De la Maison de la France d’Outre-mer à la Résidence Lucien Paye ou comment un empire se défait

De l’Union française à la coopération

Françoise Blum

p. 143-166


Texte intégral

« Il ne s’agit pas de bâtir un monument administratif mais de construire un vaste foyer où seront accueillis, dans un milieu de confort matériel et moral dignes d’eux les étudiants destinés à devenir les cadres de notre plus grande France1 ».

1La « petite histoire » dont il sera ici question, celle de la Maison de la France d’Outre-mer (FOM) de la Cité universitaire de Paris, actuelle Résidence Lucien Paye, peut être considérée comme un excellent observatoire d’une plus « grande histoire ». À travers l’histoire de cette Maison et l’étude des conditions de sa fondation, de ses statuts, de ses pensionnaires, de la composition de son Conseil d’administration, ou encore des évènements qui ont jalonné son existence, ce sont la fin d’un Empire et la re-négociation des liens entre la France et ses anciennes colonies africaines qui se donnent à voir à un micro-niveau mais de façon très concrète. On peut aussi y lire les aléas du mouvement étudiant, de sa montée en puissance dans les années 1950-1960 jusqu’à l’apogée de 1968, débouchant sur quelques acquis suivis par une reprise en main par les pouvoirs institutionnels. Cette reprise en main est tout à la fois un « retour de bâton » au début des années 1970 et, pour ce qui concerne le cas très particulier de la FOM, la liquidation d’une situation post-coloniale, tout comme l’instauration d’une politique inégale de coopération. Cette histoire est aussi celle de la « diplomatie universitaire », selon les termes employés par Guillaume Tronchet, quand elle rejoint la diplomatie tout court2.

2Il existe, comme pour toutes les maisons de la Cité universitaire, des archives3. Elles sont néanmoins quelque peu clairsemées suite à plusieurs facteurs : l’un d’eux concerne les graves problèmes de gestion qu’a connu la maison et donc, à certains moments, le désordre total qui a pu régner dans l’administration qui en était faite, rendant très aléatoire la conservation des archives ; l’autre facteur relève davantage d’évènements globaux, car on ne peut vraiment s’étonner de l’absence de documents concernant les mois chauds de l’année 1968. On avait alors autre chose à penser qu’une administration rigoureuse. Ces « trous archivistiques » n’empêchent cependant aucunement de comprendre les transformations de la Maison de la FOM, depuis sa création, et de suivre les grandes lignes de son évolution de même que de construire le récit des évènements qui s’y sont déroulés. C’est l’objet des lignes qui suivent.

Aux origines : former les cadres de « la plus grande France »

3L’acte de naissance de la Maison de la FOM est la proposition faite, le 14 novembre 1946, par la direction de l’Enseignement du ministère de la France d’Outre-mer4 de construire un pavillon de la France d’Outre-mer à la Cité universitaire et d’affecter pour cela un crédit de vingt millions de francs sur le budget du FIDES (Fonds d’investissement pour le développement économique et social des territoires d’outre-mer) pour les études de ce projet. Le ministre alors en fonction, le socialiste Marius Moutet, approuva cette proposition qui ne doit rien au hasard. En 1946, l’Empire est devenu Union française5, les ci-devant sujets sont devenus citoyens6. On se préoccupe dorénavant du « développement des territoires d’Outre-mer » avec, la même année, la création du FIDES qui sera chargé du financement de deux plans successifs. Bien entendu, toute politique de développement ne peut faire l’économie d’une politique en matière d’enseignement. C’est donc tout aussi logiquement qu’en 1946 l’enseignement dans les colonies africaines de la France est aligné sur celui de la métropole.

4Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, une attitude très malthusienne a présidé à la politique éducative dans les colonies, dont les élites devaient servir essentiellement d’auxiliaires aux Français sans jamais acquérir une haute éducation, laquelle était réservée aux ressortissants de la métropole. La guerre, et le nouvel ordre international qui en est issu, change la donne et la métropole tente alors de rattraper un retard considérable. En 1950, date de création de l’Institut des hautes études de Dakar, il n’existe encore aucune université sur les territoires africains de la France, et seuls quelques étudiants privilégiés vont poursuivre leurs études en métropole7. Pour faire des études supérieures en 1946, le seul moyen reste une inscription dans les établissements métropolitains. C’est alors que se pose le problème du logement. Il n’existe encore aucun organisme spécialisé pour orienter les étudiants originaires d’Afrique sub-saharienne ou leur indiquer des filières de logements. L’Office des étudiants d’Outre-mer (OEOM) – qui deviendra Office de coopération et d’accueil universitaire (OCAU) en 19628 – n’est créé qu’en 1955. Le souci de fonder une Maison d’Outre-mer à la Cité universitaire correspond donc à un certain réalisme devant une situation nouvelle qui appelle des solutions d’urgence, mais aussi à une politique de prestige, et de rayonnement métropolitain auprès des futurs cadres de « la plus grande France ».

5C’est le 8 avril 1947 que le président de la Fondation nationale de la Cité universitaire, André Honnorat, attribue au ministère de la FOM, dans l’enceinte même de la Cité, un terrain pour la construction projetée9. Le 15 avril, le comité directeur du FIDES alloue le crédit demandé10. Le 16 juin, le ministre fait appel à Albert Laprade, architecte en chef des palais nationaux, pour l’érection du pavillon. Albert Laprade, ce qui n’est pas ici indifférent, possède une expérience coloniale. Il a été au Maroc l’adjoint d’Henri Prost auprès de Lyautey, et avait à ce titre œuvré à Casablanca. Il était aussi l’architecte et maître d’œuvre du Palais de la Porte Dorée, construit pour l’exposition coloniale de 1931. Le palais de la Porte Dorée a incontestablement avec la Maison de la FOM un très fort air de famille (Photo 1).

6Le processus qui va aboutir à la création de la Maison de la FOM se poursuit. En novembre 1948 le ministre de la France d’Outre-mer, Paul Coste-Floret, décide après avoir obtenu l’assentiment de l’université de Paris et de la Fondation nationale de la Cité universitaire de la création d’un comité de propagande et d’un conseil d’administration de la future maison. Ces deux organismes sont chargés de collecter les fonds nécessaires auprès des territoires d’Outre-mer et de réaliser la construction. Un gouverneur de la France d’Outre-mer, Félix Martine, est détaché en tant que secrétaire général du comité de propagande et du conseil d’administration. Félix Martine, nommé secrétaire général du gouvernement de Madagascar sera remplacé en mars 1951 par le gouverneur Raoul Angammare qui est lui-même nommé quelques mois plus tard gouverneur de Nouvelle-Calédonie et à son tour remplacé par le conseiller de l’Union française André Bougenot (novembre 1951). C’est néanmoins Félix Martine qui accomplira l’essentiel de la tâche, puisque les premiers étudiants sont accueillis en octobre 1951.

7Il est intéressant à cet égard de s’attarder ici sur les membres du comité directeur du comité de propagande et du conseil d’administration. Il y a là en effet une véritable photographie de la France d’Outre-mer mâtinée d’Éducation nationale aux temps de la genèse d’un nouveau monde : celui de l’Union française. Le comité directeur du comité de propagande11 comprend en majorité des représentants du ministère de la France d’Outre-mer (Paul Coste-Floret, ministre ; Carcassonne, son directeur de cabinet ; Félix Martine, ancien gouverneur ; Robert Delavignette, gouverneur et directeur des Affaires politiques du ministère ; Georges Gaston, inspecteur général de l’enseignement et de la jeunesse au ministère de la FOM), des représentants du ministère de l’Éducation nationale (Yvon Delbos, ministre ; Jean Sarrailh, recteur de l’Académie de Paris) ainsi qu’Edwin Poilay, directeur général de la Banque d’Afrique occidentale, Louis Loriot, président de la section financière du Conseil d’État, et Marie-Hélène Lefaucheux, conseillère de l’Union française. Le Conseil d’administration de la maison comprend quant à lui, outre les Martine, Sarrailh, Carcassonne et Delavignette déjà cités, Louis-Paul Aujoulat (ancien sous-secrétaire et secrétaire d’État à la France d’Outre-mer), Marcel de Coppet (gouverneur général des colonies, qui fut gouverneur de Madagascar lors de l’insurrection de 1947), Pierre Donzelot (directeur général de l’Enseignement supérieur au ministère de l’Éducation nationale), André Postel Vinay (directeur de la Caisse centrale de coopération économique), enfin deux personnalités de la Cité universitaire, André Lirondelle (délégué général) et Raoul Dautry, ancien ministre de la Reconstruction et de l’urbanisme, qui a succédé à André Honnorat à la présidence de la Fondation nationale début 1948. Last but not least, le député Léopold Sedar Senghor – et ancien résident de la Cité – est le seul Africain dans cette pléiade d’administrateurs12. Il faut noter que cette cohabitation entre Éducation nationale et France d’Outre-mer est plus ou moins forcée : les deux ministères ne coexistaient pas toujours en paix surtout en des temps où il s’agissait de construire en Afrique des structures scolaires et universitaires obéissant aux normes de l’Éducation nationale, normes qui étaient parfois fort éloignées de celles de la France d’Outre-mer et de ses fonctionnaires improvisés enseignants13.

