1L’espace étudié constitue avant-guerre une zone de forte implantation des droites, avec cependant certaines nuances intrarégionales notamment au regard des Deux-Sèvres. De fait, après une poussée à gauche, partout sensible en 1945, on assiste dans les quatre départements concernés à leur rétablissement rapide. Derrière cette apparente stabilité, il importe cependant de souligner des évolutions en trompe-l’œil qui témoignent d’un processus de décomposition/recomposition des droites plus complexe qu’il n’y paraît.

État et évolution des forces politiques en présence

2À la veille de la Seconde Guerre mondiale, la droite conservatrice (conservateurs – Fédération Républicaine – urd) détient la majorité absolue au sein des assemblées départementales en Vendée1, Maine-et-Loire2 et Mayenne3. Renforcées par des élus modérés se réclamant le plus souvent des républicains de gauche, les droites disposent dans les trois cas de majorités très confortables pour ne pas dire hégémoniques (76 à 88,8 %). Face à elles, se dresse une influence radicale, dominante dans les Deux-Sèvres4 et sensible à l’est de l’Anjou, au sud de la Vendée ou dans le Nord Mayenne. Dans une large mesure, ce paysage politique témoigne encore du poids des clivages hérités et renvoie aux cartes des affrontements traditionnels du siècle écoulé entre blanc/bleu ou catholique/laïque.

1945 : le temps de la transition et de la réorganisation

3Fraîchement constitué à cette date, les élections municipales arrivent trop tôt pour que le mrp puisse enregistrer des résultats significatifs à l’exception notable du Maine-et-Loire où sa percée est plus sensible5. Quelques mois plus tard, malgré une certaine progression en voix, son implantation reste encore limitée au sein des conseils généraux comme de la représentation nationale. En Vendée, le mrp ne dispose que d’un élu au conseil général et ne recueille que 8,25 % des voix aux législatives d’octobre 1945. En Mayenne, au-delà de certaines sympathies dans deux ou trois autres, seul un canton est acquis au mrp avec certitude, le parti obtenant par ailleurs un député (Robert Buron6). Dans les Deux-Sèvres, la situation est comparable : un conseiller général, 19 % des suffrages aux législatives et un député (André-François Mercier), le mrp confirmant son implantation dans l’arrondissement de Bressuire. Les résultats du mrp sont, en revanche, beaucoup plus probants en Maine-et-Loire : avec neuf conseillers généraux (5 déclarés et 4 sympathisants) et trois députés (Charles Barangé, Joseph Le Sciellour, Joseph Barbary), il s’impose comme la première force politique départementale (31 % des voix aux législatives). Si on excepte ce dernier cas, le mrp enregistre dans la région des scores initiaux, assez nettement inférieurs à sa moyenne nationale (25,6 % des suffrages aux législatives de 1945). Ces débuts modestes, au cœur d’un espace pourtant marqué par la double influence des droites et du catholicisme, peuvent surprendre. Ils témoignent d’un certain manque de lisibilité du positionnement politique du mrp comme le prouve, d’ailleurs, l’accueil plutôt prudent et réservé, au départ, des milieux catholiques. En creux, ils révèlent aussi la capacité de résistance des droites traditionnelles qui, bien qu’inorganisées, se maintiennent, particulièrement sur la base de personnalités connues et reconnues comme non compromises par l’épisode de Vichy. Ainsi, pour s’en tenir aux législatives, en Vendée Armand Baudry d’Asson (petit-fils du pourfendeur de la République) se présente aux électeurs auréolé de son nom et de son récent retour de déportation. Cette double légitimité à la fois traditionnelle (héritier) et nouvelle (déporté) contribue certainement au triomphe de sa liste en 1945. Son « Union d’action agricole, maritime et sociale », totalise 48,4 % des suffrages et rafle quatre sièges de députés sur les cinq à pourvoir dans le département. C’est le même processus qui conduit Clovis Macouin, à rester le leader incontesté de la Fédération républicaine des Deux-Sèvres au lendemain de la Libération. Déjà élu sous cette étiquette dans l’entre-deux-guerres (maire, conseiller général, député) et, bien qu’ayant voté les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940, il capitalise en 1945 son enracinement et son engagement dans la Résistance (vice-président du cdl7). Ces exemples démontrent le dualisme d’un électorat certes attaché à des convictions anciennes et profondes mais qui intègre aussi l’impact des événements récents liés à l’Occupation et à la Libération8. A contrario, l’absence de notabilités motrices a pu, au moins dans un premier temps, être facteur de repli. C’est ce mécanisme qui joue en Maine-et-Loire, où la droite conservatrice, sans réel leader, cède du terrain au mrp notamment. Ce processus, peu perceptible aux municipales, est beaucoup plus net aux cantonales et plus encore aux législatives, où en l’absence de candidats d’envergure, la liste d’Entente républicaine, n’obtient que 19 % des voix et un siège (Bernard Huet9).

