Saint-Domingue contesté : Pierre Victor Malouet, l’émigration française et les politiques coloniales européennes dans les années 1790
p. 147-166
Texte intégral
Introduction
1Avec raison, les insurrections d’esclaves et de gens de couleur à Saint-Domingue jouent le rôle principal dans le « tournant haïtien1 » récent et en cours. Vue par le prisme de l’indépendance déclarée par Jean Jacques Dessalines en 1804, la Révolution haïtienne marque la seule révolte d’esclaves réussie dans l’histoire de l’humanité2. À commencer par la reconnaissance française en 1825, le passage d’une insurrection à la création du premier État-nation postcolonial et postesclavagiste n’a pourtant été sanctionné à l’échelle diplomatique et internationale qu’au cours du xixe siècle3. Dans les années 1790, par contre, Saint-Domingue présente un mélange embrouillé d’intérêts et d’acteurs autant disparates qu’entrelacés, et qui mettent en avant des scénarios tout à fait divergents pour l’avenir de la colonie chancelante. Les intérêts des colons et leur collaboration avec les puissances coloniales y jouent un rôle important car, pour eux, il s’agit de sauvegarder leurs propriétés et de maintenir le système colonial.
2À partir du cas des planteurs émigrés installés à Londres autour de leur représentant Pierre Victor Malouet, il s’agit de démontrer dans cette contribution comment les anciennes élites coloniales utilisent leurs relations avec le gouvernement britannique pour encourager une intervention militaire, laissant cependant le statut futur de la colonie délibérément ouvert4. En renouant avec les importants travaux de Robert Griffiths, David Geggus, Michael Wagner et d’autres, la contribution se situe au croisement de l’historiographie sur les émigrations française et coloniale, les études haïtiennes et l’historiographie de l’espace atlantique dans l’« Âge des Révolutions5 ».
3Les émigrés et autres exilés politiques font partie intégrante de la violente lutte pour le contrôle de la colonie. Entre la restitution à une France monarchique restaurée, le rattachement à l’Empire britannique, les options d’autonomie voire l’indépendance – mais sous les auspices des colons au lieu des insurgés –, leur rôle se profile autour de toute une gamme de projets et d’initiatives qui soulignent la portée et l’impact du défi haïtien. Même si, parmi ces considérations, l’esclavage n’est quasiment pas mis en question, on n’y trouve pas moins des scénarios innovateurs pour l’ordre colonial. Vue la coopération des émigrés tant coloniaux qu’européens, et souvent « doubles », avec les autorités britanniques, il n’est guère étonnant qu’elle soit contestée par la puissance rivale de l’Espagne ainsi que par les Bourbons en exil, se considérant comme autorité « légitime » de Saint-Domingue.
4Dans cette optique, la Révolution haïtienne, à l’échelle de l’empire français, se révèle non seulement comme un conflit entre colonie et métropole, mais entre colonie, métropole et la diaspora de l’émigration qui développent des visions contraires du statut de Saint-Domingue. À l’échelle internationale, la Révolution, dans sa dimension tant atlantique qu’européenne, marquée par les répercussions des guerres de Révolution en Europe aussi bien qu’aux Caraïbes, influence fortement les débats.
Érosion de loyauté et quête d’autonomie : le traité de Whitehall et l’intervention britannique
5À partir de 1791, quelques centaines de colons de Saint-Domingue se réfugient à Londres. Dans la « capitale de l’émigration6 », ils rencontrent leurs homologues continentaux dont beaucoup ont fui la France après la prise des Tuileries, la fin de la monarchie et les massacres de septembre 1792. Au tournant des années 1792-1793, le procès et finalement l’exécution de Louis XVI, les premiers succès de l’armée révolutionnaire sur le continent, l’entrée en guerre britannique imminente et la situation aggravée à Saint-Domingue dissolvent les liens de loyauté avec la France révolutionnaire. Parmi les colons, ce tournant politique et militaire, tant métropolitain que colonial, accélère le rapprochement entre planteurs autonomistes hostiles à l’exclusif commercial maintenu par la Révolution et planteurs royalistes désabusés par la destitution du roi7. Une fois installés à Londres, les planteurs visent au soutien de l’Angleterre, qui, en tant que pouvoir neutre, s’est jusque-là montrée réservée. Même si la guerre n’éclate qu’après l’exécution de Louis XVI, les dossiers ministériels britanniques montrent que les planteurs de Saint-Domingue lancent leur « appel aux Anglais » dès la fin de l’année 1792 – peu après leurs homologues des Petites Antilles8. Un premier protocole de négociations est signé le 1er janvier 1793 tandis que la décision officielle d’une assemblée tenue à Londres de se mettre sous la protection britannique ne date que du 25 janvier 17939.
6Une centaine de planteurs choisit Pierre Victor Malouet comme représentant chargé des négociations sur l’intervention britannique dans le conflit colonial. Cet ancien intendant suppléant de Saint-Domingue, apparenté à une riche famille de colons, a fait parler de lui comme une des têtes du groupe des monarchiens à l’Assemblée constituante, fervent lobbyiste colonial du Club Massiac et défenseur de l’esclavage. Émigré en 1792, il met ses réseaux à travers l’Europe et aux Caraïbes au profit des planteurs de Saint-Domingue dont il fait lui-même partie10.
7L’engagement de Malouet qui aboutira dans le traité de Whitehall d’avril 1793 repose sur un objectif triple : récupérer les propriétés des planteurs, repousser les insurgés et les troupes républicaines par une intervention militaire britannique et régler le statut futur de la colonie. C’est par l’ampleur de ces tâches que le rôle de Malouet se transforme de celui d’un mandataire des planteurs vers celui d’un lobbyiste, expert et consultant influent de la politique coloniale britannique aux Caraïbes. La signification de sa mission commencée à l’initiative des planteurs est liée à la question de l’avenir de la colonie, qui se discute autour des conditions d’un éventuel retour sous l’autorité française11. Tandis qu’une première version du traité propose de mettre Saint-Domingue « sous séquestre » ce qui implique une restitution finale, l’intérêt des planteurs de disposer de plusieurs options s’exprime dans la demande, dans la version finale, « de conserver leur colonie ». La question si et à qui la colonie doit être restituée est reportée à la conclusion de la paix. De manière explicite, la version finale n’exclut pas que la colonie reste sous l’autorité britannique. À cet égard, il est révélateur que ni les planteurs ni le gouvernement britannique ne s’accordent sur les conditions de paix. Dans le traité, il n’y a aucune précision sur la nature du « gouvernement de France » à (r)établir. Cette lacune présente une différence majeure avec les négociations entre les insurgés de Toulon avec la flotte britannique peu après, et qui prennent comme base la reconnaissance de Louis XVII et la Constitution de 179112. En tout cas, la formule ouverte du traité de Whitehall évite des conflits d’intérêts entre planteurs autonomistes et royalistes.
8Par rapport au commerce colonial, la balance, à première vue, penche au détriment des autonomistes. L’abolition de l’exclusif et le commerce avec les États-Unis originalement prévus sont réduits à un seul port. Pour les denrées coloniales, surtout le sucre, le monopole reste en vigueur – en se transformant en prérogative britannique. En revanche, les règlements restrictifs assurent le concours d’un autre lobby à défendre les intérêts des planteurs français auprès du gouvernement britannique : les grandes maisons commerciales londoniennes qui ont pris en charge une grande partie des dettes des colons poussent le gouvernement à intervenir dans le conflit et à maintenir l’engagement à tout prix13. Ce sont les coûts financiers de cette « entreprise nationale14 » qui contribue largement à la continuation des activités militaires dans la colonie, malgré les pertes majeures des premières années.
9Tandis que, parmi ces intérêts multiples, le transfert de Saint-Domingue sous le protectorat britannique à durée indéterminée scellé par le traité de 1793 marque une première option pour l’avenir de la colonie, Malouet, par la suite, esquisse trois autres scénarios de long terme. Celles-ci prennent en compte le cours de la Révolution et de la guerre :
« soit de revenir à la monarchie, ce qui terminerait toutes les difficultés ; soit de déclarer les colonies indépendantes, ce qui convient aussi à toute l’Europe ; soit enfin d’adopter les principes du régime colonial, ce qui est le moins probable, étant donné les changements qui en résulteraient dans son système intérieur15 ».