8Sous la houlette du gouverneur Martine, le comité de propagande réussit sans difficulté à rassembler les fonds nécessaires à la construction de la Maison de la France d’Outre-mer. Les dons des territoires au 1er novembre 1950 se répartissent de la manière suivante14 :

Provenance des dons

Montants (en francs)

Afrique occidentale française

150 000 000

Afrique équatoriale française

14 000 000

Cameroun

12 000 000

Madagascar

37 500 000

Océanie

1 937 000

Nouvelle-Calédonie

3 000 000

Saint-Pierre et Miquelon

800 000

Total

219 237 000

9Les fonds dégagés – que les donateurs soient privés ou institutionnels – permettent construction et aménagement de la Maison. Le 12 mars 1949 est signé un acte valant donation à l’université de Paris de l’immeuble, mobilier et matériel à venir, dont la gestion et le financement seront assurés par une fondation ayant pour intitulé « Université de Paris – Maison de la France d’Outre-mer15 ». La fondation a pour objet de « permettre aux divers États associés et territoires de la France d’Outre-mer d’associer leurs étudiants à l’œuvre de rapprochement moral entre les élites de la jeunesse de toute origine et de toute discipline que poursuit la Cité universitaire de Paris16 ». Ce faisant, la Maison garde son autonomie par rapport à la Fondation nationale de la Cité universitaire à laquelle elle n’est pas rattachée. Et le 22 juin 1949, Paul Coste-Floret scelle la pierre qui contient le tube de plomb contenant lui-même l’acte de donation.

10Une fois la maison construite, Martine s’occupe de son aménagement : mobilier mais aussi décorations avec œuvres d’art et tapisseries. On peut toujours venir contempler aujourd’hui les murs de la grande salle de réception recouverts par des tapisseries d’Aubusson, sur des cartons du peintre Roger Bezombes – dont les œuvres étaient pour la plupart marquées du sceau de l’exotisme – et qui « évoquent la vie et le passé des TOM » en une manière naïvement mythique. Furent également commandés deux bas-reliefs pour la façade, ainsi que deux statues de bronze grandeur nature et une statue de pierre. Trois fresques murales et deux tableaux complétèrent l’ensemble. La Maison disposait d’une bibliothèque17 et d’une cafétéria.

Tapisserie à la FOM.

Image

11En octobre 1951, la maison de la FOM peut ainsi accueillir ses premiers occupants. La sélection sur dossier correspond aux règlements généraux de la Cité universitaire, c’est-à-dire niveau second cycle, âge ne dépassant pas 30 ans et jusqu’à 35 ans sur dérogation. Le choix des postulants revient surtout au directeur, avec l’aval du Conseil d’administration. Une clause limitative est également incluse : « Pour pouvoir faire plus sûrement à chaque pays sa part et classer les demandes des candidats dans un ordre conforme à la valeur de leurs études, nul en dehors des jeunes gens admis à suivre les cours d’une grande école de Paris, ne pourra en principe être accueilli à la présente fondation sans avoir fait un stage dans une université régionale18 ». Cette clause ne sera cependant pas toujours respectée. La Maison comprend 249 lits, avec chambres individuelles ou à deux lits ainsi que trois studios pour jeunes ménages, ce qui n’est guère superflu quand on sait que l’âge au mariage en Afrique sub-saharienne était plus précoce qu’en France, et que d’autre part les étudiant·e·s africain·e·s étaient généralement plus âgé·e·s que leurs homologues français·e·s. Les places sont réparties en fonction des financements obtenus des territoires qui disposent ainsi de « lits fondés » au prorata des sommes investies, ce qui n’exclut pas que leurs ressortissants puissent être logés dans d’autres maisons de la Cité universitaire, la Cité s’engageant de toutes façons à loger autant d’étudiants de la France d’Outre-mer qu’il y a de places prévues à la Maison de la FOM, soit près de 24019.

Territoires

Nbre de lits

Afrique occidentale française

100

Afrique équatoriale française

15

Cameroun

27

Madagascar

57

Togo

5

Océanie

3

Haute-Volta

1

Nouvelle-Calédonie

3

Inde, Mauritanie, Soudan, Sénégal, Niger, Guinée, Moyen Congo, Gabon, Saint-Pierre-et-Miquelon

7

École nationale de la France d’outre-mer (ENFOM) et École nationale supérieure d’agriculture tropicale (ENSAT)

22

Total

240

12Reste à choisir le directeur de la Maison, ce qui donne lieu à un intéressant débat au Conseil d’administration, où l’on retrouve le clivage France d’Outre-mer / Éducation nationale évoqué plus haut. Le directeur devant être « nommé par le recteur du conseil de l’université sur la proposition du Conseil d’administration avec l’assentiment du Ministre de la France d’Outre-mer20 », le débat qui s’engage au printemps 1951 vise à décider si le directeur doit posséder plutôt une connaissance de l’Outre-mer ou plutôt être un universitaire. Senghor par exemple penche pour un universitaire. Il souligne « le fait que la tâche du futur directeur sera très délicate surtout sur le plan psychologique. Les étudiants sont jeunes, ils sont turbulents et la plupart viennent de l’Outre-mer et celle-ci traverse une crise de croissance ». Il considère que l’expérience coloniale peut aussi bien servir que desservir le futur directeur. Le recteur Sarrailh abonde naturellement en ce sens en expliquant : « J’ai l’impression que les étudiants de la France d’Outre-mer, quand ils ne sont pas sous la direction d’un universitaire ou d’un ancien universitaire, se figurent qu’ils ont toujours devant eux un fonctionnaire qui touche à la police21. »

13L’heureux élu est finalement Georges Gaston, agrégé d’espagnol, ancien proviseur de lycée, ancien directeur de l’instruction publique en Tunisie et inspecteur général de l’Enseignement et de la jeunesse au ministère de la France d’Outre-mer.

14La Maison est prête à fonctionner. De 1951 à la fin des années 1970, elle va connaître de multiples péripéties, liées aux contestations des résidents, à la fin de l’Empire français d’Afrique et aux indépendances africaines. Si l’année 1960 est celle des indépendances, elle ne va pas signifier cependant de changement immédiat et brusque dans nombre de domaines. À la Maison de l’Afrique, les lits fondés par les territoires vont désormais être ceux des États (Nouvelle-Calédonie, Polynésie et Saint-Pierre-et-Miquelon exceptés) et les résidents vont revendiquer en 1968 d’avoir un directeur africain, dont l’autorité sera tout autant contestée que celle de son prédécesseur français.

