Chapitre 11. Les capitaines de navire
p. 295-327
Texte intégral
1La Compagnie des îles de l’Amérique a reçu en 1626 l’exclusivité du trafic vers les Antilles mais elle permet à partir de 1634 aux capitaines d’y participer s’ils disposent d’une autorisation de sa part, aussi appelée congé1. Ainsi, les navires qui partent aux îles peuvent-ils être tout autant affrétés par la Compagnie que par des particuliers ou des groupes de marchands comme ceux de Dieppe à destination exclusive de la Guadeloupe. Les opérateurs sont donc variés selon les époques et les espaces concernés. Cependant, la Compagnie assure toujours la supervision du trafic dont seule la régularité permet l’exportation des productions coloniales et le ravitaillement des habitants dans de bonnes conditions.
2Deux grands fonds d’archives permettent de connaître les armements et l’ampleur des mouvements vers les îles : il s’agit d’une part des archives notariales qui contiennent les chartes-parties, les contrats et les engagements, et d’autre part, les archives des amirautés, qui rapportent les litiges commerciaux et maritimes. La destruction de certains fonds, comme celui du tabellionage de Dieppe ou encore celui d’Arques lors de la guerre de la Ligue d’Augsbourg par la flotte anglo-hollandaise en 1694, rend néanmoins l’exercice difficile2. Les archives notariales des autres ports connaissent des manques dommageables pour certaines années. Des registres manquent. La moitié des fonds des notaires de Nantes pour la période 1636-1660 a par exemple disparu3. Les documents des amirautés sont, pour la période, très lacunaires, et il ne reste au mieux que quelques débris et des pièces du xviiie siècle4. Les délibérations de la Compagnie offrent à cet égard un grand intérêt car les associés discutent régulièrement des contrats signés par leurs agents dans les ports, des poursuites à l’encontre des capitaines qui sont en infraction et des départs d’urgence pour porter des armes aux colons, qui permettent de combler certaines lacunes. Les renseignements sont certes souvent très partiels – il manque le nom du capitaine, celui du port de départ ou d’attache, ou celui du navire – et les identifications ne sont pas aisées mais les récits des missionnaires présents dans les îles durant ces années apportent un complément d’information très utile. Comment la Compagnie structure-t-elle les échanges entre la France et les îles ? Quelle est l’intensité du trafic ? Qui sont les capitaines qui commandent les navires ? Sont-ils des habitués de la route transatlantique ? Comment la Compagnie les intéresse-t-elle ?
Les navires de la Compagnie
Les premiers navires de la Compagnie
3En 1626, la Compagnie dispose de sa propre flotte composée de trois navires, pour trafiquer avec Saint-Christophe, comme la plupart des compagnies du xviie siècle où les fonctions de commerçant et d’armateur se confondent. Ainsi, l’éphémère Compagnie de la Nacelle de Saint-Pierre fleurdelysée devait construire et équiper douze navires « équipés de toutes choses nécessaires pour commencer leur commerce et pêcherie sur mer » en 16265. La Compagnie de Nouvelle-France reçoit du roi deux vaisseaux de 200 et 300 tonneaux en 1627 « à l’usage et profit de ladite Compagnie6 ».
4La Compagnie pour les îles acquiert en 1626 un vaisseau de 250 tonneaux nommé la Victoire, qui est à Port-Louis, avec les agrès et munitions pour 8000 livres. Le document reproduit par Dutertre dit qu’il est acquis en l’état pour 80000 livres, mais il s’agit vraisemblablement d’une coquille car c’est sans commune mesure avec le coût réel d’un navire à cette époque qui oscille entre 8000 et 9000 livres7. Les associés ne se seraient pas lancés dans un achat aussi important car ils déclarent vouloir l’acheter à sa juste valeur. La Victoire est un vieux navire qui aurait appartenu à Roissey, trop heureux de s’en défaire. Ils en sont les propriétaires le premier décembre 16268. Le deuxième navire vient de Richelieu. Il représente la part en nature de son investissement dans la Compagnie. Sa valeur est de 8000 livres9. L’identification de ce bateau a fait couler beaucoup d’encre. Philippe Barrey, en s’appuyant sur la documentation du tabellionage du Havre, soutient qu’il s’agit d’une patache de 100 à 120 tonneaux nommée la Catholique, armée de dix canons et huit pierriers. Elle faisait partie de l’expédition d’Isaac de Razilly sur les côtes de Barbaries en 1624 et était depuis désarmée dans le port du Havre10. Jacques Petitjean Roget estime pour sa part qu’il s’agit de la Cardinale, un navire de 90 tonneaux, en s’appuyant sur le récit d’un engagé de 1628, Guillaume Coppier11. L’identification du troisième navire est tout aussi problématique. Philippe Barrey parle d’une patache de 60 tonneaux appelée la Cardinale en s’appuyant sur une procuration du 26 juin 1628 du tabellionage du Havre, et Jacques Petitjean Roget de la Catholique de 120 tonneaux citée plus haut12. L’identification des bâtiments n’est pas facilitée par le fait qu’ils portent souvent le même nom et que la flottille de la Compagnie n’est pas stable et se renouvelle. Tout dépend donc de l’époque où l’on se situe. À l’automne 1627, Roissey part de Saint-Christophe avec la Cardinale et la Victoire pour chercher du secours en France13. Le commandeur Isaac de Razilly, à la recherche de navires et de capitaines, le convoque, le sachant en Bretagne, pour participer aux opérations navales contre les protestants de La Rochelle. Il est ainsi du blocus du port en novembre et en décembre 1627. La Victoire, jugée trop vieille, est coulée dans le canal de La Rochelle. La Compagnie perçoit 6000 livres de dédommagement du roi14. C’est vraisemblablement avec cet argent que les associés acquièrent en 1628 un nouveau bateau, un flibot de 90 tonneaux, les Trois Rois, qu’ils paient 3500 livres15. La Compagnie possède encore un autre flibot, le Beaurepaire de 60 tonneaux, qui est utilisé pour ravitailler l’armée royale à La Rochelle16.
5Les navires de la Compagnie font de nombreux allers-retours entre les îles et la France sous le commandement de d’Esnambuc et de Roissey. En 1627, les trois navires de la Compagnie gagnent Saint-Christophe. D’Esnambuc commande la Victoire, avec le maître de navire Jean Roulland, Roissey, la Catholique, avec le maître de navire Vincent Apvril, et le sieur de Flamare, la patache. Roissey est secondé par Richard de Beurriot, écuyer, sieur des Lombards. Il y a deux pilotes, Guillaume de Vreux et Jacques Piseaux17. Quelques mois plus tard, Roissey regagne la France avec la Cardinale et la Victoire. Il retourne aux îles en 1628 avec la Cardinale et les Trois Rois, le flibot nouvellement acquis. La charte-partie indique qu’il est secondé par Jean Delassize sur la Cardinale et par Jean Hervé, sur le flibot. Jacob Le Berquier et André Le Vilain sont les pilotes. Guillaume Coppier, qui embarque sur les Trois Rois, indique que le propre frère de Roissey, le sieur de La Trenettière, en assure le commandement18.
6La Compagnie affrète aussi des bateaux pour les îles. Elle s’entend le 17 mai 1627 avec Girard Vaullart, le capitaine du Saint-Pierre, un navire de 120 tonneaux, pour emmener des hommes, des marchandises et des armes à Saint-Christophe en droite ligne. Les marchandises recueillies à Saint-Christophe seront partagées à hauteur de 50 % entre les hommes qui passent aux îles, et la Compagnie, après le prélèvement d’un dixième pour d’Esnambuc et Roissey et d’un vingt-cinquième (2 %) pour les écrivains19. En 1628, le capitaine Vaullart conduit à Saint-Christophe un flibot armé par la Compagnie. Dutertre parle de six cents hommes recrutés pour un coût de 9000 livres. L’opération aurait été décidée par les associés le 29 mars20. Mais on peut douter de la véracité des chiffres avancés par Dutertre car un flibot ne saurait supporter autant hommes !
7La Compagnie participe aussi à la grande expédition de Cahusac en 1629 en envoyant la Cardinale. L’escadre elle-même comprend d’après le rapport du commissaire général de la Marine, Louis Le Roux, sieur d’Infreville, rédigé à l’intention de Richelieu : les Trois Rois, un vaisseau commandé par Cahusac ; la patache l’Intendant du capitaine Nicolas le Roy, sieur du Mé ; la patache le Cerf-Volant et sa galiote du capitaine Jérôme Caverley dit Giron ; la Sainte-Marie du capitaine André Pizon de La Pelitière ; le Dauphin et sa barque du capitaine Auguste Le Héricy, sieur de La Morinière-Pontpierre ; l’Aigle du capitaine Richard Bleurriot, sieur des Lombards21. L’historien Philippe Barrey ajoute la patache la Sainte-Anne du capitaine Jean Hervé. Trois autres navires la Marie, de 50 tonneaux, du capitaine Allain Liot, le Saint-Thomas du capitaine Thomas Roze, et la Françoise de 50 tonneaux du capitaine Regnauld rejoignent plus tard l’escadre22.
La nouvelle stratégie de la Compagnie
8Il n’est plus question après 1635 dans les délibérations des associés ou dans la correspondance adressée aux agents ni de la Cardinale, ni de la Catholique, ni du flibot. Le sort de ces navires demeure inconnu. Les associés n’ont pas pourtant totalement abandonné l’idée d’avoir leur propre flotte car ils débattent à plusieurs reprises de cette possibilité d’acquérir de nouveaux navires. Ils se résolvent finalement, le 5 janvier 1639, à prendre des parts dans le navire du nouvel associé, Jacob Bontemps, à hauteur des sept huitièmes pour 3266 livres23. Le contrat est passé le 7 février 1639 entre Bontemps et la Compagnie et agrée le 2 mars. Le bateau part aussitôt aux îles avec des marchandises pour les habitants24. Mais en 1639, la Compagnie invite son commis à Saint-Christophe, Fougeron, à négocier l’achat d’un bateau anglais ou hollandais entre 120 et 250 tonneaux payable en pétun25. Son usage n’est pas précisé. Cet achat s’est-il réalisé ? Il est question dans les délibérations des années 1639 et 1640 d’un navire appartenant à la Compagnie mais il n’est plus mentionné par la suite26. Ce sont semble-t-il les dernières velléités des associés d’acquérir un navire. Cela leur semble trop onéreux et peu adapté à leurs besoins. Le coût d’une flotte est en effet important. Le prix d’un navire oscille alorsentre 8000 et 10000 livres. C’est l’investissement initial. Il faut encore compter les salaires des marins et les victuailles pour la traversée. En 1660, Cosimo Brunetti estime qu’un équipage de 50 hommes revient à 1000 livres par mois, à raison de 16 à 18 francs par mois pour les marins, 100 pour le capitaine, 60 pour le maître d’équipage, 40 pour chacun des deux pilotes et 36 pour chacun des deux charpentiers et 24 pour le canonnier et entre 12 et 13 pour quelques matelots. Il compte un baril de biscuit par homme pour deux mois qui vaut trois écus, quatre barils de lard pour les 50 hommes au prix de 55 francs le baril27. Les associés préfèrent faire transporter leurs hommes et leurs marchandises sans frais par les capitaines qui ont obtenu un congé, et recourir à l’occasion à l’affrètement d’un navire quand ils ont de grandes quantités de marchandises à porter aux îles, plutôt que d’avoir à entretenir une flotte et des équipages.
9Aux Antilles, il y a des embarcations pour transporter les personnes et les marchandises d’une île à l’autre, pour pêcher et pour faire la guerre. Ainsi en 1636, L’Olive prend place sur une « chaloupe biscayenne » avec le sieur de la Fontaine pour courir sus aux Indiens de la Guadeloupe avec une quinzaine de soldats28. Il se rend aussi en barque à Saint-Christophe pour charger des provisions pour la Guadeloupe29. Il peut s’agir de la même embarcation. En 1639, du Parquet a lui aussi une barque. Il est d’ailleurs assailli à son bord par les Indiens au large de la Dominique30. En 1640, Sabouilly se rend à la Guadeloupe à bord d’une chaloupe de 16 hommes à rames et à voile31. La Compagnie est convaincue de l’importance des liaisons entre les îles et de la nécessité d’avoir quelques navires. Aussi donne-t-elle à Poincy 4000 livres à prendre sur la récolte de pétun pour acheter plusieurs barques en 1638. La Compagnie renouvelle sa proposition pour une barque pour Saint-Christophe en 1640. Jean Rozée, consulté à cette occasion, penche pour l’achat d’une bonne barque de cinquante ou soixante tonneaux en 1641. Le 27 mars 1641, la Compagnie écrit à Poincy qu’elle prendra en charge tous les frais et les avances qu’il aura faites32. Poincy dispose en 1642 d’un petit navire, une « frégate » de 50 ou 60 tonneaux, apparemment assez vieux dit Dutertre. Ce navire accomplit plusieurs traversées de l’Atlantique. Il quitte Saint-Christophe pour La Rochelle le 14 avril 1642 sous le commandement du capitaine des Parquets avec le dominicain Jean-Baptiste Dutertre. Le 14 septembre 1645, le frère convers dominicain Charles de Saint-Raymond rentre en France pour rencontrer les directeurs de la Compagnie sur ce navire avec des Parquets33. Mathias Dupuis passe en France vraisemblablement en 1650 ou en 1651 sur un navire toujours commandé par des Parquets. Mais il ne semble pas qu’il s’agisse du même bateau, car le dominicain parle d’un grand vaisseau de 300 à 400 tonneaux armé de trente canons de grand calibre34. La Guadeloupe n’est pas oubliée. Quand Aubert revient aux îles en septembre 1640, il apporte une double barque en fagot qu’il a fait faire à Dieppe pour 400 livres. Elle est aussitôt montée. Le dominicain de La Mare la bénit. Elle sert à la pêche afin d’assurer le ravitaillement des habitants. Mais, lors d’une sortie en février 1641, la barque trop chargée de marchandises, verse à cause d’un coup de vent. Treize hommes périssent dans le naufrage dont Tesson, le commis de la Compagnie, et Grandville, un lieutenant de milice. Aubert en réchappe. Mais la barque est perdue. Il dispose encore malgré tout d’un petit canot35. Cela n’est guère jugé suffisant à Paris. Berruyer, en apprenant la nouvelle, engage la Compagnie à faire faire une autre barque à Dieppe et à l’envoyer à la Guadeloupe par le premier bateau. Cette barque ne semble pas avoir été gardée par Aubert car la Compagnie lui demande de s’expliquer sur sa vente quelques temps plus tard36. Des embarcations sont construites sur place. La Compagnie envoie pour cela des charpentiers de chaloupe en 1637. Le dominicain Raymond Breton rapporte qu’on fait aux îles des canots « dont on navigue à la côte » avec du bois d’acajou rouge qui a l’avantage de ne pas pourrir. Ils ont en général 30 à 40 pieds de long et de 4 pieds et demi à 5 pieds de large37. Quelques particuliers ont des barques. Antoine Girault possède un navire à Saint-Christophe pour la pêche et l’approvisionnement des habitants en 1636. La Rivière se rend fréquemment sur sa barque pour pêcher au large de la Grenade sur sa barque. Au début de l’année 1649, le gouverneur de la Martinique, Jacques Dyel du Parquet, le charge de reconnaître l’île pour un futur établissement38. Certains Français ont probablement adopté la pirogue caraïbe pour circuler entre les îles.
Les armements de la Compagnie
10La Compagnie affrète pour son compte quelques navires pour envoyer des hommes et des marchandises aux Antilles. Les contrats sont négociés avec les capitaines et les maîtres de navire par ses agents dans les ports, principalement au Havre. Ils ne représentent qu’une partie du trafic vers les îles, à côté de ceux qui ont obtenu un congé de la Compagnie pour traiter aux îles ou faire passer des colons et des engagés.