1946, la guerre des droites : l’affrontement mrp/prl

4Dès le début 1946, le prl, récemment constitué au niveau national, reçoit le renfort de l’ensemble des députés des droites conservatrices locales10 : ils constituent d’ailleurs un apport important pour le groupe prl de l’assemblée11. Disposant au départ d’une assez confortable avance, tant en voix qu’en sièges12, le prl doit très vite compter sur un mrp de plus en plus actif. Durant l’année 1946, la bataille fait rage entre les deux structures pour asseoir leur suprématie au sein des droites. L’affrontement, s’il repose sur les choix politique, économique et social d’un mrp, jugé « démagogique », « socialisant » voire « communisant », recoupe aussi d’autres clivages socio-politiques internes aux mondes agricole et catholique. Ainsi en octobre 1946, le préfet de la Mayenne est frappé par « le caractère agricole et clérical de la liste prl13 ». En jouant de la question de l’école, sur fond de débat relatif à la liberté de l’enseignement, le prl entend bien affaiblir le mrp sur son propre terrain. Par ailleurs la lutte se poursuit également au sein d’organismes socioprofessionnels, telle que la cga en Mayenne14. L’opposition mrp/ prl recoupe, ici, un clivage marqué entre propriétaires terriens et cultivateurs exploitants mais aussi entre propriétaires-bailleurs et fermiers-métayers. Cette dernière question est particulièrement sensible, dans un département où le métayage touchait encore le quart des exploitations au début des années trente. D’un point de vue politique, social comme religieux, ce sont donc bien deux cultures politiques différentes qui s’affrontent au sein des droites. Les observateurs de la vie politique locale ne s’y trompent d’ailleurs pas : ainsi pour le préfet des Deux-Sèvres, « le mrp se différencie nettement du prl » alors qu’en Vendée son homologue considère « la rivalité prl-mrp essentielle dans le département15 ». Dans la région, le prl concentre d’ailleurs l’essentiel de ses attaques contre le mrp parce qu’il perçoit en lui « un adversaire susceptible de lui enlever le plus grand nombre de suffrages16 ». Force est de constater qu’en 1946, le mrp sort grand vainqueur de cette guerre des droites : sa progression est partout impressionnante dans l’espace étudié. En Mayenne, bénéficiant de la popularité de Robert Buron et plus encore de François Pinçon, modeste agriculteur, très influent dans le nord du département et chez les bouilleurs de crus (44 000 en Mayenne), le mrp renforce ses positions en juin puis novembre 1946. À cette date, il rassemble 34 % du corps électoral, dispose de deux députés (Buron, Pinçon) et d’un conseiller de la République (Helleu17). Dans les Deux-Sèvres, la progression mrp est aussi constante : André-François Mercier est réélu député en juin et novembre 1946 (31 puis 32,5 % des voix), alors que Yvon Coudé du Foresto rassemble sur son nom 45 % des grands électeurs départementaux18. En Vendée où le mrp part de très loin, sa poussée en 1946 est d’autant plus spectaculaire. Emmené par Lionel de Tinguy du Pouët19, le mrp doté désormais d’un chef apte à concurrencer Armand Baudry d’Asson, passe de 8 % des suffrages en octobre 1945 à 33 % puis 35,4 % en juin et novembre 194620. Il compte désormais deux députés (Tinguy/Michaud) et, triomphe suprême, coiffe sur le fil le candidat prl au Conseil de la République21. Son succès est particulièrement net dans le haut bocage, traditionnellement plus conservateur mais aussi dans le sud du département, jusqu’alors aux mains des républicains radicaux ou modérés. En Maine-et-Loire enfin, le mrp, s’appuyant sur de puissants réseaux compte jusqu’à quatre députés en juin 194622. Bien que cédant un siège en novembre, le parti atteint 51,6 % des voix23, alors qu’en décembre suivant Emmanuel Clairefond24 attire sur son nom 625 des 1093 grands électeurs départementaux. Contrastant avec l’évolution nationale qui voit le mrp reculer dans un grand nombre de départements, dès novembre 194625, les marges armoricaines témoignent au contraire de son affermissement. Avec des scores toujours supérieurs à ses performances nationales26, il s’impose dans les quatre départements comme la première force politique (droite et gauche confondues). Corrélativement, même si on ne peut exclure sa capacité à mordre sur d’autres électorats, son succès s’accompagne d’une régression significative du prl, 64 000 voix et deux sièges de députés perdus en un an27. Fin 1946, le prl et le mrp disposent respectivement de cinq et huit députés sur les 19 sièges des quatre départements : il s’agit d’une véritable inversion des forces au sein des droites par rapport à octobre 1945 !

