnaire, elle devient positive et ces mots remplacent le silence de l’Occupation et de la Libération. La mort de l’archevêque de Paris qui, pour Grente, est consensuelle et sans ragot interne lui est personnellement providentielle, car elle lui ouvre indirectement la porte de l’ACA sur ordre de Pie XII.
Scènes finales (1950-1959)
15Lorsqu’il apprend que son ami Georges Grente entre à l’ACA, Louis Marmottin, archevêque de Reims, pourtant isolé et critique sur cette assemblée, craint que celui-ci ne boude une institution qui l’a longtemps ignoré. L’évêque du Mans le rassure en lui écrivant qu’il s’y rend bien et que cela lui « fera des pages » pour ses Souvenirs34. Il en est ainsi de même du récit de son arrivée en session, les 14 et 15 mars 1950. Devant la courtoisie de l’accueil, écrit-il, particulièrement celle de son président, Achille Liénart, il remise les malices qu’il compte proférer35 pour se fondre dans l’esprit de l’institution. La malice est réservée à son carnet, lorsqu’il conclut la journée par cette scène : « Mgr Marmottin dîna le soir, dans l’intimité, chez mes neveux. Comme il s’étonnait que La Croix eût signalé ma présence, pour la première fois, à l’assemblée, et que “cela retombait sur nous [les métropolitains]”, je lui répondis aussitôt : “Vous l’avez bien mérité, car sans le Saint-Père, je serai encore à votre porte.” Jalousie et inquiétude, c’est humain36. »
16Les égards qu’on lui témoigne publiquement durant la séance enferment cependant l’archevêque-évêque dans son rôle d’académicien, caricature que semble assumer l’intéressé : « La note préparée par Mgr Chappoulie en faveur des ouvriers portait, dans la même phrase, trois adverbes en -ment : ardemment, rapidement, gravement. J’ai demandé, en souriant, qu’on l’allège. Ce fut une fusée de gentils propos. “Voilà l’Académie à notre secours !, etc.” Et comme on m’interrogeait, je corrigeai d’emblée : “Mettez ‘au plus tôt’, au lieu de ‘rapidement’, etc.” Ce fut un gai moment de détente37. »
17On se méfiera cependant des mots. Ce rôle débonnaire volontairement surjoué par Georges Grente contraste avec les responsabilités que lui assigne au même moment Pie XII. Le pape, alors inquiet de la tournure que prennent les initiatives missionnaires de la hiérarchie française, lui demande en effet de rédiger pour lui un rapport sur le fonctionnement de l’ACA38 et de le tenir informé, ainsi que le cardinal Ottaviani, soit par courrier, soit lors de ses séjours fréquents à Rome. De même, sous ses aspects légers, le récit diariste de Grente signale une sérieuse tension dans l’institution. Celui-ci pointe en effet la responsabilité du rédacteur, alors secrétaire de l’épiscopat, Henri Chappoulie, en position délicate et tendue avec les archevêques39. Le caractère entier ainsi que le besoin de reconnaissance du secrétaire, très lié au monde politique, s’accordent de plus en plus mal avec son rôle de gratte-papier et de tâcheron au service des chefs de l’Église de France. De fait, à la session suivante, Georges Grente décrit son départ conflictuel, ce qui apparaît comme un épisode inversé de son propre accueil par l’ACA :
« Le cardinal Liénart m’avait dit que Mgr Chappoulie s’était montré désagréable envers son successeur, Mgr Villot, et qu’il avait voulu revenir à l’assemblée “pour prendre congé”. Mon Dieu, ceci pouvait se justifier, et je l’aurais approuvé. Mais le cardinal a pris sur lui de le lui interdire, et il y a eu, entre eux, échange de lettres vinaigrées. Admis néanmoins, comme il se devait, à l’une de nos séances, pour nous rendre compte de la “Mutuelle S. Martin”, qui concerne le clergé de France, Mgr Chappoulie est entré raide, glacial, a parlé sans un sourire, en homme qui se tient sur la défensive et prêt à la riposte. Mais chacun l’a écouté sans objection, et il s’est retiré avec le même cérémonial de glace40. »
