L'automobile
|1re partie. L’automobile qui se construit
Le « système de Dion » (1882-1932) : un réseau complexe de relations et de structures
Texte intégral
- 1 Cette analyse est le fruit d’une thèse en Histoire des techniques en voie d’être achevée trè (...)
1La personnalité d’Albert de Dion est mal connue et pour tout dire négligée. Pourtant, pendant plus de trente années il a joué un rôle essentiel, voire primordial, en tant que promoteur de l’industrie automobile française. Par ses différentes activités en marge de sa carrière de constructeur d’automobiles, il a établi un réseau complexe de relations et de structures en vue d’organiser l’industrie automobile naissante, de populariser sa pratique et d’assurer son développement en tant que véritable branche industrielle. Analysant ce réseau, nous avons constaté qu’il constituait un système1 que nous avons choisi d’appeler le « système de Dion » (1882-1932).
2Lorsque de Dion, noble nantais, devient constructeur en 1882, tout reste à faire autour de l’automobile. Le produit est à créer ; le marché aussi ; le mot lui-même reste incertain : faut-il dire un ou une automobile ? Certes, avec Delamarre-Deboutteville, Amédée Bollée et d’autres, le véhicule a fait ses premiers pas mais il n’est pas encore fiable et commercialisable. De Dion, le premier, comprend qu’il n’est pas possible d’en rester au seul stade du constructeur, qu’il est nécessaire d’intégrer l’automobile dans un ensemble également à construire. Et pour cela, multipliant les activités, il fonde ce qui va constituer une partie du système automobile.
- 2 Gille Bertrand, Histoire des techniques, Paris, La Pléiade, 1978 ; Gille Bertrand, « La noti (...)
- 3 Hughes Thomas P., American genesis : a century of invention and technological enthusia (...)
- 4 Dupuy Gabriel, Les Territoires de l’automobile, Paris, Anthropos-Economica, 1995 ; Dup (...)
- 5 Cette recherche s’inscrit dans le courant de réflexion développé depuis quelques années par (...)
3Ni biographie, ni même histoire d’entreprise, notre recherche a donc pour objet de « démonter » les rouages du système complexe de relations et de structures mises en place par Albert de Dion. Notre description s’inscrit dans le courant historiographique lancé par B. Gille en 19782. Dix ans plus tard, dans son ouvrage : American genesis : a century of invention and technological enthusiasm 1870-19703 T. P. Hughes parle non plus seulement d’ » une cohérence entre des techniques […] toutes dépendantes les unes des autres » (B. Gille), mais d’un système qui fait partie intégrante de notre culture, aussi bien dans le domaine des affaires que celui de la politique, ou autres éléments institutionnels. Un tel système comprend des éléments complexes tels les hommes, les organisations, les machines, les techniques, etc., et s’organise non plus autour d’un seul inventeur ou d’une manufacture par exemple, mais autour des acteurs : ingénieurs, managers, financiers, centres d’affaires, banques, etc. À cette vision est venue s’ajouter celle plus récente de Gabriel Dupuy4 : le « système automobile » qu’il construit, tout en soulevant la question de la place que prend l’automobile dans la ville aujourd’hui, conjugue histoire, géographie, économie, écologie, technologie et politique5.
4De Dion ne fut pas le seul à concevoir son activité d’industriel de cette manière. Près de lui, parfois l’accompagnant, on rencontre André Michelin, la famille Menier, le baron Charles Petiet, constructeur des automobiles « Ariès », et Armand Peugeot, pour lesquels il serait intéressant d’entreprendre une étude sous cet angle.
- 6 Archives de la Préfecture de police de Paris, Dossier BA 887, « Parti bonapartiste 188 (...)
5Les limites chronologiques de notre recherche (1882 à 1932) ont été déterminées par quatre éléments constitutifs, l’entreprise, l’Automobile club de France (ACF), la Chambre syndicale de l’automobile et des industries qui s’y rattachent (CSA) et la carrière politique d’Albert de Dion. L’étude présentée ici s’articule autour de deux axes principaux, qui suivent une chronologie particulière. Le premier axe concerne l’entreprise. Le second axe est centré sur les deux institutions que sont l’ACF et la CSA, ainsi que sur l’organisation du Salon de l’automobile. Un dernier axe devrait s’intéresser à la carrière politique d’Albert de Dion, qui fut au début du vingtième siècle, nous en avons la certitude, le second personnage du parti bonapartiste et son principal financeur6. De plus, quelques indices nous laissent penser que son activité de parlementaire a aidé à la consolidation de son « système ». Mais dans l’état actuel de nos recherches, il est difficile d’évaluer les contours de cette action politique, et de mesurer le poids de son idéologie dans le contexte politique de l’époque. Ce volet reste donc à découvrir.
L’entreprise (1882-1930)
- 7 Le premier brevet sera pris l’année suivante pour une chaudière verticale aquatubulaire (b (...)
6L’entreprise naît en 1882 d’une association entre trois hommes, Albert de Dion (1856-1946) jeune aristocrate nantais, Georges Bouton (1847-1938) artisan-mécanicien et dessinateur, et Charles Trépardoux (1853-1920), diplômé de l’École des arts et métiers d’Angers (promo 1871), spécialiste des techniques de fonderie, de la vapeur et des mécanismes de précision (miniaturisation). C’est Trépardoux qui donne son nom à la société « Trépardoux et Cie, ingénieurs-constructeurs », en 1882, parce qu’il était le seul des trois associés à avoir le titre et les références d’un ingénieur civil (diplômé). Mais c’est Albert de Dion qui oriente la société vers la construction de véhicules à vapeur et finance les premiers travaux de recherche7.
