Le sort des archives de la persécution des juifs après la Libération en France
p. 217-228
Texte intégral
1Quand on parle des archives de la persécution des juifs dans la France des années noires, on parle d’archives qui s’inscrivent, de près ou de loin, dans le processus d’extermination des juifs d’Europe par les nazis. C’est-à-dire d’archives que les décideurs et exécuteurs1 de la « Solution finale » ont le plus souvent cherché à détruire, en complément de la politique de destruction des traces matérielles (charniers, infrastructures de mise à mort, etc.) du génocide.
2L’exemple le plus célèbre de cette volonté d’élimination archivistique concerne le compte rendu de la conférence interministérielle du 20 janvier 1942 à Wannsee, lequel, rédigé par Adolf Eichmann sous l’autorité de Reinhardt Heydrich, annonçait l’extermination de l’ensemble des juifs d’Europe via une politique d’anéantissement physique (épuisement à la suite de déportations, faim, maltraitance, etc.) complétée, pour les plus « résistants », d’une politique d’assassinat.
3Trente copies de ce rapport ont été dressées à l’intention des quinze participants de la réunion et des plus hautes autorités de l’État nazi. Parmi elles, vingt-neuf ont été détruites. Un seul et unique exemplaire a réchappé de cette destruction systématique : l’exemplaire adressé au ministère des Affaires étrangères du Reich, dont les archives, miraculeusement préservées, constituent une véritable « singularité documentaire2 ».
4De même, de toutes les archives du « service juif » de la Gestapo, le fameux IVB4 dirigé par Eichmann, qui avait essaimé partout en Europe, seules celles de la délégation française ont été partiellement conservées3. Fuyant Paris en août 1944, ses responsables n’ont pu achever la besogne de destruction complète accomplie par leurs collègues de Berlin et des autres grandes capitales de l’Europe nazie.
5Les « bourreaux » français ont également tenté d’effacer les traces de leurs crimes. Organe central de la persécution (exclusion professionnelle, spoliation, etc.) entre 1941 et 1944, le commissariat général aux Questions juives (CGQJ) disposait d’un bras armé policier, dénommé Section d’enquête et de contrôle (SEC). Composée de militants d’extrême droite, la SEC sévit plus particulièrement à Paris durant les derniers mois de l’Occupation : plusieurs centaines de juifs sont arrêtées par ses inspecteurs, le plus souvent pour infraction au port de l’étoile jaune, envoyés à Drancy puis déportés. Entre le 15 et le 18 août 1944, sur ordre de son directeur, l’ensemble des archives de la SEC sont brûlées. Des centaines de dossiers partent en fumée dans la cour de l’immeuble du CGQJ situé au 17 de la rue Notre-Dame-des-Victoires à Paris.
6Les jours suivants, la quasi-totalité des dossiers nominatifs de la redoutable direction du Statut des Personnes (chargée de trancher « l’appartenance à la race juive » de milliers de cas douteux) ainsi qu’une partie des archives du Cabinet et de la direction de la Propagande subissent le même sort4. Ce faisant, les dirigeants du commissariat général aux Questions juives n’agissent pas autrement que les chefs de la Milice et du secrétariat général au Maintien de l’Ordre de Joseph Darnand qui, sur une échelle encore plus vaste, parviennent à détruire l’intégralité de leurs archives.
7Ces destructions par les exécuteurs eux-mêmes n’ont cependant concerné qu’une faible partie des archives françaises de la persécution des juifs : les dossiers de la politique de spoliation, qui accaparait plus de 80 % des bureaucrates du CGQJ, ont ainsi été presque intégralement conservés. Dans les faits, on va le voir, c’est dans le cadre légal que la plupart des destructions ont eu lieu, et ce plus de deux ans après la Libération. Et le paradoxe veut que les archives du commissariat général aux Questions juives, archétype de l’administration d’exception, dirigé par des antisémites fanatiques (Vallat, Darquier de Pellepoix), ont été davantage préservées que celles produites par les rouages ordinaires de l’État, au premier rang desquels l’administration préfectorale5.
8Comment expliquer un tel paradoxe ? Quels furent les objectifs, la portée et la temporalité de ces destructions ? C’est à ces questions que la présente contribution se propose de répondre, à partir d’un examen comparé du devenir des archives des deux principales instances de l’antisémitisme d’État sous l’Occupation, le CGQJ et le « service juif » de la préfecture de Police de Paris (PP)6.
Les archives du commissariat général aux Questions juives : du service des Restitutions aux Archives nationales (1944-1948)
9Revenons d’abord sur cette anomalie apparente : la très large préservation des archives du commissariat général aux Questions juives. En province, les archives des directions régionales du CGQJ, à Nancy, Dijon, Lyon, Nice, Marseille ou Toulouse, subissent un sort variable, qui dépend de la bonne ou de la mauvaise tenue des dossiers entre 1941 et 19447, de la situation à la Libération (dans le sud du pays, des groupes FFI prennent possession des locaux), etc.
