La décennie décisive de l’administration parlementaire ?
p. 259-268
Texte intégral
1Quoique méconnus, au point d’être souvent confondus avec les assistants des députés et sénateurs, les fonctionnaires des assemblées sont les héritiers d’une longue histoire : les premiers états du personnel de la Constituante sont dressés en juillet 1789, si bien que l’administration parlementaire apparaît peu ou prou avec le Parlement. Durant le premier xixe siècle, ses bureaux gagnent en autonomie, à mesure qu’une frontière plus stricte sépare leurs chefs des grands commis de l’État et des parlementaires eux-mêmes. En 1869, cette œuvre de clarification est presque achevée.
2Étudier l’administration des chambres au cours des dix années qui suivent, c’est se pencher sur un objet historique bien connu – le Parlement –, mais avec un double décalage : dans le rapport aux personnalités, en passant des représentants à ceux qui les servent, et dans le rapport au temps. Certes, l’on ne saurait réduire la « machine administrative » à l’immobilisme ou à l’esprit de routine. Mais son temps n’est ni celui de la politique ni, a fortiori, celui des révolutions : rythmé par les usages et les traditions, il est sensiblement plus lent1. Au reste, entre 1869 et 1879, les serviteurs des assemblées semblent avant tout subir les événements2.
Une décennie précaire et mouvementée
3Pour l’administration parlementaire, cette décennie s’ouvre avec une réforme non dénuée d’audace. Par son article 11, le sénatus-consulte du 8 septembre 1869 rend aux deux assemblées la faculté d’élaborer un règlement intérieur relatif à l’organisation de leurs bureaux, qui leur avait été retirée en 1852. S’emparant de ce nouveau pouvoir, le Sénat supprime divers emplois jugés inutiles, à commencer par les places de messager d’État, et détaille les attributions de son personnel dans l’Annexe au règlement intérieur des services daté du 10 juillet 1870. Mais ce texte, inédit dans l’histoire de la chambre haute, reste lettre morte : neuf jours plus tard, la France est poussée à déclarer la guerre à la Prusse. Dans l’agitation de cet été 1870, les employés du Sénat, au premier chef le secrétaire général Eugène Ferré, multiplient les allers et retours entre le Luxembourg et le Palais-Bourbon pour tenir le président Rouher au fait des délibérations du Corps législatif3.
4Après le 4 septembre, le personnel de la Haute Assemblée est tout bonnement remercié4 ; celui de la chambre basse, qui a subi de plein fouet l’invasion du Palais-Bourbon, est appelé à servir la nouvelle Assemblée nationale. Alors que les combats se poursuivent, il connaît l’« exil » à Bordeaux, au milieu de la « discorde » et de la « confusion5 », puis à Versailles, peu avant que n’éclate la Commune.
5Tout au long de cette période, les séances sont fort animées6 et le public se presse nombreux dans les tribunes, y compris au Sénat, lors de sa recréation. Camille Pelletan s’en s’amuse le 23 mars 1876. Il faut dire que, ce jour-là, l’on vient voir et entendre Victor Hugo :
« Les nouveaux huissiers du nouveau Sénat […] semblaient stupéfaits. S’ils avaient formé le secret espoir de se livrer à la culture des champignons sur les banquettes des tribunes, cet espoir était trompé. Les loges étaient pleines ; les sénateurs, étonnés, avaient des spectateurs ; le désert se peuplait7 ! »
6Nonobstant les sarcasmes, les employés des assemblées sont les témoins directs, voire les acteurs de plusieurs épisodes fameux. Le 4 septembre 1870, envahissant le Palais-Bourbon, les Parisiens passent devant un concierge médusé : les questeurs lui ont ordonné de repousser l’assaut sans lui donner le moindre renfort8… Peu après, la foule fait irruption dans l’hémicycle, en pleine séance. « Au milieu de cette effroyable bagarre, impassibles, admirables, les sténographes continuent à prendre des notes », relate Jules Simon. « J’en vois encore un qui, son cahier plaqué au-dessus de sa tête, contre les boiseries de la tribune, les bras en l’air, écrivait et recueillait pour l’histoire les choses extraordinaires qui devaient se dire autour de lui9. » Passé au service de l’Assemblée nationale, Frédéric Clavel, trésorier du Corps législatif, s’illustre quant à lui pendant la Commune, en mai 1871. Il s’introduit discrètement au Palais-Bourbon, y récupère 500 000 francs en billets de banque, qu’il cache sous un long manteau et rapporte à pied jusqu’à Versailles : sur plusieurs fils suspendus dans sa chambre, il fait alors sécher les précieux papiers tout trempés de sa sueur10.
