Bonapartisme et bonapartistes
L’exemple de la Corse entre 1869 et 1879
p. 179-192
Texte intégral
1Les années allant de 1869-1879 correspondent, en Corse, au renforcement du pouvoir bonapartiste. L’île, durant cette période, demeure une véritable citadelle impérialiste peu encline aux évolutions politiques nationales engendrées par la chute du Second Empire. Les débuts, puis progressivement le triomphe du bonapartisme en Corse, remontent à l’année 1848.
2Durant cette dernière, en effet, le retour de la famille Bonaparte sur les devants de la scène politique, aussi bien nationale qu’internationale lors de la Deuxième République, ouvre des horizons nouveaux pour la Corse, en matière de perspectives d’élévation politique, sociale, culturelle et économique. La révolution de février 1848 y est d’ailleurs proclamée aux cris de « Vive Napoléon, Vive l’Empereur ! » comme le souligne Dominique-François Ceccaldi, premier préfet du gouvernement de la Défense nationale, dans un rapport adressé au ministère de l’Intérieur, à la chute du Second Empire1. Car, particularité de l’île, si la Deuxième République n’est accueillie par l’organisation de manifestations républicaines que dans une minorité de communes insulaires, la société dans son ensemble est davantage portée par un air de revanche dont les accents sont ceux d’une empreinte napoléonienne qui débute lors du règne de Louis-Philippe, au lendemain des Trois Glorieuses2. Le retour politique des « exilés », couronné au mois de décembre par l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence de la République, est vécu par les insulaires comme le signe d’une véritable réhabilitation nationale après une légende noire napoléonienne mise en place durant la Restauration et où les Corses deviennent les « boucs émissaires » de la Nation.
3À la chute du Second Empire, lors des élections législatives de 1871, alors que les bonapartistes sont tenus responsables du désastre de la guerre et de la défaite, la Corse continue d’envoyer quatre députés sur cinq sous les couleurs du bonapartisme siéger à l’Assemblée Nationale de Bordeaux. Si Napoléon Ier joue un rôle « d’opérateur symbolique3 » au sein des consciences insulaires, le résultat des votes s’explique aussi par la force des réseaux clientélistes et claniques qu’ont su tisser les grandes élites napoléoniennes à l’intérieur de toutes les sociétés communautaires villageoises. Comprendre les Dix décisives, c’est-à-dire la période allant de la fin de l’Empire libéral à celle de la république incertaine, revient à s’interroger sur la construction du bastion bonapartiste et du devenir des impérialistes lors de la proclamation de la république en 1870.
Une île bonapartiste
4En Corse, la légende napoléonienne dorée, relancée durant la monarchie de Juillet, résonne tout particulièrement dans l’île. Elle renvoie à la nostalgie d’une grandeur passée et contribue, au sein des sentiments et des imaginaires collectifs insulaires, à alimenter le mythe du retour de l’homme providentiel. Aussi, la révolution de 1848 ouvre des horizons nouveaux pour la société insulaire, en matière de perspectives d’élévation politique, sociale, culturelle et économique. Les liens très étroits qui unissent les Corses au premier régime impérial s’expriment dès la révolution de 1848 et engendrent même d’importantes manifestations de soutien au retour du bonapartisme.
5Le 10 décembre 1848, lors de l’élection à la présidence de la République, Louis-Napoléon Bonaparte obtient 45 880 suffrages sur 47 627 exprimés. Le résultat électoral, de l’ordre de 96 % est largement supérieur à de nombreux départements, notamment ceux situés en terres méditerranéennes4. Dans l’île, la victoire à la présidentielle du neveu de Napoléon Ier est saluée par des Te Deum. Diverses fêtes sont également organisées et de nombreux discours sont prononcés par les notabilités locales dans les villes comme dans les villages.
6Durant l’année 1848, un nouveau chant L’Ajaccienne célèbre sur un air de revanche la réappropriation du territoire politique par les Bonaparte mais également celle de la légende napoléonienne incarnée par Napoléon Ier. Parti d’Ajaccio, le chant se propage rapidement dans la Corse toute entière. Le premier couplet se passe de commentaires :
« Réveille-toi ville sacrée
Entends l’orgueil et ton amour
La sainte famille est rentrée
Les exilés sont de retour (bis)
Oh les voici ! Victoire ! Victoire !
Qu’il soit fêté dans sa maison
L’enfant prodigue de la Gloire Napoléon ! Napoléon ! »
7Comme le précise Francis Pomponi, « la faiblesse du “mouvement social” dans une île peu urbanisée et encore moins industrialisée, autant que la cristallisation symbolique des esprits sur les noms des “Napoléonides” présents sur la scène publique à l’échelle nationale sous l’égide de Louis-Napoléon qui a su capter l’héritage symbolique de l’Empereur, font de 1848 en Corse sur le terrain électoral et dans le domaine de l’opinion une année plus napoléonienne que républicaine5 ».
8La Deuxième République est accueillie comme annonciatrice de bienfaits et d’ère nouvelle pour le peuple. Sa mise en place, couplée à l’attachement populaire au souvenir napoléonien et avec l’élection d’un Bonaparte à la première présidence de la République française, engendrent de grands espoirs au sein de la société, mais également pour quelques familles insulaires, dont l’ascension politique et sociale a débuté dès la monarchie de Juillet, période durant laquelle l’orléanisme triomphe dans l’île, sans partage, de 1830 à 1848 par l’intermédiaire du clan du maréchal de France Horace de Sébastiani. Avec la proclamation de la Deuxième république, parmi ce nouveau personnel élitaire figurent notamment les représentants des familles Abbatucci, Casabianca, Arrighi de Casanova, Pietri, Franceschini-Pietri, Piccioni, Conti ou encore Gavini6. En devenant le premier président de la République française, Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, prend dans l’île des allures de sauveur de la Nation.