10À Paris, on l’a vu, la mise au feu d’archives n’affecte que les dossiers de la SEC et du Statut des Personnes entreposés au 17, rue Notre-Dame-des-Victoires. Au 1, place des Petits-Pères, quelque 250 mètres plus loin, où sont installés les services centraux du commissariat, aucune destruction n’est, semble-t-il, à déplorer. Dans ce bel immeuble, propriété historique du célèbre industriel Louis Louis-Dreyfus, les centaines d’agents du CGQJ travaillent dans les services de l’Aryanisation économique (AE). Ils appliquent la loi, respectent les règles du droit. Bref, sont-ils convaincus, ils n’ont rien à se reprocher. D’ailleurs, dans le tumulte de la Libération de Paris, la « grosse majorité du personnel présent » manifeste « catégoriquement son désir de rester sur place et de poursuivre l’expédition des affaires courantes8 ». Et, à la fin de l’année 1944, une vingtaine de cadres et d’employés de l’AE n’hésiteront pas à signer une pétition afin d’obtenir leur « réintégration dans les services du Commissariat appelés à entreprendre […] l’œuvre de salubrité et de réparation qui s’impose9 »…
11Bombardé responsable du commissariat général aux Questions juives en vertu d’un décret de Pierre Laval du 17 août 1944 qui prévoit de confier « l’intérim des Administrations Publiques aux Secrétaires Généraux ou, à leur défaut, aux Directeurs les plus anciens10 », Jean Armilhon, directeur du Statut des Personnes et des Affaires juridiques, imagine donc une transition à l’amiable et en douceur avec les nouvelles autorités.
12Avocat proche de l’Action française, laborieux doctrinaire de l’antisémitisme d’État11, homme de confiance de Xavier Vallat puis de Louis Darquier, l’intéressé ne manque pas d’aplomb. Dès le 21 août 1944, en pleine insurrection de Paris, il se rend au ministère des Finances où il est reçu par le « Chef du Groupe de la Résistance », qui veut bien prendre « note de [son] adhésion totale aux directives du COMITÉ DE LIBÉRATION12 ». Le même jour, il rencontre les responsables FFI du 2e arrondissement qui lui demandent de prendre soin des dossiers du commissariat général aux Questions juives, lesquels, précise-t-on, doivent être laissés en l’état.
13Le lendemain, Armilhon se rend au ministère de la Justice, où un secrétariat général provisoire, confié au communiste Marcel Willard, vient d’être installé. Un collaborateur de Willard le reçoit. Le problème des archives du CGQJ est à nouveau soulevé. Le directeur du Statut des Personnes et des Affaires juridiques reconnaît la destruction des archives de la SEC. En revanche, il ne mentionne pas – et l’on devine aisément les raisons d’un tel silence – le sort identique des dossiers du Statut des Personnes…
14Assez sûr de son fait, Jean Armilhon s’autoproclame « directeur de l’Administration du Commissariat Général aux Questions Juives ». Le 28 août, deux jours après le défilé historique du général de Gaulle sur les Champs-Élysées, le CGQJ rouvre officiellement ses portes. L’activité est faible. Seul un tiers du personnel vient pointer13. Le 30, les nouvelles autorités décident de mettre un terme à la plaisanterie. Une ordonnance instituant l’indignité nationale vient de paraître au Journal officiel : en toutes lettres, le commissariat général aux Questions juives et son personnel d’encadrement y sont flétris. Sous la responsabilité du chef FFI dans le 2e arrondissement, les locaux sont définitivement fermés ; des scellés sont apposés en présence d’un délégué du secrétariat général à la Justice. Le lendemain (31 août 1944), une ordonnance du président du tribunal civil de la Seine nomme le directeur des Domaines de la Seine administrateur-séquestre des biens et intérêts du commissariat14.
15Dossiers et archives courantes du CGQJ changent de nature. Désormais, ils ont vocation à constituer, pour l’essentiel, des pièces au service de la justice et de la politique à venir de restitution des biens juifs spoliés. Dès septembre 1944, des officiers de Police judiciaire s’installent place des Petits-Pères (commissions rogatoires du juge Berry pour des affaires d’intelligence avec l’ennemi et du juge Gagnes pour les affaires de spoliation). En novembre, la direction du Blocus du ministère des Finances installe un premier service des Restitutions au 17, rue Notre-Dame-des-Victoires.
16Après une période de flottement sans doute inévitable, l’État prend à bras-le-corps le problème de la réparation des spoliations antijuives. Placé sous la direction d’Émile Terroine le 30 janvier 1945, le service des Restitutions des biens des victimes des lois et mesures de spoliation se voit peu à peu doter des moyens d’agir. Scientifique réputé, résistant et président d’honneur du Mouvement national contre le racisme (MNCR), Terroine est désireux d’aboutir au plus vite : à ses yeux, il y va de l’honneur de la République15. Il parvient à récupérer la majeure partie des archives du CGQJ (pour l’essentiel les 76 312 dossiers de spoliation recensés), jusque-là détenues par l’administration-séquestre, et peut commencer à travailler sérieusement. En avril 1946, désormais placé sous la direction d’André Braun, le service s’installe avec toutes ses archives au 71, boulevard Péreire, à Paris16.
17C’est là qu’une employée des Archives nationales découvre, à la fin de l’année 1946, « le résidu » des archives du CGQJ « non utilisé » par le service des Restitutions : « représentant un volume de 25 mètres cubes environ », ces documents, « dans un état d’extrême désordre », avaient été relégués dans deux caves. Un premier classement sommaire est établi17. À partir de 1948, les procédures de restitution arrivant à leur terme, le versement aux AN commence.