7L’adoption des lois constitutionnelles, en 1875, n’interrompt pas la ronde des événements. Le nouveau Sénat doit lutter pour obtenir son autonomie administrative11. Il doit ensuite constituer ses services, travail mené pour l’essentiel au printemps de 1876. Puis, à l’automne de 1879, les assemblées reviennent à Paris. La Chambre des députés s’établit au Palais-Bourbon ; après quelques hésitations, le Sénat républicain s’installe au palais du Luxembourg, siège du Sénat impérial. On décroche les aigles, on gratte les grands « N » apposés un peu partout, on les remplace par les initiales « R. F. » et le tour est joué12. Un cycle s’achève.
Une décennie perdue ?
8Lorsque, au printemps précédent, l’on a suggéré d’imposer « la tenue de soirée » aux sténographes de l’Assemblée nationale, La Lanterne s’est émue du « retour aux petits travers de l’empire13 », époque où l’habit ou l’uniforme étaient de rigueur dans les hémicycles. Au-delà de l’anecdote, la feuille soulève une question de fond : vue de l’administration des chambres, la restauration parlementaire de 1879 vient-elle clore une décennie perdue ?
9Régi par la division entre services législatifs, dépendant de la présidence, et services administratifs, relevant de la questure, l’organigramme est inchangé, en tout cas à la chambre basse. Procès-verbaux, sténographie, compte rendu analytique, bibliothèque, archives, caisse et architecture : tous les grands services existaient avant 1869 ; et à leur sommet l’on retrouve les deux secrétariats généraux hérités de l’Empire. De son côté, la chambre haute innove en remplaçant le Grand Référendaire par trois questeurs, mais la rupture est toute relative.
10La nomenclature des emplois ne change pas davantage : on retrouve les commis et les huissiers, présents dès 1789, les secrétaires-rédacteurs, hérités du Directoire, les sténographes, admis dans les cadres entre 1846 et 1848, disparus sous l’Empire autoritaire, mais revenus en 186014, ainsi que les bibliothécaires, les archivistes, les garçons de bureau, les hommes de service, les hommes de peine, les gardiens surveillants et les jardiniers.
11À quelques détails près, les bureaux ont les mêmes effectifs que naguère et, considérée dans son ensemble, chaque assemblée totalise, comme sous l’Empire, quelque quatre-vingts fonctionnaires15. Beaucoup de ces hommes étaient déjà là en 1869 : l’Assemblée nationale, puis la Chambre des députés gardent le personnel du Corps législatif16, et le Sénat républicain rappelle les vétérans du Sénat impérial17. Si de nouvelles figures apparaissent, c’est tout simplement parce que plusieurs employés sont morts entre 1870 et 1876 et que d’autres sont désormais trop malades ou trop vieux pour servir.
12Entre les bureaux, de tenaces inimitiés prolongent plus d’une guerre picrocholine18 ; surtout, les fidélités d’antan perdurent et, au début de la Troisième République, les services dénombrent plus d’un monarchiste – bonapartiste, légitimiste ou orléaniste. En somme, nombre de fonctionnaires parlementaires, tel Albert Sorel19, secrétaire général de la présidence du nouveau Sénat, n’acceptent la République qu’à condition qu’elle se fasse sans les républicains20.