Les contrats passés avec les capitaines
11Les contrats signés entre les capitaines et les receveurs de la Compagnie au Havre sont assez standardisés. Ils précisent la destination, le port de départ et d’arrivée, et les conditions d’embarquement des passagers et des marchandises. Ainsi, Robert Sollier, capitaine et maître de la Petite Nostre-Dame, s’engage auprès de Cavelet du Herteley le 6 mars 1635 à prendre à son bord à destination de Saint-Christophe toutes les personnes, vraisemblablement recrutées par Cavelet du Herteley, à emporter pour la Compagnie quatre ou cinq tonneaux de munitions et de marchandises à remettre à l’un de ses agents une fois à destination, et à prendre deux ou trois personnes désignées par la Compagnie sans frais. Il tiendra un registre d’embarquement, avec les noms, surnoms, seigneuries, âges et demeures et s’engage à obtenir des commis un certificat pour les produits débarqués. Le voyage de retour comporte aussi des obligations, et suit à peu de chose près la même procédure. Robert Sollier doit transporter les marchandises de la Compagnie produites dans l’île comme le pétun et le coton, sans exiger aucun fret à raison d’un onzième de la cargaison. Il ne peut transporter de passager sans congé du gouverneur et des écrivains. Il peut en revanche traiter librement aux îles39. Certains contrats peuvent comporter des dispositions complémentaires, d’autres ne mentionnent que le transport d’armes et de munitions. Ainsi Pierre Le Charbonnier, capitaine de la barque le Don de Dieu florissant, doit juste porter douze mousquets à Saint-Christophe le 8 mai 1635. Il est déchargé de toutes les autres obligations envers la Compagnie40. Jean Gandouin est autorisé en 1636 à partir de La Rochelle s’il emporte six mousquets à Saint-Christophe et en revient avec le pétun de la Compagnie. Aufret, de Quimperlé, obtient d’envoyer une barque en 1637 à la Martinique à charge d’y laisser six mousquets et six bandoulières et de rapporter des marchandises pour la Compagnie sans fret à raison d’un dixième de la cargaison41. Il est vraisemblable que la Compagnie ne peut charger tous les bateaux affrétés car elle n’a pas assez de marchandises et d’hommes à faire embarquer, notamment durant les premières années des établissements.
12Il n’est guère question d’assurance dans la documentation sauf à propos de deux opérations menées par la Compagnie. En 1639, elle assure les marchandises qu’elle met sur le navire du capitaine Bontemps pour 3000 livres. En 1642, Jean Rozée prend une police d’assurance à raison de 15 % sur le navire et les marchandises du capitaine Gandouin auquel la Compagnie est intéressée42. Peut-être certains capitaines et bourgeois ont-ils assuré leur navire ou leurs marchandises, mais les archives n’ont pas gardé trace des polices qui sont souvent détruites à cette époque quand le navire revient de son périple sans incident43. Les capitaines privilégient le partage du risque. Les chartes-parties à tiercement dominent le monde maritime normand. Maîtres de navire, bourgeois, capitaines et équipages participent à l’avitaillement et aux marchandises de traite44. Ils ne disposent pas toujours du capital nécessaire et recherchent parfois un prêt à la grosse aventure. En 1638, Guillaume Goubard, bourgeois du navire l’Espérance, obtient de Léonard Delange 250 livres à 40 % de profit pour un voyage aux îles. Ce taux semble singulièrement moins élevé que ceux pratiqués au Havre et à Dieppe au début du siècle45. Le prêt à la grosse est assez courant dans les opérations maritimes à Rouen et à La Rochelle. Il semble plus anecdotique à Nantes, du moins en ce qui concerne le commerce vers les Antilles46. Les sommes sont empruntées en général auprès d’autres marchands et maîtres de navires du port de départ. Elles sont souvent peu importantes, quelques centaines de livres en moyenne, parfois moins, ce qui conduit à s’adresser à plusieurs personnes pour réunir le montant nécessaire pour financer l’affaire47.
13Les capitaines de navires ont aussi la possibilité de faire des prises aux mêmes conditions que les capitaines généraux de la Compagnie. Les temps sont à la lutte sur mer pour s’assurer une place dans le monde maritime. Les capitaines qui partent aux Antilles sont des habitués de la course à l’image de d’Esnambuc et de Roissey. Plusieurs se sont illustrés contre les Anglais dans la Manche et la mer du Nord à la fin des années vingt comme Jacques Labbé, Abraham Grenier, et Liot48. La déclaration de guerre à l’Espagne en 1635 permet d’obtenir des congés pour faire la course partout où cela est possible, et notamment aux Antilles. Le capitaine Allain Liot obtient son congé de Richelieu « pour aller faire la guerre aux Espagnols, Portugais, Biscayens et sujets du roi d’Espagne » en 163649. En 1636, le capitaine de la Fleurissante peut mener la guerre aux ennemis du roi50. Cependant en 1637, la Compagnie des îles de l’Amérique se veut prudente. Elle met en garde les capitaines trop aventureux. Elle invite en particulier le capitaine Labbé à ne point aller sur la côte de Porto Rico, Hispaniola ou Cuba « pour y faire des prises » dans la crainte d’irriter les Espagnols et de les voir s’en prendre aux établissements français51. Mais le 13 décembre 1638, elle indique au capitaine Jean Danriot, originaire de Saint-Jean-de-Luz, en partance du Havre pour Saint-Christophe sur la Sainte-Anne, qu’il peut faire « la guerre contre les Espagnols, pirates et autres ennemis de la couronne aux lieux où le capitaine avisera bien être ». Il recevra un onzième des prises et des conquêtes pour le pot-de-vin. Un dixième reviendra au cardinal52. Plusieurs autres capitaines reçoivent visiblement la possibilité de faire eux aussi la course entre 1638 et 164053.
14La Compagnie, inquiète des conditions de vie à bord lors des traversées, donne aussi des instructions aux capitaines de navires afin « que le nombre de passager ne soit pas trop grand pour les incommodités qu’en ont eu ceux qui sont partis l’année dernière54 ». Peut-être a-t-elle sollicité ses receveurs dans les ports pour qu’ils prêtent une plus grande attention aux embarquements. Les capitaines, qui commandent les navires et dont ils sont souvent les maîtres, et les bourgeois qui participent financièrement aux opérations, sont dans une recherche évidente de gain. Ils tentent de faire passer le plus possible de personnes sur leur bateau, non seulement pour encaisser davantage de droits de passage, mais aussi parce qu’ils ont besoin d’engagés pour servir sur leurs plantations ou celles qu’ils tiennent avec leurs associés55. Les capitaines prennent de même trop de fret, ce qui rend leur navire difficilement manœuvrable et risque de compromettre le voyage. La Compagnie rend les capitaines de navires responsables de la sécurité des femmes qui sont à leur bord, « il sera fait défenses dans les vaisseaux qui iront aux îles à tous passagers et équipages dudit vaisseau de ne méfaire ni médire aux femmes et filles qui y passeront à peine au capitaine dudit vaisseau d’en répondre en son propre et privé nom56 ». Elle invite au respect des différentes sensibilités religieuses. Elle écrit ainsi aux marchands de Dieppe qui assurent au milieu des années trente les liaisons vers la Guadeloupe sur des navires commandés par des protestants que les pères capucins doivent « être traités au passage avec respect et charité et les autres passagers le plus charitablement qu’il se pourra sans qu’aucun soit contraint d’entendre les prières de ceux de l’équipage qui sont de la religion autrement qu’il en sera fait plainte à sa majesté et à monsieur le cardinal, grand maître de la navigation57 ». Il semble que les choses se passent assez bien à bord. Les récits des voyageurs ne mentionnent pas de difficultés majeures, ni de friction.
15Les associés comptent en général trois mois pour préparer un navire58, mais certaines opérations prennent davantage de temps. Le montage de l’expédition de 1637 en est une bonne illustration. Nous en connaissons les différentes phases grâce aux contrats signés et aux délibérations. Le 4 mars 1637, les associés désirant envoyer huit cents livres de poudre et cinquante mousquets à Saint-Christophe chargent leur agent au Havre de s’entendre avec le capitaine Grenier qui dispose d’un navire de 140 tonneaux, l’Espérance. Ils pensent par la même occasion passer sur le navire deux capucins avec leur serviteur. Ils donnent 300 livres aux religieux et paient même le passage du serviteur. Le 31 mars 1637, un contrat est établi avec le capitaine havrais. Il est signé par Cavelet du Herteley le 16 avril 1637 et approuvé par la Compagnie le 3 juin 163759. Il peut partir. Il aura fallu trois mois pour tout préparer. Le navire mettra deux mois pour rejoindre les Antilles. Mais le temps entre la décision d’envoyer un navire et son arrivée sur les lieux peut être très long. En 1639, Poincy attend avec impatience le navire promis par la Compagnie. Il lui écrit à ce sujet à plusieurs reprises le 15 août 1639, le 1er décembre 1639 et le 25 janvier 1640. La préparation du navire demande visiblement plus de temps que prévu. Et quand, le 19 février 1640, le bateau est enfin prêt, la Compagnie ne peut avitailler faute d’argent. Il reste donc à quai. Le bateau part finalement après bien des difficultés, mais il est malheureusement pris par les Dunkerquois. La Compagnie se charge alors de trouver une solution le 14 mai 1640 afin d’envoyer les marchandises promises à Saint-Christophe60. Les missionnaires, peu habitués aux choses de la mer, notent la longueur des temps d’embarquement qu’ils expliquent par le fait qu’« ils dépendent de beaucoup de personnes et d’une infinité de choses différentes61 ».
16Les difficultés d’organisation des expéditions éclairent les relations entre les associés et les capitaines de navires. La Compagnie apparaît soucieuse de voir arriver ses marchandises et de ne pas subir de préjudice. Aussi sait-elle remercier et récompenser les capitaines attentifs à ses intérêts, même si elle déplore dans le même mouvement le temps passé dans l’acheminement des marchandises. En 1643, la Compagnie affrète le navire de Mathurin Pelet, la Petite Notre-Dame de Honfleur. Il quitte le port normand le 23 mars 1643 avec trente passagers. Il semble qu’ils se soient arrangés sur ce point car il aurait dû en emporter quarante. Pelet relâche à La Rochelle le 22 mai, pour se protéger poursuivi par des navires ennemis. Le mauvais temps s’en mêle. Les vents contraires empêchent toute sortie du port. Pelet épuise ainsi ses victuailles et doit ravitailler. Il quitte enfin La Rochelle le 7 juillet pour effectuer la traversée, « ayant perdu beaucoup de temps ». Il demande à la Compagnie à son retour en France de lui payer 45 livres par passager au lieu des 30 convenues. Elle loue sa prudence, car en préfrant attendre à La Rochelle un temps clément pour assurer le passage des hommes aux îles, il a sauvé le navire et les marchandises. Aussi, accepte-t-elle de prendre en charge la nourriture des passagers pour les deux mois passés entre Dieppe et La Rochelle, à raison de 6 sols par jour (pour un montant total de 54 livres) et de payer les deux tiers des frais supplémentaires occasionnés, en laissant le dernier tiers à sa charge62.
Le respect des contrats
17La Compagnie exige des capitaines qu’ils respectent les clauses des contrats qu’ils ont été signés. En 1636, Antoine Richard de Vateuille ne veut pas prendre à son bord les hommes de la Compagnie malgré les avertissements qu’elle lui adresse. Elle en avise aussitôt ses agents aux îles et son navire est saisi à son arrivée à Saint-Christophe. Les associés de Vateuille demandent un compromis. Cavelet du Herteley est chargé de la négociation63. Un dédommagement a dû être accordé. Le capitaine Boulanger, lui, ne rapporte pas le pétun de la Compagnie de Saint-Christophe. Le receveur de Dieppe fait saisir son bateau. Les associés envisagent de s’adresser aux juges de la Marine de Dieppe le premier juin 1639. Boulanger renvoie toute la responsabilité de l’affaire sur le commis général de la Compagnie à Saint-Christophe, Fougeron, qui l’avait assuré dans un premier temps qu’il n’avait pas de pétun à lui confier, avant de se raviser deux jours avant le départ prévu alors que le bateau était plein. Boulanger aurait alors refusé de débarquer ses marchandises pour le satisfaire, refusant de prendre du retard. Le gouverneur Poincy l’aurait autorisé à partir. On ne peut douter de la version de Boulanger, l’homme d’ailleurs dit pouvoir prouver ses dires et se soumettre entièrement au jugement de la Compagnie64. Le commis de la Compagnie s’est montré dans cette affaire un peu négligent et son affirmation d’autorité au dernier moment, peut-être pour se rattraper aux yeux de la Compagnie, n’a pas été du meilleur effet.
18Mais les capitaines ont aussi l’occasion de se plaindre à la Compagnie, notamment pour des retards de paiement. En 1645, le capitaine Barbier de Dieppe réclame, en son nom et au nom des bourgeois de son vaisseau, ses associés, le paiement des bestiaux (trente bêtes à cornes, vingt-trois bourriques, deux cent cinquante cabristes), des vingt-trois tonneaux de sel, du pétun qu’il a délivrés aux commis de la Compagnie à la Guadeloupe suivant les marchés passés avec le gouverneur Charles Houël. Il vient à Paris pour être entendu par la Compagnie. Il présente les certificats des commis qui ont reçu les marchandises. Il réclame 18533 livres. Les associés sont gênés. Ils doivent bien reconnaître qu’ils sont en tort, mais ils veulent au préalable vérifier les documents que leur remet Barbier et calculer ce qui lui est dû. Barbier ne peut attendre davantage à Paris le résultat de leurs travaux car il est déjà depuis six semaines dans la capitale, aussi les associés lui avancent-ils un premier acompte de 4000 livres. Berruyer et Cazet réduisent après examen les prétentions de Barbier à 10411 livres. La Compagnie avalise la liquidation du contentieux le 3 novembre 1645. Mais le premier décembre 1645, elle n’a toujours pas exécuté le paiement et le capitaine Barbier, impatient, s’adresse à nouveau à elle65. Il a dû être satisfait finalement car on n’entend plus parler de cette affaire par la suite.
Les activités des capitaines dans les îles
19Les capitaines de navire profitent de leur venue dans les îles pour faire des affaires pour leur compte. Ils se rendent indispensables pour passer hommes et marchandises d’une île à l’autre. Le capitaine Bras-de-Fer transporte notamment le nouveau lieutenant général Aubert de la Guadeloupe à Saint-Christophe le 5 octobre 164066. Le capitaine Valery passe le père Raymond Breton à la Dominique le 19 janvier 1642, puis Dutertre de la Guadeloupe à Saint-Christophe Le 12 mars 164267. Ils jouent ainsi un rôle essentiel dans la communication des nouvelles et la bonne conduite des affaires des îles par les gouverneurs et les agents de la Compagnie. Quelques capitaines s’adonnent à la pêche. Nicolas Lambert en 1638 et Robert Grief en 1641 partent aux îles pour chasser le lamantin est-il précisé dans les contrats signés avec Cavelet du Herteley. Le capitaine du navire rochelais la Désirée gagne Saint-Christophe et la Guadeloupe en 1646 pour se consacrer à la pêche à la tortue, tout comme Charles de Bérigny en 165068.
20Quelques capitaines s’établissent temporairement ou de façon prolongée dans les îles. Mais il est possible que le phénomène soit plus ample que ne le laissent entrevoir les délibérations de la Compagnie. Dutertre rapporte que plusieurs capitaines de navires ont pris des habitations à la Guadeloupe dans les années quarante une fois la paix établie69. Le capitaine Monlabeur acquiert deux habitations à la Martinique en 1641 qu’il entend faire défricher. Il compte passer trente hommes pour lesquels il demande l’exemption des droits dus à ladite Compagnie et la décharge de la garde ordinaire durant trois années. La Compagnie n’accorde l’exemption que pour une année « à la charge qu’ils ne travailleront qu’auxdites habitations nouvelles et où l’on n’a encore travaillé, et quant à la garde, elle est nécessaire pour la conservation de tous et ne sera importune puisque la Compagnie, pour le soulagement des habitants, a ordonné de raser le Fort-Royal70 ». Le capitaine Raimbaut tente de trouver une place dans l’administration à son beau-frère qui est passé aux îles en 1636. La Compagnie lui promet de le gratifier d’une charge de commis à la Martinique s’il se comporte en homme d’esprit et de conduite. Le capitaine Flament obtient en 1643 de la Compagnie de pouvoir faire de l’eau-de-vie à la Guadeloupe durant trois ans et d’en importer de France71.