9Dès lors, le contexte politique créé en 1848 permet de comprendre l’enthousiasme qui se propage au sein des communes insulaires à la suite de l’annonce du coup d’État du 2 décembre 1851. La Corse, à la différence de quelques départements du Sud-Est, Sud-Ouest et du Centre, n’enregistre aucune véritable réaction d’hostilité. Informées selon les arrondissements, trois voire quatre jours après le coup d’État, les populations insulaires, encadrées par les autorités et élites bonapartistes, n’hésitent pas à célébrer dans la joie cet acte politique fort qui préfigure le retour à l’Empire. Rien d’étonnant car durant l’automne 1852, nombreuses sont les communes qui réclament le retour officiel de l’Empire. Souvent par le biais de pétitions, les maires ou les conseils municipaux adressent au préfet, au sous-préfet de leur arrondissement ou encore directement au Sénat, leurs vœux afin d’obtenir « le rétablissement de l’Empire héréditaire en la personne du Prince Louis-Napoléon7 ». Le 10 octobre 1852, le préfet de la Corse informe le ministre de l’Intérieur que 354 communes sur 363 ont déjà formulé le même vœu plaidant pour un retour à l’Empire8.
10La célébration du Second Empire9 connaît un réel succès au sein d’une société essentiellement agropastorale, dont l’existence est souvent rythmée par une vie de rude labeur et dont les seules distractions sont souvent celles qui ont lieu lors des fêtes votives. Les fêtes impériales misent en place lors de la célébration du nouvel Empire, sont utilisées en outil didactique. Les vétérans de la Grande Armée deviennent, dès lors, pour les générations nouvelles, l’incarnation vivante du retour de la légende dorée napoléonienne et rappellent aux jeunes générations la grandeur de la France durant le Premier Empire10.
11À Vallica, au son des violons et des flûtes, une décoration est remise par le maire à l’ancien grognard Antoine Trojani dont la présence sert d’éducateur civique et populaire, afin d’attester aux nouvelles générations l’intérêt pour les populations à vivre sous l’Empire11.
12Les fêtes consacrées à la célébration du Second Empire utilisent un répertoire de marqueurs qui rappellent ceux de la Révolution française dont est issu le bonapartisme. À Evisa, après la messe, une « procession impériale », étendard avec aigle impériale en tête et aux bruits de détonations de fusils, est organisée jusqu’à la place centrale où une distribution de vivres a lieu aux plus indigents de la commune12.
13Afin d’ancrer durablement l’empreinte napoléonienne dans les différentes strates de la société tout en enracinant le régime, les commémorations, organisées en faveur de l’héritage napoléonien, occupent une place importante dans l’univers politique de la Corse. Les célébrations et les érections de statues, renforçant ainsi le poids des discours, mais aussi celui des chansons, des poèmes ou encore des dessins, deviennent des éléments importants des cérémonies théâtralisées de la fête impériale et elles se multiplient13. Sous Napoléon III, les grands monuments érigés le sont soit en référence à la mémoire de l’Empereur Napoléon Ier, soit à celle de hauts dignitaires d’Empire, soit encore à celle de personnages importants de l’histoire insulaire. Pour le tissu élitaire, la première moitié du xixe siècle correspond à la mise en place et à la diffusion au sein de la société d’une construction d’appartenance à une petite Patrie. Cette dernière, reposant sur l’histoire de la Corse et sur son identité, doit ainsi accentuer l’intégration de l’île au sein de la Nation française.
14Sur une terre en proie à d’importantes difficultés économiques, le retour de l’Empire est synonyme d’espoir et de modernité. Nombreux sont alors les discours des élites politiques qui soulignent la chance, pour le développement économique et social de l’île, de retrouver un Bonaparte au sommet de l’État.
15Le choix politique d’un soutien sans faille à Louis-Napoléon Bonaparte s’effectue lors des élections à la Constituante du mois d’avril 1848, où l’ensemble des parlementaires élus14 choisissent, dès l’année suivante avant même la fin de la Deuxième République, les voies du ralliement au bonapartisme. En décembre 1848, l’élection d’un Bonaparte à la présidence de la République, ouvre de belles perspectives d’ascensions politiques à quelques grandes familles insulaires et de jouer ainsi un rôle au plus proche des instances étatiques. Cette présence au sein des rouages du pouvoir impérial va permettre de renforcer les réseaux politiques dans l’île. Avec la mise en place du suffrage universel, qui va entraîner une politisation de la structure clanique, les chefs de partis locaux dévoués à ces importantes notabilités, vont devenir les rouages d’un patronage démocratique élitaire auprès d’une clientèle de citoyens, dont les mécanismes de fonctionnement vont pleinement jouer et se mesurer lors des différents scrutins électoraux organisés durant tout le Second Empire.
16Dans l’île, quelques représentants de grandes familles, fidèles au bonapartisme, se retrouvent promus par l’Empereur au sein du gouvernement impérial15. D’autres insèrent les assemblées mises en place par la Constitution de janvier 1852 que sont le Corps législatif16, le Sénat17 et le Conseil d’État18. Certains individus passent même d’une assemblée à une autre. C’est notamment le cas de Charles-Étienne Conti, qui sera conseiller d’État, secrétaire puis chef de cabinet de Napoléon III de 1864 à 1868, puis sénateur de 1868 à 1870. D’autres enfin, par ailleurs, s’ils ne représentent pas le département de la Corse, font partie du cercle des Corses qui gravitent dans les sphères proches du pouvoir impérial19.
17Napoléon III s’entoure également d’un petit contingent de préfets corses qui occupent des postes dans divers départements20.