13Contrairement aux ministères, aux tribunaux et aux préfectures, les assemblées ne connaissent pas d’épuration administrative. Elles abritent même quelques champions de longévité bureaucratique, parmi lesquels Philippe Valette : nommé secrétaire de la présidence du Palais-Bourbon en 1834, Valette traverse la révolution de 1848, survit au coup d’État de 1851, prend le titre de secrétaire général de la présidence du Corps législatif en 1856 et reste, après 1870, comme secrétaire général de l’Assemblée nationale. Il se retire en février 1875, après plus de quarante ans au même poste. À sa mort, survenue deux ans plus tard, la presse nationale lui rend un hommage appuyé. Le Pays rappelle qu’il a formé plusieurs présidents :
« Il a vu tomber auprès de lui bien des puissances, disparaître bien des hommes politiques, et il a assisté à l’éclosion de tous les vieux parlementaires qui se sont partagé le pouvoir depuis sept ans. […] Il guidait le président, encore inexpérimenté [à savoir Jules Grévy], et lui soufflait le règlement quand il fallait l’appliquer. Il était le vrai président21. »
14Le Journal amusant relève pour sa part : « Quoi de plus curieux que le type de cet homme inamovible, qui assista avec la sérénité la plus immuable à toutes les transformations, à tous les cahots et à tous les chaos22 ? »
15Philippe Valette se survit en la personne de son successeur, Jules Poudra, qui a longtemps été son adjoint et qui est, de plus, son gendre. Sa longévité est spectaculaire, mais elle n’est pas exceptionnelle ; et de tels exemples de continuité, qui, parfois, surprennent les élus eux-mêmes23, soulèvent des questions d’ordre politique. Héritiers de cette « France de l’extrême centre » étudiée par Pierre Serna, les gradés de l’administration parlementaire seraient-ils de purs caméléons, forts de leur indifférence, voire de leur cynisme ? Incarneraient-ils cette élite immuable, qui, en sous-main, détiendrait l’essentiel du pouvoir24 ? « Les régimes changent, les Empires tombent, mais les bureaux restent […]. Les bureaux sont plus forts que le ministre qui devrait les diriger25 », soupire en 1872 le duc d’Audiffret-Pasquier.
Au service de Marianne
16Plaquer sur l’administration parlementaire les grilles appliquées à la bureaucratie tout entière, prendre au pied de la lettre des dénonciations souvent orientées serait, sans aucun doute, raisonner de manière hâtive. La preuve en est, précisément, l’absence d’épuration dans les services des assemblées.
17Trois facteurs au moins concourent à cette remarquable stabilité.
18Premièrement, certains fonctionnaires, essentiellement affectés à la séance, disposent de compétences techniques rares – au premier chef la maîtrise de la procédure législative et les méthodes de prise de notes rapide – qui les rendent difficiles à remplacer26.
19Deuxièmement, la réserve et la loyauté sont, de longue date, des valeurs cardinales de l’administration des chambres, à laquelle le système des dépouilles n’a jamais été appliqué ; et, lorsque tel grand commis s’émancipe un peu trop, il est vite rappelé à l’ordre – ainsi Valette subit-il, en 1874, les foudres du questeur Baze27.
20Troisièmement, si les « ralliés » sont en nombre, les républicains de vieille souche ne sont pas absents, notamment aux comptes rendus. Certains d’entre eux servaient même déjà sous l’Empire : témoin Célestin Lagache, député républicain de 1848, devenu chef de la sténographie du Corps législatif lors du rétablissement du compte rendu in extenso, en 1860. Les sténographes ne sont pas ces affreux réactionnaires28 que dénonce Clemenceau en 1878, dans l’une de ses nombreuses poussées d’acrimonie.
