Chapitre 14. La politique de peuplement de la Compagnie
p. 385-417
Texte intégral
1Les ambitions françaises ne peuvent être satisfaites que par une occupation permanente et effective des îles conquises par les capitaines, seule à même de légitimer la présence française aux Antilles et d’assurer le développement des activités économiques. Pour cela, il convient d’envoyer des colons s’y établir durablement. Mais quels sont les objectifs visés ? et comment la Compagnie compte-t-elle les atteindre ?
La population française dans les îles
Les objectifs de la Compagnie
2Le contrat signé en 1626 entre Richelieu et les associés est très général quant au peuplement, il n’est rien indiqué de particulier sinon qu’ils doivent faire « habiter et peupler les îles ». Celui de 1635 se veut plus précis et fixe comme objectif le passage de 4000 Français « de tout sexe », compris ceux qui sont déjà établis à Saint-Christophe, en vingt ans1. Le chiffre est global, il vaut pour la durée du contrat et pour toutes les îles, peu importe leur nombre. Il n’est pas le produit d’une réflexion particulière et est identique à celui demandé à la Compagnie de la Nouvelle-France pour peupler l’Amérique du Nord dans un environnement pourtant singulièrement différent2. Les contrats n’évoquent que les passages et non la population résidente. On espère que les Français resteront. Il revient aux associés de s’organiser pour remplir ce but. Nous ne savons pas s’ils se sont fixé des objectifs pour le peuplement de Saint-Christophe et de la Martinique, du moins nous ne les connaissons pas, mais nous sommes bien renseignés pour la Guadeloupe. Le contrat signé entre les capitaines L’Olive et du Plessis et la Compagnie stipule en effet que 900 hommes de plus de seize ans en ans devront passer dans l’île en dix ans selon un calendrier précis, à savoir, en 1635 : 200 hommes ; de 1636 à 1640 : 100 hommes par année ; de 1641 à 1644 : 50 hommes par année. Les femmes, les filles et les garçons de moins de seize ans, les serviteurs et les hommes envoyés par la Compagnie ne sont pas à prendre en compte. Les associés savent que tous ceux qui passeront à la Guadeloupe ne survivront pas ou ne resteront pas. Ils espèrent que la population se stabilisera autour de 600 habitants sur les 700 venus en 1640, soit un taux de dédès et de retour de 14,28 %, et de 800 sur les 900 attendus à l’horizon 1644, soit un taux de retour sur la décennie de 11,11 %3. Ils sont optimistes en pensant à une stabilisation de la situation et un enracinement progressif des hommes. Le contrat signé quelques mois plus tard avec les marchands de Dieppe pour l’organisation de la colonisation de la Guadeloupe porte l’effort de peuplement à 2500 hommes en six ans de 1635 à 1641 : soit 300 d’avril 1635 à avril 1636, 600 en 1637 et le reste (1600) les années suivantes, sans indication chiffrée, ce qui représente une moyenne de 400 personnes par an durant les quatre dernières années du contrat (1638, 1639, 1640 et 1641). Les exigences de la Compagnie sont donc plus importantes, et ce d’autant plus que les garçons de seize ans sont désormais considérés comme des enfants. Les engagés qui font naufrage, sont capturés lors d’une attaque corsaire, ou décèdent en allant à la Guadeloupe, doivent être remplacés. Mais les marchands de Dieppe disposent en cas de difficulté majeure d’un délai supplémentaire d’une année pour honorer leurs obligations4. Les objectifs de peuplement des autres îles sont parfois ambitieux. La Compagnie exige ainsi en 1637 du baron de Vanves, qui veut coloniser une île en son nom et au nom du roi, le passage de 200 ou 300 familles en deux ou trois ans. Ils sont en général plus modestes. Constant d’Aubigné doit faire passer 360 Français à Marie-Galante en six ans entre 1645 et 1650. Vueuil et Saint Rémy s’engagent en 1645 à mener 450 hommes à Tobago en six ans, dont 200 la première année et 50 chaque année suivante5.
3La Compagnie n’entend pas envoyer le plus possible de colons et d’engagés, redoutant de ne pouvoir satisfaire tous leurs besoins. Certes, la population est pensée à cette époque comme un élément de la puissance. Un état puissant ou qui prétend l’être se doit d’être bien peuplé6. Cosimo Brunetti se situe pleinement dans cette vision quand il écrit en 1660 « le nerf et la force de la richesse d’un pays, consiste en la quantité du monde qui y habite7 ». Cependant, pour l’heure, le réalisme l’emporte sur les plus folles aspirations.
Les chiffres généraux de la population
4Aucun des états de la population des îles dressés par les commis n’est parvenu jusqu’à nous. Les seules données chiffrées dont nous disposons sont les évaluations faites par les chroniqueurs et les voyageurs qui ont séjourné aux îles. Elles sont parfois contradictoires et ne reflètent pas – ou mal – la réalité du terrain. Quelques chiffres officiels permettent cependant de nous faire une meilleure idée de la situation au milieu des années quarante, mais il faut attendre les recensements au début des années soixante pour être mieux renseignés8.
5Les premiers éléments dont nous disposons sont donnés par d’Esnambuc et Roissey qui signalent que 80 Français vivent à Saint-Christophe en 16259. Cette population croît peu durant la décennie, car, selon Dutertre, les Français sont moins de 400 au milieu des années trente au moment de la reformation de la Compagnie, chiffre confirmé par l’anglais Henri Colt en 163210. L’augmentation se fait plus rapidement ensuite. En 1642, la monarchie parle de 7000 Français dans les îles et un état du milieu du xviie siècle donne le chiffre de 8500 habitants11. Cela contredit l’évaluation particulièrement basse de 5000 Français (3000 à Saint-Christophe, 1000 à la Guadeloupe et 1000 à la Martinique) donnée par le capucin Pacifique de Provins en 164512. Le jésuite Pierre Pelleprat compte 15000 colons en 1655 dans les dix-huit îles et îlots où ils se sont établis. En 1657, Jean Hallay reprend ce chiffre pour caractériser la population des trois grandes îles françaises, mais il comprend alors les « maîtres […] et esclaves mores ». Il existe des estimations plus hautes. Dans une lettre de 1654, le jésuite Denys Mesland parle de 25000 Français dans les îles13.
6La diversité des chiffres avancés par les uns et par les autres s’explique par des changements rapides de la situation en raison de l’arrivée d’un navire, d’une crise sanitaire ou d’un déplacement de colons vers une autre île. En 1641, les associés s’inquiètent ainsi de la baisse de la population de Saint-Christophe, « tant à cause des maladies qui y continuent depuis huit à dix mois que de plusieurs qui se sont retirés aux îles de la Martinique, Guadeloupe et la Tortue14 ». Les installations saisonnières des marchands et des marins dans les îles pour une durée de cinq à six mois peuvent aussi influer sur les chiffres15. Les gouverneurs eux-mêmes ne savent pas combien d’hommes ils commandent. Certains auteurs semblent tout de même avoir des estimations résolument basses (Pacifique de Provins) et d’autres particulièrement hautes (Raymond Breton, Denys Mesland).
7Il est un point qui ne semble souffrir aucune contestation. Les objectifs fixés par la monarchie en matière de peuplement ont été rapidement atteints, et ce peu importe les estimations retenues. La situation est sans comparaison avec celle du Canada français où la Compagnie des Cent-Associés ne réussit pas à faire passer les 300 habitants annuels requis, et les Français sont à peine 3000 en 166316. Les flux migratoires vers ces deux espaces américains sont nettement différents, les Antilles attirent dix fois de colons et d’engagés17. Les arrivées sont permanentes aux Antilles ce qui permet de stabiliser le nombre d’habitants alors que la natalité, elle, demeure faible. C’est un motif évident de satisfaction pour les associés de la Compagnie des îles de l’Amérique.
Tableau 26. La population française des Petites Antilles (1635-1664).

Sources : J.-P. Moreau, Les Petites Antilles, op. cit., p. 207 ; G. Fournier, Hydrographie, op. cit., p. 281 ; DT/1667, t. 1, p. 75 et 164 ; Bouton, p. 41 et 95 ; Anonyme de Saint-Christophe, p. 119 ; PDP, p. 29-30 ; ANOM, F2A13, Contrat entre la Compagnie et le cardinal, Paris, le 29/01/1642, p. 42 ; BnF, ms fr. 18593, Instruction des isles de l’Amérique, fol. 423rv ; J. Petitjean Roget, La société d’habitation, op. cit., t. 2, p. 940 ; S. H. Anderson, « Cosimo Brunetti… », op. cit., p. 28 ; F. Régent, La France et ses esclaves, op. cit., p. 25.
8Cependant, les Français sont très inégalement répartis entre les différents établissements. Saint Christophe est le principal pôle de peuplement, et donc de développement économique. La population est de plusieurs centaines d’habitants durant les années vingt, mais elle s’accroît considérablement par la suite. En 1628, le havrais Thomas Cordier, qui est resté quelques mois dans l’île, rapporte que les Français sont 500 (dont 52 noirs), chiffre qui est corroboré par un pilote portugais qui a rallié Saint-Christophe après son naufrage à Anguilla18. Dans ces conditions, le chiffre de 200 Français donné par Dutertre pour cette même année apparaît un peu faible, mais il est peut-être la conséquence d’une épidémie et d’une famine qui auraient décimé la colonie19. En 1629, un témoin parle de 600 à 700 Français dans l’île. Dutertre dit qu’ils sont 350 à retourner sur l’île après le passage des Espagnols de don Fadrique de Tolède. L’Anglais Henri Colt affirme qu’il y a 400 Français en 163220. Un bond quantitatif est fait dans les années trente. Le père Fournier parle de 5000 Français, en 1639, sans inclure les femmes et les enfants. Dutertre donne une évaluation voisine en comptant 4000 miliciens dans l’île en 164121. La décennie a été particulièrement dynamique. L’Anonyme de Saint-Christophe propose l’estimation la plus haute avec 8000 habitants au début des années quarante. Le capucin Pacifique de Provins en revanche semble sous-évaluer la population de l’île en l’établissant à 3000 habitants en 1645. Elle est vraisemblablement alors de 6000 personnes22.
9La population de la Martinique est plus difficile à évaluer. Le jésuite Jacques Bouton parle de 1000 Français en 1640. Les chiffres avancés par les chroniqueurs pour le milieu des années quarante vont du simple au double. L’Anonyme de Saint-Christophe parle par exemple de 2000 habitants, et Pacifique de Provins de 1000 seulement. L’instruction des îles de l’Amérique indique 1500 habitants, ce qui semble le plus vraisemblable23. La population de la Martinique peine à croître. Il doit y avoir environ 1500 Français en 165024. La population augmente durant la décennie suivante. Le recensement de 1660 mentionne 2850 Blancs et celui de 1664, 2904 Blancs25.
10La situation est comparable à la Guadeloupe. L’Olive et du Plessis partent en 1635 avec 500 engagés26. Les conditions de vie difficiles, le manque de vivres, les maladies conduisent à de nombreux décès et à des désertions. Certains compagnons d’aventure tentent alors de gagner l’île voisine de Saint-Christophe. Quelques Français se seraient même réfugiés auprès des Indiens de l’île27. Le 16 septembre 1635, le capitaine Labbé apporte 140 hommes supplémentaires28. La Guadeloupe tarde à se peupler. Elle ne compte au milieu des années quarante qu’un millier d’habitants mais se peuple durant les décennies suivantes. Elle compte 1500 Français en 165029. La Guadeloupe demeure cependant l’île française la moins peuplée. Le carme Cosme de la Présentation y compte 5000 âmes en 1652, ce qui, même en prenant en compte les esclaves, semble très élevé30. Le recensement de 1664 comptabilise 2831 blancs31. La population a été multipliée par deux en vingt ans.
11Les chiffres de Charles de Rochefort et de Raymond Breton sont assez fantaisistes. Rochefort établit à la fin des années cinquante la population blanche de la Martinique à 9000 ou 10000 personnes, femmes et enfants inclus. Il compte autant d’Indiens et d’esclaves noirs, ce qui porterait à près de 20000 le nombre d’habitants dans l’île ! Raymond Breton parle pour sa part de 12000 habitants et de 3 000 noirs esclaves à la Guadeloupe en 165432.
12Les autres îles françaises sont peu peuplées. La Grenade ne compte qu’une centaine d’habitants en 1650. En 1658, le gouverneur, Louis Caqueray de Valmenière, a 300 hommes sous son commandement. Sensiblement à la même époque, Courpon de La Tour dispose de 300 hommes à Saint-Martin33.
Tableau 27. La population blanche des Petites Antilles anglaises.
Saint-Christophe | Barbade | total Antilles anglaises | |
1629 | 1500/2000 | 1600 | |
1630 | 1800 | ||
1633 | 1000/2500 | 3000 | |
1636 | 7000 | 6000 | |
1639 | 20000 | ||
1640 | 14000 | ||
1650 | 12000 | 30000 | |
1660 | 26200 | 47000 |
Sources : J.-P. Moreau, Les Petites Antilles, op. cit., p. 202-206 ; Rochefort, t. 2, p. 25 ; R.R. Menard, Sweet Negotiations, op. cit., p. 25 ; CSP, t. 1, p. 240 et 295 ; H. McD. Beckles, « The “Hub of Empire”… », op. cit., p. 222 ; C. P. Lucas, A Historical Geography of the British Colonies, op. cit., p. 143, 178-179 et 182.
13Le nombre de Français dans les îles demeure très en deçà de celui des Anglais. Le décalage est d’autant plus préoccupant que les enjeux entre les deux puissances grandissent et que leur rivalité s’exacerbe dans les Petites Antilles. Le gouverneur Warner avance le chiffre global de 20000 Anglais aux Antilles en 163934. Vers 1660, ils sont 47000, soit trois fois plus que les Français. Le rapport entre les deux nations de un à dix suggéré par Dutertre semble exagéré au regard des autres sources35. En effet, les différents comptes établis par les Anglais donnent des chiffres nettement moins élevés. Il est ainsi question en 1629, de 1500 ou 2000 Anglais à Saint-Christophe – mais ils sont tout de même quatre fois plus nombreux que les Français –, et entre 1000 et 2500 Anglais en 163236. En 1637, il y a 12000 à 13000 Anglais à Saint-Christophe. En 1649 à la mort du gouverneur Warner, ils sont 12000 ou 1300037. Le capucin Pacifique de Provins est comme toujours très en deçà de la situation en ne parlant que de 6000 Anglais à Saint-Christophe en 164538. Il est difficile dans ces conditions de se faire une idée exacte de la population anglaise de l’île. Mais il en ressort que Saint-Christophe est bien peuplée.
14Les îles anglaises sont très peuplées. Il y a 3000 habitants en 1629 à la Barbade39. En 1636, ils sont d’après Warner 6000 et vers 1650, 2000040. Mais Richard Ligon avoue qu’on ne peut calculer avec exactitude la population de l’île car il arrive toujours de nouveaux habitants. Il n’hésite cependant pas à parler de 50000 personnes sans compter les Noirs41. Le chiffre est exagéré. Les estimations de l’historien américain Russel Menard pour la Barbade montrent une évolution plus mesurée42. La Barbade s’affirme comme l’établissement le plus important dès la fin des années quarante.
15Les flux migratoires vers les Amériques sont orientés dans le cas anglais comme dans le cas français vers les Antilles qui attirent bien plus que l’Amérique du Nord. Ainsi, 60 % des migrants anglais optent pour les îles entre 1630 et 1700. Cependant, les Antilles anglaises n’abritent que 40 % de la population anglaise en Amérique en 166043, ce qui montre un faible dynamisme démographique.