- 8 Bastie Jean, La Croissance de la banlieue parisienne, Paris, PUF, 1964 ; Meyer Odi (...)
7À l’origine, les ateliers sont situés rue Pergolèse à Paris dans le quartier des mécaniciens, mais ils deviennent vite petits. En 1887, les trois hommes s’installent à Puteaux, rue des Pavillons. Ce déplacement caractérise assez bien l’irrésistible migration industrielle de Paris vers sa banlieue en cette fin de siècle. De 1880 à 1930, on compte pas moins de 300 constructeurs, des dizaines de carrossiers et fabricants de pièces détachées à s’être installés dans le département de la Seine8. Puteaux avec Boulogne, Clichy, Issy, Levallois et Suresnes, voient apparaître et croître la jeune industrie automobile.
- 9 Institut national de la propriété industrielle (INPI), Fonds d’archives de l’Insti (...)
- 10 Brevet n° 250259 du 19 septembre 1895 pour « un dispositif de commande d’allumage électriq (...)
8La société déménage à plusieurs reprises mais ne quitte pas la ville de Puteaux. De la rue des Pavillons, les usines passent à la rue Ernest (1894) puis au quai National (1899-1900) au bord de la Seine et près de la voie ferrée. Chacun de ces déplacements coïncide avec une restructuration de la société. Ainsi depuis 1889 Albert de Dion finançait à titre personnel des recherches sur le moteur à pétrole. Lorsqu’il est sur le point d’aboutir en 1893, Charles Trépardoux, fervent vaporiste, décide de quitter ses associés. Albert de Dion et Georges Bouton forment une nouvelle société et lui donnent pour raison sociale : « Société de Dion-Bouton », 12 rue Ernest à Puteaux. Curieusement il faut attendre le 29 janvier 1895 pour que soit déposée la marque « De Dion-Bouton » au greffe du tribunal de commerce de la Seine, « marque de dimensions, couleurs et formes variables, destinée à être apposée sur les vélocipèdes, voitures et autres véhicules »9. En septembre de la même année est présenté le célèbre moteur monocylindre de Dion-Bouton10, adopté par de nombreux constructeurs français et étrangers.
- 11 Son rôle sera de contrôler les matières premières à leur réception, d’améliorer la qualité (...)
- 12 Voir sur ce sujet le texte à paraître de notre conférence donnée le 6 novembre 1996 à l’As (...)
9En 1898, le baron de Zuylen, président de l’ACF, rejoint la société qui se transforme en commandite simple, sous l’appellation « Société de Dion-Bouton & Cie ». Plus solide financièrement, la société fait l’acquisition de nouveaux terrains en 1899. Sur ces terrains vierges, elle fait édifier les nouveaux ateliers et un laboratoire de recherche. À cette époque, les industriels éprouvent des difficultés à obtenir des métaux de grande qualité pour la jeune industrie automobile, c’est pourquoi Albert de Dion décide de créer un laboratoire et d’en confier la création et la direction à Léon Guillet (1873-1946), brillant ingénieur fraîchement émoulu de l’École Centrale (promo 1897). Ce fut le premier laboratoire de recherche et de contrôle dans l’industrie automobile française11. Cet apport de procédés scientifiques allié à une fabrication qui repose sur l’emploi de machines perfectionnées permet aux usines de Dion-Bouton de commercialiser des produits irréprochables. La Science au service de l’Industrie est un principe qui sera appliqué, et même poussé à l’extrême dans ces usines, Léon Guillet bénéficiant de moyens d’action uniques pour poursuivre ses recherches12.
- 13 Archives du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), Dossier de Dion-Bouton
10En 1908, la firme change une nouvelle fois de structure juridique et devient la « Société anonyme des établissements de Dion-Bouton » (à la même adresse, 36 quai National à Puteaux). Jusqu’en 1914 elle vit son âge d’or, avec un apogée en 1909-1910. Un tournant s’amorce dès ce moment et la société décline doucement jusqu’à sa liquidation judiciaire en 1927. Albert de Dion et Georges Bouton quittent en 1930 une firme qu’ils ont créée et dirigée sans discontinuité pendant trente années. La partie fabrication d’automobiles est reprise par Charles Lecœur (ingénieur centralien de la même promotion que Léon Guillet et directeur général des usines de 1908 à 1930), et devient « Société nouvelle des automobiles de Dion-Bouton ». Dans les années 40-50, elle se spécialise en véhicules industriels, matériel de voirie, autorails et matériel d’entreprise. En 1956, alors qu’elle produit du matériel de chemins de fer (transformation de locomotives à vapeur en Diesel), pelleteuses et réparations pour l’armée, elle subit à son tour une liquidation judiciaire13.
- 14 Albert Chichery (1888-1944), député de l’Indre de 1932 à 1942. Le 5 juin 1940, il (...)
- 15 Archives du Comité des Salons de l’automobile, Catalogues des Salons de l’automobile 1898- (...)