21Mieux, un effort de républicanisation est alors mené par petites touches. Quelques « brebis galeuses » sont éliminées : éphémère préfet de Mac-Mahon, le secrétaire-rédacteur Paul Dhormoys se garde de revenir à la Chambre après sa disgrâce, en 1873 ; lui aussi proche de l’Ordre moral, son homologue du Sénat Émile Marion est démis de ses fonctions en 1879 pour avoir collaboré au Bulletin des communes ; Joseph Depoin, sténographe de la Chambre, est quant à lui révoqué en 1891 pour avoir signé une pétition « en faveur de l’abrogation des lois scolaires29 ».
22Les employés des chambres jouissent de la liberté d’opinion, mais ils n’ont pas le droit de prendre fait et cause pour les ennemis de la République. A contrario, les bons républicains sont hissés au premier plan grâce à l’intervention directe des parlementaires. Léon Gambetta nomme l’un de ses protégés à la tête des huissiers et désigne l’un de ses amis, le journaliste et économiste Gustave Hubbard, chef du secrétariat de la commission des finances, puis secrétaire général de la questure.
23À l’instar du secrétaire-rédacteur du Sénat Charles Simon, fils du grand tribun, plusieurs serviteurs des assemblées se présentent aux élections sous la bannière des républicains, tel Henry de Lapommeraye, fonctionnaire du Sénat de l’Empire, puis de la République, ou Célestin Lagache, élu sénateur en 1879.
24Ces parcours politico-administratifs ne manquent pas d’intérêt ; mais, pour l’administration des chambres, l’œuvre de défense de la République est avant tout de nature juridique.
La décennie décisive du droit parlementaire
25Fondée sur la collation des précédents de séance, lesquels sont souvent de nature orale, l’élaboration du droit parlementaire est une entreprise ancienne. Philippe Valette est, en France, le premier à s’y atteler : avec Gustave Benat Saint-Marsy, son confrère du barreau, il publie en 1839 un Traité de la confection des lois. À l’entendre, les « formes réglementaires », qui seules peuvent donner une « vie régulière » aux pouvoirs publics, sont « à une assemblée politique ce que les lois sont au corps social30 ».
26Par la suite, Valette ne complète ni ne réédite son livre, mais il constitue un fichier à l’usage de la séance publique. Lorsqu’une difficulté de procédure surgit au cours du débat, il ordonne à un huissier d’en apporter les deux grandes boîtes au perchoir31. En 1875, Jules Poudra reçoit la place de son beau-père. À sa suite, et avec l’aide d’un jeune subordonné nommé Eugène Pierre, il entreprend un travail inédit par son ampleur et par son ambition : la composition d’un véritable traité.
27Le moment n’est pas anodin. Le Parlement est désormais le premier des pouvoirs politiques ; il maîtrise son ordre du jour32 ; ses sessions sont plus longues et ses discussions plus vives33 ; il se défait d’attributions non législatives, comme l’examen des pétitions, pour se concentrer sur les pouvoirs de législation et le contrôle du Gouvernement. La séance exige, partant, une procédure au-dessus de tout soupçon.
28Sorti des presses à la fin de l’année 1878 et distribué à tous les députés34, le Traité de droit politique, électoral et parlementaire est vite salué comme une œuvre de défense républicaine. La France lui réserve une recension flatteuse35. On lit en écho dans le Journal des économistes que ses auteurs « sont de ceux qui croient à la liberté vraie, au parlementarisme franc, à la République en un mot36 ». Dans les deux assemblées, la présidence s’empare de l’ouvrage ; lors des discussions, tel ou tel orateur en vient à le citer comme une source d’autorité37.
29Assurer la marche quotidienne du « parlementarisme absolu », c’est défendre la République, qui plus est après la crise du 16 Mai. En ce sens, l’influence du droit parlementaire se révèle décisive.
