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    Plan détaillé Texte intégral Les années étudiantes ou la naissance des convictions politiques Un jeune talent au sein de l’aristocratie du barreau : la naissance d’« Éloquent Laguerre » Engagement maçonnique et culture républicaine Notes de bas de page Auteur

    Les Dix décisives

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    Table des matières

    Apprentissage, réception et diffusion d’une culture républicaine

    La jeunesse au service de la nation, l’exemple de Georges Laguerre (1876-1880)

    Julien Rycx

    p. 83-92

    Texte intégral Les années étudiantes ou la naissance des convictions politiques Un jeune talent au sein de l’aristocratie du barreau : la naissance d’« Éloquent Laguerre » Engagement maçonnique et culture républicaine Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Loin du tableau peu élogieux dressé par les triomphateurs d’un boulangisme désagrégé, tout entier dévoué à marquer le « renégat » Laguerre du sceau de la trahison, il convient de rappeler que ce même Laguerre n’en incarnait pas moins, durant sa jeunesse, l’émergence d’une nouvelle génération républicaine, toute entière tournée vers un avenir commun à bâtir.

    2« Prince de la jeunesse républicaine1 » pour les uns, « jeune adonisé n’ayant de la démocratie, ni les instincts, ni l’éducation, ni l’esprit2 » pour les autres, Georges Laguerre (1858-1912) n’en incarne pas moins, aux côtés d’autres jeunes confrères tels Alexandre Millerand ou Raymond Poincaré, les aspirations d’une jeunesse étudiante militante. Étoile montante du radicalisme, le parcours initiatique du futur « enfant de chœur du boulangisme » offre, somme toute, une vision singulière des modes d’apprentissage, de réception et de diffusion d’une culture républicaine en quête de légitimité durant cette « décennie décisive ». Des bancs de la Faculté de droit de Paris aux arcanes de la Conférence Molé-Tocqueville, en passant par les cercles maçonniques, il fréquente assidûment les principaux réseaux de sociabilité républicains. Incarnant tant les illusions que les aspirations du radicalisme, son parcours illustre ainsi parfaitement les mécanismes de construction d’un « moi républicain », au sens freudien du terme, alternant convictions personnelles et pragmatisme politique.

    3Bien que singulier, et finalement éphémère, son itinéraire ne reflète-t-il pas les nouvelles aspirations politiques qui transcendent le Quartier latin durant cette « décennie décisive » ? De même, jeune talent parmi l’aristocratie du barreau, comment « Éloquent Laguerre » concilie-t-il ses convictions politiques, sources d’émotion, avec les principes de l’art oratoire acquis au sein des conférences ? Enfin, son chemin maçonnique n’illustre-t-il pas, à son tour, l’inéluctable politisation de la Maçonnerie ?

    Les années étudiantes ou la naissance des convictions politiques

    4Considéré comme « le grand lycée libéral » de la rive droite, le « lycée du beau monde3 » (particulièrement recherché par la bourgeoisie progressiste), le lycée Bonaparte/Fontanes/Condorcet accueille le jeune Laguerre dès l’âge de 10 ans. Celui-ci s’affirme très vite comme un élève particulièrement doué, remportant de nombreux prix. Ayant l’amour de la lecture, se plongeant dans les œuvres de Rousseau jusqu’à se faire réprimander par ses parents, le jeune homme est également un passionné d’histoire, rêvant même, un temps, de devenir archéologue. Fort de ses réussites scolaires, il est présenté au Concours général, participant, de fait, tant à la fraternité d’armes qu’à l’émulation entre les prestigieux lycées parisiens. Si le jeune garçon s’épanouit durant sa scolarité, il n’en reste pas moins profondément marqué par le siège de Paris par les Prussiens, éprouvant une profonde haine pour l’envahisseur, tout en demeurant irrésistiblement séduit par la République naissante, au grand désarroi de ses parents.

    5Comme à peine 1 % d’une classe d’âge concernée, il obtient le très convoité « brevet de bourgeoisie4 », lui octroyant ainsi l’accès à un enseignement supérieur, véritable sésame vers les carrières professionnelles, mais également réel levier pour la reproduction sociale des élites. Inscrit à la Faculté de droit de Paris, sa voie vers le monde judiciaire semble toute tracée.

    6Quand bien même, l’avocat, par sa culture universitaire spécialisée, mais ouverte sur les sujets politiques, ses qualités d’improvisation et de répartie, sans oublier sa probité et son désintéressement théoriques, se distingue comme le type même de l’« intermédiaire culturel par fonction5 » et par là même prédisposé aux fonctions politiques, le cas Laguerre y agrège, pour sa part, un processus complexe de construction du « moi républicain » ; ce dernier intériorise tant les acquis et les rancœurs familiales que les idéaux d’une jeunesse conquérante et ambitieuse, côtoyant les futures élites (aux réseaux et clientèles déterminantes).

    7Le jeune homme affirme très vite un réel désir de briller en société, y compris dans les cercles politiques de la capitale. Berceau d’une jeunesse étudiante politisée, la Faculté de droit contribue ainsi à son apprentissage politique. Quelles sont ses premières intuitions politiques ? Comment se manifestent-elles ? Peut-on parler de convictions au sens noble du terme ? Autant de questions qui annoncent une personnalité complexe, voire parfois insaisissable.

