De la cour à l’entreprise, noblesses et privilèges économiques dans la région-résidence du roi de France (xviie-xviiie siècles)
p. 115-130
Texte intégral
1Que Louis XIV ait, à partir de 1682, favorisé Versailles par rapport aux autres « maisons royales » n’est finalement guère singulier, ses prédécesseurs ayant eux aussi privilégié l’une ou l’autre de leurs résidences – par exemple le château de Saint-Germain-en-Laye dans la première moitié du xviie siècle. Plus étonnant est donc le choix que ses successeurs firent de pérenniser cette élection versaillaise. Sous son règne comme sous celui de Louis XV et de Louis XVI, celle-ci n’est cependant pas exclusive du maintien de formes d’itinérance dans une région-résidence resserrée autour de Paris1. Ce système fondé sur des micro-mobilités est en outre commun à la plupart des cours princières occidentales de la seconde modernité. Quant au choix français plus radicalement en faveur de l’espace suburbain, il ne doit pas masquer le fait que Paris demeure à l’époque moderne le cœur logistique de la région-résidence royale. À un imaginaire en termes de rapports de force, l’historien doit donc combiner, si ce n’est substituer, l’analyse des principes de continuité socio-culturelle et spatiale qui lient la cour et la ville dans les discours et les pratiques de la seconde moitié du xviie à la fin du xviiie siècle. À cette époque, l’ensemble des acteurs du monde de la cour – courtisans, ministres, serviteurs – ne cessent d’échanger avec la ville comme de circuler entre Versailles et Paris2. C’est ainsi que les privilèges pour des entreprises de transport, notamment les « voitures de la cour3 », dominent le corpus des privilèges d’entreprise accordés à des membres de la noblesse pour implanter des activités dans cette région-résidence. Cette mise en évidence de formes d’imbrication économique nourrit donc la réflexion au cœur de cet ouvrage : reconsidérer l’histoire de la noblesse à travers sa double inscription dans un système social – la cour – et un espace – la ville – qui entretiennent des interactions complexes4.
2Défini comme l’Ancien Régime à partir de son abolition, le privilège est spontanément associé à la noblesse, mais rarement sous l’angle de l’encouragement des entreprises. De même, le rôle de la cour comme institution économique a longtemps été oblitéré. Pôle majeur de consommation, lieu d’agrégation des bénéficiaires de la grâce royale, centre de redistribution, la cour est pourtant au cœur des échanges entre le souverain et ses sujets à l’échelle de l’espace de résidence comme à l’échelle de l’espace d’exercice de la souveraineté. La manière dont se noue l’attractivité de la cour pour les nobles, l’efficience socio-économique qu’ils tirent de leur présence ou de leur représentation en son sein et la traduction en termes d’inscription spatiale de leur capacité d’action économique dans la région-résidence royale polarisée par Paris constitue donc un problème historiographique essentiel.
3C’est pour esquisser des pistes de réponse à cette problématique qu’a été construit un corpus de privilèges accordés à des membres de la noblesse pour implanter des entreprises dans cette région-résidence aulique, extraits des résultats d’une enquête plus large sur « les privilèges économiques en Europe » du xvie au xixe siècle. L’objectif de cette enquête collective était de quantifier l’octroi de privilèges économiques personnels dans neuf États d’Europe occidentale pour mettre en évidence le rôle d’un instrument juridique jugé archaïque – le privilège – dans les dynamiques du changement économique et l’affirmation de l’entreprise individuelle5. Cette perspective méthodologique réinsère donc la compréhension des mécanismes de régulation de la vie économique dans le cadre plus large de la revendication des pouvoirs souverains d’un monopole sur les grâces6. Expression de relations institutionnalisées entre l’État et les sujets, le privilège n’est en soi ni arbitraire, ni impersonnel : ce dispositif juridique a vocation à être territorialisé et adapté au terme d’un processus impliquant un dialogue entre le pouvoir central, les pouvoirs locaux et les requérants.
4Dès lors, les principes mêmes d’octroi invitent à utiliser la base de données constituée pour conduire des analyses portant sur des sous-corpus produits, dans chacun des États étudiés, par le croisement des critères d’identification des bénéficiaires et des critères d’inscription spatiale des privilèges. Dans le royaume de France comme ailleurs, il n’y a pas en effet une politique d’octroi du privilège, mais des réponses par le privilège à différentes demandes et problématiques territoriales. L’échantillon de privilèges d’entreprise constitué par le croisement des bénéficiaires nobles avec l’espace de la région-résidence du roi de France forme ainsi un corpus restreint7 mais pertinent pour mettre à l’épreuve l’hypothèse de la plasticité de cet instrument juridique. Sa constitution selon des critères larges – en englobant toutes les noblesses impliquées dans tous les types d’entreprises localisées dans la région-résidence aulique –, puis sa mise en regard avec les données portant sur l’ensemble des privilèges économiques comme avec celles portant sur l’ensemble des bénéficiaires nobles recensés dans le royaume permettent d’interroger la ressource que la région-résidence aulique représente pour la noblesse. En somme, la proximité sociale et symbolique au souverain – par le rang – entraîne-t-elle mécaniquement de le solliciter pour investir plus intensément le territoire déterminé par sa résidence et son itinérance ? Peut-on déterminer plus finement les formes de l’intégration spatiale que le privilège offre à la noblesse dans l’espace urbain et suburbain que structurent Paris et ses satellites auliques8 ? Utiles au pouvoir royal pour participer à l’inscription territoriale de la noblesse en lien avec le fonctionnement de la cour, les privilèges étudiés ne prennent pourtant sens qu’en comparaison et en articulation avec des privilèges accordés à d’autres échelles.