30En 1885, au décès de Poudra, Pierre devient à son tour secrétaire général de la présidence, et il égale presque le record de longévité de Valette : seule la mort, qui l’emporte en 1925, parvient à l’arracher à son poste. Prononçant l’éloge du défunt, le président Herriot – « la République en personne » – déclare alors du haut du perchoir : « Si la France a pu, malgré tant de secousses, maintenir intacte depuis 1870 la souveraineté de la loi, elle le lui doit pour une part38. »
31De fait, pendant quarante ans, Eugène Pierre s’est employé à améliorer le Traité. Mais de son vivant39 et plus encore après sa mort, son œuvre inspire diverses critiques, parfois violentes : pour André Tardieu ou pour Joseph Barthélemy, la complexité des précédents législatifs collationnés au sein du « Pierre » est l’une des origines de la sclérose républicaine. Pour L’Action française, la mise en forme de la procédure aurait même pour principal but de museler les groupes minoritaires. Léon Daudet ravale ainsi les écrits d’Eugène Pierre au rang de « guide-âne » et dénonce « les chinoiseries d’un règlement compliqué qui, pour tous les législateurs, est un mystère40 ». L’Humanité de la jeune SFIC n’est pas loin de lui donner raison41.
32Ces considérations dépassent le cadre de cet ouvrage ; qui plus est, elles auraient tôt fait de nous conduire sur le terrain du jugement. Relevons simplement qu’elles confirment à leur manière le caractère décisif du droit parlementaire.
⁂
33Pour l’administration des chambres, la décennie fondatrice est facile à identifier : elle court des États généraux au 18 Brumaire, soit de 1789 à 1799. On peut également déceler, de 1839 à 1849, une décennie créatrice, marquée par la naissance du droit parlementaire, la titularisation des sténographes et le premier règlement intérieur des services.
34À la fin du Second Empire, cette administration atteint l’âge respectable de quatre-vingts ans, et elle est solidement constituée. Les années 1869 à 1879 confirment ses structures. Somme toute, elles n’affectent son personnel qu’à la marge. Les bouleversements politiques confortent ses valeurs cardinales, le sens de la discrétion et l’esprit de neutralité, au service de tous les parlementaires. Le travail de ses fonctionnaires change d’ampleur et parfois de nature42, mais la transition a été amorcée par l’Empire libéral : dès 1860, les entités spécialement chargées des travaux législatifs prennent un nouvel essor, secrétariat général de la présidence et comptes rendus en tête.
35De l’« héritage inavouable43 » du Second Empire, auquel s’ajoutent les legs, guère plus avouables, de la monarchie constitutionnelle, l’administration des chambres est la dépositaire. Au début de la Troisième République, elle ne manque d’ailleurs pas de « ralliés ». Pour autant, le tournant de 1870 ne doit pas être sous-estimé. Avec la République, les deux assemblées, désignées au suffrage universel, deviennent le centre du pouvoir. Elles exigent désormais des procédures d’une rigueur absolue.
36Le Traité de Poudra et Pierre est le fruit de cet effort ; et c’est par lui que la décennie étudiée demeure, pour les serviteurs des chambres, une, voire la décennie décisive.
37« La Troisième République a l’incomparable avantage, rare en nos commotions, d’être pleinement légale et de ne rien devoir à la violence44. » Si l’illustre et honorable Émile Littré peut, en 1880, dresser ce constat enthousiaste, c’est peut-être en partie grâce à l’action discrète et dévouée de l’administration parlementaire.
Notes de bas de page
1 Voir en particulier François Monnier, conclusions de la journée d’études de la fondation Singer-Polignac consacrée au temps administratif (23 novembre 1999), La Revue administrative, numéro spécial, 2000, p. 75-77.