Contestations

15Les premières contestations interviennent très tôt après la création de la maison. L’année 1953 voit croître l’opposition au directeur autour de deux sujets22. Le premier est la contestation de la légitimité du comité de résidents, qui serait sous la tutelle du directeur Gaston ; le second motif d’opposition est l’exclusion d’un résident pour cause de visite féminine indue. Les deux « causes » vont bientôt être associées dans les revendications, et l’agitation s’amplifie à la Maison de la FOM d’autant plus qu’elle se greffe sur des manifestations déjà existantes au Pavillon de l’Arménie23. Une assemblée générale est improvisée lors d’une séance de ciné-club, le 13 mars 1953, manifestation qui conduit le directeur à expulser les meneurs : Charles Carrère, Bounaima Nourou, Papa Gallo Thiam, Babacar Niang. Le 23 mars, une nouvelle assemblée générale décide la cessation de toutes les activités de la maison, la grève des loyers et de la cafétéria24. Une manifestation de soutien aux résidents de la maison de la FOM réunit 400 à 500 étudiants à la Cité. Le Parti communiste soutient aussi l’action dans les colonnes de L’Humanité, d’autant plus que Papa Gallo Thiam est champion de France de saut en hauteur, et un tract des étudiants communistes s’offusque :

« Dès la fin de l’année dernière, des actes d’arbitraire ont été commis par Messieurs gaston et masson directeurs de la FOM et de l’Indochine – pavillons coloniaux – seuls coiffés de comités de surveillance comprenant des parlementaires, des personnalités de l’administration coloniale, des capitalistes d’Outre-mer, comités destinés à faire un choix politique parmi les résidents25. »

16Finalement, après tractations et interventions diverses, le directeur cède sur toute la ligne. C’est la réintégration des exclus – qui n’avaient d’ailleurs jamais quitté les lieux. Un nouveau comité de résidents est élu dont un bureau, justement composé par les contestataires puis la vie reprend son cours ordinaire. Ce premier mouvement est important car il annonce déjà des formes d’action et des revendications ultérieures. Les étudiants africains s’élèvent en effet contre l’arbitraire et contre un mode de gouvernance spécifique aux pavillons coloniaux. La question des visites féminines n’est pas a priori très politique, mais si l’on songe que c’est justement la question de la mixité des dortoirs universitaires qui va être au fondement du mouvement du 22 mars à Nanterre quinze ans plus tard, on peut considérer que cette question est tout sauf insignifiante : le privé n’est-il pas politique ? Quant aux modes d’action, grèves des loyers et boycott de la cafétéria, ils seront abondamment utilisés par la suite.

17Une nouvelle affaire advient, deux ans plus tard, qui met l’accent sur d’autres aspects de la vie des étudiants d’Outre-mer. Il s’agit, en décembre 1955, d’une question de restaurant à la Cité. Les résidents de la Maison de la FOM demandent que le restaurant du Parc Ouest de la Cité soit accessible aux étudiants d’Outre-mer26, que ceux-ci soient ou non résidants à la Cité et, en conséquence, refusent de présenter leur carte de résident à l’entrée du restaurant. Ce dernier est alors fermé par le recteur Marchaud, délégué général de la Fondation nationale. Une commission des revendications pour le restaurant se met en place qui comprend, outre les délégués de la Maison de la FOM, les représentants de l’Association des étudiants d’origine malgache (AEOM)27 et de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF)28. L’affaire s’envenime : un comité des autres pavillons de la Cité universitaire s’oppose à ce qui serait un privilège accordé à la France d’Outre-mer et le président de l’Association internationale des résidents de la Cité universitaire de Paris (AIRCUP), Jean Charlot, écrit à Senghor pour lui demander d’intervenir dans le sens d’un assouplissement des contrôles à l’entrée et ce pour, dit-il, ne pas envenimer une affaire qui pourrait susciter des réactions racistes face au « racisme » des étudiants d’Outre-mer29. On ne sait si Senghor intervint mais c’est tout-à-fait possible quand on connait le souci que le futur président du Sénégal avait de l’enseignement et éducation. En 1958, c’est le sénateur du Gabon Luc Durand-Réville, par ailleurs membre du Conseil d’administration de la Maison de la FOM, qui écrit au président de la Fondation nationale de la Cité universitaire, André François-Poncet, pour dénoncer la « discrimination anti-blanche » faite à l’entrée du restaurant30. Ce qui semblerait dire que les étudiants africains ont peu ou prou obtenu gain de cause.

18Au-delà de la Cité universitaire, le début des années 1950 voit les étudiants africains en France s’organiser et politiser très vite leurs revendications. Leur nombre connait un accroissement très rapide au cours des années 1950 qui ne fera que s’accélérer ensuite31, sans que la rupture des indépendances en soit une, au contraire. Solitude, dépaysement, problèmes spécifiques en matière de logement ou équipements divers les conduisent rapidement à s’organiser au sein de deux associations : l’Association des étudiants d’origine malgache (AEOM) pour les Malgaches, la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF) pour les autres Africains. L’une comme l’autre, d’abord très corporatistes dans leurs premières années d’existence se radicalisent et sont à l’avant-garde dans la revendication d’indépendance totale et sans condition. L’état-major de la FEANF, modéré dans les trois premières années, infléchit ses positions dans un sens marxiste et révolutionnaire. Beaucoup de ses membres sont liés au Parti communiste où appartiennent au « Groupe de langues ». Les résidents africains de la Cité sont rattachés à la section des provinces de France dont le siège est à la Maison du même nom. Les montées en revendication à la maison de la FOM correspondent en fait à une montée en revendications bien plus générale des étudiants africains, et à leur opposition à toute forme de réformisme, comme à toute forme de paternalisme colonial. Nous n’avons pas la liste des adhérents de la FEANF mais si l’on considère le seul comité exécutif, c’est-à-dire son organe directeur, on y trouve de nombreuses personnes ayant séjourné à la cité : Abdoul Bâ, Babacar Niang, Ousmane Camara, Amady Aly Dieng, Mamadou Barry, Louis Koffi Amega, Bassirou Barry, Assane Bâ, Habib Thiam, Cheikh Bâ, Magatte Thiam, Mamadou Sarr, Emmanuel Ngassa, El Caba Touré, Jean-Jacques Ekindi32, et quelques autres simples militants comme le futur président du Sénégal, Abdou Diouf. Le guinéen Charles Diané raconte dans son histoire de la FEANF comment il a mené en 1959, à la maison de la FOM, une grande grève des loyers qui a duré six mois33, et ce dans le but de protester contre une augmentation.

19D’une certaine façon la FEANF s’est toujours considérée comme chez elle à la Maison de la FOM, de même que dans l’autre haut lieu des étudiants africains à Paris : le 69 boulevard Poniatowski (« Ponia »), immeuble appartenant aux États d’Afrique de l’Ouest. Ces deux lieux sont les « maisons africaines » de Paris plus encore que les foyers des différents territoires dont le caractère national ne sied pas forcément à des jeunes gens et jeunes filles qui se veulent panafricains. L’ancien président de la FEANF, Ousmane Camara, a fait de la Maison de la FOM comme de « Ponia » une description fort pittoresque qui corrobore quelque peu les propos des directeurs quoique sans le ton indigné :

« La chambre 238 que je partage ensuite avec Amady Aly Dieng deviendra un véritable lieu de pèlerinage des anciens étudiants parce qu’elle a été non seulement un dortoir pour étudiants “clandestins” (parmi lesquels Papa Gallo Thiam34, champion de France de saut en hauteur de l’époque, élève en formation à l’école des Arts et métiers, qui aménage avec son chevalet et Birane Wane, que les évènements de mai 1958 ont transformé en “réfugié”) mais également dans la journée, un club où se côtoient dans un joyeux désordre, Henri Lopès, Abdou Diouf, Amady Aly Dieng, Raymond Charlier et son épouse Tatiana, Roland Depret, tous trois amis de Papa Gallo Thiam35. Quand, l’année suivante, en 1959, je bénéficie d’une chambre individuelle, c’est Abdou Diouf qui prend ma place dans la chambre 238 et perpétue “la tradition”.
Le pavillon de la FOM, la maison de l’AOF boulevard Poniatowski dans le 12e arrondissement et la résidence universitaire Jean Zay d’Antony forment le triangle de ce qui pourrait s’appeler “Little Sénégal”. Au côté des étudiants régulièrement attributaires de chambres, évolue une armée de clandestins aux occupations plus ou moins avouables. Au sous-sol de la FOM, un restaurant clandestin sénégalais sert un “tiébou dieune” et un “mafé” qui n’ont rien à envier à leurs homologues préparés au Sénégal36. »

20Charles Diané décrit pour sa part une forme de partition :

« De fait, la Cité internationale et le pavillon de la France d’Outre-mer du 47 boulevard Jourdan sont devenus pratiquement le point de chute de tous ceux qui, ayant achevé le premier cycle universitaire à Dakar sont automatiquement orientés sur la France. À l’opposé et de l’autre côté de la petite ceinture parisienne, la maison d’Afrique du boulevard Poniatowski à la porte Dorée est le domaine des durs du mouvement, de ceux qui sont de toutes les pétitions, de toutes les manifestations, de toutes les marches. C’est aussi le véritable fief du PAI37. Ici, le titre de gloire c’est l’expérience acquise dans les batailles du quartier latin ; là-bas, au boulevard Jourdan, on s’installe avec les auréoles acquises sur le terrain, en Afrique même38 ».