    8Comprendre la perception laguerienne du « politique », c’est avant tout se plonger dans le microcosme du Quartier latin autour duquel il gravite pendant les trois années décisives de l’édification républicaine (du triomphe républicain lors des élections de 1876 à l’élection de Jules Grévy à la présidence de la République en 1879, en passant par les soubresauts de la crise du 16 mai 1877). Sortant d’une « période critique », davantage caractérisée par les réunions de café et les petites feuilles pseudo littéraires (1851-1870), pour entrer dans « une période corporative6 », post-communarde, les mouvements de la jeunesse sont étroitement surveillés, notamment en raison de l’organisation du Congrès international des étudiants, prévu à Paris un mois à peine après les funérailles de Michelet, en juin 1876.

    9Les cours dispensés au sein de la Faculté de droit laissent, eux aussi, transparaître les aspirations et les divisions politiques d’une jeunesse de plus en plus militante. Les étudiants en droit n’hésitent plus à politiser certains cours, à l’image du cours d’économie politique. Nombre d’auditeurs attendent ainsi que ce dernier, nouvellement institué et assidûment fréquenté par le jeune Laguerre, soit confié à des professeurs républicains, au grand désespoir des étudiants catholiques qui dénoncent, au contraire, les manœuvres d’un ministère Waddington incarnant « non le bienfaiteur de l’instruction publique, mais l’ennemi du clergé et de ses doctrines7 ».

    10Devenu, en 1876, le secrétaire d’Adolphe Thiers, probablement par l’intercession du réseau familial maternel8, le jeune homme débute son initiation politique9. Il se lie ainsi d’amitié, dès 1878, avec le jeune Stephen Pichon, alors âgé de 21 ans, originaire de Besançon, venu à Paris pour préparer l’École normale supérieure. Collaborateur de Sigismond Lacroix (publiciste et conseiller municipal de Paris) dans La Commune affranchie (1878), Pichon défend avec vigueur les idées républicaines les plus avancées, dignes héritières du programme de Belleville. Son intermédiaire lui permet également de rencontrer Georges Clemenceau (probablement entre 1879 et 1880). On entrevoit ainsi les motivations qui poussent, quelques années plus tard, Laguerre, jeune avocat, à écrire ses premières chroniques judiciaires au sein de La Justice.

    11Comme le rappelle son camarade Félicien Champsaur10, alors jeune étudiant provincial, républicain et anticlérical, poète et rédacteur à la revue de la rive gauche Les Écoles, journal des étudiants, Laguerre entend également saisir toutes les opportunités qui s’offrent à lui. Le jeune ambitieux use ainsi de nombreux stratagèmes afin de rencontrer les grandes figures de la République, Victor Hugo en tête.

    12Désireux d’assister à la fête organisée au théâtre de la Gaîté, en l’honneur du centenaire de Voltaire, en mai 1878, Laguerre, jouant l’apitoiement, obtient habilement le droit d’accompagner Champsaur, délégué de sa section étudiante, chez le prestigieux républicain rue de Clichy, afin d’obtenir son sésame. Se distinguant d’emblée par son élégance vestimentaire, jugée inappropriée par son camarade, Laguerre oublie très vite les revendications estudiantines pour privilégier ses propres intérêts. Se mêlant aux conversations d’un Lockroy, d’un Vacquerie, d’un Anatole de la Forge et d’un Littré, le jeune étudiant y rencontre finalement Louis Blanc et acquiert son droit d’accès aux cercles d’extrême gauche. Devenant son secrétaire particulier11, Laguerre se trouve un nouveau mentor politique après le décès d’Adolphe Thiers. Comme le constate amèrement Champsaur, à défaut de convaincre les foules populaires par son éloquence, il maîtrise, déjà parfaitement, l’art de la dissimulation et de la tromperie.

    13Admirateur des « vieilles barbes » de 1848 et empreint de sincères sentiments républicains, plus ou moins avancés, le jeune homme privilégie encore la forme sur le fond. Ainsi, quelques mois plus tard, le jeune étudiant intransigeant et révolutionnaire du centenaire de Voltaire se mue, lors du bout de l’an d’Adolphe Thiers, à Notre Dame, en dévoué conservateur, désigné comme « l’un des commissaires de bonne volonté à qui Mme Thiers avait confié le soin de recevoir en son nom et de placer suivant leur rang les innombrables amis de son mari12 ». Il démontre finalement, pour reprendre la pensée de Christophe Charle, que contrairement à de nombreux présupposés établis en histoire culturelle, « ce n’est pas le maître qui forme le disciple, c’est le disciple qui choisissant un maître en fonction de ses attentes du moment puise chez lui les ressources pour aller plus loin et formuler son projet latent issu de ses expériences antérieures13 ».

    14S’il s’avère donc délicat de préciser les contours de sa jeune conscience politique, encore sujette à de nombreuses rencontres et à d’insaisissables influences, celle-ci s’affirme avec fougue durant sa formation au sein des conférences14.