2 Les fonds d’archives conservés dans les deux chambres, et dans une moindre mesure les séries C et CC des Archives nationales, ont été mis à profit, à l’instar de la presse d’époque et de plusieurs témoignages livrés par les parlementaires, dont Jules Simon, et les fonctionnaires du temps, parmi lesquels Ludovic Halévy, Ernest Daudet, Paul Dhormoys et Anatole Claveau. Au titre de la bibliographie, que l’on nous permette de renvoyer à l’étude de Delphine Gardey, Le Linge du Palais-Bourbon, Lormont, Le Bord de l’eau, 2015, ainsi qu’à l’ouvrage que nous avons consacré à l’administration parlementaire dans son ensemble et dont s’inspirent les développements qui suivent : Coniez Hugo, Michon Pierre, Servir les Assemblées. Histoire et dictionnaire de l’administration parlementaire française de la Révolution à la fin du xxe siècle, Paris, Mare & Martin, 2020.
3 Procès-verbaux du Sénat. Année 1870, t. IX, Paris, Typographie de C. Lahure, 1870, p. 71, 74, 120 et 307.
4 Au cours des mois suivants, une commission ad hoc liquide les pensions de ceux qui, parmi les employés du Sénat impérial, peuvent prétendre à une retraite. (AS 71 S 349.)
5 La Maison de France et l’Assemblée nationale. Souvenirs du duc d’Audiffret-Pasquier, 1871-1873, Paris, Plon, 1938, p. 2-3. « Pour arriver à Bordeaux, il fallait nous frayer un chemin à travers les lignes ennemies, par des voies interceptées, dans un pays ravagé ».
6 Toutefois, les séances s’allongent dès la fin du Second Empire, au point que le président Schneider déclare le 21 avril 1869 : « […] Les services de la sténographie et du compte rendu sont déjà écrasés. Je demande que la Chambre prenne en considération de telles fatigues et ne les augmente pas encore ». (Journal des Débats du 22 avril 1869, supplément, p. 2.)
7 Le Rappel du 23 mars 1876, no 2 204, p. 1.
8 Duret Théodore, Histoire de quatre ans, 1870-1873, t. Ier, La Chute de l’Empire, Paris, G. Charpentier, Libraire-Éditeur, 1876, p. 351.
9 Simon Jules, « La Dernière Séance du Corps législatif », Le Temps du 25 février 1872, no 3 972, p. 2.
10 Clavel Émile, « Frédéric Clavel, 1822-1902. Sa vie – son œuvre », Bulletin de la société historique et artistique de Suresnes, no 4, 1932, p. 167-168.
11 Le Pays du 27 janvier 1876, no 27, p. 3. « Le Sénat devra, comme la Chambre des députés, posséder un personnel complet d’administration, de sténographes, de garçons de service et d’huissiers. […] Le bureau de l’Assemblée actuelle voulait s’attribuer le droit de faire les nominations, le gouvernement le revendiquait de son côté. En cet état, il a été décidé que pour les premiers jours de la session on dédoublerait les services actuels de l’Assemblée et qu’une moitié ferait provisoirement le service du Sénat. On a réservé ainsi au Sénat lui-même le soin de choisir ses employés et ses serviteurs. » Voir aussi La Liberté du 6 mars 1876, p. 2.
12 La France du 23 novembre 1879, p. 1.
13 « Fort probablement le service sténographique sera fait par les sténographes de la Chambre ; ces messieurs, à juste raison, paraissent fort vexés de l’idée que l’on a émise de leur faire écrire leur quart d’heure en tenue de soirée, habit noir et cravate blanche. C’est là un retour aux petits travers de l’empire, qui dénote chez l’auteur de ce projet un esprit assez mesquin. M. Noël Parfait s’y oppose de peur que le service du compte rendu ne demande une indemnité. Espérons qu’on n’ira pas jusqu’à contraindre les sténographes à venir à la séance en gants blancs. » (La Lanterne du 19 juin 1879, no 789, p. 2.)
14 Darimon Alfred, Histoire de douze ans (1857-1869), Paris, E. Dentu, 1883, p. 102. Dès 1860, Morny aurait confié au député Darimon : « Je veux arriver à la sténographie en ce qui concerne les comptes rendus, faire revivre le droit d’amendement, et même, si je le puis, introduire le droit d’interpellation. Je tiens aux prérogatives de la Chambre et je chercherai toujours à les accroître. »
15 En revanche, le nombre d’agents augmente de manière sensible, un certain nombre d’entre eux restant affectés aux anciens palais législatifs.