18On peut donc bien voir cette scène comme un remplacement. Grente rapporte les états et mouvements de l’assemblée à l’égard d’un de ses secrétaires dont la froideur, avant d’être la conséquence d’un conflit, est bien celle d’une fonction et surtout d’une écriture institutionnelle, écriture à laquelle le diariste se confronte : « Le procès-verbal, s’il est exact en ce qu’il relate, est inexact pour ce qu’il tait. Il ne fait pas revivre les séances et supprime beaucoup d’incidents et de mouvements divers, qui eussent intéressé les évêques et montré que nous ne sommes pas une classe d’élèves sages qui écoutent passivement les rapports41. » Les carnets de Mgr Grente, devenu par son cardinalat en 1952 l’« homme-lige42 » conservateur et l’informateur de Pie XII dans l’Église de France, s’attellent en conséquence à rétablir les scènes conflictuelles disparues du compte rendu officiel :
« L’ACA s’est réunie à l’archevêché. Nous avons suivi le programme dressé par le secrétariat de l’épiscopat, et auquel on peut se reporter, sans qu’il soit utile d’en parler ici. Je noterai seulement que ceux des prêtres-ouvriers qui se soumettent ont désiré avoir une entrevue avec deux évêques qui s’uniraient, pour les recevoir, à S. É. le cardinal Feltin. Comme Mgr Guerry, archevêque de Cambrai, est spécialement chargé des questions ouvrières au nom de l’épiscopat, lui-même et plusieurs d’entre nous ont exprimé le désir qu’il assiste à l’entretien. Mais Mgr de Bazelaire, archevêque de Chambéry, dit crûment : “Ils ne veulent pas de vous.” Ce qui nous parut choquant et nous porta unanimement à exiger la présence de Mgr Guerry43. »
19Georges Grente construit son récit autour de la phrase “Ils ne veulent pas de vous”, affirmation d’autant plus scandaleuse qu’elle est dirigée contre le secrétaire de l’assemblée dont elle sape directement l’autorité. L’incident, porteur d’une violence extérieure – celle des prêtres-ouvriers – qui, par capillarité, se concentre sur Émile Guerry, l’archevêque emblématique de la crise, de l’autorité doctrinale et de l’ouvriérisme44, ne peut apparaître dans le compte rendu officiel rédigé par le secrétaire lui-même, victime de l’attaque. Le rôle du diariste est ambigu. Parfaitement allergique aux codes ouvriéristes, Grente s’en offusque en rapportant la réaction de la majorité épiscopale à laquelle il appartient. L’esprit de corps contre l’attaque de Mgr de Bazelaire est cependant mis à mal, dès lors que Grente détache l’affront dans la masse des propos tenus pour en faire son miel. La phrase de l’archevêque de Chambéry vaut mention, puisqu’elle se détache des propos convenus qui ne méritent pas d’être signalés.
20Georges Grente ne s’inspire pas seulement de mots ou de phrases entendues, il va jusqu’à décrire toute une journée de l’ACA sous le thème du conflit :
« Une discussion s’éleva au sujet du P. Montuclard, dominicain, dont la plupart d’entre nous souhaiteraient la condamnation par Rome, alors que le cardinal Gerlier envisage que, si elle s’accomplissait, nombre de prêtres apostasieraient. Nous nous récrions. Et quand ce serait, quelle peste que ces indésirables ? Nous chargeons le cardinal Liénart d’envoyer, au nom de l’assemblée, une lettre très ferme au général des Dominicains pour réclamer l’éloignement de Paris du P. Montuclard. Rome a dû en avoir des échos, car, peu après notre réunion, le Saint-Office a condamné le mouvement et la revue du père, et, depuis six semaines [Grente écrit a posteriori], nul exode – annoncé par le cardinal Gerlier – ne s’est produit. Le déjeuner qui suivit était offert au cardinal Feltin par la maison Pradel. Par ses soins la salle était tendue de draperies grises sur lesquelles resplendissaient nos armes. Chatoiement de couleurs. Les archevêques étaient groupés par petites tables de huit, les six cardinaux sur une estrade. Le cardinal Feltin et moi, au centre, pour une fois. Le menu dépassait nos moyens. On servit du champagne en des jéroboam que la plupart des convives ne connaissaient pas, et le domestique, les tenant par la base, d’une seule main, avait des allures de prince pour accomplir sa prouesse. Il dut être surpris de ne pas multiplier ses rasades, car, dès son second passage, il reçut plus de refus que d’accueils. La hiérarchie n’est pas humide45. »