21Mathieu La Caille offre un profil un peu différent. Il a à son actif plusieurs voyages vers les îles. Il est un marchand connu de la place de Rouen. Il s’associe avec son frère Jean pour acheter à parts égales une habitation à Saint-Christophe. Il la cède le 6 mars 1634 à Philippe Paon du Havre pour se consacrer à l’affrètement des navires pour les Antilles pour le compte de la Compagnie. Les raisons de ce brusque revirement demeurent obscures. Il quitte ainsi Le Havre pour Saint-Christophe en 1636 sur l’Espérance, une barque de 50 tonneaux, puis il repart en 1637, toujours sur l’Espérance, pour Saint-Christophe et la Martinique72.
22Les capitaines et les équipages sont aussi sollicités par les gouverneurs pour régler leurs différends. En 1646, Poincy réquisitionne plusieurs navires dans sa lutte contre le nouveau lieutenant général du roi Patrocle de Thoisy73. Il envoie aux îles Vierges une soixantaine de Français dont il veut se débarrasser sur la barque de Jean Pinart en septembre 164774.
Portraits de quelques capitaines habitués de la Compagnie
23La liste des capitaines ayant signé un contrat avec la Compagnie ou ayant obtenu un congé, est longue. Ils sont nombreux au Havre et à Dieppe à être impliqués dans un voyage vers les îles, notamment vers Saint-Christophe. Nous avons compté 117 noms de capitaines de navires pour les départs entre 1635 et 1648. Mais bien souvent les opérations vers les îles sont sans lendemain. Seule une poignée de capitaines effectuent plusieurs voyages, 22 effectuent deux voyages ou plus ; 2 font cinq voyages, 1 quatre voyages et 6 trois voyages. Ils représentent à eux seuls 33,3 % du trafic. Ce constat vaut encore pour les décennies suivantes. 38 % des navires nantais qui vont aux îles entre 1673 et 1695 ne font qu’un seul voyage, 30 % plus de 2, et 32 % seulement effectuent des liaisons régulièrement75.
24Les capitaines qui vont aux Antilles ne fréquentent pas les eaux canadiennes. Les relevés et les listes de navires en ligne permettent de vérifier que seuls quelques capitaines empruntent à un moment ou un autre la route vers Terre-Neuve : Jacob Bontemps en 1638 et en 1639 sur le Saint-Joseph, Pierre Grégoire en 1632 sur le Saint-Pierre76 et Jacques Le Bœuf en 1647 sur la Marie77. Jean Gandouin fait, lui, ses premières armes aux Antilles avant d’aller au Canada. Il peut en revanche exister une entente dans certaines familles de marins pour se partager les zones d’activité. Le capitaine dieppois Raoul Languillet part ainsi en 1635 à bord de l’Espérance pour la Gambie, la Guinée, et les îles du Pérou78. Nous trouvons à Dieppe en 1628 un Paul Languillier, vraisemblablement un parent, à moins qu’il ne s’agisse du même homme, son prénom et son nom étant lus de façon diférente, qui, en tant que maître conducteur des navires l’Étourneau et la Suzanne, va chercher du sel à Brouage pour aller pêcher la morue au large de Terre-Neuve79.
25Quelques capitaines semblent coutumiers du service de la Compagnie. Les associés s’adressent ainsi le 25 août 1635, alors qu’il faut envoyer de toute urgence des armes à Saint-Christophe, aux capitaines Le Telier au Havre, Des Sablons à Fécamp, Péron à Harfleur, et Liot. Cavelet du Herteley quitte Paris pour Le Havre afin de s’entendre avec eux80. Liot, qui était déjà dans la Caraïbe dans les années vingt, effectue deux voyages en 1636 pour le compte de la Compagnie81. Nathanaël Péron dit Daniel part à plusieurs reprises pour le compte de la Compagnie durant les années trente. Il effectue un premier voyage en 1635 sur le Saint-Pierre, une barque 70 tonneaux, puis un deuxième en 1636, et un troisième en 163782. Il n’apparaît plus par la suite. Mais les noms de capitaines qui reviennent le plus souvent dans la documentation sont Labbé, Ansot, Gandouin et Drouault.
26Le capitaine Labbé relie régulièrement la France aux îles. En septembre 1635, il apporte vingt-six hommes et un peu de vivres à la Guadeloupe. Il passe ensuite à Saint-Christophe où il prend le dominicain Pierre Gryphon de La Croix avant de regagner la France au mois de novembre. Labbé repasse aux îles vraisemblablement au début de l’année 1637 car les associés mentionnent dans la délibération du mois de mars son arrivée à Dieppe avec un serviteur des jacobins. Il repart bientôt. En mai 1638, il est à nouveau en France. Il vient de ramener les capucins Marian et Polycarpe de Vire. Il reçoit la permission d’aller aux îles à nouveau en 1639 à charge d’emporter huit mousquets et autant de bandoulières à remettre au commis de la Martinique, ou à défaut à celui de Saint-Christophe. Peut-être demeure-t-il quelques temps aux îles. En 1641, il manque de perdre son bateau dans la rade de Saint-Christophe quand des officiers qui étaient montés à bord passablement éméchés ont mis le feu à un tonneau d’eau-de-vie83.
27Jean Gandouin est un capitaine huguenot de La Rochelle84. Il part pour la première fois pour Saint-Christophe en 1637. Le 3 mars 1638, la Compagnie l’autorise à aller à Saint-Christophe en emportant six mousquets. Son navire est affrété par la Compagnie en 1642 à destination de Saint-Christophe85. En 1645, il emmène quatre jésuites, deux capucins et Charles Houël aux îles sur son navire. Ils arrivent le 29 mai à la Guadeloupe86. En 1646, la Compagnie donne un nouveau congé au capitaine Gandouin à la charge qu’il passe des mousquets à la Guadeloupe et rapporte le certificat prouvant l’opération87. Gandouin offre la particularité d’aller tout autant aux îles qu’au Canada. Les relevés des départs de bateaux de La Rochelle faits par Marcel Delafosse dans les archives charentaises laissent en effet apparaître qu’il participe à la même époque à de nombreux affrètements pour le Canada. Il part ainsi en 1644 sur le Dauphin pour Miscou et Tadoussac. En 1650, il est en Acadie88. Il est encore vraisemblablement présent dans les eaux canadiennes en 165589. Il en est de même pour deux autres capitaines rochelais connus, Jean Bourdet90 et Le Bœuf91, qui partent aux îles respectivement en 1646 et 1648. Les archives de l’amirauté de La Rochelle mentionnent l’implication de Jacques Le Bœuf dans des affaires de contrebandes de peaux en 1640. Il reçoit en 1647 la permission de partir sur son vaisseau la Marie pour Terre-Neuve. Étienne Bourdet, vraisemblablement un parent de Jean Bourdet, participe plus tard en 1655 à la pêche au large de Terre-Neuve92.
28Il semble donc que les différents acteurs rochelais du commerce et de la navigation – capitaines, marchands, receveurs – sont tout autant impliqués aux îles qu’en Nouvelle-France. Les affaires canadiennes et antillaises semblent davantage liées qu’on ne le suppose en général, mais cela passe plus par les investisseurs et les facteurs que par les capitaines, et demeure propre à certains lieux.
Les liaisons maritimes vers les îles
Les départs vers les îles
29Il existe à la suite de Dutertre toute une littérature déplorant la faiblesse des envois de la Compagnie aux îles. Poincy d’ailleurs, alors qu’il cherche à justifier son insubordination, dénonce le peu de navires que la Compagnie a envoyé aux îles, « mais où sont les navires qu’ils ont frétés pour ce sujet, où sont les capitaines qu’ils ont commandés ? », demande-t-il avec véhémence93. Pourtant, les archives attestent que de nombreux bateaux ont été affrétés par la Compagnie, même à l’époque de la Compagnie dite de Saint-Christophe. Philippe Barrey identifie ainsi 26 navires envoyés par la Compagnie entre 1626 et 1635, en comprenant les navires de l’expédition de Cahusac94, encore son compte est-il incomplet, car bien d’autres navires croisent dans les eaux antillaises. Il ne connaît pas par exemple le navire d’Olonne affrété par des marchands nantais pour Saint-Christophe en 162995. L’Anonyme de Saint-Christophe écrit au début des années quarante qu’« il y a toujours et en toute saison des navires aux côtes de ces îles96 ». La quantification de l’activité de la Compagnie des îles de l’Amérique en matière de transport n’est pas aisée à établir car elle l’exerce de plusieurs façons : elle affrète des navires pour envoyer ses marchandises ; elle prend des parts dans certains navires ; enfin, elle utilise les capacités de ceux qu’elle a autorisé à passer aux îles pour transporter certains biens.
30La reconstruction du trafic général vers les Antilles se heurte à plusieurs difficultés. Premièrement, il n’existe pas de registres des sorties de navires dans les ports pour évaluer le nombre des départs vers les îles. Il faut attendre 1670 pour que les déclarations de présence au port, l’état des cargaisons et le dépôt des rôles des équipages au greffe de l’amirauté soient obligatoires et permettent de mieux connaître les armements97. Deuxièmement, les archives notariales connaissent des manques dommageables pour certaines années quand elles n’ont pas totalement disparues. Troisièmement, les petits navires de 25 ou 50 tonneaux qui accompagnent des navires plus gros ne sont toujours pas mentionnés. Ils servent d’éclaireur en mer, éventuellement de bateau de sauvetage. On les appelle des « mouches » ou des « découvertes98 ». Quatrièmement, certains départs vers les îles se font sur des navires étrangers et depuis des ports étrangers99. Enfin, si nous connaissons relativement bien les mouvements des grands ports de la Manche et de l’Atlantique, les navires qui ont pu être affrétés dans de petits ports nous échappent. La densité des lieux d’armement est grande en Normandie autour du Havre et de Dieppe, citons Fécamp, Honfleur, et Harfleur. La situation est identique dans l’estuaire de la Loire. On arme du côté de Nantes, à Paimboeuf, au Croisic, à Pornic, à Saint-Nazaire, et au Pouligen100. Aussi l’état du trafic vers les îles que nous pouvons esquisser est forcément incomplet et ne peut rendre compte avec exactitude de l’ampleur de celui-ci. Il existe d’autres difficultés. Les navires ne sont pas toujours clairement identifiés, car ils portent très souvent les mêmes noms et sont d’un tonnage comparable, ou bien les tonnages avancés par les marchands pour un même navire sont singulièrement différents d’un contrat à l’autre pour des raisons d’assurance et de fiscalité. Les relevés des sorties des navires des ports de France vers les îles effectuées par les historiens et les archivistes sont précieux101. Cependant, s’ils permettent de saisir d’implication des marchands et des armateurs des différents ports, ils ne permettent pas d’apprécier le trafic par une simple addition car les navires passent de port en port avant de faire la traversée, et risquent d’être comptés plusieurs fois. Ainsi, Antoine Le Cesne quitte Honfleur pour les îles en passant par La Rochelle en 1638. Le Saint-Georges, un navire de 250 tonneaux, commandé par le capitaine Baptiste Girard, part du Havre en 1644 puis gagne La Rochelle avant de traverser l’Atlantique. Philippe Barrey le compte comme partant du Havre et Marcel Delafosse comme partant de La Rochelle102. Ils mentionnent aussi les capitaines étrangers, principalement hollandais, qui passent par les ports de France103.
31En reprenant et en recoupant les données fournies par les notaires (contrat d’affrètement, charte-partie, contrat d’engagement, prêt, contrat d’association), les amirautés (quand il y a des litiges), les délibérations de la Compagnie des îles et les chroniqueurs, nous obtenons un total de 192 navires français affrétés par la Compagnie, ou par un particulier avec un congé de celle-ci, allant vers les îles à partir des différents ports de la Manche et de l’Atlantique entre 1635 et 1651, ce qui donne une moyenne de 11,3 départs par an. Durant la période de pleine activité de la Compagnie – donc de 1635 à 1648, date de la vente des premières îles –, nous arrivons à 13,3 départs par an. Ils sont assurément plus nombreux. Nous savons que trois capitaines de navires étaient présents à Saint-Christophe en 1635 sans que nous puissions dire depuis quand ils sont là. Ils transportent d’Esnambuc et ses hommes à la Martinique et à la Dominique en 1635104. De la même façon, nous ne savons pas quand sont arrivés les six capitaines de navires réquisitionnés par Poincy en 1646 dans sa lutte contre Thoisy105. Nous ne les avons pas comptabilisés.
Figure 17. L’évolution générale du trafic français vers les îles (1635-1651).

32Le trafic vers les îles connaît un fort développement dans les années trente avec une vingtaine de bateaux106. Il se tasse ensuite vers 1638-1639 pour se stabiliser dans les années quarante autour de neuf départs par an. Le flux est assez irrégulier. Quelques années (1640-1641) semblent cependant connaître moins de mouvements. Les décennies suivantes voient les échanges transatlantiques s’intensifier. Entre 1654 et 1664, 114 navires quittent Dieppe et La Rochelle, soit 12 par an107. Le trafic vers les Antilles demeure dans son ensemble largement supérieur à celui de la Nouvelle-France. Marcel Delafosse ne compte que 4 départs en moyenne par an de La Rochelle, le principal port de départ vers le Canada, entre 1632 et 1670, pour un total de 143 navires en quarante ans108. Gervais Carpin dénombre 51 navires français ayant fait la traversée entre 1628 et 1634, et 126 entre 1635 et 1648, dont de nombreux bateaux de pêche, soit une moyenne comprise entre 5 et 6 bateaux par an pour la première période et de 9 pour la seconde109. Le trafic transatlantique est donc à cette époque surtout orienté vers les Antilles.
33Les départs vers les îles se font essentiellement du Havre, de Dieppe, de Saint-Malo, de La Rochelle et de Nantes. La part des ports normands (Le Havre, Honfleur et Dieppe) dans les liaisons transatlantiques est prépondérante. Le Havre est le principal port d’embarquement pour les îles, quoique le compte soit difficile à établir avec précision, car certains navires affrétés à Honfleur apparaissent comme partant du Havre, ce qui explique en grande partie les chiffres différents avancés par Albert Anthiaume et Philippe Barrey110. Honfleur connaît un trafic nettement moins important que Le Havre à l’époque de la Compagnie des îles de l’Amérique. Charles et Paul Bréard comptent 9 navires ayant quitté Honfleur entre 1637 et juin 1639 (le Henry, le Saint-Nicolas, l’Ange-Gabriel, la Petite-Marie, l’Espérance, la Sainte-Anne, le Saint-Pierre, la Marguerite et le Jacques), ce qui donne une moyenne de 3 départs par an111. Ils sont plus fiables dans leurs chiffres car ils sont plus attentifs aux données figurant dans les chartes-parties, mais leur relevé est très incomplet car il ne concerne que quelques années.
34Le cas de Dieppe est le plus difficile à évoquer car les archives des notaires ont été détruites. Les indications données par les chroniqueurs – notamment le dominicain Raymond Breton – ne permettent pas de reconstituer la totalité du trafic du port normand vers les îles et la façon dont il est organisé par les armateurs. Il est possible cependant que Dieppe connaisse une activité significative et concurrence même Le Havre. Il pourrait y avoir un basculement d’une partie de l’activité du Havre vers Dieppe. En 1663, le chevalier de Clerville souligne dans son rapport d’inspection des ports de la côte adressé à Colbert que « Dieppe [a] son principal négoce dirigé aux îles du Pérou, au Canada ou à la pêche aux harengs, et que Le Havre-de-Grâce [a] tout le sien tourné à la Terre-Neuve112 ». L’enquête de 1664 du lieutenant de l’amirauté Claude Mathé montre que sur les 57 navires long-courriers havrais, 46 sont à destination de Terre-Neuve, 3 du Canada et seulement 2 des Antilles113. Le Havre aurait donc laissé les îles aux armateurs dieppois. Mais qu’en est-il quinze ans plus tôt ? Philippe Barrey pense que cette réorientation du trafic est liée à la mort de l’agent de la Compagnie au Havre, Jean Cavelet du Herteley. Il n’hésite pas à parler alors de la « prééminence » de Dieppe pour les armements vers les Antilles114. Cela témoignerait d’une part de l’importance des hommes dans la construction des échanges et des partenariats, et d’autre part d’une certaine flexibilité du trafic. Rien n’est figé semble-t-il à cette époque.
