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    Plan détaillé Texte intégral La république doit être parlementaire La République doit être dotée d’un régime d’équilibre des pouvoirs avec un Président politiquement responsable Notes de bas de page Auteur

    Les Dix décisives

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Quelle constitution pour la république conservatrice ?

    Alain Laquièze

    p. 269-282

    Texte intégral La république doit être parlementaire La République doit être dotée d’un régime d’équilibre des pouvoirs avec un Président politiquement responsable Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    « Nous avons cru mieux entrer dans votre pensée en nous attachant à concentrer fortement le pouvoir et en constituant un gouvernement qui pût résister à tous les chocs et triompher de tous les obstacles. À ces conditions seulement, la République peut être conservatrice, et tant qu’elle sera conservatrice, mais pas au-delà, elle sera durable1. »

    1Le terme de « république conservatrice » est popularisé par Thiers dans deux discours prononcés en 1872, l’un le 12 juillet, l’autre lors du message à l’Assemblée du 13 novembre 1872. Dès le 12 juillet 1872, Thiers se dévoile : « Je ne sais quelle sera la forme future du gouvernement, mais, si j’y puis quelque chose, ce sera la République conservatrice, oui la République profondément conservatrice2… » Dans le message du 13 novembre 1872, le chef de l’État expliquera que « la République sera conservatrice ou ne sera pas3 ».

    2L’expression devient à la mode dans le discours politique des années 1872-1873. On la trouve dans l’enceinte parlementaire, dans les journaux, dans les revues, notamment la Revue des deux mondes, dans le titre de certaines brochures telle que celle du député centre gauche Ernest Duvergier de Hauranne4. Peu avant les discours précités de Thiers, des termes différents, mais voisins avaient déjà été employés : on peut songer à la brochure d’Émile de Marcère, La république et les conservateurs5, à La république constitutionnelle du juriste Édouard Laboulaye6 ou à la « république stable » que l’on trouve sous la plume d’Émile de Laveleye7. Très à la mode dans les discours politiques du début des années 1870, la république conservatrice devient un slogan pour le centre gauche et son nom est même utilisé pour fonder une réunion parlementaire au début de 1873, lancée par Auguste Casimir Perier8. Apparue soudainement dans le paysage politique, elle ne survit guère au-delà de la décennie 1870 et de la mise en place de ce qu’il est convenu d’appeler la Constitution Grévy9.

    3Lorsque Thiers utilise la formule en 1872, celle-ci est vivement contestée à l’Assemblée, notamment par la droite qui accuse Thiers, non sans raison, de déchirer le pacte de Bordeaux qui pouvait apparaître, avant même les lois constitutionnelles de 1875, comme un compromis dilatoire. On peut imaginer en effet qu’accoler deux termes aussi contradictoires que « République » et « conservateur » ait pu être une hérésie pour les républicains de la veille, en tout cas pour les républicains de 1848. La république apparaît, dans la culture politique de l’époque, comme un régime progressiste, un projet politique, un idéal démocratique et égalitaire, mais non comme une prise en compte d’un état de fait, voire comme un dispositif de stabilisation sociale.

    4La « république conservatrice », telle qu’elle est définie par un Thiers ou un Ernest Duvergier de Hauranne, revêt d’abord un sens politique. Elle est conçue comme un intermédiaire entre la monarchie et la république radicale. Elle doit être aussi dégagée des passions et des illusions républicaines. Son mot d’ordre est « De la modération, de la modération, encore de la modération », nous dit Duvergier de Hauranne10, paraphrasant, en la retournant, la formule de Danton. En somme, la république conservatrice est le contraire de la république radicale. Elle doit permettre de conserver l’ordre légal, la paix sociale et les libertés publiques, ce qui revient, en particulier pour ces dernières, à défendre l’héritage de 1789.

    5L’objectif des tenants de la république conservatrice est aussi d’ancrer la république dans la culture politique française : cet argument circulaire consistant à dire qu’il faut adopter la république conservatrice pour conserver la république peut paraître étonnant au premier abord. Mais il est tout à fait compréhensible, si l’on appréhende ce qu’ont en tête Thiers et ses amis du centre gauche11 : il faut arrêter le provisoire, donner un terme à une Assemblée constituante qui semble s’éterniser et qui n’accouche pas des institutions qu’elle était pourtant censée élaborer. Cette assemblée constituante toute puissante tend à mettre en place de facto un régime conventionnel de type 1793, ce dont les modérés du centre gauche ne veulent pas. C’est pourquoi ils souhaitent doter la République d’institutions définitives et ils recherchent pour ce faire le soutien du centre droit, c’est-à-dire des orléanistes. La conjonction des centres est par exemple le projet d’Auguste Casimir-Perier qui est celui de réunir les modérés. Lors de la séance qui se tient à l’Assemblée le 24 mai 1873 et qui aboutit à la chute de Thiers, Casimir-Perier déclare : « Le provisoire est à nos yeux non pas l’unique, mais la principale cause du trouble des esprits […] La France veut être gouvernée ; elle comprend qu’elle ne peut l’être fermement par un gouvernement précaire et contesté, dont l’existence même est mise chaque jour en question12. »

    6En d’autres termes, la république conservatrice, n’est pas seulement un projet politique mais elle est aussi un projet constitutionnel. Quel est son contenu ? Thiers s’en explique dans deux discours, celui du 4 mars 1873 dans lequel il discute le projet de Broglie qui aboutira à la loi du 13 mars 1873 et celui du 24 mai 1873, juste avant sa chute. Il est à noter que ce deuxième discours est une présentation du projet constitutionnel Thiers-Dufaure, publié au Journal officiel le 20 mai. Ce texte, passé inaperçu à l’époque, peut être vu comme la charte constitutionnelle de la république conservatrice13.

    7Pour Thiers, il est désormais impossible de rétablir la monarchie. La première raison qu’il avance est liée à la multiplicité des prétendants au trône de France : « Il n’y a qu’un trône et l’on ne peut pas l’occuper à trois14 » explique-t-il, soulevant l’hilarité à gauche. En outre, il constate que la droite reste silencieuse sur le sujet, car elle sent bien qu’elle n’est pas en mesure d’imposer le retour de la monarchie. Dans ces conditions, comment lui, Thiers, pourrait l’imposer ?

    8Le chef de l’État estime encore qu’il est désormais impossible de remettre en cause le suffrage universel ou même de le restreindre comme l’avait fait l’Assemblée Nationale de la Deuxième République, le 31 mai 1850. Il faut juste l’organiser pour empêcher notamment des personnes frappées d’incapacité morale de pouvoir voter. Thiers défend en outre un régime politique qui emprunte au parlementarisme, mais qui ne serait pas déséquilibré en faveur du parlement.