Les départs vers les îles
Colons et engagés
16Les Français qui viennent aux îles sont soit des colons partis librement et à leurs frais, soit des engagés ou alloués. Ces derniers ont signé un contrat pour servir un maître aux îles pour une durée de trois ans. Pour cela, ils sont appelés les « trente-six mois ». Ce système apparaît dès les années vingt et se développe dans la première moitié du xviie siècle44. L’engagement est privilégié dès 1626 par la monarchie française. La commission remise par Richelieu à d’Esnambuc et Roissey précise en effet que les Français qui partent s’engagent à demeurer trois ans. Cette mention n’apparaît pas dans le contrat de 1635 mais la Compagnie continue de recruter des « trente-six mois »45. La grande majorité des migrants français sont des engagés. Ils représentent 65 % de la population d’origine européenne à la Guadeloupe en 1654. Leur part décline ensuite. En 1660, ils ne forment plus que 21,7 % de la population blanche de la Martinique46. L’engagement est une forme de contrat commune à toutes les colonies françaises – il est abondamment utilisé au Canada47 – et anglaises. Les indentured servant représentent 50 % des migrants vers les îles anglaises au xviie siècle48. Ce sont des contrats de plus longue durée, souvent de cinq ou sept ans. Ils concernent bien souvent des Irlandais49. Ils sont nous dit Ligon, « les plus maltraités, car on les fait beaucoup travailler50 ». L’engagement perdure au xviiie siècle, mais il n’affecte désormais qu’à la marge le peuplement. Les colons qui vont aux îles sont peu nombreux dans les premières décennies de la colonisation. Albert Anthiaume n’en identifie qu’une centaine partant des ports normands entre 1634 et 1642 : 6 nobles, 29 bourgeois, 8 militaires, 16 ruraux, 36 autres51.
17Les engagés sont entièrement pris en charge par leurs maîtres qui leur doivent la nourriture et l’habillement. Au bout de leurs trois ans, ils reçoivent un petit pécule, en général 300 livres de pétun à raison de 100 livres par an, soit le prix de leur retour. Ils touchent rarement une somme en argent52. Ainsi, les Havrais Guillemme Euldes et François Roulland ne donnent-ils à leurs engagés que 100 livres de pétun par an. C’est un niveau de salaire assez bas, qui correspond environ à 10-16 livres par an, soit ce que reçoit un valet de ferme53. C’est une moyenne, il n’y a pas de règle, et peu importe l’époque et le lieu d’embarquement. Jean Tanguy note cependant une très grande dispersion des émoluments donnés aux engagés à Nantes entre 1636 et 166054. Les artisans ont généralement des salaires plus importants. Le charpentier Nicolas Gosset touche par exemple 17 livres et 12 sous par mois tandis qu’un charpentier au Havre touche 15 à 20 sous par jour à la même époque55. Mais son pouvoir d’achat demeure modeste en raison du coût élevé de la vie dans les îles en raison notamment du prix des produits importés de France.
18La condition d’engagé n’est guère enviable. Les rares témoignages d’engagés sont éloquents. Guillaume Coppier est parti en 1628. Il déchante rapidement. Il évoque une « vie plus pleine de périls que de jours ». Alexandre-Olivier Exquemelin appartient à la génération suivante. Il embarque au Havre sur le Saint-Jean le 2 mai 1666 pour le compte de la Compagnie des Indes occidentales à destination de la Tortue. Il rapporte les mauvais traitements et la cruauté des maîtres qui n’ont de cesse de meurtrir chaque jour davantage les engagés. Il est peu nourri et mal vêtu56. Les missionnaires ne peuvent qu’abonder et dénoncent un système inique. Dutertre souligne la dureté avec laquelle la plupart des maîtres traitent les engagés : « ils les font travailler avec excès, ils les nourrissent fort mal, et souvent les obligent de travailler en la compagnie de leurs esclaves, ce qui afflige ces pauvres gens plus que les peines excessives qu’ils souffrent57 ». La vie des engagés est toujours décrite comme pire que celle des esclaves. Il faut voir dans cette affirmation non une réalité objective, bien que les engagés soient particulièrement exploités, mais une incompréhension à voir de tels traitements infligés à un Blanc, ce qui est jugé indigne. Le système des engagés des Anglais apparaît pour de nombreux témoins comme pire encore, non seulement en raison de sa durée mais aussi de la dureté des maîtres. Antoine Biet de passage à la Barbade note au début des années cinquante combien ils sont maltraités58. Aucune statistique n’existe à propos de la mortalité des engagés dans les établissements français. En revanche, il apparaît que quatre engagés anglais de Virginie sur cinq meurent dans les douze mois suivant leur arrivée en 167159. Plus modéré, Thomas Wertenbaker calcule que 20 % des engagés décèdent durant « la période d’acclimatement60 ». Le père jésuite Jacques Bouton fait lui moins de sentiment et sa critique se situe sur un autre plan. Il trouve le système de l’engagement onéreux et peu rentable, les engagés ne venant que pour trois ans et nécessitant d’être vêtus, nourris et entretenus. Cosimo Brunetti se prononce ouvertement en 1660 contre le système des engagés et préconise même de les taxer davantage afin que les colons leur préfèrent les esclaves61.
19Les engagés font l’objet d’un véritable trafic. Ils sont souvent recrutés par des marchands et des capitaines de navires, avant d’être transportés aux Antilles puis placés chez un colon. Ce trafic est dénoncé par le capucin Pacifique de Provins. Il rapporte, non sans arrières pensées, que les protestants de La Rochelle en affaire avec ceux de la Tortue trompent les engagés et les amènent à la Tortue alors qu’ils voulaient aller à Saint-Christophe. Dutertre poursuit en disant que c’est « l’un des principaux commerces qu’ils y ont exercé, ç’a été d’y faire passer des jeunes garçons engagés, qu’ils vendaient aux habitants, pour les servir trois ans comme des esclaves, dont le prix commun était de mille ou douze cents livres de pétun. Mais ils étaient vendus bien plus cher lorsqu’ils savaient quelque métier62 ». Bon nombre de capitaines de navires anglais font du trafic de main-d’œuvre. Richard Ligon raconte ainsi qu’en 1647 à la Barbade, les maîtres de cases montent à bord des navires qui viennent d’arriver pour choisir les serviteurs qu’ils désirent sur leur habitation, comme s’il s’agissait d’une cargaison d’esclaves63.
Les principaux flux
20Afin de montrer au roi la bonne conduite de la politique de peuplement des îles, la Compagnie exige des « maîtres des navires qui iront à l’avenir à ladite île, ou autres affectées à ladite Compagnie, […] un acte certifié du capitaine ou gouverneur de l’île où la descente aura été faite, du nombre des personnes qui y auront passé à la décharge desdits associés, qui sera registré au greffe de l’amirauté ». En 1635, le capitaine Robert Sollier s’engage ainsi à bailler « déclaration audit sieur du Herteley des noms, surnoms, seigneuries, âges et demeures des hommes qu’il embarquera dans sondit navire pour passer en ladite île de Saint-Christophe64 ». Aucun de ces documents n’est parvenu jusqu’à nous et comme les autorités portuaires ne tiennent pas de registres de ce type à cette époque, l’évaluation des départs et des arrivées de colons est difficile à établir. Les contrats d’engagements permettent de reconstituer les principaux flux, mais les registres des notaires, comme par exemple ceux de La Rochelle, ont bien des lacunes et ne peuvent offrir que des ordres de grandeur65. Quant aux colons qui passent librement, ils n’apparaissent pas toujours dans la documentation ou bien ils sont confondus avec les engagés par les capitaines de navire. L’émigration libre est difficile à saisir66.
Tableau 28. Les départs d’engagés pour Saint-Christophe (1627-1630).
année | nombre de passagers | année | nombre de passagers |
1627 | 321 | 1629 | 520 |
1628 | 80 | 1630 | 26 |
Sources : J. Petitjean Roget, « Saint-Christophe… », op. cit., p. 21 ; Barrey, p. 184-190 ; DT/1667, t. 1, p. 15, 21, 24 et 40.
21Il est possible de reconstituer en partie les flux dans les années vingt vers Saint-Christophe en regardant les chartes-parties qui sont dans les archives et les données avancées par Dutertre, même si plusieurs chercheurs ont mis en évidence des erreurs dans ses comptes. En 1627, Roissey et d’Esnambuc recrutent 300 hommes en Normandie et en Bretagne. Ils arrivent le 8 mai 1627 à Saint-Christophe. La plupart meurrent en chemin, souligne le dominicain67. Cette même année, la Compagnie envoie le Saint-Pierre commandé par Vaullart avec 21 colons68. Roissey repart en France chercher des renforts et revient avec 80 engagés en 1628. Peu d’entre eux atteignent vivants Saint-Christophe69. Le 29 mars 1629, la Compagnie débloque 9000 livres pour envoyer 120 hommes sur le navire du capitaine Vaullart. Ils n’ont pas plus de chance que les autres en arrivant. Ils décèdent rapidement. Cette même année, la Compagnie recrute 300 hommes qu’elle fait embarquer sur les navires qui accompagnent la flotte de Cahusac envoyée par Richelieu pour sauver Saint-Christophe des Anglais. Une centaine d’autres s’engagent envers des particuliers. Ce sont donc environ 400 Français qui partent alors70. À la fin de l’année 1630, la Compagnie arme un autre bateau pour Saint-Christophe avec 22 ou 26 passagers. Le contrat d’engagement mentionne 20 hommes auxquels Barrey ajoute 2 prêtres, Jean Mabire et François Le Carpentier. Jacques Petitjean Roget établit le compte à 26 personnes, dont 22 hommes et 4 femmes et enfants71.
22Les travaux menés sur les flux migratoires vers les îles à partir de 1635 par Gabriel Debien, Philippe Barrey, Marcel Delafosse et Jean Tanguy permettent d’avoir une idée de leur ampleur. Ils sont 2763 engagés à quitter Le Havre entre 1635 à 1652 ; 600 à partir de Honfleur entre 1637 et 1639 ; 939 à quitter La Rochelle entre 1642 et 1647, et 207 à partir de Nantes entre 1636 et 165272. Nous comptons ainsi 4557 engagés entre 1635 et 1652. Ces chiffres ne donnent qu’un aperçu du phénomène. Il doit y en avoir davantage car les archives n’ont pas gardé une trace de tous les contrats. Les flux les plus importants partent des ports normands. Les départs sont réguliers tout au long des années quarante avec un pic autour de 1643-1644 selon Gabriel Debien. Jacques Petitjean Roget parle d’une moyenne de 300 engagés par an entre 1635 et 164573. Les destinations exactes ne sont pas toujours connues.
Tableau 29. Les départs d’engagés de La Rochelle pour les îles.
année | nombre d’engagés | année | nombre d’engagés |
1642 | 140 | 1645 | 175 |
1643 | 180 | 1646 | 146 |
1644 | 198 | 1647 | 100 |
Source : G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 245.
Tableau 30. Les départs d’engagés de Nantes pour les îles.
année | nombre d’engagés | année | nombre d’engagés |
1636 | 1 | 1646 | 62 |
1638 | 4 | 1647 | 12 |
1639 | 5 | 1648 | 7 |
1641 | 2 | 1649 | 4 |
1642 | 5 | 1650 | 49 |
1643 | 28 | 1651 | 14 |
1645 | 13 | 1652 | 1 |
Source : J. Tanguy, « Les premiers engagés partis de Nantes… », op. cit., p. 245.
23La Guadeloupe connaît plusieurs grandes arrivées. En 1635, L’Olive et du Plessis partent avec 500 ou 550 hommes. En septembre 1635, le capitaine Labbé vient avec 140 hommes. En 1638, le capitaine Digard passe 30 hommes74. Si les grands mouvements sont connus par les chroniqueurs qui en ont tenu le compte avec plus ou moins d’exactitude, il nous manque les engagés venus en petit nombre. Le mouvement semble régulier et se poursuit sur toute la période. Les grandes arrivées permettent de combler les vides laissés après une épidémie meurtrière ou de passer à une nouvelle étape dans la colonisation des îles en fondant de nouveaux quartiers.
Les profils des engagés venant aux îles
24Les renseignements manquent souvent dans les contrats sur la qualité des engagés, mais il apparaît au regard des données disponibles que ce sont souvent de jeunes hommes. Ceux qui partent de Nantes ont tous moins de trente ans (on ne compte que 5 engagés de plus de trente ans : 1 a trente-cinq ans, 3 ont quarante ans et 1 a quarante-deux ans). Ils ont en général entre dix-huit et vingt-trois ans75. Les enfants sont peu nombreux. Il existe cependant des trafics d’enfants. En 1639, deux frères originaires de Saint-Malo, Jonas et Lantery, recrutent ainsi deux cents jeunes hommes français, dont quelques-uns de bonne famille, qu’ils retiennent trois mois à Saint-Servais près de Saint-Malo, pour les placer cinq, six ou sept ans à la Barbade, après s’être entendu avec un capitaine anglais de Guernesey, à raison de 900 livres de coton pièce. Poincy s’en alarme auprès des directeurs de la Compagnie en 1640, et leur demande d’empêcher ce détestable commerce et d’obtenir leur rachat par le roi76. Gabriel Debien veut croire que la surveillance exercée par les agents de la Compagnie dans les ports d’embarquement vers les îles a empêché les enlèvements d’enfants77. Il semble pourtant que cette pratique perdure. Antoine Biet raconte que des enfants sont amenés par Courpon en Guyane. Ils seront finalement débarqués sur l’île de la Grenade car personne n’en veut sur place78.
25Les profils des engagés diffèrent d’un lieu d’embarquement à l’autre. Les hommes qui partent des ports normands, notamment de Dieppe et du Havre, sont en général du pays. Il faut croire que les interventions des agents de la Compagnie dans les campagnes alentour connaissent une certaine efficacité. Le fait que les premiers capitaines généraux des îles, d’Esnambuc et Roissey, aient été originaires du pays de Caux, où ils étaient des notabilités locales, a vraisemblablement été un facteur déterminant pour entraîner les habitants des lieux. Les chartes-parties de 1627 et 1628 illustrent pleinement ce phénomène. Sur les 21 hommes qui partent sur le Saint-Pierre affrété par la Compagnie en 1627, 17 sont Normands et 12 viennent de la région du Havre79. Charles et Paul Bréard constatent que les 600 Normands qui partent de Honfleur entre 1637 et 1639 viennent principalement de son arrière-pays. Sur les 57 paroisses mentionnées, 34 sont du pays d’Auge et du Liévin, 8 du Roumois, 12 de la vicomté de Caen et 3 du Cotentin80. Le peuplement des îles est avant tout un peuplement de ruraux sachant travailler la terre. Les engagés rochelais sont de la même façon dans leur grande majorité des laboureurs81. Les origines des engagés nantais étudiés par Jean Tanguy entre 1636 et 1660 sont d’une plus grande diversité. Ce sont aussi en majorité des citadins. Les professions sont rarement mentionnées, hormis pour un quart d’entre eux, ce qui correspond à 59 engagés. Il s’agit pour la plupart d’artisans ou d’ouvriers spécialisés82. Les autres engagés doivent être de simples travailleurs. Le profil des engagés nantais varie peu durant les années suivantes. Les ouvriers du textile et les travailleurs de la terre dominent. Ils sont suivis des ouvriers du bois et les métiers de l’alimentation83.
Tableau 31. La profession des engagés nantais (1636-1660).
catégories de métiers | nombre | métiers |
travailleurs de la terre | 6 | 5 laboureurs, 1 jardinier. |
métiers de la construction | 6 | 1 tailleur de pierre, 1 charpentier, 2 couvreurs, 2 maçons. |
travail du bois | 7 | 1 menuisier, 1 charron, 5 tonneliers. |
travail du métal | 8 | 2 forgerons, 1 maréchal, 4 taillandiers, 1 arquebusier. |
travail du cuir | 5 | 1 corroyeur, 4 cordonniers. |
travail des textiles | 13 | 2 escardeurs, 2 sergents-drapiers, 2 tisserands, 7 tailleurs d’habits. |
métiers de l’alimentation | 4 | 1 meunier, 1 boulanger, 2 bouchers. |
métiers de marins | 4 | 1 pêcheur, 1 batelier, 1 matelot. |
professions libérales | 6 | 4 chirurgiens, 1 libraire, 1 clerc. |
divers | 1 | 1 talonnier. |
total | 59 | 59 |
Source : J. Tanguy, « Les premiers engagés partis de Nantes… », op. cit., p. 60.