18Durant le Second Empire, la Corse constitue un véritable bastion bonapartiste. Par l’intermédiaire des liens clientélistes et claniques tissés sur l’ensemble de l’île, les grandes notabilités impériales dominent et dirigent un système pyramidal au sein duquel les familles, regroupées à l’intérieur de partis locaux, se positionnent au fil des scrutins derrière des personnalités éponymes.
19Avec la candidature officielle, les combats se déroulent même parfois entre candidats bonapartistes. En 1857, le baron Louis-Thomas Mariani, candidat officiel du gouvernement dans la circonscription de Bastia-Corte, affronte Sampiero Gavini, autre candidat fidèle à la politique impériale. S’il s’impose en 1857, le baron Louis-Thomas Mariani est battu lors des législatives de 1863 par son ancien adversaire politique, Sampiero Gavini21.
20À l’image des autres départements, la Corse connaît sous le Second Empire une véritable politique de répression et de censure. Le but est de réduire au silence toutes formes d’oppositions qui sont surtout celles des républicains. Dès 1848, ces derniers se définissent comme des partisans défenseurs d’une démocratie « radicale » et attachés aux idées de la Révolution française22. Parmi eux, se retrouvent notamment les représentants des familles Limpérani, Farinole, Tommasi, Savelli, Padovani, Bartoli, Trani, Ceccaldi mais encore Giacobbi, de Corsi, Franzini, Fabiani et Marchi. Pour ces défenseurs des idées de 1789, l’assise et « la présence » sur le terrain de l’empire autoritaire, les conduisent à une plus grande discrétion et les poussent à des formes plus souterraines et secrètes dans les modes de canalisation et de structuration des partisans de la démocratie23. Même si, pour les autorités bonapartistes, l’agitation politique des républicains n’est que « l’œuvre d’hommes mécontents de n’avoir pas eu d’emplois depuis la révolution de février24 », ils constituent des îlots de résistances répartis en quatre zones représentées par les régions bastiaise, cortenaise, sartenaise et ajaccienne.
21C’est lors des années 1857 et 1858 que les républicains se regroupent dans la région bastiaise au sein d’une société secrète, La Marianne25. Cette dernière, constituée par une cinquantaine d’individus, a pour but la chute du Second Empire. La société est implantée à Bastia, dans la Casinca, dans le Nebbio et en Castagniccia. La Marianne est dirigée par l’avocat Patrice de Corsi26. Il est arrêté, avec cinquante autres individus, le 17 juillet 1858. Inculpé de complot contre la vie de l’Empereur, il est condamné à deux ans de prison. Il reste emprisonné jusqu’au mois d’août 1859, date à laquelle il bénéficie d’un décret d’amnistie et recouvre sa liberté.
22Le règne de Napoléon III correspond, dans l’île, à la manifestation la plus explicite des Corses en faveur de l’idée napoléonienne, tout en jouant en même temps le rôle d’agent intégrateur de la Corse au sein de la Nation. Cet attachement aux Bonaparte perdure en Corse après la chute du Second Empire. Il diffère toutefois selon les insulaires, évoluant entre l’admiration de la dimension idéologique de Napoléon Ier pour les uns, à l’apport en tant que personnage important de l’histoire insulaire pour les autres27.
23Sous l’impulsion des notabilités départementales, les populations n’ont de cesse de manifester envers la figure napoléonienne un attachement qui diffère, sur la durée, des autres départements.
24Dans l’île, l’empreinte napoléonienne repose sur diverses formes de représentations allant de celles du soldat de la Révolution française, du général de l’armée d’Italie, du consul, de l’Empereur ou encore de l’exilé. Ces diverses représentations reprises sous Napoléon III vont jouer un rôle dans l’intégration de la Corse au sein de la Nation française. Napoléon Ier est montré comme un modèle et un agent intégrateur, un exemple à suivre. Elles vont également servir de réhabilitation à l’ensemble de la société insulaire notamment après la légende noire napoléonienne véhiculée à l’échelle nationale sous la Restauration.
La proclamation de la Troisième République
25Cette légende noire, présente aux lendemains de la chute de Napoléon Ier, réapparaît lors des premières années de la Troisième République. Au mois de septembre 1870, lors de la proclamation de la République et la mise en place d’un gouvernement de Défense nationale, les bonapartistes sont tenus pour responsables de la guerre et de la situation dans laquelle se retrouve la France après la défaite de Sedan. Décriés par les autres forces politiques, rares sont les candidats qui arborent les couleurs du bonapartisme28 lors des élections législatives du 8 février 1871 effectuées sous le régime de la loi du 15 mars 1849, au scrutin de liste dans le cadre départemental. La liste impérialiste emmenée par Denis Gavini est élue tout entière et la Corse envoie quatre élus bonapartistes sur cinq siéger à l’Assemblée nationale de Bordeaux29.
26Pour les républicains, les premiers fruits des combats politiques menés depuis 1848 sont donc récoltés lors de ces élections législatives où leur candidat, Léonard Limpérani, soutenu par ailleurs par les chefs des partis orléanistes et légitimistes, accède à la députation. Au mois d’octobre 1871, il est également mandaté par les électeurs du canton de Vescovato pour aller siéger sur les bancs du Conseil général à Ajaccio. De 1871 à 1872, il devient même le premier président de l’Assemblée départementale élu grâce au report des voix républicaines, mais aussi de celles des légitimistes et des orléanistes sur son nom30. Il convient de noter qu’en 1864, lors des élections législatives, des rapprochements ont déjà lieu entre Hector Bartoli, candidat des républicains, et le baron Cunéo d’Ornano, représentant des orléanistes dans le sud de l’île31.