Noblesse et privilèges économiques : dynamique d’ensemble et implantation dans la région-résidence royale
5Les représentations du noble en soldat et en propriétaire terrien protégé par le roi, entretenues par la monarchie et par la noblesse elle-même9, ont longtemps nourri l’idée que la noblesse était étrangère aux dynamiques du changement socio-économique – et d’autant plus que la cour demeure un impensé des économies anciennes. Loin que la noblesse ait toujours été considérée comme exclue des activités productives, le débat sur la « noblesse commerçante » agite les contemporains dès le tournant des xviie et xviiie siècles. En appelant à la dignité du commerce pour concilier entreprise et non-dérogeance, l’abbé Coyer encourageait une transformation des mentalités en même temps qu’il mettait en lumière des capacités d’action et des pratiques antérieures. De fait, le renouvellement de l’historiographie des noblesses a démontré tant une pluralité coextensive à un discours unitaire sur l’ordre nobiliaire que la reconnaissance par la monarchie de la diversité des formes de service du souverain ou l’investissement nobiliaire dans les « affaires du roi » et les dynamiques de la production et des échanges à l’époque moderne10. Dans cette perspective, l’un des apports de l’enquête sur les privilèges économiques dans l’Europe moderne est de multiplier les traces d’un investissement direct des noblesses dans des entreprises économiques. Elle montre leur activité entrepreneuriale aussi bien en dehors de leur participation à l’irrigation des caisses du trésor royal – par l’intermédiaire de prête-noms et de complexes circuits financiers – qu’en dehors des espaces d’action économique directement liés aux mécanismes de l’office et du service de la maison du roi.
6La base de données a permis de recenser 490 nobles sur un total de 2 961 bénéficiaires de privilèges – soit 14,5 % de ces derniers et, même, 34,5 % des personnes identifiées par un statut. Ces chiffres mettent bien en évidence la présence de l’ordre nobiliaire, et par conséquent l’implication individuelle de ses membres, dans la vie économique du royaume. Décorrélée de leur poids démographique11, leur importance dans la population des bénéficiaires de privilèges économiques est en revanche en rapport avec celle de leur patrimoine foncier et de leur capital. Elle témoigne de leur capacité à diversifier les ressorts de leur fortune. En cela, les noblesses implantées dans le royaume de France ne se détourneraient pas plus, mutatis mutandis, que leurs homologues européennes de l’entreprise (fig. 1). Leur recours au privilège serait en revanche moins fréquent qu’en Angleterre où cet instrument juridique a joué un rôle essentiel dans les dynamiques économiques du xviie siècle – comme au xviiie siècle12.
Fig. 1. – Part des bénéficiaires nobles dans six des États où les octrois de privilèges ont été recensés (les données pour le royaume d’Angleterre ne portent que sur le xviie siècle et excluent les licences pour les tavernes et le commerce du tabac).
Part de l’ensemble des bénéficiaires | Part de l’ensemble des bénéficiaires au statut identifiable | |
Royaume de France | 14,5 % | 34,5 % |
Royaume d’Angleterre | 29,9 % | 81,6 % |
Électorat de Saxe | 3 % | 10 % |
Florence/Toscane | 7,5 % | 11,4 % |
Piémont | 13 % | 21,2 % |
Venise | 1,5 % | 11,5 % |
7Si la proportion plus importante de nobles parmi les bénéficiaires au statut identifié peut indiquer leur tendance à revendiquer leur qualité sociale dans les actes d’octroi, il n’en demeure pas moins que le rôle de la noblesse peut être escamoté dans d’autres actes (par une formulation moins explicite de leur qualité ou par le jeu des associations ou, encore, du recours à des prête-noms). Quels que soient l’espace et la période considérés, s’observe ainsi une tension entre la visibilité et l’invisibilité de la noblesse dans la dynamique juridico-économique du recours au privilège pour la mise en œuvre d’entreprises. C’est ce même constat qui s’impose lorsque l’on rapporte la distribution temporelle des octrois de privilèges économiques nobiliaires pour des activités implantées dans la région-résidence royale à celle de l’ensemble des octrois. Il apparaît en effet clairement que la courbe de l’investissement nobiliaire épouse la courbe générale. Bien qu’extraits du corpus en fonction de critères spécifiques – et non d’une règle de représentativité par rapport à l’ensemble –, les quarante-neuf privilèges recensés pour des entreprises nobiliaires implantées dans l’orbite de la résidence du roi de France s’avèrent octroyés selon un rythme et une intensité similaires à celle de l’ensemble des privilèges recensés13. Les deux courbes connaissent des mouvements à la hausse aux mêmes moments-clefs – autour de la décennie 1660 et de ce que l’on pourrait qualifier de « moment Colbert », puis dans les décennies 1760 à 1780 qui marquent un – paradoxal ? – second âge d’or du privilège d’entreprise14.
Fig. 2. – Distribution dans le temps des octrois : comparaison entre l’ensemble des privilèges français et l’échantillon des privilèges nobiliaires implantés dans la région-résidence royale.


8Participant de la dynamique d’ensemble, la noblesse s’est donc emparée de ce dispositif juridique sans pour autant l’accaparer. Si elle y recourt jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, son rôle semble proportionnellement moins moteur dans le second âge d’or que dans le premier. À l’inverse de ce qui s’observe au cours du règne personnel de Louis XIV, c’est en effet selon un rythme moins soutenu, par rapport à l’ensemble des privilèges, que les nobles ont continué à la fin de l’Ancien Régime de solliciter le pouvoir royal pour asseoir leurs entreprises dans la région-résidence royale. Cette érosion étant plus prononcée dans le cadre de l’espace de la région-résidence qu’à l’échelle du royaume – où l’investissement dans les mines soutient la présence nobiliaire dans les privilèges d’entreprise –, elle signalerait moins un désinvestissement de la noblesse que son ouverture à d’autres activités et d’autres espaces.