21Voilà comment se conclut en coulisse une mise au pas, celle de La Quinzaine, bien connue des historiens de l’ACA46, parce qu’elle ouvre un cycle et une spirale répressive de l’institution. Même en situation de crise, surtout en situation de crise serait-on tenté d’écrire, la continuité et même l’excroissance des rites de sociabilité, qui sont le propre de cette Église hiérarchique d’avant-concile, sont remarquables. On en déduit, à lire le diariste, que la tempérance des archevêques fait contraste avec l’âpreté de la condamnation de Montuclard. Il aurait mieux valu un repas plus gai, ponctué d’anecdotes, de bons mots et de rires que cette description presque froide de Georges Grente, qui ne se trompe jamais en matière de vraie et de fausse mondanité, surtout dans une salle peu chauffée. Notons bien que ce n’est pas le repas qui fait soupape, mais la déclaration du Saint-Office, qui n’a pas produit les départs prophétisés par le primat des Gaules. En cette fin du pontificat pacellien, tout concourt à masquer la réalité. En témoigne cette autre scène des carnets : « Réunion des cardinaux et archevêques. Elle a suscité dans la presse plus d’attention que les précédentes, à cause de la crise de l’ACJF […]. D’après les titres sonores des journaux, la hiérarchie serait divisée et embarrassée. Que c’est mal nous connaître ! Les déclarations tranchantes ne sont pas notre habitude ! a priori, on trouvera une solution nègre-blanc47 dans le genre de celle de la conférence de Suez48. »
22Qu’est-ce qui prime en définitive ? La succession des condamnations qui caractérisent l’activité de l’ACA des années 1950 ou cette répétition qui efface l’institution dans ce qu’on attend d’elle ? On y répondra, comme le diariste, par une dernière scène décalée de sociabilité épiscopale : « Je suis retourné le matin à l’assemblée des cardinaux et archevêques, et j’y assistai à la remise de la rosette de la légion d’honneur au cardinal Gerlier par le cardinal Liénart. Les allocutions des cardinaux furent banales, mais on nous épargna leur réédition, quand il fallut, plus tard, recommencer la cérémonie parce que le photographe avait manqué le rendez-vous… Accolades historiques truquées49 ! »
23Au soir de l’ACA et des princes de l’Église septuagénaires ou octogénaires, ceux-ci sont condamnés à rejouer des scènes de représentation et de comédie de leur vieillesse. Ces anciens combattants n’arrêtent pas de se remettre des médailles, qui leur rappellent leur jeunesse, et d’enchaîner toasts sur jubilés, si bien que leur opposition institutionnelle – l’un (Feltin) est vicaire aux armées, l’autre (Liénart) est prélat de la Mission de France, le dernier (Gerlier) est protecteur du Prado – qui paraît si tranchée au moment de la guerre d’Algérie et qui s’exprime lors de sessions « houleuses50 » paraît surjouée et se délite dans la bonne entente entre camarades et une déclaration finale nécessairement consensuelle que le diariste est souvent chargé de relire.
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24Au final, c’est l’écriture diariste, et donc la position du regard diariste, qui, fondamentalement, paraissent non seulement transgressifs et conflictuels, mais aussi perspicaces. Le cardinal Baudrillart juge ainsi que les compétences de l’ACA sont désormais si étendues qu’elles placent ses membres, lors des séances, « devant un cinéma universel51 ». Mgr Grente, quant à lui, se demande si l’autorité pourtant fortement incarnée de chaque archevêque dans son diocèse ne se dilue pas dans cette structure qui choisit l’acronyme pour se représenter. Comment deux écrivains se sont donc trouvés confrontés à un acronyme et à un fonctionnement de plus en plus étendu, technocratique52 et donc moderne ? La réponse s’impose : en ACA-démiciens traditionnels, soucieux des coulisses et du protocole comme au Quai Conti. Ce qui a motivé ce travail est moins l’objet du conflit bien connu par ailleurs que sa retranscription scénique par deux diaristes conservateurs qui, à la fois au cœur et en périphérie, peuvent dire et faire lire l’institution, à travers certaines de ses journées. Cette déconstruction interne qui passe par l’anecdote, la confidence et surtout la mise en scène[s] est d’autant plus intéressante de la part de deux cardinaux soucieux de la construction, de l’incarnation, de la représentation et de la pérennité du pouvoir hiérarchique. Ces scènes de vie des carnets Baudrillart ou des souvenirs Grente sont le chant du cygne d’une Église édifiante et dressent par contre-genre le panégyrique que l’ACA n’a jamais vraiment eu.