16 Bosq Paul, Souvenirs de l’Assemblée nationale, 1871-1875, Paris, Plon-Nourrit et Cie, 1908, p. 10.
17 Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir le registre des employés du Sénat conservé sous la cote AS 283 S 1.
18 Ainsi du conflit qui oppose le compte rendu analytique et le compte rendu in extenso. Voir AS 71 S 342 et AN AB XIX 3345, dossier 2.
19 Au sujet d’Albert Sorel, protégé de Guizot et du duc Decazes, que l’on nous permette de renvoyer à la communication de M. Yves Bruley.
20 Ancien serviteur du Parlement, Ernest Daudet résume bien le sentiment des « ralliés » dans ce texte daté de 1880, où il écrit à la troisième personne : « […] Il ne nourrit aucune haine contre le régime républicain, même quand il persiste à penser que le régime monarchique convient mieux au tempérament de la France. Il est de ceux qui, à défaut de la monarchie constitutionnelle, sont disposés à accepter une république libérale, mais qui repoussent avec énergie la république du despotisme que quelques-uns cherchent à fonder. » (Daudet Ernest, Souvenirs de la présidence du maréchal de Mac-Mahon, Paris, E. Dentu Éditeur, 1880, p. vi.)
21 Le Pays du 23 juillet 1877, p. 3.
22 Le Journal amusant du 28 juillet 1877, no 1 091, p. 2.
23 Halévy Ludovic, Notes et souvenirs, 1871-1872, Paris, Calmann-Lévy, 1889, p. 138. « J’étais alors secrétaire-rédacteur du Corps législatif. Installé à une petite table, au-dessous de la tribune, entre mes amis Maurel-Duperré [sic] et Anatole Claveau, j’écrivais les comptes rendus de la Chambre. J’avais près de moi, assis sur un petit tabouret, le doyen des huissiers de la Chambre, la chaîne d’argent au coup et l’épée au côté. Je faisais très volontiers la causette avec lui. Il avait vu bien des choses, et, ce jour-là, il me dit : – Regardez M. Thiers. A-t-il l’air content ! On dirait un poisson qui rentre dans l’eau. J’étais déjà huissier à la Chambre, quand il a été nommé député, après 1830. Il m’a reconnu tout à l’heure, il m’a dit : “Tiens, vous êtes encore ici !” Ça avait l’air de l’étonner. Pourquoi n’y serais-je pas, puisqu’il y est ? »
24 De manière significative, la presse de la iie République présente ponctuellement Valette comme un « homme politique ». (Journal des débats du 27 décembre 1850, p. 2.)
25 Cité par Vincent Wright, « Les Bureaux du ministère de la Guerre, 1815-1879 », Revue historique des armées, no 1993-3, p. 83.
26 Aude Dontenwille-Gerbaud le confirme dans sa communication, à propos des sténographes chargés de prendre en note les discours de Léon Gambetta. Sur cette question, voir également Coniez Hugo, Écrire la démocratie, Paris, L’Harmattan, 2008.