    Un jeune talent au sein de l’aristocratie du barreau : la naissance d’« Éloquent Laguerre »

    15Encore sur les bancs de la Faculté de droit, le jeune Laguerre, nouveau secrétaire particulier de Louis Blanc, s’inscrit à la prestigieuse Conférence Molé-Tocqueville, en décembre 187815. Fruit de la fusion des conférences Molé et Tocqueville en 1876, celle-ci s’impose rapidement comme la « reine des conférences16 ». S’érigeant comme la première des grandes conférences d’éloquence, destinée à former les jeunes esprits au travail parlementaire, à l’acquisition d’une culture politique, elle se conçoit donc, tout naturellement, comme « le prolongement » de l’éducation reçue dans la famille et dans le système scolaire et universitaire17. Si, pour de nombreux avocats, c’est pendant le stage, ou immédiatement après celui-ci, qu’intervient leur adhésion (soit vers l’âge de vingt-quatre/vingt-cinq ans) Laguerre s’avère, pour sa part, très précoce, en intégrant la conférence à l’âge de vingt ans, n’ayant de fait pas encore obtenu son diplôme de droit. Réelles aptitudes intellectuelles ou simple résultante d’un parrainage appuyé ? La question reste ouverte faute de sources.

    16Quelle place cette institution occupe-t-elle dans le processus d’apprentissage républicain du jeune homme ? Deux pistes de réflexion s’imposent.

    17La première voit en ce moment initiatique un temps d’initiation humaniste « où les aptitudes se révèlent, où les caractères se dessinent », au sein d’une jeunesse ayant « des principes », mais « pas encore d’opinions » ? Un moment au sein duquel, aspirant principalement « au progrès moral de l’humanité18 », le membre idéal dépasserait ses propres aspirations professionnelles et sociales, pour privilégier un idéal de vertu et d’entraide ? Difficile ici de ne pas y opposer les ambitions déjà affirmées d’un jeune étudiant prêt à tous les subterfuges pour rencontrer ses mentors politiques, de Louis Blanc à Victor Hugo.

    18La seconde propose, à l’inverse, une vision beaucoup plus pragmatique et critique où, Laguerre, immortalisé par la plume de Barrès sous les traits du jeune Suret-Lefort, en quête d’ascension sociale et de réussite, serait sous l’emprise d’un « simili parlement », composé de « jeunes gens qui auraient pu être sincères, brefs et respectueux de la vérité », mais dont les âmes seraient en réalité corrompues « par les tours des vieux prestidigitateurs de la tribune19 ». Bien qu’empreint de dégoût pour cette institution qu’il juge en déclin, l’auteur souligne paradoxalement l’émergence d’une jeunesse brillante, militante et politisée, représentant l’ensemble du spectre politique, de l’extrême gauche à la droite monarchiste.

    19Quoi qu’il en soit, inscrit depuis deux mois à peine, il s’impose très vite, au sein du « petit parlement », parmi la jeunesse radicale, aux côtés de Paul Revoil, Louis Martin, Gustave-Adolphe Hubbard, Gaston Cougny et Alexandre Millerand.

    20L’influence du radicalisme se manifeste chez lui par l’affirmation de ses convictions anticléricales, visant à réduire l’influence du catholicisme dans la société, en profonde rupture pourtant avec son éducation familiale « réputée » empreinte d’un conservatisme religieux20. Chantre d’une pensée radicale en quête de laïcisation, il défend ainsi, aux côtés de ses camarades Hubbard, Cougny et Sensier, une motion proposant la séparation des Églises et de l’État (1879). Son anticléricalisme se réactive, deux ans plus tard (1881), par sa proposition d’abrogation de la loi du 24 juillet 1873 sur l’érection d’une église du Sacré-Cœur, à Montmartre. Qualifiée d’« audacieuse atteinte portée à la fois à la liberté de conscience et au respect inviolable dû à la propriété […] insolent défi jeté à la ville de la Libre-pensée [qui] s’élève sur la colline qui domine Paris21 », celle-ci doit, selon lui, laisser le champ libre à l’édification d’un hospice pour invalides civils.

    21C’est également aux côtés de ses camarades que Laguerre, particulièrement méfiant vis-à-vis d’une Chambre et d’un Sénat « imposés pour continuer la tradition monarchique22 », réclame la suppression de ce dernier, véritable « assemblée de ruraux », source d’immobilisme politique, ou tout « au moins, lui enlever ses pouvoirs, même en matière budgétaire23 ».

    22Il serait pourtant présomptueux de lui attribuer des convictions intangibles et définitives. Celles-ci s’adaptent bien plus au gré des situations, des enjeux et des hommes. À ce titre, il n’hésite nullement, au sein de la Conférence, à user d’alliances tactiques entre formations politiques concurrentes. Interpellant ses camarades au sujet de l’attribution à Gambetta de la présidence d’honneur du banquet annuel, prévu en mai 1881, Laguerre dénonce, non sans certaines arrière-pensées, la récupération politique, ici opportuniste, de l’événement et reçoit ainsi le soutien du monarchiste Jules Auffray. Les vigoureuses protestations d’un Joseph Reinach ne peuvent que se heurter à cette alliance, pour le moins insolite. Celle-ci répond, en réalité, bien plus à un mépris commun pour celui qui incarne, pour les uns, la trahison de l’esprit de Belleville, pour les autres, la politique anticléricale du gouvernement. À la différence de certaines de ses convictions, à géométrie variable, ce mépris pour l’opportunisme reste, chez lui, d’une constance sans faille, s’affirmant comme un élément structurant de sa pensée politique. Sa haine pour Ferry et Gambetta, commune à de nombreux radicaux, devient d’autant plus forte avec l’expérience boulangiste.