    9Cette philosophie constitutionnelle de la République conservatrice de Thiers et de ses amis peut être résumée autour de deux idées : la République doit être parlementaire (I) ; la République doit comporter un régime d’équilibre des pouvoirs avec un Président politiquement responsable (II). Il s’agit là d’une conception libérale et modérée d’un système républicain.

    La république doit être parlementaire

    10Cette affirmation apparaît évidente pour un constitutionnaliste du début du xxie siècle, habitué à voir dans de nombreux États européens, des Républiques qui ont adopté le parlementarisme. Ce ne l’était pas du tout pour les hommes de 1870, pour qui le régime parlementaire était applicable d’abord et avant tout dans une monarchie constitutionnelle de type britannique : c’est d’ailleurs ce qu’avaient voulu implanter les libéraux français sous la Restauration et qui avait commencé à être mis en application, avec beaucoup de tâtonnements, au cours de la Monarchie de Juillet.

    11Pour les contemporains de Thiers en 1870, la forme républicaine se décline selon les trois modèles suivants. D’abord, le modèle français qui est celui d’un régime conventionnel, dont la référence ultime est la constitution montagnarde de 1793, et que l’on retrouve chez les républicains radicaux des années 1870, tels que Jules Barni, Jules Grévy et Alfred Naquet15, avant d’inspirer largement la pratique institutionnelle à partir de 1879. Le deuxième modèle est celui de la République américaine, marquée par un système de balance entre trois pouvoirs distincts et dont le président est élu au suffrage universel quasi direct. Le régime américain a exercé une influence certaine sur les constituants de 1848, parmi lesquels Tocqueville a joué un rôle important, et conserve une aura importante chez certains républicains modérés, tels que Laboulaye. Enfin, même s’il est moins évoqué dans les débats français, le modèle de la république fédérale suisse, avec son régime directorial, a également droit de cité, d’autant que la constitution de la Confédération, adoptée le 18 septembre 1848, fait l’objet de vives discussions à partir des années 1860 qui aboutissent à une révision totale en 187416.

    12Les tenants de la république conservatrice rejettent le modèle français du régime conventionnel. Pour eux, l’histoire française a montré, en 1793 notamment, le caractère irréaliste de ce régime qui produit à la fois l’instabilité politique et la toute-puissance d’une assemblée qui devient rapidement tyrannique. Et ils condamnent l’oppression des libertés individuelles, au nom de la souveraineté de la nation.

    13Le modèle américain est plus discuté par les républicains conservateurs. Édouard Laboulaye, le grand représentant de l’école américaine et membre du centre gauche, élabore en 1872 un projet de constitution qui fait la part belle au système politique outre-Atlantique. Il envisage ainsi un Président qui pourrait éventuellement être élu au suffrage universel et qui disposerait d’un droit de veto surmontable par les chambres mais qui ne disposerait pas du droit de dissolution de la chambre basse ; il évoque également un Vice-Président à la tête du Sénat et un Parlement bicaméral qui a l’initiative et le vote de la loi, ainsi que la possibilité de destituer le chef de l’État, selon une procédure qui emprunte à l’impeachment américain, mais qui prévoit uniquement la destitution de ce dernier pour cause politique17.

    14Thiers ne cache pas en 1873 qu’un système qui emprunterait au moins pour partie ses institutions au régime politique américain, en particulier un président élu par le peuple, a ses préférences pour une république18. Mais les républicains conservateurs savent que la transposition même partielle de ce modèle est impossible pour une raison liée à l’histoire française : l’élection du Président au suffrage universel direct a porté au pouvoir Louis-Napoléon Bonaparte en 1848 et a conduit au coup d’État du 2 décembre. Une raison structurelle est aussi parfois avancée pour le rejet de l’exemple outre-Atlantique : l’existence de deux pouvoirs électifs qui n’ont pas de pouvoir d’action réciproque l’un par rapport à l’autre risque d’aboutir à la paralysie institutionnelle et à une guerre entre l’exécutif et le législatif, susceptible d’aboutir à un coup d’État. Dans un État centralisé comme la France, une telle situation aurait un impact considérable sur l’ensemble de la société française. C’est pourquoi, et les républicains conservateurs rejoignent sur ce point les radicaux, l’hypothèse américaine est rejetée19.

    15Enfin, le modèle directorial qui est celui de la Suisse, mais qui avait été à l’œuvre dès l’an III avec le régime du Directoire, est également écarté par les partisans de la république conservatrice qui avancent des arguments précis. Ce type de régime est sans doute bon pour une république fédérative et une démocratie de petite taille. Il ne l’est pas pour un grand pays centralisé, car il produit un exécutif instable et divisé. La dimension collégiale du pouvoir exécutif dans un régime directorial nuit à son efficacité. La collégialité, source de délibération, est dévolue au parlement. L’exécutif en revanche doit être un pour être efficace20.

    16Dès lors, et finalement par un procédé d’éliminations si l’on peut dire, il reste le régime parlementaire. Mais la question se pose alors de savoir si le parlementarisme peut être compatible avec un régime républicain. Cette compatibilité avait été envisagée dès le Second Empire, aussi bien par des tenants de la République tels qu’Étienne Vacherot et Édouard Laboulaye que par des partisans d’une monarchie orléaniste comme Victor de Broglie et Prévost-Paradol. Ces auteurs se retrouvaient sur la nécessité d’avoir un pouvoir exécutif dont les missions ne se réduisent pas à une simple exécution de la loi, mais s’analysent comme une fonction gouvernante21. Ils étaient aussi d’accord sur l’idée selon laquelle l’exécutif devait être responsable politiquement. Ils se divisaient néanmoins sur l’organisation de ce pouvoir exécutif, les républicains étant favorables à un organe unique cumulant les fonctions de chef d’État et de gouvernement22, alors que les monarchistes orléanistes envisageaient un exécutif bicéphale composé d’un Président irresponsable et d’un Premier ministre responsable politiquement devant la chambre basse23. Leurs positions étaient également divergentes quant à la composition du parlement, les partisans de la République étant plutôt favorables à un parlement monocaméral, alors que les orléanistes inclinaient pour le bicaméralisme, ainsi que pour le droit de dissolution de la chambre, qu’ils étaient les seuls à soutenir.

    17Les tenants de la république conservatrice sont les héritiers de ces réflexions qui envisagent de transposer le parlementarisme dans un système républicain. Mais ils sont attentifs à ce qu’une République parlementaire ne débouche pas sur un régime d’assemblée. C’est pourquoi ils souhaitent un régime d’équilibre des pouvoirs, comportant en particulier un Président responsable politiquement.