26Les Normands partent davantage en famille. Des frères et des cousins unissent leurs destinées pour tenter l’aventure aux îles. Mais les couples sont rares. Les contrats rochelais ne concernent eux en général que quelques personnes. Il n’y a pas de départs massifs planifiés84.
La Compagnie et le recrutement des hommes
27Si la Compagnie doit passer 4000 Français aux îles, il n’est pas dit qu’elle doive personnellement s’en charger. Les contrats d’engagés montrent qu’elle n’est impliquée directement que dans une partie des départs. Le plus gros effort de la Compagnie est porté au Havre. Les contrats y sont généralement négociés par Cavelet du Herteley. En 1627, elle passe 22 hommes sur le navire du capitaine Jean Hervieu. En 1635, elle signe au Havre un contrat pour 53 hommes. En 1643, elle engage à Honfleur Jean Fleury pour travailler « en la façon et manufacture du pétun » pour son compte à la Guadeloupe85. Gabriel Debien souligne que le rôle de la Compagnie est en revanche « quasi nul » à La Rochelle. Elle n’engage que 4 hommes en deux fois en 164286. Les contrats sont donc passés par d’autres, comme les marchands de Dieppe pour la Guadeloupe jusqu’en 1640, les capitaines généraux qui veulent conquérir une île ou de simples particuliers désirant de la main-d’œuvre. Les habitants des îles s’occupent eux-mêmes de trouver des hommes. Étienne Benoit, un colon de Saint-Christophe, en fait ainsi venir 4 en 1645, 3 en 1647 et 2 en 165087. Ils font parfois le trajet en France pour recruter des engagés88.
La politique d’incitation au départ de la Compagnie
28La Compagnie facilite dans tous les cas les passages aux îles pour assurer la colonisation et stabiliser la population. Elle réduit notamment les droits que les habitants lui doivent et prend parfois en charge le prix de leur passage aux îles.
Tableau 32. Les droits dus à la Compagnie par tête en livres de pétun.

Sources : DT/1667, t. 1, p. 40 ; ANOM, F2A13.
29La Compagnie soutient en particulier les nouvelles implantations. Ainsi consent-elle en 1635 que les hommes qui passeront à la Guadeloupe entre 1635 et 1641 ne paient que 60 livres de pétun ou 40 livres de coton par an. Durant les quatre années suivantes, ils n’acquitteront que 100 livres de pétun ou 50 de coton. Les femmes, les filles et les garçons de moins de seize ans ne paieront rien durant dix ans. En 1638, elle accorde aux habitants de Saint-Christophe qui sont passés à la Martinique avec d’Esnambuc une exemption des droits jusqu’en 1640. Ceux qui s’y établissent par la suite n’en bénéficient pas. Cependant, quelques mois plus tard, la Compagnie étend à tous les habitants de l’île l’abaissement des droits à 60 livres les années où il se fait du pétun et à 20 livres de coton les autres années. Les Français qui s’installeront à Marie-Galante sous la conduite de Constant d’Aubigné seront entièrement déchargés des droits pendant trois années (1645-1646-1647), puis ne paieront que la moitié des droits dus pendant trois autres années. Ils n’acquitteront les 200 livres généralement payées par les habitants des îles qu’en 165189. La Compagnie supporte les habitants dans les moments difficiles en leur promettant des exonérations pour qu’ils restent. En 1641, elle abaisse à 50 livres de pétun les droits individuels des habitants de la Guadeloupe, soit la moitié du montant dû, sans limite dans le temps : ces exemptions « seront suivies par eux jusqu’à nouvel ordre », écrivent les associés à leurs commis90.
30Les exemptions voulues par la Compagnie peuvent être beaucoup plus ciblées afin de favoriser la venue de publics recherchés. Les femmes, les artisans et les serviteurs des agents et des religieux en sont les principaux bénéficiaires. La Compagnie soutient de cette manière les entrepreneurs désireux d’avoir de la main-d’œuvre. En 1637, elle abaisse à 40 livres de coton ou de roucou les droits des quarante hommes qu’un groupe de marchands propose de faire passer à la Martinique pour travailler des terres, et les exonère des droits la première année. Il arrive que quelques particuliers bénéficient de ses largesses. En 1638, Antoine Gallard dit La Verdure peut ainsi venir avec cinq hommes exonérés des droits à Saint-Christophe91. Cosimo Brunetti pense que l’exemption de la capitation pendant plusieurs années pourrait attirer davantage de Français aux îles92.
31La traversée de l’Atlantique est onéreuse et peut représenter un obstacle au départ93 car aux frais de passage proprement dits, acquittés au capitaine de navire, il faut ajouter les frais de bouche et d’autres encore. En 1635, le capitaine havrais Pierre Le Carbonnier, demande à Jacques Cavelet, originaire de Saint-Sauveur de Montivilliers, 30 livres tournois et 50 livres de pétun pour le passer aux îles sur son navire, le Don de Dieu Fleurissant. Le capitaine Antoine Richard exige, lui, 60 livres tournois par homme et 2 livres supplémentaires pour le chirurgien en 163694. Il n’y a pas véritablement de prix, c’est au cas par cas. Le prix moyen pour passer aux îles s’établit autour de 200 livres de pétun dans les années trente, mais il peut monter jusqu’à 500 livres de pétun dans les années quarante95. Les groupes bénéficient de tarifs avantageux. Antoine Le Cesne fait passer dix hommes pour un marchand de Caen, Jean Halley, en 1638 pour la somme de 360 livres et 1000 livres de pétun. Il doit en outre acquitter 20 sols par tête pour le droit de chirurgien. Nicolas de Bressy passe à Saint-Christophe douze hommes pour le compte du sieur de Marseille pour 360 livres tournois et 650 livres de pétun en 163596. Les associés de la Compagnie, constatant certainement la pauvreté des gens qui passent aux îles, décident de favoriser leur départ en leur avançant le prix de leur passage aux îles. En 1637, ils invitent Cavelet du Herteley à traiter avec les capitaines de navires et à cautionner jusqu’à 200 passagers à hauteur de 200 livres de pétun qu’ils rembourseront à leur commis de Saint-Christophe ou de la Martinique « dès la première levée [de pétun] qu’il se fera après leur arrivée ». En 1641, ils avancent selon les mêmes modalités les 300 ou 400 livres du passage vers Saint-Christophe aux candidats qui se présentent. Les épidémies qui ont décimé la population de Saint-Christophe ont certainement décidé de cette intervention. En 1643, les associés réitèrent cette opération pour faciliter les passages97.
La propagande
32La Compagnie doit faire connaître ses intentions et convaincre les Français de partir. Elle dispose pour cela de plusieurs moyens. Les journaux et les récits de voyages font ouvertement l’apologie de la vie aux îles et de la colonisation98, ce sont vraisemblablement des commandes. La Gazette de Théophraste Renaudot du 26 février 1638 raconte la vie des Français à la Guadeloupe et s’extasie sur les commodités des îles, « ce qui est de plus remarquable tous les arbres sont fruitiers de diverses espèces qui portent fruits en toute saison ». Le premier février 1641, les avantages de l’île de la Tortue sont vantés : « cette île […] est petite, mais si fertile que ses vivres peuvent nourrir plus de deux mille hommes ». Il y a aussi de bonnes fontaines, et le pétun y est beaucoup meilleur que celui de Saint-Christophe99. Le Mercure françois loue le « terroir prodigieusement fécond » de Saint-Christophe en 1639 : « cette île Saint-Christophe [est] sous le dix-septième degré de l’équateur dans un équinoxe perpétuel, toujours été, jamais hiver, agréablement diversifiée de mers, de forêts, de plaines, de montagnes et de vallées. Son terroir prodigieusement fécond, ses fruits surpassant de beaucoup en beauté, grosseur et bonté ceux qui passent ici pour délicieux, ses arbres monstrueusement gros et hauts, la pêche abondante au-delà de ce qui se peut imaginer, le gibier qu’elle produit excellent, et le trafic de tabac, que l’on y fait plus que de toutes autres marchandises, capables d’enrichir un homme en fort peu d’années100 ». Les lettres de madame de La Fayolle participent du même esprit. Cette femme de fort caractère qui accompagne des jeunes filles à marier à Saint-Christophe rapporte que « ce pays est le vrai paradis terrestre, tant il est beau et bon ». Il s’agit vraisemblablement pour elle, comme le notent Marcel Chatillon et Gabriel Debien, de faire venir aux îles d’autres jeunes filles101. Ces lettres seront publiées et diffusées et assureront une certaine publicité à l’entreprise.
33Mais certains auteurs sont plus nuancés et savent dire les difficultés du milieu, raconter les attaques des Indiens et dénoncer l’indigence des subsistances. Ainsi Guillaume Coppier souligne dans son Histoire et voyage des Indes Occidentales publiée à Lyon en 1644 le potentiel des îles (« la terre est si fertile en toute autre chose, que l’on ne sait là que c’est de fumer »), tout en se plaignant des conditions de vie (« je ne manquais jamais de nécessité ou de souffrance »). Le jésuite Pierre Pelleprat apparaît tout aussi mesuré, il manie habilement le paradoxe dans sa présentation générale des établissements français en 1655 : « si les îles ont quelque chose de rebutant, il faut sans doute qu’elles aient de puissants charmes pour attirer les premières nations du monde102 ».
34L’impact de ces publications est à relativiser. Le récit de Jacques Bouton est bien connu des missionnaires. Pacifique de Provins l’a visiblement lu avant de s’embarquer pour les îles103. Les réserves que le jésuite émet ne tempèrent pas l’ardeur du capucin qui se montre en toutes occasions particulièrement optimiste. Il constate certes les difficultés quotidiennes des colons et la pauvreté des engagés, mais il ne peut l’expliquer que par leur infortune et leur mauvais ménage, car « le pays […] est très bon en soi104 ». Ces ouvrages s’adressent avant tout à un public cultivé et curieux qui n’est pas forcément espéré dans les îles mais dont on veut retenir l’attention pour éventuellement y investir. Pour toucher les simples gens, il convient de trouver d’autres moyens. En 1635, la Compagnie charge ses agents et ses partenaires d’envoyer des billets aux curés des paroisses précisant les conditions du passage pour qu’ils les lisent au prône. En 1636, elle invite Cavelet du Herteley à faire publier dans les paroisses autour du Havre les privilèges donnés par le roi pour les artisans. Il doit aussi insister auprès des populations sur le fait que les hommes qui mènent leurs femmes seront déchargés des droits dus à la Compagnie105. Les recruteurs qui opèrent pour le compte de la Compagnie ou pour celui de particuliers ne sont pas toujours très scrupuleux dans leur entreprise. Pelleprat rapporte qu’ils abusent de la simplicité des personnes en leur faisant croire « que tout rit aux îles, que le pays abonde en toutes choses, qu’il y a peu à travailler et beaucoup à gagner106 ». Des affiches sont confectionnées pour éveiller la curiosité et l’intérêt des Français pour l’aventure outre-mer. Peu de ces documents de ce type sont parvenus jusqu’à nous en grande partie en raison de leur fragilité107. L’une de celles qui a été sauvegardée a été placardée dans Paris pour attirer les Français à la Grenade, vraisemblablement en 1645 au moment de l’expédition commandée par Philbert de Nouailly. Elle a surtout valeur informative. Le cadre de la colonisation est rappelé, et une insistance particulière est mise sur la bonne conduite de la Compagnie et la présence des clercs, certainement afin de rassurer les candidats à l’aventure. Les promesses d’enrichissement doivent finir de les convaincre108. Maurile de Saint-Michel assure que plusieurs Français furent convaincus par les arguments de Nouailly et se proposèrent de le rejoindre au lieu d’embarquement109. La Compagnie se montre tout de même soucieuse que les engagés n’aient pas été forcés de partir et que leur embarquement résulte d’un choix volontaire110.
35Il est vraisemblable que les conditions de vie aux îles rapportées par certains engagés revenus en France dissuadent bon nombre de candidats au départ de tenter leur chance. Maurile de Saint-Michel rapporte ainsi que les hommes qui reviennent de la Tortue en 1646 tiennent à Nantes « mille autres discours capables de dégoûter les plus résolus111 ».
Les limites de la politique de peuplement
36Les milliers de Français qui passent aux îles ne doivent cependant pas faire illusion. Les conditions de vie difficiles et de la forte mortalité fragilisent le peuplement. La population ne se fixe pas ou difficilement car les engagés ne restent pas et rentrent en France une fois leur contrat achevé et le déséquilibre entre les sexes pèse sur sa capacité à se renouveler naturellement. Les îles sont au final mal peuplées.
La mortalité des engagés
37Les conditions de vie aux îles pèsent lourdement sur les destinées des établissements français. La mortalité y est élevée, faute de soins et de vivres. Tout commence lors de la traversée de l’Atlantique. Les premières expéditions ont un très fort taux de mortalité. La Cardinale connaît en 1627 une véritable hécatombe puisque 54 de ses 70 passagers décèdent en mer. L’année suivante, Roissey perd en route une partie des renforts qu’il amène à Saint-Christophe112. Les décennies suivantes sont moins dramatiques mais elles apportent aussi leur lot de malheur. Le carme Athanase de Sainte-Radegonde rapporte qu’en 1650 sont morts « trente hommes au passage de frère Léon et quarante-cinq au sien, par la puanteur et infection de nos navires113 ». Ceux qui survivent arrivent très affaiblis à destination. La promiscuité, le manque d’hygiène, la mauvaise alimentation et les mouvements du navire ont raison de plus d’un passager. Il n’est pas de traversée sans malades. Le père Pierre Pélican veut croire en 1635 que c’est le lot de tous ceux qui n’ont jamais navigué que d’être tristement éprouvés114. Le manque de vivres et les maladies une fois arrivés aux îles parachèvent l’œuvre entamée. Maurile de Saint-Michel constate, fataliste, que la maladie fait partie de la vie des colons : « c’est l’ordinaire d’abord de payer le tribut aux Indes par une fièvre, de laquelle ceux qui en échappent (comme il arrive souvent) doivent espérer une longue santé. Et ceux qui ne sont point malades d’abord, doivent craindre le mal d’estomac, ou l’enflure, qui sont les deux bourreaux de l’île115 ». Il en tire des conclusions bien optimistes. Car les épidémies, récurrentes dans l’espace antillais, sont particulièrement meurtrières. Elles durent près de dix mois à Saint-Christophe en 1641 et causent une diminution importante de la population116. La grande épidémie qui s’abat sur l’ensemble des Petites Antilles en 1647 décime la population de la Barbade117. En 1648, elle atteint Saint-Christophe. Dutertre assure qu’elle y a emporté un tiers de la population. L’épidémie a duré dix-huit mois118. Les moyens d’endiguer la maladie sont dérisoires.