    23Une chose est certaine, comme le souligne son camarade Alexandre Millerand, le jeune homme, doté « d’un talent d’impertinence » sans équivalent, « excellant dans les manœuvres politiques24 », domine par ses qualités d’orateur. Secrétaire de la Conférence à l’âge de 23 ans, il devient, deux ans plus tard, en 1883, le plus jeune ancien secrétaire à accéder au Parlement25, le consacrant de fait comme le plus jeune député de la Chambre. L’activité politique occupe donc une place prépondérante dans le secrétariat de la Conférence qui se transforme progressivement en « une sorte d’antichambre des assemblées parlementaires26 » au sein de laquelle s’épanouit pleinement l’ambitieux Laguerre. L’éveil de cette conscience politique ne peut toutefois pleinement s’apprécier sans étudier son chemin maçonnique.

    Engagement maçonnique et culture républicaine

    24Bien que n’ayant aucun lien avec les élites locales, ni même aucune véritable attache territoriale, le jeune Laguerre est pourtant initié en juin 1880, au terme de son année de volontariat dans la Somme, au sein de la loge amiénoise La Rénovation27. Pourquoi un tel choix ?

    25D’un point de vue philosophique, cette loge28 semble en phase avec ses convictions. Républicain en quête de soi, pénétré de convictions radicales, voire socialistes, en rupture avec une éducation familiale jugée autoritaire et conservatrice, Laguerre ne retrouverait-il pas ici une structure en adéquation avec un désir de liberté propre à une jeunesse républicaine et ambitieuse ?

    26D’un point de vue plus pragmatique, on pourrait y deviner un pari sur l’avenir. Pour un ambitieux, les places à prendre à Paris doivent d’abord se conquérir en province où les vrais fiefs se construisent. Goblet mis à part, la Somme n’a pas d’homme politique d’envergure nationale et ce dernier est d’ailleurs un solitaire, orgueilleux et isolé par son caractère désagréable ; il n’est donc pas vraiment à craindre et le jeune Laguerre a pu croire qu’il y avait un espace libre à Amiens, avant de changer d’avis à son retour à Paris.

    27Quelles que soient ses véritables motivations, il incarne l’arrivée d’une nouvelle génération de maçons, politisés et militants. Dès la fin du Second Empire, de nouvelles sensibilités philosophiques et religieuses intègrent les loges. Spiritualistes, athées, rationalistes, positivistes cohabitent plus ou moins harmonieusement au sein d’une société de pensée qui défend ainsi la raison et la perfectibilité absolue de l’Homme, en opposant la science au fanatisme religieux. L’Ordre se nourrit pleinement de l’idéal de liberté et de tolérance défini par les principes de la Révolution française.

    28Dans cette perspective, les portes des temples s’ouvrent aux athées et agnostiques. L’anticléricalisme maçonnique29 se diffuse particulièrement en province, et notamment à Amiens, suite à la publication de l’encyclique Quanta Cura et du Syllabus. Qualifiée comme « l’une des capitales de nos plus ardents ennemis », la capitale picarde devient une véritable terre de reconquête pour les « vrais apôtres maçonniques » fondée sur une active « propagande30 », avec l’envoi de conférenciers aux ateliers qui le souhaitent, et le déroulement de tenues blanches souvent consacrées à la lutte contre l’Église…

    29À l’instar de sa loge, Georges Laguerre, alors jeune initié, s’érige contre « les aigreurs et les violences du fanatisme » et préfère s’engager dans « la conspiration de la tolérance ». Nullement « clandestine » ou initiatrice de « mauvaises conspirations31 », la Maçonnerie, en quête de vérité, s’évertue au contraire, selon lui, à défendre les grands principes de tolérance, de fraternité et d’égalité.

    30Si cette réflexion personnelle s’inscrit pleinement dans le traditionnel contre-argumentaire maçonnique réfutant toute accusation de sectarisme, il est intéressant de souligner que le même Laguerre sera longtemps suspecté pour son « cléricalisme » refoulé32, voire calculé33, en fin de compte particulièrement éloigné de l’idéal de vérité et de vertu maçonnique dont il se réclame34. Le cas Laguerre offre ainsi un intéressant regard sur l’antagonisme qui peut survenir entre convictions personnelles, revendiquées dans les cercles de sociabilité étudiants ou maçonniques, et pragmatisme politique, de ses liens socialistes et anarchistes (dès 1882) à ses relations monarchistes et bonapartistes (dès 1884), en passant par ses compromissions boulangistes et son discret soutien au ralliement des années 1890. Si les temps changent, si les certitudes d’hier nourrissent parfois les désillusions de demain, son engagement politique, sincère ou feint, n’en repose pas moins sur un socle républicain, défini dans son testament maçonnique en 1880.