Notes de bas de page
1 Arch. dioc. Le Mans, fonds Grente, Souvenirs, carnet 40, 31 janvier-2 février 1942, p. 51. Ces carnets inédits sont l’objet d’un travail en cours.
2 Machelart Félicien, « Le cardinal Baudrillart et l’Assemblée des cardinaux et archevêques de France », in Christophe Paul (dir.), Cardinal Alfred Baudrillart, Paris, Cerf, 2006, p. 111-112.
3 Mayeur Jean-Marie, La question laïque xixe-xxe siècle, Paris, Fayard, 1997, p. 200. Je renvoie au chapitre de Christian Sorrel qui renouvelle l’histoire des débuts de l’ACA.
4 Déclaration sur les « lois dites de laïcité », DC, 282, 21 mars 1925, col. 707-712.
5 Arch. dioc. Le Mans, 70 : Souvenirs, carnet 4, 5 juillet 1924, p. 93.
6 L’usage de la presse est considéré par le camp transigeant, à l’instar de l’un des doyens de l’épiscopat, Mgr Bardel (Séez), qui s’en ouvre à Mgr Grente et au cardinal Dubois, comme un manque de considération à l’égard des évêques résidentiels attendant d’être prévenus par voie postale. Ibid. : carnet 5, 13 mars 1925, p. 122.
7 Ibid. : carnet 5, 15 mars 1925, p. 120-121.
8 Sur la négociation de ces associations, voir Poulat Émile, Les diocésaines. République française, Église catholique : loi de 1905 et associations cultuelles, le dossier d’un litige et sa solution (1903-2003), Paris, La Documentation française, 2007.
9 Arch. dioc. Le Mans, 70 : Souvenirs, carnet 5, 14 mars 1925, p. 125.
10 La précipitation se comprend. Alfred Baudrillart, peu après avoir entendu à Rome les confidences de Gasparri sur cette affaire, reçoit celles de l’évêque auxiliaire de Paris : « Mgr Roland-Gosselin me raconte que Mgr Rivière [archevêque conservateur d’Aix], craignant que l’on revînt à la séance du soir sur la déclaration acceptée le matin, […] dit au P. Janvier de faire porter la chose à La Croix, ce qui fut fait. » Tous les Parisiens (Verdier) critiquent en effet la déclaration. Les carnets du cardinal Alfred Baudrillart, 13 avril 1925-25 décembre 1928, 16 avril 1925, éd. Paul Christophe, Paris, Cerf, 2002, p. 71.
11 Arch. dioc. Le Mans, 70 : Souvenirs, carnet 6, 14 mars 1925, p. 12.
12 Ibid. : Souvenirs, carnet 6, 14 avril 1925, p. 12-13.
13 Ibid. : Souvenirs, carnet 6, 14 avril 1925, p. 13.
14 Ibid. : Souvenirs, carnet 6, 14 avril 1926, p. 25.
15 Ibid. : Souvenirs, carnet 6, 14 avril 1926, p. 13. Dubois comme Grente, qui ont de l’estime pour Luçon, estiment d’ailleurs que Rome est trop sévère envers lui.
16 Ibid. : Souvenirs, carnet 7, 3 mars 1926, p. 123. Lors de cette séance, le cardinal Charost renchérit en demandant que les religieux reprennent l’habit dans les classes. Le nonce Cerretti et le cardinal Dubois désavouent cette démarche. Grente estime qu’elle exposerait ses écoles à une fermeture.
17 Ibid. : Souvenirs, carnet 9, 27 mars 1928, p. 126.
18 Selon l’expression de Christian Sorrel dans sa communication orale.
19 Les carnets du cardinal Alfred Baudrillart, 1er janvier 1922-12 avril 1925, Paris, Cerf, 2001, p. 998 (17 mars 1925).
20 Le Moigne Frédéric, Les évêques français de Verdun à Vatican II. Une génération en mal d’héroïsme, Rennes, PUR, 2005, chap. 3.