38Dutertre livre dans un court paragraphe ce qui représente peut-être la vision la plus synthétique de la situation des établissements français : « L’histoire de l’établissement dans les îles de Saint-Christophe et de la Guadeloupe fait assez connaître combien il y a de difficultés à essuyer, quand il faut lever cinq ou six cents hommes à grands frais, la peine qu’il y a à les garder de peur que la plupart ne se dérobent et n’échappent avant que d’être embarqués, un trajet de dix-huit cents lieues pour aller défricher et cultiver une terre toute couverte de bois, et fort malsaine, où il n’y a ni pain, ni pâte, ni maison, ni hôtellerie, et où il se fait une si étrange révolution d’humeurs par ce grand changement de nourriture et de climat, que la plupart tombe malade quelques jours après leur arrivée, et plusieurs y meurent faute de secours119. »
Les retours en France
39La grande majorité des migrants français sont des engagés qui ont signé pour trois ans. Ils n’ont pas vocation à rester même si la Compagnie entend les retenir. Tous les témoignages vont dans le même sens : les engagés s’en retournent en France une fois leur contrat achevé. Guillaume Coppier rentre par exemple avec vingt-neuf autres Français sur un navire irlandais, la Marie. Il donne très clairement les motifs de son retour : « ennuyé que j’étais de vivre d’une vie plus pleine de périls que de jours, je fis résolution de mettre fin à cette misère par un changement de pays et de condition120 ». Le capucin Pacifique de Provins rapporte en 1645 qu’en général, ils partent au bout de six ans. Il ne s’en explique pas la raison car selon lui « la terre et le pays » sont très bons. Maurile de Saint-Michel signale que peu d’engagés prennent des terres pour s’installer à leur compte121. Il en va de même au Canada. Entre la moitié et les deux tiers des engagés retournent en France à la fin de leur contrat122. C’est une tendance lourde qui touche tous les espaces colonisés et se poursuit durant les décennies suivantes123. Seul Dutertre a une vision plus mesurée des choses en indiquant que tous les habitants des îles sont, à son époque, d’anciens engagés : « quand ces pauvres gens avaient achevé leurs trois ans, ils se mettaient deux ou trois ensemble, abattaient du bois et faisaient une habitation, sur laquelle ils bâtissaient une case et faisaient des marchandises. Quand l’un était marié, il assistait son matelot à faire une habitation, et tâchait de lui acheter quelque engagé, afin de l’aider à gagner quelque chose pour acheter une femme ». Il veut croire que la charité des gouverneurs a beaucoup adouci leur condition et changé leur sentiment. Il souligne les solidarités entre engagés124. Mais peu d’engagés figurant dans les contrats apparaissent dans les recensements de 1660 et 1664. Ils sont probablement pour partie décédés en mer ou aux îles, et pour une autre partie rentrés en France.
40Les retours ne touchent pas que les engagés. Bon nombre d’ecclésiastiques, qu’ils soient réguliers ou séculiers, préfèrent repasser en France après avoir vécu quelques mois aux îles. Le prêtre qui accompagne d’Esnambuc et Roissey en 1627 s’en retourne en France au bout de quelques mois « voyant tant de misère et craignant d’en éprouver encore de plus fâcheuses125 ». Des artisans, pourtant dûment soutenus par la Compagnie, demandent à rentrer en France. Les conditions de vie difficiles et le manque de perspectives découragent les moins téméraires. Il est d’autres raisons. Des officiers en indélicatesse avec le capitaine général, comme La Grange Fromenteau, sont chassés des îles avec leur famille et leurs fidèles. C’est aussi le cas de bon nombre de colons impliqués dans les événements des îles dans les années 1645-1647 qui ont pris le parti de la Compagnie contre Poincy et qui ont été expulsés de Saint-Christophe.
La Compagnie et les femmes
41La faiblesse du nombre de femmes est une réalité bien connue des îles. Les contrats d’engagement des années vingt ne mentionnent que quelques couples mariés. En 1631, la Compagnie dite de Saint-Christophe envoie cependant deux femmes sur un navire de ravitaillement126. En fait, seuls les artisans et les agents de la Compagnie viennent avec leurs femmes et quelques jeunes filles de leur famille qu’ils donnent en mariage aux officiers de milice. Du Plessis passe ainsi avec sa femme enceinte. Le lieutenant général de Saint-Christophe, La Grange Fromenteau, amène également avec lui son épouse et son jeune fils de sept ans127. En 1632, il y aurait entre 200 et 300 femmes à Saint-Christophe, d’après plusieurs témoins anglais, ce qui représenterait entre 11 % et 17,6 % de la population de l’île128. Les navires apportent toujours quelques femmes, mais elles sont trop peu nombreuses pour satisfaire tous les habitants en âge de se marier129. Dutertre raconte qu’elles étaient à peine descendues du navire « qu’on les épousait sans les connaître130 ». Si ces chiffres demeurent très approximatifs, tous les observateurs s’accordent pour dire que leur faible nombre est préjudiciable au développement de la colonie. La société antillaise compte de nombreux célibataires131. Ce manque de femmes peut expliquer en partie les mouvements de retours des jeunes hommes. Que peuvent-ils escompter aux îles s’ils ne peuvent fonder une famille ? Certains Français vont en métropole se trouver une épouse, au risque de ne pas s’en retourner. Les habitants de Saint-Christophe vont visiter les femmes des quartiers anglais et provoquent des tensions avec leurs voisins132.
42Cette situation connaît ses raisons. Les hommes partent en avant, faisant venir leurs femmes et leurs enfants restés en France plus tard… quand ils les font venir. Le phénomène s’observe de la même façon pour les autres destinations. Les femmes ne représentent que 7 % des Français partant vers la Nouvelle-France au xviie et au xviiie siècle133. Les Espagnoles sont plus nombreuses à se rendre au Nouveau Monde, mais elles occupent une part modeste dans les départs qui s’établit à 15,3 % entre 1509 et 1600134. Il en va différemment chez les Anglais, où le mouvement vers l’Amérique comporte, selon les destinations, entre 25 % et 40 % de femmes. Ce sont souvent des familles qui partent en Amérique. Ainsi, la population se renouvelle en partie naturellement. Cette différence s’explique par les contextes de colonisation, les Anglais fuient les persécutions religieuses ou la pauvreté pour s’établir dans un nouveau territoire135. Bien au contraire, la monarchie française s’oppose à l’établissement de groupes dissidents aux colonies, privilégiant les bons catholiques. L’Anonyme de Saint-Christophe veut croire que le peu de Françaises passant aux îles tient à leur caractère, et d’opposer diamétralement les Françaises et les Anglaises, « les femmes et les filles anglaises vont gaillardement à la mer comme tritons de Neptune » souligne-t-il136. Les Françaises apparaissent sous sa plume particulièrement timorées. Il est vrai aussi que les conditions de vie à bord des navires rebutent plus d’un candidat au passage. La promiscuité sur les navires est vécue difficilement par tous les publics : « à peine se pouvait-on remuer ou entendre en icelui à cause de la multitude de gens qui s’étaient embarqués » dit le dominicain Pierre Pélican en 1635. Les femmes doivent affronter les regards d’une société avant tout masculine. Les associés rappellent d’ailleurs en 1641 aux capitaines de navires le respect du aux femmes et filles dont ils ont la charge, et assurent qu’en cas de plaintes, ils devront en répondre personnellement. Le carme Maurile de Saint-Michel dépeint d’ailleurs la société maritime comme particulièrement indisciplinée. Il indique ainsi que « quand tout le monde était couché on faisait la visite entre deux ponts avec une lanterne sourde pour prévenir l’insolence qui s’y pouvait commettre. Le capitaine avait affiché des lois pénales pour empêcher les désordres, les principales étaient les fers à ceux qui faisaient coutume de jurer le nom de Dieu, la boîte ou la cale aux voleurs et fornicateurs137 ».
43Mais le faible nombre de femmes dans les îles françaises est aussi le résultat de la politique de peuplement menée par la Compagnie dans les années vingt et trente qui ne favorise guère leur venue. Elle ne permet aux marchands de Dieppe de ne passer que 50 femmes sur les 2500 habitants désirés à la Guadeloupe en 1635138. Elle recherche avant tout des bras.
44Les associés infléchissent par la suite leur politique en favorisant d’abord la venue de femmes mariées, et ensuite en optant pour une politique plus volontariste pour remédier à la situation démographique des îles. Cette orientation nouvelle se décline en trois actions : premièrement, la réduction des droits dus à la Compagnie par les femmes qui passent aux îles, levier habituel pour favoriser la venue des publics désirés ; deuxièmement, l’organisation du passage de jeunes femmes venant d’institutions charitables ; troisièmement, la lutte contre tous les trafics. Le but des associés est aussi moral, car ils entendent circonscrire le concubinage et favoriser les mariages, et mettre fin aux violences faites aux femmes indigènes qui risquent de compromettre la bonne entente avec leur nation139.
45Les associés jouent sur plusieurs ressorts fiscaux pour inciter les femmes à venir aux Antilles. Ils les déchargent complètement du paiement des droits personnels dus à la Compagnie140. Le 5 décembre 1635, ils abaissent même les droits dus par les hommes qui viennent à Saint-Christophe avec leur femme, de 100 livres à 80 livres de pétun. Les hommes mariés bénéficient de nouvelles exemptions par la suite. En 1637, ils ne paient plus que 30 livres de pétun par an s’ils vivent avec leurs épouses141. Quelques familles passent aux îles. Clément Delatouche va ainsi à la Tortue avec sa femme et ses trois enfants en 1644142. Afin de favoriser les unions et l’établissement des jeunes mariés, les associés les exonèrent des droits la première année de leur mariage pourvu que leur femme demeure dans l’île pendant ladite année143. Ils prennent parfois en charge financièrement le passage des femmes qui désirent retrouver leurs maris. Ils avancent aussi de l’argent aux familles qui sont sans ressources pour payer leur passage aux capitaines qu’elles s’engagent à rembourser « du premier profit qu’ils feraient ès dites îles144 ». Ils interviennent auprès des capitaines de navire et des marchands pour qu’ils soutiennent pareillement le passage de femmes vers les îles. Ils écrivent ainsi en 1637 au marchand de Dieppe, Faulcon, « de faire passer s’il peut des hommes mariés et des femmes pour l’établissement de la colonie145 ». Les capitaines rechignent visiblement à faire passer des femmes dans les îles probablement parce qu’ils ne les désirent pas à bord de leur navire. Aussi les associés leur permettent-ils d’exiger le même prix que pour les hommes pour la traversée146. Les associés usent sinon de leur droit pour faire passer sur chaque bateau trois personnes de leur choix sans frais. Ils aident les femmes à s’établir. Le 4 mars 1637, la veuve de Sébastien Leclerc, Marie Le Noir, reçoit ainsi une terre de 200 arpents à Saint-Christophe et une autre de 300 arpents à la Martinique et bénéficie de l’exemption des droits pour six serviteurs147. En 1646, Marguerite Gournel reçoit une terre de 600 pas de longueur et de 200 pas de largeur à la Guadeloupe148.
46Les associés font passer quelques filles à marier dans les îles149. Ils négocient la venue de jeunes filles de l’hôpital Saint-Joseph150. Un premier groupe de jeunes filles conduit par madame de La Fayolle arrive à Dieppe en 1643 pour embarquer à destination de la Guadeloupe sur le navire du capitaine Boudart. Le 3 juin 1643, Jacques Berruyer se félicite de leur prochain départ. Une fois à destination, madame de La Fayolle présente ses lettres à Houël. Le gouverneur pourvoit à leur installation et fait bâtir une grande case à côté de son habitation dans laquelle elles emménagent le 12 octobre 1643. Madame de La Fayolle privilégie la Guadeloupe mais elle laisse dans chaque île quelques filles sous l’autorité du gouverneur du lieu. Quatre d’entre elles sont ainsi placées à la Martinique. Au bout de quelques mois, presque toutes les jeunes filles sont déjà mariées151. En 1645, plusieurs filles de l’hôpital Saint-Joseph viennent à la Guadeloupe sur le navire de Patrocle de Thoisy152. Madame de La Fayolle est très proche de ses filles et est souvent la marraine de leur premier enfant153. Les associés délèguent parfois par contrat le passage des jeunes filles à des personnes averties. Ils autorisent Marie Maugendre à envoyer plusieurs femmes et filles auxdites îles « pour demeurer en icelles, et y être mariées », et lui attribuent 200 livres en 1641154. En 1646, le capitaine du Chasseur, Jean Bourdet, passe quatre jeunes femmes Marie Boilerin, Marie Jollivet, Jeanne de Lorraine et Marie Noël. Elles ont quinze, vingt et vingt-cinq ans155.
47La question des filles à marier est à ce point sensible que la Compagnie refuse qu’elles rejoignent les quartiers des Anglais de Saint-Christophe et promet de sanctionner ceux qui se livreront à de tels trafics. Ainsi, en 1639, demande-t-elle au procureur fiscal de Saint-Christophe de faire un procès à Vignory qui a mené aux Anglais deux femmes qui avaient été envoyées aux îles. Le 3 août 1639, la Compagnie réclame que les deux femmes retournent en France dans les six mois sous peine de châtiment corporel156. Mais toutes les filles venues aux îles ne sont pas également appréciées. Le dominicain Raymond Breton vitupère contre quelques « courtisanes » venues de France qu’il déplore n’avoir pu écarter, « l’autorité civile s’y opposant ». Le lieutenant général La Grange se montre lui aussi assez suspicieux sur les qualités morales des jeunes filles qui viennent à Saint-Christophe et menace de les renvoyer157.
48Les incitations de la Compagnie permettent assurément l’arrivée de davantage de femmes aux îles. Mais les arguments financiers peuvent-ils suffire ? Faute de chiffres, il est difficile de statuer. Les rares évaluations dont nous disposons sont celles de Raymond Breton qui parlent de 400 ou 500 femmes à la Guadeloupe pour 9000 Blancs en 1654158. Ce taux de 3 à 4 % semble bien faible et tient en partie au chiffre de la population donné par le dominicain qui est erroné. La Guadeloupe n’est pas aussi peuplée à cette époque. En 1664, les femmes représentent d’après les recensements, 19 % des habitants de plus de douze ans à la Guadeloupe et 21 % à la Martinique159. Le déséquilibre des sexes est toujours grand mais il s’amenuise. Le nombre de célibataires demeure élevé. Il se situe entre 66 et 74 % des adultes en 1660 à la Martinique. Il est moins important chez les propriétaires terriens puisqu’il n’est que de 28 à 38 %160. Les naissances augmentent dans les îles. En 1664, les enfants représentent près de 25 % de la population blanche de la Martinique. Les registres de baptême attestent de cette dynamique démographique. La politique de la Compagnie a donc connu une certaine réussite161.
49La mortalité importante, les nombreux retours des engagés en France et le faible nombre de femmes nécessitent donc de trouver régulièrement des personnes pour partir aux îles pour que la population se maintienne à un niveau raisonnable et poursuive la mise en valeur des terres. Le peuplement des îles dépend donc de la capacité de la Compagnie à attirer de nouvelles personnes pour remplacer celles qui partent. En 1629, Isaac de Razilly parle à Richelieu de racheter des Français aux « Turcs » du Maroc pour les envoyer à Saint-Christophe162. Il n’a pas été suivi.
La naissance d’une société complexe
50La société qui naît aux Antilles est foncièrement différente de celle de la métropole. Les Français, colons et engagés, côtoient des personnes de condition et d’horizon divers, comme les Indiens et les esclaves noirs, ce qui conduit à des métissages. La société est donc composite. Les associés n’émettent pas de restrictions particulières. Ils sont surtout soucieux de l’ordre et de la quiétude qui, seuls, instaurent un climat propice pour les affaires.
La place des Indiens dans la société antillaise
51Les Indiens sont peu nombreux dans les îles des Français et vivent le plus souvent en marge des habitants dans des endroits protégés comme Cabesterre à la Martinique et la Grande-Terre à la Guadeloupe. Ils ne participent donc pas à la société coloniale. Ils sont cependant en contact avec les Français et font des échanges avec eux. Plusieurs sources mentionnent la présence de 50 ou 60 Indiens chez les Français à Saint-Christophe en 1629. Ils n’ont assurément pas tous quitté l’île après le massacre perpétré par les Français et les Anglais en 1627163. Plusieurs Indiens travaillent sur l’habitation de la Compagnie dans l’île164. Du Parquet indique pour sa part le 17 août 1639 que quelques Indiens souhaitent prendre des habitations à la Martinique165. Raymond Breton signale qu’entre 1640 et 1642, les dominicains Nicolas de La Mare et Jean Dujean baptisent un grand nombre d’enfants indiens nés chez les Français à la Guadeloupe, mais le dominicain n’est pas très précis sur ceux-ci, il peut s’agir de métis. Le recensement de 1660 dénombre 17 Indiens à la Martinique, tous établis à Basse-Terre. Celui de 1664 mentionne seulement 15 Indiens à la Guadeloupe166. Les Indiens convertis qui vivent dans les îles avec les Français sont « censés et réputés naturels Français, capables de toutes charges, honneurs, successions, donations, ainsi que les originaires et régnicoles, sans être tenus de prendre lettres de déclaration ou naturalité167 ». Certains Indiens sont semble-t-il réduits en esclavage. Ils sont le produit des raids des Français sur les côtes de la Terre-Ferme. Deux femmes et une fillette de deux ou trois ans sont ainsi enlevées par un Français en Guyane en 1653 et vendues à la Martinique où elles sont achetées par le père Pelleprat qui veut s’en servir pour se faire accepter des Indiens de la Terre-Ferme où il compte poursuivre sa mission. Le dominicain André Chevillard rapporte le cas d’une jeune femme caraïbe capturée par les Galibis de Terre-Ferme probablement lors de l’une de leur menée sur les îles, remise à un capitaine négrier flamand puis vendue à la Guadeloupe avec « quelques Mores à un prix raisonnable168 ».