10Comme Malouet le souligne, la troisième solution – la combinaison entre métropole républicaine et ordre colonial – trouverait peu de soutien. Les deux autres – restauration de la monarchie ou indépendance – touchent, au contraire, aux intérêts des autres partis du conflit, surtout de l’Angleterre, mais aussi des Bourbons en exil et de l’Espagne.
11Discutée parmi les contemporains, la démarche de Malouet a provoqué des controverses autour des interprétations francophiles, anglophiles ou autonomistes parmi les historiens16. Dans ce débat, Michael Wagner souligne avec raison que l’idée de l’autonomie politique et économique des planteurs au cours des négociations a été repoussée en faveur de l’intégration de Saint-Domingue dans l’empire britannique17. En même temps, leur marge de manœuvre s’étend considérablement en ce qui concerne des options non-françaises. Le traité stipule que la décision sur l’avenir de la colonie incombe non seulement au « gouvernement de la France », mais aussi à l’Angleterre et aux autres puissances coloniales. Par contraste, l’accord conclu entre le gouvernement britannique et les planteurs de la Guadeloupe et de la Martinique lie la restitution à la France au retour de la dynastie légitime18.
12Un autre aspect de l’avenir de Saint-Domingue concerne la question de l’autonomie intérieure de la colonie. Ici, la réflexion de Malouet repose moins sur des préférences nationales que sur des considérations économiques : pour maintenir ou regagner leurs capacités productrices, les colonies doivent être capables de régler elles-mêmes leurs affaires intérieures. Cette autonomie peut être garantie par la France tout aussi bien que par l’Angleterre, sans que ces options s’excluent mutuellement :
« La restitution des colonies ferait seule la difficulté ; mais que les Français, qui ont prononcé la liberté des esclaves, prononcent aussi celle du territoire et du commerce, et la difficulté est résolue. […] Nous ferons ensuite un traité avec l’Angleterre pour nous soumettre à son gouvernement, à la charge de la liberté de commerce, qui suffira aux Français pour s’assurer de leur consommation de sucre et de café et le recouvrement de leurs créances19. »
13Au cas où les puissances coloniales se refusent à une telle ouverture du commerce, l’autonomie économique et intérieure peut aussi être obtenue par l’indépendance – indépendance imaginée comme garante de l’ordre social et des propriétés des planteurs et non pas l’indépendance gagnée par une révolte ou une révolution émancipatrice des esclaves. Ainsi, pour Malouet, l’indépendance ne vise pas à la fondation d’un nouvel État aux Caraïbes. Il s’agit, avant tout, de garantir le libre commerce et l’autonomie intérieure indépendamment des relations conflictuelles entre les puissances européennes. Dans cette optique, la voie de l’indépendance peut aussi bien être compatible avec les options française et britannique20.
14Si les intérêts des planteurs prévalent sur l’appartenance politique de la colonie dans les négociations avec les Britanniques, les idées économiques de Malouet reposent pourtant sur une vision plus globale de l’impact du système colonial sur l’économie européenne. À l’occasion des discussions en vue d’une paix franco-britannique en 1796-1797, Malouet met en avant une vision fondamentalement européanisée des colonies comme périphérie transnationale dont la neutralité dans les conflits se justifie par leur importance économique pour toute l’Europe :
« Ce ne sont donc pas les puissances propriétaires des colonies qui sont seules intéressées à leur conservation. Ce sont tous les peuples consommateurs de denrées coloniales. Les colonies ne peuvent être considérées pour aucun peuple comme addition de puissance territoriale, car les ressorts, les instrumens de la puissance doivent y être portés d’Europe ; mais elles sont moyens de richesse & d’activité pour tous les peuples qui participent à leur commerce21. »
15Une telle vision de colonies comme « copropriété de tous les peuples » ou bien comme « attelier de subsistance & de travail pour la société Européenne22 » légitime a posteriori à la fois le passage de Saint-Domingue sous l’autorité britannique en 1793 et l’indétermination du traité de Whitehall quant à la restitution du territoire. À l’universalisme républicain français, Malouet oppose le modèle d’une Europe unie par la conservation de sa périphérie coloniale :
« C’est alors que les Colonies, que j’ai considérées comme propriété commune à la république Européenne, […] croîtroient en prospérité sous une protection générale, sans cesser d’être gouvernées par les divers souverains auxquels elles appartiennent23. »
16À la conclusion du traité au printemps 1793 suivent trois mesures pour effectuer l’occupation britannique de Saint-Domingue. Malouet arrange des passages libres pour les planteurs qui cherchent à recouvrer leurs possessions à l’arrivée des troupes britanniques24. Le gouvernement arme des corps expéditionnaires qui réussissent à occuper au moins une partie du territoire. Finalement, le conégociateur de Malouet, Pierre François Venault de Charmilly, se rend aux Caraïbes pour transmettre les propositions de Whitehall au gouverneur de la Jamaïque et aux planteurs réfugiés dans cette colonie25. Face au retard de l’expédition, Charmilly passe ensuite à Saint-Domingue accompagné par des troupes britanniques et fait ratifier le traité de Whitehall par les colons de Jérémie et du Môle Saint-Nicolas. L’impact des mesures reste pourtant limité. Sans que la situation ne se stabilise, les colons craignent, avec raison, que les commissaires civils de la Convention nationale nouvellement arrivés puissent armer les esclaves en promettant leur émancipation et tirer les gens de couleur sur leur côté, ce qui rend la tâche des forces occupantes beaucoup plus difficile et coûteuse que prévue26.
Colonie et dynastie : l’isolement des Bourbons
17L’accord que les planteurs londoniens ont conclu de leur propre gré avec le gouvernement britannique écarte délibérément la question de l’autorité royale française et les intérêts de la dynastie. Les frères de Louis XVI, en revanche, sont très conscients de l’importance des colonies pour la restauration de la monarchie, mais ont très peu de ressources tant politiques que matérielles à proposer pour défendre leurs intérêts, contrairement aux colons offrant leurs plantations aux commerçants britanniques. En revanche, les Bourbons comptent sur le pacte de famille avec la monarchie espagnole : le traité d’Aranjuez de 1777 prévoit des soutiens réciproques dans le cas d’insurrections d’esclaves. Par conséquent, les Princes émigrés, en 1792, s’adressent à l’Espagne pour empêcher l’arrivée des troupes révolutionnaires à Saint-Domingue. Comme l’Angleterre à cette époque, l’Espagne insiste sur sa neutralité dans le conflit27.
18Ce qui dépasse l’imagination des Bourbons, c’est que les planteurs puissent approcher le gouvernement britannique sans concertation préalable avec la famille royale. Certes, les Princes, installés à Hamm en Westphalie et largement coupés des grandes voies de communication, restent, au début de 1793, géographiquement et stratégiquement isolés dans l’émigration française même s’ils disposent d’un commissaire colonial résidant à Londres ainsi que d’un représentant à la cour britannique, le duc d’Harcourt. Tandis qu’ils sont au courant des négociations de planteurs de la Guadeloupe et de la Martinique, approuvant la restitution des colonies à la restauration, ils n’apprennent l’existence du traité concernant Saint-Domingue qu’après l’arrivée de Charmilly en Jamaïque.
19C’est seulement par une voie indirecte qu’Harcourt est informé du transfert de Saint-Domingue sous protection britannique qu’il désapprouve car les planteurs auraient négligé les intérêts de la France au profit de leurs possessions matérielles28. Pour l’entourage des Princes, le traité de Whitehall marque le premier pas vers le démembrement redouté de la France par les alliés. Tandis que les Princes identifient la France aux intérêts de la dynastie, Malouet explique que, ni Louis XVII ni le comte de Provence en tant que régent n’étant en mesure de garantir les propriétés coloniales, les planteurs étaient libres d’agir pour leur propre compte.