    31Autre enjeu d’interpénétration entre convictions profanes et maçonniques, la question sociale se retrouve, presque instinctivement, au cœur des convictions naissantes du jeune avocat, pourtant, jusque-là, peu réceptif à cette thématique. Participant pleinement à sa renommée à venir, la pensée sociale de Laguerre se nourrit des idéaux maçonniques. Fondée sous la devise « Devoir et liberté. Justice et Charité », La Rénovation d’Amiens s’investit activement dans des « travaux de bienfaisance » envers les populations les plus nécessiteuses, afin de soulager leurs « misères quotidiennes ». À l’image des planches sur « Les moyens des plus efficaces de procurer le bien-être moral et physique aux classes des travailleurs35 », la sensibilisation des maçons aux idées radicales et socialistes s’y ressent de plus en plus. Si l’initiation du jeune Laguerre ne peut, à elle seule, témoigner d’une radicalisation de la loge36, elle n’en demeure pas moins révélatrice de l’émergence d’une nouvelle génération de maçons, militante et politisée, marquée par les idéaux du programme de Belleville, plaçant la question sociale au cœur des préoccupations politiques. Au terme d’une année de volontariat à Amiens, le jeune homme retrouve toutefois la capitale en novembre 1880, afin de reprendre la Conférence du Stage. Jeune maçon, promu au grade de maître, il rejoint, dès février 1881, la prestigieuse loge parisienne l’Amitié.

    ⁂

    32En définitive, bien que condamné, une décennie plus tard, à la damnatio memoriae, par une République triomphant sur la supposée « menace césarienne » boulangiste, Laguerre n’en incarne pas moins les profondes aspirations d’une jeunesse républicaine. Son parcours et ses convictions politiques reflètent les aspirations d’une jeunesse profondément marquée par les combats politiques menés durant cette « décennie décisive ». Son itinéraire, bien que brisé, incarne ainsi, à l’instar de celui d’Alexandre Ribot, d’Alexandre Millerand ou de Raymond Poincaré, les étapes d’un cursus honorum institué au sein de cette « République des avocats ».

    Notes de bas de page

    1 AN (Archives nationales) 470 AP 1, Millerand Alexandre, Mes souvenirs, p. 13-15.

    2 Peyrouton Abel, article « M. Georges Laguerre », L’Écho de Paris, 22 juillet 1888.

    3 Zola Émile, La Curée, 1872, p. 120-121.

    4 Gerbot Paul, « The Baccalaureate and its Role in the Recruitment and Formation of French Elites in the Nineteenth Century », in Joylon Howorth, Philip G. Cerny, Elites in France: Origins, Reproduction and Power, London, Frances Pinter, 1981, p. 53.

    5 Pour reprendre l’expression de Marc Venard, Les intermédiaires culturels par fonction, Aix-en-Provence, PUP, 1981.

    6 Moulinier Pierre, La naissance de l’étudiant moderne (xixe siècle), Paris, Belin, 2002, p. 197-217.

    7 Le Petit journal, article « Un congrès d’étudiants », 23 mai 1876.

    8 Sa grand-mère, Madeleine-Françoise-Camille Guichard, née Amic, est la cousine germaine de Marie-Madeleine Amic (1774-1852), à savoir la mère d’Adolphe Thiers.

    9 Il convient toutefois de noter que les fonctions de secrétaire demeurent aussi vagues qu’étendues.

    10 Champsaur Félicien, Le cerveau de Paris : esquisses de la vie littéraire et artistique, Paris, E. Dentu, 1886, p. 55-66.

    11 La chronologie de cette fonction auprès de Louis Blanc s’avère délicate. Robert Cougny la revendique également en 1878. Les deux hommes ont-ils collaboré ? Laguerre a-t-il succédé à Cougny ? Quoi qu’il en soit, les deux étudiants en droit se retrouvent, dès l’année suivante, au sein de la Conférence Molé-Tocqueville.

    12 Reinach Joseph, Les petites catilinaires. La foire boulangiste, vol. 1, Paris, Victor Havard, 1889, p. 113.

    13 « Grand entretien avec Christophe Charle : de la littérature à l’histoire, un parcours singulier », Revue Savoir/Agir, no 32, 2015/2, p. 74.

    14 Concernant cette thématique, voir Charle Christophe, « La bourgeoisie de robe en France au xixe siècle », Le Mouvement social, no 181, octobre-décembre 1997, p. 53-72 ; Joana Jean, « Entre la Barre et la Tribune. Les secrétaires de la Conférence du stage du Barreau de Paris face à l’activité parlementaire au xixe siècle », Revue française de science politique, 48e année, no 3-4, 1998, p. 480-506 ; Le Béguec Gilles, « L’aristocratie du barreau, vivier pour la république. Les secrétaires de la conférence du stage », Vingtième Siècle, revue d’histoire, no 30, avril-juin 1991, p. 22-31.

    15 BnF (Bibliothèque Nationale de France), Annuaire de la Conférence Molé-Tocqueville, Paris, Conférence Molé-Tocqueville, année 1879.

    16 Le Béguec Gilles, « Les circuits de formation du personnel politique », in Serge Berstein et Pierre Milza, Axes et méthodes de l’histoire politique, Paris, PUF, 1998, p. 305.

    17 Joana Jean, Pratiques politiques des députés français au xixe siècle. Du dilettante au spécialiste, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 132.

