Chapitre 2. La Compagnie des îles de l’Amérique
p. 57-87
Texte intégral
1Au début de l’année 1635, le cardinal de Richelieu confie à François Fouquet le soin de préparer une assemblée des associés de la Compagnie afin de réfléchir à sa réorganisation. La date du mercredi 31 janvier 1635 est arrêtée. Jean Cavelet du Herteley se charge de contacter tout le monde par courrier1. Le cadre de la discussion sur l’avenir de la Compagnie est défini au préalable, il s’agit de « donner les ordres nécessaires tant pour la conservation et augmentation de la colonie de l’île de Saint-Christophe que pour en établir ès autres îles circonvoisines2 ». Il s’agit bien de s’inscrire dans la continuité de ce qui a été accompli, et de poursuivre l’expansion française dans les Antilles3. Plusieurs réunions seront nécessaires pour que les associés s’entendent sur le projet. Elles aboutissent à la réorganisation de la Compagnie et à la redéfinition de ses relations avec l’État et des contours de la colonisation.
Le travail des associés
2Le mercredi 31 janvier 1635, la grande réunion voulue par Richelieu rassemble la plupart des associés chez François Fouquet à Paris : outre l’hôte des lieux, François Fouquet, nous pouvons noter la présence de Guénégaud, Bardin, Martin de Maunoy, Pradines et Cavelet du Herteley. Six associés (Richelieu, les héritiers de Marion, de La Porte, de Launay Razilly, Berruyer et Cauville) ont donné des procurations4.
Premier bilan de la Compagnie par les associés
3Isaac Martin de Maunoy ouvre la réunion par un bilan de l’action entreprise par la Compagnie depuis 1626 et souligne « qu’elle n’a pas réussi ainsi qu’on l’avait espéré5 ». Deux difficultés majeures nuisant au bon fonctionnement de la Compagnie et à son efficacité sont évoquées. Premièrement, les capitaines de navires qui vont traiter aux îles sans son autorisation remettent en cause son monopole, ce qui constitue un préjudice dommageable. L’édit obtenu en 1634 pour protéger le commerce constitue un premier pas pour le respect de son droit, mais il n’a pas encore produit ses effets6. Secondement, les associés manquent à leurs devoirs. Ils ne s’investissent pas assez dans la Compagnie. La critique est générale, aucun nom n’est mentionné7. Cela est d’autant plus préjudiciable que les associés ne sont pas nombreux. Mais il est vrai qu’ils ont bien d’autres responsabilités à exercer. Il en va évidemment ainsi du cardinal de Richelieu. Le gouvernement de la France l’accapare. Il suit le siège de La Rochelle puis part avec le roi Louis XIII et les armées en Italie en 1629 pour soutenir son candidat au duché de Mantoue devenu vacant8. Le marquis d’Effiat est de tous les combats. Il assiste aux sièges de La Rochelle et de Privas et participe à la guerre dans le Piémont. Au mois de mai 1632, il est à Verdun. Jean Ferrier l’accompagne9. Marion est lui aussi à La Rochelle en 162710.
4Martin de Maunoy présente ensuite le souhait de Richelieu de rétablir la Compagnie afin de poursuivre les efforts accomplis, preuve manifeste de son intérêt pour l’entreprise. Mais il revient aux associés de prendre leurs responsabilités et de se prononcer. Martin de Maunoy les assure du soutien du roi. François Fouquet dut donner des assurances au nom du cardinal. Aussi les associés se rangent-ils rapidement à leurs avis et s’engagent-ils à écrire les nouveaux articles du contrat. Cependant, ils désirent un engagement plus ferme de la monarchie qui garantisse et étende ses privilèges11. Il apparaît donc à leurs yeux que l’échec de la Compagnie provient d’un manque de soutien.