27 Voir notamment Le Petit Journal du 23 février 1874, no 4 077, p. 2.
28 Le Gaulois du 1er mai 1878, no 3 476, p. 1-2. « C’est M. Clémenceau [sic], homme au visage vert et à la parole bilieuse, qui a bu le premier verre d’eau sucrée. À propos du procès-verbal de la dernière séance […], il a traîné dans la boue les sténographes de la Chambre, qui, paraît-il, ne reproduisent pas assez fidèlement ses paroles. Ces sténographes sont, d’après lui, d’affreux réactionnaires et l’heure est proche où il sera nécessaire d’en faire une hécatombe. M. Clémenceau, homme au visage vert, aurait dû consulter ses amis avant de laisser à sa bile un libre cours. Si je ne me trompe, tous les sténographes sont d’excellents républicains ; ce que je puis affirmer sans réserve, c’est qu’ils sont d’excellents sténographes, ce qui suffit. Si M. Clémenceau en doute, MM. les sténographes le lui prouveront facilement le jour où ils feront imprimer dans le Journal officiel, avec leurs nudités natives, les phrases peu correctes qui constituent son éloquence. M. Paul de Cassagnac a fort justement répliqué que les sténographes étaient des auxiliaires loyaux et honnêtes, et il a spirituellement ajouté que la droite ne poussait pas des cris à réveiller tout le Capitole quand la rapidité du travail faisait commettre quelque erreur à son préjudice. »
29 Le Matin du 24 juin 1891, p. 2. On reproche audit Depoin de se livrer « à une active propagande réactionnaire ». Un secrétaire de la Chambre des députés, membre du Bureau, confie à ce propos au journal : « […] Nous n’avons pas révoqué ce sténographe à raison de ses opinions politiques, dont il ne doit compte à personne, mais pour la manifestation militante de ses opinions, dans ce qu’elles ont de contraire aux lois votées par le Parlement. »
30 Valette Philippe, Benat Saint-Marsy Gustave, Traité de la confection des lois, Paris, Joubert, 1839, p. 2. À propos de cet ouvrage, voir Samuel Sanchez, « Aux origines du droit parlementaire français : le Traité de la confection des lois de Valette et Benat Saint-Marsy », Revue française de droit constitutionnel, vol. 95, no 3, 2013, p. 661-686.
31 L’anecdote est rapportée par Henri Welschinger. Cf. Séances et travaux de l’Académie des Sciences morales et politiques, Paris, A. Picard et Fils, F. Alcan, 1910, p. 294-295.
32 Garrigues Jean (dir.), Histoire du Parlement de 1789 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2007, p. 259-260.
33 Anceau Éric, L’Empire parlementaire, t. II, Paris, SMP Éditions, 2017, p. 1042.
34 AAN 12 P 60.
35 Berthier E., « Le Droit parlementaire », La France du 14 janvier 1879, p. 2. En saluant le volume comme « le recueil le plus complet, le traité le plus autorisé », l’auteur de l’article relève que, « depuis 1871, le Parlement remplit en France le rôle principal » et que « le droit parlementaire a donc dans notre pays une incontestable importance ».
36 Chassin Charles-Louis, « Théorie et pratique des constitutions en France », Journal des économistes, 4e série, t. VI, avril 1879, p. 250.
37 Annales de la Chambre des députés, séance du 9 novembre 1880, p. 8. Le comte de Douville-Maillefeu déclare : « Il n’y a qu’à citer le Traité pratique de droit parlementaire de M. Poudra. »
38 Journal officiel de la République française, édition des débats de la Chambre des députés, no 94, séance du 7 juillet 1925, p. 3 196.
39 Delpech Joseph, « Traité de Droit politique, électoral et parlementaire (supplément), par M. Eugène Pierre, compte rendu », Revue critique de législation et de jurisprudence, t. 36, 1907, p. 630-631.
40 L’Action française du 8 juillet 1925, no 189.
41 « Un curieux personnage. M. Pierre, patron des députés, est mort », L’Humanité du 8 juillet 1925, no 7 907, p. 1.
42 AAN 14 P 42. Jérôme Mavidal, chef du bureau des procès-verbaux, aux questeurs de l’Assemblée nationale, Versailles, le 16 septembre 1871.
43 Anceau Éric, L’Empire parlementaire, t. II, op. cit., p. 991 sq.
44 Littré Émile, De l’établissement de la Troisième République, Paris, aux Bureaux de la Philosophie positive, 1880, p 484.
Auteur
-
Pierre Michon
Docteur en histoire, rédacteur des débats du Sénat
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008