20En apprenant l’ampleur de l’accord, Harcourt faillit paniquer : des sujets de la couronne de France, représentés par un monarchien déclaré, ont signé un contrat avec une puissance étrangère et pendant longtemps ennemie, en disposant des territoires de la monarchie. Un tel acte ressemble à une quasi-cession de la colonie. Harcourt réagit par urger une intervention espagnole pour ne pas mettre en péril les bons principes politiques :
« [S]i l’autorité legitime ne paroit pas dans la 1re province qui sera soumise, les allies n’agiront que pour se partager la France sans y retablir l’ancien gouvernement. […] que la cour de Londres penche pour le sisteme des constitutionnels qu’ils y sont écoutés, et dont il ne peut douter. […] Malouet a fait le traité, avec la difference qu’il n’a pas reservé comme les autres les droits de la maison regnante […]. Ainsi l’Espagne n’a pas un instant a perdre pour prevenir les Anglais a St Domingue29. »
21Le comte de Provence, à Hamm, ne voit dans le traité de Whitehall que des « réclamations individuelles » qui ne dévalorisent d’aucune manière le « traité ancien, autorisé des cours30 » avec l’Espagne. Cependant, les Bourbons doivent reconnaitre que les planteurs de Londres se sont délibérément adressés à Malouet au lieu d’Harcourt, ce qui signale de nouveau qu’ils placent la conservation de leurs propriétés au-dessus du règlement de l’avenir politique de la colonie.
22Pour ramener les dissidents vers l’autorité royale, le comte de Provence fait confiance au maréchal de Castries comme intermédiaire31. Aux appels de l’ancien ministre des colonies des années 1780, ancien supérieur de Malouet et défenseur indispensable des monarchiens auprès du régent, Malouet ne peut pas se fermer sans risquer une rupture avec les Bourbons. Par conséquent, en se rapprochant des Princes, il fait l’apologie du traité, comme « l’expression individuelle de l’inquietude et du besoin » des planteurs faisant face au « joug de la constitution qui constate l’égalité des droits32 ». Au lieu de craindre un démembrement de la France par l’intervention britannique, il la présente comme seule alternative à l’abandon de la colonie à la Révolution :
« Ainsi j’ai véritablement sacrifié à ma conscience et à l’intérêt de la Monarchie, les considérations de mon intérêt personnel […] et des propriétaires de S.t Domingue, car si la France conserve cette colonie, cette génération ci et la suivante n’en verra pas la restauration soit par les pertes et l’impuissance de notre commerce, soit parce que la révolution laissera des plaies profondes qui se rouvriront plus d’une fois surtout dans nos colonies33. »
23D’une manière prudente, en ne demandant pas l’autorisation de la cour de Hamm, Malouet peut réclamer n’avoir pas non plus agi contre les intentions du régent, contrairement à son collègue et rival Charmilly qui, à l’arrivée aux Caraïbes, invoque l’assentiment fictif des Princes pour accélérer la ratification du traité de Whitehall par les planteurs sur place : « [I]l finit par nous dire qu’au reste, ils [les Princes, F.P.] étoient sans crédit et dans la boue, reconnus nulle part34.»
24Pendant que Charmilly cherche à rallier les planteurs aux Caraïbes, Malouet, plus proche du théâtre européen de la guerre, adapte son procédé à la nouvelle situation. À Toulon, les insurgés, à l’entrée des Anglais, proclament le règne de Louis XVII à la suite de quoi l’armée britannique répond par une déclaration affirmative à laquelle Malouet a lui-même contribué35. Au même moment, la nouvelle arrive en Europe que l’avancée de l’armée espagnole dans la partie française de Saint-Domingue est accompagnée par une proclamation en faveur de Louis XVII36. En interprétant cette situation comme signe d’une restauration imminente de la monarchie, Malouet plaide dorénavant pour une entente anglo-espagnole : En direction du gouvernement de Londres, il demande que les colons sous protectorat britannique et espagnol soient traités de manière identique. En direction des Bourbons exilés, il fait appel à l’union, étant donné que Louis XVII, pourtant enfermé au Temple, a été reconnu à Toulon : « Soit que nous ayons l’obligation aux Espagnols ou aux anglais, séparés ou réunis, le plus grand des malheurs seroit de nous diviser encore entre nous37. »
25Au final, c’est moins cette réconciliation tactique que la paix conclue entre l’Espagne et la République française en 1795 qui contribue à l’acceptation de l’engagement britannique par les Bourbons.
Du soutien « de famille » au camp de la Révolution : le repli espagnol
26Selon l’idée des Princes du pacte de famille, l’Espagne ne mène pas la guerre contre la France en tant qu’État, mais contre les « usurpateurs de l’autorité royale38 », d’autant plus que la possession française de Saint-Domingue a été confirmée par le traité d’Aranjuez contre les intérêts espagnols. Néanmoins, par son intervention dans la colonie, la monarchie espagnole a moins en tête la solidarité avec les Bourbons que la récupération de la partie occidentale de l’île. Par conséquent, l’Espagne soutient d’abord les esclaves rebelles et seulement à partir de la fin de 1792, sous la pression du Premier ministre Manuel de Godoy, les forces royalistes. À cette libération et à l’armement d’esclaves par les Espagnols, le commissaire civil Sonthonax réagit par l’émancipation en 179339.
27Comme l’intervention britannique négociée par les planteurs de Londres ne se met en place qu’avec retard et de manière limitée, une partie des planteurs restés dans la colonie fait appel aux Espagnols qui réagissent en envahissant le territoire français et en plaçant les plantations occupées sous leur protection. En attendant l’arrivée des Anglais et vu l’impact limité de la descente de Charmilly, les colons concernés finissent par préférer l’engagement espagnol40. Les répercussions en Europe ne restent pas en reste. De la part de ses commettants, Malouet, en tant que représentant, reçoit des reproches contradictoires : « [T]andis que les uns me reprochoient de n’avoir rien obtenu de vous de les avoir livrés aux Espagnols les autres me dénonçoient a nos princes comme vous ayant livré la colonie sans condition41. »
28L’occupation espagnole met Malouet dans une situation paradoxale étant donné que ses propres plantations se situent près de la frontière espagnole, au nord. Peu après que les Espagnols apprennent qu’il a signé l’accord de Londres, ils ravagent ses possessions pour y installer leur quartier général. Par cette mesure, le représentant des planteurs français auprès du gouvernement britannique passe formellement sous l’autorité espagnole : « comme sujet de la couronne de France si elle existoit, et comme sujet britannique si je pouvois le devenir, et comme soumis a la domination espagnole, si contre mon gré telle est ma destinée42 ».
29Les dispositions britanniques envers l’Espagne sont loin d’être favorables. Comme la majorité des planteurs, la diplomatie britannique se montre convaincue que l’Espagne cherche, avant tout, à chasser tous les Français blancs de Saint-Domingue et à ruiner la colonie avant de l’annexer pour nuire ainsi au commerce britannique43. Ces craintes semblent se confirmer quand, en juillet 1794, des troupes auxiliaires noires commandés par Jean François, sous l’autorité du gouverneur espagnol Joaquin García, massacrent quelques centaines de colons blancs réfugiés à Fort-Dauphin conquis par les Espagnols quelques mois auparavant44. En apprenant cette nouvelle, les planteurs de Londres chargent Malouet d’une protestation auprès de Godoy que celui-ci, dont la fonction ne donne pas de « caractère public », renvoie au gouvernement britannique. Par conséquent, l’ambassadeur espagnol présente ses excuses au nom du roi, blâme García, promet une indemnisation et finit par annoncer le rappel du gouverneur45.
30Par la suite, Malouet ne peut plus séparer sa propre situation de sa fonction de représentant. Il est conséquent qu’il préfère dorénavant une coopération hispano-britannique afin de préserver les intérêts des planteurs et améliorer sa situation personnelle dans la colonie. En tant que sujet « espagnol » sous protection britannique, il se propose d’aller à Saint-Domingue pour servir d’intermédiaire entre les chefs militaires des deux partis afin de préparer une action concertée contre les insurgés retirés à l’intérieur de l’île46. La politique extérieure espagnole empêche l’exécution de ce plan. Même si Godoy salue la nomination d’un planteur-commissaire français, il ne la trouve convenable qu’après la pacification de l’île. Finalement, l’Espagne rejette la coopération tant avec les planteurs qu’avec l’Angleterre pour conclure la paix avec la France, ce qui rend obsolète la mission de Malouet47.