21Après 1960, et donc les indépendances, les incidents, manifestations et mouvements de tout genre continuent, et montent en intensité puisque l’on constate à plusieurs reprises des faits d’occupation et de séquestration du personnel. Les stratégies de lutte sont donc plus radicales, ce qui correspond à une évolution générale des mouvements sociaux dont l’occupation de locaux (usines, lycées, bureaux, etc.) devient dans les années 1960 une pratique récurrente pour culminer en 1968. En cela, les étudiants africains s’inscrivent donc dans le (dés)-ordre général. En 1962 par exemple, les résidents déclarent la guerre au nouveau directeur Jean Vialatte de Pémille, qui a pris ses fonctions en novembre 1961, et formulent toute une série de revendications jugées inacceptables, dont la cogestion. À la tête du mouvement, il y a des hommes de la FEANF, cités plus haut, Magatte Thiam, Mamadou Sarr, etc.39. Suite à l’intervention de la police, les résidents sont expulsés. C’est aussi à partir de ce mouvement de 1962 que la Maison fermera ses portes l’été.

22Grève de loyers, occupation des locaux, intervention de la police sont trois situations qui deviennent usuelles dans les années 1960 et 1970. Si les indépendances n’ont pas grand-chose à voir dans les modes d’action des étudiants, elles induisent néanmoins d’autres effets. Les ambassades prennent ainsi le parti des résidents contre la direction40, réclamant des comptes non sans contradictions puisque les États qu’ils représentent prennent alors eux-mêmes des mesures de rétorsion contre leurs propres étudiants en France, et ce d’autant plus quand ceux-ci occuperont, à partir de 1967, systématiquement leurs ambassades41. Les États africains considèrent incontestablement que c’est à eux qu’appartient la police d’une Maison où ils ont des « lits fondés », et non à la direction liée à l’administration française. La solidarité nationale fonctionne alors qu’elle ne joue plus quand il s’agit d’enlever sa bourse à un étudiant trop contestataire. Dans le cas de la Cité, les ambassades prennent donc plutôt le parti de leurs étudiants qui, par ailleurs, ne se privent pas de les solliciter42, alors même qu’ils contestent aux pouvoirs en place en Afrique toute légitimité.

23En mai 68, le pavillon est le premier occupé dans la Cité. Cette occupation est précédée par quelques incidents. Le 16 mai une affiche appelant à une Assemblée générale est arrachée par la direction du pavillon. Il en résulte un échange très vif entre le secrétaire du Comité des résidents et l’économe de la Maison qui aurait tenu alors les propos suivants : « Vous n’avez pas le droit de discuter. Vos rapports avec la direction sont des rapports de locataires à propriétaires, ce qui veut dire des rapports de type commercial, sauf qu’il n’y a pas de bénéfices ». Un peu plus tard l’économe aurait confirmé ces propos en ajoutant : « de toutes façons, je suis chez moi ici en France, en bon français cela veut dire ce que cela veut dire43 ». Si les propos en question ont bien été tenus, ils sont, outre racistes, parfaitement absurdes puisque ce sont alors les États africains qui louent les lits de la maison et il n’y a aucunement le rapport commercial mentionné par l’économe et si rapport commercial il y a c’est entre les États et leurs étudiants. Toujours est-il que ces propos ne restèrent pas sans réponse. Les étudiants réunis en assemblée générale le jour même établissent toute une liste de revendications. Outre la demande du départ de l’économe, et quelques autres revendications circonstancielles portant sur le quotidien de la Maison, la plus importante est sans doute celle ayant trait à la co-gestion, qui avait d’ailleurs déjà été formulée lors de précédentes manifestations. L’Assemblée générale décide dans la foulée l’occupation.

24On ne sait quand elle prendra fin exactement, ni selon quelles modalités précises elle se déroula, c’est-à-dire qui y participa vraiment activement et quelles furent alors les activités organisées. Toujours est-il que les résidents obtiennent une participation à la gestion de la Maison, une nouvelle dénomination – Maison de l’Afrique – et la nomination d’un directeur africain, le dahoméen Damien Agboton qui sera à son tour pris à partie quelques mois plus tard. Leur satisfaction va pourtant être de courte durée. Le tract suivant en fait foi.

« À bas l’administration néocoloniale de la Maison d’Afrique »

25Le 16 mai 1968, les résidents et étudiants africains aidés de leurs camarades de la Cité jettent bas le directeur colonialiste et sa clique et exigent pour la Maison un statut nouveau correspondant à la réalité des indépendances. Entre autres, les étudiants et les résidents africains demandent alors un « statut » pour permettre une plus grande participation des étudiants à la gestion de leur Maison ; une représentativité plus réelle de ceux qui financent la gestion de la Maison, exigeant notamment une présence paritaire à tous les niveaux, jusqu’au conseil d’administration. Après des longues négociations avec l’administration, compte tenu de la structure encore néocoloniale des États africains, les étudiants n’obtiennent finalement que le changement de nom de la Maison qui devient « Maison d’Afrique » : « La présence d’un directeur africain, la cogestion est absolument bidon ; en effet dans la cogestion que nous proposait l’administration, le directeur ne pouvait jamais être mis en minorité car en cas de conflit avec le directeur et les autres c’est le conseil d’administration qui tranche lequel renferme : 6 résidants sur 27 membres et en plus en cas de partage des voix, le directeur président du comité de gestion tranche en dernier ressort. C’était en fait dans le domaine de la gestion de la Maison un simulacre de changement de pot sans changement de contenu. C’est pourquoi le CA conscient de sa mission et après décision d’une assemblée générale des résidents décida de ne pas cogérer. Le nouveau directeur d’origine africaine n’était autre qu’un produit de l’administration coloniale et de la réaction française, d’esprit et de pratique réactionnaires car caractérisé par une incapacité et une ignorance évidentes dans la gestion de la Maison44 ».

26Maurice Valigny, qui dirigera plus tard la maison à partir de 1972, décrit ainsi la situation :

« Réputée ingouvernable, anarchique et sale, c’est là qu’un des derniers directeurs français, Monsieur de Pémille, ne dut son salut, en mai 68, qu’à la prudente retraite qu’il opéra. Les autorités françaises crurent alors agir avec sagesse en donnant à ces jeunes noirs échauffés et insurgés un directeur noir, le Docteur Agboton, Dahoméen. Après l’euphorie de son intronisation, des jours plus difficiles survinrent qui, après pugilats, rixes, coups et blessures, s’achevèrent par l’éviction du directeur par voie d’autorité rectorale45. »

27Incompétence et ignorance on ne sait, mais le dahoméen Damien Agboton eut en effet bien du mal à gérer une maison en guerre permanente contre lui. Les problèmes qu’il dût affronter de 1968 à 1972, sont de divers ordres : difficulté à obtenir des États africains le versement des sommes dues ; difficultés pour obtenir des résidents le paiement des redevances ; opposition permanente des résidents qui critiquent son autoritarisme et sa mauvaise gestion ; choix d’un agent comptable inapproprié auquel il réclame des explications (malversations ou négligences, on l’ignore46). L’agent comptable en question avait d’ailleurs, semble-t-il, été choisi par Damien Agboton sans suivre les règles de la Cité, c’est-à-dire la validation par le Conseil d’administration47. Il est probable que l’année 1968 permettait bien des irrégularités.