11Les droits d’exploitation de la marque de cycles de Dion-Bouton avaient été cédés en 1931 à M. Chichery, constructeur au Blanc dans l’Indre, qui les exploitera jusqu’en 1944, date de sa tragique disparition14. Sa maison sera reprise et deviendra SARL des anciens établissements A. Chichery, dont la fermeture effective interviendra en 196815.
L’Automobile club de France (1895-1932)
- 16 Encyclopédie des sports, sous la dir. de Daryl Philippe, 1892 (référence transmise (...)
12L’Automobile club de France va être fondé sur l’initiative d’Albert de Dion en 1895. À Paris, dans les années 1890, au moment où l’automobile fait son apparition après plusieurs années d’hésitation et de tâtonnements, les classes aisées sont à la recherche d’un nouveau loisir. Jusque-là la bicyclette avait répondu à leurs attentes, puisqu’en effet le cycle à ses débuts, était un objet très coûteux, et les cyclistes fortunés sortaient autant pour être vus que pour faire de l’exercice. Les Véloce-clubs, dont le premier fut fondé à Valence en 1868, l’Union vélocipédique de France, créée en 1881, ou encore le Touring-club de France (TCF) créé en 189016, toutes ces structures popularisèrent le cyclisme en développant de nouvelles formes de pratiques culturelles, en particulier autour des courses. En les réglementant, en homologuant les résultats, et en les publiant par voie de presse, elles donnèrent à la bicyclette un caractère de sérieux qui facilita sa diffusion comme quelque chose de fiable et donc susceptible d’être acquis.
- 17 Sur l’histoire de la vélocipédie voir l’ouvrage de Dodge Pryor, Ibidem. Il est éga (...)
13Pratiquer l’automobilisme au départ était considéré comme un divertissement luxueux, réservé aux seules classes aisées, et comme un sport pour les plus aventureux. La réussite des sociétés vélocipédiques influença les représentants de l’industrie automobile, lesquels vont tenter de s’organiser pour développer l’industrie naissante et lui trouver une clientèle. Paris, centre vélocipédique important, bien organisé, va servir en quelque sorte de tremplin à la jeune industrie de l’automobile17.
- 18 Pour l’histoire du Jockey Club de Paris, voir principalement : Roy Joseph-Antoine, Histoir (...)
- 19 Baudry de Saunier Charles-Louis, « L’Automobile club de France, Société d’encourag (...)
14L’Automobile club de France fut fondé sur ce modèle « d’encouragement par les courses » mais pas uniquement. En effet, l’ACF trouve son origine dans le « comité temporaire des courses » créé lors du concours Paris-Rouen de 1894, et réuni de nouveau pour la course Paris-Bordeaux-Paris de 1895. Le marquis et le comte de Chasseloup-Laubat voulaient à cette époque transformer ce comité temporaire en comité permanent, tandis qu’Albert de Dion souhaitait le remplacer par une Société d’encouragement. Sur ce point, l’autre élément d’influence fut le Jockey Club de Paris, beaucoup plus ancien puisqu’il datait de 1844, et dont Albert de Dion était membre. Son organisation interne, à la fois Cercle et Société d’encouragement, inspira les fondateurs de l’ACF18. Ainsi dans un contexte de produit à la mode et réservé à des élites, Albert de Dion lance en 1895 l’idée de fonder une sorte de « Jockey Club automobile » qui, comme le Jockey Club de Paris pour le cheval, réunirait les défenseurs de l’automobile et permettrait de vulgariser celle-ci par l’organisation de courses, concours, expositions ou conférences19. C’est ainsi que fut fondé l’Automobile club de France, à la fois Cercle mondain et « Société d’encouragement pour le développement de l’industrie automobile en France ». Les premières réunions constitutives eurent lieu chez Albert de Dion en son hôtel du 27 quai d’Orsay à Paris, puis l’ACF prit ses quartiers dans l’hôtel du 6 place de la Concorde, acquis en 1896.
- 20 Archives de l’ACF et Bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris, Bulletin de l’Associat (...)
15L’ACF ne se développa pas dans un esprit de totale union, car ses deux principales activités, le Cercle et la Société d’encouragement, regroupaient des personnes aux goûts divers, aux vues et projets très distincts. C’est ainsi qu’en 1903, les « cercleux » réunis autour du baron de Zuylen, président de l’ACF, décidèrent de ne plus encourager financièrement l’automobile mais de privilégier le Cercle, lieu de divertissements et de jeux. En évitant tout conflit direct avec les membres du Cercle, Albert de Dion renforça l’activité d’encouragement par la création d’une filiale – l’Association générale automobile (AGA) – destinée à tous les automobilistes, y compris les femmes. L’AGA donna un nouvel élan à la Société d’encouragement grâce à l’adhésion de très nombreux adeptes d’horizons divers20. La pratique automobile cessa d’être personnifiée uniquement par des gens fortunés, membres du « Tout-Paris » et des cercles mondains. C’est là un aspect de l’ACF très peu connu des historiens et du grand public.
- 21 Idem.