Les entreprises privilégiées de la région-résidence royale comme révélateur de la noblesse de cour
9Le groupe des bénéficiaires nobles de privilèges implantés dans la région-résidence royale se caractérise à la fois par la diversité des horizons nobiliaires et par le poids significatif des individus dans une proximité institutionnalisée au prince. Cette hétérogénéité est à l’aune de la revendication par la monarchie de sa capacité à dire l’ordre social – c’est-à-dire à le recomposer en élevant et en intégrant des individus. S’il convient d’éviter de réduire la diversité des expériences sociales du rang à la mise en forme institutionnelle de normes par le pouvoir royal15, le recensement des privilèges octroyés par la monarchie n’en rend pas moins sensible la mise en œuvre d’une politique de distribution des grâces transversale aux hiérarchies socio-économiques16. En ce sens, la dispersion sociologique de la distribution des privilèges illustre la manière dont la grâce est l’instrument empirique d’une cohésion sociale ordonnée autour de la personne souveraine. Les nobles soutenus dans leurs activités implantées au plus près de la résidence royale incarnent ainsi la pluralité des modalités d’accès à la noblesse intégrées en une hiérarchie unifiée dans la capitation de 1695.
10Les bénéficiaires des privilèges peuvent en effet se situer aux plus hauts degrés de la hiérarchie nobiliaire – la famille royale au sens strict, le groupe des princes du sang, celui des ducs et pairs (comme le duc de Guise ou le duc de Noailles) – ou n’avoir que le rang de simples écuyers. De même, ils peuvent aussi bien appartenir aux plus anciennes familles de la noblesse d’épée qu’à des familles de la noblesse de robe au service de la monarchie depuis la première modernité (comme les Lefevre de Caumartin) ou à des familles fraîchement anoblies du fait de leur intéressement dans les affaires du roi (comme les Tavernier de Boullongne).
11Un duc et pair comme le duc de Luxembourg peut ainsi recevoir en 1723 un privilège pour un service de diligence par eau entre Paris et Rouen, puis le transmettre à ses héritiers17. Du côté du monde de la robe, la famille Phélypeaux participe à l’organisation du service de transport public francilien en étant introduite dans le groupe des détenteurs du privilège des carrosses de place parisiens en 1710, au moment de sa réunion à celui de diverses dessertes – entre Paris et Saint-Germain, Poissy, Meulan, Mantes et Le Pecq notamment18. Du côté du monde de la finance, Denis Pierre Jean Papillon de La Ferté est l’un des représentants de ces hommes dont l’ascension familiale depuis le xviie siècle, grâce à des investissements dans les offices de finance et dans la Ferme générale ainsi que dans l’approvisionnement curial ou militaire, se prolonge au xviiie siècle par l’accès à la noblesse, mais aussi par l’acquisition de capacités entrepreneuriales. C’est ainsi qu’il reçoit avec ses associés en 1784 un arrêt du conseil pour la fabrication d’alun factice dans sa manufacture de Javel ainsi que pour sa commercialisation dans tout le royaume19. Dans tous les cas de figure, le privilège est l’instrument du soutien du pouvoir royal à l’implication de « sa noblesse », jusqu’aux fils de France et aux princes du sang, dans des entreprises économiques et la publication officielle de celle-ci.
12Au-delà de cette diversité nobiliaire, la focalisation sur la région-résidence royale entraîne une surreprésentation des serviteurs au plus près du corps du prince. Il s’en trouve une proportion deux fois plus élevée qu’au sein de l’ensemble des bénéficiaires nobles dont la qualité sociale est détaillée dans les actes recensés20. Ces bénéficiaires sont, à un titre ou un autre, officiers de la maison du roi ou d’une maison princière. Certains détiennent des charges civiles, comme celles de gentilhomme ordinaire, de valet de chambre du roi ou de femme de chambre de la reine. C’est ainsi que la femme de chambre d’Anne d’Autriche, Catherine-Henriette de Beauvais, reçut en récompense de ses services le privilège des voitures à la suite de la cour. D’autres détiennent des charges militaires – comme celle de capitaine des gardes de la porte. Si, par définition, il ne se trouve pas parmi eux de détenteurs de « bas » offices, ces individus – d’un simple garde du corps jusqu’au duc de Noailles, dont peut n’être rappelé qu’un titre parmi d’autres comme celui de « Maître de la charge de capitaine et gouverneur (des) château et parc de Saint-Germain » – n’en incarnent pas moins le camaïeu sociologique que dessinent les charges et emplois curiaux.
13Cette surreprésentation des officiers au plus près du prince est d’autant plus sensible que ce premier cercle peut être élargi de deux façons. Tout d’abord en y incluant les favorites royales, dont l’élévation s’accompagnait d’ailleurs souvent de l’accession à des charges au sein d’une des maisons féminines de la famille royale. Apparaissent ainsi deux des maîtresses de Louis XIV, la comtesse Lydie de Rochefort de Beuvron et la marquise de Montespan – en association avec sa sœur, la marquise Gabrielle de Rochechouart de Thianges21. Ces deux cas de figure illustrent combien le « destin » des favorites royales relevait moins d’une fulgurance individuelle que de logiques de patrimonialisation familiale des bienfaits royaux22. Dans la perspective de l’articulation de la cour et de l’État, il est également possible de rapprocher du cercle des serviteurs de la maison du roi celui des détenteurs d’offices de finance ou de judicature, dont les charges permettaient de prétendre à la commensalité23.