    18 Desportes Fernand, « Discours prononcé dans la séance du 27 novembre 1874 », Annuaire de la Conférence Molé, Paris, Guillemain, 1875, p. 1-2 ; avocat à la cour d’appel de Paris, auteur d’un essai remarqué sur la question sociale et les syndicats ouvriers (1876), membre libre de la Molé.

    19 Barrès Maurice, Les Déracinés, Paris, 1897, p. 11-12 et p. 325-326. Le profil de Suret-Lefort, par ses études, son ascension politique parisienne et ses contacts avec le milieu boulangiste, ne laisse que très peu de doute sur l’origine du modèle pris par Barrès. Soulignons enfin que les deux hommes entretiennent une réelle amitié dès la fin de l’année 1888 et que leur correspondance demeure « soutenue » en cette année 1897, date d’édition du premier tome de la trilogie du Roman de l’énergie nationale.

    20 L’éducation religieuse de Laguerre, fréquemment relatée par l’historiographie, s’appuie, en réalité, essentiellement sur les articles d’une presse conservatrice dénonçant la fourberie du député boulangiste. Bien qu’empreint de dégoût pour cette institution qu’il juge rétrospectivement en déclin, la Conférence Molé-Tocqueville connaît, paradoxalement, un renouveau lorsque Barrès rédige son ouvrage (cf. Le Béguec Gilles, « Un conservatoire parlementaire : la conférence Molé Tocqueville à la fin de la Troisième République », Supplément au Bulletin de la Société d’Histoire Moderne, no 2, 1984, seizième série, no 22, 83e année, p. 16-23).

    21 BnF, Annuaire de la Conférence Molé-Tocqueville, séance du 13 mai 1881, compte rendu p. 253-273.

    22 BnF, Annuaire de la Conférence Molé-Tocqueville, séance du 10 juin 1881, compte rendu sommaire, p. 212. Laguerre et Revoil font ainsi voter un projet de loi stipulant la non-rééligibilité des présidents des deux chambres « en raison du danger que peut faire courir à une démocratie un engouement trop facile pour une personne ».

    23 D’Eschevannes Carlos, Laguerre et ses amis, Vaison, Macabet frères, 1924, p. 24.

    24 AN 470 AP 1, Millerand Alexandre, Mes souvenirs, p. 13-15.

    25 La moyenne d’âge d’obtention du premier mandat politique des anciens secrétaires est située autour de 39 ans (cf. Joana Jean, Pratiques politiques des députés français au xixe siècle, op. cit., p. 117-118).

    26 Le Béguec Gilles, « L’aristocratie du barreau, vivier pour la République », art. cité, p. 24.

    27 BnF FM2 (1013), Loge la Rénovation d’Amiens (1876-1884), Dossier « Demande de diplôme pour Georges Laguerre ». Il y reçoit le grade d’apprenti lors de la tenue du 7 juin 1880 (loge affiliée au Grand Orient de France).

    28 Si, comme le souligne Renaud Quillet (La gauche dans la Somme, 1848-1924, Amiens, Encrage, 2009, p. 89), le refus d’adhérer à la Maçonnerie d’un René Goblet, grande figure politique de la gauche locale, puis nationale, peut être analysé comme un signe du faible rayonnement maçonnique picard, il convient toutefois de rappeler que temps maçonnique et politique ne sont pas nécessairement liés. L’initiation du jeune Laguerre, à l’âge de 22 ans, incarnation même d’une jeunesse en quête de républicanisme, brillant sous les feux de la Conférence Molé-Tocqueville, ne peut se réduire à une quelconque proximité géographique avec la capitale. Lors de son procès maçonnique pour boulangisme en 1891, Laguerre n’en sera que plus ému en se remémorant sa première loge et son éveil maçonnique. Bien qu’éphémère, la Rénovation pose les jalons d’une présence maçonnique dans les sphères politiques locales qui s’affirmera, davantage en phase avec la politisation et la radicalisation du GODF, durant les années 1890.

    29 La suppression de la référence au « Grand Architecte de l’Univers » est finalement adoptée par le GODF lors du convent de 1877. Le Suprême Conseil de France, seconde obédience française, refuse, quant à lui, cette orientation et reste attaché au symbolisme religieux. Toutefois, ce dernier doit faire face à de profondes divisions internes poussant certains de ses membres à faire sécession au sein de la Grande Loge Symbolique Écossaise, créée en 1880, sous l’impulsion du radical Gustave Mesureur.

    30 BnF FM2 (652), Loge la Rénovation d’Amiens (1865-1875), Lettre du 20 novembre 1864. Terme littéralement employé dans les Bulletins officiels du GODF, dans les tables des matières, pour relater les conférences des francs-maçons en province.

    31 BnF FM2 (1013), Loge la Rénovation d’Amiens (1876-1884), Discours de Georges Laguerre, 9 novembre 1880.

    32 Il devra ainsi reconnaître, dès 1882, s’être marié religieusement (Le Tintamarre, 16 juillet 1882).

    33 La Croix, 12 avril 1888 : « La famille Laguerre est très catholique. Lui, Georges, transformait jadis sa chambre en oratoire, et y célébrait la messe. Plus tard, il s’éprit de Victor Hugo, il en avait toujours sur lui une photographie et lui baisait les mains trois fois par jour. M. Laguerre est marié religieusement, mais il n’avait pas voulu laisser baptiser ses deux filles qui l’ont été plus tard lorsque l’inconduite de son mari a forcé Mme Laguerre à se séparer de lui… par le divorce. »

    34 Rappelons que ses compagnons de lutte n’hésitent pas à le qualifier de profondément athée (voir note 21).

    35 BnF FM2 (653), Loge la Rénovation d’Amiens (1865-1875), Concours de la fête solsticiale de 1867.

    36 Combes André, « Radicalisme et franc-maçonnerie » in Serge Bernstein et Marcel Ruby (dir.), Un siècle de radicalisme, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2004.