Figure 18. Les lieux d’affrètement des navires vers les îles (1635-1651).

Figure 19. L’évolution des armements normands vers les îles (1635-1651)

35La part de La Rochelle demeure modeste, mais elle augmente tout au long de la période. Le premier navire part aux îles en 1636. Marcel Delafosse compte d’après les minutes notariales 53 départs de navires entre 1636 et 1651 soit une moyenne de 3,3 départs par an, mais de nombreux navires ne font qu’une escale dans le port charentais et viennent en fait de Normandie. Le mouvement n’est pas uniforme tout au long de la période. La moyenne s’établit à 2-3 navires par an entre 1636 et 1641, et à 4-7 entre 1642 et 1648. Elle retombe ensuite115. Il y en a probablement davantage car les archives sont parfois lacunaires.
36Peu de bateaux fréquentent les autres ports. Nantes participe peu au trafic. 20 navires seulement sortent de Nantes pour les îles entre 1638 et 1651 dont 6 viennent du Havre, de Dieppe ou d’Olonne et ne font qu’une escale à Nantes116. Nantes tarde à se positionner sur le marché antillais. Il n’y a que 3 navires qui gagnent les Antilles en 1664, encore un vient-il de Dieppe et l’autre du Pouligen117. Bordeaux a bien connu quelques affrètements de navires pour le Brésil à la fin du xvie siècle mais est « un acteur occasionnel » pour reprendre la formule d’Éric Saugera118. Les registres de l’amirauté de Bordeaux ne mentionnent qu’un seul navire quittant le port en 1643119. Deux navires venant de Saint-Christophe arrivent à Bordeaux : l’un est un navire rochelais, l’Espérance, en 1643 ; l’autre est un navire hollandais ayant passé par Saint-Christophe et la Barbade en 1645. Les marchands bordelais préfèrent encore se consacrer au commerce du vin et des grains, et recourir aux navires étrangers120. Ils n’interviennent pas dans les affaires coloniales. Nous ne connaissons pas de bateaux partant des ports basques, mais des marins de Saint-Jean-de-Luz et de Bayonne participent en revanche aux équipages vers les îles. Le capitaine Jean Danriot qui conduit la Sainte-Anne en 1638 est originaire de Saint-Jean-de-Luz, tout comme le pilote Martin Damesague et le charpentier Monjouy de Chibery. Antoine de Posty est lui de Bayonne. On trouve encore à son bord des Havrais, des Bordelais, des Angevins, et des Charentais (Brouage, Marennes)121. Les équipages s’avèrent assez composites.
37Le trafic havrais relativement intense avec près d’une dizaine de bateaux par an dans les années trente se raréfie ensuite. La tendance observée par Albert Anthiaume est confirmée par Philippe Barrey. La moyenne des bateaux havrais pour les îles tourne entre 2 et 4 dans les années quarante122. Cela s’inscrit dans un contexte particulièrement difficile pour la marine normande qui connaît entre 1627 et 1664 une baisse générale du nombre de ses navires et de sa capacité de fret123. Les marchands normands ne croient peut-être plus à ce moment au projet colonial. Peut-être les diffi- cultés de la navigation dans la Manche conduisent-elles à davantage de prudence et calment-elles les velléités des moins audacieux. Mais en ce cas, comment expliquer que Dieppe semble tirer son épingle du jeu ? La concurrence entre les ports a-t-elle eu un impact sur le trafic du Havre vers les îles ? En effet, les départs nantais et rochelais sont dans le même temps de plus en plus nombreux, mais ils ne peuvent encore se substituer à la puissance normande. Ils permettent cependant d’équilibrer le nombre de départs vers les îles autour d’une huitaine de navires, entre 6 et 10. Cependant, la baisse des armements dans la Manche dans les années quarante est à relativiser car les Normands participent abondamment à ceux des ports de l’Atlantique124. L’enquête diligentée par Colbert montre que les ports normands dominent encore très largement en 1664 le trafic antillais. Sur les 18 navires partant aux îles à cette époque, 8 sont de Dieppe, 2 du Havre, 1 de Rouen, 1 de Honfleur. La Rochelle en envoie 3, puis viennent Saint-Malo (2), et Nantes (1)125. Le Havre semble tout de même moins présent qu’auparavant. Les raisons de la réorientation du trafic havrais ne connaissent pas d’explication particulière.
Figure 20. L’évolution des lieux d’armement des navires partant vers les îles (1635-1651)126.

Tableau 20. Le tonnage des bateaux havrais vers les îles (en tonneaux).

Sources : Ph. Barrey, Le Havre maritime du xvie au xviiie siècle, op. cit., p. 95 ; Anth, t. 2, p. 139 et 145.
38Les navires qui partent aux îles sont d’une très grande diversité, mais ce sont souvent de petites embarcations. Les relevés au départ du Havre faits par Albert Anthiaume et Philippe Barrey montrent que 71 % d’entre eux ont moins de 100 tonneaux, la moyenne s’établissant autour de 60 tonneaux127. On parle alors de barques128. Cela correspond au gabarit moyen observé pour les navires havrais allant vers les îles du Pérou à la fin du xvie siècle. Sur les 251 navires identifiés par Philippe Barrey entre 1571 et 1610, 72 % comptaient alors moins de 100 tonneaux129. Il y a une certaine continuité dans les armements. Les bateaux de plus de 300 tonneaux sont exceptionnels. Ils étaient 2 entre 1571 et 1610, ils sont 2 entre 1635 et 1642 sur les 31 navires dont le gabarit est connu. Ces bateaux semblent bien plus petits que ceux qui vont au Canada et qui sont d’une centaine de tonneaux130. La moyenne que nous avons établie pour l’ensemble des navires allant vers les Antilles entre 1635 et 1651 se situe à 84 tonneaux. Ces données demeurent cependant à prendre avec précaution car d’un document à l’autre, le gabarit déclaré d’un navire peut-être différent. La Petite Nostre-Dame de Robert Sollier est ainsi de 80 ou de 100 tonneaux et la Sainte-Anne du capitaine Danriot de 100 ou de 150 tonneaux131. Philippe Barrey, pourtant familier des archives et de la navigation, avoue ne pas comprendre comment sont calculées les jauges des navires à cette époque132. Les petits navires continuent d’être privilégiés au début du xixe siècle. En 1802, le tonnage des navires havrais pour les Antilles est compris entre 40 et 400 tonneaux133.
Figure 21. Essai de reconstitution du fret transporté vers les îles de 1635 à 1651134.

39Le fait de recourir à de petites embarcations pour le voyage vers les îles s’explique en grande partie par la structure de la marine marchande française. La flotte havraise compte 73 navires en 1686, 51 navires ont de moins de 100 tonneaux (soit près de 70 %) et 31 navires ont moins de 60 tonneaux135. Par ailleurs, les petits navires sont d’armement plus facile. Jacques Savary des Bruslons rapporte à ce propos au tout début du xviiie du siècle que les navires de 100 à 250 tonneaux sont préférés parce que leur chargement se fait rapidement et qu’ainsi les marchandises ne risquent pas de se gâter136. Comme les navires demeurent de petites embarcations, le fret transporté suit la même courbe descendante que celle du trafic vers les îles. Elle n’est pas compensée par une augmentation du gabarit des navires.
40Les îles sont cependant relativement bien fréquentées par les navires venant de la métropole. Les navires français ne représentent qu’une partie du trafic, et les étrangers sont nombreux. Ainsi, pour le père jésuite Pierre Pelleprat, il ne passe pas moins de quatre-vingts ou cent navires chaque année de toutes les nations dans les îles françaises au début des années cinquante137. Cependant, les liaisons transatlantiques suivent le mouvement saisonnier de la culture du pétun. Le père Dutertre note ainsi qu’à cette époque « on distinguait l’année en deux saisons pour le commerce, et les navires n’y venaient qu’en la saison du pétun pour se charger de la première ou de la seconde coupe, qui sont les meilleures, et dans ce temps-là les magasins regorgeaient de marchandises. Mais on était six autres mois qu’on appelait l’arrière-saison, où ceux qui n’avaient pas fait provision, ou par impuissance, ou par paresse, souffraient beaucoup138 ». Il faut attendre, selon lui, le développement de l’industrie sucrière pour que le trafic soit plus régulier.
Les conditions de navigation
41Les itinéraires suivis par les navires français à destination des Petites Antilles sont connus grâce aux chartes-parties et aux récits des passagers embarqués qui ont livré un témoignage de la traversée. Il n’existe pas à cette époque de journaux de bord donnant les indications de la navigation. Il faudra pour cela attendre la législation colbertienne139. Nous en connaissons donc rarement le détail mais uniquement les étapes.
42Les navires empruntent une route bien connue depuis le xvie siècle. Ils longent la côte de la péninsule ibérique et de l’Afrique de l’Ouest, puis font escale dans l’une des îles de l’Atlantique (Madère, Canaries, Cap-Vert) pour avitailler. L’île de São Vincente dans l’archipel du Cap-Vert est souvent visitée par les navires français. Deux chemins se dessinent alors. Le premier au sud-ouest conduit au Brésil. Les navires remontent ensuite la côte pour atteindre les îles de la Caraïbe. C’est le chemin parcouru par le capitaine Charles Fleury en 1618-1619. Il quitte Dieppe le 20 juin 1618, passe au large des Canaries au mois de juillet, puis s’établit à São Vincente en août. Il gagne ensuite Pernambuc puis Bahia avant de remonter vers les Guyanes et de toucher la Barbade le 18 avril 1619140. C’est un itinéraire souvent utilisé dans les années vingt, et en général par tous ceux qui veulent trafiquer au Brésil et aux Antilles ou relier les différents établissements français en Amérique (Guyane, Antilles). En 1635, le capitaine Raoul Languillet s’engage dans la charte-partie à passer par la Gambie, les îles du Cap-Vert, le Sierra Leone, et le Brésil pour aller ensuite aux Indes occidentales141. Peut-être certains capitaines sont-ils entrés dans le golfe de Guinée pour aller jusqu’au Bénin ou au Congo142.
43Mais avec le développement de la colonisation des Antilles par les Français, le chemin le plus direct est privilégié. Après une escale dans une des îles au large des côtes africaines, les navires prennent les alizés pour franchir l’Atlantique. Le navire sur lequel embarque le dominicain Jean-Baptiste Dutertre quitte la France le 17 janvier 1640 et gagne les Canaries. Il touche la Martinique après deux mois de navigation143. Lors de son deuxième voyage aux Antilles en 1643, le père dominicain passe par Madère144. Certains navires descendent jusqu’aux îles du Cap-Vert pour entreprendre la traversée145. Il faut compter moins de deux mois pour rejoindre les Antilles146. Les escales sont importantes pour ravitailler en eau, faire les réparations nécessaires avant la grande traversée et laisser se reposer les passagers. Mais il suffit que le vent soit propice pour que le capitaine préfère poursuive sa route sans s’arrêter147. L’amirauté de La Rochelle établit dans les années soixante-dix que la durée moyenne de la traversée est de quarante à cinquante jours. Sur 87 navires quittant La Rochelle pour les îles entre 1670 et 1674, 65,5 % mettent cinquante jours pour atteindre leur destination, et 10 % quarante jours. Rares sont les navires qui mettent moins de trente jours148. Le voyage vers les îles peut s’avérer particulièrement long en raison des nombreuses escales dans les ports des îles de l’Atlantique. Il en est ainsi de la Notre-Dame en 1642. Le navire quitte Nantes le 29 mars pour Saint-Nazaire. Puis il vogue vers le sud, double le cap Finisterre, longe la côte du Portugal puis passe à Madère, aux Canaries, aux îles du Cap-Vert avant de toucher les Antilles le 22 août 1642149. Il aura mis cinq mois pour arriver à destination.
Carte 7. Les routes maritimes vers les Petites Antilles.

44Les navires se rendent en priorité à Saint-Christophe, semble-t-il, c’est en tout cas la destination qui apparaît le plus souvent dans les contrats havrais, car c’est la plus importante implantation française. Cependant les Dieppois doivent en vertu du contrat signé en 1635 avec la Compagnie ravitailler la Guadeloupe. La Martinique semble dans ces conditions un peu oubliée. Mais en général, les navires font le tour des établissements antillais. Le contrat signé entre le capitaine dieppois Grégoire et la Compagnie en 1639 stipule ainsi qu’il doit séjourner trois semaines ou un mois à la Martinique, deux semaines à la Guadeloupe, avant de gagner Saint-Christophe pour y déposer des pères capucins d’où il repartira pour rentrer en France. Les choses ne se passent cependant pas comme prévu. Le capitaine décède alors qu’il est à la Guadeloupe, vraisemblablement durant la deuxième quinzaine de juillet150. Les capitaines ne remontent pas la côte américaine jusqu’au Canada pour prendre les vents et les courant septentrionaux. Ils rentrent par les Açores. Les deux espaces semblent hermétiques à cette époque. Il en est différemment des Anglais qui envoient le poisson de Terre-Neuve à la Barbade151.
45Les capitaines et les pilotes s’appuient pour la navigation sur leur expérience ou sur les indications transmises de marin à marin. Il existe aussi des routiers qui apportent des informations sur les routes à suivre pour aller aux Indes et en revenir, les positions des îles et les mouillages152. Le grand routier du hollandais Jan Huyghen van Linschoten est le plus répandu. Il est publié en 1596 et rapidement traduit en plusieurs langues, dont le français dès 1610. Il est réédité à plusieurs reprises au xviie siècle153. Mais il est difficile de savoir si ces ouvrages ont été utilisés. Les capitaines savent de toute façon qu’il faut éviter d’entreprendre le voyage à certaines saisons qui sont sujettes aux tempêtes tropicales. Elles marquent profondément les esprits au point que l’Anglais Robert Taylor tire un petit ouvrage du passage de l’ouragan à Saint-Christophe en 1638154. Les perturbations commencent en juillet et sont particulièrement fortes durant le mois de septembre qui est le plus dangereux155. On préfère toujours un départ des îles avant la mi-août pour rejoindre le vieux continent156. Mais de nombreux événements peuvent conduire des capitaines de navire à partir à des heures moins propices et les bateaux pris dans la tourmente affrontent tant bien que mal les éléments. Charles Houël prend la mer fin juin 1643 pour occuper sa charge à la Guadeloupe. Il doit affronter une grande tempête en pleine mer durant plusieurs jours. Il fait amener les voiles et abattre un mât pour ne pas mettre davantage en danger le navire. Il arrive sauf à destination début septembre157.
46De nombreux facteurs affectent la navigation vers les îles et les liaisons transatlantiques au risque de compromettre la colonisation, les établissements français dépendant des approvisionnements venant de la métropole.
47Il faut attendre les bons vents pour quitter le port. Dutertre patiente ainsi plusieurs mois à Dieppe en 1642 dans l’attente des vents favorables. Le capitaine doit relâcher au Havre trois jours plus tard, le vent ayant changé158. Le mauvais temps oblige plus d’un navire à relâcher dans le port le plus proche à peine parti. En 1636, un navire normand en partance pour Saint-Christophe se met à l’abri à La Rochelle après avoir essuyé trois semaines de mauvais temps. Cette mésaventure entraîne un surcoût du voyage159. Ce genre d’incident appartient à la vie maritime.