1947, le rpf brouille les cartes

5À compter de 1947, le nouveau contexte international et national modifie la géopolitique des droites. À première vue, le rpf apparaît comme le grand bénéficiaire de la nouvelle donne politique et, de fait, il remporte aux municipales d’octobre 1947 des succès significatifs à Angers, Niort, Thouars, Luçon et Mayenne. Pour autant, la perméabilité de la région s’avère inégale : ainsi 115 maires rpf (30 % de l’ensemble) sont élus en Maine-et-Loire, mais seulement 29 en Mayenne (10,5 % du total). « La vague est lancée », disait de Gaulle au lendemain des premières victoires, une observation approfondie du paysage politique local démontre qu’on est loin de la déferlante. En effet, si le rpf favorise parfois l’émergence d’élus nouveaux28, dans beaucoup de cas on assiste surtout à une valse des étiquettes. À titre d’exemple, parmi les 29 maires rpf de Mayenne, 25 étaient déjà en fonction avant le scrutin29. Dans le même registre, le préfet des Deux-Sèvres note : « devant le succès remporté, dans le reste du territoire par le rpf, de nombreux candidats qui s’étaient présentés comme Indépendants ou mrp au 1er tour se sont déclarés rpf au second. Ainsi à Niort et Thouars, les deux listes ont été comptabilisées rpf, bien qu’initialement patronnées par le mrp et les radicaux-socialistes30 ». De même, si l’érosion du mrp est sensible sur ses marges, pour des élus et un électorat qui l’avait choisi comme refuge après 1945, il confirme en de nombreux points son enracinement. C’est particulièrement net en Maine-et-Loire, où il contrôle une vingtaine de municipalités, dont Cholet et Saumur, mais aussi en Mayenne, où il progresse encore enlevant 28 municipalités. Dans ce département, « véritable laboratoire de la démocratie-chrétienne31 », le mrp progresse jusqu’en 1953. D’une manière générale les cantonales de 1949 confirmeront cette tendance : si on excepte la perte du seul canton détenu en Deux-Sèvres, le mrp progresse en Vendée (cinq élus), en Mayenne (cinq élus) et se stabilise en Anjou (cinq élus32). De même à la veille du scrutin de 1949, les ralliements au rpf par le biais de la constitution d’intergroupe au sein des assemblées départementales, restent limités : aucun en Deux-Sèvres et Vendée, deux en Mayenne et six en Maine-et-Loire33. Plus profondément cependant, il est certain que le climat, propre aux années 1947-1948, contribue à une bipolarisation renforcée du paysage politique et que dans notre région lorsque l’électorat des droites doit choisir entre un front anticommuniste et un front anti- rpf, il incline très majoritairement pour la première alternative34. Dans ce cas il arrive aussi que le mrp fasse les frais de cette « droitisation » des esprits. Ainsi aux élections du Conseil de la République de novembre 1948, le rpf écrase le mrp en Maine-et-Loire et s’empare des trois sièges à pourvoir35. En Deux-Sèvres, selon la vielle tactique du « sortez les sortants », surtout lorsqu’ils sont membres du gouvernement, le rpf s’emploie pendant de longs mois à faire battre le conseiller de la République mrp, Coudé du Foresto36. C’est chose faite, au soir du 7 novembre 1948, par l’entremise de Héline, transfuge radical-socialiste/ rpf.