5Les associés, conscients de l’importance de l’enjeu, se mettent aussitôt à l’œuvre. Ils se dotent d’une direction constituée de quatre des leurs (Guénégaud, Martin de Maunoy, Bardin et Berruyer), et assistées d’un secrétaire dont les tâches consistent à « écrire les délibérations et résolutions de la Compagnie et faire toutes les dépêches nécessaires, garder les lettres, comptes et papiers de la Compagnie12 ». Il s’agit de Jean de Beauvais, un commissaire ordinaire de la marine du Ponant. L’homme n’est pas un novice, il connaît bien le milieu maritime. Son choix s’explique aisément. Il est le secrétaire de François Fouquet. Il effectue pour son compte l’achat des parts de Claude Cornuel dans la Compagnie quelques années plus tard13. Il est domicilié rue de Jouy, à l’adresse de Fouquet. Il est vraisemblablement un parent du notaire Michel de Beauvais, qui a établi le contrat de la première compagnie avec Richelieu en 162614. Jean de Beauvais tiendra le secrétariat durant toute la durée de la Compagnie. Il ne perçoit pas d’appointement, mais en 1642 il reçoit 600 livres de dédommagements pour les années passées15.
6Plusieurs tâches urgentes sont définies : premièrement, la rédaction d’un contrat liant la Compagnie reformée à la monarchie et l’élaboration d’un règlement intérieur de la Compagnie ; deuxièmement, l’établissement d’un bilan financier ; et troisièmement, la préparation d’un contrat avec les capitaines L’Olive et du Plessis pour relancer la colonisation dans les Antilles. La réalisation du bilan financier est confiée à Bardin et à Berruyer à partir des livres de compte de Cavelet du Herteley16. Gentil, le commis de la Compagnie à Saint-Christophe, est aussi sollicité pour apporter des compléments d’information. Une réunion de travail est décidée pour le dimanche 4 février afin de discuter des articles pour la reformation de la Compagnie.
7Cependant, si l’assemblée du 31 janvier 1635 a suscité un certain intérêt de la part des associés, les réunions qui se tiennent tout au long du mois de février (le 4 février, le 7 février et le 13 février) pour travailler à la reformation, ne mobilisent qu’un petit nombre d’entre eux qui figure le noyau qui préside aux destinées de la Compagnie. Les autres associés ne semblent pas prendre part au débat, et se contentent de signer les documents qui leur sont portés.
Les conditions d’élaboration des contrats
8Le 4 février 1635, François Fouquet accueille chez lui les quatre nouveaux directeurs de la Compagnie Guénégaud, Martin de Maunoy, Bardin et Berruyer, et Cavelet du Herteley qui est en charge des finances. Ils entreprennent la rédaction des articles du contrat avec la monarchie que Berruyer est ensuite chargé de porter à Richelieu17. Le contrat est signé par Berruyer et Richelieu le 12 février 1635 au domicile du cardinal, rue Saint Honoré. La Compagnie est officiellement constituée pour vingt ans. Elle a un nom, la Compagnie des îles de l’Amérique, et un siège, Paris18. Le lendemain, le 13 février, le contrat est présenté aux associés qui l’approuvent et le signent aussitôt. Le 8 mars 1635, il est enregistré par le conseil d’État et le roi le revêt de lettres patentes. Le 31 juillet, Richelieu ordonne son exécution19. Cependant, l’enregistrement par une cour souveraine se fait attendre et les associés s’en plaignent encore en 164120.