27Jusqu’en 1880, les Corses, dans une large majorité, continuent de cultiver un attachement sentimental à la dynastie napoléonienne. Après la chute du Second Empire, la logique de l’attachement qui unit les populations aux Empereurs, alors qu’elle s’estompe progressivement dans le cadre national32, rencontre en revanche en Corse un véritable écho auprès des populations et ce, même bien au-delà de la fin du xixe siècle. En effet, l’histoire politique et sociale de la Corse entre 1815 et 1870 démontre tout le poids des souvenirs de l’Empire sur les populations insulaires et permet de comprendre les formes et les modes de transmissions intergénérationnelles de l’empreinte bonapartiste, aussi bien chez le peuple qu’au sein des élites.
28À l’échelle nationale, durant une période où la légende noire napoléonienne refait surface, compte-tenu de la défaite militaire, l’île est considérée comme un foyer virulent du bonapartisme. Après Sedan, le rejet du régime impérial à l’échelle nationale prend des allures d’anti-corsisme. L’île est au cœur d’une campagne de presse à laquelle participent de nombreux journaux nationaux parmi lesquels se retrouvent Le Figaro, Le Réveil, Le Gaulois, Le Rappel, La Cloche et Le Cri du peuple. Ce dernier journal publie le 23 février 1871, sous la plume d’Henri Bellanger, un pamphlet raciste, qui illustre cette vague de corsophobie de plume, œuvre de journalistes, d’intellectuels, mais également d’hommes politiques.
« Le Corse […] est naturellement mouchard… et assassin. Il cumule ! […]. Ces gens ont pourri la France. Partout sur leur passage, ils ont comme la larve immonde, gâté, sali de leur bave ce qu’ils n’ont pu ronger. L’espionnage qu’ils ont établi, mis à la mode dans l’administration, dans l’armée, et jusque dans la vie de tous les jours, a démoralisé, avili la génération actuelle… […]. Puisque la Prusse réclame une cession du territoire, débarrassons-nous bien vite de la Corse en la lui donnant. Ce sera notre vengeance, le gage certain d’une prompte, cruelle et complète revanche. L’empire de Prusse mourra de la Corse comme nous venons, nous, de manquer d’en mourir33. »
29Au mois de mars 1871, Georges Clemenceau demande à la tribune de l’Assemblée nationale de rendre la Corse à l’Italie34. Sa proposition est rejetée et ne donne lieu à aucun débat35.
30En Corse, les réactions sont immédiates et la réponse aux différents journalistes est l’œuvre de Giovan-Paolo Borghetti, chef de cabinet du préfet Dominique-François Ceccaldi, qui démontre, dans une brochure publiée à Bastia et intitulée La Corse et ses détracteurs, l’attachement des insulaires à la patrie française, sans être pour autant bonapartistes et responsables de la politique de Napoléon III :
« À aucune époque de notre histoire, les Corses n’ont jamais laissé insulter impunément leur pays […]. Est-ce la Corse qui a imposé Napoléon III à la France ? Était-ce une assemblée Constituante Corse qui lui permettait de quitter le lieu de son exil, pour rentrer en France ? Non, c’était une Assemblée française. Sont-ce des Corses, qui ont fait le Coup d’État ? Sont-ce des Corses, qui ont tué la République ? Sont-ce des soldats Corses, qui ont répandu le sang français, le 2 décembre ? Non, tout cela a été accompli par des Français. Mais ce Coup d’État a été entrepris à notre détriment comme au vôtre. Si vous avez perdu votre liberté, nous avons perdu également la nôtre. Si vous avez souffert de la tyrannie, nous en avons souffert plus que vous36. »
31Dans les premières années d’une République indécise, la Corse, grâce aux fidélités électorales acquises par le biais des échanges claniques et clientélistes, constitue une base de repli stratégique pour les anciennes personnalités d’Empire à la recherche d’un mandat électif. L’île doit permettre une reconquête du territoire national dans une volonté de restauration du régime impérial. Ainsi, au mois de février 1872, Séverin Abbatucci démissionne de son mandat de député bonapartiste de l’arrondissement d’Ajaccio pour faciliter l’entrée à l’Assemblée nationale d’Eugène Rouher, surnommé le « vice-empereur ».
32Eugène Rouher est élu facilement député de l’arrondissement d’Ajaccio37. L’accès au parlementarisme lui permet de créer, à l’Assemblée nationale, le groupe de l’Appel au peuple au sein duquel se rassemble une vingtaine de membres. En Corse, la défaite des républicains est amère. L’hebdomadaire La République affiche son écœurement :
« Monsieur Rouher, cet homme qui n’avait pu trouver un seul point de la France pour poser sa candidature avec quelque chance de succès, vient d’obtenir un triomphe éclatant dans notre pays. Que le bonapartisme soit fier de son succès, que les Corses admirent leur œuvre38 ! »
33Au mois de février 1872, le parlementaire Étienne Conti décède à Paris. Les élections législatives partielles du mois du 9 juin 1872 qui opposent Charles Abbatucci, candidat bonapartiste, à Paul Savelli, représentant des forces républicaines et de toutes celles rivales au parti gaviniste, se soldent une nouvelle fois par la victoire du candidat de l’Appel au peuple39.
34De 1871 à 1876, la Corse demeure politiquement une citadelle du bonapartisme. Seuls Léonard Limpérani, en 1871, puis le médecin Hector-Alexandre Bartoli40, lors des élections législatives de 1876 au scrutin majoritaire d’arrondissement, représentent le camp des républicains à la Chambre des députés. Tous les autres parlementaires sont issus des rangs de l’Appel au peuple.