48Le mauvais état des navires oblige à multiplier les escales pour les entretenir et les réparer, ce qui allonge inexorablement le temps de la traversée. Le carme Maurile de Saint-Michel souligne la vétusté des navires français. Le bateau sur lequel il se rend aux îles en 1646 est de son aveu même un « navire déjà vieux ». Il invite tous ceux qui veulent aller aux Indes à choisir « un vaisseau s’il se peut, non trop vieux, car ils sont sujets à faire eau et à s’ouvrir aux coups de mer, et aux chaleurs, ou à être bientôt brisé du canon ennemi dans un combat ». Raymond Breton souligne que le naufrage au large de l’Angleterre du navire qui mène en France le dominicain Pierre Coliard est du en partie à son état, c’était un « vieux navire160 » écrit-il. Un navire a une durée de vie moyenne de dix ou quinze ans161 et est considéré comme vieux quand il a une vingtaine d’années. Le manque de préparation des navires conduit parfois le capitaine à devoir relâcher pour refaire le stock de nourriture et d’eau.
49Les capitaines de navire et les pilotes ont aussi leur part de responsabilité dans les mésaventures de la traversée. La littérature est souvent dure avec eux. Ils sont accusés de ne pas toujours bien connaître la route et de compromettre leur navire et leur cargaison. Le carme Maurile de Saint-Michel, toujours de prudent conseil, invite à choisir « un capitaine et des officiers bien intelligents et d’accord, car à défaut de cela, nous pensâmes périr deux ou trois fois en revenant [des îles]162 ». L’odyssée du capitaine Barbeau est à ce titre particulièrement intéressante. Rappelons les faits. En 1636, la Compagnie affrète un bateau chargé de vivres pour la Guadeloupe qui en manque cruellement. Le capitaine Barbeau mal avisé ou mal conseillé par les pilotes, mais c’est souvent la faute des pilotes dans les récits, moins des capitaines, rate sa route et se retrouve au large de la Floride, « distante au moins de cinq cents lieues de la Guadeloupe », ajoute Duterre pour mieux souligner cette étrange erreur de navigation. Le temps que le capitaine comprenne son erreur et gagne les îles françaises, de nouvelles semaines s’écoulent. Il n’arrive qu’à l’automne 1636 dans les îles. Le périple aura duré six mois et les vivres seront perdus163. Mais Barbeau est-il représentatif ? Combien de bateaux se sont ainsi égarés ? Les chroniques montrent que ces cas ne sont malheureusement pas isolés, même si l’exemple du capitaine Barbeau est exceptionnel, « qu’il ne s’en est point vu de semblable depuis qu’on fréquente les îles » insiste Duterre164. Le capitaine Maurice qui conduit un navire pour la Terre-Ferme ne semble pas plus sûr de sa route. Parti de Saint-Nazaire le 4 avril 1648, il se perd à plusieurs reprises sur les côtes africaines. Il faut dire que l’expédition a été mal préparée et plusieurs fois compromise au point que son principal commanditaire, le baron de Dormeilles, s’est retiré de l’aventure, et a cédé la place à son lieutenant La Fontaine. Le navire est aussi en mauvais état. Il relâche finalement au Cap-Vert le 29 avril avant d’entreprendre la traversée de l’Atlantique. Le 26 mai, il arrive sur la côte des Guyanes. Il touche un bord de mer inconnu. Le capitaine Maurice pense qu’il s’agit de l’embouchure du Berbiche. Le chef de l’expédition, La Fontaine, fait mouiller l’ancre, et part sur une barque avec le missionnaire capucin Pacifique de Provins et de nombreux hommes le 31 mai 1648 pour faire une reconnaissance à terre. Ils ne reparaîtront jamais. Le capitaine Maurice décide alors le 2 juin de lever l’ancre et de gagner la Martinique165. Le calcul de la position des navires demeure en grande partie incertain. L’évaluation de la longitude pose encore de nombreux problèmes au xviiie siècle166.
50Les vents et les courants capricieux de la Caraïbe ont raison de plus d’un homme de mer167. Le navire du sieur du Pont pris dans une violente tempête en quittant la Martinique est jeté sur la côte de Saint-Domingue. La Notre-Dame essuie en 1642 un coup de vent en passant de la Barbade à la Martinique qui la fait dériver et la tient nous dit un témoin « en grand risque de périr168 ». Le capitaine nantais, Touzeau, quitte Saint-Christophe en 1646, après avoir déchargé son navire, pour gagner la Martinique. Mais il est poussé par le vent vers Saint-Domingue. Les Français qui l’attendent à la Martinique sont inquiets et craignent « ou un naufrage, ou une prise par la flotte espagnole, ou une maladie169 ». L’expédition du sieur de la Vigne connaît de multiples contretemps en 1656. Elle part de Paimbœuf le 15 juin 1656 et arrive à la Martinique le 19 juillet. Le 23 octobre, elle quitte l’île pour la Terre-Ferme. Mais un vent contraire oblige d’abord à relâcher à Sainte-Lucie. Puis, le guide semble hésitant et s’égare. Après avoir longuement erré, l’expédition se fixe sur la rivière Ouanatigo. Le fort Saint-Anne est fondé. Les hommes ne sont pas au bout de leurs peines. Le fort est alors attaqué par les Indiens. Des renforts sont attendus en vain. Le 13 février 1657, les Français quittent la place malgré l’opposition du jésuite Antoine de Boislevert. Le navire prend la route de Tobago, puis tente de gagner la Grenade mais il rate Sainte-Croix à cause du vent et se laisse emporter. Il connaît des avaries et prend l’eau près de Saint-Domingue. Le navire finit par s’échouer à la Jamaïque. Les hommes continuent à pied pendant cinq semaines en milieu hostile, harcelés par les naturels de l’île. De là, Boislevert réussit à passer à Cuba170.
51Si bon nombre de navires envoyés par la Compagnie ou revenant des îles connaissent des déboires durant la traversée, certains étant pris dans les tempêtes ou dans les courants capricieux au risque de se perdre, d’autres manquant d’être jetés sur des rochers, peu de naufrages sont à déplorer. Nous ne connaissons que quelques cas : la Levrette s’échoue à la Martinique en 1623 ; le Dauphin, qui appartient à l’escadre de Cahusac, est « perdu et périclité en mer » en 1629 – seule sa barque sera de retour au Havre – ; un navire de la Compagnie semble-t-il commandé par un Hollandais, fait naufrage au mois de juin 1641 ; le navire du capitaine Lesage se perd lui sur un banc de sable au large des Vieux-Habitants en longeant trop près les côtes de la Guadeloupe en 1646, en assurant visiblement la liaison entre les îles ; vers 1650, le capitaine Béliart périt en mer171. Nous avons deux mentions plus tardives de naufrage : en 1653, un petit bateau français s’échoue aux Grenadines et un autre se brise sur les rochers au nord de Saint-Vincent en 1657172. Les navires qui partent de France arrivent à bon port quoique parfois en mauvais état, et les équipages décimés par la maladie. Les navires étrangers ne sont pas plus sujets aux naufrages173. Quelques navires disparaissent sur le trajet du retour engloutis par les flots tumultueux : le Saint-Charles de La Rochelle s’échoue sur la côte de Saint-Christophe en 1646 après avoir chargé du tabac et du gingembre ; un autre navire de retour des îles sombre au large des côtes anglaises en 1649 ; la Prudence du Havre se perd en mer après avoir quitté la Martinique dans l’espoir de rallier Saint-Malo le 3 novembre 1649174. La dénonciation de l’incompétence des capitaines et des pilotes trouve son origine dans les quelques exemples qui ont marqué l’imaginaire collectif ou les expériences malheureuses de voyageurs, bien souvent ignorants des choses de la mer, dont le récit a assuré la publicité de l’événement. De nombreux bateaux, mal protégés dans les rades des îles, subissent la force des ouragans. Ainsi, en 1650, 28 navires sombrent dans la rade de Saint-Christophe, avec marins et marchandises175.
La menace corsaire
52Ce ne sont pas les seules difficultés rencontrées dans la navigation par les capitaines de navires. Les mers ne sont pas sûres et les bateaux de la Compagnie sont parfois la proie des corsaires sur le chemin de l’aller ou du retour.
53La principale menace vient des Dunkerquois. Dunkerque est une base corsaire très active dans la première moitié du xviie siècle qui, avec 30 à 70 navires entre 1620 et 1643176, pèse sur tous les départs vers les îles, notamment après l’entrée en guerre de la France contre l’Espagne en 1635. Le Mercure françois se fait l’écho de ces dangers quand il rapporte que la flotte des Dunkerquois pouvait à tout moment arrêter le voyage Poincy aux îles en 1639177. Les capitaines de navires et les marchands sont inquiets. Plusieurs navires de la Compagnie font les frais des assauts des corsaires. En 1635, le navire du capitaine François Richer revenant de Saint-Christophe chargé de pétun est saisi par les Dunkerquois178. Il doit s’agir du navire « chargé de 60 mille livres de toubacq de St Cristoffel » mentionné par le greffier de l’amirauté de Dunkerque, Jean Penninck, dans une lettre adressée à Bruxelles le 3 août 1635179. En avril 1640, la Compagnie déplore la prise d’un navire chargé d’armes à destination de Saint-Christophe par quatre frégates de Dunkerque, un jour après être sorti de Saint-Malo où la tempête l’avait contraint de relâcher180. Le père capucin Pacifique qui avait embarqué à son bord est mené à Dunkerque. Cette mésaventure ne le dissuade pas de repartir. Il s’offre avec son compagnon de s’embarquer dans le vaisseau du capitaine Bras-de-Fer. La Compagnie leur fournit 200 livres pour les rafraîchissements de leur passage, et 100 livres supplémentaires en considération des malheurs soufferts par le révérend père lors de la prise du navire181. La perte d’un nouveau bâtiment en 1640 déclenche une grande offensive des associés. Ils avertissent tous leurs agents dans les ports et dans les îles pour qu’ils se tiennent en alerte et envoient le plus vite possible un autre bateau. Le navire du capitaine Sollier, du port de quatre-vingts tonneaux, qui est alors à Saint-Malo, est expédié avec mille livres de poudre et cent mèches à la Martinique182. Il semble qu’un autre navire de la Compagnie ait été pris en 1642. Nous ne connaissons pas bien l’affaire, elle est confusément évoquée par la veuve d’un certain Ousson dans un courrier à la Compagnie. Il semble que son mari ait été pris par les Dunkerquois sur un de ses navires. Elle réclame alors les gages dus à son mari. En 1644, la Petite Notre-Dame de Honfleur est prise à son tour par les Dunkerquois183. Ce ne sont certainement pas les seuls navires français trafiquant aux îles pris par les Dunkerquois. Le navire français chargé de tabac évoqué le 16 mars 1643 par le greffier de l’amirauté Jean Penninck, en revenait probablement. Le navire du capitaine Robillard qui devait prendre Dutertre à Nantes est « enlevé par les Dunkerquois » en 1656184. Quelques Ostendais se signalent aussi. Ils disposent d’une dizaine de navires pour la course entre 1620 et 1643185. La course s’amplifie à Ostende après la prise de Dunkerque en 1646 par les Français186. Le navire de Baugendre est pris en revenant en France par les Ostendais, vraisemblablement vers 1650187.
54Les relations contrariées entre les couronnes de France et d’Angleterre alimentent l’insécurité de la route antillaise. Alors que la guerre fait rage dans l’ouest français entre les troupes du roi et les protestants soutenus par les Anglais, les navires de Roissey qui vont à Saint-Christophe craignent une attaque des pirates anglais alors qu’ils sont dans la Manche en 1628188. Le danger est bien réel. Les Anglais prennent en effet de nombreux navires normands en 1627 et en 1628189. En 1650, le navire qui ramène le dominicain Mathias Dupuis en France doit affronter au large du Havre deux frégates anglaises durant sept ou huit heures avant de pouvoir poursuivre sa route et toucher la terre de France190. En 1655, les Anglais prennent le navire hollandais sur lequel navigue Jean-Baptiste Dutertre alors qu’il vient juste de quitter le port de Nantes. Le dominicain demeure prisonnier à Plymouth durant six semaines191. Il pâtit des mauvaises relations entre les Provinces-Unies et l’Angleterre192. Les attaques anglaises demeurent cependant peu nombreuses dans les relations de voyage.
55Si les corsaires, notamment dunkerquois, sont évoqués dans les délibérations de la Compagnie, rien n’est dit de ceux que l’on désigne dans les chroniques sous le terme de « Turcs ». Pourtant, ils ne sont pas moins dangereux que les Flamands. Ces Turcs, appelés parfois Maures ou Morisques, sont des arabo-musulmans d’Afrique du Nord relevant pour partie de la Sublime Porte, ce ne sont pas des Turcs au sens strict. Leurs bases sont essentiellement Salé et Alger. Ils croisent bien souvent au large de l’Espagne ou des îles des Canaries et des Açores193. En 1643, une flottille d’une quinzaine de navires saisit ainsi un navire flamand dans la rade de São Miguel, l’une des îles des Açores194. Mais les Turcs remontent parfois plus au Nord. En 1620, plusieurs navires turcs attaquent les navires flamands dans la Manche. La tempête les jette sur la côte normande. En 1627, Richelieu rapporte à de Launay Razilly, commandant de la place d’Oléron, qu’un vaisseau « turc » avec quarante hommes s’est échoué à Olonne195. Plusieurs navires dieppois allant en Espagne sont pris par les Turcs et les marins réduits en captivité à Alger196. Les Anglais se plaignent aussi des incursions des Turcs au large de la Cornouaille en 1626-1627197.
56La Petite-Europe connaît ces différents dangers en 1639. Nous en connaissons les péripéties par le récit de l’un de ses passagers, le père jésuite Jacques Bouton. En quittant Dieppe, elle doit affronter un gros temps qui l’oblige à se refugier en Angleterre dans le port de Londey. Un navire dunkerquois qui croise au large cherche à l’intercepter lors de sa sortie du port, mais elle lui échappe par la ruse, en longeant au plus près la côte. Le 3 mars 1640, la Petite-Europe est prise en chasse par cinq vaisseaux battant pavillon hollandais, « une ruse des Turcs » selon Bouton, croyant qu’ils sont eux-mêmes espagnols, malgré le pavillon blanc arboré – celui du roi de France – car ils font route vers l’Espagne. La Petite-Europe doit céder devant la menace des canons des vaisseaux bien armés et stopper. Les capitaines hollandais réalisent leur erreur et les équipages s’entendent autour d’une barrique de vin. Ils proposent de faire une partie de la route ensemble, car ils vont à Pernambuc au Brésil198. En 1646, le navire qui emporte le carme Maurile de Saint-Michel aux îles redoute de rencontrer les Turcs. Le carme rapporte ainsi : « nous jetâmes le cap au sud-ouest, étant à propos de nous éloigner de terre pour éviter les pirates turcs et espagnols qui écument cette côte. Ce qui n’empêcha pas trois navires de nous découvrir et chasser199 ». Le navire échappe finalement à ses poursuivants. Tous les équipages ne connaissent pas la même réussite. En 1642, un navire affrété par la Compagnie tombe entre les mains des Turcs. Les Français sont capturés et menés à Alger. La Compagnie décide d’intervenir pour obtenir la libération des sieurs de La Tour, Filland, La Garenne le 26 juin 1642 et débloque 600 livres pour leur rachat à raison de 150 livres chacun200. La somme promise correspond à ce qui se faisait dans ces années. En 1643, les prix oscillent entre 120 et 300 livres201. Alger compte trente à quarante mille esclaves dont environ deux mille Français en 1644. Les autorités font tout pour les racheter. Les Français se sont d’ailleurs implantés pour cela à proximité, au Bastion, avec l’autorisation du pouvoir local et contre redevance202. Les pères trinitaires servent le plus souvent d’intermédiaires. En 1643 et en 1645, le père Lucien Hérault arrache des mains des Maures de nombreux Français avec qui il regagne la France dont il livre les listes dans son ouvrage, Les victoires de la charité, publié en 1646. Nous pouvons ainsi voir que André Poret dit La Garenne, originaire de Saint-Évroux en Normandie, et Claude Filand, de Saint-Benoît-sur-Loire, vraisemblablement deux de nos capitaines capturés en 1642, sont de retour à Paris, l’un le 20 septembre 1643, et l’autre, le 10 août 1645203. André Poret de la Garenne est un familier des Antilles, il a fait plusieurs allers-retours entre les îles et la métropole. Il est un des signataires de la prise de possession de la Martinique en 1635204. Courpon est lui échangé contre un capitaine turc, du nom de Négrille, qui est alors détenu dans la prison de Marseille. Il rentre en France le 10 août 1645. La transaction aurait été faite après une intervention de sa femme auprès du roi205. Tous les hommes pris à bord du navire de la Compagnie n’ont pas été libérés en même temps.