    Auteur

    • Julien Rycx
      Professeur agrégé, doctorant à l’université de Lille 3
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    1 AN (Archives nationales) 470 AP 1, Millerand Alexandre, Mes souvenirs, p. 13-15.

    2 Peyrouton Abel, article « M. Georges Laguerre », L’Écho de Paris, 22 juillet 1888.

    3 Zola Émile, La Curée, 1872, p. 120-121.

    4 Gerbot Paul, « The Baccalaureate and its Role in the Recruitment and Formation of French Elites in the Nineteenth Century », in Joylon Howorth, Philip G. Cerny, Elites in France: Origins, Reproduction and Power, London, Frances Pinter, 1981, p. 53.

    5 Pour reprendre l’expression de Marc Venard, Les intermédiaires culturels par fonction, Aix-en-Provence, PUP, 1981.

    6 Moulinier Pierre, La naissance de l’étudiant moderne (xixe siècle), Paris, Belin, 2002, p. 197-217.

    7 Le Petit journal, article « Un congrès d’étudiants », 23 mai 1876.

    8 Sa grand-mère, Madeleine-Françoise-Camille Guichard, née Amic, est la cousine germaine de Marie-Madeleine Amic (1774-1852), à savoir la mère d’Adolphe Thiers.

    9 Il convient toutefois de noter que les fonctions de secrétaire demeurent aussi vagues qu’étendues.

    10 Champsaur Félicien, Le cerveau de Paris : esquisses de la vie littéraire et artistique, Paris, E. Dentu, 1886, p. 55-66.

    11 La chronologie de cette fonction auprès de Louis Blanc s’avère délicate. Robert Cougny la revendique également en 1878. Les deux hommes ont-ils collaboré ? Laguerre a-t-il succédé à Cougny ? Quoi qu’il en soit, les deux étudiants en droit se retrouvent, dès l’année suivante, au sein de la Conférence Molé-Tocqueville.

    12 Reinach Joseph, Les petites catilinaires. La foire boulangiste, vol. 1, Paris, Victor Havard, 1889, p. 113.

    13 « Grand entretien avec Christophe Charle : de la littérature à l’histoire, un parcours singulier », Revue Savoir/Agir, no 32, 2015/2, p. 74.

    14 Concernant cette thématique, voir Charle Christophe, « La bourgeoisie de robe en France au xixe siècle », Le Mouvement social, no 181, octobre-décembre 1997, p. 53-72 ; Joana Jean, « Entre la Barre et la Tribune. Les secrétaires de la Conférence du stage du Barreau de Paris face à l’activité parlementaire au xixe siècle », Revue française de science politique, 48e année, no 3-4, 1998, p. 480-506 ; Le Béguec Gilles, « L’aristocratie du barreau, vivier pour la république. Les secrétaires de la conférence du stage », Vingtième Siècle, revue d’histoire, no 30, avril-juin 1991, p. 22-31.

    15 BnF (Bibliothèque Nationale de France), Annuaire de la Conférence Molé-Tocqueville, Paris, Conférence Molé-Tocqueville, année 1879.

    16 Le Béguec Gilles, « Les circuits de formation du personnel politique », in Serge Berstein et Pierre Milza, Axes et méthodes de l’histoire politique, Paris, PUF, 1998, p. 305.

    17 Joana Jean, Pratiques politiques des députés français au xixe siècle. Du dilettante au spécialiste, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 132.

    18 Desportes Fernand, « Discours prononcé dans la séance du 27 novembre 1874 », Annuaire de la Conférence Molé, Paris, Guillemain, 1875, p. 1-2 ; avocat à la cour d’appel de Paris, auteur d’un essai remarqué sur la question sociale et les syndicats ouvriers (1876), membre libre de la Molé.

    19 Barrès Maurice, Les Déracinés, Paris, 1897, p. 11-12 et p. 325-326. Le profil de Suret-Lefort, par ses études, son ascension politique parisienne et ses contacts avec le milieu boulangiste, ne laisse que très peu de doute sur l’origine du modèle pris par Barrès. Soulignons enfin que les deux hommes entretiennent une réelle amitié dès la fin de l’année 1888 et que leur correspondance demeure « soutenue » en cette année 1897, date d’édition du premier tome de la trilogie du Roman de l’énergie nationale.

    20 L’éducation religieuse de Laguerre, fréquemment relatée par l’historiographie, s’appuie, en réalité, essentiellement sur les articles d’une presse conservatrice dénonçant la fourberie du député boulangiste. Bien qu’empreint de dégoût pour cette institution qu’il juge rétrospectivement en déclin, la Conférence Molé-Tocqueville connaît, paradoxalement, un renouveau lorsque Barrès rédige son ouvrage (cf. Le Béguec Gilles, « Un conservatoire parlementaire : la conférence Molé Tocqueville à la fin de la Troisième République », Supplément au Bulletin de la Société d’Histoire Moderne, no 2, 1984, seizième série, no 22, 83e année, p. 16-23).