31Si la cession de la partie espagnole de Saint-Domingue à la France viole le traité d’Utrecht de 1713 ainsi que le pacte de famille dans son implication dynastique, les conséquences restent théoriques, étant donné que la France se trouve déjà en guerre avec la puissance garante d’Utrecht, l’Angleterre. La diplomatie républicaine interprète ainsi l’alliance franco-espagnole dans des termes purement nationaux :
« [P]ersuadés que les véritables intérêts de l’Espagne ne pouvaient être séparés de ceux de la France nous avons taché de les comprendre sous un seul point de vue, à peu près de la même manière qu’on les a réunis dans le pacte de famille, qui, en fesant abstraction de ce qui est personnel à la Maison de Bourbon, était réellement un pacte national48. »
32Aux émigrés, il ne reste qu’à constater que, par la paix de Bâle, la Révolution avance en Saint-Domingue aussi par le côté espagnol. Quand la situation s’aggrave avec l’entrée en guerre de l’Espagne comme alliée de la France républicaine en 1796, Malouet craint un véritable incendie révolutionnaire aux Amériques que l’occupation partielle britannique de Saint-Domingue ne serait plus capable de contrôler. Au lieu de perdre les Caraïbes et l’Amérique centrale et méridionale à « l’égalité démocratique49 », il préfère, face à ses interlocuteurs britanniques, neutraliser le danger en révolutionnant l’Empire espagnol :
« Il est bien connu que les possessions espagnoles en Amérique ont été séparées du reste du globe par la rigueur avec laquelle leur était interdits toute communication et tout commerce avec d’autres nations. Il est aussi connu que, pendant beaucoup d’années, mais en particulier depuis la Révolution en Amérique du Nord, les idées d’indépendance, et les moyens pour y arriver, ont été universellement, mais secrètement, diffusées dans les colonies espagnoles de l’Amérique du Sud. Dans ces circonstances, si elles apprenaient que Saint-Domingue […] a secoué le joug français et espagnol et que l’Angleterre lui offre une protection suffisante […], la Révolution en fermentation depuis longtemps et inévitable dans ces colonies, ne tournerait-elle entièrement au profit de l’Angleterre50 ? »
33Comme il juge l’indépendance et la neutralisation des colonies espagnoles conformes aux intérêts de l’Angleterre et des colons émigrés, Malouet comprend Saint-Domingue comme le théâtre final du combat entre l’ordre colonial et la Révolution aux Amériques avec des conséquences pour toute la région51.
Émigrer à Saint-Domingue ?
34La discussion sur le destin des personnes déracinées par les deux Révolutions française et haïtienne est étroitement liée à cette idée d’une confrontation finale aux Caraïbes. Parmi les dizaines de milliers d’émigrés qui traversent l’Atlantique dans les deux directions dans les années 1790, la plupart n’a pourtant pas de possessions coloniales à abandonner, à défendre ou à regagner52. Cette vague de mobilité stimulée donne lieu à des scénarios pour soutenir l’intervention militaire britannique dont le progrès s’annonce de plus en plus désavantageux. Aussi chimérique qu’un projet d’envoyer les émigrés français de l’Europe à Saint-Domingue puisse paraître, il est pourtant appuyé par deux développements. D’une part, les revers de la coalition et les troupes d’émigrés posent la question de l’emploi d’un grand nombre de militaires en plein désarroi matériel et en risque permanent de tomber dans les mains des troupes révolutionnaires :
« Ceux qui sont déterminés à servir sur le continent, motivés par l’espoir de rentrer dans leurs fortunes et de retrouver leurs amis en France, ne participeront pas à la guerre aux Indes occidentales. Mais ces émigrés qui ne serviront pas sur le continent, par crainte d’être assassinés s’ils sont capturés, seront prompts à servir à Saint-Domingue53. »
35Toutefois, des militaires émigrés arrivant à Saint-Domingue comme avant-gardes de ce projet se révèlent peu qualifiés pour le service aux colonies :
« 50 ou 60 hommes sont venus de Londres sur les vaisseaux arrivés à Port-au-Prince. Ils portent l’uniforme des dragons anglais avec un air féroce, et tous font référence à M. Malouet – qui, disent-ils, les a envoyés en mission spéciale […] – et prennent un air important – franchement, si M. Malouet envoie de tels hommes pour le rétablissement de la colonie, il se trompe lui-même, et beaucoup – ce sont de vils intrigants qui mèneront les Anglais et les colons à changer leur haute opinion de lui – M. Malouet, à Londres, pourrait avoir trouvé des personnes prudentes et raisonnables qui auraient su se plier aux circonstances, et non pas de jeunes têtes de bois prises dans les bureaux et ignorant le monde ; et parce qu’ils sont protégés par M. Malouet ils mortifient ceux pour lesquels ils devraient avoir de l’attention et du respect54. »
36D’autre part, en Europe, les émigrés, au fur et à mesure que leur exil se prolonge, représentent un défi humanitaire important pour leurs sociétés d’accueil. Or face aux péripéties de la guerre, la possibilité d’un rappel des troupes britanniques à cause des pertes et coûts de l’expédition caribéenne paraît de plus en plus réaliste. De Londres, Malouet, après la paix de Bâle en 1795, réagit à cette situation instable en développant le projet d’installer un grand nombre d’émigrés à Saint-Domingue. Ce projet, codirigé par le marquis de Bouillé, comprend une partie militaire et une partie civile. Dans sa conception militaire, Bouillé propose de renforcer les troupes britanniques à Saint-Domingue par un corps d’émigrés de 24 000 personnes dont les dernières tentatives militaires viennent d’échouer à Quiberon55. Il est même question d’associer des catholiques irlandais à ce projet d’une émigration des émigrés aux Caraïbes. Après la cession de la partie espagnole de Saint-Domingue à la France, Malouet compte de faire d’une pierre deux coups, tant militaire qu’humanitaire, en installant, après la conquête du territoire, les troupes d’émigrés sous le drapeau britannique dans cette ancienne partie espagnole56. Malouet propose que les émigrés nobles reçoivent les premiers leurs terres dans les régions de plaines plus avantageuses à la culture du sucre. Pour travailler ces terres, les planteurs de la partie française sont appelés à mettre des esclaves à la disposition des nouveaux colons. Par contre, les militaires roturiers sont censés se contenter des régions montagnardes destinées au coton, tabac et café, d’abord en propriété commune pour se mettre en mesure d’acheter des esclaves par les premiers profits.
37Un statut spécial est destiné aux régiments noirs que Malouet et Bouillé envisagent d’armer comme troupes auxiliaires. Comme ils le jugent impossible de les reconduire en esclavage, ils considèrent de les installer dans leurs structures militaires
« par une sorte de droit féodal qui obligerait [le nègre] à travailler pour les blancs un certain nombre de jours par semaine pendant cinq ans. […] Vous établiriez une sorte de système féodal dans les colonies qui est le seul moyen praticable pour arriver, par degrés, à une abolition complète de l’esclavage57 ».
38Deux ans plus tard, en 1797, cette idée de conserver l’ancienne hiérarchie sociale à la périphérie coloniale joue encore un rôle quand un chevalier de Malte approche Malouet à Londres. Apparemment chargé par la direction de l’ordre menacé par les avancées françaises dans la Méditerranée, le chevalier de Thuisy expose son projet que l’Ordre de Malte puisse se transférer à Saint-Domingue pour remplacer les troupes britanniques et offrir sa protection militaire à une communauté quasi-autonome de planteurs français. Malouet se montre plutôt favorable : « Il nous conviendroit également d’etre gouverné par un ordre militaire & religieux dont la politique & la morale ne repousse aucune de nos institutions coloniales58. » Ce jumelage singulier d’exil, chevalerie, chrétienté, colonialisme et esclavage proposé par un autre groupe d’exilés politiques déraciné par la Révolution promet aux planteurs une alternative plus conforme à leurs intérêts qu’un retour sous souveraineté française.
39Par leur organisation sociale, ces projets, comme d’autres tentatives de fonder des « colonies » d’émigrés sur le continent américain, restent largement inspirés par l’Ancien Régime59. Toutefois, par leur portée géographique, en répondant au double défi révolutionnaire sur les deux côtés de l’Atlantique, ils démontrent l’ampleur et l’urgence de résoudre la question des émigrés. C’est ainsi que le projet de transfert de 1795 connaît un second essor après l’entrée en guerre de l’Espagne l’année suivante avant d’être abandonné de manière définitive suite au retrait des troupes britanniques en 179860.
Une paix coloniale avec la Révolution ou l’abandon de Saint-Domingue ?
40Le revirement d’alliance opéré par l’Espagne en 1796 fait du soutien britannique la seule alternative à une soumission des planteurs à la République française ou à l’abandon de leurs propriétés aux insurgés. Ce que les colons n’anticipent pas, c’est la possibilité d’une entente franco-britannique qui pourrait régler le statut de la colonie de manière définitive selon le traité de 1793. Quand cette option se concrétise en 1797, les sondages de paix franco-britanniques à Lille perdent de leur horreur pour les planteurs dans le contexte des élections législatives du printemps de cette année. Remportées par une majorité royaliste, elles laissent espérer une restauration de la monarchie61. Pour assurer leur sûreté et propriété, Grenville permet à Malouet de négocier, de concert avec le cabinet britannique, au nom des planteurs62.