18Dossiers, fichiers et recueils de correspondances du CGQJ deviennent peu à peu des archives, au sens historique, patrimonial et figé du terme. Elles rejoignent la série AJ – fonds divers remis aux Archives nationales –, sous la cote AJ38, entre les archives du Conservatoire national de musique (AJ37) et celles des Chantiers de la Jeunesse (AJ39) et de l’administration militaire allemande en France (AJ40). Comparées à ces deux dernières, largement expurgées et fort lacunaires, les archives du commissariat général aux Questions juives, couplées à celles du service des Restitutions, se singularisent par leur richesse et leur exceptionnel état de préservation18.
19L’absence de mauvaise conscience des gestionnaires de la spoliation, l’importance des intérêts matériels en jeu (plusieurs dizaines de milliers de personnes dépossédées de leurs biens attendent que justice leur soit rendue), le caractère technique des opérations réalisées et à réaliser, tout cela explique la fortune des archives du CGQJ après la Libération. En 1946, lorsque les papiers de la direction régionale du commissariat à Nice, pris par un groupe de FFI à la Libération, sont retrouvés par la police, le représentant du service des Restitutions dans le département s’empresse d’écrire au préfet, l’invitant à en prendre le plus grand soin. En effet, expose-t-il, « l’utilisation de ces dossiers intéresse au plus haut chef les spoliés, les déportés et leurs ayants droit, ainsi que la Fédération des Sociétés Juives de France qui a été habilitée, par le professeur Terroine lors de la création des Services, à collaborer au dépouillement des archives en vue de travaux de documentation sur les mesures raciales et sur la question des spoliations19 ».
20Un dernier élément explique ainsi la pérennité des archives du commissariat général aux Questions juives : l’investissement historique et mémoriel de ces archives par des institutions telles que la Fédération des Sociétés Juives de France et surtout le Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), fondé en 1943 dans la clandestinité par Isaac Schneersohn et installé au grand jour, à Paris, peu après la Libération.
21Dans la foulée du procès de Nuremberg, où deux de ses historiens, Léon Poliakov et Joseph Billig, ont été accrédités comme experts auprès de la délégation française, le CDJC développe une intense activité documentaire et scientifique destinée à rendre compte, dans tous ses aspects, de l’antisémitisme d’État sous l’Occupation. De 1945 à 1950, sont publiées dix-huit monographies, dont dix en 1946-1947. Dans cette perspective, Schneersohn frappe à toutes les portes dans le but d’amasser le plus d’archives et de témoignages possibles.
22Les fonds du CGQJ représentent d’emblée un objectif majeur. Isaac Schneersohn tente d’obtenir leur versement au Centre. Le décret du 21 juillet 1936, exigeant le versement aux Archives nationales des documents d’État, interdit de lui accorder une telle faveur. Les bonnes relations entretenues par le président du CDJC avec les chefs du service des Restitutions lui permettent cependant de constituer un fonds important de copies d’archives du commissariat général aux Questions juives – complété par quelques « prises de guerre », comme les archives de la direction régionale de Toulouse, saisies par un groupe de FFI juifs en août 194420, qui en théorie auraient dû être versées aux AN…
23Pourtant, en aucun cas, à l’époque, ne se joue entre le CDJC et les autorités étatiques une façon d’affrontement mémoriel, même feutré, comme l’affaire du « fichier juif » a pu en donner l’exemple dans les années 1990. Il va de soi, en 1945 ou en 1948, qu’une institution communautaire telle que le Centre de documentation juive ne peut élever aucune prétention à l’égard des archives de la persécution produites par les instances de l’État, surtout si celles-ci appartiennent aux sphères traditionnelles de l’administration.
24Si la notion de réparation, d’intérêt des victimes, est toujours considérée, l’histoire et la mémoire ne sont pas, on va le voir, des catégories prises en compte par les administrations républicaines dans leurs rapports avec les traces laissées par la pratique bureaucratique de la persécution.
Une destruction au nom des principes républicains : le cas des archives de la préfecture de Police de Paris (1946-1949)
25Quelle autre administration de l’État français a produit davantage de paperasse, formulaires, fiches, notes, correspondances, circulaires, etc., découlant de la réglementation antisémite que la préfecture de Police de Paris sous l’Occupation ?
26En 1940, environ la moitié des juifs de France réside dans le département de la Seine. L’ordre de recensement édicté par les autorités allemandes au début du mois d’octobre provoque l’enregistrement, dans les commissariats de la capitale et des communes avoisinantes, de plus de 60 000 déclarations, représentant 149 734 personnes au total. Le mois suivant, 21 000 déclarations de sociétés, de commerces et de particuliers relativement aux biens qu’ils possèdent sont à leur tour enregistrées. Par dizaines de milliers, des dossiers nominatifs sont immatriculés. Le « fichier juif », établi sur le modèle du fichier des étrangers, se décline en quatre fichiers (général selon l’ordre alphabétique, domiciles, nationalités et professions). Il est complété l’année suivante par un nouveau fichier général, dit de « contrôle », consécutif à une nouvelle opération de recensement, puis, en 1942, par un fichier des enfants21.