28Un an après Mai 68, le 10 octobre 1969, les résidents rédigent encore une motion dans laquelle ils dénoncent l’administration « népotique et régionaliste48 » d’Agboton et l’état matériel désastreux de la Maison. Ils rappellent leurs revendications non satisfaites de 1968 et annoncent en conséquence leur volonté d’occuper les locaux administratifs. Quelques jours plus tard, Damien Agboton fait part à Pierre Marthelot, délégué général de la Cité universitaire, de l’hostilité à laquelle il se heurte, de même que des actions coup de poing menées par les résidents : un « commando d’individus » s’est apparemment emparé des dossiers d’admission dans son bureau le 22 octobre et les membres du commando ont menacé le soir de briser les vitres de son appartement49. Ce n’est du reste pas les seules menaces qu’il reçoit. On peut citer une lettre, plutôt anecdotique par ailleurs, qui lui est adressée le 14 février 1970 :

« Monsieur le Directeur, Vous avez juré de me perdre. Mais moi aussi, vous me le permettez, je vous jure de vous perdre. “Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années” (Corneille). Je vous honore de tout ce que vous organisez mais permettez-moi de vous dire tout haut que ce n’est pas là le vrai chemin. Toujours contre vous. Shachac Oyabisi50. »

Maison de l’Afrique occupée. s.d. AN20090014/239.

Image

La reprise en main par la direction de la Cité

29Les courriers adressés par Marthelot à Agboton sont généralement peu amènes, et peu susceptibles de donner confiance à ce dernier sur la suite des événements. La situation va s’envenimer jusqu’en 1972, année où la Cité, en la personne de son délégué général, prend les choses en main. En avril 1972, Agboton est licencié, ce qui ne l’empêchera pas de continuer à prendre certaines mesures pour « mettre à l’abri » l’argent des États africains. Après avoir écrit aux mauvais payeurs des lettres de réclamation demandant urgemment les sommes dues51, étant données les menaces qui pèsent sur la Maison (c’est-à-dire la perte de son autonomie et son rattachement à la Fondation nationale), Agboton envoie le 14 avril 1972 une missive à toutes les ambassades des pays détenteurs de lits en leur disant qu’il a ouvert un compte en son nom propre pour mettre à l’abri l’argent des États : c’est donc sur ce compte que ceux-ci doivent verser leur dû52. Certains le feront effectivement, telle la Côte d’Ivoire53. Agboton a parfaitement compris ce qui se passe : la très mauvaise tenue de la maison de la FOM, alors en situation de grave déficit et dans un état matériel catastrophique (aux dires mêmes des étudiants), constitue une opportunité pour la Fondation nationale de la Cité universitaire, qui a engagé une réforme générale visant à reprendre en main de nombreuses maisons dans les années post-1968 en vue de leur dépolitisation et de leur francisation à travers le remplacement des directeurs étrangers par des Français. En 1973, certains directeurs dénoncent d’ailleurs dans une lettre ouverte la réforme de la Cité universitaire et le véritable « pogrom » qui sévit contre les étrangers54. Le contexte politique y est d’autant plus favorable qu’une nouvelle politique française de coopération est en cours avec les pays africains, destinée à se substituer aux modes de relation interétatiques institués par la Communauté franco-africaine (laquelle avait remplacé en 1958 l’Union française55), tandis que se profile une fermeture des frontières pour des ressortissants africains qui avaient jusqu’alors pu circuler librement d’un espace à un autre sans autre formalité que la possession d’une carte d’identité56. C’est chose faite au milieu des années 1970, quand sont renégociés les accords de coopération et conventions d’établissement conclus entre la France et ses anciennes colonies sub-sahariennes.

30C’est dans cet esprit que la Maison de la FOM, devenue plus ou moins officiellement après 1968 Maison de l’Afrique, va être reprise en main par le délégué général de la Cité universitaire, Pierre Marthelot. Agboton est mis à la porte, les résidents-occupants de la Maison sont expulsés par les CRS le 7 août 1972, et la maison est fermée jusqu’à une date indéterminée. Un administrateur judiciaire est nommé, avec pour charge de liquider le passif de la Maison, non sans mal également car Agboton n’aurait donc pas eu une gestion rigoureuse et n’aurait pu rendre l’ensemble des documents y afférant57. Un chargé de mission, qui occupera ensuite la fonction de directeur de la Maison, est nommé pour remettre les lieux en état : il s’agit du gaulliste de gauche et directeur de l’Association culturelle et sportive des étudiants malgaches et africains (ACSEMA)58 Maurice Valigny. Les statuts sont révisés et un avenant ajouté à l’acte de donation.

31Voici comment Maurice Valigny décrit les lieux tels qu’il les a trouvés à sa prise de fonction :

« Un ghetto sale et malodorant, envahi par une vermine largement différenciée, des installations modernes… en 1951, déjà marquées à l’époque par une conception de prestige plus que de confort, prématurément vieillies par l’absence de tout entretien. Des sanitaires rares et en un état incroyable, des locaux sombres, crasseux et affectés contre tout bon sens, des lacunes étonnantes. À titre d’exemple, dans ce bâtiment aux énormes blocs de pierre appareillés avec recherche, aux parquets luxueux, le personnel n’a pas le moindre WC à sa disposition… Les douches des filles n’ont pas de porte, les matelas sont en partie crevés, les lavabos sont descellés, les installations électriques riches en court-circuit. Croyez-bien que j’en passe. Ajoutez à cela, après l’éviction d’août, l’existence courte mais très dévastatrice d’une micro-société anarchique, plus ou moins influencée par un curieux comité dit «d’action», auquel le dernier représentant de l’autorité légale a remis ses clefs59. »

32Dans une lettre à Pierre Marthelot, Valigny évoque également :

« La visite des chambres donne de l’état d’esprit des locataires une idée bien précise. Il s’agissait de l’occupation d’une sorte de forteresse que l’on organisait au mieux pour y durer et pour y résister. Aux murs, des slogans, des cartes, des tracts, des sortes de dioramas souvent malhabiles et curieusement primaires. De la FEANF, la jarre aux cent trous60, bouchés par des mains associées avec, accolé comme instrument de progrès et de civilisation, un magnifique pistolet-mitrailleur61… »

33La remise en état, grâce notamment à des crédits du ministère de l’Éducation nationale, va durer jusqu’au 4 octobre 1973, date à laquelle la maison peut de nouveau accepter ses premiers résidents, triés sur le volet. Entre temps, des contacts ont été pris avec les ambassades des pays détenteurs de lits fondés62. Le fait notoire introduit dans un avenant à l’acte de donation63 est la création d’un comité consultatif où sont désormais cantonnés les représentants des ambassades. On n’a d’ailleurs trouvé aucune trace de réunion de ce comité après septembre 1975, ce qui laisse à penser qu’il est tombé en sommeil et que la réforme a porté les fruits auxquels aspiraient les administrateurs de la Cité, c’est-à-dire la mise à l’écart des États, et la fin de leur pouvoir sur la maison. Ce n’est pas un fait isolé. L’évolution a été la même au sein de l’OEOM devenu OCAU où les représentants des nouveaux pays ont été exclus du Conseil d’administration et donc de la gestion des dossiers de leurs étudiants64.

34Symbole de cette reprise en main, la maison est renommée, sur proposition de Pierre Marthelot, et devient « Résidence Lucien Paye », du nom de l’ancien ministre de l’Éducation nationale et diplomate en poste au Maghreb et au Sénégal. Pierre Marthelot lui-même a eu une carrière universitaire tunisienne et ne peut qu’avoir croisé Lucien Paye. Il s’agit aussi d’éviter « les noms pouvant faire illusion sur l’aspect purement national des Maisons qu’elles n’ont pas statutairement (Maison de l’Afrique)65 ». Noms et statuts sont désormais à l’unisson.

35Plus important peut-être encore est le rôle dévolu désormais au Fonds d’aide à la coopération (FAC)66. En échange de ses subventions, le FAC va avoir désormais des lits réservés pour ses propres boursiers, c’est-à-dire les boursiers du gouvernement français, au détriment des boursiers des États africains, alors même qu’on assiste à une croissance exponentielle des bourses délivrées par les États et à une diminution non moins exponentielle des bourses FAC67.