41Par la suite, Malouet prend deux initiatives en direction de Paris. La première vise à un armistice immédiat pour Saint-Domingue, qui réaliserait sa revendication d’une neutralité des colonies. Comme l’Angleterre ne peut pas faire cette proposition elle-même sans affaiblir sa propre position, les planteurs y voient la possibilité de débloquer la question de leur loyauté. L’armistice menant à la neutralité marquerait la première étape pour mettre en place l’autonomie intérieure des colonies et garantir, voire restaurer le régime colonial63. La seconde démarche vise la législative française, ou bien le « parti raisonnable » dans les deux chambres consolidées après les élections64. En dépassant le Directoire et les députés jacobins, Malouet cherche à déposer une pétition en faveur des planteurs devenus sujets britanniques et un projet de loi sur l’organisation interne des colonies. Après tout, le comité colonial a discuté l’idée d’un armistice colonial de sa part et une partie des planteurs restés en France a joint les rangs des Clichyens favorable à la restauration de la monarchie.
42Dans son adresse destinée aux deux chambres, Malouet se soucie peu de ses protecteurs pour défendre l’action de planteurs en 1793 :
« Souvent dans l’enceinte ou vous siégez on a entendu célébrer la révolution américaine de 1778 [sic !]. Dira t on qu’un impôt sur le thé donnoit aux uns le droit de se déclarer indépendans, & que le Cap en cendres ne peut justifier les autres de s’être soumis a une puissance protectrice65 ? »
43Sur le plan économique, il tourne l’initiative des planteurs également en faveur de la France, argumentant que les parties de la colonie sous occupation britannique sont moins dévastées que celles sous l’autorité des commissaires civils. En contrepartie de la bienveillance française, Malouet annonce de préparer les planteurs à un changement simultané du régime intérieur – vers l’autonomie – et de gouvernement extérieur – sous l’autorité française66.
44Même si les Clichyens, le comité colonial et les sympathisants royalistes discutent les adresses de Malouet, ils finissent par renoncer à les déposer aux chambres. Mentionner le nom de Malouet n’amènerait pas seulement de l’eau au moulin des républicains, mais risquerait de contrecarrer les tentatives parallèles d’obtenir un allégement des lois sur les émigrés67. Pour sortir de cette impasse entre planteurs, Clichyens, l’opposition jacobine et les divers courants dans le Directoire, il aurait fallu un coup d’envoi par les négociations franco-britanniques de Lille. Toutefois, celles-ci s’enlisent, et il est bien possible que les initiatives parallèles de Malouet y aient contribué68. En tout cas, le ministre des affaires étrangères, Charles François Delacroix, en mettant les planteurs dans la même catégorie que les insurgés vendéens, instruit ses négociateurs de conclure un article secret qui stigmatise comme rebelles les planteurs installés en Angleterre69.
45Comme pour les occasions antérieures, l’échec de l’initiative des planteurs ne provient pourtant pas des différences entre les parties négociatrices, mais des grands évènements politiques. Cette fois, le coup d’État de Fructidor amène la rupture des négociations franco-britanniques, la continuation de la guerre et les reconsidérations de plus en plus urgentes sur un retrait des troupes britanniques de Saint-Domingue.
46Dans cette période d’incertitude, les tensions internes parmi les planteurs à Saint-Domingue aussi bien qu’à Londres éclatent. Déjà en été 1797, pendant les négociations, les planteurs assemblés à Port-au-Prince désavouent les options que Malouet développe en cas de retrait britannique et finissent par le rappeler de sa fonction de représentant70. Cette décision n’apparaît qu’avec un retard de six mois dans les journaux de Londres qui fomentent les dissensions au sein des planteurs dans la capitale71. À ce moment, Malouet est occupé à tenter de contrer l’abandon de la colonie en sauvant au moins les parties déjà occupées par les Anglais. Au gouvernement, il essaie de faire comprendre les inconvénients : perte de recettes fiscales, pertes des maisons commerciales à Londres, risque d’une expansion des insurrections vers les colonies britanniques, relocation des colons dans l’empire britannique, défi humanitaire d’alimenter les émigrés forcés de rester en Europe72.
47Parallèlement, une partie des planteurs de Londres charge un comité de pousser une démarche contraire. Il se propose d’amener les Britanniques à élargir leur engagement en promettant de répartir les frais militaires entre eux73. Les interlocuteurs britanniques restent partagés : D’une part, le comité apparaît comme un organe pour assurer l’engagement financier des planteurs74. D’autre part, on se montre réaliste quant à leur situation économique : « Ce ne sont pas trois ou quatre planteurs, chacun d’eux se trouvant dans la détresse et sans influence ou moyens dans la colonie, qui pourraient unir les habitants sur place. Que peuvent-ils offrir ? – Leurs dettes75. » Faute d’acceptation générale, le comité, de sa propre autorité, finit par convoquer une assemblée générale des planteurs établis à Londres qui décide de couvrir les frais d’occupation de leurs propres ressources, décision qui mine de manière définitive la position de Malouet76.
48Du côté britannique, aucune des propositions des planteurs ne semble suffisante. En plus du risque militaire, une contribution financière des planteurs, qui ressemblent plutôt à des « propriétaires sans propriété », aurait décalé les rapports de force vers une plus grande autonomie au détriment de l’influence britannique77. Au final, ni Malouet ni l’opposition des planteurs ne réussissent à empêcher l’évacuation britannique. Tandis que, par la suite, la plus grande partie d’entre eux joint les rangs des autres émigrés avec lesquels ils partagent déjà le sort de facto, d’autres profitent des offres de relocalisation dans l’empire britannique, s’installent à Cuba ou bien aux États-Unis78.
Conclusion : la Révolution haïtienne comme conflit européen à l’échelle atlantique
49Avec le retrait des troupes britanniques, l’indépendance de Saint-Domingue devient plus probable, bien que cette issue dépasse l’imagination de toutes les parties européennes engagées dans ce conflit. Pour les émigrés – métropolitains, coloniaux ou bien « doubles » – les insurrections restent un conflit à gérer à partir de l’Europe, « impensable » en tant que « révolution » d’une logique propre79. Leur réaction consiste en un appel aux puissances européennes – l’Angleterre et, dans une moindre mesure, l’Espagne –, et non pas dans une mise-en-question du système colonial. Dans ce sens, il y a un consensus clair entre les divers courants de planteurs et leur représentant Malouet de « conserver leur colonie », selon la formule du traité de Whitehall, malgré d’importantes dissensions internes. De manière emblématique, dans les démarches des colons, les esclaves révoltés ne figurent pas comme acteurs à part entière.
50Au fond, la dimension européenne de la Révolution haïtienne se structure autour des idées eurocentriques. Les interventions des différentes parties révèlent des acceptions de catégories telles que « territoire », « dynastie » et « nation » que les dynamiques révolutionnaires font diverger. L’« appel aux Anglais » et, dans un sens plus général, les projets d’autonomie, de neutralité et d’indépendance, s’étendent à un territoire que la République considère comme partie intégrante de l’empire colonial français, mais que les planteurs regardent d’abord comme leurs propriétés à défendre. Face aux Bourbons en exil, les avances des planteurs provoquent un conflit de loyauté qui limite les marges de manœuvre du régent et futur roi-prétendant Louis XVIII, coupé de possibles ressources coloniales. Pour défendre leurs réclamations aux Caraïbes, les Princes, quant à eux, s’appuient sur la solidarité dynastique avec la monarchie espagnole dans le cadre du pacte de famille. Ils n’acceptent l’intervention britannique qu’à la conclusion de paix entre l’Espagne et la République française, avant que les cousins bourbons ne s’allient officiellement à la Révolution. Ce pacte de « famille » connaît ainsi une nationalisation qui le rend compatible avec la République. En revanche, la France révolutionnaire se voit forcée à étendre la catégorie de nation aux colonies. Sous la double pression des insurrections et la guerre, elle donne la citoyenneté française aux esclaves en 1793-179480.