27En résumé, dans le bureau d’ordre du « service juif » de la préfecture de Police, qui au sommet de son activité emploie plus de 150 agents, le nombre de dossiers nominatifs a probablement dépassé les 100 000 et le nombre de fiches, remplies à la main ou à la machine, le million. Sans parler des archives du « service actif » des Affaires juives, la « brigade Permilleux », créé en parallèle du « service juif » administratif par la direction de la Police judiciaire en novembre 1942, et des milliers de notes, de circulaires, de fiches d’arrestations établies (ainsi le fichier des « agents capteurs » de la rafle du Vel d’Hiv en juillet 1942, représentant 18 000 fiches) par les autres directions (Cabinet, Police municipale, RG) s’occupant des juifs au sein de la PP entre 1940 et 1944.
28À la Libération, que faire de cette colossale masse d’archives ?
29Si les « services actifs » spécialisés dans la traque des juifs (Police judiciaire et RG) sont supprimés dès la fin du mois d’août 1944, la partie proprement administrative du « service juif » (gestion des fichiers et dossiers, réception du public, correspondance, etc.) est maintenue, dans le giron de la direction de la Police générale, avec, cela va de soi, une mission différente de celle exercée depuis 1940.
30Un bureau de Liquidation des affaires juives (9e bureau de la Police générale) est créé. Son chef, Ernest Martin, était l’un des anciens piliers du « service juif » – en 1940-1941, ce brave fonctionnaire était sous-chef au sein du bureau « Correspondance et Liquidation des Affaires juives »… Cette continuité n’est que sémantique : sous l’Occupation, la « liquidation des Affaires juives » signifiait spoliation ; à la Libération, il s’agit de délivrer des certificats de déportation ou d’internement aux personnes (les victimes ou leurs ayants droit) qui en font la demande (un peu plus de 10 000 attestations sont ainsi délivrées en 1945-194622). Le 9e bureau fournit également divers renseignements aux organismes (Service Européen des Recherches des juifs déportés et dispersés, Fédération des Sociétés Juives de France, etc.) et aux particuliers qui le sollicitent. Il s’occupe enfin de restituer aux intéressés ou à leurs ayants droit les fonds et valeurs saisis lors de l’internement à Drancy. Et bien sûr il doit faciliter toute recherche « dans un but administratif ou judiciaire23 ».
31En pratique, les agents du bureau de Liquidation des affaires juives, installé au 25 de la rue Monge, dans le 5e arrondissement de Paris, consultent quotidiennement les dossiers nominatifs de juifs constitués depuis le recensement d’octobre 1940 : ces derniers contiennent tous les renseignements désirables sur les personnes, de leur feuille de déclaration aux informations relatives aux arrestations et aux déportations24.
32Outre les dossiers, ont été transférés rue Monge les « fichiers juifs » les plus nécessaires à cette nouvelle mission de renseignement et de délivrance de certificats : le fichier général établi depuis l’automne 1940, le fichier de « contrôle » mis au point à l’automne 1941 ainsi que le fichier des enfants (voir cahier couleur, ill. 5 et 6).
Ill. 5. – Fiches du fichier général (établi à partir du recensement de 1940).


Sources : AN-CDJC, F9 5638, F9 5655.
Ill. 6. – Fiches du fichier de « contrôle » (établi à partir du recensement de 1941).


Sources : AN-CDJC, F9 5638, F9 5620.
33Les autres fichiers (domiciles, nationalités, professions) ainsi que l’ensemble des dossiers « biens » sont laissés dans les locaux de la Caserne de la Cité, sous le contrôle, dans un premier temps, de la Police judiciaire et de son chargé des affaires administratives – à partir du 1er novembre 1944, il s’agit d’André Broc, un autre ancien cadre du « service juif », l’un des plus antisémites et zélés de tous25…
34Telle est la situation à la fin de l’année 1946. On peut imaginer que les anciens responsables du « service juif », à la garde de qui l’essentiel des archives de la persécution ont été confiées, ont procédé à des éliminations ciblées de dossiers plus particulièrement compromettants. Mais ce n’est qu’une supposition gratuite, si ce n’est naïve : la masse des dossiers est telle qu’elle interdit un « nettoyage » d’envergure.
35C’est alors qu’une circulaire de l’Intérieur, datée du 6 décembre 1946 et signée par le ministre Édouard Depreux, ordonne la « Destruction de documents fondés sur des distinctions d’ordre racial entre Français ». La directive, adressée à tous les préfets, paraît animée des meilleures intentions26, à ceci près qu’elle oublie que les étrangers étaient les premiers visés par la réglementation antisémite – qui, par ailleurs, n’émanait pas exclusivement de la loi du 3 octobre 1940 prise « sous l’autorité du Gouvernement dit “État Français” »…
36Nonobstant ces deux erreurs factuelles, la circulaire rappelle que « les personnes considérées comme “juives” » ont été contraintes de se déclarer telles sous l’Occupation. La loi du 9 août 1944 portant rétablissement de la légalité républicaine constate, dans son article 3, « la nullité de tous les actes qui établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif ». En conséquence, toutes les « traces de la législation d’exception instituée sous l’occupation et tous les documents fondés sur la qualité de juif doivent être détruits » dans les services préfectoraux, les mairies et les commissariats de police27.