21 Les carnets du cardinal Alfred Baudrillart 20 novembre 1935-11 avril 1936, Paris, Cerf, 1996, p. 146 (10 mars 1936).
22 Certains en sont bien conscients, comme l’archevêque d’Avignon qui glisse une confidence sur le passé au recteur prêt, par connivence conservatrice, à la reporter : « Je garde une très bonne impression de cette assemblée où l’on a discuté très sérieusement et dans un esprit de confiance. Il n’en était pas ainsi, me dit Mgr de Llobet, du temps du cardinal Dubois qui agissait souvent contre l’assemblée, dénonçant à Rome les uns et les autres à l’occasion », ibid., p. 151 (13 mars 1936).
23 Ibid., p. 149 (12 mars 1936).
24 Ibid., p. 149-159.
25 Ibid., p. 792 (18 mars 1938).
26 Ibid., p. 1001 (22 mars 1939).
27 Ibid.
28 Les carnets du cardinal Alfred Baudrillart, 20 mai 1941-14 avril 1942, Paris, Cerf, 1999, p. 129 (21 juillet 1941).
29 Mgr Suhard estime que seuls les archevêques métropolitains sont de droit membres de l’ACA. Il relaie ainsi l’opposition du métropolitain de Tours, Mgr Gaillard, contre son suffragant du Mans. Il existe en réalité un héritage entretenu depuis la période Pie XI consistant à interdire l’entrée de l’ACA à Grente. Suhard reste ici fidèle à la « doctrine » de son protecteur, Maglione, nonce à Paris puis secrétaire d’État. Voir Le Moigne Frédéric, « Ligne de fuite d’une carrière. La promotion inaboutie de Mgr Grente comme archevêque résidentiel dans les années 1930 », in Avon Dominique, Le Moigne Frédéric, Tison Stéphane et Waché Brigitte (dir.), Le cardinal Grente (1872-1959). Homme de lettres et prince de l’Église, Rennes, PUR, 2020.
30 Le texte est adressé à Pétain et à Laval. La réaction de ce dernier est de souhaiter assister à la session d’avril de l’ACA.
31 Arch. dioc. Le Mans, 71 : Souvenirs, carnet 45, 6 mai 1943, p. 10.
32 Ibid. : Souvenirs, carnet 51, 20-21 mars 1945, p. 29.
33 Le Moigne Frédéric, « Les deux corps de Notre-Dame de Paris », in Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 78/2, 2003, p. 75-88.
34 Arch. dioc. Le Mans, 71 : Souvenirs, carnet 63, 23 janvier 1950, p. 107. Le détail est important, car Mgr Mamottin est très certainement le seul évêque à savoir que Grente rédige des souvenirs quotidiens.
35 « Quand je paraîtrai à la réunion, si le cardinal Liénart prononce quelques mots de bienvenue, je répondrai, en souriant : “C’est l’année du jubilé et la porte sainte de votre assemblée s’est ouverte pour moi, mais c’est aussi l’année du Grand Pardon, et je vous l’accorde pleinement pour m’avoir fait sept ans attendre” », ibid. : 23 janvier 1950, p. 109.
36 Ibid. : carnet 64, 14-16 mars 1950, p. 7-8.
37 Ibid.
38 Ibid. : carnet 65, 13 juin 1950, p. 10 ; 159, Correspondance Rome, rapport en trois points : le rôle du secrétaire, les réunions provinciales, les séances. Mgr Grente y critique Mgr Guerry, trop « compliqué », qui mérite d’être aidé par un canoniste et un théologien, ainsi que Mgr Chappoulie, qui outrepasse son rôle (« certains remarquaient son empiétement dans la discussion »).
39 En particulier les archevêques de Paris. Mgr Suhard veut en faire un curé de Paris, son successeur ne l’apprécie pas plus : « Mgr Feltin avait eu tort d’indiquer Mgr Chappoulie pour Laval, où il ne conviendrait guère. C’était un moyen de s’en séparer, au détriment d’un diocèse », rapporte Mgr Grente, ibid. : carnet 64, 28 mars 1950, p. 26.