16Néanmoins la désunion entre Albert de Dion et les « cercleux », amorcée en 1903, se transforma en véritable crise interne. Le refus du baron de Zuylen de soutenir financièrement l’automobile par le biais de l’ACF fut tel que de Dion, par ailleurs président de la « Chambre syndicale de l’automobile et des industries qui s’y rattachent », n’eut d’autre choix que de quitter l’hôtel de la place de la Concorde en 1911. Mais l’élan était donné tant les activités déployées par l’AGA avaient été multiples : création d’un service contentieux et d’un Office de tourisme en 1902, mise au point et installation de poteaux indicateurs d’obstacles agréés par les ministères de l’Intérieur et des Travaux publics en 1903 (ces panneaux étaient plus lisibles que ceux installés par le Touring club de France, qui étaient adaptés aux seuls cyclistes) ; en 1903 encore, mise en place d’un service d’assurances automobiles, puis en 1904, mise en place d’examens de chauffeurs et délivrance de diplômes de mécaniciens. À cela s’ajoutent de multiples avantages et réductions offerts aux automobilistes pour leurs approvisionnements en carburant ou pièces détachées par exemple21.
La « Chambre syndicale de l’automobile et des industries qui s’y rattachent » (1898-1932)
17Après avoir créé une Société d’encouragement pour l’industrie automobile qui réunit ses premiers défenseurs et regroupe les « consommateurs », Albert de Dion juge nécessaire de regrouper les industriels des différentes branches qui composent l’industrie automobile, et décide de doter celle-ci d’une Chambre syndicale. En effet, l’automobile, comme le cycle à ses débuts, est soumise à des règlements administratifs et des taxes (circulation, accessoires, carburants, réfection des routes nationales, etc.) de plus en plus nombreux qui freinent son développement. Pour répondre à ces contraintes de toute nature, l’action des professionnels de l’automobile doit être unie et seul un groupement comme celui des syndicaux patronaux peut y répondre.
- 22 Au siège social de l’ACF.
- 23 Archives du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), « Statuts de la (...)
18C’est donc le 20 mai 1898 que fut réunie par Albert de Dion, 4 place de l’Opéra à Paris, l’assemblée constitutive de la CSA22. Les 28 personnes présentes, représentaient toute l’industrie du cycle ou de l’automobile. Les statuts de la Chambre syndicale, adoptés ce jour-là, avaient pour but essentiellement de « créer un centre d’action puissant, propre à favoriser la construction et la vente de véhicules, moteurs, etc. », et « d’être auprès des pouvoirs publics et administrations (douanes, octroi, compagnies de chemins de fer, Chambres de commerce, syndicats, etc.) le défenseur et le protecteur des intérêts de ses membres en tous pays23 ».
- 24 L’essence et l’huile étaient vendues à l’époque par les droguistes. À partir de 1903, cert (...)
- 25 Archives du CCFA, « La Chambre syndicale des constructeurs d’automobiles », La Loc (...)
19Tous les acteurs de cette nouvelle industrie furent concernés, autant constructeurs que carrossiers, fabricants de caoutchouc et de pneumatiques, ingénieurs-mécaniciens, électriciens, fondeurs, fabricants de pièces détachées, mais aussi agents, négociants en automobiles et représentants de garages, une diversité de métiers représentant les diverses branches de l’industrie automobile et des industries et commerces qui s’y rattachent24. Cette variété de métiers amène la CSA à créer en 1905 des sections professionnelles afin de mieux gérer les problèmes de chacun. Seront essentiellement abordées les questions d’ordre technique, commercial ou social : problèmes d’unification des dimensions des éléments automobiles, de la législation des courses, des débouchés en France et à l’étranger, classement de l’industrie automobile comme industrie dite saisonnière, apprentissage, salaires, organisation des usines, etc. Elle aura également à faire face à l’hostilité des pouvoirs publics en matière de taxations notamment. Pendant dix années, la Chambre syndicale fonctionne de cette manière. Mais deux tendances plus ou moins perceptibles émergent progressivement : l’une conduite par Albert de Dion, qui englobe l’industrie automobile au sens large ; l’autre par Armand Peugeot (1849-1915), qui défend les seuls intérêts des constructeurs, c’est-à-dire, comme il les définit lui-même, « construisant dans leurs établissements le moteur et les principaux organes mécaniques de leurs châssis, et faisant le montage de ces châssis25 ».
- 26 Gustave Rives, né le 16 septembre 1858, fut par ailleurs administrateur de la société de D (...)
20Jusqu’en 1908, les constructeurs présentent chaque année leurs nouveaux modèles au Salon de l’automobile qu’avait créé en 1898 la Société d’encouragement de l’ACF. Organisé sous la direction générale de Gustave Rives, un proche d’Albert de Dion26, qui fut « tout à la fois ordonnateur, organisateur et architecte », le Salon se tint d’abord aux Tuileries, puis à partir de 1901 au Grand-Palais. Les dix premières années du Salon de l’automobile connurent une atmosphère d’élégance et de luxe, devenant l’événement parisien et national à la mode, attirant le Tout-Paris, les élégantes et les curieux. Ces Salons jouaient un rôle de propagande très important pour l’industrie automobile en y attirant une foule toujours de plus en plus nombreuse, et en transformant le premier sentiment de curiosité du public en réel intérêt. Une telle manifestation avait en outre de l’influence sur le rayonnement de l’industrie automobile française à l’étranger, sur la venue considérable d’étrangers à Paris à cette période, entraînant par là même un important mouvement d’affaires, et sur les pouvoirs publics. Cette splendeur des Salons connaîtra un sommet avec l’Exposition décennale de 1907 qui sera des plus somptueuses. Mais ce type d’organisation ne satisfait pas tout le monde, notamment les exposants qui investissent beaucoup pour peu de bénéfices.