14En y adjoignant enfin les détenteurs de charges militaires et autres membres des ordres de chevalerie tels que les chevaliers de l’ordre de Saint-Michel, l’effectif masculin de notre échantillon est quasi au complet. En combinant ces caractéristiques au fait que la part des femmes (près de 15 %) est bien plus importante dans cet échantillon qu’au sein de l’ensemble des bénéficiaires dont elles ne représentent qu’une part résiduelle, le groupe des bénéficiaires de privilèges économiques dans la région-résidence royale a donc bien les traits de la cour – à la fois dans son acception la plus large et au sens où le roi la façonne, entre service de sa personne et service de l’État. Proximité géographique et proximité sociale au souverain se nourrissent donc pour constituer un groupe de privilégiés implantés dans l’espace polarisé par sa résidence et y refléter tant la cohérence politique que la diversité sociale de sa noblesse de cour.
La noblesse, la région-résidence royale et le royaume : des privilèges au service des transports
15Siège du gouvernement et de la cour, la région-résidence royale est par définition le lieu où solliciter l’obtention d’une grâce royale. Ce n’en est pas pour autant l’espace où s’implantent la majorité des activités privilégiées : si la capitale est bien la ville qui en concentre le plus, les privilèges économiques français répertoriés dans la base ne sont au contraire pas principalement parisiens ou franciliens. Seuls 9 % d’entre eux sont octroyés dans Paris – ou dans des aires polarisées par la capitale – et leur géographie est globalement marquée par leur dissémination à travers le royaume. C’est même le cas des privilèges pour des infrastructures ou des entreprises de transport dont l’activité est pourtant réputée largement centralisée à partir de la capitale. La monarchie userait donc du privilège pour asseoir sa présence à l’échelle du royaume. Si cet usage est sans doute empirique et si la couverture du territoire auquel il donne lieu ne doit pas non plus être surestimée24, sa mise en évidence contribue à étayer l’hypothèse selon laquelle la centralité de la cour s’accompagne d’une logique de redistribution et non de ponction des ressources à son seul profit25.
16L’adoption de notre focale sociologique ne modifie pas ce constat, puisque les 49 bénéficiaires principaux de l’échantillon étudié ne représentent que 10 % des bénéficiaires nobles identifiés dans le royaume de France entre la fin du xvie siècle et la fin de l’Ancien Régime. Loin de favoriser la région-résidence du souverain, la plupart des bénéficiaires nobles choisissaient majoritairement d’implanter des entreprises privilégiées hors de celle-ci et, notamment, dans les espaces où ils exerçaient leurs charges et/ou leur domination seigneuriale et pouvaient s’appuyer sur leur réseau de clients – sans doute de manière à réduire les risques en combinant sécurité juridique et influence sociale. C’est ainsi que le duc d’Aumont obtient en 1692 un privilège pour ouvrir une mine dans son gouvernement du Boulonnais26.
17Courtisans et membres de la noblesse n’en étaient pas pour autant absents de l’espace économique francilien – et d’autant moins qu’ils pouvaient y agir en usant d’autres leviers que le privilège, du fait de leur participation officielle (par leurs charges dans la maison du roi ou les autres maisons princières) ou indirecte à l’approvisionnement de la cour. Cette configuration indique en revanche que les relations que le souverain entretenait avec ses noblesses par l’intermédiaire du privilège prenaient sens à une échelle plus large, celle du royaume, dont sa cour et sa résidence étaient justement pensées comme l’expression microcosmique. Certains des bénéficiaires nobles de privilèges dans la région-résidence royale les cumulent d’ailleurs avec des privilèges pour des entreprises implantées hors de celle-ci. Ainsi, Monsieur, frère de Louis XIV et duc d’Orléans, reçoit à quatre ans d’intervalle des étaux de boucherie dans Paris et un privilège pour l’aménagement d’un canal entre Loire et Loing27, tandis que le duc de Noailles, sa femme et son fils, cumulent au tournant des xviie et xviiie siècles un privilège pour un service de transport entre Paris et Le Pecq, un autre pour faire fabriquer des machines dans tout le royaume, un autre encore pour faire ouvrir une mine dans le duché de Bournonville et un, enfin, pour faire percer un canal en Languedoc28. Quant aux privilèges accordés dans le périmètre de la région-résidence royale, ils peuvent parfois articuler une double implantation : Paris et d’« autres villes du royaume », Paris pour la fabrication, mais « le royaume » pour la commercialisation. L’essentiel des privilèges de l’échantillon est en outre destiné au développement des activités de transport (fig. 3) dans Paris même, entre Paris et les autres lieux de résidence du souverain ou, plus largement, d’autres localités de la région-résidence, voire du bassin parisien (Rouen, Nogent ou l’actuelle Châlons-en-Champagne)29. En cohérence avec la représentation symbolique d’un royaume comme un corps dont le roi et la cour seraient la tête, le privilège sert ici à implanter des entreprises au service des échanges entre la cour et la ville, entreprises qui sont donc ouvertes au royaume à partir du cœur politique et économique de celui-ci.
Fig. 3. – Privilèges nobiliaires et région-résidence royale : nombre d’événements par secteur d’activité (le poids des transports est encore accentué par les contentieux inhérents au fonctionnement du secteur et qui poussaient les bénéficiaires à solliciter le pouvoir royal pour faire confirmer leurs privilèges).