    21 BnF, Annuaire de la Conférence Molé-Tocqueville, séance du 13 mai 1881, compte rendu p. 253-273.

    22 BnF, Annuaire de la Conférence Molé-Tocqueville, séance du 10 juin 1881, compte rendu sommaire, p. 212. Laguerre et Revoil font ainsi voter un projet de loi stipulant la non-rééligibilité des présidents des deux chambres « en raison du danger que peut faire courir à une démocratie un engouement trop facile pour une personne ».

    23 D’Eschevannes Carlos, Laguerre et ses amis, Vaison, Macabet frères, 1924, p. 24.

    24 AN 470 AP 1, Millerand Alexandre, Mes souvenirs, p. 13-15.

    25 La moyenne d’âge d’obtention du premier mandat politique des anciens secrétaires est située autour de 39 ans (cf. Joana Jean, Pratiques politiques des députés français au xixe siècle, op. cit., p. 117-118).

    26 Le Béguec Gilles, « L’aristocratie du barreau, vivier pour la République », art. cité, p. 24.

    27 BnF FM2 (1013), Loge la Rénovation d’Amiens (1876-1884), Dossier « Demande de diplôme pour Georges Laguerre ». Il y reçoit le grade d’apprenti lors de la tenue du 7 juin 1880 (loge affiliée au Grand Orient de France).

    28 Si, comme le souligne Renaud Quillet (La gauche dans la Somme, 1848-1924, Amiens, Encrage, 2009, p. 89), le refus d’adhérer à la Maçonnerie d’un René Goblet, grande figure politique de la gauche locale, puis nationale, peut être analysé comme un signe du faible rayonnement maçonnique picard, il convient toutefois de rappeler que temps maçonnique et politique ne sont pas nécessairement liés. L’initiation du jeune Laguerre, à l’âge de 22 ans, incarnation même d’une jeunesse en quête de républicanisme, brillant sous les feux de la Conférence Molé-Tocqueville, ne peut se réduire à une quelconque proximité géographique avec la capitale. Lors de son procès maçonnique pour boulangisme en 1891, Laguerre n’en sera que plus ému en se remémorant sa première loge et son éveil maçonnique. Bien qu’éphémère, la Rénovation pose les jalons d’une présence maçonnique dans les sphères politiques locales qui s’affirmera, davantage en phase avec la politisation et la radicalisation du GODF, durant les années 1890.

    29 La suppression de la référence au « Grand Architecte de l’Univers » est finalement adoptée par le GODF lors du convent de 1877. Le Suprême Conseil de France, seconde obédience française, refuse, quant à lui, cette orientation et reste attaché au symbolisme religieux. Toutefois, ce dernier doit faire face à de profondes divisions internes poussant certains de ses membres à faire sécession au sein de la Grande Loge Symbolique Écossaise, créée en 1880, sous l’impulsion du radical Gustave Mesureur.

    30 BnF FM2 (652), Loge la Rénovation d’Amiens (1865-1875), Lettre du 20 novembre 1864. Terme littéralement employé dans les Bulletins officiels du GODF, dans les tables des matières, pour relater les conférences des francs-maçons en province.

    31 BnF FM2 (1013), Loge la Rénovation d’Amiens (1876-1884), Discours de Georges Laguerre, 9 novembre 1880.

    32 Il devra ainsi reconnaître, dès 1882, s’être marié religieusement (Le Tintamarre, 16 juillet 1882).

    33 La Croix, 12 avril 1888 : « La famille Laguerre est très catholique. Lui, Georges, transformait jadis sa chambre en oratoire, et y célébrait la messe. Plus tard, il s’éprit de Victor Hugo, il en avait toujours sur lui une photographie et lui baisait les mains trois fois par jour. M. Laguerre est marié religieusement, mais il n’avait pas voulu laisser baptiser ses deux filles qui l’ont été plus tard lorsque l’inconduite de son mari a forcé Mme Laguerre à se séparer de lui… par le divorce. »

    34 Rappelons que ses compagnons de lutte n’hésitent pas à le qualifier de profondément athée (voir note 21).

    35 BnF FM2 (653), Loge la Rénovation d’Amiens (1865-1875), Concours de la fête solsticiale de 1867.

    36 Combes André, « Radicalisme et franc-maçonnerie » in Serge Bernstein et Marcel Ruby (dir.), Un siècle de radicalisme, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2004.

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    Ce livre est cité par

    • Sussman, Sarah. (2023) Recent Books and Dissertations on French History. French Historical Studies, 46. DOI: 10.1215/00161071-10350103

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    Rycx, J. (2022). Apprentissage, réception et diffusion d’une culture républicaine. In P. Allorant, W. Badier, & J. Garrigues (éds.), Les Dix décisives (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.160782
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    Allorant, Pierre, et al., éditeurs. Les Dix décisives. Presses universitaires de Rennes, 2022, https://doi.org/10.4000/books.pur.160732.
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