    La République doit être dotée d’un régime d’équilibre des pouvoirs avec un Président politiquement responsable

    18Les proches de Thiers sont en effet confrontés sur la question institutionnelle au dilemme suivant : la république telle qu’elle a été jusqu’alors pratiquée en France a abouti à une domination de l’assemblée, justifiée théoriquement par le principe de la souveraineté nationale. Le régime parlementaire, en ce qu’il prévoit un étroit contrôle de l’exécutif par le parlement, est également susceptible de soumettre l’exécutif au pouvoir législatif, de surcroît si ce dernier est composé d’une seule chambre.

    19C’est pourquoi pour éviter la soumission de l’exécutif, les hommes du centre gauche souhaitent doter cette république parlementaire d’un système d’équilibre des pouvoirs qui emprunte, pour une large part, ses institutions et ses procédures au régime qui avait été à l’œuvre sous la monarchie de Juillet. Auguste Casimir-Perier avait du reste averti dès le Second Empire : « Il faut donc voir, dans la séparation des pouvoirs, la première condition de la liberté et, dans la pondération des pouvoirs, le seul moyen de préserver la liberté de se perdre dans la licence et dans l’anarchie ou d’être détruite par le despotisme24. » Cette pondération des pouvoirs se traduisait, pour Casimir-Perier, par l’existence d’un pouvoir exécutif bicéphale composé d’un Chef de l’État irresponsable et d’un cabinet responsable politiquement, ainsi que d’un parlement bicaméral, reprenant ainsi le schéma institutionnel de la monarchie orléaniste.

    20On retrouve des préoccupations similaires chez Laboulaye dans ses Lettres politiques et chez Duvergier de Hauranne dans La république conservatrice, chez Thiers dans ses deux discours du 4 mars et du 24 mai 1873, et dans le projet de constitution Thiers-Dufaure du 20 mai 1873. Ce texte qui comportait la philosophie constitutionnelle des républicains conservateurs ne put être discuté à l’Assemblée constituante, du fait de la chute de Thiers le 24 mai 187325. Rémusat qui en avait rédigé l’exposé des motifs sentait bien que le gouvernement de Thiers ne disposait pas d’une majorité solide à l’Assemblée pour faire adopter le projet26. Les membres de l’Assemblée n’étaient tout simplement pas prêts à s’engager dans un tel travail constituant, ainsi qu’a pu le noter un fin observateur de la période, Daniel Halévy : « les passions étaient trop excitées, l’attente d’un grand duel oratoire trop vive, et les esprits étaient mal disposés à lire une longue étude de droit constitutionnel27. » Pourtant ajoute-t-il, « le projet de Thiers est […] d’un vif intérêt. Il semble bien que la France était alors fort malléable, indifféremment conservatrice, césarienne ou républicaine au sens où ce mot est aujourd’hui reçu28. » Et il voit dans ce texte « les perspectives d’une République fort différente de la nôtre et dont l’essai eût sans doute profondément changé nos risques et nos chances29 ».

    21Le projet de constitution Thiers-Dufaure ne comporte qu’un exposé des motifs et 16 articles relatifs à l’organisation et aux compétences de trois institutions politiques : le Sénat, la Chambre des représentants et le Président de la République, chef du pouvoir exécutif. Il ne contient en revanche ni déclaration des droits, ni dispositions sur le pouvoir judiciaire ou sur l’organisation administrative, ni d’article consacré à la révision constitutionnelle. Par sa brièveté et par le choix qui est fait du parlementarisme, le projet exprime une conception modeste de la constitution qui relativise l’importance du texte écrit par rapport au jeu des usages politiques. En cela, il se rapproche davantage du modèle britannique de constitutionnalisme que du constitutionnalisme artificialiste et volontariste qui se déploie sous la Révolution. Il s’inscrit dans une culture prudentielle du droit constitutionnel qui est à l’œuvre au cours de la décennie 1870 et qui marquera en particulier l’écriture des lois constitutionnelles de 187530.

    22Le projet Thiers-Dufaure avance trois grandes propositions institutionnelles : un parlement bicaméral, un président, chef unique de l’exécutif doté de pouvoirs effectifs et disposant d’une autonomie par rapport au parlement, enfin le droit de dissolution accordé au président, avec l’accord du Sénat.

    231/ Un parlement bicaméral. Il est composé d’un Sénat composé de 265 membres élus au suffrage universel direct au niveau du département pour dix ans, avec un renouvellement partiel tous les deux ans et d’une Chambre des représentants de 537 membres élus au suffrage universel au scrutin d’arrondissement pour cinq ans31. Il s’agit d’un bicaméralisme inégalitaire, dans lequel le Sénat joue un rôle décisif. Ernest Duvergier de Hauranne parle du Sénat comme de « la clé de voûte du système politique américain32 », avant d’ajouter : « Le rôle que joue dans le système anglais l’autorité royale armée du droit de dissolution, c’est le sénat qui le remplit dans la république américaine, puisqu’il est, lui aussi, l’arbitre et le modérateur des autres pouvoirs. Placé entre la chambre des représentants, qui est réélue intégralement tous les deux ans, et le président élu pour quatre ans, le sénat se renouvelle seulement par tiers tous les deux ans ; il représente la stabilité et la tradition dans ce gouvernement où tout le reste est mobile33. » Le modèle américain, sur ce point, a exercé visiblement une influence sur les républicains conservateurs qui trouvent dans le Sénat cet organe modérateur, ou pour le dire autrement, ce pouvoir neutre, qui en république, exerce des missions similaires à celles du roi dans la monarchie britannique.

    24Son mode de désignation – les sénateurs sont élus au suffrage universel direct – et ses pouvoirs, à la fois dans l’initiative et dans l’adoption des lois ainsi que dans sa capacité de juger les poursuites en responsabilité contre le Président, le rapprochent du Sénat américain. En revanche, sa composition – l’article 5 du projet Thiers-Dufaure énonce une liste d’éligibles comportant les députés, les ministres et les hauts fonctionnaires – fait penser aux notabilités qui pouvaient seules siéger dans la Chambre des pairs de la monarchie de Juillet, en vertu de l’article 23 de la Charte de 1830, modifié par la loi du 29 décembre 1831. Dans cette configuration, le Sénat apparaît comme un allié du pouvoir exécutif, un peu sur le modèle de la chambre haute au temps de la monarchie constitutionnelle.