21À l’issue du Salon de 1908, fut soulevée la question de la périodicité : annuelle ou bisannuelle ? Armand Peugeot réunit autour de lui pas moins de trente constructeurs pour en discuter. Comme Albert de Dion, il reconnaissait le bien-fondé des Salons, mais pour lui l’automobile n’évoluait pas suffisamment rapidement pour pouvoir présenter tous les ans de nouveaux modèles. La vision réductionniste de Peugeot, pour qui l’automobile n’est décidément qu’un châssis et un moteur accentue la divergence essentielle avec de Dion : Peugeot pense que la nouveauté ne peut venir que des constructeurs et des carrossiers, de Dion au contraire pense que l’innovation peut venir également des fournisseurs et des équipementiers et qu’il est donc nécessaire de les encourager pour faire progresser l’automobile.
- 27 C’est en 1829 qu’est créée l’École centrale des arts et manufactures qui vise à former une (...)
- 28 Archives du CCFA, Dossier « Histoire du CCFA », Procès-verbal de l’assemblée const (...)
- 29 Brunhammer Yvonne, Granet Amélie, Les Salons de l’automobile et de l’aviation : décors éph (...)
22Il en résulta dans l’immédiat l’annulation du Salon de l’automobile de 1909 et une scission au sein de la CSA. Le 16 décembre de la même année eut lieu l’assemblée constitutive de la nouvelle Chambre syndicale des constructeurs d’automobiles (CSCA), 19 rue Blanche à Paris, en l’Hôtel de la Société des ingénieurs civils de France27. Armand Peugeot en fut le président jusqu’à sa mort en 1913 ; Louis Renault lui succéda28. L’architecte André Granet (1881-1974) eut en charge la scénographie du nouveau Salon de l’automobile, et ce, jusqu’en 196829.
- 30 La FNACAT fut constituée le 31 mars 1919, regroupant sous la présidence d’Albert de Dion, (...)
23La CSA et la CSCA fonctionnèrent indépendamment l’une de l’autre, quoique sur le même registre, et ce n’est qu’en 1932, lors de la réorganisation de la Fédération nationale de l’automobile, des industries et des transports (FNACAT)30, en vue de l’unification des Chambres syndicales, qu’un rapprochement eut lieu. La CSA fut officiellement dissoute le 15 avril 1932, et ses membres furent accueillis dans l’une des sept Chambres spécialisées composant la nouvelle Fédération. De nouveau, en avril 1932, les constructeurs d’automobiles étaient tous adhérents à la CSCA.
24Finalement, le « système de Dion » correspond avant tout à l’établissement d’un réseau de relations stratégiques qui comprend tous les acteurs nécessaires à la réussite du produit automobile, c’est-à-dire les constructeurs, les représentants des industries qui s’y rattachent en amont et en aval, « les consommateurs expérimentaux » qui ont essayé les premiers véhicules construits, les coureurs-mécaniciens qui ont participé aux premiers succès, les ingénieurs qui ont permis les progrès techniques, les journalistes qui ont participé à la promotion et favorisé la pratique de ce moyen de locomotion. Son but était de promouvoir ce nouveau produit, de le soutenir pour développer une industrie dynamique, lui trouver des débouchés pour qu’il devienne un réel objet de consommation pratique, utile et bon marché, enfin, de le défendre auprès des pouvoirs publics, pour « casser » son image de simple objet de luxe.
- 31 Centre des Archives du monde du travail, Roubaix, 65AQN40 Taxis Autos de Dion-Bout (...)
- 32 Centre des Archives du monde du travail, Roubaix, 65AQM431 Société française des m (...)
25Certes de Dion connut des échecs marquants. Notons par exemple la Société des Taxis-autos de Dion-Bouton fondée en 1908 et liquidée le 9 avril 191031 ; la Société française des machines-outils (SFMO) créée en 1907 et absorbée en 1913 par les usines Bouhey32 ; le départ d’Albert de Dion de l’ACF en 1911 ; le passage de l’organisation du Salon de l’automobile en 1910 de Gustave Rives, proche d’Albert de Dion, à André Granet ; la création de la CSCA en 1910, etc.
26Mais le fait que deux éléments du système décrit ici existent encore de nos jours, sous une forme directe comme l’Automobile club de France, toujours installé dans son hôtel de la place de la Concorde à Paris, ou indirecte, comme le Comité des constructeurs français d’automobiles (l’appellation date de 1989), issu des premières Chambres syndicales de l’automobile, et situé 2 rue de Presbourg à Paris, contribuent à prouver que ce « système de Dion » a été une réelle force pour l’industrie automobile française. La crise de la maison de Dion-Bouton en 1930 ne signifie pas la fin du « système ». Respectivement âgés de 74 ans et de 83 ans au moment de leur départ, Albert de Dion et Georges Bouton n’ont plus l’envie de poursuivre leur carrière d’industriels. Le vieillissement des hommes, des structures, des outils de production, lié au déclin de l’invention et des investissements, suffisent à expliquer la fin de cette maison. Lorsque l’entreprise disparaît en 1956, le « système » perdure au travers de l’ACF et du CCFA. L’œuvre initiée par Albert de Dion à la fin du xixe siècle avec la naissance de l’industrie automobile, continue de vivre aujourd’hui, à l’aube du xxie siècle, au moment où est justement remise en cause l’automobile.