18Cette surreprésentation de l’activité de transports dans le corpus étudié se combine à une forte dispersion sectorielle (fig. 3) qui caractérise l’ensemble des privilèges économiques octroyés30. Ceux-ci n’étaient pas cantonnés à la mise en œuvre de principes mercantilistes figés et à l’encouragement de la production manufacturière à haute valeur ajoutée. Ils constituaient un outil d’accompagnement au cas par cas – dans les interstices laissés par les métiers ou par la législation générale mais quels que soient les secteurs. Au xviie siècle, le privilège est très largement associé aux investissements lourds – notamment dans le domaine de la métallurgie et dans celui des transports où la noblesse se signale par une implication précoce en lien avec le développement des mobilités dans et autour de Paris. Au xviiie siècle, les secteurs les plus concernés sont notamment ceux stimulés par le développement de produits innovants et par la hausse de la demande, comme la métallurgie légère, la quincaillerie ou la bijouterie fantaisie. Cette tendance fait écho à un discours de justification du privilège articulé à la promotion de la nouveauté qui trouve son aboutissement dans la déclaration de 1762 « sur les privilèges en fait de commerce31 ». Les membres de la noblesse y participent en tout cas en implantant au cœur du marché parisien des manufactures de montres, de clous ou de serrures par combinaison32.
19Dans ce cadre, il n’y a donc pas de secteur d’activité dont la noblesse serait a priori exclue, mais des secteurs qu’elle favoriserait et où la monarchie encouragerait son investissement – notamment dans les secteurs impliquant des investissements de longue durée comme les travaux publics, les mines ou les transports. Si ce secteur est particulièrement présent dans le cas de la région-résidence, ce n’est pas seulement pour des raisons topographiques et parce que cet espace est peu propice à l’implantation de manufactures dans le domaine de la métallurgie lourde ou a fortiori des mines. Cette particularité tient aussi à l’attractivité socio-économique du pôle parisien qui suscite et polarise des mobilités à différentes échelles, les membres de la noblesse s’investissant pour le coup uniquement dans des mobilités à l’échelle urbaine et à l’échelle régionale. On peut lire là un effet institutionnel du fonctionnement socio-spatial de la cour de France. Du fait de l’éclatement résidentiel de la société de cour entre Paris et Versailles, auquel s’ajoute le maintien d’une partie des administrations à Paris et de l’itinérance ponctuelle de la cour en Île-de-France, courtisans et membres du gouvernement, mais aussi serviteurs et fournisseurs, se déplacent sans cesse pour pourvoir au bon fonctionnement de la représentation royale reposant sur la mise en scène du quotidien du prince. C’est la mission explicite des « voitures de la cour », mais les autres entreprises desservant Paris intra muros et d’autres villes, situées notamment dans l’ouest de l’Île-de-France, y concourent indirectement, du fait des nécessités liées à l’éclatement des pratiques résidentielles des membres de la société de cour, entre Paris, les lieux de séjour du souverain et leurs propres domaines ou demeures suburbaines.
20Au croisement de ces logiques socio-économiques et institutionnelles, il convient de souligner enfin que l’implantation des entreprises de l’échantillon – transport mis à part – se restreint en fait à Paris, où se trouvent les manufactures répertoriées, à l’exclusion de toute autre ville de la région-résidence royale – à l’exception notable de Compiègne. Leur distribution géographique se superpose donc à des circuits d’approvisionnement curiaux largement articulés au marché parisien – notamment pour les produits de qualité supérieure33. Les modalités d’octroi de ces privilèges nobiliaires renforcent donc l’idée selon laquelle la cour de France suburbaine demeurait, d’un point de vue économique, inscrite dans l’espace parisien.
Les nobles impliqués dans le fonctionnement logistique de la région-résidence royale : des privilégiés sous contrainte ?
21En 1675, Monsieur, duc d’Orléans, reçoit en don des étals de boucherie dans Paris intra muros34 tandis qu’en 1763, Nicolas de Condé reçoit un privilège d’invention pour faire fabriquer dans Paris et commercialiser dans l’ensemble du royaume, un produit de composition inédite pour le placage des métaux. Le rapprochement de ces deux cas permet de mesurer l’écart entre les différents types d’entreprises soutenues par la monarchie, écart qui tient en l’occurrence à des facteurs d’évolution à la fois économiques et politico-administratifs entre la fin du xviie et la fin du xviiie siècle. Se distinguent aussi bien la nature de la grâce – d’un côté, un don, lié au fort encadrement monarchique et curial de la boucherie parisienne35, de l’autre, une permission délivrée sous la forme d’un arrêt du Conseil pour protection d’une invention – que la forme et le secteur des entreprises (commerce de détail, fabrication manufacturée dans le domaine de la métallurgie fine).
22Si formes et fins du privilège ont pu évoluer dans le temps, sa plasticité se révèle aussi dans la diversité des clauses accordées d’un secteur ou d’un bénéficiaire à l’autre. En dépit d’une tendance à la normalisation qu’attestent le recours croissant à des formules telles que « et toutes clauses habituelles » ou la possibilité rétrospective pour l’administration de définir les prérogatives attachées à une manufacture royale36, le recensement systématique des clauses accordées met nettement en lumière qu’il n’existe en quelque sorte pas de privilège en soi. Sollicité quand il est jugé nécessaire pour conférer une plus grande sécurité juridique à une entreprise – à une époque où tout ce qui n’est pas explicitement autorisé est potentiellement interdit –, le privilège définit des conditions d’activité dont les agencements forment un large spectre – de la simple ouverture d’une possibilité à la concession perpétuelle assortie d’une garantie d’exclusivité.
