1L’administration des îles représente au début des années quarante, au moment où la Compagnie est définitivement constituée, une centaine d’agents entièrement dépendants d’elle, depuis les commis et les capitaines généraux jusqu’aux peseurs de pétun et aux contrôleurs. Les commis généraux et particuliers, et l’intendant général représentent directement ses intérêts. Ils perçoivent ses droits sur les hommes et les marchandises et contrôlent le développement de la colonisation. La Compagnie nomme aussi des juges, des notaires et des arpenteurs pour assurer les services dont ont besoin les habitants. Sa qualité tient aux hommes qu’elle a nommés pour la représenter. Gentil et Leumont s’illustrent par leur sens du service. Ils savent dans les moments difficiles assurer son autorité. Le gouverneur de Saint-Christophe, Philippe de Longvilliers de Poincy, l’a bien compris. Il se heurte violement à plusieurs reprises à Leumont et tente par tous les moyens de l’évincer. Les critères qui président au choix des hommes varient selon la nature de leurs tâches et leur niveau de responsabilité. Il apparaît ainsi que les gouverneurs et les lieutenants généraux sont choisis en fonction de leurs aptitudes à commander, les agents aux îles, de leurs compétences techniques, et les receveurs dans les ports de France, de leur connaissance du milieu marchand. Mais la Compagnie doit aussi composer avec les sollicitations et les pressions qui sont exercées. Elle n’est pas ingrate et sait satisfaire et récompenser ses agents en leur donnant des charges plus importantes et des gratifications. Il apparaît que les hommes qu’elle a commissionnés ont plutôt agi avec sérieux et ont su défendre ses intérêts. Cela ne signifie pas que les habitants apprécient toujours leurs interventions, car il existe un certain ressentiment à l’égard de la Compagnie, et donc de ses agents. Elle a en revanche davantage de difficultés avec les gouverneurs dont le choix lui échappe en grande partie. Ils demeurent cependant durant les années trente et quarante aux yeux des observateurs assez soucieux des ordres de la Compagnie car, comme le souligne tout en nuance Dutertre, « les gouverneurs […] n’avaient point d’autre fortune que leurs établissements dans ces lieux, appréhendant qu’on ne les blâmât en France, et qu’on empêchât la continuation de leurs charges, gouvernaient les habitants plutôt en pères qu’en seigneurs et en maîtres, et la confiance cordiale que les habitants avaient en leurs gouverneurs causait une si étroite union qu’ils semblaient n’avoir point d’autre volonté que la leur1 ». Ces hommes de bonne extraction sont parfois tentés d’agir comme ils l’entendent. Aussi, les associés leur affectent-ils un lieutenant général pour les seconder, ce qui conduit en de nombreuses occasions à des conflits d’autorité. Poincy affronte La Grange, et Houël, Aubert. Les associés prennent leurs responsabilités et interviennent en haut lieu quand les choses vont trop loin. Ils obtiennent ainsi en 1644 le limogeage de Poincy qui perd la lieutenance générale du roi pour les îles. Cependant, l’autorité de la Compagnie est fragile. Les distances, les ambitions des hommes, solidement implantés sur place, et les guerres civiles qui vont déchirer les Petites Antilles françaises entre 1645 et 1647 ne risquent-elles pas d’enrayer le fonctionnement de son administration et de conduire à la rupture ?

2Le mode de gouvernement des îles est très éloigné des modèles voisins hollandais et anglais. Les Hollandais de la WIC font le choix d’un gouvernement bourgeois et collégial pour reprendre l’expression de Frédéric Mauro. Le gouverneur Maurice de Nassau détient le pouvoir militaire de l’établissement de Pernambouc au Brésil, mais il est secondé dans sa tâche par le haut conseil formé de plusieurs directeurs de la WIC qui a un rôle politique et administratif. Il existe aussi un tribunal civil et criminel à Recife, un tribunal des comptes et une trésorerie. Au niveau local, des conseils d’échevins assurent la conduite des communautés2. La WIC a fait le choix d’établir de nombreuses institutions et ne laisse donc pas reposer l’administration de ses établissements sur quelques hommes, fussent-ils de grandes compétences. Le contrôle de la WIC sur ses agents semble assez étroit mais conduit-il pour autant à une meilleure gestion de ses intérêts ?