L’augmentation du nombre d’esclaves noirs
52L’usage d’une main-d’œuvre servile est attesté dès le début de la colonisation française. Elle n’attend pas le développement des cultures d’exportation comme le sucre169. En 1625, les Français ont 40 esclaves à leur service pour cultiver le pétun à Saint-Christophe. En 1627, Français et les Anglais s’entendent pour ne pas les retirer d’une habitation qui ne leur appartient pas170. Mais on en sait s’ils sont à cette époque indiens ou africains. Probablement les deux. Dutertre rapporte que lors des tensions avec les Anglais de Saint-Christophe au début des années trente, d’Esnambuc enjoint tous les maîtres de cases qui ont des « esclaves mores » de les envoyer avec un flambeau de roseaux à la main, et un grand coutelas dans l’autre, pour fondre sur les habitations des Anglais et y mettre tout à feu et à sang. Les esclaves noirs auraient été au nombre de 500 ou 600171. Le chiffre semble élevé. Le dominicain n’était pas présent à Saint-Christophe à cette époque, et il est douteux que les esclaves aient alors été plus nombreux que les Français. D’autres passages de l’œuvre de Dutertre indiqueraient plutôt une cinquantaine d’esclaves, voire une centaine à cette époque. Ils sont une quarantaine à travailler dans les mines vers 1632172. Le gouverneur L’Olive a de nombreux esclaves à son service à la Guadeloupe en 1635 qu’il les a probablement pris à Saint-Christophe. En 1636, ils chassent les cochons sauvages173. En 1639, il y aurait 300 esclaves à la Martinique174. Les esclaves noirs s’imposent comme une main-d’œuvre nécessaire et dès 1640, le jésuite Jacques Bouton assure qu’ils sont l’avenir des îles. Il note en effet que les engagés sont de peu de secours et coûtent bien cher, au contraire des Noirs qui sont là « pour toute leur vie, n’ont besoin que de quelque linge pour courir leur honte, n’ont rien que leur vie, encore bien misérablement, se contentant de cassave et de pois, et sont faits à l’air et au chaud ». Il est repris sur ce point par Dutertre qui note : « ils sont toute la force et la richesse des îles175 ».
53L’esclavage des Noirs ne génère pas de critique de la part des différents acteurs de la vie coloniale. L’asservissement est admis, compris et même justifié. Pour Bouton, « cette misérable nation semble n’être au monde que pour la servitude et esclavage, et dans leur pays même ils sont la plupart esclaves du roi ou d’autres ». Pour le carme Maurile de Saint-Michel, « cette nation porte sur le visage une malédiction temporelle et est héritière de celle de Cham, dont elle est descendue, ainsi [elle] est née à l’esclavage de père en fils, et à la servitude éternelle ». Pierre Pelleprat souligne avec force d’exemples que les Noirs préfèrent l’esclavage à la liberté176. Seul Dutertre rappelle que le christianisme promeut la liberté de ses enfants « et rejette et abhorre l’esclavage ». Mais il se résigne face à la réalité des îles et se satisfait que Dieu leur ayant ôté la moitié de leur jugement « de peur que reconnaissant le misérable état de leur condition, ils ne se jettent dans le désespoir », ils acceptent leur sort177. Seuls les capucins s’opposent véritablement à l’esclavage. Ils trouvent indigne de se servir « d’un frère chrétien comme d’esclave » et affirment avec force que les enfants des Noirs christianisés ne peuvent être réduits en esclavage. Ils expriment leur compassion pour les infortunés et rapportent, pour mieux dénoncer l’atrocité de cette pratique, que les femmes préfèrent faire mourir leurs enfants plutôt que de les voir réduit à cette condition. Cette prise de position est peu appréciée du capitaine général de Saint-Christophe, Philippe de Longvilliers de Poincy, fortement intéressé par ce trafic178.
54La critique des capucins n’ébranle pas les certitudes des Français des îles. Le nombre d’esclaves croît rapidement à partir de 1645. Raymond Breton compte 3000 esclaves dont 2000 convertis à la Guadeloupe en 1654179. Pour Pelleprat, les esclaves noirs convertis sont aussi nombreux que les Français en 1655. Ils sont selon lui entre 12000 et 13000 dans les îles180. Le recensement de la Martinique de 1660 donne 2642 esclaves noirs181, et celui de la Guadeloupe de 1664, 2905182. Les autres îles tenues par les Français ont peu d’esclaves. Le rôle d’entraînement de l’économie sucrière est évident. Il a été très clairement mis en évidence par les travaux de Richard Dunn pour le monde anglo-saxon et de Jacques Petitjean Roget pour la Martinique183. Le développement de la culture de la canne à sucre dans les îles françaises sous l’impulsion de la Compagnie, conduit à une forte demande d’esclaves. La Compagnie ne conçoit d’ailleurs de faire fonctionner sa propre habitation sucrière à la Guadeloupe qu’avec une main-d’œuvre africaine184. L’économie des colonies anglaises voisines repose elle aussi sur l’esclavage. En 1645, soit deux ans après le développement du sucre à la Barbade, il y a déjà 5680 esclaves noirs. En 1650, ils sont 12800 et en 1655, 20000, soit presque autant que les Anglais185. La situation est différente dans les autres îles. Les îles sous le vent (Leewards Islands) comptent 8000 Blancs et 2000 esclaves en 1660. Pour cette raison, la proportion des esclaves dans l’espace antillais est relativement basse. Elle s’établit autour de 25 % en 1650 dans les Antilles anglaises, légèrement au-dessus de celle des établissements français qui se situe, elle, autour de 20 %. Il semblerait qu’il faut attendre 1670 pour que les esclaves représentent la moitié de la population des colonies anglaises et françaises des îles. Ceci est sans aucune mesure avec les colonies nord-américaines qui ne connaissent qu’un taux de 5 % d’esclaves186. Les esclaves souffrant des nombreux maux des îles, les habitants doivent en acquérir assez régulièrement de nouveaux. Ils sont notamment victimes d’une maladie, le pian, que Dutertre appelle la vérole des Indes, qui chez eux fait des ravages187.
55Les capitaines généraux et les lieutenants généraux sont de grands propriétaires d’esclaves. La Grange a 78 esclaves en 1639188. Poincy en possède 100 en 1646. Ils vivent groupés au pied de son château à La Montagne où ils forment la ville d’Angole. Ils ont leur propre cimetière189. Poincy souligne à l’attention des associés que c’est grâce à cette main-d’œuvre nombreuse qu’il a pu faire construire sa maison à Basse-Terre qui assure la défense des habitants. Vers 1650, il a environ 600 ou 700 esclaves à son service190. Jacques Dyel du Parquet possède à la Martinique une propriété de 250 hectares sur lesquels il fait travailler 150 esclaves191. Il a aussi une habitation au Carbet avec de nombreux esclaves qu’il laissera par la suite aux jésuites192. En 1646, 60 Noirs sont amenés à la Guadeloupe pour Charles Houël193.
56La Compagnie n’est pas en reste. Elle fait travailler des Noirs et des Indiens sur l’habitation de Saint-Christophe que d’Esnambuc a acquis en son nom pour y faire des vivres. En 1639, la présence de nombreux esclaves est attestée sur l’habitation. En 1640, la Compagnie se propose d’acheter une centaine d’esclaves pour aider aux constructions. En 1643, elle a 56 esclaves à la Guadeloupe194. La Compagnie attribue des esclaves aux religieux pour qu’ils travaillent leurs terres et assurent leur entretien195.
57Nous sommes moins bien renseignés sur les esclaves possédés par les particuliers, mais nous savons que David le Baillif et Simon Delapierre ont une habitation avec des esclaves noirs pour cultiver le pétun en 1646. En 1660, Jean Roy a 4 engagés, 29 esclaves adultes et 15 petits sur son habitation du Prêcheur à la Martinique mais seulement 3 esclaves adultes et 2 petits à la Chapelle196. Ils apparaissent comme un investissement très rentable. Antoine Biet raconte ainsi qu’ils ne coûtent que 4 écus par an pour leur entretien, soit presque rien, car « ils vont presque toujours tout nus » et sont mal nourris197. Mais tous les habitants n’ont pas d’esclaves, ni même de serviteurs. Les Français travaillent généralement seuls sur leur habitation. Pour le gouverneur de la Tortue, Le Vasseur, seuls ceux qui ont des esclaves peuvent espérer quelques profits de leur habitation à Saint-Christophe. Les autres vivent difficilement et sont souvent proches de la ruine. Les esclaves témoignent de la réussite sociale d’un individu. Dutertre rapporte qu’un homme qui gagne quelque argent, cherche par-dessus tout à avoir des esclaves et à ne plus travailler. Charles de Rochefort souligne pour sa part que : « celui qui a une douzaine d’esclaves peut être estimé riche198 ». Encore faut-il pouvoir se les payer. Un esclave coûte entre 1500 et 2000 livres de pétun selon Raymond Breton. En 1643, à la Guadeloupe, il faut compter 1700 livres de pétun l’unité. Maurile de Saint-Michel parle 4000 livres de pétun pour un homme et de 3000 livres pour une femme en 1646 à Saint-Christophe. Pelleprat dit qu’ils valent 2000 livres de pétun ou cent écus d’argent pièce au début des années cinquante199. À la Barbade, les esclaves se négocient cent écus pièce, soit 30 livres sterling en 1647. Les femmes sont moins chères, autour de 25, 26 ou 27 livres sterlings. Les enfants sont encore meilleur marché200. Le prix des esclaves est élevé entre 1640 et 1645. Il ne baisse que durant la décennie suivante à la Barbade201. Les Hollandais se positionnent très rapidement sur le marché et offrent des esclaves à bas coût202. Les Français ne détiennent en moyenne que 4 esclaves en 1660 à la Martinique203.
58Les premiers esclaves noirs des établissements français ont été amenés par des corsaires qui les ont pris sur des navires de traite portugais. La Compagnie soutient cette source d’approvisionnement en donnant aux capitaines de navires la possibilité de faire des prises sur la route des îles. En 1628, La flotte de Roissey capture ainsi sur les côtes d’Afrique deux caravelles et 57 « morisques » qui sont vendus à Saint-Christophe. Le capitaine Pitre Cotté apporte à Saint-Christophe de nombreux esclaves pris sur les Espagnols vers 1635204. La Compagnie ne souhaite pas par la suite favoriser de type d’entreprise. Elle refrène ainsi les ardeurs du capitaine Monlabeur qui lui demande la permission d’attaquer les navires qui viennent d’Angola et de vendre les esclaves à la Martinique205. Mais cette flibuste négrière, comme l’appelle Léon Vignols, se poursuit tout au long du xviie siècle. En 1666, des flibustiers français prennent 80 esclaves noirs aux Anglais206.
59Les esclaves proviennent cependant dans leur grande majorité de razzias et du commerce menés sur les côtes d’Afrique par les Anglais et les Hollandais. L’Anonyme de Saint-Christophe s’en fait l’écho au début des années quarante. Richard Ligon mentionne un navire anglais de 350 tonneaux, l’Achilles, parti trafiquer pour acquérir des esclaves en 1647207. La part des esclaves pris sur des navires portugais est limitée dans le cas du commerce hollandais. Le secrétaire de la WIC, Jan de Laet, en compte seulement 2356 entre 1623 et 1636. Le commerce des esclaves est en fait bien organisé à cette époque. Les Hollandais transportent 34900 esclaves originaires de Guinée et d’Angola entre 1596 et 1650, principalement destinés au Brésil et aux îles anglaises, et 26286 esclaves entre 1630 et 1651 uniquement vers le Brésil208. Les interventions des Hollandais dans les îles françaises sont plus difficiles à mesurer, mais il semble au regard des quelques éléments donnés par les chroniqueurs qu’ils introduisent plusieurs centaines d’esclaves chaque année209. En 1665, ils apportent entre 1200 et 1300 esclaves à la Martinique et à la Guadeloupe210. Les arrivées d’esclaves semblent assez régulières.
60L’idée de s’approvisionner directement en Afrique et d’organiser un circuit de traite est à plusieurs reprises évoquée par les associés et les capitaines. L’Olive demande ainsi dès 1638 à la Compagnie de pouvoir aller au Cap-Vert chercher des esclaves. La Compagnie ne peut l’y autoriser en raison du monopole qui a été confié à la Compagnie du Cap-Vert211. Quelques Français se fournissent directement en Afrique, laisse entendre Dutertre212, mais ils ne sont pas nombreux. La Compagnie franchit le pas en 1642. Le développement de son habitation de canne à sucre à la Guadeloupe nécessitant de la main-d’œuvre, elle passe un marché avec le capitaine Drouault pour qu’il livre 60 esclaves à la Guadeloupe au prix de 200 livres pièce pour un montant total de 12000 livres. L’accord est entériné lors de l’assemblée du 4 mars 1643 et 4000 livres sont avancées. Berruyer et Chanut intéressent la Compagnie à l’entreprise en prenant chacun une part d’un seizième en son nom. Le navire arrive avec sa cargaison peu après la Pentecôte. Drouault repasse en France à l’automne213. Mais Drouault ne peut garantir le prix initial en raison de la forte demande qui fait flamber les prix. Il réclame aussi un supplément car il a livré 62 esclaves au lieu des 60 attendus. La Compagnie ne peut accéder à sa requête car elle n’a pas de liquidités, mais elle lui promet de le favoriser « en quelque occasion qu’il s’offrira214 ». Drouault repart visiblement satisfait à la fin de l’année 1643 ou au début de l’année 1644 et livre de nouveaux esclaves à la Guadeloupe215. On ne sait pas où il se les procure.
La Compagnie et la condition des esclaves
61Les associés accordent une grande attention à la question de l’esclavage, ils entendent tout autant protéger les intérêts des maîtres que s’assurer du bon traitement des esclaves. Plusieurs articles du traité de 1627 entre les Français et les Anglais de Saint-Christophe posent les règles. Les esclaves sont définis comme des biens qui appartiennent en propre à celui qui les a acquis. Ils ne peuvent lui être retirés. Ils peuvent en revanche être saisis dans l’attente d’une sentence (article 4)216. La Compagnie veille particulièrement à faire respecter le droit de propriété. Ainsi, rappelle-t-elle à Poincy qu’il ne peut confisquer les biens et les esclaves de La Grange217. La question des esclaves en fuite à Saint-Christophe fait l’objet d’une attention particulière dans les traités postérieurs. Le traité franco-anglais de 1654 établit que si un esclave qui se réfugie dans le quartier de l’autre nation, travaille plus de vingt-quatre heures ou est envoyé hors de l’île par un habitant, « ledit habitant sera obligé envers son maître, à tous dommages et intérêts, condamné à telle amende que le gouverneur de sa nation le jugera à propos, outre deux mille livres de tabac, au profit du maître de qui il aura retenu le serviteur ou l’esclave » (article 7). Si un esclave commet un larcin ou use de force sur une personne de l’autre nation, quatre personnes d’honneur de chaque nation seront réunies pour vérifier les faits, et renvoyer l’affaire devant un jury de douze personnes, six de chaque nation, pour être jugée. Si l’esclave est condamné et reconnu coupable, il recevra sa punition en la terre de sa nation (article 10). Un esclave en fuite surpris dans le quartier de l’autre nation, sera considéré comme un délinquant et puni comme tel (article 11)218.