23Confirmant cette diversité des pratiques d’octroi des clauses, le corpus des privilèges d’entreprises nobiliaires implantées dans la région-résidence royale s’avère en outre particulièrement prolixe dans le détail de celles-ci. À rebours du caractère laconique de la plupart des privilèges répertoriés dans la base, plus de la moitié (52 %) des privilèges étudiés ici comportent non seulement les clauses les plus fréquentes – celles de lieu et, dans une moindre mesure, de durée et d’exclusivité –, mais aussi diverses mentions d’avantages et de contraintes. Définissant mieux les garanties offertes par les privilèges, ce type de configuration pouvait en faciliter la mise en œuvre par leurs bénéficiaires, notamment contre ceux qui en contestaient la légitimité, tout en impliquant des contreparties.
24Loin d’être une grâce fatalement exorbitante, le privilège pouvait donc être circonscrit – en premier lieu du fait du caractère potentiellement restrictif de la définition des lieux d’implantation37. Il s’agissait par là de cantonner sa mise en œuvre à un espace homogène du point de vue des coutumes et des ressorts judiciaires mais aussi de préserver « la liberté du commerce ». L’enjeu n’est pas de défendre une « liberté des échanges », telle qu’elle est conceptualisée par l’économie politique au xviiie siècle, mais un équilibre permettant à tous les sujets du roi de contribuer au bien commun38. Les opérations de découpage territorial devaient par conséquent concourir tant à empêcher que des individus se fassent directement concurrence dans un même lieu qu’un bénéficiaire détourne son privilège à des fins monopolistiques. Sans surestimer l’objectivité, ni la systématicité des processus d’attribution, c’est dans cette perspective qu’on peut comprendre la concession de plusieurs privilèges dans un même espace pour des véhicules différents – carrosses de place ou chaises portatives dans Paris, voie de terre ou voie d’eau sur tel ou tel trajet – ou celle de privilèges assignés à des aires ou des routes spécifiques – par exemple les trajets de Paris vers une catégorie générique telle que « les lieux de résidence de la cour », jusqu’à « cinq lieues » de Paris ou encore de Paris vers Le Pecq39.
25Il n’en faut pas moins souligner que les bénéficiaires jouissant d’une clause d’exclusivité – certes dans un périmètre déterminé – sont ici proportionnellement plus nombreux qu’à l’échelle de l’ensemble de la base de données40. Avec plus de 40 % des privilèges garantissant un droit exclusif, ces nobles investis dans la région-résidence royale tendaient à bénéficier d’une sécurité plus grande dans la mise en œuvre de leurs grâces. De même, la plupart d’entre eux ont pu inscrire leur entreprise dans la longue durée, leurs privilèges ayant été octroyés pour trente ans ou plus, voire sous la forme de concessions viagères ou perpétuelles41.
26Ces privilèges se distinguent enfin au sein de l’ensemble des privilèges français par de plus fréquentes concessions d’avantages spécifiques. Il peut s’agir d’exemptions (fiscales ou de logement des gens de guerre), de labels ou de marques distinctives, de facilité d’accès à la main-d’œuvre ou aux matières premières, ou, plus encore, d’avantages judiciaires et juridictionnels donnant notamment à leurs détenteurs les moyens de faire condamner ceux qui entraveraient la mise en œuvre de leur privilège selon des peines prévues dans l’acte même d’octroi. Quant aux contraintes, elles sont symétriquement nettement moins rares dans cet échantillon. Plusieurs de ces privilèges sont explicitement payants42, tandis que des contraintes de tarif, de fréquence et de qualité du service sont imposées à la plupart des entreprises de transport.
27Si des avantages spécifiques peuvent être associés à tous les types de secteurs, durées et contraintes s’avèrent en revanche essentiellement liées au secteur des transports, ce qui tient sans aucun doute à l’importance des investissements qu’elles supposaient ainsi qu’aux nécessités de service public qu’elles représentaient. Plus que tous autres, les membres de la noblesse de cour pouvaient donc prétendre à des clauses maximisant leurs chances d’actualiser les potentialités ouvertes par leurs privilèges. L’explicitation dans certains actes de contraintes fortes n’en rappelle pas moins qu’ils étaient censés se plier aux obligations que les grâces reçues leur créaient envers « le public ».
28Le corpus au cœur de cette contribution rend donc clairement visible l’articulation complexe, dans l’élaboration des privilèges octroyés, entre exigences du rang et contraintes propres aux domaines d’investissement, entre exigences symboliques et contraintes pragmatiques. Aux nobles soucieux de tirer parti des besoins de la cour et des possibilités d’action dans une métropole comme Paris reviennent certes de nombreuses prérogatives : être plus fréquemment détenteurs de privilèges octroyés sous formes de lettres patentes enregistrées en parlement (et non d’arrêts du Conseil), demeurer plus que les autres bénéficiaires dans le régime du « privilège » – au lieu de basculer dans le régime (et la terminologie) de la « permission » administrative –, jouir de privilèges plus résolument inscrits dans la durée et dans des logiques d’exclusivité. L’efficacité de ces spécificités symboliques, juridiques ou pratiques, demeure toutefois d’autant plus difficile à évaluer qu’elles ne prenaient jamais la forme de configurations types.
29La proximité sociale et spatiale à l’égard du prince ne garantissait donc pas d’avantages systématiques. Dispositif plastique ressortissant à l’économie du don, le privilège n’en a pas moins nourri la diversification des revenus et des fortunes nobiliaires dans la seconde modernité. Sans devenir « commerçante », la noblesse s’en saisit dans la région-résidence royale pour s’investir dans les mobilités, puis également, au xviiie siècle, dans divers produits réputés innovants – le roi l’éloignant peut-être ainsi, par sa grâce même, du service de sa cour.