36Au 30 janvier 1974, la situation est dès lors la suivante à la Maison de l’Afrique : sur 230 résidents, 22 ne sont pas de nationalités africaines et l’on compte en tout 34 nationalités dont 101 boursiers FAC (83 garçons, 8 filles, 5 couples) et 113 boursiers nationaux (97 garçons, 8 filles, 4 couples). S’ajoutent à eux huit étudiants admis sur contingent français et huit étudiants admis hors contingent68.

37À partir de ces chiffres, deux constats s’imposent. D’une part, il faut garder à l’esprit qu’ils sont très faibles : en 1967/1968, les étudiants originaires d’Afrique sub-saharienne ne représentaient que 3,65 % de l’ensemble des étudiants logés à la Cité. En 1973/1974, ils en représentent 5,68 % et 6,40 % en 1977/1978. Dans ces chiffres sont compris les étudiants originaires d’Afrique anglophone ou lusophone qui n’ont pas droit de cité à la Maison d’Afrique, mais dont le nombre augmente également69. De plus, la part des filles est plus faible que sur l’ensemble de la Cité. Cela s’explique par le retard considérable pris dans l’éducation des filles durant la période coloniale, retard que les nouveaux États s’efforcent de combler. Ce sont donc là des caractéristiques de la population de la FOM : très minoritaire et très masculine. Aucun chiffre suffisamment global ne nous permet d’établir des spécificités disciplinaires, en admettant qu’il y en ait70.

38En outre, la part des boursiers FAC ne va faire que croître au détriment de celle des boursiers nationaux. Dès juin 1974, le ministère de la Coopération, suite à de nouveaux incidents dans la Maison, étudie le projet de n’y loger que des boursiers FAC71. À la rentrée 1974-1975, le FAC bénéficie déjà de 170 lits et les demandes des ambassades ne peuvent être satisfaites, bien que les mauvais payeurs aient été relancés et les comptes épurés. On fait d’ailleurs savoir aux ambassades qu’il y a possibilité de loger leurs boursiers dans d’autres maisons en passant des conventions72. C’est maintenant une commission qui décide des admissions et il sera désormais nécessaire de fournir un certificat de pré-inscription dans un établissement supérieur pour postuler à la Cité73. La volonté de brassage est fortement affirmée même si la réalité n’est pas à la hauteur des espérances des administrateurs. En 1977 encore, le pavillon de la Tunisie et la Résidence Lucien Paye sont derniers en matière de brassage avec un taux de 17 %. On a d’ailleurs pris prétexte de la nécessité du brassage pour augmenter les redevances, et les mettre ainsi au même tarif que dans les autres maisons. On justifie également l’augmentation par la volonté de ne plus donner une « allure d’assistés » aux résidents africains74. En 1973, les redevances passent pour les chambres individuelles de 190 à 250 francs et pour les chambres doubles de 160 à 195 francs par lit. Il est également décidé de prélever les loyers impayés directement sur les bourses des étudiants, ce que leur gestion par l’OCAU rend aisé.

39Malgré ces transformations, la direction de Valigny ne va pas être de tout repos. Une intendante se rend ainsi, semble-t-il, coupable de complicité avec les résidents et de gestion défectueuse qui nécessite son remplacement75, mais, que ce soit ou non du fait de l’intendante, le mal est fait et la maison est de nouveau fragilisée sur le plan budgétaire.

40L’agitation n’a pas cessé non plus avec la reprise en main de la maison. Dès mai 1974, un conflit oppose la direction aux résidents qui occupent les lieux et séquestrent le personnel pour se faire entendre76. Un commissaire de police, le délégué général et le secrétaire général administratif de la Cité internationale, venus parlementer, sont séquestrés à leur tour. Les protestataires réclament la réintégration d’un étudiant sénégalais expulsé et le droit de participer au Conseil d’administration. C’est l’intervention des CRS qui permettra de libérer les « prisonniers » et de déloger les occupants, dont certains seront mis – brièvement – en garde-à-vue77. L’ancien sénateur du Gabon Durand-Réville, membre du Conseil d’administration de la Résidence Lucien Paye et par ailleurs Président du Conseil économique et social essentialise l’attitude des résidents. Certes, il faut que jeunesse se passe, mais il y a, selon lui, un « problème spécifique à la maison et qui dérive de la nature africaine : les étudiants africains ont une très sûre intuition, en cas de conflit, de la partie la plus forte. Plus que n’importe qui, ils sont sensibles à l’autorité. S’ils sentent que la partie qui est en face d’eux est disposée à céder aucun résultat positif n’est à espérer78 ». L’agitation endémique qui perdure tout au long de l’année 1974 est mise sur le compte de l’influence d’un perturbateur français membre de l’AJS. Valigny fait le récit fort désabusé de ses déceptions avec la Maison d’Afrique et ajoute :

« Je sentais un chef d’orchestre omniprésent. Je l’ai rapidement repéré. Dans cet univers africain, c’était un blanc, affilié à un groupe trotskyste. Il était habile, efficace, sous des dehors falots… Il est arrivé à la Résidence les mains vides, escorté de quatre Africains athlétiques portant ses bagages. J’ai vraiment vu cette scène incroyable. Par la suite, j’ai souvent pensé en le regardant avec ses gens d’escorte, à ce personnage germanique, Hans le joueur de flûte. Car c’était bien noyer qu’il les menait. J’ai d’ailleurs souvent été ulcéré à ces atteintes de fait à la dignité africaine. Et c’était moi le colonialiste79 ! »

41Durand-Reville, Valigny… Ce ne sont là que quelques citations qui témoignent d’un fait plus général : les commentaires sur les évènements à la Maison de la FOM-Résidence Lucien Paye, renvoient souvent à un mode d’explication lié à une psychologie africaine spécifique – enfantine si l’on en croit l’allégorie du joueur de flûte – et, bien sûr, forgé au moule des préjugés les mieux partagés80. La maison est réputée ingouvernable alors même que l’agitation qui y règne est bien plutôt le fait général d’années ultra-politisées. En 1976, une grande crise dite « l’affaire des dessus-de-lit81 » secoue encore une fois la maison. Le directeur a retenu sur les cautions des sommes correspondant d’après lui à des dégâts faits sur les couvre-lits. Cela suscite une levée de boucliers, les résidents déclarant que les couvre-lits sont inflammables et donc dangereux. La Maison est de nouveau occupée. Le personnel de la maison se met alors en grève pour protester contre « injures, voies de fait, séquestration dont a été victime une partie du personnel, etc. ». Les résidents répliquent que c’est le directeur lui-même qui a forcé le personnel à la grève. Le personnel publie alors une mise au point accusant les seuls résidents.

42Ce qui est cependant nouveau en 1976, ce sont les mesures de rétorsion, qui s’inscrivent d’ailleurs dans le paysage général des politiques d’immigration. Des bourses FAC sont supprimées et surtout quatre résidents sont expulsés de France. Il y avait déjà eu des expulsions d’étudiants, que ce soit du fait du gouvernement français pour trouble à l’ordre public ou autres motifs du même genre, ou que ce soit à la demande des gouvernements africains. Ces expulsions avaient d’ailleurs rendu prudents les étudiants africains qui s’interdisaient de manifester sur la voie publique et réservaient leurs mouvements à leurs espaces, aux territoires qu’ils ressentaient comme leur appartenant : ambassades et… Maison d’Afrique. Mais pour la première fois, en 1976, les expulsions touchent des résidents de Lucien Paye, en raison de leur action au sein d’une Maison qui n’est plus tout-à-fait Maison d’Afrique. C’est là une des multiples manifestations d’une politique restrictive et répressive à l’égard de l’immigration, que celle-ci soit étudiante ou travailleuse. Les tracts qui défendent les étudiants prennent d’ailleurs alors de façon plus générale la défense des immigrés. Les ressortissants de l’ex-France d’Outre-mer, après avoir été citoyens puis étrangers sont devenus des immigrés.

La Maison de la FOM dans les années 1970.