57Les attaques des corsaires invitent les capitaines à la prudence. Certes les navires sont armés, mais ils ne peuvent prétendre faire la différence en cas d’attaque. Les pièces de chasse peuvent tout au plus dissuader l’adversaire de les poursuivre. Aussi les capitaines préfèrent-ils attendre l’appareillage d’autres confrères pour naviguer de concert206. Le 19 avril 1642, Daniel Le Hirbec quitte Saint-Nazaire avec onze ou douze terre-neuviers. Ils font ensemble une partie de la route. En avril 1643, le navire du capitaine Flament qui emporte Dutertre aux îles fait route jusqu’à Madère en compagnie du capitaine Duquesne207. Les attaques se produisent près des côtes, rarement au large ou en pleine mer. En 1646, le rochelais Jean Boutain accomplit la traversée de l’Atlantique en compagnie de trois autres navires, deux Normands et un Rochelais208. Les voyages de retour se font de la même façon en convoi. En 1647, le navire du capitaine Bourgueu est rejoint à Saint-Eustache par deux navires pour gagner ensemble l’Europe. Cela n’est pas sans générer d’autres dangers. Ils essuient dans la mer des Bermudes une tempête qui manque de les jeter les uns sur les autres209. Les initiatives sont le fait des capitaines de navires qui saisissent des opportunités. La pratique est assez générale quand les nations européennes sont en guerre. Durant la guerre de dévolution, plusieurs navires français et hollandais qui redoutent de rencontrer les Anglais avec qui ils sont alors en conflit partent de concert vers les îles et l’Afrique210. Il n’y a pas à cette époque de volonté de l’État ou de la Compagnie d’organiser des départs en convoi les navires qui partent pour les Amériques pour mieux assurer leur défense comme le fait la monarchie espagnole depuis le milieu du xvie siècle, sauf en temps de guerre211. Les premiers convois vers les îles organisés par la monarchie datent de la guerre de Hollande 1672-1678. Ils se révèlent assez coûteux et mobilisent de nombreux vaisseaux, aussi les marchands sont-ils invités à participer à leur financement en fonction de la valeur des marchandises transportées212.
58Les capitaines reconsidèrent aussi leurs itinéraires pour se rendre aux îles. Ils naviguent au plus près des côtes afin de pouvoir trouver facilement un lieu pour se réfugier au cas où. Le navire qui emporte Guillaume Coppier en 1628 quitte Le Havre puis longe les côtes normandes et bretonnes pour ne pas s’engager dans la Manche et affronter les pirates anglais213. Les risques pris les exposent parfois à des dangers bien plus grands et les conduisent parfois au désastre. Le capitaine de la Petite-Europe suit en 1640 la côte anglaise pour échapper à son poursuivant dunkerquois, mais « si près des rochers cachés sous l’eau que nous fûmes en grand danger », note le père Bouton qui est à son bord. Plusieurs voies d’eau se déclarent. Le capitaine tente de relâcher à Kinsale en Irlande, mais il se ravise et préfère profiter du beau temps pour entreprendre la traversée de l’Atlantique. Il faudra écoper durant une bonne partie du voyage, « de demi-heure en demi-heure, les passagers le jour et les matelots la nuit214 ». En 1649, le navire qui ramène en France les dominicains Pierre Coliard et Charles Raymond Poncet connaît un sort plus tragique. Alors qu’il longe les côtes de l’Angleterre pour échapper aux corsaires de Dunkerque, une violente tempête le surprend à hauteur de Portland et le jette sur les rochers. Le capitaine et la plupart de ses hommes périssent dans le naufrage215.
59C’est aussi pour échapper aux corsaires flamands qui croisent principalement dans la Manche que la Compagnie des îles de l’Amérique affrète des bateaux depuis La Rochelle et Nantes. Charles Houël part ainsi de La Rochelle en 1643 « pour éviter les difficultés de la navigation dans la Manche […] et pour n’être pas surpris par des navires ennemis qui courent, pillent et écument plus ordinairement cette partie de l’océan », souligne le dominicain Mathias Dupuis. Mais en sortant du port charentais, son navire est repéré et suivi par des frégates dunkerquoises. L’intervention énergique d’un vaisseau du roi commandé par du Mé parvient à le sauver216. Ainsi, le choix du départ d’un port de l’Atlantique n’est pas toujours judicieux, car les Flamands n’hésitent pas à passer dans l’océan et à croiser le long des côtes, dans l’attente de leurs proies. Il est difficile d’affirmer que la menace corsaire conduit à un basculement du trafic vers les ports de l’Atlantique. Certes les armements havrais relativement intenses dans les années trente se raréfient durant la décennie suivante mais leurs voisins honfleurais et dieppois poursuivent leur activité. Ils ne sont pourtant pas moins exposés.
Notes de bas de page
1 MAE, MD, Am., 4, Contrat pour l’établissement des Francais à l’île de Saint-Christophe, Paris, le 31/10/1626. Pub. dans Margry, p. 99 ; Déclaration royale, Saint-Germain-en-Laye, le 25/11/1634, dans DT/1667, t. 1, p. 42 ; ANOM, F2A13, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, p. 4 ; ANOM, F2A13, Contrat entre la Cie et le cardinal, Paris, le 29/01/1642, p. 43.
2 Il n’existe plus de registres des tabellionages de Dieppe et d’Arques avant 1654, et après cette date, ils comportent de nombreuses lacunes (J. Le Ber, « Les origines de la famille Le Moine (suite et fin) », RHAF, 1-2, 1947, p. 261 ; G. Debien, « Les papiers de l’abbé Le Ber et l’histoire des colonies d’Amérique au xviie siècle », RHAF, 7-4, 1954, p. 593).
3 J. Tanguy, « Les premiers engagés partis de Nantes… », op. cit., p. 56.
4 Les papiers de l’amirauté de Dieppe ont été ammoindris par des ventes de papiers et par un commis indélicat. Les amirautés d’Eu-Le Tréport, Saint-Valéry et Fécamp n’ont que quelques registres du xviiie siècle (F. Burckard, Guide des archives de la Seine maritime, Rouen, Archives départementales, 1990, t. 1, p. 228-229).
5 Contrat de la Cie de la Nacelle de Saint-Pierre Fleurdelysée, Paris, le 4/06/1626, dans Richelieu/P, t. 1, p. 323.
6 Acte pour l’établissement de la Cie des Cent-Associés, Paris, le 29/04/1627, dans Édits, … concernant le Canada, op. cit., p. 8 et 9. En fait, un seul fut livré en 1634, le Saint-Joseph, de 300 tonneaux, d’une valeur de 22420 livres (G. Carpin, Le réseau du Canada, op. cit., p. 377).
7 I. Guët, « Origines des Petites Antilles », op. cit., 1897, p. 403. Isaac de Razilly achète en 1624 la Chaste-Fleur tout équipé en voiles, armes, munitions et autres pour 10000 livres. Plusieurs bateaux sont vendus au Havre en 1623 entre 8500 et 9400 livres (Barrey, p. 125).
8 Barrey, p. 133 ; Acte d’association des seigneurs de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 31/10/1626, dans DT/1667, t. 1, p. 9.
9 Acte d’association des seigneurs de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 31/10/1626, dans DT/1667, t. 1, p. 10.
10 Barrey, p. 133. Une patache est un vaisseau rond et de haut servant à la guerre. Il est souvent destiné au service d’un plus grand navire (A. de Furetière, Dictionnaire universel, La Haye/Rotterdam, Arnout et Reinier Leers, 1690, t. 3 ; Encyclopédie méthodique. Marine, op. cit., t. 3, p. 53).
11 J. Petitjean Roget, « Saint-Christophe… », op. cit., p. 15.
12 Barrey, p. 133 ; J. Petitjean Roget, « Saint-Christophe… », op. cit., p. 15.
13 Dutertre ne parle que d’un navire, la Cardinale, mais il semble assez mal renseigné sur l’affaire car il conte une curieuse et énigmatique mission de Roissey en mer d’Irlande (DT/1667, t. 1, p. 21).
14 Barrey, p. 147. Boiteux soutient que Richelieu a pris la Victoire en 1628 sans indemniser la Compagnie ce qui l’a conduit à faire une nouvelle levée de 9000 livres sur les associés pour acheter un autre vaisseau, les Trois Rois (L.-A. Boiteux, Richelieu « grand maître de la navigation et du commerce de France », op. cit., p. 294). Il a mal lu Barrey.
15 AD 76, TH, reg. 186, Charte-partie, le 26/08/1628. Pub. dans Barrey, p. 149 ; G. Coppier, Histoire et voyage, op. cit., p. 2 ; DT/1667, t. 1, p. 21. Un flibot est un petit bâtiment de 80 ou 100 tonneaux qui est une espèce de flûte (Encyclopédie méthodique. Marine, op. cit., t. 2, p. 324 ; A. de Furetière, Dictionnaire universel, op. cit., t. 2).
16 Barrey, p. 147-148.
17 AD 76, TH, reg. 183, Contrat d’engagement, le 13/01/1627. Pub. dans Anth, t. 2, p. 533.
18 AD 76, TH, reg. 186, Charte-partie, le 26/08/1628. Pub. dans Barrey, p. 149 ; G. Coppier, Histoire et voyage, op. cit., p. 2 ; DT/1667, t. 1, p. 21-22. Le sieur de la Trenettière est capitaine de la flotte du Ponant, comme son frère.
19 AD 76, TH, reg. 183, Acte d’affrètement, le 20/05/1627. Pub. dans Anth, p. 538-539.
20 DT/1667, t. 1, p. 23-24.
21 Sommaire du voyage fait par le Sr. d’Infreville, Paris, le 23/03/1631, dans Sourdis/C, t. 3, p. 206.
22 Barrey, p. 161-162.
23 Délibération, le 5/01/1639, p. 349.
24 Délibération, le 2/03/1639, p. 352.
25 Délibération, le 6/04/1639, p. 356.
26 Id. ; Délibération, le 7/03/1640, p. 382.
27 C. Brunetti, « Information succinte de quelques établissements aux pays de l’Amérique méridionale », dans S. H. Anderson, « Cosimo Brunetti… », op. cit., p. 36.
28 DT/1667, t. 1, p. 84. Une biscayenne est un petit bâtiment gréé (Ch. Romme, Dictionnaire de la marine françoise, Paris, Barrois l’aîné, 1792, p. 144 ; E. Gocvic, H. G. Jansen, Dictionnaire universel, historique et raisonné, français-hollandais de marine et de l’art militaire, La Haye/Amsterdam, Van Cleef, 1844, p. 61). Cette définition est souvent reprise. Mais d’autres soutiennent que la biscayenne évolue à la rame (Supplément au Dictionnaire de l’Académie française. 6e éd., Paris, Gustave Barba, 1836, p. 94). L’encyclopédie de Panckoucke se contente de dire que la biscayenne est une barque longue (Encyclopédie méthodique. Marine, op. cit., t. 1, p. 144). Il est difficile dans le cas présent de savoir exactement de quel type de barque il s’agit. Le terme de barque s’applique au xviiie siècle à tous les petits bâtiments pontés entre 100 et 150 tonneaux (ibid., t. 1, p. 116).
29 DT/1667, t. 1, p. 92.
30 Chirat à Fouquet, le 8/11/1639, dans DT/1667, t. 1, p. 114.
31 DT/1667, t. 1, p. 149.
32 Délibération, le 6/01/1638, p. 319 ; Délibération, le 5/05/1640, p. 396 ; Délibération, le 14/05/1640, p. 400-401 ; Les associés à Poincy, Paris, le 27/03/1641, résumé dans DT/1667, t. 1, p. 383.
33 DT/1667, t. 2, p. 50 ; Bret/RF, p. 122.
34 Il part à la Saint-Jean et arrive au Havre pour le 15 août (Dupuis, p. 167 et 170 ; Bret/A, p. 150).
35 DT/1667, t. 1, p. 194-195 ; Bret/RF, p. 115-116 ; Dupuis, p. 50. L’événement est placé le 3 ou le 13 février selon les chroniqueurs. Les barques à monter, souvent d’une dizaine de tonneaux, se retrouvent fréquemment dans les voyages au Brésil (Ph. Barrey, Le Havre maritime, op. cit., p. 96).
36 Délibération, le 6/06/1641, p. 412 ; Délibération, le 26/06/1642, p. 431.
37 Délibération, le 7/10/1637, p. 309 ; Bret/RF, p. 42.
38 Délibération, le 3/09/1636, p. 277 ; Anonyme de Grenade, L’Histoire de l’île de la Grenade, op. cit., p. 141-142.
39 AD 76, TH, Contrat entre R. Sollier et Cavelet, le 31/03/1637. Pub. dans Anth, t. 2, p. 546.
40 AD 76, TH, Contrat entre P. le Charbonnier et Cavelet, le 08/05/1635. Pub. dans Anth, t. 2, p. 547.
41 Délibération, le 3/06/1637, p. 293 ; Délibération, le 1/07/1637, p. 296.
42 L’acte est signé à Rouen le 10 mai 1642. La Compagnie agrée la police d’assurance le 31 mai 1642 (Délibération, le 2/03/1639, p. 352 ; Délibération, le 31/05/1642, p. 427).
43 L.-A. Boiteux, La fortune de mer, op. cit., p. 141.
44 Le contrat de charte-partie est ainsi « appelé parce qu’on remettait à chacun des contractants un exemplaire dont la bordure s’adaptait à celle de l’exemplaire de l’autre partie » (E. Trocme, M. Delafosse, Le commerce rochelais de la fin du XVe siècle au début du XVIIe siècle, Paris, Colin, 1952, p. 18).
45 Prêt à la grosse, le 22/09/12638, dans Bréard, p. 194 ; J. Petitjean Roget, « Saint-Christophe… », op. cit., p. 4.
46 M. Delafosse, « La Rochelle et les îles… », op. cit., p. 245 ; M. Delafosse, E. Trocme, Le commerce rochelais, op. cit., p. 61-62. Seuls 5,6 % des navires nantais allant vers les Antilles entre 1673 et 1697 bénéficient d’un prêt à la grosse aventure (M. Tanguy, L’essor d’un port atlantique connecté, op. cit., t. 1, p. 174).
47 C’est ce qui explique le grand nombre de prêteurs (39) relevé par Marcel Delafosse pour les années 1646-1649 à La Rochelle (M. Delafosse, « La Rochelle et les îles… », op. cit., p. 268).
48 Anth, t. 2, p. 129.
49 AD 76, TH, Charte-partie, le 18/09/1636. Extrait dans Anth, t. 2, p. 146-147. Il a deux navires le Saint-Michel de 300 tonneaux et la Sainte-Anne de 60 tonneaux.
50 M. Delafosse, « La Rochelle et les îles… », op. cit., p. 258.
51 Délibération, le 4/03/1637, p. 291.
52 AD 76, TH, Contrat, le 13/12/1638. Pub. dans Anth, t. 2, p. 555-556.
53 C’est notamment le cas de Vincent Grenier en 1637 et de Nicolas Lambert en 1638 (Barrey, p. 218-219).
54 Délibération, le 4/02/1637, p. 290 ; Délibération, le 2/09/1637, p. 308. On compte en général un homme par tonneau de jauge (P. Butel, Histoire des Antilles françaises, op. cit., p. 37 ; P. Villiers, J.-P. Duteil, L’Europe, la mer et les colonies xvie- xviiie siècle, Paris, Hachette, 1997, p. 62 ; G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 92). Les bateaux prennent en général trop de passagers note Maurile de Saint-Michel (MSM, p. 315).