Notes de bas de page
1 Lemaigre-Gaffier Pauline, « Mobilité et « voyages » du roi de France à l’époque de la monarchie administrative (xviie-xviiie siècles) », in Josiane Barbier, François Chausson et Sylvain Destephen (dir.), Le Gouvernement en déplacement, op. cit., p. 469-491. Voir également l’ensemble des contributions du volume en histoire moderne, ainsi que Bove Boris et al. (dir.), Paris, ville de cour…, op. cit., et Bove Boris, Salamagne Alain et Kolk Caroline zum (dir.), L’Itinérance curiale du Moyen Âge au xixe siècle, op. cit. En termes de recensement et de cartographie des itinéraires du roi de France à l’époque moderne, signalons les travaux de Christophe Levantal ainsi que le projet « Itinérance curiale » dont les résultats sont disponibles en ligne sur le site « Cour de France », [http://cour-de-france.fr/a-propos/projets-de-recherche/l-itinerance-curiale-moyen-age-xixe-siecle/], consulté le 11 décembre 2019.
2 Pour une synthèse sur ces enjeux de continuité et de discontinuité socio-spatiale entre la cour et la ville à l’époque moderne, voir Lilti Antoine, op. cit.
3 Pour une synthèse, voir Lemaigre-Gaffier Pauline, notice « Voitures de la cour », in Mathieu Da Vinha et Raphaël Masson (dir.), Versailles. Histoire et dictionnaire, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2015.
4 Boucheron Patrick, « Épilogue conclusif. La ville, la cour, la modernité de l’État. Un “modèle européen” au risque de la world history », in Léonard Courbon et Denis Menjot (dir.), op. cit., p. 237-249.
5 Ce programme de recherche coordonné par Dominique Margairaz (université Paris 1) a été financé par l’Agence nationale de la Recherche. La publication de la base de données recensant environ 15 000 mentions de privilèges – repérées dans les actes écrits délivrés par les pouvoirs centraux du royaume de France, du royaume d’Angleterre, de l’Électorat de Saxe et de la ville libre de Nuremberg, de la République de Venise, de Florence et du grand-duché de Toscane, du duché de Mantoue et du Piémont – est en cours : elle sera disponible sur la plateforme du projet SyMoGIH [http://symogih.org/], consulté le 5 septembre 2020. Une interprétation d’ensemble de ces données est à paraître sous la forme d’un ouvrage collectif (Margairaz Dominique, Bretthauer Isabelle, Conchon Anne, Demont Vincent, Garner Guillaume, Lemaigre-Gaffier Pauline et Maitte Corine, Privilèges et entreprises en Europe, xvie-xviiie siècles, à paraître aux Éditions de la Sorbonne). La première partie documente en détail l’élaboration de cette base de données (modalités des dépouillements archivistiques ; choix de sélection, d’agrégation et d’interprétation des données ; évaluation de la représentativité des corpus par aire, etc.).
6 Sur le privilège comme catégorie juridique et comme expression du pouvoir souverain à l’époque moderne, voir Privilèges et entreprises, op. cit., partie 1 : « La Fabrique du privilège : des archives aux données ».
7 Ont été recensés dans le corpus des privilèges français quarante-neuf « privilèges », c’est-à-dire quarante-neuf séquences agrégeant différents « événements » (octroi, confirmation, renouvellement, révocation…) du cycle de vie d’une même grâce (ces « événements » résultant eux-mêmes de l’agrégation de différentes « mentions » de privilèges connues par les actes consultés). Dans le cas français, ces derniers sont essentiellement des lettres patentes enregistrées par le parlement de Paris et des arrêts du Conseil – en commandement ou simples en finance ; ces fonds déposés aux Archives nationales (sous-série X1a et série E) ont fait l’objet des dépouillements les plus exhaustifs possibles en fonction de leur ampleur, de leurs lacunes et des instruments de recherche existants. Les mentions de privilèges répertoriées concernent in fine une période qui va du règne de Henri IV à la fin de l’Ancien Régime.
8 Le choix a donc été fait de retenir à la fois un ensemble « matériel » – les villes où se trouvent des « maisons royales » attestées par les sources écrites et archéologiques – et un ensemble virtuel composé par ce que les contemporains qualifiaient de « séjour de la cour » – c’est-à-dire potentiellement partout dans le royaume, mais, en pratique, essentiellement l’Île-de-France aux xviie et xviiie siècles.
9 Voir Lilti Antoine, op. cit.
10 Parmi une bibliographie très abondante, citons les travaux d’Arlette Jouanna, Jean-Marie Constant, Guy Chaussinand-Nogaret ou Laurent Bourquin ainsi que ceux (sur les enjeux financiers et économiques) de Daniel Dessert, Guy Richard, Yves Durand, Frédéric Garrigues, Jean Duma ou Katia Béguin. Sur les revenus et les fortunes nobiliaires parisiennes, voir Marraud Mathieu, op. cit., p. 279-327.
11 La part de la noblesse dans la population du royaume de France est tendanciellement à la baisse à l’époque moderne et marquée par de fortes disparités régionales : à son maximum, atteint avant le règne personnel de Louis XIV et le premier âge d’or des privilèges, elle devait en représenter environ 1,5 % (pour une synthèse sur ce point, voir Bourquin Laurent, La Noblesse dans la France moderne. xvie-xviiie siècles, Paris, BelinSup, 2002, p. 85-99).
12 MacLeod Christine, Inventing the Industrial Revolution. The English Patent System, 1660-1800, Cambridge, Cambridge University Press, 1988.
13 Les deux courbes sont construites à partir de la date du premier « événement » connu du cycle de vie de chaque privilège reconstitué à partir des actes consultés.