Image

43On arrêtera là cette petite histoire de la FOM car avec la seconde moitié des années 1970, une nouvelle ère s’ouvre, dont les fondamentaux sont toujours en place : une ère aux timides politiques de coopération, une ère très restrictive en matière de visa, une ère où la très grande France a cédé la place à un frileux repli sur l’hexagone. Ce qui avait présidé à la construction du pavillon de la FOM, qui était affirmation de grandeur et volonté de transformation d’un Empire en une entité supra-nationale est bien mort. L’Empire a vécu certes, mais les liens créés alors aussi. Il n’y a plus de politique préférentielle à l’égard des anciens territoires africains de la France alors même qu’il reste toujours des rapports plus ou moins affairistes et inégaux. Les années 1960 ont été comme une sorte de no man’s land entre politique impériale et politique de coopération. Quant aux étudiants passés par la Maison de la FOM-Résidence Lucien Paye, beaucoup d’entre eux ont eu un destin national. Ils ont parfois su exploiter au mieux leur double culture, celle de leur pays et celle acquise en France au temps des partis uniques et des régimes autoritaires en Afrique, et au sein d’une maison qu’ils considéraient somme toute comme la leur, cristallisant dans leur opposition aux dynamiques coloniales et aux différents directeurs du pavillon leurs affects politiques. Ils menaient leur combat, au temps des partis uniques et régimes autoritaires en Afrique, dans un pays dont ils avaient acquis la culture et la langue dans une école implantée par la colonisation, et dans un lieu qu’ils considéraient somme toute comme leur.

44La Maison de la FOM n’a sans doute pas été plus agitée qu’une autre, bien que des propos plus ou moins racistes émanant de l’administration aient parfois fait des étudiants africains un cas à part. Les conflits du monde se jouaient aussi à la Cité universitaire, car ces étudiants étrangers en diaspora vivaient et vivent encore une double temporalité : celle de la France d’une part, et dans le cas qui nous occupe ce fut celle des années 1968, et celle de leurs pays d’autre part. Et aux espoirs succédèrent assez vite les désillusions.

Notes de bas de page

1 Paul Coste-Floret, Ministre de la France d’Outre-mer, Pose de la première pierre du pavillon de la France d’Outre-mer, AN 20090014/221.

2 Tronchet Guillaume, « Diplomatie universitaire ou diplomatie culturelle ? La Cité internationale universitaire de Paris entre deux rives », in Kévonian Dzovinar et Tronchet Guillaume (dir.), La Babel étudiante. La Cité internationale universitaire de Paris (1920-1950), Rennes, PUR, 2013, p. 59-88 ; Tronchet Guillaume, Savoirs en diplomatie. Une histoire sociale et transnationale de la politique universitaire internationale de la France (années 1880-années 1930), thèse d’histoire contemporaine, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2014.

3 Archives nationales, Archives de la Cité universitaire, Résidence Lucien Paye (AN 20090014/221-239).

4 Le ministère de la France d’Outre-mer avait remplacé en 1946 le ministère des Colonies. Marius Moutet fut le premier ministre de l’Outre-mer.

5 L’Union française était créée par la Constitution de septembre 1946 en ces termes : « La France forme avec les peuples d’outre-mer une Union fondée sur l’égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni de religion. L’Union française est composée de nations et de peuples qui mettent en commun ou coordonnent leurs ressources et leurs efforts pour développer leurs civilisations respectives, accroître leur bien-être et assurer leur sécurité. Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s’administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires, écartant tout système de colonisation fondé sur l’arbitraire, elle garantit à tous l’égal accès aux fonctions publiques et l’exercice individuel ou collectif des droits et libertés proclamés ou confirmés ci-dessus. »

6 Loi Lamine Gueye du 7 mai 1946. Quant au contenu donné à cette nouvelle citoyenneté voir : Cooper Frederick, Français et Africains ? Être citoyen au temps de la décolonisation, éd. française Paris, Payot, 2014.

7 La création de la première université de l’empire français d’Afrique est celle de Dakar en 1957.

8 Sur l’OEOM-OCAU, voir Guimont Fabienne, Les Étudiants africains en France (1955-1965), Paris, L’Harmattan, 1998.

9 « Convention portant donation à l’université de Paris et création de la Maison de la France d’Outre-mer. Acte notarié d’acceptation de la donation par l’université de Paris », janvier 1949 (AN 20090014/221).

10 Lettre du gouverneur des colonies Félix Martine à Monsieur le Ministre de la France d’Outre-mer, Paris, 5 mars 1949 (AN 20090014/221).

11 « Comité de propagande pour la création de la Maison de la France d’Outre-mer » (AN 20090014/221).

12 Liste des membres du Conseil d’administration (ibid.).

13 Le récit que fait le recteur Capelle, chargé de réorganiser l’enseignement dans les colonies d’Afrique sub-saharienne est à cet égard édifiant. Ses déboires avec les institutions de la France d’Outre-mer et un ministère qui accumule les obstacles sur sa route, peu ou prou celle d’une plus grande égalité, le contraignent alors à démissionner, même s’il y reviendra néanmoins quelques années plus tard (Voir Capelle Jean, L’Éducation en Afrique noire à la veille des indépendances, Paris, Karthala, 1990).

14 Lettre du gouverneur Martine aux membres du Conseil d’administration de la FOM, Paris, 1er décembre 1950 (AN 20090014/221). Les territoires se sont d’autre part engagés, à la même date, à verser des sommes complémentaires : AEF (23 500 000 fr.) ; Nouvelle-Calédonie (3 000 000 fr.) ; Océanie (1 063 000 fr.) ; Saint-Pierre et Miquelon (700 000 fr.).

15 « Convention portant donation à l’université de Paris et création de la Maison de la France d’Outre-mer », janvier 1949 (AN 20090014/221).

16 Ibid.

17 Nous n’avons malheureusement pas retrouvé la liste des livres commandés.

18 Statuts (AN 20090014/223).

19 Note, (AN 20090014/222).

20 Statuts (AN 20090014/223).

21 Conseil d’administration du 10 avril 1951 (AN 20090014/227/1).

22 AN 20090014/239.

23 Id.

24 Note sur la manifestation du 23 mars (ibid.).

25 AN 20090014/239.

26 Communiqué aux résidents du Parc Ouest sous forme de lettre ouverte à l’AIRCUP (AN 20090014/239).

27 Sur l’AEOM jusqu’en 1960 voir Rajaonah Faranirina, « Être étudiant en métropole à l’avènement de l’indépendance : l’association des étudiants d’origine malgache de 1947 à 1960 », Afrika Zamani, no 13 et 14, 2005-2006, p. 1-22.

28 Sur la FEANF, il existe plusieurs histoires écrites par d’anciens membres et/ou présidents de l’association : Diané Charles, La FEANF et les grandes heures du mouvement syndical étudiant noir, Paris, Chaka, 1971 ; Dieng Amady Aly, Les premiers pas de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France. De l’union française à Bandung (1950-1955), Paris, L’Harmattan, 2003 ; Dieng Amady Aly, Les Grands combats de la FEANF. De Bandung aux indépendances, Paris, L’Harmattan, 2009 ; Traoré Sékou, La Fédération des étudiants d’Afrique noire en France, Paris, L’Harmattan, 1985. On peut aussi consulter Blum Françoise, « L’indépendance sera révolutionnaire ou ne sera pas : étudiants africains en France contre l’ordre colonial », Cahiers d’histoire : revue d’histoire critique, no 126, janvier-mars 2015, p. 119-138 ; sur la FEANF après 1960, voir Blum Françoise, « Ce que les indépendances firent à la feanf : des étudiants en diaspora face à leurs États », in Blum Françoise, Guidi Pierre et Rillon Ophélie (dir.), Étudiants africains en mouvements : contribution à une histoire des années 68, Paris, Publications de la Sorbonne, 2016.

29 Lettre du 28 novembre 1955 (AN 20090014/239).

30 Lettre de Durand-Réville au ministre de l’Éducation nationale, 4 janvier 1958 (AN 20090014/239).

31 En 1949, il y aurait 500 étudiants et élèves africains boursiers et environ 500 non-boursiers selon le rapport de l’administrateur Monod. En 1950, le chiffre donné dans le rapport Monod a déjà doublé puisque élèves et étudiants sont alors un peu plus de 2 000. Ils sont 4 000 (dont 1 320 boursiers) en 1952-1953, 6 000 en 1958 (dont 2 634 boursiers), 8 000 en 1960 (17 % de filles, 13 % d’étudiants mariés, 44 % de boursiers).