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35Jusqu’aux années 1880, la Corse est un bastion bonapartiste dont la puissance des réseaux clientélistes leur permet d’exercer une véritable hégémonie politique dans tout le département. Les grandes lignées familiales, dont les ressources demeurent essentiellement celles procurées par la propriété foncière, dominent le débat politique. En 1873, le décès de Napoléon III divise les forces bonapartistes en deux tendances. La lutte oppose les « rouhéristes-gavinistes », bonapartistes de droite, partisans d’Eugène Rouher et de Denis Gavini, proches de l’impératrice Eugénie et du prince impérial et les « jérômistes », bonapartistes de gauche, qui soutiennent le prince Jérôme-Napoléon Bonaparte, neveu de l’empereur Napoléon Ier. Les premiers sont des conservateurs proches des notables et de l’Église, quant aux seconds, ils se présentent comme populaires, démocratiques, et parfois même volontiers anticléricaux.
36Ces dissensions au sein des forces bonapartistes sont à l’origine de l’élection, à la présidence de l’Assemblée départementale, des républicains Léonard Limpérani en 1871 et Patrice de Corsi au mois d’août 1872. Ces derniers réunissent sur leurs noms toutes les voix de la nébuleuse anti-impérialiste (républicaines, légitimistes, orléanistes, grâce à leurs origines familiales, mais aussi jérômistes). En 1873, à la suite de tiraillements internes à l’intérieur du parti républicain, le choix, puis le report des suffrages s’effectuent sur la candidature du prince Jérôme. Ce dernier, proche des idées républicaines et opposé à l’hégémonie du parti gaviniste, est élu président du Conseil général jusqu’en 1874.
37Cependant, jusqu’aux années 1880, les combats politiques vont prendre souvent l’allure de luttes familiales.
38Ainsi, en 1874 dans le canton d’Ajaccio, lors du renouvellement triennal de la moitié du Conseil général, les bonapartistes rouhéristes présentent la candidature du prince Charles Bonaparte41, descendant direct de Joseph Bonaparte contre celle du prince Jérôme. Charles Bonaparte sort vainqueur des urnes. Il obtient également la présidence du Conseil général, fonction qu’il occupe jusqu’au mois de décembre 1880.
39Aux élections législatives de 1876, le prince Jérôme Bonaparte se présente dans l’arrondissement d’Ajaccio face à Eugène Rouher et Dominique-François Ceccaldi, candidat des républicains radicaux. Pour la presse gaviniste, le principal ennemi du bonapartisme dans la « capitale du bonapartisme est un Bonaparte42 ».
40Candidat à la fois dans les arrondissements de Bastia, d’Ajaccio et dans la première circonscription de Riom, grâce aux candidatures multiples autorisées lors des premières années de la Troisième République, Eugène Rouher est victorieux dans les trois arrondissements. Au mois de mars 1876, il opte pour le département du Puy de Dôme. Il est remplacé, après de nouvelles consultations électorales par le bonapartiste François-Xavier de Casabianca dans l’arrondissement de Bastia. Dans celui d’Ajaccio, c’est Jérôme-Napoléon Bonaparte qui l’emporte, après avoir affronté une seconde fois Dominique-François Ceccaldi, soutenu par les républicains radicaux et une partie de l’électorat gaviniste43.
41Lors de la crise du 16 mai 1877, les répercussions sont brutales dans l’île, notamment au sein des municipalités où le maire est le personnage clé de la vie politique locale et véritable élément charnière entre la politique départementale et la politique villageoise. L’élimination du personnel républicain ou jérômiste devient l’une des priorités du parti bonapartiste gaviniste engagé dans une volonté de réaffirmer son hégémonie sur la vie politique insulaire44.
42Les élections législatives d’octobre 1877 confèrent à la droite bonapartiste corse une très nette victoire. Elles accentuent davantage les scores obtenus lors des dernières législatives de 1876 sur les candidats de la gauche. Appuyés par le gouvernement, tous les candidats de l’Appel au peuple, le vicomte Joseph-Marie de Casabianca (arrondissement de Bastia), le baron Georges Haussmann (arrondissement d’Ajaccio), Denis Gavini (arrondissement de Corte), Ernest Arrighi de Casanova, duc de Padoue (arrondissement de Calvi) et Charles Abbatucci (arrondissement de Sartène) sont élus dès le premier tour de scrutin. Ils totalisent de 62 % à 73 % des suffrages exprimés.
43Le 1er juin 1879, Louis-Napoléon, fils de l’empereur Napoléon III est tué en Afrique Australe par les Zoulous. La nouvelle de sa mort crée une profonde tristesse dans l’île. Le fils aîné de Jérôme-Napoléon Bonaparte, le prince Victor-Napoléon, désigné de manière testamentaire par le prince impérial comme son successeur, devient l’héritier direct, nécessaire et incontesté de l’Empire. Il incarne dès lors le nouveau chef de file des forces bonapartistes.
44En Corse, comme à l’échelle nationale, les déchirements internes continuent toutefois et opposent les jérômistes aux victoriens jusqu’au décès, en 1891, du prince Jérôme.
45Affaiblie au lendemain de la chute de Napoléon III, la citadelle bonapartiste résiste néanmoins aux assauts des républicains. Il faut attendre 1881 pour que de nouvelles élites viennent concurrencer les anciennes familles bonapartistes et que la Corse adhère de manière progressive à la République45. Dès lors, l’idée républicaine se propage à l’intérieur des communautés villageoises. Elle est surtout l’œuvre d’un ajaccien républicain modéré, qui est Emmanuel Arène. Ce dernier, proche de Léon Gambetta, est un homme d’influence et de convictions. Il devient très rapidement, pour les membres influents du parti opportuniste, le personnage central de l’adhésion de la Corse à la République46. Il sera, jusqu’en 1908, date de son décès, le maître absolu de la vie politique insulaire.
46Pour autant, le bonapartisme n’est pas totalement éteint dans l’île. Il convient d’attendre 1910, pour assister au ralliement à la République des dernières personnalités influentes du bonapartisme à l’image de leurs deux principaux représentants dans les bastions d’Ajaccio, avec Dominique Pugliesi-Conti47, et de Bastia, avec Auguste Gaudin48.