14 Contrairement à ce qui a pu être affirmé sur la base d’un corpus restreint aux seuls papiers du Bureau du commerce : Beuve Jean, Brousseau Éric et Sgard Jérôme, « Mercantilism and bureaucratic modernization in early eighteenth century France », The Economic History Review, 70-2, 2017, p. 529-558.
15 Bluche François et Solnon Jean-François, La Véritable hiérarchie sociale de l’ancienne France. Le tarif de la première capitation (1695), Genève, Droz, 1983 et, surtout, sa discussion par Guéry Alain, « État, classification sociale et compromis sous Louis XIV : la capitation de 1695 », Annales. Histoires, Sciences Sociales, 1986, vol. 41, no 5, p. 1041-1060 (« Classer la société, c’est toujours penser le politique » conclut-il p. 1058).
16 Pour une comparaison avec un autre type de grâces, voir Carré Benoît, Pensions et pensionnaires de la monarchie au xviiie siècle. De la grâce royale à la redistribution de l’État, thèse de doctorat, Marie-Laure Legay (dir.), université de Lille, 2018.
17 AN, X1a 8727 (14 mars 1723) et E 2731 (5 avril 1781).
18 Octroi entre autres attesté par AN, X1a 8707 (août 1698). Voir Margairaz Dominique, « Entreprise, privilège et service dans les transports publics parisiens. xviie-xviiie siècles », in Concevoir et agir : énoncés techniques et économie de l’action. xvie-xxe siècles, Paris, Garnier, 2015, p. 333-360.
19 AN, E 2736 (8 mai 1784). Voir Lemaigre-Gaffier Pauline, Administrer les Menus Plaisirs du Roi. La cour, l’État et les spectacles dans la France des Lumières, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2016, p. 206-208.
20 De 6 à 15 %.
21 AN, X1a 8698 (19 juillet 1700 : privilège pour une « manufacture de peaux de toutes sortes d’animaux et en tenir magasin ») et E 1788 (20 février 1677 : confirmation du don qu’elle ont reçu de la propriété des deux tiers des boucheries de l’apport de Paris).
22 Voir Leroux Flavie, Les Maîtresses du Roi de Henri IV à Louis XIV, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2020.
23 Laverny Sophie de, Les Domestiques commensaux du roi de France au xviie siècle, Paris, PUPS, 2002.
24 Privilèges et entreprises, op. cit., partie 6 : « Les territoires du privilège… ».
25 Aymard Maurice et Romani Marzio A. (dir.), La Cour…, op. cit. (notamment l’introduction).
26 Octroi entre autres attesté par les lettres patentes du 28 septembre 1692 (AN, X1a 8690).
27 AN, E 1779 (6 avril 1675) et X1a8674 (19 mars 1679).
28 AN, X1a 8720 (9 janvier 1718), X1a 8693 (29 juin 1693), E 1881 (12 mars 1694) et E 1918 (20 décembre 1701).
29 Margairaz Dominique, « Entreprise… », art. cité.
30 Privilèges et entreprises, op. cit., partie 3 : « Dynamiques sectorielles ».
31 Hilaire-Pérez Liliane, L’Invention technique au siècle des Lumières, Paris, Albin Michel, 2000 ; Conchon Anne et Lemaigre-Gaffier Pauline, « L’impossible restauration des manufactures royales. Sollicitations et refus de privilèges d’entreprises sous l’Empire et la Restauration », Annales historiques de la Révolution Française, 2017/3, p. 77-100.
32 Dans l’échantillon étudié, trois des quatre privilèges attestés dans le secteur de la métallurgie légère sont octroyés au xviiie siècle : AN, E 1834 (24 avril 1686), E 2706 (11 février 1763), E 2709 (9 septembre 1766), E 271 (26 avril 1768) ; E 2724 (23 juin 1778).
33 Si l’on prend l’exemple de l’approvisionnement des Menus Plaisirs, voir Lemaigre-Gaffier Pauline, op. cit., p. 261-264.
34 AN, E 1779 (6 avril 1675). Son arrière-petit-fils reçoit encore des lettres patentes pour tenir étal de boucherie le 6 avril 1781 (AN, X1a 8833).
35 Abad Reynald, Le Grand Marché. L’approvisionnement alimentaire de Paris sous l’Ancien Régime, Paris, Fayard, 2002, p. 113-392.
36 Conchon Anne et Lemaigre-Gaffier Pauline, art. cité.
37 Dans le cas français, près de 90 % des actes agrégés en « événements » du cycle de vie d’un privilège comportent une clause de lieu (même assez vague).
38 Sur ces enjeux, voir Grenier Jean-Yves, L’Économie d’Ancien Régime. Un monde de l’échange et de l’incertitude, Paris, Albin Michel, 1996.
39 Un privilège pour des chaises portatives est ainsi octroyé à Louis de Bourdeilles dans Paris « et toutes les villes du royaume », à l’exception des « lieux habités par notre cour et Maison Royale » (AN, O1 126, 27 novembre 1783).
40 Privilèges et entreprises, op. cit., partie 5 : « Le privilège entre monopole et concurrence » (30 % des « événements » sont associés dans le cas français à la mention d’une forme d’exclusivité, la proportion étant plus faible à l’échelle des privilèges).
41 Margairaz Dominique, « Service public », in Alessandro Stanziani (dir.), Dictionnaire historique de l’économie-droit xviiie-xxe siècles, Paris, LGDJ, 2007, p. 239-247.
42 Au moins ceux de Jean-Nicolas de Francine pour l’Académie royale de Musique, d’Oger de Cavoye pour des chaises portatives ou de Claude de Bernières pour des machines pour fabriquer des limes : AN, X1a 8683 (1er mars 1689), X1a 8704 (11 mai 1675), X1a 8785 (17 mai 1768).
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008