32 Sur les trajectoires de ces étudiants voir : Blum Françoise, Trajectoires militantes et (re)conversions : à propos de la FEANF : que sont-ils/elles devenues ?, mémoire d’habilitation à diriger des recherches, École des hautes études en sciences sociales, 2016. La plupart eurent des trajectoires ultérieures d’excellence qui les menèrent aux plus hautes fonctions politiques et/ou administratives.

33 Diané Charles, La FEANF, op. cit., p. 158-159. Diané ne précise pas la date mais cette grève se situe après la création du pai (Parti africain de l’Indépendance) et avant les indépendances. Il est probable que ce soit en 1959.

34 Papa Gallo Thiam, on l’a vu, a été résident mais si l’on en croit Ousmane Camara il serait plus ou moins resté à la Cité en clandestin.

35 Et membres du PCF.

36 Camara Ousmane, Mémoires d’un juge africain : itinéraire d’un homme libre, Paris, Karthala, p. 43-44.

37 Le Parti africain de l’indépendance (PAI) est un parti marxiste, fondé à Thiès (Sénégal) en 1957 par l’étudiant Majhemout Diop. L’état-major de la FEANF est majoritairement pai.

38 Diané Charles, op. cit., p. 156.

39 Incidents d’août 1962 (AN 20090014/239).

40 Par exemple : Lettre de l’ambassadeur de Madagascar au directeur « persuadé que de tels incidents auraient pu être évités » (17 août 1962) ou Lettre de l’ambassadeur du Sénégal qui demande la réintégration d’un étudiant expulsé (8 mai 1974). À la suite de cette lettre, Maurice Valigny en appellera à Léopold Sédar Senghor contre l’ambassade, lettre du 24 mai 1974 (AN 20090014/239).

41 Voir à ce sujet : Blum Françoise, « Ce que les indépendances firent à la FEANF », art. cité.

42 Par exemple : Lettre du Comité des résidents de la FOM, 4 août 1962 (AN 20090014/239).

43 Fonds Mai 68 du Centre d’histoire sociale des mondes contemporains – CC1801_P1CHS_2-Mai-68-11_0008.

44 AN 20090014/239.

45 À propos d’un essai de reconstruction (AN 20090014/229).

46 Affaire Amégan, 1969-1971 (AN 20090014).

47 Lettre de Marthelot à Agboton, 19 mars 1971 (ibid.).

48 Motion des résidents de la Maison d’Afrique, 10 novembre 1969 (AN 20090014/239).

49 Lettre d’Agboton à Pierre Marthelot, 23 octobre 1969 (AN 200090014).

50 AN 20090014/239.

51 Lettres datées du 29 mars 1972 (AN 20090014/227/1).

52 Ibid.

53 Ibid.

54 Lettre de démission de deux représentants des directeurs [Rogado Dias et Arpiarian] suite à la réforme sans avertissement et discussion des statuts, Paris, le 15 octobre 1973 (AN 20090014/227/2 et AN 20090014/239).

55 Le « oui » au referendum de septembre 1958 signifiait pour les territoires africains l’adhésion à la Communauté. Le « non » signifiait l’indépendance immédiate. Seule la Guinée vota « non ». Mais la Communauté n’exista jamais vraiment. Elle resta en place via les accords de coopération et diverses conventions signées entre les États africains et la France.

56 Il y avait aussi liberté d’établissement et de travail du fait des conventions signées. Elles ne l’avaient pas été par tous les partenaires africains de la France mais le gouvernement français, et en particulier le secrétariat aux Affaires africaines de l’Élysée ne souhaitait pas faire de distinction entre les différents pays. Cette liberté de circulation et d’établissement était évidemment réciproque, sauvegardant ainsi les intérêts français en Afrique.

57 À Monsieur le Président du Tribunal de Grande instance de Paris, l’administrateur judiciaire près le tribunal de grande instance de Paris, Henri Gondre.

58 L’ACSEMA était une des associations mises en place pour la bonne intégration des étudiants africains mais aussi pour concurrencer l’influence de la FEANF.

59 Maurice Valigny, Conseil d’administration du 20 mars 1973 (AN 20090014/227/1).

60 La jarre aux cent trous, emblème du roi Ghezo du Dahomey était devenu l’emblème de la FEANF. L’accompagnait la maxime suivante : « Si tous les fils du royaume venaient par leurs mains rassemblées boucher les trous de la jarre percée, le royaume serait sauvé ».

61 Lettre du chargé de mission Valigny à Pierre Marthelot, 4 septembre 1972 (AN 20090014/223).

62 Conseil d’Administration du 21 juin 1973 (AN 20090014/227/1).

63 Projet d’avenant à l’acte de donation à l’université de Paris par la Maison de la France d’Outre-mer devenue Maison d’Afrique : « Est en outre constitué un comité de consultation et d’orientation comprenant, outre les membres du Conseil d’administration, les représentants des États ou Territoires fondateurs de lits à la Maison d’Afrique. Le comité consultatif et d’orientation est tenu informé de la marche de la maison et est habilité à présenter des vœux et suggestions à propos de son fonctionnement. Il se réunit au moins une fois par an sur convocation du Président du CA », 20 septembre 1972 (AN 20090014/223).

64 Fabienne Guimont, op. cit.

65 Exposé de Pierre Marthelot, Comité consultatif du 19 juillet 1973 (AN 20090014/229).

66 Le FAC est né en 1959. Il prend la place du FIDES pour aider à financer des projets dans le cadre d’accords de coopération.

67 Statistiques OCAU (Archives nationales. Fonds OCAU).

68 Conseil d’administration du 6 février 1974, annexe 2.

69 OCAU Dossier, Gestion (AN 19780596/46).

70 Sur l’ensemble des étudiants africains en France durant ces années 60-70, les spécificités disciplinaires (c’est-à-dire les différences disciplinaires par rapport aux étudiants français) tendent à disparaître. Pour ce qui concerne le genre, il n’y a en 1960 que 17 % de filles parmi les étudiants africains du supérieur. À titre de comparaison en 1966-1967 les étudiantes représentent 45,1 % de l’ensemble des étudiants (Nous n’avons pas de chiffres pour 1960).

71 Lettre du Ministre de la coopération au directeur de l’OCAU, Paris, 14 juin 1974 (AN 20090014/229).

72 Lettre de Pierre Marthelot à l’ambassadeur de Haute-Volta, Paris, le 5 septembre 1974 (AN 20090014/229).

73 C’est aussi, désormais, auprès du ministère de la Coopération, par le canal de l’OCAU que doivent être faites les demandes d’inscription en université. Il faut fournir les pièces suivantes pour l’inscription à la Cité universitaire : fiche de demande de réadmission ; résultats des deux dernières années universitaires ; certificat d’inscription ou de préinscription dans une université de l’académie de Paris ; attestation de bourse (car seuls les étudiants boursiers sont désormais admis) ; certificat médical pour admission (Procès-verbal de la réunion du Conseil d’administration du 5 février 1975, AN 20090014/229).

74 Exposé de Pierre Marthelot, Comité consultatif du 19 juillet 1973 (AN 20090014/229).

75 Il s’agit d’une certaine Madame Lacroix, attachée principale d’intendance à la Résidence Paye, détachée du ministère de l’Éducation nationale. Elle jugeait notamment le règlement intérieur trop strict. Il lui était également reproché des impayés (Rapport de Pierre Marthelot sur la gestion de Madame Lacroix, adressé au cabinet du recteur de l’académie de Paris, 13 mai 1975, AN 20090014/227/1).

76 Conférence des directeurs, 28 mai 1974 (AN 20090014/227/1).

77 AN 20090014/223.

78 Lettre à Maurice Valigny (AN 200914/223).

79 Valigny, « Avant qu’un échec ne devienne définitif » (AN 20090014/239).

80 Même si Maurice Valigny n’a pas la morgue suffisante d’un Durand-Réville, et a pu témoigner, en d’autres circonstances, un grand respect à ses pensionnaires.

81 « Affaire dessus-de-lit » (AN, 20090014/239).


Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.