9Les associés se consacrent dans le même temps à la question de la gouvernance de la Compagnie. Ils considèrent en effet que l’absence de règlement intérieur nuit à son bon fonctionnement. Le préambule des articles entre les associés de 1635 indique ainsi que la Compagnie de 1626 a failli « faute de soin et bon règlement ». Il est « nécessaire pour faire subsister la Compagnie de dresser des articles de société21 ». Le dominicain Jean-Baptiste Dutertre rapporte que la rédaction de ce règlement fut l’objet de nombreuses discutions. Les propositions d’articles furent paraît-il nombreuses22, mais les délibérations ne s’en font pas l’écho. Le règlement est enfin établi le 13 février 1635. Il prévoit les modalités de la tenue des assemblées, les droits et devoirs des associés et les règles de transmission des parts. L’acte est rédigé devant le notaire Jérôme Cousinet, et signé par les associés23. Ces articles ne sont pas définitifs. Ils peuvent encore être amendés et complétés « selon qu’il sera jugé avantageux à la Compagnie, par la pluralité des voix des associés » (article 16)24. Les associés posent les jalons d’une évolution future en inscrivant la possibilité de « faire un nouveau fond », chacun y contribuant selon les parts qu’il détient (article 11). Ils n’entendent rien imposer, certainement parce que tous les associés ne sont pas disposés à investir davantage. D’ailleurs ceux qui n’y souscriront pas pourront quitter la société.
10Les contemporains apprécient les changements opérés par les associés. Dutertre loue l’investissement des associés lors du rétablissement : ils « mirent d’un commun accord une somme considérable d’argent afin de secourir la colonie et de la rendre aussi heureuse par de puissants secours qu’elle avait été misérable pour l’avoir négligée25 ». L’historien Jacques Petitjean Roget voit dans le rétablissement de la Compagnie de 1635, un changement dans la façon de procéder et d’envisager la maîtrise de la colonisation. En effet, il note que les accords sont bilatéraux et non plus tripartites. Les négociations se font entre les associés et Richelieu. Les capitaines généraux n’y prennent pas part. D’Esnambuc est écarté des négociations26. L’affaire se négocie bien entre l’État et les associés.
11Si les travaux ont été rapidement menés, c’est que depuis de nombreux mois, les associés, préoccupés de la situation de la Compagnie, ont déjà réfléchi à d’éventuels aménagements et esquissé des propositions pour en assurer un meilleur fonctionnement. Mais tous les associés ont-ils donné facilement leur assentiment au nouveau contrat ? Certains n’auraient-ils pas rechigné à la reformation de la Compagnie sous la forme voulue par le cardinal ? Le fait que des difficultés soient évoquées dans les comptes-rendus des réunions des associés le laisse penser. Les directeurs Bardin et Berruyer sont ainsi chargés de se pencher sur « les articles qui peuvent recevoir quelque difficulté pour être décidés par la Compagnie27 ». Peu de temps après la signature des documents qui reforme la Compagnie, plusieurs associés (la veuve du maréchal d’Effiat, Mallier du Houssay, Pradines) vendent leurs parts28. Les raisons de leur abandon ne sont pas connues. Manifestent-ils leur mécontentement à propos des nouveaux arrangements ? Expriment-ils leur désaccord à propos de l’arrivée de nouveaux associés dans la Compagnie ? Mais il est possible qu’ils préfèrent se retirer car ils sont un peu las de la Compagnie après l’avoir longtemps accompagnée. Ils n’étaient de toute façon pas très investis dans son fonctionnement. La plupart des associés semblent adhérer aux propositions faites. Peut-être la promesse prochaine de profits a-t-elle convaincu les associés hésitants à poursuivre l’aventure ? C’est du moins ce que laisse entendre Dutertre quand il écrit que les profits réalisés par les Hollandais à Saint-Christophe auraient fait changer d’avis les associés qui pensaient abandonner l’affaire29.
Le fonctionnement de la Compagnie et ses objectifs
12Le contrat et les articles donnent un nouveau cadre à la Compagnie et redéfinissent ses objectifs.
La structure de la Compagnie
13La Compagnie repose entièrement sur les associés. Elle compte deux éléments structurels : les assemblées et les directeurs.