    252/ Les soutiens de la république conservatrice défendent également un seul chef du pouvoir exécutif qui sera un président de la République gouvernant et disposant d’une autonomie par rapport au parlement. « C’est là une question qu’on a regardée longtemps comme la plus grave difficulté de l’institution d’une République dans les grands États » écrit Charles de Rémusat dans le très riche exposé des motifs du projet Thiers-Dufaure34. Ce Président a l’initiative des lois et les prérogatives exécutives d’un chef de l’État et d’un Premier ministre, en vertu de l’article 14 du projet qui ne parle pas toutefois des nominations. Il n’évoque pas non plus l’existence du contreseing ministériel, ce qui peut éventuellement se comprendre dès lors que la responsabilité des actes du gouvernement pèse à la fois sur le Président et ses ministres. Le texte crée en réalité une triple responsabilité politique, la responsabilité présidentielle, la responsabilité individuelle et la responsabilité collective des ministres, sans préciser devant quelle institution elle s’exerce. Il est probable que pour ses auteurs, elle s’exerce devant les deux chambres, en particulier pour le Président qui ne pourrait se maintenir s’il n’a plus leur confiance35. Ce système de triple responsabilité politique était déjà celui de la loi Rivet du 31 août 1871. Il avait profité à Thiers qui allait exercer, pendant toute sa présidence, la direction effective du pouvoir exécutif.

    26L’une des innovations marquantes du projet Thiers-Dufaure est le mode de nomination du Président. Comme le précise l’exposé des motifs, il n’est pas question de faire élire le Chef de l’État par le Parlement, ce qui reviendrait à en faire une autorité subordonnée. Il n’est pas plus acceptable qu’il soit élu au suffrage universel direct car il se verrait accordé une influence excessive dans le fonctionnement des institutions. Rémusat avertit en effet : « Le suffrage universel concentré sur un seul homme fait de lui comme une personnification de la souveraineté nationale. Une telle inégalité ne saurait être sans danger introduite entre les pouvoirs publics36. » Un système d’élections à deux degrés sur le modèle américain avait été envisagé, mais il fut finalement rejeté car on savait que la pratique outre-Atlantique avait consacré que les grands électeurs disposaient d’un mandat impératif qui leur imposait de voter pour le candidat choisi par les électeurs37.

    27Une solution originale va finalement être retenue : elle consiste en ce que le Président sera désigné pour cinq ans par un Congrès composé des députés, au nombre de 537, des sénateurs qui sont 265 et de 3 représentants par conseil général. Comme il existe alors 86 conseils généraux, il y aura donc 258 représentants des conseils généraux. Ce mode de désignation permet de déconnecter la nomination du Chef de l’État du seul parlement. Même si cette élection par un collège plus large que les parlementaires ne retint guère l’attention sur le moment, on sait qu’elle ne fut pas oubliée, puisqu’on la retrouvera exposée dans le discours de Bayeux du général de Gaulle, le 16 juin 1946, et qu’elle figurera dans la Constitution de 1958.

    283/ Enfin, le projet Thiers-Dufaure prévoit un droit de dissolution de la Chambre des représentants. C’est un point important pour Thiers car cette technique permettra selon lui de résoudre un conflit entre l’exécutif et le législatif38. « Le droit de dissolution, c’est la soupape de sûreté des gouvernements parlementaires appliquée aux institutions républicaines39 », explique Duvergier de Hauranne. La France, pays centralisé, ne peut pas s’accommoder d’un conflit durable entre les institutions. Il faut donc, comme le dit Rémusat cette fois, emprunter à la monarchie constitutionnelle ce « droit conservateur ». Mais pour éviter une utilisation abusive et faire oublier son origine liée à une prérogative royale, le droit de dissolution demandé par le président devra être autorisé par le Sénat.

    « C’est un corps en quelque sorte permanent, du moins insensiblement renouvelable, supérieur aux émotions du moment et qui saura bien apprécier ce que les circonstances exigent ou comportent, et distinguer le cas où le pouvoir exécutif en entrant en lutte avec la Chambre des représentants obéit à un véritable intérêt public, des cas où il cède à l’impatience du frein40. »

    29Pour les républicains conservateurs, le droit de dissolution « rentre dans les attributions naturelles du Sénat » conçu comme un « pouvoir modérateur, régulateur, contrepoids naturel de l’autre assemblée, arbitre souverain de ses disputes avec le pouvoir exécutif41 ».

    ⁂

    30Quels enseignements peut-on tirer des propositions constitutionnelles des républicains conservateurs emmenés par Thiers ?

    311/ Leurs idées constitutionnelles témoignent qu’ils avaient réfléchi à ce que pouvait être un pouvoir exécutif dans un régime républicain. De sorte qu’il faut sans doute nuancer l’affirmation selon laquelle les monarchistes avaient seuls une conception du pouvoir exécutif, tandis que les républicains n’en auraient pas eu42. Sauf à avancer que les seuls à pouvoir être qualifiés de républicains étaient les radicaux, assertion pour le moins rapide, le centre gauche autour de Thiers avait entrepris un véritable effort de penser l’exécutif, renouant d’une certaine manière avec les réflexions entamées dès le Directoire par Germaine de Staël, Benjamin Constant et Pierre-Louis Roederer, l’inventeur de l’expression de « monarchie républicaine43 ».

    322/ La « république conservatrice », cette république entourée d’institutions conservatrices, fait assurément écho à la « monarchie républicaine » ou à la « monarchie représentative », dont on parle au début de la Monarchie de Juillet. Lafayette a évoqué dès 1830 un « trône entouré d’institutions républicaines ». Thiers déclare pour sa part dans un discours du 23 septembre 1831 que « les chambres doivent toujours être écoutées ; que, dans la forme de notre gouvernement, le pays se gouverne lui-même ; que, sous ce rapport, la monarchie représentative est la meilleure des républiques. En effet les citoyens s’assemblent ; la Chambre des députés est nommée par eux ; le pays, par ses représentants, délibère sur ses propres affaires ; il ne nomme pas les ministres, mais il les indique, il les nomme par voie d’influence44 ». Dans un autre discours du 3 octobre 1831, Thiers affirme que « la monarchie représentative, que nous voulons réaliser chez nous, se compose à la fois de royauté, d’aristocratie et de démocratie45 ». Les modérés appellent donc de leurs vœux un gouvernement mixte. Ce sera également l’avis de Victor de Broglie qui, sous le Second Empire, livrera le fond de sa pensée :

    « il n’y a pas, quant au fond même, et à la vérité des choses, deux gouvernements possibles, dans le même temps et dans le même pays. Une république qui touche à la monarchie constitutionnelle, une monarchie constitutionnelle qui touche à la république et qui n’en diffère que par la constitution et la permanence du pouvoir exécutif, c’est la seule alternative qui reste aux amis de la liberté. Toute autre république, c’est la Convention, toute autre monarchie c’est l’Empire46. »

    33Esquissant ce que pourraient être les institutions de la république conservatrice, Charles Dupont-White écrit à son tour : « vous concluez à une république ? Oui, mais à une république entourée d’institutions monarchiques, telles qu’un sénat et un pouvoir exécutif nommé aux conditions les plus rassurantes et investis des plus fortes attributions47. » Et il n’hésite pas à renvoyer à l’ouvrage de Victor de Broglie, Vues sur le gouvernement de la France, où l’on trouvera, écrit-il, « tous les développements désirables sur l’organisation et les attributions d’un sénat48 ».