Notes de bas de page
1 Rapport du 28 octobre 1870. Archives Nationales, série F/1bII/Corse/8.
2 Cf. Pellegrinetti Jean-Paul, « Bonapartisme et empreinte bonapartiste en Corse du Second Empire à la Grande Guerre », collectif, Napoléon et la Corse, Musée de la Corse, Ajaccio, Éd. Albiana, 2009, p. 368-379.
3 Casanova Antoine et Rovere Ange, La Révolution Française en Corse, Paris, Éditions Privat, collection du bicentenaire, 1989.
4 Voir Salmon Frédéric, Atlas électoral de la France 1848-2001, Paris, Seuil, 2001.
5 Pomponi Francis, « L’empreinte napoléonienne, 1804-1870 », in Georges Ravis-Giordani (dir.), Atlas ethnohistorique de la Corse, Paris, Éditions du CTHS, 2004, p. 186-187.
6 Voir Anceau Éric, « Les Corses dans le gouvernement et les assemblées impériales, 1852-1870 », dans le catalogue d’exposition, Corsica Imperiale. Napoléon III et la Corse (1815-1870), Bastia, Museu di Bastia, 2019, p. 40-46.
7 ADCS. Série 1 M 159. Lettre du sous-préfet de l’arrondissement de Sartène au préfet de la Corse, le 2 novembre 1852.
8 ADCS. Série 1 M 159. Lettre du préfet de la Corse au Ministre de l’Intérieur, le 10 octobre 1852.
9 Pellegrinetti Jean-Paul, « Vive L’Empereur ! Manifestations politiques lors de la mise en place du second Empire en Corse », dans le catalogue d’exposition, Corsica Imperiale. Napoléon III et la Corse (1815-1870), op. cit., p. 26 à 33.
10 Petiteau Nathalie, Lendemains d’Empire. Les soldats de Napoléon dans la France du xixe siècle, Paris, La Boutique de l’Histoire, 2003.
11 ADCS. Série 1 M 159. Lettre du 19 décembre 1852.
12 Ibid.
13 Sur la statuaire durant le second Empire, voir Pellegrinetti Jean-Paul, « La guerre des bustes a-t-elle eu lieu ? », Études Corses, no 56, 2003, p. 48-60 mais également Giansily Pierre-Claude, « La statuaire commémorative en Corse, regard sur la sculpture commémorative monumentale en Corse au cours de la période 1850-1900 et présence en Corse des œuvres de deux grands sculpteurs français du xixe siècle : Vital Dubray et Bartholdi », Strade, no 14, juin 2006, p. 55-63.
14 Lors des élections de l’Assemblée constituante, le 28 avril 1848, six représentants insulaires sont élus. Il s’agit de Louis Blanc, Napoléon-Jérôme, Étienne Conti, Pierre-Marie Pietri, François-Xavier de Casabianca et Pierre Bonaparte. Journaliste, historien, Louis Blanc est membre du gouvernement provisoire de 1848, où il y représente la « gauche socialiste ». Il possède en Corse, grâce à sa mère, des liens familiaux avec la famille de Charles André Pozzo di Borgo, diplomate, ambassadeur de Russie à Paris (1814-1835) et ambassadeur de Russie à Londres (1835-1839). Louis Blanc opte pour Paris, où il est également élu. C’est le prince Louis-Lucien Bonaparte, fils de Lucien Bonaparte, et neveu de Napoléon Ier qui est élu à sa place en Corse. Napoléon-Jérôme, familièrement appelé « Plon-Plon », est le fils cadet de Jérôme Bonaparte, le plus jeune frère de Napoléon Ier, et de la princesse Catherine de Wurtemberg. Étienne Conti est avocat de formation et conseiller général sous la monarchie de Juillet. Il deviendra secrétaire et chef de cabinet de Napoléon III. Il sera sénateur de la Corse de 1868 à 1870 et député de 1871 à 1872 durant la Troisième République. Pierre-Marie Pietri, avocat de formation est nommé commissaire du gouvernement provisoire en Corse. Il entamera ensuite une belle carrière préfectorale sous le Second Empire. François-Xavier de Casabianca est avocat de formation. Ministre durant la Seconde République, il devient sénateur durant le Second Empire et procureur général près la Cour des Comptes de 1864 à 1871. Il sera député bonapartiste de 1876 à 1877 durant la Troisième République. Enfin, Pierre Bonaparte est le fils de Lucien Bonaparte, frère de Napoléon Ier. Conseiller général durant le Second Empire, son nom est lié à l’affaire Victor Noir, journaliste qu’il abat en janvier 1870 à la suite de la parution d’une série d’articles parus dans les journaux corses, La Revanche et L’Avenir de la Corse.
15 Les Corses représentent 6,5 % de l’ensemble des Ministres du Second Empire. Il s’agit de Jacques-Pierre-Charles Abbatucci, du Comte François-Xavier de Casabianca, du prince Napoléon-Jérôme Bonaparte et d’Ernest Arrighi de Casanova, duc de Padoue. Pour l’ensemble des Corses au gouvernement impérial et dans les assemblées, se référer aux biographies dans l’ouvrage de Antoine-Laurent Serpentini (dir.), Dictionnaire de la Corse, Ajaccio, Albiana, 2006.
16 En 1852, compte-tenu du faible nombre d’électeurs, en vertu de la loi organique, la Corse n’a le droit qu’à un seul représentant. Il s’agit de Séverin Abbatucci. La modification de la loi électorale en 1857, permet à la Corse de bénéficier d’un second mandat de député. Lors des législatures 1857, 1863 et 1869, trois parlementaires représentent la Corse. Séverin Abbatucci est élu à tous les mandats. Le baron Louis-Thomas Mariani, natif de Corte et cousin de la famille d’Arrighi de Casanova, est député de 1857 à 1863. Il est ensuite remplacé de 1863 à 1870, par Sampiero Gavini.