37Dans cette instruction, le mot « archives » n’apparaît pas une seule fois. On parle de « diverses déclarations », de « fiches », de « dossiers », de « documents », c’est-à-dire des matériaux de travail quotidiens des bureaucrates et des policiers. À cet égard, il est vrai que des « traces » (pour reprendre un autre terme de la circulaire) de la persécution continuent de persister dans la documentation administrative. Ainsi, les cartes d’identité d’étranger d’un couple de juifs polonais naturalisé portent encore le tampon stigmatisant « Juif/Juive » en 194728… Mais la plupart de ces documents conservés par l’administration, plus particulièrement par la préfecture de Police de Paris, servent à établir des droits et à aider le travail de la justice. Le mois suivant, le ministre de l’Intérieur se ravise donc, dans une nouvelle circulaire :
« Il m’est apparu que l’application intégrale et trop rapide des dispositions contenues dans cette circulaire peut offrir des inconvénients pour les intéressés eux-mêmes.
Je vous invite, en conséquence, à maintenir, le cas échéant, dans les archives, les documents relatifs aux enquêtes, sévices et arrestations dont les personnes considérées comme juives ont été victimes, lorsque ces documents peuvent présenter des avantages pour de telles personnes, par exemple en permettant […] la délivrance de certificats de déportation ou d’arrestation.
Il doit en être de même lorsque des pièces sont susceptibles de servir la justice.
L’intérêt de ces archives, par ailleurs, s’amenuisant chaque jour, leur complète destruction pourra certainement intervenir d’ici une date relativement peu éloignée, dont je vous laisse juge.
J’estime toutefois que cette conservation provisoire doit se limiter aux archives de la Préfecture et que les archives des mairies ou des commissariats de police concernant les “affaires juives” peuvent être détruites, sauf situations particulières qu’il vous appartiendra d’apprécier29. »
38Contrairement à l’instruction initiale, cette circulaire, datée du 31 janvier 1947, comporte le mot « archives ». Le principe, simple, est ainsi fixé : conservation provisoire des « archives » utiles ; destruction de l’ensemble à brève échéance. Les modalités de l’application (c’est-à-dire la mise en œuvre des opérations de tri puis, dans un second temps, de destruction systématique) sont laissées à la libre appréciation des services préfectoraux.
39À la préfecture de Police de Paris, le 9e bureau (bureau de Liquidation des affaires juives) continue de fonctionner jusqu’en 1947. En octobre, une étude-bilan du bureau est réalisée par l’Inspection générale des services (IGS) de la PP, qui procède par ailleurs à un « récolement général de tous les documents fondés sur des distinctions d’ordre racial existant dans l’ensemble des services de la Préfecture30 ». Sans doute est-ce à ce moment que les fiches des juifs recensés mais non arrêtés et non déportés – et donc non susceptibles de demander des certificats d’internement ou de déportation – sont retirées des trois « fichiers juifs » utilisés par le 9e bureau depuis la Libération (le fichier général de 1940, le fichier de « contrôle » de 1941 et le fichier des enfants).
40Concrètement, ce récolement général est donc censé entraîner la destruction de toutes les pièces, notes, registres de « nature raciale » conservés dans les services de la PP à l’exception des documents considérés comme « utiles », qui doivent être transmis au bureau de Liquidation des affaires juives. La direction de la Police municipale prie ainsi les commissariats d’arrondissement et de banlieue de verser « d’urgence au 9e Bureau de la Direction de la Police Générale 25 rue Monge, 4e étage […] tous les documents de ce genre qui pourraient encore se trouver en [leur] possession ». Tandis que la direction de la Police judiciaire ordonne à ses services et aux commissariats de quartier de « verser d’urgence [au 9e Bureau] tous documents fondés sur les distinctions d’ordre racial […], y compris les registres de recensement des israélites31 ».
41En janvier 1948, l’ensemble des archives réunies par le 9e bureau sont transférées au rez-de-chaussée du local de la PP du 12, quai de Gesvres, dans le 1er arrondissement de Paris. Trois mois plus tard, à la fin d’avril 1948, plusieurs fichiers d’internés de Drancy ainsi que les trois fichiers issus du « service juif » sont remis au bureau de l’État-civil et du Fichier du ministère des Anciens Combattants et Victimes de la guerre (MACVG), qui continue, au plan national, le travail d’information et d’établissement de certificats à l’intention des anciens internés-déportés et de leurs familles.
42Ainsi l’historique « fichier juif » de la préfecture de Police de Paris a-t-il été en grande partie conservé – plus de 52 000 fiches de juifs arrêtés et/ou déportés pour le fichier général et environ 31 000 pour le fichier de « contrôle ». Il n’est pas le lieu de revenir ici sur la polémique qui a opposé Serge Klarsfeld aux historiens dits « officiels », lesquels, réunis dans une commission présidée par René Rémond, ont conclu, à tort, que les fichiers exhumés en 1991 par le célèbre avocat dans les archives du ministère des Anciens Combattants n’émanaient pas du tristement fameux « fichier juif32 ». Notons seulement que ces trois fichiers, et plus particulièrement les deux principaux, le « Fichier général (en partie seulement) » et le « Fichier de contrôle (en partie seulement) », selon les indications pourtant claires d’un rapport de l’IGS cité par « le rapport Rémond33 », s’avèrent être les traces les plus importantes laissées par l’activité bureaucratique du « service juif » de la PP entre 1940 et 1944.