Notes
1 Cette analyse est le fruit d’une thèse en Histoire des techniques en voie d’être achevée très prochainement à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris, sous la direction de MM. Patrick Fridenson et Gérard Emptoz, provisoirement intitulée « Albert de Dion (1856-1946) et la mise en place d’un “système” au service de l’automobile en France ». Cet article constitue par ailleurs le texte remanié de deux conférences données, pour la première, le 17 octobre 1997 à l’Université de Rennes 2 lors de la journée d’étude « L’automobile, son monde, ses réseaux… », et pour la seconde, le 23 octobre 1997 au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) à Paris lors du colloque « Dix ans de formation doctorale en Histoire des techniques (1987-1997) ».
2 Gille Bertrand, Histoire des techniques, Paris, La Pléiade, 1978 ; Gille Bertrand, « La notion de “système technique” (essai d’épistémologie technique) », Technique et culture, octobre 1979, n° 1, p. 8-18.
3 Hughes Thomas P., American genesis : a century of invention and technological enthusiasm 1870-1970, New York, Penguin Books, 1989 ; Hughes Thomas P., « The Evolution of Large Technological Systems », in Bijker Wiebe E., Hughes Thomas P., Pinch Trevor J., The Social Construction of Technological Systems : New Directions in the Sociology and History of Technology, Cambridge, London, The MIT Press, p. 51-82.
4 Dupuy Gabriel, Les Territoires de l’automobile, Paris, Anthropos-Economica, 1995 ; Dupuy Gabriel, L’Automobile et la ville, Paris, Flammarion, 1995 ; Dupuy Gabriel, « The automobile system : a territorial adapter », Flux, juillet-septembre 1995, n° 21, p. 21-36. D’autres auteurs ont utilisé par ailleurs cette notion de « système automobile », prise souvent dans le sens de système technique, (constructeurs, fournisseurs, structuration des relations, etc.) mais toujours dans une vision moderne : Roos Philippe, L’Automobile, Paris, Economica, 1992 ; Chanaron Jean-Jacques, Lung Yannick, Économie de l’automobile, Paris, La Découverte, 1995.
5 Cette recherche s’inscrit dans le courant de réflexion développé depuis quelques années par le professeur Patrick Fridenson dans ses séminaires à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS, Paris), sur la notion de « système des affaires », ainsi que dans ceux de MM. les professeurs François Caron à Paris IV-Sorbonne et Yves Cohen à l’EHESS, qui développent également ces notions de « système technique », de « réseaux de relations », etc. Nous nous référons en outre à la communication inédite de François Caron, « La Naissance d’une technologie de réseau : le premier système français de chemin de fer », lors du séminaire du Centre de recherche en histoire des sciences et des techniques, Cité des sciences et de l’industrie, Paris, le 5 mars 1996 ; Conférence d’Yves Cohen sur André Citroën, Cité des sciences et de l’industrie, Paris, janvier 1995.
6 Archives de la Préfecture de police de Paris, Dossier BA 887, « Parti bonapartiste 1888-1910 ; Archives départementales de Loire-Atlantique, Dossiers d’élections cantonales 1M130, 1M139, 1M145, 3M138, Dossiers d’élections législatives, 1M107/110, 1M113/114, 1M116/118, 1M146, 1M2547, Dossiers d’élections sénatoriales, 1M94, 3M28/30 ; Jolly Jean, Dictionnaire des parlementaires français : Notices biographiques sur les ministres, députés et sénateurs français de 1889 à 1940, Paris, PUF, 1966-1977 ; André Patrick, Les Parlementaires bonapartistes de le Troisième République (1870-1940), thèse de doctorat, Université de Paris IV -Sorbonne, 1996.
7 Le premier brevet sera pris l’année suivante pour une chaudière verticale aquatubulaire (brevet n° 155206 du 1er mai 1883).
8 Bastie Jean, La Croissance de la banlieue parisienne, Paris, PUF, 1964 ; Meyer Odile, La Croissance de la commune de Puteaux entre 1880 et 1914 : étude économique, sociale et politique, mémoire de maîtrise, Université de Nanterre, 1976 ; Isobe Keizo, Problèmes d’évolution économique dans la banlieue ouest de Paris : Puteaux et Suresnes durant la guerre de 1914-1918 et pendant l’entre-deux-guerres, Thèse de 3e cycle, Université de Paris-Sorbonne, 1982 ; Fontanon Claudine, « L’Industrialisation de la banlieue parisienne (1860-1960) », in Fourcault Annie (dir.), Un Siècle de banlieue parisienne (1859-1964) :guide de recherche, Paris, L’Harmattan, 1988, p. 49-77 ; Hauts-de-Seine, Paris, Bonneton, 1990; Deschamps Pierre (dir.), Chabot Anne, Souvenirs de Puteaux, Puteaux, Mairie de Puteaux, 1994.
9 Institut national de la propriété industrielle (INPI), Fonds d’archives de l’Institut de l’homme et de la technologie (IHT), Nantes (rue Christian Pauc -La Chantrerie -44087 Nantes Cedex 03), Recueil des marques, volume 1895, p. 65.