51Comme le démontrent les initiatives des planteurs de Londres autour de Malouet, cette crise de la représentation et de l’appartenance de Saint-Domingue n’est ni linéaire ni unilatérale. On peut plutôt observer, au cours des années 1790, des phases et des constellations qui permettent d’imaginer des solutions innovantes : premièrement, la chute de la monarchie et l’expansion des insurrections coloniales ébranlent les relations entre les planteurs, les émigrés et la République française. Favorisée par l’entrée en guerre imminente de l’Angleterre, cette désaffection prépare le terrain pour la mise sous protection britannique au début de 1793. Si la péripétie espagnole en 1795-1796, deuxièmement, décale les relations de forces entre Anglais, Français, Espagnols et insurgés aux Caraïbes, cette dynamique donne lieu à des scénarios inédits. Le projet de reconquérir Saint-Domingue et d’occuper la partie espagnole par des troupes d’émigrés permet de lier l’émigration européenne, les intérêts des colons et la politique coloniale britannique – dans une dimension politique, économique ainsi qu’humanitaire. Cependant, comme base commune, ces considérations reposent largement sur le système colonial et l’asservissement des populations noires et de couleur.
52La période qui court des élections législatives au printemps 1797 au coup de Fructidor marque une troisième phase de transition possible, cette fois-ci vers un retour de Saint-Domingue sous autorité française dans le cadre d’un accord franco-britannique. Dans ce contexte spécifique, cette solution aurait le double avantage d’être couverte par le traité de Whitehall et de respecter également les intérêts des Bourbons. Les planteurs comptent sur une pacification en parallèle de la restauration de la monarchie amenée par la majorité royaliste aux chambres législatives. Par conséquent, la rupture des négociations franco-britanniques et l’échec d’une restauration ont non seulement des effets importants sur l’engagement militaire britannique aux Caraïbes, mais aussi sur les conflits internes entre les planteurs.
53Ces croisements multiples entre le cours de la guerre, l’ordre politique de la France, les intérêts des émigrés-planteurs et des puissances coloniales aux années 1790 expliquent que la question de Saint-Domingue survit aux deux révolutions proprement dites. Elle réapparait plutôt sur l’agenda politique aux moments de conclusion de paix et de changement de régime – en 1802, peu après le retour de Malouet en France, tant qu’en 1814, sous son mandat de ministre de colonies81.
Notes de bas de page
1 Ce terme est utilisé pour la première fois par l’auteur haïtien Vastey Jean Louis de, Essai sur les causes de la révolution et des guerres civiles d’Hayti, Sans-Souci, Imprimerie royale, 1819 ; voir aussi Joseph Celucien L., « “The Haitian Turn”: An Appraisal of Recent Literary and Historiographical Works on the Haitian Revolution », The Journal of Pan African Studies, no 5, 2012, p. 37-55 ; Sepinwall Alyssa G., « Still Unthinkable? The Haitian Revolution and the Reception of Michel-Rolph Trouillot’s Silencing the Past », The Journal of Haitian Studies, no 19, 2013, p. 75-103.
2 Geggus David, Haitian Revolutionary Studies, Bloomington, Indiana University Press, 2002 ; Dubois Laurent, Avengers of the New World. The Story of the Haitian Revolution, Cambridge, MA, Belknap Press of Harvard University Press, 2004 ; Geggus David et Fiering Norman (dir.), The World of the Haitian Revolution, Bloomington, Indiana University Press, 2009 ; Popkin Jeremy D., A Concise History of the Haitian Revolution, Malden, MA, Wiley-Blackwell, 2012.
3 Sepinwall Alyssa G., « Independent Haiti in a Hostile World. Haiti in the Nineteenth Century », in Alyssa G. Sepinwall (dir.), Haitian History, New Perspectives, New York, Routledge, 2012, p. 103-122.
4 Voir aussi Pestel Friedemann, Kosmopoliten wider Willen. Die monarchiens als Revolutionsemigranten, Berlin/Boston, Oldenbourg/De Gruyter, 2015.
5 Griffiths Robert, Le centre perdu. Malouet et les « monarchiens » dans la Révolution française, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1988 ; Geggus David, Slavery, War and Revolution. The British Occupation of Saint Domingue, 1793-1798, Oxford, Clarendon Press, 1982 ; Wagner Michael, England und die französische Gegenrevolution 1789-1802, Munich, Oldenbourg, 1994 ; pour l’Âge des Révolutions voir Armitage David et Subrahmanyam Sanjay (dir.), The Age of Revolutions in Global Context, c. 1760-1840, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2010.
6 Carpenter Kirsty, « London: Capital of the Emigration », in Kirsty Carpenter et Philip Mansel (dir.), The French Emigrés in Europe and the Struggle against Revolution, 1789-1814, Basingstoke, Macmillan, 1999, p. 43-67 ; pour Londres comme foyer de l’émigration voir idem, Refugees of the French Revolution. Émigrés in London, 1789-1802, Basingstoke, Macmillan, 1999 ; Reboul Juliette, French Emigration to Great Britain in Response to the French Revolution, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2017.
7 Wagner Michael, England und die französische Gegenrevolution, op. cit., p. 236-240 ; Frostin Charles, « L’intervention britannique à Saint-Domingue en 1793 », Revue française d’histoire d’outre-mer, no 50, 1962, p. 293-365, ici p. 305-309.
8 Pour ceux-ci voir The National Archives, Kew (TNA) F.O. 27/40, fos 175-178 et 204-207 ; Louis de Curt, Memoire envoyé à l’assemblée générale des isles du Vent, ibid., fos 181-183 ; The British Library, Londres (BL) Add. Mss. 38352, fos 7-8, 126 et 140 ; Eichmann Flavio, Krieg und Revolution in der Karibik. Die Kleinen Antillen, 1789-1815, Berlin/Boston, Oldenbourg/De Gruyter, 2019.
9 TNA W.O. 1/58, fo 17 ; Geggus David, Slavery, War and Revolution, op. cit., p. 59.
10 Griffiths Robert, Le centre perdu, op. cit. ; Pestel Friedemann, Kosmopoliten wider Willen, op. cit.
11 Voir pour les versions différentes TNA W.O. 1/58, fos 480-498 ; Wagner Michael, England und die französische Gegenrevolution, op. cit., p. 243-244. Frostin Charles, « L’intervention britannique », art. cité, p. 312-314 ne traite que la version française définitive. On trouve la première et dernière version française dans Geggus David, Slavery, War and Revolution, op. cit., p. 395-399.
12 Pour Toulon voir Crook Malcolm, Toulon in War and Revolution. From the Ancien Régime to the Restoration, 1750-1820, Manchester, Manchester University Press, 1991 ; Wagner Michael, England und die französische Gegenrevolution, op. cit., p. 114-121 ; Mori Jennifer, « The British Government and the Bourbon Restoration : The Occupation of Toulon, 1793 », The Historical Journal, no 40, 1997, p. 699-719 ; Pestel Friedemann, Kosmopoliten wider Willen, op. cit., p. 242-247.
13 Lokke Carl L., « London Merchant Interest in the St. Domingue Plantations of the Émigrés 1793 », American Historical Review, no 43, 1938, p. 795-802 et « New Light on London Merchant Interest in Saint Domingue », Hispanic American Historical Review, no 22, 1942, p. 670-676.
14 Pierre Victor Malouet à Henry Dundas, Londres, 14 février 1794, ibid., p. 671.
15 Malouet à Jacques Mallet du Pan, Londres, 19 décembre 1794, in Malouet Pierre Victor, Mémoires de Malouet, vol. 2, Paris, Plon, 1874, p. 418.
16 Pour l’interprétation française de Malouet, voir Griffiths Robert, Pierre-Victor Malouet and the « Monarchiens » in the French Revolution and Counter-Revolution, thèse d’histoire, University of British Columbia, 1975, p. 242, 263 et 267. David Geggus, par contre, souligne l’autonomisme de Malouet avant la signature du traité et reproche à Griffiths de mettre l’accent trop sur le profil de Malouet comme réformateur centraliste ; Geggus David, Slavery, War and Revolution, op. cit., p. 420 et 446. Dans la perspective de la presse des émigrés à Londres, Simon Burrows donne la faveur à la « thèse française » ; Burrows Simon, French Exile Journalism and European Politics 1792-1814, Woodbridge, Royal Historical Society, 2000, p. 168.
