Introduction à la deuxième partie
p. 123-124
Texte intégral
1Tournant définitivement une page de son existence, Alfred Grandidier vit une véritable mue en 1871 : du jeune homme de terrain qui amassait des informations aux quatre coins du monde émerge l’homme fait, l’homme de laboratoire qui analyse ses données puis construit méthodiquement son discours scientifique et ses théories. Le voici maintenant prêt à se bâtir une carrière relativement hors normes, en capitalisant sur la masse conséquente de ses collectes de terrain, mais aussi en élaborant une stratégie adroite et délibérée. Nous assistons à une ascension irrépressible car habilement menée, mêlant constamment l’assurance, l’excellence scientifique, les relations sociales, le pouvoir, l’argent. Cette judicieuse construction aboutit à la position d’autorité incontestée et maintes fois sollicitée quoique très indépendante à laquelle Alfred Grandidier a toujours aspiré. Avec une intuition et une capacité de prospective qui n’exclut pas des aveuglements typiques de son époque, l’ancien explorateur se forge une qualité d’expert scientifique, figure de la modernité qui deviendra incontournable dans les sociétés européennes contemporaines. Cette expertise le propulse hors du strict champ des sciences pour investir celui de la politique, où sa voix est particulièrement respectée. Comme le résume parfaitement son collègue et admirateur Alfred Lacroix :
« Alfred Grandidier eut le mérite de savoir devenir l’Homme de Madagascar, celui que durent nécessairement consulter tous ceux qui avaient besoin de se renseigner sur une quelconque question regardant la Grande Île ou qui voulaient l’explorer à leur tour ; à ceux-là il livrait avec libéralité toute sa documentation. Réciproquement, ce fut vers lui qu’il attira le flot, chaque année de plus en plus pressé, de tout ce qui s’observait et se recueillait à Madagascar. Sachant reconnaître les services rendus par ses collaborateurs et les collecteurs d’outre-mer, il eut le talent d’en trouver et d’en susciter un grand nombre qui l’aidèrent puissamment à recueillir les éléments des diverses parties de son ouvrage1. »
Notes de bas de page
1 Alfred Lacroix, article nécrologique paru dans l’American Geographical Society, 1923/7.
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