Les dynamiques des droites : glissement, reclassement et renouvellement

6Étudier la recomposition des droites sur le temps court invite à évoquer les tentatives de reconstruction du paysage politique par les centres et/ou la volonté de certains courants d’exister hors clivage traditionnel ou plutôt dans une fonction pivot – transclivage. C’est particulièrement net pour l’ udsr, qui allie des personnalités venues d’horizons différents telles que Le Basser, Jacques Soustelle ou encore Raulin-Varengot dit Laboureur37… Dans un premier temps c’est aussi la stratégie suivie par le mrp, comme en témoigne son comportement lors des municipales de 1945 à Angers ou encore, la même année, à l’occasion de l’élection de Francis Le Basser à la présidence du Conseil général de la Mayenne. Les radicaux puis le rgrf ne sont pas loin d’adopter une attitude comparable, tendant sur la période à glisser vers la droite via le gaullisme le plus souvent. C’est l’itinéraire d’un Le Basser en Mayenne, qui transite par l’ udsr, le rgrf et le rpf. Dans les Deux-Sèvres, les radicaux sont traversés par deux tendances ; en 1945, ils optent majoritairement pour un reclassement à gauche au profit de la sfio mais par la suite, leur anticommunisme les pousse à droite. Évoquant le rgrf en octobre 1947, le préfet souligne : « son attitude dans le département ne répond pas à une ligne de conduite bien définie, il s’est adapté aux différentes situations communales et a fait alliance tantôt avec des partis de droite, tantôt avec des partis de gauche, sa seule ligne de cohérence étant le plus souvent une position anticommuniste38 ». Dès lors, il n’est pas surprenant de voir certains rallier le rpf, tel Héline, délégué départemental à la propagande du rpf et néanmoins réélu président de la fédération départementale radicale-socialiste en février 1948. Plasticité aussi du rpf, qui localement prospère sur une masse flottante de militants venus des radicaux/ rgrf, de l’ udsr, des républicains modérés, du PSF, du prl, voire du mrp, surtout une fois l’hypothèque scolaire levée39. Ces origines plurielles ne doivent cependant pas occulter combien le rpf, se développe de manière privilégiée sur un fond conservateur, rendant souvent illusoire sa prétention à se placer au-dessus des partis. Cette orientation est particulièrement nette en Maine-et-Loire. Indiscutablement, le rpf a constitué par sincérité ou calcul un espace politique ouvert pour des courants en quête de chef et/ou programme, mais paradoxalement ce qui a fait sa force initiale, par le gonflement rapide de ses effectifs, a aussi été source de faiblesse à court terme, en raison de l’autonomisation persistante des notables qui le rejoignait. En effet que des personnalités comme Le Basser, Macouin, Baudry d’Asson, De Geoffre… aient pu être attirées par le rpf, constituent sans doute une performance pour ce parti mais c’était sans compter sur leur capacité de résistance aux appareils. La faiblesse structurelle du rpf est que ces notables n’avaient pas durablement besoin de lui pour exister politiquement. Réalité socio-politique incontournable très bien décrite au sujet de Jean de Geoffre :

« l’habileté du nouveau sénateur a consisté à utiliser sa forte position personnelle pour mener campagne avec une relative indépendance à l’égard de ce parti. Il a su réunir aux voix du rpf, les suffrages plus nombreux des représentants de la tendance fondamentale du département. Comme la grande majorité de ces électeurs, monsieur De Geoffre sera plus soucieux des opinions des ruraux que de l’intérêt d’un parti, en obéissant plutôt à un tempérament libéral et conservateur qu’à une doctrine politique délibérément adoptée40 ».