43Pour le reste, la préfecture de Police de Paris a appliqué les directives de « destruction » du ministère de l’Intérieur dans le sens le plus extensif qui soit. En novembre 1948, un arrêté du préfet ordonne le pilonnage, par la maison des Papeteries de France à Alfortville, d’un « lot de papiers déclarés inutiles », selon la formule d’usage, et ainsi caractérisé : « Recensement des Israélites, personnes et biens – fiches et dossiers34 ». L’enlèvement se déroule le lundi 15 novembre 1948 quai de Gesvres en présence du commissaire du quartier de Saint-Merri. Sont chargés 158 sacs d’un poids total de 6 892 kg. Le pilonnage débute à 16 h 30. Il dure jusqu’au petit matin. Près de huit heures ont été nécessaires pour venir à bout de cette masse d’archives.
44L’opération de novembre 1948 n’a concerné que les archives de l’ancien « service juif », soit les quelque 100 000 dossiers et les trois fichiers thématiques de 1940 (domiciles, professions, nationalités), non versés au ministère des Anciens Combattants et Victimes de la guerre en avril, ainsi que les registres de recensement dans les commissariats de quartier – seul l’un d’eux, issu du quartier Arts et Métiers/Enfants-Rouges (dans le 3e arrondissement), a exceptionnellement échappé à la destruction, avec d’autres reliquats de la persécution des juifs dans ce quartier35.
45La destruction des archives raciales émanant des « services actifs » de la préfecture de Police est alors renvoyée à plus tard : elles sont toujours susceptibles d’intéresser la Cour de Justice de la Seine ainsi que les procédures d’épuration administrative et de révision des sanctions d’épuration. En effet, plusieurs dizaines de policiers de la PP ont été sanctionnées et parfois poursuivis pour avoir arrêté des juifs sur ordre des Allemands ou sur initiative. Les archives de la « brigade Permilleux » et celles liées à l’exécution de la rafle du Vel d’Hiv sont ainsi provisoirement conservées.
46Les premières, représentant 15 000 fiches et 40 classeurs de dossiers nominatifs et de correspondances diverses, sont finalement détruites un an plus tard : placées dans sept sacs ficelés et comprises dans un chargement de neuf tonnes de vieux papiers, elles sont pilonnées en décembre 1949 par les soins de la maison Piollet-Moisset, boulevard Auguste Blanqui à Paris. Le chef du bureau des Archives, Mme Hélène Tulard, qui se trouve être l’épouse de l’ancien responsable du « fichier juif » (André Tulard), a été chargée de mettre en œuvre la procédure réglementaire de destruction…
47Les secondes, relatives aux rafles, et plus spécialement à la grande rafle de juillet 1942 (18 000 fiches environ réparties dans 19 cabriolets pour la rafle du Vel d’Hiv, ainsi que de nombreuses feuilles d’arrestations établies lors des rafles de 1942-1943), ont été conservées quelques années par l’IGS. On ignore la date de leur destruction.
⁂
48Dans le rapport-bilan qu’elle adresse au cabinet du préfet en août 1950 au sujet de la « Destruction des dossiers constitués pendant l’occupation sur les israélites » et de la conservation provisoire, par ses soins, des fiches et feuilles d’arrestations liées aux rafles antijuives, l’IGS précise : « Je ne manquerai pas d’en proposer la destruction dès que la Commission Consultative aura terminé ses travaux. » En marge, on peut lire une annotation manuscrite du directeur de cabinet du préfet : « Il n’est évidemment pas question de continuer à “ficher” des israélites, mais il y a grand intérêt, pour ceux-ci, à ce que certaines pièces soient conservées. C’est le seul moyen de pouvoir, éventuellement, régler leurs droits à pensions, etc. Répondre en ce sens. 4.9.5036. »
49Le malaise, palpable, n’est pas sans similitude avec les réactions provoquées par la polémique sur le « fichier juif » : l’administration républicaine ne veut pas être soupçonnée de ficher les juifs, alors même qu’il s’agit, pour elle, de donner des droits aux victimes de la répression antisémite et à leurs familles.
50Il n’en est pas moins certain que cette logique républicaine, assurément louable, a constitué une véritable aubaine pour bien des agents de la préfecture de Police : elle a eu pour conséquence l’effacement de la plupart des preuves attestant l’implication de la PP dans la persécution des juifs sous l’Occupation. Et, de fait, la destruction, loin de se limiter aux dossiers, registres, fiches et feuilles à caractère nominatif, a englobé l’ensemble des documents de travail et des correspondances du « service juif37 », alors qu’en province, les cas de destruction systématique des archives de la persécution sont plus rares38.
51En somme tout se passe comme si une logique républicaine, inclinant à la destruction d’archives « indignes », était venue contrecarrer une logique mémorielle, impliquant la conservation des archives du martyrologue. Ce qui était possible pour le commissariat général aux Questions juives, administration politique d’exception, ne l’était pas pour la préfecture de Police de Paris, vieille institution étatique.
52Ainsi, les destinées différentes des archives de la persécution produites par la PP et celles nées de l’activité bureaucratique du CGQJ, illustrent de façon exemplaire les différences entre une administration « traditionnelle », qui se continue à la Libération et réadapte son activité aux normes républicaines, en faisant disparaître la part « indigne » de ses missions (matériellement, ses archives) des années 1940, et une administration politique d’exception, dont les archives ont pu être figées dans le temps.