17 La Corse comptabilise onze sénateurs durant le Second Empire. Il s’agit du prince Jérôme Bonaparte, du prince Napoléon-Jérôme Bonaparte, du prince Louis-Lucien Bonaparte, de Jacques-Pierre Charles Abbatucci, du Comte François-Xavier de Casabianca, de Jean-Thomas Arrighi de Casanova, duc de Padoue, d’Ernest Arrighi de Casanova, duc de Padoue, du comte Philippe-Antoine d’Ornano, du comte Marius Joseph Félix Baciocchi, de Charles-Etienne Conti et de Pierre-Marie Pietri.
18 Les Corses sont au nombre de trois conseillers d’État en service ordinaire durant toute la durée du régime impérial. Il s’agit d’Ernest Arrighi de Casanova, duc de Padoue, Charles-Etienne Conti et Jacques-Pierre-Charles Abbatucci. À ces hommes, se rajoute un quatrième homme en service ordinaire hors sections, qui est le bastiais Vincent Benedetti. Ce dernier sera notamment au cœur de l’affaire de la dépêche d’Ems.
19 C’est notamment le cas de Vincent Piccioni, natif de Pino, parent par alliance des Gavini, ancien bâtonnier des avocats de Bastia et maire de la ville de 1854 à 1858, qui devient député de la troisième circonscription de la Haute-Garonne de 1863 à 1870. Un cas pratiquement similaire correspond à celui d’Henri Conneau, médecin personnel de Napoléon III, grand officier de la Légion d’honneur en 1867 et député de la Somme, qui, à la suite de son mariage avec Juliette Joséphine Pasqualini, parente du Maréchal Horace de Sébastiani, devient conseiller général de la Corse en 1854. Henri Conneau est également un ami du comte Félix Baciocchi, neveu du prince de Lucques et de Piombino. Félix Baciocchi est, durant le Second Empire, premier chambellan de Napoléon III, surintendant général des théâtres et commandant de la Légion d’honneur. Enfin, pour compléter le cercle des Corses composant l’entourage de l’Empereur, il convient de signaler la présence Jean-Baptiste Franceschini-Pietri, dit « Tito », grand propriétaire terrien à Corbara, Algajola et Monticello, secrétaire particulier de l’Empereur de 1864 à 1870 et exécuteur testamentaire du Prince Impérial. Voir Sanguinetti Elisabeth et Sampiero, Les dernières braises de l’Empire, Ajaccio, Albiana, 2015.
20 Jean François Costa est préfet du Tarn-et-Garonne, du Vaucluse et de l’Hérault. Rodolphe Auguste d’Ornano est préfet de l’Yonne. Joseph Marie Pietri est préfet de l’Ariège, du Cher, de l’Hérault, du Nord et préfet de police chargé de la direction générale de la sûreté publique. Son frère Pierre Marie Pietri est préfet de l’Ariège, du Doubs, de la Haute-Garonne, et préfet de police. Antoine François Pugliesi-Conti est sous-préfet de Saint-Pons, sous-préfet de Louviers, sous-préfet de Boulogne-sur-Mer et préfet de la Vendée. Enfin, Denis Gavini est préfet du Lot, de l’Hérault et des Alpes-Maritimes. Pour les biographies et différentes dates de fonctions, voir Collectif, Dossiers individuels de préfets (1800-1880), Répertoire (F/1bI/155-F/1bI/180), Archives Nationales, 1981 ainsi que l’ouvrage de Le Clere Bernard, Wright Vincent, « Les Préfets du Second Empire », Cahiers de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, no 187, 1973.
21 Archives départementales de la Corse du Sud (ADCS), série 3 M 326.
22 La Revanche du 16 novembre 1869. Bibliothèque patrimoniale Tommaso Prelà de Bastia.
23 Durant cette période, l’imprimerie des frères Ollagnier, muselée par le régime impérial, propose néanmoins, dans ses locaux à Bastia, des livres et des journaux en consultation gratuite pour le public. Cf. Alberti Vanessa, L’imprimerie en Corse des origines à 1914, Ajaccio, Albiana, 2009.
24 Rapport du préfet de la Corse en 1852. ADCS, série 1M124.
25 ADCS, série 1 M 201.
26 Patrice de Corsi fait partie en 1848, à Bastia, du comité central républicain aux côtés de défenseurs de la République que sont : Toussaint Padovani, Paul Savelli, Antoine-Louis Franzini et Louis Tommasi. Lors de la Seconde République, il participe également au journal Le Progressif.
27 Cet attachement se mesure toujours à l’heure actuelle au sein des familles corses. Il se manifeste dans le décor privé sous différentes formes allant des petits bustes aux tableaux, en passant par toutes sortes de petits objets tels que vaisselle, presse-papiers, portrait, cendrier, vase ou encore petit buste de l’Empereur.
28 Les candidats bonapartistes élus occupent 19 sièges à l’Assemblée nationale sur 687. Ils sont élus dans les départements de : l’Allier (1 élu), la Charente (2 élus), la Charente Inférieure (3 élus), la Loire Inférieure (1 élu), le Lot (3 élus), le Lot-et-Garonne (1 élu), La Manche (1 élu), la Seine-inférieure (1 élu), la Dordogne (1 élu) et la Corse (4 élus). Voir Gouault Jacques, Comment la France est devenue républicaine. Les élections générales et partielles à l’Assemblée nationale, 1870-1875, Paris, Armand Colin, 1954, p. 198-235.
