Introduction de la deuxième partie
p. 95-96
Texte intégral
1Le xixe siècle est marqué par l’émergence, dans l’héritage contesté des affrontements idéologiques et des expérimentations parlementaires du quart de siècle de la Révolution française et de l’Empire, de courants et de familles politiques en cours de structuration.
2Cette permanence des usages politiques s’accompagne d’évolutions des cultures et des pratiques dans le champ politique français.
3De l’Empire libéral aux prémices de la République aux Républicains, une culture politique républicaine se met en place, les combats pour la démocratie forgent un socle de valeurs communes lors de ce « moment républicain ». Ce modèle infuse dans la société grâce aux cercles de sociabilité et à des vecteurs comme la presse ou la littérature qui témoignent de « la crise allemande de la pensée française ». À cet égard, la dernière année du Second Empire est une caisse de résonance privilégiée avec l’émergence du meeting politique. Si l’Année terrible instaure une éphémère union nationale, les élections de février 1871 masquent les vrais choix de régime ou de dynastie, peu avant que la Commune de Paris constitue un laboratoire de culture politique pour les familles de la gauche autour de la fête, de la laïcité, du genre. Si les cultures de droite échouent sur le « Grand refus » du comte de Chambord, elles se retrouvent dans des valeurs conservatrices d’Ordre moral, opposées à la « République des hommes d’affaires », aux commémorations de Voltaire et de Rousseau et aux combats culturels de Larousse et Littré.
4L’évolution libérale et parlementaire du Second Empire acclimate des pratiques gouvernementales que la Troisième République va prolonger au cours de sa première décennie d’existence. L’équilibre institutionnel évolue progressivement vers un « parlementarisme absolu » déséquilibré au détriment de l’exécutif, dénaturation du dualisme pensée, avec Prévost-Paradol et Albert de Broglie, en amont de la crise du 16 mai 1877 et transcrit dès 1875 dans des lois constitutionnelles marquées par l’indétermination. Les élites françaises ont eu des difficultés à penser sereinement un système parlementaire de gouvernement, obnubilées par la nature du régime après la trop brève existence de la Seconde République et le coup d’État du Prince-Président.
5Mais ce compromis libéral imposé par la conjonction des centres, par l’alliance stratégique de tous les modérés, est immédiatement contesté par une conception radicale d’une République absolue portée à gauche par Alfred Naquet, théoricien du régime d’assemblée sur le modèle conventionnel de la constitution montagnarde de 1793. Considérant la souveraineté du peuple comme une évidence scientifiquement démontrable, Naquet en déduit logiquement la République sous sa forme radicale, mais la faillibilité du corps électoral doit être corrigée par l’instruction des masses, obligatoire, gratuite et laïque, et circonscrite pour préserver les générations suivantes. Le pouvoir législatif monocaméral, préservé de toute menace de dissolution, subordonne l’exécutif incarné par un président du conseil sans portefeuille, responsable et révocable, et une garantie constitutionnelle sous la forme d’une Cour suprême politique.
6À l’autre extrémité, dans l’entourage du comte de Chambord, Pierre-Sébastien Laurentie tente de rendre acceptable une troisième Restauration monarchique. Rédacteur anonyme de La Politique royale, conseiller du prétendant émigré. Les échanges épistolaires permettent de saisir l’idéal de monarchie chrétienne face à la décadence, la montée de l’individualisme et la sécularisation. Les divisions et la désorganisation des légitimistes entraînent le recul de leurs journaux et de leur influence, ce dès l’empire libéral où les libéraux orléanistes escomptent tirer profit de « l’état de torysme bonapartiste ». L’occasion manquée des lendemains de Sedan puis de l’Assemblée de Bordeaux annoncent l’échec final, précipité par la peur de la Commune et par l’habileté de Thiers.
7Enfin, en dépit de l’impopularité massive du régime impérial dans les lendemains immédiats de la débâcle, les débuts incertains de la République redonnent un espoir de survie politique aux tenants d’une autre restauration princière au bénéfice de la dynastie bonapartiste, dont les bastions de Corse, de Charente ou du Lot résistent à la déchéance de Napoléon III. Le Prince impérial se prépare, reçoit une éducation historique auprès de Filon et Lavisse, une formation militaire à Woolwich, un apprentissage politique auprès de Rouher. « Prince possible » par sa popularité dans les campagnes et sa beauté charismatique, par l’impossibilité d’une restauration monarchique, il se comporte davantage en chef dynastique qu’en chef politique au sein de son parti.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008