10 Brevet n° 250259 du 19 septembre 1895 pour « un dispositif de commande d’allumage électrique pour les moteurs à explosion ». Ce brevet permet au moteur d’atteindre une vitesse de rotation de 2 000 tr/mn ; jusque-là les moteurs tournaient autour de 5 à 600 tr/mn.
11 Son rôle sera de contrôler les matières premières à leur réception, d’améliorer la qualité des produits fabriqués et les méthodes de travail, de permettre des recherches sur les métaux, sur les nouveaux produits de la maison, et d’autres encore, débordant parfois le cadre de l’industrie automobile. Concernant l’industrie automobile, les usines de Dion-Bouton sont pionnières dans ce domaine en créant leur laboratoire dès 1899. Elles seront suivies très peu de temps après, par celui de la firme Panhard & Levassor. Celle-ci recrute en effet en 1900 comme administrateur (en remplacement de Daimler, décédé) un certain Paul Ménard-Dorian (1847-1907) qui, en 1876, avait pris la direction des aciéries Holtzer à Unieux, près de Saint-Étienne. Elles furent sous son autorité les premières à développer les aciers spéciaux pour les besoins militaires et industriels, et notamment pour l’industrie automobile. Renault aura son premier laboratoire en 1903.
12 Voir sur ce sujet le texte à paraître de notre conférence donnée le 6 novembre 1996 à l’Association des Centraliens à Paris, dans le cadre de la Journée de commémoration pour le cinquantenaire de la disparition de Léon Guillet, « Léon Guillet (1873-1946) pionnier de la science industrielle », et intitulée « Le laboratoire des usines de Dion-Bouton, pionnier de la recherche industrielle dans l’industrie automobile en France, sous la direction de Léon Guillet ».
13 Archives du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), Dossier de Dion-Bouton.
14 Albert Chichery (1888-1944), député de l’Indre de 1932 à 1942. Le 5 juin 1940, il fut nommé ministre du Commerce et de l’Industrie, et le 16 juin de la même année, ministre de l’Agriculture et du Ravitaillement. Au Congrès de Vichy, il votera les pouvoirs constituants demandés par le Maréchal Pétain. Il sera assassiné en août 1944 près de sa propriété de Madrolles au Blauc. D’après Jolly Jean, Ibidem.
15 Archives du Comité des Salons de l’automobile, Catalogues des Salons de l’automobile 1898-1970 ; Archives privées Gérard Cazobon.
16 Encyclopédie des sports, sous la dir. de Daryl Philippe, 1892 (référence transmise par Xavier Noel) ; Davin de Champclos G., « Le Touring-club de France », La Vie au grand air, 1898, p. 114-116 ; Viollette Marcel, « L’Hôtel du Touring-club », La Vie au grand air, 1904, p. 84-86 ; Seray Jacques, Deux roues, La Véritable histoire du vélo, Rodez, Éd. du Rouergue, 1988 ; Goujon Paul, Cent ans de tourisme en France, Paris, Le Cherche Midi éditeur, 1989 ; Gaboriau Philippe, « Les trois âges du vélo en France », Vingtième siècle, janvier-mars 1991, 29, p. 17-33 ; Dodge Pryor, La Grande histoire du vélo, Paris, Flammarion, 1996.
17 Sur l’histoire de la vélocipédie voir l’ouvrage de Dodge Pryor, Ibidem. Il est également intéressant de se référer à la quatrième partie, consacrée au cyclisme, de l’ouvrage collectif de Baudry de Saunier Charles-Louis, Dollfus Charles, Geoffroy Edgar de, Histoire de la locomotion terrestre, Paris, L’Illustration, 1942, p. 155-210, ainsi qu’à l’article de Gaboriau Philippe, Art. cit.
18 Pour l’histoire du Jockey Club de Paris, voir principalement : Roy Joseph-Antoine, Histoire du Jockey Club de Paris, Paris, Libr. Marcel Rivière & Cie, 1958.
19 Baudry de Saunier Charles-Louis, « L’Automobile club de France, Société d’encouragement au Sport et à l’Industrie automobiles », Les Sports modernes, juin 1899, p. 20-24 ; « Fondation de l’Automobile club de France : les circonstances de sa création », L’Auto, 1901, p. 1 ; Archives de l’Automobile club de France (ACF), Dion Albert de, « Souvenirs sur la fondation de l’Automobile Club de France », Bulletin de l’ACF, juin 1935, p. 10-12 ; Baudry de Saunier Charles-Louis, Dollfus Charles, Geoffroy Edgar de, Ibidem, p. 296-301 ; Lemerle Jean-Louis, Histoire de l’Automobile club de France et de ses hôtels, place de la Concorde, Paris, Impr. Vincent, 1987.
20 Archives de l’ACF et Bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris, Bulletin de l’Association générale automobile, 1902-1914.
21 Idem.
22 Au siège social de l’ACF.
23 Archives du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), « Statuts de la Chambre syndicale de l’automobile et des industries qui s’y rattachent », Bulletin officiel de la CSA, mai 1899, n.p. ; Dossier « Histoire du Comité des constructeurs français d’automobiles », Statuts de la CSA.
24 L’essence et l’huile étaient vendues à l’époque par les droguistes. À partir de 1903, certains constructeurs comme de Dion-Bouton et Renault par exemple, fabriquèrent leur huile.