29 Le scrutin de liste est, comme en 1849, un scrutin majoritaire où sont élus les candidats qui obtiennent le plus de voix. Cinq listes sont présentes : liste républicaine (Louis Blanc, Paul Savelli, Léonard Limpérani, Hector-Alexandre Bartoli et Padovani) ; liste républicaine (Dominique-François Ceccaldi, Arrigo Arrighi, Pierre Cunéo d’Ornano et François Grimaldi) ; liste anti-gavinistes (François Pozzo di Borgo et Pierre-Paul de Casabianca) ; liste bonapartiste (Denis Gavini, Séverin Abbatucci, Étienne Conti et Jérôme Galloni d’Istria) ; liste bonapartiste jérômiste (Jean de la Rocca, Franceschetti et Charles Géry). Voir Pellegrinetti Jean-Paul et Rovere Ange, La Corse et la République de la fin du Second Empire à nos jours, Paris, Seuil, 2004.
30 En 1876, lors des élections législatives, la presse bonapartiste s’interroge sur cette nouvelle donne politique. Pour L’Aigle, organe des impérialistes : « Quel intérêt, le parti légitimiste, et spécialement les Pozzo di Borgo, qui en sont en Corse, l’incarnation la plus éminente, ont-ils à mettre la main dans la main des républicains et des orléanistes pour attester ainsi à la fois et l’abandon de leurs principes et leur propre impuissance numérique […] ? » L’Aigle du 18 décembre 1876.
31 ADCS, série 3 M 326. Rapport classé « très confidentiel » du Commissaire de police au Préfet de la Corse en date du 17 avril 1864.
32 Voir Corbin Alain, Histoire du sensible, Entretiens avec Gilles Heuré, Paris, La Découverte, 2000.
33 Citation extraite de l’ouvrage de Rey Didier, Jalons pour une histoire de la Corse de 1755 à 2018, Ajaccio, Éditions Alain Piazzola, 2019, p. 90.
34 Journal Officiel du mois de mars 1871 et AN : série C 5315.
35 La proposition revient encore dans le courant du mois d’avril puis à deux reprises au mois de mai, mais sans succès.
36 Borghetti Giovan-Paolo, La Corse à ses détracteurs, Bastia, Ollagnier, 1870, p. 22. Giovan-Paolo Borghetti est journaliste. En 1848, il collabore au Progressif de la Corse et fonde en 1849 la revue Corsica qui cesse sa parution après une année d’existence. Élu conseiller général du canton de Pero-Casevecchie, il abandonne la vie publique après le coup d’État du 2 décembre 1851. En 1865, il participe à la fondation de L’Aigle corse aux côtés d’autres personnalités départementales comme Arrigo Arrighi et Régulus Carlotti. En 1870, Giovan-Paolo Borghetti est journaliste au Républicain et rédacteur en chef de La République, hebdomadaire créé et imprimé à Bastia en 1871. Giovan-Paolo Borghetti écrit également dans les colonnes du Bulletin Officiel de la Corse. Nommé chef de cabinet du préfet Dominique-François Ceccaldi, il devient, à la cessation de fonctions de ce dernier, directeur des Archives départementales. En 1871, le journaliste est aussi le président du Comité d’instruction républicaine d’Ajaccio.
37 Eugène Rouher obtient 33 178 suffrages alors que ses concurrents, le comte Jérôme Pozzo di Borgo, ancien légitimiste rallié aux éléments modérés du parti républicain et Paul Savelli républicain radical, ne recueillent respectivement que 8146 voix et 6552 voix. Archives nationales série C 3449.
38 La République du 17 février 1872. Bibliothèque nationale, série JO 3914.
39 Charles Abbatucci obtient 30 323 voix et Paul Savelli recueille 14 418 suffrages. Archives nationales, série C 3449.
40 Hector-Alexandre Bartoli, républicain radical, est élu député de l’arrondissement de Sartène.
41 Charles Bonaparte est né à Rome le 5 février 1839. Il est le fils de Charles Lucien Bonaparte, prince de Canino et de Zénaïde Bonaparte, fille de Joseph Bonaparte.
42 L’Aigle du 18 décembre 1875. Bibliothèque nationale, série JO 1050.
43 Le prince Jérôme est élu député de la Corse pour une année seulement puisque la Chambre est dissoute lors de la crise du 16 mai 1877.
44 Pellegrinetti Jean-Paul, « Répercussions et attitudes du personnel politique en Corse, lors de la crise du 16 mai 1877 », Études Corses, no 45, 1995, p. 83-102.
45 Pour l’étude de la républicanisation de la Corse, se référer à Pellegrinetti Jean-Paul et Rovere Ange, La Corse et la République de la fin du Second Empire à nos jours, op. cit.
46 Voir Pellegrinetti Jean-Paul, « Emmanuel Arène, réseaux politiques et républicanisation de la Corse sous la Troisième République », Histoire@Politique, 2015.
47 Dominique Pugliesi-Conti devient le maire d’Ajaccio lors des élections municipales de 1900. Il demeure à la tête des affaires communales jusqu’en 1919. En 1910, l’année de son ralliement à la République, il est élu à la fois conseiller général du canton d’Ajaccio et député de l’arrondissement d’Ajaccio.
48 Auguste Gaudin est issu d’une famille de conseillers généraux bonapartistes. Son oncle Jean, médecin de profession, est conseiller général du canton de San Martino. Son frère, Albert, avocat, est le représentant des cantons de Borgo et de San Martino de 1877 à 1883 et de 1884 à 1895. Auguste Gaudin est avoué à la Cour d’appel de Bastia et maire de Bastia de 1888 à 1902 et de 1903 à 1912. Il est également élu conseiller général bonapartiste des cantons de Campile de 1892 à 1898 et de Bastia Terra-Vecchia de 1898 à 1912.
Auteur
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Jean-Paul Pellegrinetti
Professeur en histoire contemporaine, université Côte d’Azur Nice, Directeur CMMC
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