Notes de bas de page
1 Perpetrators en anglais, notion proposée par Hilberg Raul, Exécuteurs, victimes, témoins. La catastrophe juive 1933-1945, traduit de l’anglais par Marie-France de Paloméra, Paris, Gallimard, 1994 (1re éd. 1992).
2 Brayard Florent, Auschwitz, enquête sur un complot nazi, Paris, Le Seuil, 2012, p. 301.
3 Dans ses souvenirs, Léon Poliakov raconte avec humour comment, en 1945, la chance lui a permis de mettre la main sur ce précieux fonds, entreposé au ministère de l’Intérieur place Beauvau, pour le compte du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC). Poliakov Léon, Mémoires, Paris, Jacques Grancher, 1999 (1re éd. 1981), p. 186.
4 Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine (AN), 3W142 2/3, dossier d’instruction Darquier de Pellepoix, rapport de Paul Houët à Marcel Willard, s. d., vers le 10 septembre 1944.
5 Sous l’Occupation, deux domaines de la politique antijuive ont suscité un développement bureaucratique plus particulièrement considérable et, par conséquent, la masse d’archives la plus importante : le contrôle des personnes (recensement, fichage, convocations, etc.), du ressort pour l’essentiel des préfectures, et la spoliation des « biens juifs » dite « aryanisation économique », dont la plus grande partie a été prise en charge par le CGQJ.
6 Auxquels nous avons consacré l’étude suivante : Joly Laurent, L’Antisémitisme de bureau. Enquête au cœur de la préfecture de Police de Paris et du commissariat général aux Questions juives (1940-1944), Paris, Grasset, 2011.
7 À Toulouse, pour dix documents sur la période 1943-1944, on n’en recenserait qu’un pour la période 1941-1942. Estèbe Jean (dir.), Les Juifs à Toulouse et en Midi toulousain au temps de Vichy, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1996, p. 57.
8 AN, AJ38 1134, lettre de Jean Armilhon au Comité de Libération de la Région parisienne, 22 août 1944.
9 AN, AJ38 1134, « Demande de réintégration d’agents CGQJ », s. d., fin 1944. Cette requête a été rejetée.
10 AN, AJ38 1, « Instructions No 1 pour les services du Commissariat », par Jean Armilhon, 29 août 1944.
11 Voir son portrait et ses théorisations poussives en faveur d’un « refoulement » des juifs d’origine étrangère et d’une application maximaliste du statut des juifs, Joly Laurent, Vichy dans la « Solution finale ». Histoire du commissariat général aux Questions juives (1941-1944), Paris, Grasset, 2006, p. 407-411.
12 AN, AJ38 1134, lettre de Jean Armilhon au Comité de Libération de la Région parisienne, 22 août 1944.
13 AN, AJ38 196, note du 29 août 1944.
14 C’est de ce service dont sont issus les 2 240 dossiers du personnel (concernant 90 % des agents salariés par le CGQJ entre 1941 et 1944) exceptionnellement préservés, découverts par Serge Klarsfeld dans les caves d’un immeuble des Domaines, à Paris, dans les années 1990. Chargé d’assurer les intérêts des anciens agents du commissariat (demandes de remboursements divers, validation des points de retraite, etc.), le service du séquestre semble avoir fonctionné jusqu’au milieu des années 1960. Son activité n’en a pas moins été faible et il s’en est fallu de peu que ces dossiers soient détruits. L’un d’eux contient ainsi une lettre, adressée en 1959 par une ancienne employée sollicitant « un certificat de validation de service accompli de juillet 1942 à août 1944 aux “Questions Juives” », annotée par un fonctionnaire des Domaines : « C’est à cause de demandes de ce genre, heureusement assez rares, que nous nous montrons assez réservés pour la destruction des archives. » AN, AJ38 6292, dossier Marie C., lettre de Mme C., 3 mars 1959, et annotation manuscrite. Il s’agit d’un corpus exceptionnel, sans équivalent, semble-t-il, pour la période de Vichy.
15 Sur Terroine, voir Prost Antoine, Skoutelski Rémi et Étienne Sonia, avec la collaboration de Cardon Fabrice, Launay Fabrice et Lebreton Sylvain, Aryanisation économique et restitutions, rapport de la Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, Paris, La Documentation française, 2000, p. 53-66.
16 En complément judiciaire du service des Restitutions, un autre service dépendant de la direction du Blocus est créé : le Service de contrôle des administrateurs provisoires et liquidateurs de biens israélites (SCAP), chargé d’étudier les gestions d’administrateurs provisoires pouvant donner matière à poursuites judiciaires. Jusqu’à l’été 1948, plus de 3 000 dossiers sont examinés. AN, AJ38 6248, note pour le directeur des Affaires civiles et du Sceau, 16 juillet 1948. Le SCAP cesse alors son activité.