55 Après 1645, les capitaines deviennent de véritables courtiers et marchands en main-d’œuvre (G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 61).
56 Délibération, le 22/12/1641, p. 437.
57 Délibération, le 4/02/1637, p. 290.
58 Délibération, le 13/09/1641, p. 419.
59 Délibération, le 4/02/1637, p. 290-291 ; AD 76, TH, Contrat entre V. Grenier et Cavelet, le 31/03/1637. Pub. dans Anth, t. 2, p. 547 ; Délibération, le 3/06/1637, p. 293-294.
60 Délibération, le 19/02/1640, p. 375 ; Délibération, le 14/05/1640, p. 397.
61 DT/1667, t. 1, p. 25.
62 Délibération, le 6/08/1643, p. 456-457.
63 Délibération, le 2/07/1636, p. 275-276 ; Délibération, le 3/12/1636, p. 284.
64 Délibération, le 1/06/1639, p. 359-360 ; Délibération, le 3/08/1639, p. 361-362.
65 Délibération, le 7/07/1645, p. 492 ; Délibération, le 3/11/1645, p. 495 ; Délibération, le 1/12/1645, p. 496.
66 DT/1667, t. 1, p. 193.
67 Bret/RF, p. 117-118.
68 Barrey, p. 218-219 et 221 ; AD 17, B 5657, le 26/04/1646, cité dans M. Delafosse, « La Rochelle et les îles… », op. cit., p. 258.
69 DT/1667, t. 1, p. 197.
70 Délibération, le 1/05/1641, p. 410-411.
71 Délibération, le 4/03/1637, p. 292 ; Délibération, le 7/01/1643, p. 443.
72 J. Petitjean Roget, E. Bruneau-Latouche, Personnes et familles à la Martinique, op. cit., t. 2, p. 554 ; Anth, t. 2, p. 139 ; Barrey, p. 217.
73 BnF, ms fr. 18593, Certificat, le 31/12/1646, fol. 397.
74 DT/1667, t. 1, p. 401 et suiv.
75 M. Tanguy, L’essor d’un port atlantique connecté, op. cit., t. 1, p. 80.
76 J. Nerrou, « Navires et engagés pour “les terres neufve de la Nouvelle-France et des costes de la cadie”, 1600-1654, notaires rochelais ». [En ligne] URL : [http://www.rrfa.fr/navires.pdf] ; M. Delafosse, « La Rochelle et le Canada au xviie siècle », RHAF, 4, n° 4, mars 1951, p. 485-511. Plusieurs sites en ligne répertorient les navires qui sont partis vers la Nouvelle-France, voir notamment : [http://naviresnouvellefrance.net. ; http://www.migrations.fr/navires_depart_la_rochelle.htm].
77 AD 17, B 5658, Permission, 1647.
78 AD 76, TH, reg. 206, Charte-partie, le 4/08/1635. Pub. dans Anth, t. 2, p. 553-554.
79 AN, V6, 1220, Arrêt du conseil privé, le 11/01/1630, cité par R. Le Blant, « Les débuts difficiles de la Compagnie de la Nouvelle-France… », op. cit., p. 26.
80 Délibération, le 25/08/1635, p. 252-253.
81 Durant cette année, il navigue sur le Saint-Michel, un navire de 300 tonneaux, et sur la Sainte-Anne, une barque de 60 tonneaux (Anth, t. 2, p. 139).
82 Anth, t. 2, p. 139.
83 Délibération, le 4/03/1637, p. 291 ; Bret/RF, vp, p. 88-89 et 106 ; Délibération, le 2/03/1639, p. 352-353 ; DT/1667, t. 1, p. 166.
84 PDP, p. 25.
85 Délibération, le 3/06/1637, p. 293 ; Délibération, le 3/03/1638, p. 325 ; Délibération, le 3/04/1642, p. 427.
86 Délibération, le 3/03/1645, p. 485 ; Délibération, le 1/12/1645, p. 496 ; Bret/RF, p. 121. Les religieux sont les capucins Pacifique de Provins et Joachim de Corbeil, et les jésuites Nicolas Brisejon, Denys Mesland, Piget, Jean Schemel (PDP, p. 25 ; ARSI, Gallia, 106, Mesland au père Lecazre, Santa Fe de Bogota, le 23/09/1654, fol. 292-293).
87 Délibération, le 2/02/1646, p. 500.
88 M. Delafosse, « La Rochelle et le Canada au xviie siècle », RHAF, 4, 1951, p. 489 et 492.
89 AD 17, B5661, Rapport de J. Gandouin, le 23/12/1655.
90 Délibération, le 2/02/1646, p. 500. Il amène plusieurs femmes à Saint-Christophe (J. Petitjean Roget, « Les femmes des colons… », op. cit., p. 194).
91 DT/1667, t. 1, p. 422-423 ; Chev, p. 86. Son équipage est touché par une épidémie de peste.
92 AD 17, B 5656, le 31/10/1640 ; AD 17, B 5658, Permission, 1647 ; AD 17, B 5661, le 8/10/1655.
93 DT/1667, t. 1, p. 37 et 40 ; Rochefort, t. 2, p. 14-15 ; BnF, ms fr. 18593, Apologie pour la défense des habitants de l’isle Sainct Christophle, fol. 399v.
94 Barrey, p. 198.
95 G. Saupin, « Les marchands nantais et l’ouverture de la route antillaise », op. cit., p. 175.
96 Anonyme de Saint-Christophe, Relation des îles, op. cit., p. 119.
97 G. Debien, « Engagés pour le Canada… », op. cit., p. 184 ; M. Delafosse, « La Rochelle et les îles… », op. cit., p. 240. Il n’est pas certain qu’ils auraient suffi car les rapports de mer des navires marchands français d’avant 1918 déposés au tribunal de commerce du Havre ont tous été détruits sur décision administrative (É. Delobette, Ces « messieurs du Havre », op. cit., t. 1, p. 18).
98 Philippe Barrey remarque leur importance notamment dans les voyages vers les Antilles (Ph. Barrey, Le Havre maritime, op. cit., p. 96).
99 Bret/B, p. 172.
100 La plupart des navires nantais pour les îles partent de Paimboeuf entre 1635 et 1660, principalement ceux de plus de 100 tonneaux qui ne peuvent remonter la Loire jusqu’à la Fosse (M. Tanguy, L’essor d’un port atlantique connecté, op. cit., t. 1, p. 66 ; C. Laucoin, La naissance du trafic antillais, op. cit., p. 15).
101 Citons les travaux d’Albert Anthiaume et Philippe Barrey sur Le Havre, de Charles et Paul Bréard sur Honfleur, de Jean Tanguy, Chrystelle Laucoin et Guy Saupin sur Nantes, de Marcel Delafosse et de Gabriel Debien sur La Rochelle.
102 Contrat, le 10/07/1638, dans Bréard, p. 194 ; Barrey, p. 220 ; M. Delafosse, « La Rochelle et les îles… », op. cit., p. 258. Les relations entre les ports normands et La Rochelle sont anciennes et reposent sur le commerce du sel de Brouage nécessaire aux pêcheurs de Terre-Neuve (J. B. Collins, « La flotte normande au commencement du xviie siècle… », op. cit., p. 366).
103 Corneille Allard vient de Flessingue sur la Charité en 1642. Pitre Jence, lui aussi de Flessingue, quitte Saint-Christophe pour gagner Nantes en 1643. Jacob Barteles de Middelbourg passe au Havre sur la Bance, un navire de 300 tonneaux, en 1649 (G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 150 ; Barrey, p. 219 et 221).
104 Ce sont les capitaines Drouain, Allard et Pierre Baillardel (Acte de prise de possession de la Martinique, la Martinique, le 15/09/1635, dans Margry, p. 7 ; Acte de prise de possession de la Dominique, la Dominique, le 17/11/1635, dans Margry, p. 8).
105 Mancel, Bernicart, Bourgois, Le Clerc, Jean Jacob et Jean Flore voient leurs navires réquisitionnés à Saint-Christophe le 31 décembre 1646 (BnF, ms fr. 18593, Certificat du chevalier de Poincy, Saint-Christophe, le 31/12/1646, fol. 397v).
106 Jacques Petitjean Roget remarque en 1982 une certaine régularité des départs vers les Antilles dans les années trente, mais ses chiffres (13 bateaux en 1635, 13 autres en 1636 et 13 encore en 1637) sont très en dessous de la réalité du trafic (J. Petitjean Roget, « Saint Christophe… », op. cit., p. 423).
107 J. Meyer, Histoire du sucre, op. cit., p. 118. 107. (Gabriel Debien compte en reprenant les travaux de Marcel Delafosse 339 départs de navires de La Rochelle pour les Antilles entre 1670 et 1692 [G. Debien, « Engagés pour le Canada… », op. cit., p. 184]).
108 M. Delafosse, « La Rochelle et le Canada au xviie siècle », RHAF, 4, 1951, p. 470.
109 G. Carpin, Le réseau du Canada, op. cit., p. 38.
110 Barrey parle de 118 navires ayant quitté Le Havre pour les Antilles entre 1627 et 1652, dont 78 pour les seules années 1635-1648 (Ph. Barrey, Le Havre maritime, op. cit., p. 219 ; Barrey, p. 216-221). Anthiaume en compte lui 45 entre 1635 et 1642. Il donne une liste de 48 navires pour la période de 1634 à 1642. Nous avons retiré les 7 navires de 1634 et nous avons ajouté 4 autres pour 1635 (48 - 7 + 4 = 45) qu’il mentionne un peu plus loin dans son travail (Anth, t. 2, p. 139 et 145).
111 Bréard, p. 187.
112 Le chevalier de Clerville à Colbert, Rouen, le 18/05/1663, dans Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV, Paris, IN, t. 3, 1852, p. 336.
113 Ph. Barrey, Le Havre maritime, op. cit., p. 220-221 ; Ph. Barrey, Notice sur les constructeurs de navires havrais, 1908, Le Havre, p. 20-22.
114 Ph. Barrey, Le Havre maritime, op. cit., p. 220.
115 M. Delafosse, « La Rochelle et les îles au xviie siècle », Revue d’histoire des colonies, t. XXXVI, n° 127-128, 1949, p. 242.
116 C. Laucoin, La naissance du trafic antillais, op. cit., p. 55 ; M. Tanguy, L’essor d’un port atlantique connecté, op. cit., t. 1, p. 43 et 93. La Rose en 1638 et la Catherine en 1639 viennent de Dieppe. La Notre-Dame du Havre s’arrête deux fois à Nantes en 1642, et en 1643. Le Pierre et l’Esprit viennent d’Olonne respectivement en 1649 et en 1650 (C. Laucoin, La naissance du trafic antillais, op. cit., Annexe, p. 105). Jean Tanguy ne compte qu’entre 2 et 4 navires nantais par an aux îles entre 1636 et 1660 (J. Tanguy, « Les premiers engagés partis de Nantes… », op. cit, p. 56).
117 Il s’agit du David, du port de 250 tonneaux, commandé par le capitaine dieppois Beliard, qui navigue depuis les années quarante, de la Pélagie, de 140 tonneaux, construite en 1648, et de l’Espérance, de 200 tonneaux, du capitaine Jean Praud, originaire du Pouligen, contruit en 1653 (L. Maître, « Situation de la marine marchande du comté nantais d’après l’enquête de 1664 », Annales de Bretagne, 18-3, 1902, p. 327 et 329-330).
118 É. Saugera, Bordeaux port négrier. xviiie-xixe siècles, Paris, Karthala, 1995, p. 33-34. Le début du xviie siècle ne connaît pas davantage d’affrètements. La Royale, du port de 100 tonneaux, est l’un des rares navires bordelais connu à partir aux îles en 1604 (R. Richard, « À la Tortue et à Saint-Domingue, 1649 », op. cit., p. 445).
119 AD 33, B24, cité par J. Tanguy, « Les premiers engagés partis de Nantes… », op. cit., p. 56.
120 É. Saugera, Bordeaux port négrier, op. cit., p. 36.
121 AD 76, TH, Charte-partie, le 13/12/1638, dans Anth, t. 2, p. 555.
122 Barrey, p. 219-221.
123 J. B. Collins, « La flotte normande au commencement du xviie siècle… », op. cit., p. 377.
124 M. Delafosse, « La Rochelle et les îles… », op. cit., p. 242.
125 M. Morineau, « La vraie nature des choses et leur enchaînement entre la France, les Antilles et l’Europe (xviie-xixe siècle) », RFHOM, 84, n° 314, 1997, p. 5.
126 Les ports normands pris en considération sont : Dieppe, Le Havre, Honfleur, Fécamp et Harfleur ; les ports du pays nantais : Nantes, Le Pouligen, Paimboeuf, La Martinière ; les ports charentais : La Rochelle, Brouage, La Tremblade, Olonnes ; les ports bretons : Saint-Malo et Quimperlé.
127 Jean Meyer donne une évaluation différente des navires allant vers les îles, comprise entre 30 à 40 tonneaux (J. Meyer, Histoire du sucre, op. cit., p. 118). Dans le cas de Nantes, il est à noter qu’en 1631, 90 % des navires comptent moins de 30 tonneaux (C. Laucoin, La naissance du trafic antillais, op. cit., p. 17).
128 Si l’on suit Marcel Delafosse, les petits navires de moins de 50 tonneaux sont des barques, ceux de 50 à 100 tonneaux des frégates et ceux de plus de 100 tonneaux des flûtes (M. Delafosse, « La Rochelle et les îles… », op. cit., p. 247).
129 Ph. Barrey, Le Havre maritime, op. cit., p. 95.
130 G. Carpin, Le réseau du Canada, op. cit., p. 37. Il note les mêmes écarts de gabarits en revanche, entre 60 et 300 tonneaux.
131 Anth, t. 2, p. 139.
132 Ph. Barrey, Le Havre maritime, op. cit., p. 93. L’ordonnance de Marine de 1681 définit le tonneau à 42 pieds cubes d’encombrement, ce qui équivaut à 2000 livres de poids (Ordonnance de Marine de 1681, Paris, Denys Thierry/Christophle Ballard, 1681, titre X, art. V, p. 109 ; Commentaire de l’ordonnance de Marine, Paris, Les libraires associés, 1715, p. 161).
133 Ph. Barrey, Le Havre maritime, op. cit., p. 94.
134 Nous nous sommes appuyés sur notre liste de 192 navires. Nous avons mis 84 tonneaux quand nous ne connaissions pas le gabarit d’un bateau, ce qui équivaut au tonnage moyen constaté.
135 J. B. Collins, « La flotte normande au commencement du xviie siècle… », op. cit., p. 362. Au xviiie siècle, les flottes de commerce française et anglaise demeurent majoritairement composées de navires d’une centaine de tonneaux (M. Acerra, J. Meyer, La grande époque de la marine à voile, Rennes, Ouest-France, 1987, p. 159).
136 J. Savary des Bruslons, Dictionnaire universel de commerce, t. 1, 1726, p. 1260.
137 P. Pelleprat, Relation, op. cit., 1re partie, p. 16.
138 DT/1667, t. 2, p. 466.
139 La série 4JJ des Archives nationales, un dépôt du service hydrographique de la marine, ne détient pas par exemple de journaux de bord antérieurs à 1669. Voir G. Bourgin et E. Tailllemite, Inventaire des archives de la Marine, service hydrographique, sous-série 4JJ (journaux de bord) déposée aux Archives nationales, Paris, IN, 1963. L’ordonnance de marine de 1681 impose aux pilotes des navires marchands à tenir un journal de bord (livre II, titre IV, article IV) (Ordonnance de Louis XIV touchant la marine, Paris, Denys Thierry/Christophe Ballard, 1681, p. 90-91). Voir sur à ce sujet É. Roulet, P. Villiers, « La législation française des journaux de bord au xviie siècle et au xviiie siècle d’après les ordonnances de marine », dans Ch. Borde, É. Roulet (éd.), Journaux de bord et de navigation du XVe au XXe siècle, éditions Shaker, 2015, p. 23-35.