    343/ La réception du projet constitutionnel de la république conservatrice, apparemment très faible sur le moment, a pourtant eu une réelle postérité. Certaines de ses institutions se retrouvent dans les lois constitutionnelles de 1875, qu’il s’agisse d’un bicaméralisme dans lequel le Sénat exerce des fonctions importantes, d’un exécutif responsable politiquement et d’un droit de dissolution appartenant à la fois au Président de la République et au Sénat. Certes, la crise du 16 mai 1877 qui va consacrer la victoire de la République radicale, et avec elle la suprématie du Parlement, écarte cette sensibilité constitutionnelle. Mais elle n’est pas oubliée dans le vaste mouvement réformiste des institutions de la Troisième République qui prend forme dès la dernière décennie du xixe siècle aussi bien dans le milieu politique – citons par exemple les figures de Jean Casimir-Perier, Alexandre Millerand, André Tardieu – que dans les Facultés de droit, comme en témoignent les écrits de Maurice Hauriou et Maurice Deslandres49. Et on peut voir dans le processus constituant de 1958 visant à restaurer l’autorité de l’État et à renforcer le pouvoir exécutif, un retour à des préoccupations, voire à un esprit qui n’est pas sans rappeler celui des républicains conservateurs de Thiers50.

    Notes de bas de page

    1 Exposé des motifs du Projet de loi sur l’organisation des pouvoirs publics, présenté par M. Thiers, Président de la République, et par M. Dufaure, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, JO 20 mai 1873, p. 3206, annexe no 1779 (séance du 19 mai 1873), reproduit dans Jus Politicum, no 22, juillet 2019, p. 179 [http://juspoliticum.com/uploads/jp22-ebook.pdf]. L’exposé des motifs a été rédigé par Charles de Rémusat.

    2 Thiers Adolphe, Discours parlementaires de M. Thiers, Paris, Calmann Lévy, 1883, t. XIV, p. 523.

    3 Ibid., t. XV, p. 28.

    4 Duvergier de Hauranne Ernest, La république conservatrice, Paris, Librairie Germer Baillière, 1873.

    5 Marcère Émile de, La république et les conservateurs, Paris, E. Lachaud, 1871.

    6 Laboulaye Édouard, La république constitutionnelle, Paris, Charpentier, 1871.

    7 Laveleye Émile de, « Des formes de gouvernement dans la société moderne », Revue des Deux Mondes, t. 96, 1871, p. 57.

    8 Sur cette réunion, voir Gros Damien, Naissance de la Troisième République, Paris, PUF, 2014, p. 57-60.

    9 Thiers l’utilise encore à la veille de sa mort. Dans son dernier texte politique, un manifeste électoral qui ne sera publié qu’après son décès, le 27 septembre 1877, il appelle à faire « […] la république honnête, sage, conservatrice, qui n’est pas impossible » (Thiers Adolphe, Discours parlementaires de M. Thiers, op. cit., t. XV, p. 693). Dans le message du 6 février 1879 qui précise le nouveau fonctionnement des institutions, le nouveau Président de la République, Jules Grévy, conclut : « C’est par cette politique libérale et vraiment conservatrice, que les grands pouvoirs de la République [il faut comprendre ici la Chambre des députés et le Sénat] unis, toujours animés du même esprit, marchant toujours avec sagesse, feront porter ses fruits naturels au Gouvernement […]. » Voir Pimentel Carlos-Miguel (dir.), La crise du 16 mai 1877. Édition critique des principaux débats constitutionnels, Paris, Dalloz, 2017, p. 278. Pourtant, la République de Grévy ne correspond pas du point de vue constitutionnel à celle que voulait Thiers.

    10 Duvergier de Hauranne Ernest, La république conservatrice, op. cit., p. 101.

    11 Précisons que le groupe du centre gauche à l’Assemblée est le produit de deux réunions, la réunion Feray et la réunion Rampon. Il compte plus d’une centaine de députés, parmi lesquels figurent Agénor Bardoux, Auguste Casimir-Perier, Jules Dufaure, Ernest Duvergier de Hauranne, Édouard Laboulaye, Émile de Marcère, Charles de Rémusat et Étienne Vacherot. Sur ce groupe, voir Gros Damien, Naissance de la Troisième République, op. cit., p. 49-60 et p. 476-477.

    12 Casimir-Perier Auguste, Discours et lettres politiques de M. Casimir Perier, Paris, Imprimerie centrale des chemins de fer, A. Chaix, 1873, p. 93.

    13 Nous commentons ce projet dans la deuxième partie de cette contribution.

    14 Discours du 24 mai 1873 in Thiers Adolphe, Discours parlementaires de M. Thiers, op. cit., t. XV, p. 207. Thiers songe au comte de Chambord, représentant de la branche aînée des Bourbons, au duc de Nemours, le fils de Louis-Philippe et à Louis-Napoléon.

    15 Voir Barni Jules, Manuel républicain, Paris, Librairie Germer Baillière, 1872 ; Grévy Jules, Le gouvernement nécessaire, Paris, Armand Le Chevalier, 1873 ; Naquet Alfred, La république radicale, Paris, librairie Germer-Baillière, 1873. Pour une présentation synthétique des idées constitutionnelles de ces auteurs, voir Bujadoux Jean-Félix de, La « Constitution de la Troisième République », Paris L.G.D.J.-Lextenso, 2015, p. 20-23.

    16 Voir sur ce point l’article « Suisse » dans Maurice Block (dir.), Dictionnaire général de la politique, Paris, O. Lorenz, 2e édition, 1874, t. 2, p. 994 et s.

    17 Voir Laboulaye Édouard, Lettres politiques. Esquisse d’une constitution républicaine suivie d’un projet de constitution, Paris, Charpentier, 1872, p. 73 et 103. Cette procédure est prévue à l’article 24 du projet de Constitution de Laboulaye. Elle évoque celle qu’avait envisagée Benjamin Constant, à propos de la responsabilité politique des ministres dans ses textes De la responsabilité des ministres (chapitre ix et suivants) et des Principes de politique (chapitre ix sur la responsabilité des ministres). Laboulaye avait d’ailleurs réédité les écrits de Constant au début de la Troisième République : voir Laboulaye Édouard, Cours de politique constitutionnelle, Paris, Guillaumin, 2e édition, 1872, t. 1, p. 70 et s. ainsi que p. 405 et s.