17 Wagner Michael, England und die französische Gegenrevolution, op. cit., p. 244.
18 Ibid., p. 241. Dans ce sens, David Geggus a raison de constater que l’accord avec les planteurs de Saint-Domingue est plus anglophile et séparatiste que celui pour les Petites Antilles ; Geggus David, Slavery, War and Revolution, op. cit., p. 59.
19 Malouet à Mallet du Pan, Londres, 10 octobre 1794, in Malouet Pierre Victor, Mémoires, op. cit., vol. 2, p. 410 ; Malouet Pierre Victor, Examen de Cette Question : Quel sera pour les colonies de l’Amérique le résultat de la Révolution française, de la guerre qui en est la suite et de la paix qui doit la terminer ?, Londres, Baylis, 1797, p. 13.
20 Malouet Pierre Victor, Lettre à M. S. D., Membre du Parlement sur l’intérêt de l’Europe au salut des colonies de l’Amérique, Londres, Baylis 1797, p. 20 et Collection de Mémoires et Correspondances Officielles sur l’Administration des Colonies, vol. 5, Paris, Baudouin, 1802, p. 302.
21 Malouet Pierre Victor, Lettre à M. S. D, op. cit., p. 17.
22 Journal de France et d’Angleterre, no 6, 10 février 1797, p. 456.
23 Ibid., p. 19-20.
24 Voir Malouet à William Wyndham Grenville, Baron Grenville (?), juillet 1793, TNA F.O. 95/3/2. Le problème des passages s’étend sur plusieurs années à cause de problèmes financiers et l’aggravation de la situation matérielle des planteurs dans leur exil londonien ; voir Malouet à NN, Londres, 7 mai 1793, TNA W.O. 1/58, fos 73-76 ; Malouet à (Dundas), Hungerford, 7 septembre 1794, TNA W.O. 1/59, fos 545-546.
25 Frostin Charles, « L’intervention britannique », art. cité, p. 327, 330 et 344-351. Les instructions pour Charmilly in TNA W.O. 1/58, fos 51-59.
26 Malouet à Dundas, Twickenham, 15 août 1793, TNA W.O. 1/58, fos 342-347 ; Geggus David, « The Cost of Pitt’s Caribbean Campaigns, 1793-1798 », The Historical Journal, no 26, 1983, p. 699-706.
27 Parrel Christian de et Debien Gabriel, « Les Colons des Antilles et la Contre-Révolution (1791-1793) », in Actes du 91e Congrès national des Sociétés savantes, Rennes, 1966, Section d’histoire moderne et contemporaine, vol. 1, Paris, Bibliothèque nationale, 1969, p. 292-340, ici p. 329-330. Pour la politique coloniale des Princes voir Frostin Charles, « L’intervention britannique », art. cité, p. 298 et 316-319 ; Beaunay à Castries, 17 octobre 1793, archives départementales de la Vienne, Poitiers (AD Vienne) En 89, no 335 et le comte de Duras et le vicomte de Gand au comte de Provence, Londres, 6 mars, ibid., nos 345-346.
28 Entretien entre Herman et Malouet, Londres, 8 avril 1793, AD Vienne En 89, no 347.
29 Résumé d’une lettre de François Henri d’Harcourt à Joseph Maximilien de Croÿ, duc d’Havré (le représentant des Princes à Madrid), Londres, 1er au 19 avril 1793, AD Vienne En 89, no 214.
30 Charles Eugène Gabriel de La Croix de Castries à Malouet, Nimègue, 4 décembre 1793, Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine (AN) 306 AP/27, no 82.
31 La Croix de Castries René de, Le Maréchal de Castries (1727-1800), Paris, Albatros, 1979 ; Pestel Friedemann, Kosmopoliten wider Willen, op. cit.
32 Malouet à Castries, 5 juin 1793, AD Vienne En 89, no 350.
33 Ibid. ; voir aussi Frostin Charles, « L’intervention britannique », art. cité, p. 320-321.
34 Charles François Cougnac-Mion à Castries, 31 juillet 1793, AD Vienne En 89, nos 332-333 ; voir aussi Charles Joseph Loppinot de Beauport (le gouverneur général de Saint-Domingue nommé par les Princes dans la hâte) au comte de Beaunay, Kingston/Jamaïque, 24 juillet 1793, ibid., no 330 ; Cougnac-Mion au comte de Beaunay, 24 juillet 1793, ibid., no 331 ; Frostin Charles, « L’intervention britannique », art. cité, p. 332.
35 Pestel Friedemann, Kosmopoliten wider Willen, op. cit., p. 243-244.
36 Observations sur ce qui s’est passé en 1793, archives des frères de l’Instruction chrétienne (AFIC), Port-au-Prince, AFIC dossier 8, no 19, p. 6 (disponible en microfilm aux AN Mi 195).
37 Malouet à Loppinot de Beauport, Bruxelles, 9 novembre 1793, AFIC, dossier 8, no 7 ; voir aussi Malouet à William Pitt, Bruxelles, 9 novembre 1793, AD Vienne En 89, no 351 ; Observations sur ce qui s’est passé en 1793, AFIC dossier 8, no 19, p. 9-11 ; Malouet à Dundas, Bruxelles, 9 novembre 1793, TNA W.O. 1/58, fos 437-439 ; Malouet à Pierre François Venault de Charmilly, Bruxelles, 6 novembre 1793, AFIC dossier 8, no 21.
38 Beaunay à Castries, 17 octobre 1793, TNA P.C. 1/128, no 214.
39 Voir Deive Carlos Esteban, Los refugiados franceses en Santo Domingo (1789-1801), Santo Domingo, Universidad Nacional Pedro Henríquez Ureña, 1984 ; Yacou Alain, « La stratégie espagnole d’éradication de Saint-Domingue français par destruction », in Alain Yacou (dir.), Saint-Domingue espagnol et la révolution nègre d’Haïti (1790-1822). Commémoration du bicentenaire de la naissance de l’État d’Haïti (1804-2004), Paris, Karthala, 2007, p. 177-186 ; Guerrero Cano Magdalena, « La occupación de Santo Domingo por Saint Domingue a través de la correspondencia de su arzobispo », in Centre d’études et de recherches sur la géographie des pays ibériques (dir.), Les révolutions ibériques et ibéro-américaines à l’aube du xixe siècle, Paris, Maison des pays ibériques, 1991, p. 313-339.
40 Paul de Cadush à Adam Williamson, Kingston/Jamaïque, 20 juillet 1794, TNA F.O. 72/28, fos 197-200.
41 Malouet à (Grenville), Bruxelles, 27 décembre 1793, TNA F.O. 26/22.
42 Malouet à NN, Londres, 14 février 1794, TNA W.O. 1/59, fo 45 et Malouet à Dundas, Bruxelles, 22 octobre 1793, TNA W.O. 1/58, fos 560-561.
43 Williamson à Dundas, Kingston/Jamaïque, 22 juillet 1794, TNA F.O. 72/34, fo 233 ; Bouger du Cord (négociant à Saint-Marc) au comte de Villeblanche, Saint-Marc, 10 juillet 1794, F.O. 72/35, fos 69-70.
44 Ferrer Ada, Freedom’s Mirror. Cuba and Haiti in the Age of Revolution, New York, Cambridge University Press, 2014.
45 Malouet à William Cavendish-Bentinck, Duke of Portland, Londres, 20 septembre 1794, TNA W.O. 1/59, fos 603-604 ; les planteurs à Malouet, Môle Saint-Nicolas, 26 juillet 1794, ibid., fos 607-609 ; Malouet à Grenville, Londres, 9 novembre 1794, TNA F.O. 72/35, fos 208-209 ; Carlos Manuel Martínez de Irujo y Tacón (secrétaire de l’ambassade espagnole à Londres) à Malouet, Londres, 9 novembre 1794, AFIC dossier 8, no 9 ; The Times, 15 novembre 1794.
46 Malouet, Motifs de la nomination d’un commissaire français près le gouvernement espagnol, TNA W.O. 1/61, fos 181-184 ; les instructions ibid., fos 191-195 ; Portland à Williamson, Londres, juillet 1795, ibid., fos 243-244 ; Note de Malouet, Londres, 10 mai 1795, BL Add. Mss. 59056, fos 63-64 ; Grenville à John Stuart, Marquess of Bute, Londres, 12 juin 1795, TNA F.O. 72/37, fo 216 ; Manuel de Godoy à Bute, San Ildefonso, 19 juillet 1795, TNA F.O. 72/38, fo 160 ; Lokke Carl Ludwig, « St. Domingue in Anglo-Spanish Diplomacy in 1795 », Hispanic American Historical Review, no 16, 1936, p. 250-257.