40 Ibid. : Souvenirs, carnet 66, 17-18 octobre 1950, p. 18.
41 Ibid. 72 : Souvenirs, carnet 72, 4 mars 1953, p. 34.
42 Sorrel Christian, « “In Lumine gloriae”. Georges, cardinal Grente (1953-1959) », in Avon Dominique, Le Moigne Frédéric, Tison Stéphane et Waché Brigitte (dir.), Le cardinal Grente…, op. cit.
43 Arch. dioc. Le Mans, 72 : Souvenirs, carnet dactylographié 74, 10 mars 1954, p. 8.
44 « En ce moment, je suis personnellement attaqué par plusieurs ouvrages qui paraissent contre l’épiscopat. Le “Livre noir”, particulièrement violent contre mes interventions et critiquant mes écrits, me présente comme un malade, m’a dit le P. Martin, le livre que publient les anciens de l’ACJF (Vial ??, etc…) sur “la signification d’une crise”. J’ai lu celui-ci : il est à sens unique, rejetant toute la crise sur la hiérarchie, particulièrement sur le secrétaire de l’ACA et de la commission épiscopale du monde ouvrier… Il y a des erreurs, des affirmations inexactes et gratuites. Le fond de l’affaire leur a échappé : c’est-à-dire l’inquiétude des évêques de voir abandonner peu à peu la vraie action catholique comme apostolat. On ne sent pas chez eux la souffrance des évêques devant la coupure du monde ouvrier avec l’Église », Archives des Petites Sœurs des maternités catholiques, journal de Mgr Guerry, 22 novembre 1964. Document aimablement transmis par Christian Sorrel. Sur la période conciliaire, lire Sorrel Christian, « Les journaux conciliaires des évêques français. Premier bilan d’une recherche », in Chenaux Philippe et Plamen Kartaloff Kiril (dir.), Il Concilio Vaticano II e i suoi protagonisti alla luce degli archivi, Città del Vaticano, LEV, 2017, p. 91-107.
45 Arch. dioc. Le Mans, 72 : Souvenirs, carnet 72, 3 mars 1953, p. 36-37.
46 Tranvouez Yvon, « Résistance au pouvoir dans le catholicisme. La Quinzaine face à l’ACA (1952-1954) », in Archives de sciences sociales des religions, 56/1, 1983, p. 5-35.
47 Cette critique est rapportée à Pie XII : « On a fini par s’entendre, pour l’ACJF, sur une de ces déclarations “à égale distance de la ville et de la campagne.” » Grente ajoute puis biffe : « [déclarations] qui révèlent de la prudence sans en satisfaire personne », Arch. dioc. Le Mans, 159 : correspondance Rome, brouillon d’une lettre de novembre 1956.
48 La suite de la relation n’est pas moins intéressante : « Toujours même climat agréablement fraternel ; toujours même direction flasque du cardinal Liénart ; interventions difficiles du cardinal Gerlier ; hurlements, plus que jamais incompréhensibles, du pauvre cardinal Saliège ; toujours les positions sages et rapides du cardinal Feltin, qui s’impatiente de la longueur des débats ; toujours le mutisme du cardinal Roques, et mes remarques et questions. Toujours le silence des archevêques, sauf Bordeaux [Richaud], Chambéry [de Bazelaire] et Bourges [Lefebvre] ; toujours le filet d’eau tiède de Mgr Guerry et la maîtrise de Mgr Villot, avec les propositions, entremêlées de lazzi, de Mgr Courbe », ibid., 72, carnet dicté, enveloppe VII, 17-18 octobre 1956, p. 54-55. Lors de cette séance, Grente fait l’ample compte rendu de son récent séjour à Rome et des directives pontificales. Son texte est ronéotypé et ajouté au compte rendu général pour être diffusé confidentiellement aux évêques.
49 Ibid., 72, feuillet dactylographié, 14 octobre 1954.
50 ADM, 72, carnet dicté, 5 mars 1958. Séance consacrée à la Mission de France en Algérie. Sur cette affaire, voir Chapeu Sybille, Des chrétiens dans la guerre d’Algérie. L’action de la Mission de France, Paris, Atelier/Témoignage chrétien, 2004.
51 Alfred Baudrillart, 18 mars 1938.
52 Georges Grente écrit : « À l’archevêché, réunion de l’ACA. Tout maintenant se réduit à des initiales », ADM, 71, carnet 71, 15 octobre 1952, p. 17.
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