62Les esclaves sont une force de travail qu’il est nécessaire de bien entretenir. Les associés invitent pour cela leur commis Gentil à traiter « les Nègres et les Sauvages humainement, de la même façon qu’on traite les autres serviteurs français ou manœuvre de l’île » quand il reprend la direction de leur habitation de Saint-Christophe après la mort d’Esnambuc. En 1639, ils s’inquiètent auprès de Fougeron, leur commis à Saint-Christophe, de savoir comment ils sont employés aux vivres. En 1641, ils font envoyer des caleçons, des casaques et des souliers pour les esclaves et les hommes à leur service219.
63Les attentions dont font preuve les associés de la Compagnie et les religieux à l’égard des esclaves mêlent compassion, bonne conscience et intérêt. Elles ne sont pas partagées par tous les acteurs de la vie antillaise qui parfois les maltraitent. Le carme Maurile de Saint-Michel rapporte que bien des Noirs quittent leurs maîtres à cause des mauvais traitements reçus. Lors de la grande révolte de Saint-Christophe en 1639, plus de soixante Noirs du quartier de la Cabesterre « lassés de leur servitude, ou comme plusieurs ont crû, ennuyés des rudes traitements qu’ils recevaient de leurs commandants », se réfugient avec leurs femmes et leurs enfants, dans les bois de la montagne de la Pointe-de-Sable. Ils quittent tous les jours leur repère pour s’approvisionner en vivres et se montrent parfois violents avec les habitants. La réponse des autorités se veut particulièrement ferme. Poincy fait poursuivre les esclaves fugitifs par une troupe de cinq cents hommes. Les esclaves ne peuvent résister bien longtemps dans leur camp retranché dans la montagne. Plusieurs sont tués, certains sont brûlés vifs dans leurs cases, quelques-uns réussissent à se sauver, et les autres sont capturés et conduits au Fort, où quelques jours après, ils sont écartelés et leurs membres exposés sur des pieux, « afin de donner de la terreur aux autres Nègres et de les empêcher de se rendre marrons220 ». Poincy se montre tout aussi sévère à l’encontre d’un esclave fugitif de monsieur de Marseille, qui a commis plusieurs meurtres. Le sergent de La Rosière, l’ayant trouvé après une longue traque, lui appuie son arme contre la tête et le tue. Son corps est découpé en quartiers qui sont attachés à des arbres dans les lieux les plus fréquentés. Il n’est pas certain que les associés aient goûté cette sévérité car Poincy doit se justifier devant eux en montrant que le fugitif était intrépide et refusait d’être raisonné221.
64La justice de la Compagnie ne s’exerce pas à l’encontre des esclaves. Ce sont les maîtres, voire les habitants, qui se chargent de punir les malheureux ayant commis un délit. Dutertre avoue que le plus grand arbitraire règne et qu’il n’y a aucune échelle de peine pour les larcins. Tout est laissé à l’appréciation du maître. Les coups de liane – des branches grosses comme le pouce et souples – sont les plus fréquents, mais il existe de nombreux traitements cruels : amputation de l’oreille, de la main, port des fers ou de colliers de fer. Maurile de Saint-Michel souligne que les coups de liane sont donnés aux esclaves quelquefois jusqu’au sang, quand ils sont surpris à voler. Les esclaves ne sont jamais écoutés « de peur que si le maître abandonnait l’intérêt de celui qui leur commande, ils prissent la hardiesse de lui désobéir » dit Dutertre. La sévérité des maîtres à l’encontre de leurs esclaves est maintes fois soulignée et condamnée par les missionnaires. Maurile de Saint-Michel blâme « les maître qui croient qu’il est permis de les traiter comme des bêtes, sous prétexte qu’ils leur coûtent bien cher ». Chevillard note que si certains maîtres prennent soin de leurs esclaves, « c’est souvent plutôt par intérêts que par charité », car ils sont leur bien foncier222. Et il s’en désole.
Métis et mulâtres
65La question des métis et des mulâtres n’est jamais évoquée dans les délibérations des associés de la Compagnie. Ils sont pourtant une réalité de la société antillaise. Ils sont le produit d’unions charnelles plus ou moins consenties avec des femmes indigènes ou noires. L’Anonyme de Saint-Christophe note que « les femmes et filles moresques ou nègres converties à notre religion ou épousées à quelque François (car faute de femmes françaises on s’accommode à cette nécessité), sont remises en liberté et tenues en honnête société de femmes223 ». D’autres ont été violentées par leur maître. Cet abus est en principe sanctionné. Les enfants nés de ces relations sont réputés libres et doivent être pris en charge par leur père jusqu’à leurs douze ans224. Les métis et les mulâtres sont cependant peu nombreux dans les recensements.
66Quelques couples mixtes sont connus. Jean-Baptiste Dutertre baptise et marie une Indienne avec son employeur en 1641225. Louis de Querengoan, sieur de Rosselan, capitaine du quartier du Prêcheur à la Martinique, a une épouse indigène. Ils ont trois ou quatre enfants d’après le carme Maurile de Saint-Michel. L’enseigne La Verdure est marié avec une Indienne christianisée. Ils vivent ensemble avec leurs nombreux enfants226. Charles La Rivière vit avec une Indienne de la Terre-Ferme, une Galibi. Leurs deux enfants sont baptisées à Cabesterre de la Guadeloupe le 25 mai 1643 et le 28 août 1644. Charles Deschamps est en couple avec une Indienne, Suzanne Belamée. Ils ont deux garçons : Charles et Jean qui sont baptisés en 1648227.
67Les registres des sacrements contiennent peu de mentions de mariages de Français et de Noires et de baptêmes d’enfants mulâtres. Jean Bourgeois a un fils d’une esclave noire en 1650 qui est baptisé à Cabesterre à la Guadeloupe le 11 décembre 1650 et prénommé Joseph. Ce genre d’information est rare. Le baptême suivant consigné sur le registre date de 1657. À la Martinique, on ne compte que deux maîtres de case vivant avec une épouse africaine en 1660228. Les unions entre Français et Noires ne sont pas toujours bien perçues. Le père Dutertre ne les trouve pas souhaitables. Ils sont pour lui le plus souvent le produit de rapports illégitimes voire de violences, et n’hésitent pas alors à parler de « la naissance honteuse des mulâtres ». Il y voit la cause de nombreux désordres. Dutertre veut croire qu’à son époque ces relations mixtes sont moins courantes que dans les premières décennies de la colonisation car les femmes européennes sont plus nombreuses. La place exacte des mulâtres dans la société coloniale est difficile à évaluer. Il apparaît cependant qu’ils sont réputés libres quoique de mère esclave. Ils prennent parfois des épouses blanches229.
Notes de bas de page
1 ANOM, F2A13, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, p. 2.
2 L’acte d’établissement de la Cie des Cent-Associés de 1627 stipule qu’elle doit faire passer 200 à 300 hommes en 1628 et davantage les années suivantes pour atteindre le nombre de 4000 en 1643 (Acte pour l’établissement de la Cie des Cent-Associés, le 29/04/1627, dans Édits, … concernant le Canada, op. cit., p. 6-7).
3 ANOM, F2A13, Traité entre la Cie et L’Olive et du Plessis, Paris, le 14/02/1635, p. 16-21.
4 ANOM, F2A13, Premier contrat avec les marchands de Dieppe, Paris, le 18/04/1635, p. 26-27.
5 Délibération, le 1/07/1637, p. 298 ; ANOM, F2A13, Traité entre MM. les directeurs et M. d’Aubigné, Paris, le 31/03/1645, p. 64 ; ANOM, F2A13, Traité avec les Srs. de Veuil et Saint-Rémy, Paris, le 24/12/1645, p. 67.
6 Le juriste Jean Bodin écrit ainsi dans Les six livres de la République en 1576 qu’« il ne faut jamais craindre qu’il y ait trop de sujets, trop de citoyens, vu qu’il n’y a ni richesses ni forces que d’hommes » (J. Bodin, Les six livres de la République, cité dans J.-Y. Grenier, Histoire de la pensée économique et politique, op. cit., p. 57). Population et richesse de la monarchie sont liés. Cela correspond aussi à une nécessité. « Il fallait une population nombreuse, en constant renouvellement, où l’État pût puiser des soldats et des ouvriers pour les travaux publics sans diminuer la production », remarque Roland Mousnier (R. Mousnier, Les institutions de la France, op. cit., t. 1, p. 545).
7 C. Brunetti, « Relation des isles de l’Amérique », op. cit., p. 30.
8 Le premier recensement, intitulé « Rolle des habitants de l’isle Martinique », date de 1660. Il est attribué au florentin Cosimo Brunetti par Jacques Petitjean Roget. En 1664, Colbert charge Alexandre de Prouville de Tracy qui part aux îles de faire un état de la situation (J. Petitjean Roget, E. Bruneau-Latouche, Personnes et familles à la Martinique, op. cit., t. 1, p. 22 et 27).
9 MAE, MD, Am., 4, Contrat pour l’établissement des Français à l’île Saint-Christophe, Paris, le 31/10/1626, fol. 65. Pub. dans Margry, p. 101.
10 DT/1667, t. 1, p. 35 et 38 ; J.-P. Moreau, Les Petites Antilles, op. cit., p. 203. Dutertre compte 375 ou 380 Français à cette époque : 25 ou 30 Français restés sur l’île de Saint-Christophe durant l’attaque des Espagnols et 350 qui sont partis sous la conduite de leurs capitaines. Il parle un peu plus loin de 360 hommes vers 1632 (DT/1667, t. 1, p. 35 et 38).
11 ANOM, F2A13, Contrat entre la Cie et le cardinal, Paris, le 29/01/1642, p. 42 ; BnF, ms fr. 18593, Lettres patentes du roi portant établissement du commerce ès îles de l’Amérique, Narbonne, mars 1642, fol. 347v.
12 PDP, p. 29-30.
13 Pelleprat, Relation, op. cit., 1re partie, p. 5 ; ARSI, Gallia, 106, Pelleprat à G. Nickel, Toulouse, le 1/11/1655, fol. 294r-296v ; BnF, coll. Moreau, n° 841, J. Hallay, Relation des Isles de la Martinique et de Saint-Christophle, fol. 159r ; ARSI, Gallia, 106, Mesland au père Lecazre, Santa Fe de Bogota, fol. 292-293.
14 Délibération, le 6/06/1641, p. 412.
15 P. Pelleprat, Relation, op. cit., 1re partie, p. 15.
16 J. Mathieu, La Nouvelle-France, op. cit., p. 66.
17 M. Reible, « L’émigration coloniale en Angoumois sous Louis XIV et la question protestante », Mémoires de la société archéologique et historique de la Charente, 1958, p. 97.
18 J.-P. Moreau, Les Petites Antilles, op. cit., p. 196. L’engagé Guillaume Coppier évoque le chiffre de 600 hommes durant son séjour dans l’île sans être très explicite (G. Coppier, Histoire et voyage, op. cit., « préface », pas de n° de p.). Il est arrivé en 1628.
19 DT/1667, t. 1, p. 22.
20 J.-P. Moreau, Les Petites Antilles, op. cit., p. 197 et 203 ; DT/1667, t. 1, p. 35.
21 G. Fournier, Hydrographie, op. cit., p. 370 ; DT/1667, t. 1, p. 164. Poincy mobilise alors 4000 hommes pour aller chercher un prisonnier qui s’est échappé de prison et a gagné le quartier des Anglais.
22 Anonyme de Saint-Christophe, Relation des îles, op. cit., p. 119 ; PDP, p. 29 ; BnF, ms fr. 18593, Instruction des isles de l’Amérique, fol. 423rv.
23 Bouton, p. 41 et 95 ; Anonyme de Saint-Christophe, Relation des îles, op. cit., p. 119 ; PDP, p. 29 ; BnF, ms fr. 18593, Instruction des isles de l’Amérique, fol. 423rv.
24 J. Petitjean Roget, La société d’habitation, op. cit., t. 2, p. 940.
25 Ibid. ; S. H. Anderson, « Cosimo Brunetti… », op. cit., p. 28. Jacques Petitjean Roget corrige le chiffre de 1660 un peu plus tard et donne 2849 habitants (J. Petitjean Roget, E. Bruneau-Latouche, Personnes et familles à la Martinique, op. cit., t. 1, p. 35 ; F. Régent, La France et ses esclaves, op. cit., p. 335). Brunetti est moins précis dans sa relation. Il parle de 3000 blancs dans l’île en 1660 (C. Brunetti, « Relation des isles de l’Amérique », op. cit., p. 28).
26 DT/1667, t. 1, p. 75. Ils sont peut-être un peu plus nombreux car le père Dutertre en mentionne 550 un peu plus loin dans son œuvre.
27 Ibid., t. 1, p. 78-79 et 84. L’Olive tente de retrouver les fugitifs par tous les moyens en 1636.
28 Ibid., t. 1, p. 81.
29 Anonyme de Saint-Christophe, Relation des îles, op. cit., p. 119 ; PDP, p. 30 ; BnF, ms fr. 18593, Instruction des isles de l’Amérique, fol. 423rv ; J. Petitjean Roget, La société d’habitation, op. cit., t. 2, p. 940.
30 AD 35, 9H7, pas de n°, Cosme de la Présentation au supérieur, le 20/11/1652, 2 fol.
31 F. Régent, La France et ses esclaves, op. cit., p. 25. D’autres estimations ont été faites. Jean et Denise Goddet-Langlois comptent 5550 habitants en 1664 dont 2630 blancs (J. Goddet-Langlois, D. Goddet-Langlois, La vie en Guadeloupe, op. cit., p. 23).
32 Rochefort, t. 1, p. 81 ; Bret/A, p. 158.
33 MSM, p. 284 ; Rochefort, t. 1, p. 75 et 103.
34 Petition of James earl of Carlisle, sir James Hay and Archibald Hay to the privy council, mai 1639, CSP, t. 1, p. 295.
35 Il parle de 400 Français à Saint-Christophe en 1629 et entre 5000 et 6000 Anglais vers 1630-1632 (DT/1667, t. 1, p. 32 et 38).
36 J.-P. Moreau, Les Petites Antilles, op. cit., p. 197 et 203.
37 C. P. Lucas, A Historical Geography of the British Colonies, Oxford, Clarendon Press, 1905, p. 143 ; Rochefort, t. 2, p. 25.
38 PDP, p. 29.
39 J.-P. Moreau, Les Petites Antilles, op. cit., p. 202-203. En 1633, elle connaît une petite baisse de population qui tombe à 2000 voire 1500 habitants.
40 Warner to sec. Windebank, Saint-Christophe, le 10/09/1636, dans CSP, t. 1, p. 240 ; A short history of Barbados from its first discovery and settlement to the end of the year 1767, Londres, J. Dosley, 1768, p. 10. Il y a 18000 hommes en état de porter les armes en 1645 (M. Devèze, Antilles, Guyanes, la mer des Caraïbes, op. cit., p. 180).
41 R. Ligon, Histoire de l’isle des Barbades, op. cit., p. 73.
42 R. R. Menard, Sweet Negotiations : Sugar, Slavery, and Plantation Agriculture in Early Barbados, University of Virginia Press, 2006, p. 25. Il évoque 1800 habitants en 1630, 14000 en 1640 et 30000 en 1650.
43 Ibid., p. 41 ; H. McD. Beckles, « The “Hub of Empire”… », op. cit., p. 222.
44 Les plus anciens contrats d’engagement ont été trouvés à La Rochelle (1620), au Havre (1624), à Honfleur (1634) et Nantes (1636) (G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 45 ; J. Tanguy, « Les premiers engagés partis de Nantes… », op. cit., p. 53).