47 Deive Carlos Esteban, Los refugiados franceses, op. cit., p. 130-131.
48 Lettre à François Barthélemy, Paris, 12 septembre 1797, archives des Affaires étrangères, La Courneuve, C.P. Espagne, Suppl. 25, fo 98vo ; Guerrero Cano Magdalena, « La occupación de Santo Domingo », art. cité, p. 337.
49 Malouet Pierre Victor, Examen de Cette Question, op. cit., p. 17.
50 Malouet à John King, Londres, 16 septembre 1796, TNA W.O. 1/64, fos 361-362.
51 Malouet, Observations sur les mesures qui peuvent rendre la guerre utile et moins dispendieuse aux Antilles, TNA W.O. 1/66, fos 651-669.
52 Meadows R. Darrell, « Engineering Exile: Social Networks and the French Atlantic Community, 1789-1809 », French Historical Studies, no 23, 2000, p. 67-102.
53 Malouet à Dundas, Londres, 18 juillet 1794, TNA W.O. 1/60, fos 416-418 ; Malouet à NN, Londres, 12 mars 1793, TNA W.O. 1/58, fo 38 ; Malouet à King, 2 avril 1794, TNA W.O. 1/59, fo 110 ; de Buque St. Olympe à Malouet, Port-au-Prince, 20 juin 1794, ibid., fos 595-596.
54 Lettre du colonel Thibullier, 15 juin 1794, TNA W.O. 1/59, fo 529.
55 François Claude de Bouillé à Dundas, Londres, 8 août 1795, TNA W.O. 1/63, fos 259-289.
56 Malouet, A Plan for establishing the Emigrants in St. Domingo, 19 août 1795, TNA W.O. 1/63, fos 309-328.
57 Ibid., fos 323-324.
58 Malouet à Charles de Thuisy, Londres, 6 décembre 1797, TNA W.O. 1/67, fo 744 ; voir aussi Thuisy à Grenville, Londres, 8 janvier 1798, TNA F.O. 27/53 ; Gregory Desmond, Malta, Britain, and the European Powers, 1793-1815, Madison, Fairleigh Dickinson University Press, 1996.
59 Moreau-Zanelli Jocelyne, Gallipolis. Histoire d’un mirage américain au xviiie siècle, Paris, L’Harmattan, 2000 ; Desan Suzanne, « Transatlantic Spaces of Revolution: The French Revolution, Sciotomanie and American Lands », Journal of Early Modern History, no 12, 2008, p. 467-505 ; Desjardins Simon et Pharoux Pierre, Castorland Journal. An Account of the Exploration and Settlement of New York State by French Émigrés in the Years 1793 to 1797, Ithaca, Cornell University Press, 2010.
60 Malouet, Observations on the Treaty of Peace between France and Spain, August 1795, TNA W.O. 1/63, fo 247 ; Malouet à Grenville, Londres, 5 juin et 7 octobre 1796, TNA F.O. 27/48 ; Geggus David, Slavery, War and Revolution, op. cit., p. 188.
61 Griffiths Robert, Pierre-Victor Malouet, op. cit., p. 272-282 ; Wagner Michael, England und die französische Gegenrevolution, op. cit., p. 203-207 ; Reinhard Marcel, « Les négociations de Lille et la crise du 18 fructidor d’après la correspondance inédite de Colchen », Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 5, 1958, p. 39-56.
62 Cursory remarks on the State of Parties in Paris, with a view to the pending negotiation, 25 juin 1797, BL Add. Mss. 38764, fo 116vo ; Malouet à NN, juin 1797, TNA W.O. 1/67, fo 566.
63 Lettre et mémoire de Malouet, 29 juin 1796, TNA C.O. 245/1, fos 121-125.
64 Malouet, Observations sur la négociation relative aux colonies françaises, TNA W.O. 1/66, fos 569-573.
65 Malouet au corps législatif, Londres, 27 juin 1797, TNA F.O. 27/51.
66 Malouet au comité colonial du Conseil des 500, Londres, 27 juin 1797, TNA F.O. 27/51.
67 Malouet à Grenville, Londres, 20 juillet 1797, TNA F.O. 27/51.
68 Voir Reinhard Marcel, « Les négociations de Lille », art. cité, p. 56 ; Adams Ephraim Douglass, The Influence of Grenville on Pitt’s Foreign Policy 1787-1798, Washington, Carnegie Institution of Washington, 1904, p. 61-70 ; Wagner Michael, England und die französische Gegenrevolution, op. cit., p. 206-207.
69 Griffiths Robert, Pierre-Victor Malouet, op. cit., p. 281 ; pour l’analogie avec la Vendée voir Ghachem Malick W., « “The Colonial Vendée” », in David Geggus et Norman Fiering (dir.), The World of the Haitian Revolution, op. cit., p. 156-176.
70 Résolution du 1er juillet 1797, TNA W.O. 1/66, fos 521-522.
71 Morning Chronicle, 11 janvier 1798 ; The Times, 12 janvier 1798.
72 Malouet à NN, juin 1797, TNA W.O. 1/67, fos 565-566 ; Malouet à Portland, Londres, 27 septembre 1797, TNA W.O. 1/67, fo 609 ; Malouet à Dundas, Londres, 21 novembre 1797, ibid., fos 677-680 ; (Malouet), Des mesures à prendre en supposant l’abandon d’une partie du territoire de St Domingue, ibid., fos 683-684 ainsi que ses Réponses sur demandes qui m’ont été faittes par le gouvernement, 11 décembre 1797, ibid., fos 797-805.
73 Regnier Jacques Marie Joseph, Lettre d’un Colon de Saint Domingue à M. Malouet, Londres, Baylis 1798, p. 10-11 ; Malouet Pierre Victor, Lettre de M. Malouet, député de St. Domingue, à ses Commettans, Londres, s. n., 1798, p. 4.
74 Thomas Nesbitt au War Office, Londres, 6 janvier 1798, TNA W.O. 1/69, fo 93 ; Nesbitt à Malouet, Londres, 7 janvier 1798, ibid., fos 97-98.
75 William Huskisson à Dundas, Londres, 7 janvier 1798, TNA W.O. 1/69, fo 114 ; Thomas Maitland à Dundas, Jérémie, 23 mai 1798, ibid., fo 439.
76 TNA W.O. 1/70, fos 375-376.
77 Malouet à Portland, Londres, 27 septembre 1797, TNA W.O. 1/67, fo 609 ; Malouet à Dundas, Londres, 21 novembre 1797 et 22 décembre 1797, ibid., fos 677-680 et 849 ; Malouet, Réponses sur demandes qui m’ont été faittes par le gouvernement, 11 décembre 1797, ibid., fos 797-805.
78 Brasseaux Carl A. et Conrad Glenn R. (dir.), The Road to Louisiana. The Saint-Domingue Refugees, 1792-1809, Lafayette, Center for Louisiana Studies, University of Southwestern Louisiana, 1992 ; Dessens Nathalie, From Saint-Domingue to New Orleans. Migration and Influences, Gainesville, FL, University Press of Florida, 2007 ; White Ashli, Encountering Revolution. Haiti and the Making of the Early Republic, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2010 ; Gómez Alejandro E., Le spectre de la Révolution noire. L’impact de la révolution haïtienne dans le monde atlantique : 1790-1886, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013 ; Ferrer Ada, Freedom’s Mirror, op. cit.
79 Trouillot Michel-Rolph, Silencing the Past. Power and the Production of History, Boston, Beacon Press, 1995 ; Sepinwall Alyssa G., « Still Unthinkable? », art. cité.
80 Popkin Jeremy D., You Are All Free. The Haitian Revolution and the Abolition of Slavery, Cambridge, Cambridge University Press, 2010.
81 Voir Benot Yves et Dorigny Marcel (dir.), Rétablissement de l’esclavage dans les colonies françaises 1802 : Ruptures et continuités de la politique coloniale française, 1800-1830, Paris, Maisonneuve et Larose, 2003 ; Brière Jean-François, Haïti et la France, 1804-1848 : le rêve brisé, Paris, Karthala, 2008 ; Pestel Friedemann, « The Impossible Ancien Régime colonial: Postcolonial Haiti and the Perils of the French Restoration », Journal of Modern European History, no 15, 2017, p. 261-279.
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