17 AN, AJ38 2, rapport sur le dépouillement des archives du CGQJ, anonyme, s. d., début 1947.
18 Un ultime versement a eu lieu en 2001, élevant à 6 464 le nombre de cartons de la sous-série AJ38, représentant plus de 800 mètres linéaires. Voir Chabord Marie-Thérèse et Pouëssel Jean, Inventaire des archives du Commissariat général aux questions juives et du service de restitution des biens et victimes des lois et mesures de spoliations (Sous-série AJ38), Paris, Centre historique des Archives nationales, 1999, 360 p. Seules les pièces mises sous scellés par les policiers enquêtant dans le cadre de l’instruction lancée à l’encontre de plusieurs dirigeants et agents du CGQJ n’ont pas rejoint la sous-série AJ38 : elles sont classées dans la sous-série Z6 (cour de justice de la Seine) des AN.
19 AN, AJ38 3392, lettre du délégué du service des Restitutions des biens spoliés à Nice au préfet des Alpes-Maritimes, 12 décembre 1946.
20 Voir AN, AJ38 6305, dossier Charles Flammant.
21 Sur ces recensements et fichiers, voir notre livre L’Antisémitisme de bureau, op. cit., p. 39-61, p. 97-114.
22 Archives de Paris (AdP), D9K3 141 ter, Conseil municipal de Paris 1947, Rapport au nom de la 2e Commission sur le fonctionnement de la Préfecture de police au cours de l’année 1946, p. 45.
23 AdP, D9K3 141 bis, Conseil municipal de Paris 1946, Rapport au nom de la 2e Commission sur le fonctionnement de la Préfecture de police au cours de l’année 1945, p. 67.
24 Voir AN, AJ38 5874, lettre du directeur de la Police générale au service de Restitution des biens des victimes des lois et mesures de spoliation, 21 novembre 1945.
25 Sur Broc, auteur d’une thèse de droit sur « La qualification de juif » scandaleusement soutenue en décembre 1942 à la Sorbonne, voir Joly Laurent, L’Antisémitisme de bureau, op. cit., p. 211-219.
26 Du reste, le ministre Depreux est un homme de gauche parfaitement intègre. Disciple de Jean Jaurès et de Jean Longuet, élu local de la banlieue ouvrière, résistant sous l’Occupation, Depreux, opposé à la politique coloniale de ses amis socialistes, quittera la SFIO est sera l’un des fondateurs du PSU.
27 Archives de la préfecture de Police de Paris, Le Pré-Saint-Gervais (APP), BA 1813, circulaire du ministre de l’Intérieur aux préfets, 6 décembre 1946.
28 APP, IA 141, dossier N 13147.
29 APP, BA 1813, circulaire du ministère de l’Intérieur, 31 janvier 1947.
30 Rapport de l’Inspection générale des services de la PP, 24 août 1950, reproduit dans Le « Fichier juif ». Rapport de la commission présidée par René Rémond au Premier ministre, Paris, Plon, 1996, annexe 2.
31 APP, BA 1813, circulaire du directeur de la Police municipale, 29 décembre 1947 ; circulaire du directeur de la Police judiciaire, 30 décembre 1947.
32 Sur les analyses erronées et fantaisistes du rapport Rémond, nous nous permettons encore de renvoyer à notre étude L’Antisémitisme de bureau, op. cit., p. 316-345.
33 Rapport de l’Inspection générale des services de la PP, 24 août 1950, reproduit dans Le « Fichier juif », op. cit., annexe 2.
34 Arrêté du préfet de Police, 6 novembre 1948, reproduit dans ibid., annexe 2.
35 APP, GB 16. Une exposition a été organisée par le service des Archives de la PP en 2012.
36 Rapport de l’Inspection générale des services de la PP, 24 août 1950, reproduit dans ibid., annexe 2.
37 Dans les papiers de Serge Klarsfeld, se trouve un projet de réponse détaillée au « rapport Rémond ». Le rapport ne lui apprend rien qu’il ne savait déjà, écrit l’avocat. En revanche, apprend-il « avec émotion », « Madame TULARD était l’archiviste de la Préfecture de Police, et c’est cette dernière qui a été chargée d’exécuter la procédure de destruction des documents provenant de l’ex-4e bureau – celui qui précisément gérait les fichiers juifs pendant la guerre et que dirigeait alors Monsieur TULARD !!! Cette information, qui n’a soulevée aucun commentaire des rédacteurs du Rapport Rémond, nous démontre que c’est la même famille de fonctionnaires qui administrait les archives de la Préfecture de Police pendant et après la guerre, et qu’une certaine “cuisine” avec les fichiers honteux a très probablement existé après 1945 ». Papiers Serge Klarsfeld-FFDJF, « Le Fichier Juif de la Préfecture de Police. Analyse du Rapport de la commission présidée par RENÉ RÉMOND au Premier ministre », 1996, 18 p. Contrairement à ce qu’affirme Klarsfeld, on ne relève pas que Madame Tulard ait été associée à la destruction de 1948, c’est-à-dire à la destruction des archives (dossiers et fichiers juifs) qui relevaient de son mari entre 1940 et 1943, son rôle n’étant documenté que pour la destruction des archives de la « brigade Permilleux », qui dépendait de la Police judiciaire.
38 Plusieurs services d’archives départementaux conservent feuilles de déclaration et fichiers de recensement.
Auteur
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Laurent Joly
Laurent Joly est directeur de recherche au CNRS (CRH-EHESS), notamment l’auteur de L’État contre les juifs. Vichy, les nazis et la persécution antisémite (1940-1944), nouvelle édition revue et augmentée, Flammarion, champs histoire, 2020.
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