    18 « Quant à la forme de la nomination du président, si j’étais en position de me prononcer sur la question pour moi-même (mais non, il n’est pas question de moi, il n’en sera pas question), c’est le mode américain que je préférerais. Dans l’état des esprits, l’opinion du cabinet, à laquelle j’ai accédé, c’est qu’il faut confier l’élection du président à l’Assemblée nationale et à une adjonction des conseils généraux ». (Discours du 24 mai 1873 in Thiers Adolphe, Discours parlementaires de M. Thiers, op. cit., t. XV, p. 212.) Dans le discours du 4 mars 1873, Thiers évoque « la grande et magnifique république des États-Unis, que tout le monde pourrait accepter comme modèle et mettre en parallèle avec la royauté la mieux organisée […] » (Ibid., t. XV, p. 151).

    19 Voir Duvergier de Hauranne Ernest, La république conservatrice, op. cit., p. 192 et s.

    20 Sur les critiques à l’encontre du régime directorial, voir l’analyse d’Ernest Duvergier de Hauranne, ibid., p. 200-201.

    21 Sur la définition de la fonction exécutive qui n’est pas réduite à l’exécution des lois, voir Étienne Vacherot, La démocratie, Bruxelles, A. Lacroix, 2e édition, 1860, p. 345 et s. ; voir aussi Broglie Victor de, Vues sur le gouvernement de la France, Paris, Michel Lévy, 1870, p. 261 et p. 287-288, à propos des règlements d’administration publique.

    22 Voir Vacherot Étienne, La démocratie, op. cit., p. 351 ; Laboulaye Édouard, Le parti libéral son programme et son avenir, Paris, Charpentier, 1863, p. 206.

    23 Voir Broglie Victor de, Vues sur le gouvernement de la France, op. cit., p. 233-234 ; Prévost-Paradol Anatole, La France nouvelle, Genève, Slatkine, 1979, p. 123-127.

    24 Souligné par l’auteur. Article « Pondération des pouvoirs », in Maurice Block (dir.), Dictionnaire général de la politique, op. cit., t. 2, p. 593.

    25 « Le projet de loi sur l’organisation des pouvoirs publics », pour reprendre son titre exact, a fait l’objet d’une édition critique par Jean-Félix de Bujadoux, « Le projet Thiers-Dufaure du 19 mai 1873. Un exemple inachevé de syncrétisme constitutionnel », art. cité, p. 147. Sur ce projet, voir également Girard Louis, Les libéraux français 1814-1875, Paris, Aubier, 1985, p. 243-245.

    26 Voir Rémusat Charles de, Mémoires de ma vie, Paris, Plon, 1967, t. 5, p. 462-463.

    27 Halévy Daniel, La fin des notables, Paris, Grasset, 1930, p. 257.

    28 Ibid., p. 257-258.

    29 Ibid., p. 258.

    30 Sur ce point, voir Pasquiet-Briand Tanguy, La réception de la Constitution anglaise au xixe siècle. Une étude du droit politique français, Paris, Institut Universitaire Varenne, collection des thèses, 2017, p. 782 et s. ; du même auteur, voir « La métaphore organique dans la réflexion politique du xixe siècle : aux origines de la coutume constitutionnelle française », in Pouthier Tristan (dir.), Le droit constitutionnel et les sciences de la nature, de Bacon à Kelsen, Toulouse, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2018, spéc. p. 82-87.

    31 Voir les articles 2 à 4 du projet Thiers-Dufaure : Thiers Adolphe, Dufaure Jules, « Projet de loi constitutionnelle du 19 mai 1873 », Jus Politicum, no 22, juillet 2019, p. 180.

    32 Duvergier de Hauranne Ernest, La République conservatrice, op. cit., p. 197.

    33 Ibid., p. 197.

    34 Exposé des motifs sur le « Projet de loi constitutionnelle du 19 mai 1873 », Jus Politicum, no 22, juillet 2019, p. 176.

    35 C’est ce qu’indique Ernest Duvergier de Hauranne dans La république conservatrice, op. cit., p. 275. Voir également l’analyse de Jean-Félix de Bujadoux qui montre l’effet ambigu de la double responsabilité politique à la fois du Président et des ministres : Bujadoux Jean-Félix de, « Le projet Thiers-Dufaure du 19 mai 1873. Un exemple inachevé de syncrétisme constitutionnel », art. cité, p. 157.

    36 Ibid., p. 178.

    37 Ernest Duvergier de Hauranne, bon connaisseur des institutions politiques américaines qu’il avait pu observer sur place lors de l’élection présidentielle de 1864 parle du système électif à deux degrés comme d’une « pure fiction légale » : Duvergier de Hauranne Ernest, Huit mois en Amérique. Lettres et notes de voyage 1864-1865, Paris, A. Lacroix Verboeckhoven, 1866, t. 2, p. 25.

    38 Voir son discours du 24 mai 1873, in Thiers Adolphe, Discours parlementaires de M. Thiers, op. cit., t. XV, p. 213-214.

    39 Duvergier de Hauranne Ernest, La république conservatrice, op. cit., p. 277.

    40 Charles de Rémusat, exposé des motifs du projet Thiers-Dufaure, Jus Politicum, no 22, juillet 2019, p. 177-178.

    41 Duvergier de Hauranne Ernest, La république conservatrice, op. cit., p. 276.

    42 C’est la thèse de Nicolas Roussellier dans son livre La force de gouverner. Le pouvoir exécutif en France xixe-xxie siècles, op. cit., spéc. p. 25-68.

    43 Voir Jaume Lucien « “L’esprit de Coppet” et l’organisation du pouvoir exécutif », in La Constitution de l’an III ou l’ordre républicain, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 1998, p. 121-142 ; voir aussi Laquièze Alain, « Pierre-Louis Roederer et la question du pouvoir exécutif », Mélanges Xavier Martin. Aux confins du droit, Poitiers, Presses universitaires juridiques de Poitiers et LGDJ Lextenso éditions, 2015, p. 259-270.

    44 Thiers Adolphe, Discours parlementaires de M. Thiers, op. cit., t. 1, p. 124.

    45 Ibid., t. 1, p. 155.

    46 Broglie Victor de, Vues sur le gouvernement de la France, op. cit., p. LXXII.

    47 Dupont-White Charles, La république conservatrice, Paris, Guillaumin, 1872, p. 41.

    48 Ibid., p. 49.

    49 Voir Bujadoux Jean-Félix de, « Le projet Thiers-Dufaure du 19 mai 1873. Un exemple inachevé de syncrétisme constitutionnel », art. cité, p. 158 et s.

    50 Voir Laquièze Alain, « Un retour aux sources de la Cinquième République : le débat sur le pouvoir exécutif à la fin du Second Empire et aux débuts de la Troisième République (1860-1875) », in Des racines du droit et des contentieux. Mélanges en l’honneur du professeur Jean-Louis Mestre, Aix-en-Provence/Toulouse, Éditions L’Epitoge, 2020, p. 139-148.