45 Com. de Richelieu aux Srs. d’Enambuc et du Rossey, le 31/10/1626, dans DT/1667, t. 1, p. 14.
46 F. Régent, La France et ses esclaves, op. cit., p. 25 ; L. Élisabeth, La société martiniquaise aux XVIIe et XVIIIe siècles. 1664-1789, Paris, Karthala, 2003, p. 30-31. Dutertre note que sur le bateau qui le porte aux îles en 1640 « la plus grande partie des passagers [étaient] de pauvres engagés pour trois ans » (DT/1667, t. 2, p. 65).
47 G. Debien, « Engagés pour le Canada… », op. cit., p. 178.
48 H. McD. Beckles, « The “Hub of Empire”… », op. cit., p. 223.
49 P. Pelleprat, Relation, op. cit., 1re partie, p. 37 ; A. Biet, Voyage de la France équinoxiale, op. cit., p. 290. Exquemelin veut que plus de dix mille Écossais et Irlandais aient ainsi été envoyés à la Barbade par Cromwell (A.-O. Exquemelin, Histoire des aventuriers flibustiers, op. cit., p. 168). Plusieurs milliers d’Écossais faits prisonniers après la bataille de Worcester en 1651 ont été déportés par Cromwell à la Barbade, et environ deux mille Irlandais en 1656 à la Jamaïque (M. Devèze, Antilles, Guyanes, la mer des Caraïbes, op. cit., p. 186).
50 R. Ligon, Histoire de l’isle des Barbades, op. cit., p. 74.
51 Anth, t. 2, p. 142.
52 Seuls 11 engagés nantais sur les 255 connus entre 1636 et 1660 touchent une somme en argent, soit un taux de 4,3 %. 62,4 % touchent entre 200 et 400 livres (J. Tanguy, « Les premiers engagés partis de Nantes… », op. cit., p. 62 et 64).
53 AD 76, TH, Contrat d’engagement, le 28/03/1635. Pub. dans Anth, t. 2, p. 544 ; L. Merle, G. Debien, « Colons, marchands et engagés à Nantes au xviie siècle », op. cit., p. 10.
54 J. Tanguy, « Les premiers engagés partis de Nantes… », op. cit., p. 63.
55 J. Petitjean Roget, « Saint-Christophe… », op. cit., p. 29. À titre de comparaison, une livre de pain vaut 1 sou et 2 deniers en 1635.
56 G. Coppier, Histoire et voyage, op. cit., p. 132 ; A.-O. Exquemelin, Histoire des aventuriers flibustiers, op. cit., p. 165-166.
57 DT/1667, t. 2, p. 477.
58 A.-O. Exquemelin, Histoire des aventuriers flibustiers, op. cit., p. 197 ; A. Biet, Voyage de la France équinoxiale, op. cit., p. 290.
59 G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 219.
60 Th. J. Wertenbaker, The Planters of Colonial Virginia, Princeton, Princeton UP, 1922, p. 40.
61 Bouton, p. 99 ; C. Brunetti, « Relation des isles de l’Amérique », op. cit., p. 31.
62 Anonyme de Saint-Christophe, Relation des îles, op. cit., p. 120 ; PDP, p. 32-33 ; DT/1667, t. 2, p. 464.
63 R. Ligon, Histoire de l’isle des Barbades, op. cit., p. 75.
64 ANOM, F2A13, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, p. 2 ; AD 76, TH, Contrat entre Robert Sollier et Cavelet du Herteley, le 6/03/1635. Pub. dans Anth, t. 2, p. 546.
65 La reconstitution des listes des engagés pour le Canada est tout aussi problématique pour ces années, voir G. Debien, « Engagés pour le Canada… », op. cit., p. 184.
66 G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 29 ; J. Tanguy, « Les premiers engagés partis de Nantes… », op. cit., p. 54.
67 AD, 76, TH, reg. 183, Contrat d’engagement, le 13/01/1627, dans Anth, t. 2, p. 533-537 ; Barrey, p. 141 ; J. Petitjean Roget, « Saint-Christophe… », op. cit., p. 18. Le chiffre de 532 hommes avancé par de Dutertre semble exagéré (DT/1667, t. 1, p. 15).
68 J. Petitjean Roget, « Saint-Christophe… », op. cit., p. 21.
69 Contrat d’engagement, le 26/08/1628, cité par J. Petitjean Roget, « Saint-Christophe… », op. cit., p. 22 ; DT/1667, t. 1, p. 21. Le chiffre de 150 hommes donné par Dutertre est à manier avec précaution.
70 DT/1667, t. 1, p. 24-25 ; J. Petitjean Roget, « Saint-Christophe… », op. cit., p. 28 et 32.
71 AD, 76, TH, reg. 190, Contrat d’engagement, le 15/11/1630, dans Barrey, p. 184-186 ; Barrey, p. 190 ; J. Petitjean Roget, « Saint-Christophe… », op. cit., p. 35. Dutertre parle de 19 passagers : 1 prêtre, 2 capitaines, 2 lieutenants, 2 enseignes, 2 sergents, 2 caporaux, 2 anspesades, 2 femmes, 2 enfants et 2 commis (DT/1667, t. 1, p. 40).
72 G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 245 ; Bréard, p. 187 ; Barrey, p. 207 ; J. Tanguy, « Les premiers engagés partis de Nantes… », op. cit., p. 53. Le volume des minutes du tabellionage de Roncheville (1637-1639) contient à lui seul 318 contrats d’engagement (Bréard, p. 187).
73 G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 245 ; P. Butel, Histoire des Antilles françaises, op. cit., p. 38.
74 DT/1667, t. 1, p. 75 et 81 ; Bret/RF, p. 88 ; Bret/RF, vp, p. 108. Breton ne prête à L’Olive que 400 hommes (Bret/B, p. 166) et La Gazette seulement 350 (Exploits et logement des Français dans l’isle de la Guadeloupe, dans La Gazette, le 26/02/1638, p. 89).
75 J. Tanguy, « Les premiers engagés partis de Nantes… », op. cit., p. 65. Les alloués qui passent en 1635 sur la Petite Notre-Dame et sur le Don de Dieu ont en moyenne 21 ans. L’âge médian se situe autour de 22/23 ans (J. Petitjean Roget, La société d’habitation, op. cit., t. 1, p. 531).
76 Poincy, Mémoires envoyés aux seigneurs de la Cie des îles de l’Amérique, Saint-Christophe, le 15/11/1640, dans J. Rennard, Tricentenaire, op. cit., p. 108 ; DT/1667, t. 2, p. 465-466.
77 G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 86.
78 A. Biet, Voyage de la France équinoxiale, op. cit., p. 83
79 AD 76, TH, reg. 138, Contrat entre Jean Hervieu et Cavelet de Herteley, le 17/05/1627, dans Anth, t. 2, p. 538 ; J. Petitjean Roget, « Saint-Christophe… », op. cit., p. 21.
80 Bréard, p. 187.
81 G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 117. 73,5 % des alloués qui partent sur la Petite Notre-Dame et le Don de Dieu en 1635 viennent des campagnes (J. Petitjean Roget, La société d’habitation, op. cit., t. 1, p. 537).
82 J. Tanguy, « Les premiers engagés partis de Nantes… », op. cit., p. 60.
83 M. Tanguy, L’essor d’un port atlantique connecté, op. cit., t. 2, p. 911.
84 G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 80.
85 AD 76, TH, reg. 138, Contrat entre J. Hervieu et Cavelet de Herteley, le 17/05/1627, dans Anth, t. 2, p. 538 ; AD 76, TH, reg. 138, Contrat d’engagement, le 9/05/1635, dans Anth, t. 2, p. 549-550 ; Contrat d’engagement, février 1643, dans Bréard, p. 195.
86 G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 145. La Cie de la Nouvelle-France suit une stratégie similaire en privilégiant les engagements en un seul lieu, La Rochelle (ibid., p. 142). Cela explique peut-être que la Cie des îles ne se risque pas dans le port charentais.
87 G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 145.
88 DT/1667, t. 1, p. 40.
89 ANOM, F2A13, Traité entre la Cie et L’Olive et du Plessis, Paris, le 14/02/1635, p. 16, 18 et 20-21 ; Délibération, le 4/08/1638, p. 335 ; Délibération, le 6/10/1638, p. 342-343 ; ANOM, F2A13, Traité entre MM. les directeurs et M. d’Aubigné, Paris, le 31/03/1645, p. 64.
90 Délibération, le 28/07/1641, p. 417.
91 Délibération, le 3/06/1637, p. 294-295 ; Délibération, le 3/03/1638, p. 324.
92 C. Brunetti, « Relation des isles de l’Amérique », op. cit., p. 30.
93 Bouton, p. 96.
94 AD 76, TH, reg. 206, Délibération, le 13/04/1635. Pub. dans Anth, t. 2, p. 138 ; Contrat, le 5/075/1636, dans Bréard, p. 189.
95 G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 95.
96 Contrat, le 10/07/1638, dans Bréard, p. 194-195 ; AD 76, TH, reg. 206, Contrat, le 24/03/1635. Pub dans Anth, t. 2, p. 138.
97 Délibération, le 4/02/1637, p. 289 ; Délibération, le 6/06/1641, p. 412 ; Délibération, le 4/11/1643, p. 465.
98 Cette question de la propagande a été vue mais pour une période plus tardive par Marcel Chatillon et Gabriel Debien, « La propagande imprimée pour les Antilles et la Guyane au xviie siècle. Recrutement ou racolage ? », Annales des Antilles, Bulletin de la société historique de la Martinique, n° 24, 1982, p. 57-98 et par l’abbé Le Ber et Gabriel Debien, « La propagande et le recrutement pour les colonies d’Amérique au xviie siècle », Notes d’histoire coloniale, 34, 1954, p. 60-90.
99 Exploits et logement des Français dans l’isle de la Guadeloupe, dans La Gazette, le 26/02/1638, p. 89 ; La prise de l’isle de la Tortue près de celle de Saint-Christophle par les François, dans La Gazette, le 1/02/1641, p. 45 et suiv.
100 Récit du voyage et de l’arrivée aux Antilles du commandeur de Poincy, dans Le Mercure françois, t. 23, p. 333.
101 Madame de la Fayolle à mademoiselle de l’Estang, Saint-Christophe, le 12/12/1643, dans Relation de ce qui s’est passé à l’arrivée des filles de Saint-Joseph en l’Amérique, Paris, Pierre Targa, 1644, p. 5 ; M. Chatillon, G. Debien, « La propagande imprimée pour les Antilles », op. cit., p. 64.
102 G. Coppier, Histoire et voyage, op. cit., p. 31 et 33 ; P. Pelleprat, Relation, op. cit., 1re partie, p. 3.
103 Le capucin rapporte en effet qu’il a lu les ouvrages des jésuites. Or le seul ouvrage publié à cette époque était celui du père Bouton (PDP, p. 23). Maurile de Saint-Michel connaît lui aussi son ouvrage (MSM, p. 98).
104 PDP, p. 32.
105 ANOM, F2A13, Traité avec les marchands de Dieppe, Paris, le 18/04/1635, p. 29 ; Acte le 7/05/1636, p. 269.
106 P. Pelleprat, Relation, op. cit., 1re partie, p. 21.
107 M. Chatillon, G. Debien, « La propagande imprimée pour les Antilles », op. cit., p. 88.
108 Le texte du placard est très explicite : « De par le roi, les seigneurs de l’île de Grenade en Amérique font savoir qu’ils partiront en bref, avec plusieurs ecclésiastiques et personnes de condition pour aller établir une colonie en ladite île à la gloire de Dieu, intérêt du roi et à la conservation des Sauvages [… .] Le profit est de cinquante pour cent par chacun an… », dans Ch. de La Roncière, Quatre siècles de colonisation française, Paris, Éd. des Bibliothèques nationales de France, 1931, p. 58-59.
109 MSM, p. 77.
110 Délibération, le 7/07/1641, p. 416.
111 MSM, p. 79.
112 DT/1667, t. 1, p. 15 et 21.
113 MSM, p. 315.
114 BnF, ms fr. 15466, P. Pélican à J.-B. Carré, la Guadeloupe, le 28/05/1635, fol. 88r. On compte au xvie siècle un homme pour deux tonneaux sur les navires allant aux îles, mais les corsaires du Havre arment un homme pour un tonneau (Barrey, p. 103).
115 DT/1667, t. 1, p. 99 ; MSM, p. 191.
116 Délibération, le 6/06/1641, p. 412.
117 R. Ligon, Histoire de l’isle des Barbades, op. cit., p. 37. Lucas compte entre 5000 et 6000 victimes à la Barbade et dans la partie anglaise de Saint-Christophe (C. P. Lucas, A Historical Geography of the British Colonies, op. cit., p. 190).
118 DT/1667, t. 1, p. 422.
119 Ibid., t. 1, p. 99.
120 G. Coppier, Histoire et voyage, op. cit., p. 132. Le prix du passage vers la France est de 75 livres de pétun par tête. Coppier verse aussi un dixième de son pétun pour payer le fret (ibid., p. 128).
121 PDP, p. 32 ; MSM, p. 111 ; ANTH, t. 2, p. 136.
122 J. Mathieu, La Nouvelle-France, op. cit., p. 66 et 141.
123 En 1669, le gouverneur général des Antilles, Jean-Charles de Baas, se plaint ainsi que les engagés rentrent bien souvent en France (ANOM, C8A1, Lettre de de Baas, la Guadeloupe, le 26/12/1669, fol. 17v). Soucieux d’améliorer leur sort, il prône la réduction de la durée de l’engagement. Il est suivi par le pouvoir qui la ramène à dix-huit mois (Arrêt du conseil, Saint-Germain-en-Laye, le 28/02/1670, dans MDSM, t. 1, p. 190-191).
124 DT/1667, t. 2, p. 453.
125 DT/1667, t. 1, p. 16.
126 Charte-partie, le 26/08/1628, dans Barrey, p. 155 ; DT/1667, t. 1, p. 40.
127 Bret/RF, p. 89 et 99 ; DT/1667, t. 1, p. 83 et 126.
128 J.-P. Moreau, Les Petites Antilles, op. cit., p. 203. Les Français et les Anglais sont alors 1400. Sur les 6200 engagés partis de La Rochelle entre 1635 et 1715, on ne compte que 40 femmes, et sur les 1900 départs de Dieppe, 50 femmes (F. Régent, La France et ses esclaves, op. cit., p. 22).
129 L’Anonyme de Saint-Christophe note ainsi dans les années quarante que : « Les navires français, anglais et hollandais qui y vont trafiquer y portent à tous voyages quelques femmes ou filles à marier » (Anonyme de Saint-Christophe, Relation des îles, op. cit., p. 119). Seul le mariage a permis de stabiliser la population du Canada (J. Mathieu, La Nouvelle-France, op. cit., p. 141).
130 DT/1667, t. 2, p. 455.
131 Trois hommes de plus de vingt ans sur quatre sont célibataires à la Martinique en 1664 (L. Élisabeth, La société martiniquaise aux XVIIe et XVIIIe siècles, op. cit., p. 220).
132 DT/1667, t. 1, p. 63 et 226.
133 Sur les 30000 Français venus en Nouvelle-France entre 1608 et 1760, 2105 sont des femmes (M. Boleda, « Trente mille Français à la conquête du Saint-Laurent », Histoire sociale/Social History, XXIII, n° 45, 1990, p. 168 et 171).
134 On compte 9923 femmes pour 54881 hommes (E. Serra Santana, « Mito y realidad de la emigración femenina española al Nuevo Mundo en el siglo xvi », dans Femmes des Amériques, Toulouse, université de Toulouse-le-Mirail, 1986, p. 31-42).
135 Le ratio homme/femme est de 4 hommes pour une femme pour aller en Virginie (25 %) et de 150 hommes pour 100 femmes pour aller chez les puritains du Massachussets (40 %). La population de la Nouvelle-Angleterre compte autant d’hommes que de femmes vers 1635 (D. H. Fisher, Albion’s Seed, Oxford UP, 1989, p. 26-27).
136 Anonyme de Saint-Christophe, Relation des îles, op. cit., p. 118.
137 BnF, ms fr. 15466, P. Pélican à J.-B. Carré, la Guadeloupe, le 28/05/1635, fol. 87r ; Délibération, le 22/12/1641, p. 437 ; MSM, p. 87.