25 Archives du CCFA, « La Chambre syndicale des constructeurs d’automobiles », La Locomotion, 1910-1, p. 11-13.
26 Gustave Rives, né le 16 septembre 1858, fut par ailleurs administrateur de la société de Dion-Bouton & Cie, vice-président du conseil d’administration de la Société française de machines-outils, membre du conseil d’administration de l’ACF, vice-président de l’AGA, membre du comité de l’Aéro-club de France, du comité technique du TCF, etc. Le 9 août 1900 il fut nommé chevalier de la légion d’honneur, et élevé au grade d’officier, le 10 août 1903. Il était également officier de l’Instruction publique et du Mérite agricole. D’après : Baudry de Saunier Charles-Louis, Annual Baudry de Saunier, Paris, Impr. Pochy, 1906, p. 492-493.
27 C’est en 1829 qu’est créée l’École centrale des arts et manufactures qui vise à former une nouvelle catégorie d’ingénieurs qui seront dénommés civils pour les distinguer des ingénieurs d’État (répartis dans divers corps, militaires mais aussi civils, tels les Ponts et chaussées, Mines Télégraphes, etc.), et qui sont destinés à appliquer leur savoir à l’industrie privée. C’est dans ce vivier d’ingénieurs nouveaux que l’industrie automobile va en particulier recruter. C’est en 1848 que des Centraux créeront une Société centrale des ingénieurs civils, rebaptisée peu après Société des ingénieurs civils de France, ouverte à tous ceux qui pouvaient revendiquer l’appellation d’ingénieur civil (diplômés de Centrale, des Écoles d’arts et métiers, mais aussi d’éventuels polytechniciens passés au service du privé). La Société acceptait également les industriels et toutes les personnes s’occupant de façon plus générale de sciences et techniques en rapport avec l’art de l’ingénieur. D’après : Verin Hélène, « Le mot ingénieur », Culture technique, 1984, n° 12, p. 19-27, Ribeill Georges, « Entreprendre hier et aujourd’hui la contribution des ingénieurs », Culture technique, 1984, n° 12, p. 77-90, Jacomy Bruno, « À la recherche de sa mission : la Société des ingénieurs civils », Culture technique, 1984, n° 12, p. 209-216.
28 Archives du CCFA, Dossier « Histoire du CCFA », Procès-verbal de l’assemblée constitutive du 16 décembre 1909.
29 Brunhammer Yvonne, Granet Amélie, Les Salons de l’automobile et de l’aviation : décors éphémères d’André Granet, Paris, Norma, Institut français d’architecture, 1993.
30 La FNACAT fut constituée le 31 mars 1919, regroupant sous la présidence d’Albert de Dion, 15 syndicats professionnels de l’automobile, du cycle, de l’aéronautique et des industries s’y rattachant, les intérêts particuliers étant défendus par les Chambres syndicales groupées par spécialité en sections spéciales. Auparavant avait été constituée le 23 novembre 1917, la Fédération de l’automobile, du cycle, de l’aéronautique et des sports (FNACAS) sous la présidence d’Albert de Dion, groupant 9 syndicats professionnels, mais la CSCA resta en dehors de ce groupement étant pour le principe de la spécialité (chaque spécialité étant représentée par un seul groupement professionnel). Il faut attendre l’arrivée du baron Charles Petiet à la présidence de cette Chambre syndicale le 23 mars 1918, pour qu’un terrain d’entente soit trouvé entre celle-ci et la FNACAS. Ces négociations eurent comme résultat la dissolution de la FNACAS le 31 mars 1919 et la création de la FNACAT le même jour. Finalement, le 7 octobre 1931, la FNACAT sera dissoute et réorganisée le 16 février 1932 en Fédération nationale de l’automobile, du cycle, de l’aéronautique et des industries qui s’y rattachent, en vue de l’unification des Chambres syndicales.
31 Centre des Archives du monde du travail, Roubaix, 65AQN40 Taxis Autos de Dion-Bouton. Il s’agit d’une société indépendante de la SA des établissements de Dion-Bouton, qui ne sont que les fournisseurs, et qui a pour objet l’exploitation de voitures automobiles de place aux mêmes tarifs que les fiacres à chevaux.
32 Centre des Archives du monde du travail, Roubaix, 65AQM431 Société française des machines-outils, 65AQM61 Société Bouhey. La SFMO avait pour objet la fabrication de machines-outils, petit outillage et instruments destinés à la fabrication de la mécanique en général, et en particulier, à celle se rattachant à l’industrie de l’automobile et du cycle, ainsi que la vente et le commerce de tout ce qui se rapporte à ces machines et outillage, l’exploitation de brevets et licences. La SFMO fut fondée par Albert de Dion avec Gustave Rives, M. Dujardin-Beaumetz, le baron de Zuylen, Paul Martin du Gard, M. de Lapisse (Crédit Mobilier Français), Monard (Aster), de Turckheim (Sté de Diétrich), Mors, Marius Martin (ancien député), le baron Reille (métallurgie). L’usine de 12000mq était située 160 boulevard Victor-Hugo à Saint-Ouen. Elle fusionnera en 1913 avec les Usines Bouhey, qui seront absorbées l’année suivante par la SOMUA (Société d’outillage mécanique et usinage d’artillerie).
Table des illustrations
![]() | |
---|---|
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/16223/img-1.png |
Fichier | image/png, 742k |
© Presses universitaires de Rennes, 1997