    Auteur

    • Alain Laquièze
      Professeur de droit public, université de Paris
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    1 Exposé des motifs du Projet de loi sur l’organisation des pouvoirs publics, présenté par M. Thiers, Président de la République, et par M. Dufaure, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, JO 20 mai 1873, p. 3206, annexe no 1779 (séance du 19 mai 1873), reproduit dans Jus Politicum, no 22, juillet 2019, p. 179 [http://juspoliticum.com/uploads/jp22-ebook.pdf]. L’exposé des motifs a été rédigé par Charles de Rémusat.

    2 Thiers Adolphe, Discours parlementaires de M. Thiers, Paris, Calmann Lévy, 1883, t. XIV, p. 523.

    3 Ibid., t. XV, p. 28.

    4 Duvergier de Hauranne Ernest, La république conservatrice, Paris, Librairie Germer Baillière, 1873.

    5 Marcère Émile de, La république et les conservateurs, Paris, E. Lachaud, 1871.

    6 Laboulaye Édouard, La république constitutionnelle, Paris, Charpentier, 1871.

    7 Laveleye Émile de, « Des formes de gouvernement dans la société moderne », Revue des Deux Mondes, t. 96, 1871, p. 57.

    8 Sur cette réunion, voir Gros Damien, Naissance de la Troisième République, Paris, PUF, 2014, p. 57-60.

    9 Thiers l’utilise encore à la veille de sa mort. Dans son dernier texte politique, un manifeste électoral qui ne sera publié qu’après son décès, le 27 septembre 1877, il appelle à faire « […] la république honnête, sage, conservatrice, qui n’est pas impossible » (Thiers Adolphe, Discours parlementaires de M. Thiers, op. cit., t. XV, p. 693). Dans le message du 6 février 1879 qui précise le nouveau fonctionnement des institutions, le nouveau Président de la République, Jules Grévy, conclut : « C’est par cette politique libérale et vraiment conservatrice, que les grands pouvoirs de la République [il faut comprendre ici la Chambre des députés et le Sénat] unis, toujours animés du même esprit, marchant toujours avec sagesse, feront porter ses fruits naturels au Gouvernement […]. » Voir Pimentel Carlos-Miguel (dir.), La crise du 16 mai 1877. Édition critique des principaux débats constitutionnels, Paris, Dalloz, 2017, p. 278. Pourtant, la République de Grévy ne correspond pas du point de vue constitutionnel à celle que voulait Thiers.

    10 Duvergier de Hauranne Ernest, La république conservatrice, op. cit., p. 101.

    11 Précisons que le groupe du centre gauche à l’Assemblée est le produit de deux réunions, la réunion Feray et la réunion Rampon. Il compte plus d’une centaine de députés, parmi lesquels figurent Agénor Bardoux, Auguste Casimir-Perier, Jules Dufaure, Ernest Duvergier de Hauranne, Édouard Laboulaye, Émile de Marcère, Charles de Rémusat et Étienne Vacherot. Sur ce groupe, voir Gros Damien, Naissance de la Troisième République, op. cit., p. 49-60 et p. 476-477.

    12 Casimir-Perier Auguste, Discours et lettres politiques de M. Casimir Perier, Paris, Imprimerie centrale des chemins de fer, A. Chaix, 1873, p. 93.

    13 Nous commentons ce projet dans la deuxième partie de cette contribution.

    14 Discours du 24 mai 1873 in Thiers Adolphe, Discours parlementaires de M. Thiers, op. cit., t. XV, p. 207. Thiers songe au comte de Chambord, représentant de la branche aînée des Bourbons, au duc de Nemours, le fils de Louis-Philippe et à Louis-Napoléon.

    15 Voir Barni Jules, Manuel républicain, Paris, Librairie Germer Baillière, 1872 ; Grévy Jules, Le gouvernement nécessaire, Paris, Armand Le Chevalier, 1873 ; Naquet Alfred, La république radicale, Paris, librairie Germer-Baillière, 1873. Pour une présentation synthétique des idées constitutionnelles de ces auteurs, voir Bujadoux Jean-Félix de, La « Constitution de la Troisième République », Paris L.G.D.J.-Lextenso, 2015, p. 20-23.

    16 Voir sur ce point l’article « Suisse » dans Maurice Block (dir.), Dictionnaire général de la politique, Paris, O. Lorenz, 2e édition, 1874, t. 2, p. 994 et s.

    17 Voir Laboulaye Édouard, Lettres politiques. Esquisse d’une constitution républicaine suivie d’un projet de constitution, Paris, Charpentier, 1872, p. 73 et 103. Cette procédure est prévue à l’article 24 du projet de Constitution de Laboulaye. Elle évoque celle qu’avait envisagée Benjamin Constant, à propos de la responsabilité politique des ministres dans ses textes De la responsabilité des ministres (chapitre ix et suivants) et des Principes de politique (chapitre ix sur la responsabilité des ministres). Laboulaye avait d’ailleurs réédité les écrits de Constant au début de la Troisième République : voir Laboulaye Édouard, Cours de politique constitutionnelle, Paris, Guillaumin, 2e édition, 1872, t. 1, p. 70 et s. ainsi que p. 405 et s.

    18 « Quant à la forme de la nomination du président, si j’étais en position de me prononcer sur la question pour moi-même (mais non, il n’est pas question de moi, il n’en sera pas question), c’est le mode américain que je préférerais. Dans l’état des esprits, l’opinion du cabinet, à laquelle j’ai accédé, c’est qu’il faut confier l’élection du président à l’Assemblée nationale et à une adjonction des conseils généraux ». (Discours du 24 mai 1873 in Thiers Adolphe, Discours parlementaires de M. Thiers, op. cit., t. XV, p. 212.) Dans le discours du 4 mars 1873, Thiers évoque « la grande et magnifique république des États-Unis, que tout le monde pourrait accepter comme modèle et mettre en parallèle avec la royauté la mieux organisée […] » (Ibid., t. XV, p. 151).

    19 Voir Duvergier de Hauranne Ernest, La république conservatrice, op. cit., p. 192 et s.

    20 Sur les critiques à l’encontre du régime directorial, voir l’analyse d’Ernest Duvergier de Hauranne, ibid., p. 200-201.

    21 Sur la définition de la fonction exécutive qui n’est pas réduite à l’exécution des lois, voir Étienne Vacherot, La démocratie, Bruxelles, A. Lacroix, 2e édition, 1860, p. 345 et s. ; voir aussi Broglie Victor de, Vues sur le gouvernement de la France, Paris, Michel Lévy, 1870, p. 261 et p. 287-288, à propos des règlements d’administration publique.