138 ANOM, F2A13, Traité avec les marchands de Dieppe pour la Guadeloupe, Paris, le 18/04/1635, p. 27.
139 La capture des femmes est un des ressorts des guerres menées à la Guadeloupe contre les Indiens. Dutertre rapporte ainsi en évoquant les premières offensives des Français en 1636 qu’ils « marchaient à pas ailés vers le lieu où étaient les femmes sauvages, dans l’espérance d’en jouir et d’assouvir leurs brutales passions », (DT/1667, t. 1, p. 87).
140 Délibération, le 31/01/1635, p. 244 ; Délibération, le 7/05/1636, p. 269 ; Délibération, le 6/10/1638, p. 342.
141 Délibération, le 5/12/1635, p. 255 ; Délibération, le 2/12/1637, p. 315.
142 G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 81.
143 Délibération, le 7/05/1636, p. 266-267.
144 Délibération, le 2/12/1637, p. 313 ; Délibération, le 3/06/1637, p. 294.
145 Délibération, le 4/02/1637, p. 290.
146 Délibération, le 2/09/1637, p. 308.
147 Délibération, le 4/03/1637, p. 292. C’est moins que ce qu’elle escomptait. Sa demande portait sur le passage gratuit à Saint-Christophe pour elle et douze personnes et leurs familles.
148 Délibération, le 5/05/1645, p. 487-488. Houël est chargé de lui trouver un emplacement au Grand-carbet ou vers la Case-du-borgne.
149 En 1639, ils envoient plusieurs femmes de Paris à Saint-Christophe (DT/1667, t. 1, p. 131).
150 J. Petitjean Roget, « Les femmes des colons… », op. cit., p. 187. Cette institution fondée à Bordeaux par madame de L’Estang recueille les orphelines afin de les préparer au mariage en leur donnant un peu d’instruction et de tenue domestique. Elle s’établit par la suite à Paris.
151 Délibération, le 3/06/1643, p. 456 ; DT/1667, t. 1, p. 226-227 ; Madame de la Fayolle à mademoiselle de l’Estang, Saint-Christophe, le 12/12/1643, op. cit., p. 5-6.
152 DT/1667, t. 1, p. 291.
153 J. Petitjean Roget, La société d’habitation, op. cit., t. 1, p. 728.
154 Délibération, le 5/12/1642 ou 41, p. 431-432.
155 G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 83.
156 Délibération, le 1/07/1639, p. 358 ; Délibération, le 3/08/1639, p. 363.
157 Bret/A, p. 158 ; DT/1667, t. 1, p. 131.
158 Bret/A, p. 158.
159 F. Régent, La France et ses esclaves, op. cit., p. 60. Le ratio hommes/femmes est de 58/42 à la Guadeloupe en 1671 (A. Pérotin-Dumon, La ville aux îles, op. cit., p. 123).
160 J. Petitjean Roget, E. Bruneau-Latouche, Personnes et familles à la Martinique, op. cit., t. 1, p. 24.
161 L. Élisabeth, La société martiniquaise aux XVIIe et XVIIIe siècles, op. cit., p. 120 ; Ph. P. Boucher, France and the América, op. cit., p. 258 ; G. Debien, « Les femmes des premiers colons aux Antilles 1635-1680 », op. cit., p. 10.
162 J. Petitjean Roget, « Saint-Christophe… », op. cit., p. 27.
163 J.-P. Moreau, Les Petites Antilles, op. cit., p. 197.
164 Délibération, le 2/09/1637, p. 305 ; Délibération, le 2/06/1638, p. 327 ; Délibération, le 1/06/1639, p. 359.
165 Du Parquet à Fouquet, Saint-Christophe, le 17/08/1639, dans DT/1667, t. 1, p. 111.
166 Bret/A, p. 142 et 144 ; J. Petitjean Roget, E. Bruneau-Latouche, Personnes et familles à la Martinique, op. cit., t. 1, p. 46, 57 et 65 ; J. Goddet-Langlois, D. Goddet-Langlois, La vie en Guadeloupe, op. cit., p. 23.
167 ANOM, F2A13, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, p. 4.
168 P. Pelleprat, Relation, op. cit., 2e partie, p. 16-17 ; Chev, p. 132. Cette pratique perdure. En 1668, le jésuite Étienne de La Pierre rapporte le cas de trois Indiens enlevés et vendus comme esclaves par les Français (É. de La Pierre, Voyage du r.p. de La Pierre en Terre Ferme à la côte de Paria, dans Annales des Antilles. Bulletin de la Société d’Histoire de la Martinique, 23, 1980, p. 31-52).
169 Gabriel Debien l’avait déjà noté (G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 253).
170 MAE, MD, Am., 4, Contrat pour l’établissement des Français à l’île Saint-Christophe, Paris, le 31/10/1626, fol. 65. Pub. dans Margry, p. 101 ; Articles faits et accordés entre les Français et les Anglais, Saint-Christophe, le 13/05/1627, dans DT/1667, t. 1, p. 20.
171 DT/1667, t. 1, p. 61.
172 J.-P. Moreau, Les Petites Antilles, op. cit., p. 203.
173 Dupuis, p. 24 ; Bret/RF, p. 93.
174 J. Petitjean Roget, « Archéologie de l’esclavage l’esclavage à la Martinique (1635-1660) », Dialogues d’histoire ancienne, 11, 1985, p. 741.
175 Bouton, p. 99 ; DT/1667, t. 1, p. 64.
176 Bouton, p. 101 ; MSM, p. 141, 145 et suiv. ; Pelleprat, Relation, op. cit., 1re partie, p. 56. La descendance de Cham est maudite car celui-ci a vu la nudité de son père Noé qui s’était enivré. Elle est promise à la servitude (Gn, IX, 25).
177 DT/1654, p. 473 et 476.
178 MSM, p. 140. Les capucins s’illustrent au xviie siècle par leurs prises de position contre l’esclavage. Épiphane de Moirans (1644-1689) visite la Martinique en 1678 puis la Grenade et le Vénézuela. Il se prononce pour l’émancipation des esclaves et contre la traite (Ph. Delisle, Histoire religieuse des Antilles et de la Guyane française, Paris, Karthala, 2000, p. 28 ; Épiphane de Moirans, La liberté des esclaves ou Défense juridique de la liberté naturelle des esclaves, Mémoires de la société d’histoire de la Martinique 1995). Sur les positions de l’Église à propos de l’esclavage, voir la synthèse d’Alphonse Quenum, Les Églises chrétiennes et la traite atlantique du XVe au XIXe siècle, Paris, Karthala, 1993.
179 Bret/A, p. 156 ou 158.
180 ARSI, Gallia, 106, Pelleprat à G. Nickel, Toulouse, le 1/11/1655 294r-296v ; Pelleprat, Relation, op. cit., 1re partie, p. 54.
181 J. Petitjean Roget, E. Bruneau-Latouche, Personnes et familles à la Martinique, op. cit., t. 1, p. 35 ; F. Régent, La France et ses esclaves, op. cit., p. 335. J. Petitjean Roget parle ailleurs de 2683 Africains, mulâtres et Sauvages (J. Petitjean Roget, La société d’habitation, op. cit., t. 2, p. 940). Il y a 3158 Noirs et Indiens en 1664 (S. H. Anderson, « Cosimo Brunetti… », op. cit., p. 28). Brunetti mentionne près de 3000 Noirs à la Martinique en 1660 (C. Brunetti, « Relation des isles de l’Amérique », op. cit., p. 28).
182 J. Goddet-Langlois, D. Goddet-Langlois, La vie en Guadeloupe, op. cit., p. 23.
183 K. Morgan, Slavery and the Bristish Empire from Africa to America, Oxford, Oxford UP, 2007 p. 26 ; R. S. Dunn Sugar and Slaves. The Rise of the Planter Class in the English West Indies, 1624-1713, Chapell Hill, University of North Carolina Press, 1972 ; J. Petitjean Roget, La société d’habitation, op. cit.
184 Délibération, le 16/12/1642, p. 439-440.
185 H. Mcd. Beckles, « The “Hub of Empire”… », op. cit., p. 224 ; K. Morgan, Slavery and the Bristish Empire, op. cit., p. 27 ; R. R. Menard, Sweet Negotiations, op. cit., p. 25.
186 H. Mcd. Beckles, « The “Hub of Empire”… », op. cit., p. 224 et 228.
187 DT/1667, t. 2, p. 537 ; C. Brunetti, Relation des isles de l’Amérique, op. cit., p. 29 ; Bouton, p. 99.
188 Délibération, le 6/06/1641, p. 411. Il s’agit d’esclaves de prise. Il n’en laisse que 18 à Poincy (Poincy à Fouquet, pas de date, dans DT/1667, t. 1, p. 130-131).
189 MSM, p. 115 et 140.
190 Rochefort, t. 1, p. 97-98.
191 Poincy, Mémoires envoyés aux seigneurs de la Cie des îles de l’Amérique, Saint-Christophe, le 15/11/1640, dans J. Rennard, Tricentenaire, op. cit., p. 104 ; M. C. Camus, « Le général de Poincy, premier capitaliste sucrier des Antilles », RFHOM, 84, n° 317, 1997, p. 119. Voir J. Petitjean Roget, La société d’habitation, op. cit., t. 2, p. 1160.
192 Bret/RF, p. 124 ; P. Pelleprat, Relation, op. cit., 1re partie, p. 55 ; Rochefort, t. 1, p. 79.
193 Bret/RF, p. 124.
194 Délibération, le 2/09/1637, p. 305 ; Délibération, le 5/10/1639, p. 374 ; Délibération, le 19/02/1640, p. 376 ; DT/1667, t. 1, p. 225.
195 Les associés demandent ainsi en 1645 à Houël de donner des esclaves noirs aux dominicains de la Guadeloupe (Délibération, le 5/05/1645, p. 489).
196 É.-H. Gosselin, Documents authentiques et inédits, op. cit., p. 164 ; P. Butel, Histoire des Antilles françaises, op. cit., p. 79.
197 A. Biet, Voyage de la France équinoxiale, op. cit., p. 290.
198 Arch. municip. du Havre, fonds Boivin-Colombel, 49Z 06, J. Le Vasseur à I. Boivin, la Tortue, juillet 1646 ; DT/1667, t. 2, p. 525 ; Rochefort, t. 2, p. 50.
199 Bret/A, p. 158 ; Bret/RF, p. 120 ; MSM, p. 140 ; P. Pelleprat, Relation, op. cit., 1re partie, p. 55.
200 R. Ligon, Histoire de l’isle des Barbades, op. cit., p. 79-80.
201 P. Butel, Histoire des Antilles françaises, op. cit., p. 74. Il est vrai que le prix des esclaves a fortement augmenté ente 1640 et 1650 passant de 16,50 livres à 27,70 livres (K. Morgan, Slavery and the Bristish Empire, op. cit., p. 27).
202 J. Meyer, Histoire du sucre, op. cit., p. 118-119. Voir le commentaire de Dutertre sur le commerce des Hollandais (DT/1667, t. 2, p. 466-467). En 1671, la Cie des Indes occidentales vend des esclaves 4000 livres de sucre pièce tandis que les Hollandais les proposent à 2000 livres (P. Butel, Histoire des Antilles françaises, op. cit., p. 75).
203 J. Petitjean Roget, E. Bruneau-Latouche, Personnes et familles à la Martinique, op. cit., t. 1, p. 24.
204 G. Coppier, Histoire et voyage, op. cit., p. 9 ; DT/1667, t. 1, p. 59.
205 Délibération, le 1/05/1641, p. 410.
206 L. Vignols, Les Antilles françaises, 1928, cité par A. Ly, La Compagnie du Sénégal, op. cit., p. 33.
207 Anonyme de Saint-Christophe, Relation des îles, op. cit., p. 121 ; R. Ligon, Histoire de l’isle des Barbades, dans Recueil de divers voyages faits en Afrique et en Amérique, Paris, Henri Justel, 1674, p. 37.
208 R. van Welie, « Slave trading and slavery in the Dutch colonial empire : A global comparison », New West Indian Guide/Nieuwe West-Indische Gids, 82 n° 1 et 2, 2008, p. 55-56 ; E. van den Boogaart, P. Emmer, « The Dutch Participation in the Atlantic Slave Trade, 1596-1650 », dans H. A. Gemery, J. S. Hogendorn (éd.), The Uncommon Market. Essays in the Economic History of the Atlantic Slave Trade, New York, Academic Press, 1979, p. 355 ; P. Emmer, The Dutch in the atlantic world, Aldershot and Brookenfield, Ashgate, 1998, p. 50.
209 En 1639, par exemple, les esclaves d’un Hollandais arrêté à Saint-Christophe sont distribués aux habitants et aux commandants de l’île. La Grange et Poincy en reçoivent 98 (Poincy à Fouquet, dans DT/1667, t. 1, p. 130).
210 P. Emmer, « Slavery and the Trade of the Minor Atlantic Powers », dans The Cambridge World History of Slavery, Cambridge, Cambridge UP, t. 3, 2011, p. 258 ; B. Moitt, Women and Slavery in the French Antilles, 1635-1848, Bloomington, Indiana UP, 2001, p. 20. Colbert espère 2000 esclaves pour les deux îles dans les années soixante.
211 Délibération, le 3/03/1638, p. 326.
212 « Les navires français et hollandais […] amenaient quelquefois des esclaves mores, qu’ils allaient acheter en Guinée », DT/1667, t. 1, p. 63.
213 Délibération, le 4/02/1643, p. 444 ; Bret/RF, p. 120 ; Délibération, le 7/10/1643, p. 462. Son nom est orthographié de nombreuses manières dans les délibérations de la Compagnie : Drouault, Durant (Délibération, le 4/02/1643, p. 444 ; Délibération, le 7/10/1643, p. 462). Raymond Breton l’appelle Druant (Bret/RF, p. 121). Les liens qui unissent Drouault à la Compagnie ne sont pas faciles à établir en dehors des contrats pour la livraison d’esclaves. Il déclare cependant en 1643 avoir agi pour rendre service à la Compagnie, ce qui laisse soupçonner des rapports plus anciens (Délibération, le 7/10/1643, p. 463).
214 Délibération, le 7/10/1643, p. 463.
215 Bret/RF, p. 121. Le 24 août 1644, Drouault quitte la Guadeloupe pour la France avec Charles Houël.
216 Articles faits et accordés entre les Français et les Anglais, Saint-Christophe, le 13/05/1627, dans DT/1667, t. 1, p. 19.
217 Délibération, le 6/06/1641, p. 411.
218 Articles et accords faits entre les deux nations résidentes, habitant à l’île de Saint-Christophe, 1654, dans DT/1667, t. 1, p. 476-479.
219 Délibération, le 2/09/1637, p. 305 ; Délibération, le 1/07/1639, p. 359 ; Délibération, le 6/06/1641, p. 413 ; Délibération, le 28/07/1641, p. 417.
220 MSM, p. 109 ; DT/1667, t. 1, p. 153-154.
221 DT/1667, t. 1, p. 154-155.
222 DT/1667, t. 2, p. 530 et 533 ; MSM, p. 63-64 et 127 ; Chev, p. 193-194.
223 Anonyme de Saint-Christophe, Relation des îles, op. cit., p. 121.
224 DT/1667, t. 2, p. 460.
225 Bret/A, p. 144.
226 MSM, p. 107 et 180-181.
227 Acte de baptême, le 25/05/1643, dans A. Lacour, Histoire de la Guadeloupe, Basse-Terre, 1855, t. 1, p. 99 ; Acte de baptême, le 11/08/1648, dans ibid. ; J. Goddet-Langlois, D. Goddet-Langlois, La vie en Guadeloupe, op. cit., p. 22.
228 Ibid., p. 26 ; J. Petitjean Roget, E. Bruneau-Latouche, Personnes et familles à la Martinique, op. cit., t. 1, p. 25.
229 DT/1667, t. 2, p. 512-513.
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