140 Un flibustier français dans la mer des Antilles (1618-1620), Paris, Payot, 2002, p. 53-57, 70-71, et 104-105.
141 AD 76, TH, reg. 206, Charte-partie, le 4/08/1635, dans Anth, t. 2, p. 553.
142 Ph. Barrey, Le Havre maritime, op. cit., p. 74-75.
143 DT/1667, t. 2, p. 44-48. Raymond Breton indique une fois qu’il arrive le 4 mars 1640, et une autre le 21 mars (Bret/RF, vr, p. 102 ; Bret/RF, vp, p. 113).
144 DT/1667, t. 2, p. 57. Sur les voyages du dominicain, voir É. Roulet, « Dire et raconter la traversée de l’Atlantique au xviie siècle. Les trois voyages de Jean-Baptiste Dutertre aux Antilles (1640-1656) », Revue d’histoire maritime, 20, 2015, p. 205-227
145 En 1638, Antoine Le Cesne, sieur de la Chesnée, doit « prendre la mer et route vers lesdites îles d’Amérique du côté des Canaries, desdites Canaries à la côte de Barbarie, et de ladite côte de Barbarie aux îles du Cap-Vert et côte des graines » (Contrat, le 10/07/1638, dans Bréard, p. 194-195). Robert Grine, capitaine du navire le Robert, part en 1641 pour la « côte de Barbarie […] les îles du Cap-Vert et autres îles circonvoisines » et de là à Saint-Christophe (Charte-partie, le 26/06/1641, cité par Anth, t. 2, p. 146).
146 L’Anonyme de Saint-Christophe établit la moyenne entre trente et trente-six jours (Anonyme de Saint-Chistophe, Relation des îles, op. cit., p. 119). Les flottes espagnoles qui quittent Cadix mettent dix jours pour gagner les Canaries, puis vingt à trente jours pour arriver aux Petites Antilles. Il faut encore compter une vingtaine de jours pour toucher Saint-Domingue (P. Villiers, J.-P. Duteil, L’Europe, la mer et les colonies xvie-xviiie siècle, Paris, Hachette, 1997, p. 32).
147 Le navire sur lequel embarque Maurile de Saint-Michel passe au large de Madère sans s’arrêter car « notre capitaine voyant le vent propice continua sa route » MSM, p. 86.
148 M. Delafosse, « La Rochelle et les îles… », op. cit., p. 250.
149 D. Le Hirbec, Voyages, op. cit., p. 17-21.
150 Délibération, le 6/04/1639, p. 356 ; Bret/RF, vr, p. 110-101.
151 N. Denys, Description géographique et historique, op. cit., t. 1, p. 28.
152 Les routiers existent en Espagne depuis le xvie siècle et sont bien souvent manuscrits (J.-P. Moreau, Les Petites Antilles, op. cit., p. 115).
153 Les éditions en français sont toutes faites à Amsterdam : en 1610, en 1619 et en 1638. La publication et la diffusion de cet ouvrage sont mal acceptées par la VOC qui y voit la divulgation de données importantes qui compromettent son emprise sur la route vers l’Asie (A. Delmas, « L’Itinerario de J. H. van Linschoten ou l’histoire d’un divorce entre le livre et la Compagnie Hollandaise des Indes orientales (VOC), 1595-1619 », Quaerendo, 2012, 42-1, p. 21-45).
154 J. Taylor, Newes and Strange Newes from St. Christophers of a tempestuous Spirit, wich is called by the Indians a Hurrycano or whirlewind, Londres, Francis Coules, 1638. Il déplore la destruction de cinq navires et la mort de soixante-quinze personnes.
155 C. Asselin de Beauville, « Les perturbations tropicales », dans A. Yacou, (dir.), Les catastrophes naturelles aux Antilles. D’une souffrière à l’autre, Paris, Karthala/CERC, 1999, p. 197-198. Voir aussi A. Musset, L’Amérique centrale et les Antilles. Une approche géographique, Paris, Colin, 1998, p. 56. L’Anonyme de Carpentras mentionne ces vents violents qui règnent au mois d’août et durent jusqu’à la fin de septembre, « tantôt plus tôt et tantôt plus tard » et met en garde : « La mer en est fort agitée et n’y fait guère sûr » (Anonyme de Carpentras, Relation d’un voyage infortuné fait aux Indes Occidentales, dans Voyageurs anonymes aux Antilles, op. cit., p. 25). Les conseils abondent dans les récits des voyageurs. Maurile de Saint-Michel écrit ainsi « Choisissez l’automne pour aller aux Indes, afin que vous n’ayez pas les chaleurs si subitement grandes. Et le printemps pour revenir, afin (qu’à votre retour en France) vous n’ayez pas les froideurs si promptes et subites […] Ne revenez pas en été, pour la crainte des calmes, ni en hiver, si vous n’avez un bon navire, pour les grandes tempêtes » (MSM, p. 285-286).
156 P. Chaunu, Séville et l’Amérique xvie- xviie siècle, Paris, Flammarion, 1977, p. 223.
157 DT/1667, t. 1, p. 224 ; Dupuis, p. 63-65.
158 DT/1667, t. 2, p. 57.
159 Délibération, le 3/12/1636, p. 285.
160 MSM, p. 248 et 285 ; Bret/B, p. 186.
161 J. B. Collins, « La flotte normande au commencement du xviie siècle… », op. cit., p. 362.
162 MSM, p. 286.
163 Bret/RF, p. 92-93 ; DT/1667, t. 1, p. 92 ; Dupuis, p. 23.
164 DT/1667, t. 1, p. 92.
165 P. Boyer du Petit Puy, Briève relation, op. cit., p. 436, 444 et 452-453.
166 C. Buchet, « Des routes maritimes Europe-Antilles et de leurs incidences sur la rivalité franco-britannique », Histoire, économie et société, 1994, 13e année, n° 4, p. 564.
167 Le flibustier Exquemelin rapporte comment en 1666 les vents l’ont empêché de rejoindre la Martinique comme il l’escomptait : « nous voulions aller à la Martinique, mais nous étions trop bas, et que le vent et le courant ne nous permirent pas d’y aborder, nous fîmes route vers la Guadeloupe où nous pûmes arriver non plus qu’à la Martinique » (A.-O. Exquemelin, Histoire des aventuriers flibustiers, op. cit., p. 61).
168 DT/1667, t. 1, p. 103-104 ; D. Le Hirbec, Voyages, op. cit., p. 20-21.
169 MSM, p. 191.
170 De la Vigne aux seigneurs de la Compagnie, Saint-Christophe, le 20/01/1657, dans DT/1667, t. 1, p. 482 et suiv. ; ARSI, Gallia, 160, Boislevert à l’assistant de France, vers 1662, fol. 306r ; DT/1667, t. 1, p. 491 et suiv.
171 AD 76, TH, reg. 186, Déclaration faite à la requête de Simon Philippe de Honfleur. Récit de Jean Perrier, dans Barrey, p. 67 ; J. Petitjean Roget, « Saint-Christophe… », op. cit., p. 8-9 ; Barrey, p. 162 ; Délibération, le 6/01/1645, p. 478 ; DT/1667, t. 2, p. 17 ; MSM, p. 245.
172 P. Pelleprat, Relation, op. cit., 2e partie, p. 19 ; Anonyme de Saint-Vincent, Description de l’île de Saint-Vincent, dans Voyageurs anonymes aux Antilles, op. cit., p. 283.
173 La Santa Barbola naufrage au large de Saint-Eustache en 1630 (J.-P. Moreau, Les Petites Antilles, op. cit., p. 200). Une hourque espagnole de vingt-six canons en route pour le Vénézuela s’échoue à la Martinique en 1636 (AGI, SD, 156, ramo 6, exp n° 69 ; AGI, SD, 759 ; AGI, SD, indiferente general, 1872, exp n° 1 et n° 2). Les convois espagnols vers les Indes présentent, pour la période 1621-1625 qui fut, et de loin, la pire de toute, un taux de perte de navires de 4,5 %, soit 6,5 % du tonnage. La moyenne s’établi autour de 3 % pour la période 1546-1650 (A. García-Baquero González, La Carrera de Indias, op. cit., p. 141).
174 AD 17, B 5658, Enquête du naufrage du Saint-Charles ; M. Delafosse, « La Rochelle et les îles… », op. cit., p. 257 ; Bret/A, p. 150 ; Bret/B, p. 186 ; DT/1667, t. 1, p. 424-425 ; AD 44, 4E2, étude Mariot, 1469, n° 34, Déclaration de perte d’un navire, Nantes, le 19/03/1650, pas de n° de fol.
175 DT/1667, t. 2, p. 29.
176 P. Villiers, Les corsaires du littoral, op. cit., p. 142.
177 Récit du voyage et de l’arrivée aux Antilles du commandeur de Poincy, dans Le Mercure françois, t. 23, p. 325.
178 Délibération, le 25/08/1635, p. 251. François Richer, sieur de Piedfollet, conduit une barque de 50 tonneaux (Anth, t. 2, p. 139).
179 AGR, A6, Lettre de J. Pennincq, Dunkerque, le 3/08/1635. Pub. dans J. Dams, « La correspondance de Jean Penninck », Revue de la société dunkerquoise d’histoire et d’archéologie, 26, 1992, p. 14.
180 Délibération, le 14/05/1640, p. 397-400.
181 Délibération, le 6/06/1640, p. 402.
182 Ibid., p. 401 ; Délibération, le 14/05/1640, p. 399-400.
183 Délibération, le 5/12/1641, p. 434 ; Délibération, le 6/01/1645, p. 478.
184 AGR, A6, Lettre de J. Pennincq, Dunkerque, le 16/03/1643. Pub. dans J. Dams, « La correspondance de Jean Penninck », Revue de la société dunkerquoise d’histoire et d’archéologie, 35, 2001, p. 30 ; DT/1667, t. 1, p. 506.
185 P. Villiers, Les corsaires du littoral, op. cit., p. 142 et 145.
186 Le duc d’Enghein prend la ville le 11 octobre 1646 (Ibid., p. 145-146).
187 MSM, p. 245. Le père Antoine Biet rapporte que le capitaine Courpon de Dieppe qui emmène cinquante hommes à Cayenne est suivi depuis son départ par une frégate d’Ostende. Il préfère relâcher au Havre (A. Biet, Voyage de la France équinoxiale en l’isle de Cayenne, Paris, François Clouzier, 1664, p. 27).
188 G. Coppier, Histoire et voyage, op. cit., p. 4.
189 Les registres du tabellionage du Havre mentionnent la Marguerite, de 38 tonneaux, le 27 février 1627 et la Grande Roze, de 100 tonneaux, le 21 février 1628 (Anth, t. 2, p. 541-543). Les Français s’attaquent aussi aux navires anglais « sous l’autorité et permission » du roi et du cardinal. Julien Morin de Honfleur prend un navire anglais de 50 ou 60 tonneaux et le ramène à Fécamp. Le capitaine Robert Lamoisse, parti sur une barque de 55 tonneaux, le Saint-Pierre, quitte Le Havre pour faire la guerre aux Anglais. Il capture un navire qu’il mène à Calais en 1628. Robert Le Hericy prend lui plusieurs navires anglais durant un même voyage. Liot, Jean Bailleul, Jacques Labbé et Abraham Grenier participent aussi à la course dans ces années-là (Anth, t. 2, p. 129 et 542-543).
190 Dupuis, p. 169-175.
191 DT/1667, t. 1, p. 506-507. Il repart ensuite du Texel sur un navire hollandais pour « ne plus être exposé aux pirateries cruelles des Anglais » (ibid.).
192 Les deux pays sortent à peine de la première guerre anglo-hollandaise (1652-1654) provoquée par l’Angleterre qui veut imposer son Acte de navigation de 1651 et réduire les interventions hollandaises dans son commerce (Ch. Wilson, La république hollandaise des Provinces-Unies, op. cit., p. 185-195).
193 Le père trinitaire Pierre Dan attribue leur passage dans l’océan à l’adoption du bateau rond (P. Dan, Histoire de Barbarie et de ses corsaires, Paris, P. Rocolet, 1637, p. 273).
194 D. Le Hirbec, Voyages, op. cit., p. 27.
195 Histoire véritable de la prise des vaisseaux de plusieurs corsaires et pirates turcs, 1620, dans Ternaux Compans, Archives des voyages, Paris, A. Bertrand, t. 1, 1840, p. 170 ; Richelieu à de Launay Razilly, le 4/07/1627, dans Richelieu/L, t. 2, p. 493. Ces attaques font l’objet de nombreux récits.
196 D. Asseline, Les antiquités et chroniques de la ville de Dieppe, op. cit., t. 2, p. 240.
197 L. Maziane, Salé et ses corsaires, op. cit., p. 241. Ils mènent aussi des raids sur l’Islande et s’en prennent aux terre-neuvas (ibid., p. 209).
198 Bouton, p. 13-17.
199 MSM, p. 81.
200 Délibération, le 26/06/1642, p. 429.
201 P. Boyer, « Alger en 1645 d’après les notes du R.P. Hérault », Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, 17, 1974, p. 26.
202 Ibid., p. 25-26 ; M. Vergé-Franceschi, Chronique maritime de la France, op. cit., p. 337.
203 L. Hérault, Les victoires de la charité, Paris, Louis Boulanger, 1646, p. 188 et 191.
204 Acte de prise de possession de la Martinique, le 15/09/1635, dans Margry, p. 7.
205 L. Hérault, Les victoires de la charité, op. cit., p. 190 ; DT/1667, t. 1, p. 415.
206 Le navire turc « nous eût pris sans faillir, si notre navire eût été seul », rapporte le carme Maurile de Saint-Michel (MSM, p. 250). Les navires de la Cie de la Nouvelle-France partent aussi de concert (G. Carpin, Le réseau du Canada, op. cit., p. 122).
207 D. Le Hirbec, Voyages, op. cit., p. 18 ; DT/1667, t. 1, p. 224.
208 AD 17, B 5657, Guillet à son père, Saint-Christophe, le 12/06/1646, fol. 194rv.
209 MSM, p. 247.
210 A.-O. Exquemelin, Histoire des aventuriers flibustiers, op. cit., p. 57-58.
211 Sur les convois et la Carrera de Indias, voir A. García-Baquero González, La Carrera de Indias. Histoire du commerce hispano-américain (xvie-xviiie siècles), Paris, Desjonquères, 1997.
212 P. Villiers, « les convois coloniaux en atlantique de Louis XIV à Louis XVI », dans S. Marzagalli (dir.), Bordeaux et la marine de guerre, Bordeaux, PU de Bordeaux, 2002, p. 100-101. Isaac de Razilly évoque cette question des convois avec Richelieu et propose qu’ils soient financés par une taxe sur les marchandises de 2 % (L. A. Boiteux, La fortune de mer, Paris, SEVPEN, 1968, p. 35). Le ministre français de la Marine, le comte de Maurepas, organisera deux véritables convois au milieu du xviiie siècle en 1744 et en 1745 avant de les rendre obligatoires par l’ordonnance du 14 mai 1745 sous peine de 500 livres d’amende au capitaine car la guerre contre l’Angleterre nécessite la protection des navires marchands français (P. Villiers, J.-P. Duteil, L’Europe, la mer, et les colonies, op. cit., p. 86).
213 G. Coppier, Histoire et voyage, op. cit., p. 3.
214 Bouton, p. 10 et 14.
215 Bret/A, p. 150 ; Bret/B, p. 186 ; DT/1667, t. 1, p. 424-425. Breton situe le naufrage au large des Sorlingues. Il n’y eut que cinq survivants dont un jeune Indien.
216 Dupuis, p. 62-63.
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