    22 Voir Vacherot Étienne, La démocratie, op. cit., p. 351 ; Laboulaye Édouard, Le parti libéral son programme et son avenir, Paris, Charpentier, 1863, p. 206.

    23 Voir Broglie Victor de, Vues sur le gouvernement de la France, op. cit., p. 233-234 ; Prévost-Paradol Anatole, La France nouvelle, Genève, Slatkine, 1979, p. 123-127.

    24 Souligné par l’auteur. Article « Pondération des pouvoirs », in Maurice Block (dir.), Dictionnaire général de la politique, op. cit., t. 2, p. 593.

    25 « Le projet de loi sur l’organisation des pouvoirs publics », pour reprendre son titre exact, a fait l’objet d’une édition critique par Jean-Félix de Bujadoux, « Le projet Thiers-Dufaure du 19 mai 1873. Un exemple inachevé de syncrétisme constitutionnel », art. cité, p. 147. Sur ce projet, voir également Girard Louis, Les libéraux français 1814-1875, Paris, Aubier, 1985, p. 243-245.

    26 Voir Rémusat Charles de, Mémoires de ma vie, Paris, Plon, 1967, t. 5, p. 462-463.

    27 Halévy Daniel, La fin des notables, Paris, Grasset, 1930, p. 257.

    28 Ibid., p. 257-258.

    29 Ibid., p. 258.

    30 Sur ce point, voir Pasquiet-Briand Tanguy, La réception de la Constitution anglaise au xixe siècle. Une étude du droit politique français, Paris, Institut Universitaire Varenne, collection des thèses, 2017, p. 782 et s. ; du même auteur, voir « La métaphore organique dans la réflexion politique du xixe siècle : aux origines de la coutume constitutionnelle française », in Pouthier Tristan (dir.), Le droit constitutionnel et les sciences de la nature, de Bacon à Kelsen, Toulouse, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2018, spéc. p. 82-87.

    31 Voir les articles 2 à 4 du projet Thiers-Dufaure : Thiers Adolphe, Dufaure Jules, « Projet de loi constitutionnelle du 19 mai 1873 », Jus Politicum, no 22, juillet 2019, p. 180.

    32 Duvergier de Hauranne Ernest, La République conservatrice, op. cit., p. 197.

    33 Ibid., p. 197.

    34 Exposé des motifs sur le « Projet de loi constitutionnelle du 19 mai 1873 », Jus Politicum, no 22, juillet 2019, p. 176.

    35 C’est ce qu’indique Ernest Duvergier de Hauranne dans La république conservatrice, op. cit., p. 275. Voir également l’analyse de Jean-Félix de Bujadoux qui montre l’effet ambigu de la double responsabilité politique à la fois du Président et des ministres : Bujadoux Jean-Félix de, « Le projet Thiers-Dufaure du 19 mai 1873. Un exemple inachevé de syncrétisme constitutionnel », art. cité, p. 157.

    36 Ibid., p. 178.

    37 Ernest Duvergier de Hauranne, bon connaisseur des institutions politiques américaines qu’il avait pu observer sur place lors de l’élection présidentielle de 1864 parle du système électif à deux degrés comme d’une « pure fiction légale » : Duvergier de Hauranne Ernest, Huit mois en Amérique. Lettres et notes de voyage 1864-1865, Paris, A. Lacroix Verboeckhoven, 1866, t. 2, p. 25.

    38 Voir son discours du 24 mai 1873, in Thiers Adolphe, Discours parlementaires de M. Thiers, op. cit., t. XV, p. 213-214.

    39 Duvergier de Hauranne Ernest, La république conservatrice, op. cit., p. 277.

    40 Charles de Rémusat, exposé des motifs du projet Thiers-Dufaure, Jus Politicum, no 22, juillet 2019, p. 177-178.

    41 Duvergier de Hauranne Ernest, La république conservatrice, op. cit., p. 276.

    42 C’est la thèse de Nicolas Roussellier dans son livre La force de gouverner. Le pouvoir exécutif en France xixe-xxie siècles, op. cit., spéc. p. 25-68.

    43 Voir Jaume Lucien « “L’esprit de Coppet” et l’organisation du pouvoir exécutif », in La Constitution de l’an III ou l’ordre républicain, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 1998, p. 121-142 ; voir aussi Laquièze Alain, « Pierre-Louis Roederer et la question du pouvoir exécutif », Mélanges Xavier Martin. Aux confins du droit, Poitiers, Presses universitaires juridiques de Poitiers et LGDJ Lextenso éditions, 2015, p. 259-270.

    44 Thiers Adolphe, Discours parlementaires de M. Thiers, op. cit., t. 1, p. 124.

    45 Ibid., t. 1, p. 155.

    46 Broglie Victor de, Vues sur le gouvernement de la France, op. cit., p. LXXII.

    47 Dupont-White Charles, La république conservatrice, Paris, Guillaumin, 1872, p. 41.

    48 Ibid., p. 49.

    49 Voir Bujadoux Jean-Félix de, « Le projet Thiers-Dufaure du 19 mai 1873. Un exemple inachevé de syncrétisme constitutionnel », art. cité, p. 158 et s.

    50 Voir Laquièze Alain, « Un retour aux sources de la Cinquième République : le débat sur le pouvoir exécutif à la fin du Second Empire et aux débuts de la Troisième République (1860-1875) », in Des racines du droit et des contentieux. Mélanges en l’honneur du professeur Jean-Louis Mestre, Aix-en-Provence/Toulouse, Éditions L’Epitoge, 2020, p. 139-148.

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    Ce livre est cité par

    • Sussman, Sarah. (2023) Recent Books and Dissertations on French History. French Historical Studies, 46. DOI: 10.1215/00161071-10350103

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    Laquièze, A. (2022). Quelle constitution pour la république conservatrice ?. In P. Allorant, W. Badier, & J. Garrigues (éds.), Les Dix décisives (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.160907
    Laquièze, Alain. « Quelle constitution pour la république conservatrice ? ». In Les Dix décisives, édité par Pierre Allorant, Walter Badier, et Jean Garrigues. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2022. https://doi.org/10.4000/books.pur.160907.
    Laquièze, Alain. « Quelle constitution pour la république conservatrice ? ». Les Dix décisives, édité par Pierre Allorant et al., Presses universitaires de Rennes, 2022, https://doi.org/10.4000/books.pur.160907.

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    Allorant, P., Badier, W., & Garrigues, J. (éds.). (2022). Les Dix décisives (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.160732
    Allorant, Pierre, Walter Badier, et Jean Garrigues, éd. Les Dix décisives. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2022. https://doi.org/10.4000/books.pur.160732.
    Allorant, Pierre, et al., éditeurs. Les Dix décisives. Presses universitaires de Rennes, 2022, https://doi.org/10.4000/books.pur.160732.
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