7Glissements et reclassements ne doivent pas conduire à négliger la part de renouvellement qui accompagne aussi le processus de recomposition des droites. Le premier facteur de renouvellement est sans aucun doute, celui des hommes. Pour des raisons qui tiennent à la démographie (décès, vieillissement), mais aussi à la conjoncture (inéligibilité, Résistance…), l’heure est à l’affirmation d’hommes neufs. De toutes les forces de droite, le mrp apparaît comme le principal vecteur de renouvellement : la dynamique générationnelle en recoupant d’autres. Ainsi on constate que le mrp ne convertit pas tout les ex- pdp, mais seulement les plus jeunes militants41. De même, touche-t-il prioritairement les plus jeunes prêtres alors que la hiérarchie reste dans l’expectative42. Au-delà du clergé, le mrp disposait également de relais diversifiés allant du syndicalisme ( cftc, agriculteurs43…) à l’action catholique, sans oublier les ex-partis démocrates-chrétiens (Jeune République, pdp) et les associations à caractère social et/ou familial (parents d’élèves, assurances sociales, mouvement populaire des familles…). Indiscutablement, le mrp par ses réseaux contribue à introduire des pratiques militantes novatrices qui tranchent avec le système souvent encore notabiliaire des autres organisations partisanes de droite. Ces dernières, privilégiant les contacts personnels, les réunions privées voire l’apposition de quelques affiches répugnent le plus souvent à descendre dans l’arène politique. Ainsi en Vendée, « conscients de leur majorité dans le département, les modérés ne font preuve d’aucune activité particulière44 » alors qu’en Deux-Sèvres la Fédération républicaine considère qu’elle « n’a pas besoin de créer des sections ou de lancer des propagandistes pour défendre ses positions. Ses cadres, au moment opportun sauront regrouper les électeurs45 ». En fait, il faut attendre l’aiguillon du mrp en 1946 pour que ces partis décident de s’organiser de manière plus rationnelle, sans pour autant abandonner les bonnes habitudes : « le prl envisage la création de sections cantonales dont la présidence serait confiée au conseiller général ou à une notabilité46 ». A contrario, le mrp développe un niveau d’activité qu’on ne retrouve guère qu’à gauche. Bien structuré (fédération départementale, bureau, sections locales47, congrès annuel…), il occupe le terrain pendant les campagnes électorales et plus original en dehors. Il assure ainsi un travail de formation qui s’inspire des mouvements d’action catholique : journées d’étude, équipes spécialisées (féminine, professions indépendantes, cadres…48). Très présents, les élus et/ou candidats mrp témoignent d’une débauche d’énergie qui surprend leurs adversaires : ainsi en mai 1946, en Vendée « la liste mrp organise 10 à 12 réunions par jour » forçant le respect du préfet qui parle « d’un acharnement des orateurs49 ». Dans la famille des droites, seul le rpf prétendra à un investissement comparable50, même si localement il tend à se notabiliser très vite.



8Après plusieurs tentatives de recomposition des droites à partir des centres, la période s’achève sur une crispation : alors que depuis 1945, l’expérience mrp et la relative porosité du clivage droite/gauche laissaient augurer un renouvellement et une diversification accrue des droites, le contexte de guerre froide ajouté à la question scolaire, récurrente dans la culture politique locale, conduisent à une bipolarisation renforcée du paysage politique. Indéniablement, ce processus perceptible dès 1948, participe d’une « droitisation » des quatre départements que les législatives de 1951 mettront en lumière. Une telle évolution qui n’est pas complètement sans précédent51, démontre une réelle inertie des blocs droite/gauche. Elle marque aussi les limites de la marge de manœuvre dont disposent les droites pour se recomposer. En effet, au-delà de tout ce qui les sépare, il y a des frontières qui ne peuvent être franchies et la menace communiste comme le problème de l’école52 sont indiscutablement de celles-là. Doit-on pour autant postuler que la continuité et l’immobilisme l’emportent au sortir de cette période de transition et de reconstruction ? La question mérite réflexion car si la nouvelle culture politique de guerre froide renvoie effectivement au « tempérament » traditionnel des droites inscrit dans un temps long, il n’est pas davantage contestable que celles-ci ont, à des degrés divers il est vrai, intégré les évolutions du temps court inhérentes au choc de la guerre (Résistance/gaullisme/ progrès social). Ainsi, la géographie électorale des marges armoricaines n’est-elle plus la même qu’à la veille du second conflit mondial. La greffe mrp, même repoussée à droite par la querelle scolaire, a réussi et va parfois s’enraciner durablement particulièrement en Mayenne et Maine-et-Loire. De manière moins visible à court terme, du fait de l’autonomisation rapide des notables rpf, la sensibilité gaulliste imprègne désormais la région, attendant son heure. Ces deux évolutions, conjuguées à l’érosion voire à la quasi-disparition du radicalisme, contribuent à brouiller les cartes politiques classiques, à tel point qu’au sortir de cette période où le tissu socio-politique se retrame sur ces bases nouvelles, la vieille césure bleu/blanc s’atténue au point parfois de disparaître. Ainsi, les lignes d’opposition ouest/est en Maine-et-Loire et nord/sud en Vendée ou Mayenne, encore aisément perceptibles à la veille du conflit, ont été altérées voire gommées par la nouvelle donne politique du temps court 1945-1948.