14Les articles de la Compagnie prévoient que les associés se réuniront régulièrement tous les mois à Paris, le siège de la société, pour décider de la conduite des affaires de la Compagnie. Les assemblées se tiendront tous les premiers mercredis de chaque mois à 14 heures chez François Fouquet (article 2). Les associés pourront éventuellement adresser une procuration s’ils ne peuvent s’y rendre. Les résolutions des assemblées les engageront qu’ils soient présents ou absents (article 3). Les décisions seront prises à la pluralité des voix (article 5). Il n’est pas précisé si le vote est par tête ou en proportion des parts détenues. Mais il est vrai que les associés ont presque tous le même nombre de parts, à l’exception notable de Richelieu. Tous les contrats signés avec des tiers seront envoyés aux associés qui ne peuvent venir à l’assemblée et seront signés par eux pour, est-il dit, « obliger chaque associé30 ».
15Les délibérations montrent une certaine régularité des réunions. Il n’y a guère que pour les années 1646-1647 que nous ne sommes pas bien renseignés. Il n’y aurait eu en 1646 que quatre réunions (les 5 janvier, 2 février, 2 mars et 23 août) et 4 en 1647 (les 26 mars, 1er et 26 août et 6 décembre). À l’évidence, le registre a été moins bien tenu à cette époque. D’ailleurs, les noms des présents ne figurent pas toujours et seules quelques lignes résument les séances, sans entrer dans le détail de la réunion. Enfin, les assemblées ne se tiennent plus un jour particulier à cette époque, mais indifféremment le mardi, le jeudi ou le vendredi. Il semble néanmoins que durant ces années, il y a eu bien d’autres réunions pour lesquelles nous n’avons aucune délibération. Dutertre parle ainsi par exemple d’une assemblée qui s’est tenue le 8 février 1647 au moment de la négociation du contrat pour la colonisation de Marie-Galante avec les capitaines Louis Haussier et Antoine Camot31. Le manuscrit des délibérations s’arrête en 1648. Mais les associés se réunissent par la suite en plusieurs occasions pour étudier les projets de vente des îles32. L’importance des affaires à traiter conduit les directeurs à convoquer plusieurs assemblées durant le même mois, parfois à des dates rapprochées. Le calendrier de l’année 1640 est particulièrement chargé. Ainsi, les associés se réunissent-ils le 7 mars 1640 puis à nouveau quelques jours plus tard le 13 mars 164033. Le 2 mai 1640, les affaires n’ayant pu être toutes réglées, il est décidé d’une nouvelle assemblée le samedi suivant, le 5 mai. Une autre réunion se tient encore le lundi 14 mai34. Il est vrai que la négociation du contrat avec le marchand rouennais Daniel Trezel35 pour le développement économique de la Guadeloupe et la perte d’un navire nécessitent des décisions rapides.
Figure 3. L’organisation de la Compagnie.

16Tous les ans une assemblée générale doit réunir tous les associés afin de procéder à l’élection des directeurs et au partage du revenu de la Compagnie en fonction des parts de chacun (article 8). Elles se tiendront effectivement tous les ans. Il n’y a guère qu’en 1639 qu’elle ne sera pas convoquée en raison de la maladie de François Fousquet qui avait pris la conduite des affaires de la Compagnie. Elle a finalement lieu au milieu de l’année 1640, car les décès de François Foucquet et d’Isaac Martin de Maunoy en paralysent le fonctionnement et qu’il faut procéder à la nomination de nouveaux directeurs36.Les assemblées générales se tiennent le plus souvent au mois de décembre comme il est précisé dans le règlement. Certaines années voient plusieurs assemblées générales se tenir pour régler des situations extraordinaires qui nécessitent l’attention de tous les associés. C’est ainsi le cas en 1644 (le 2 mars et le 9 décembre) et 1645 (le 6 janvier et le 1er décembre) alors que la Compagnie, en proie à des difficultés de trésorerie, doit trouver de l’argent. C’est encore le cas en 1647 (le 1er août et le 6 décembre) quand les associés envisagent de céder les îles à des particuliers37. Il est probable que l’assemblée générale qui n’a pu se tenir en 1643 a été décalée au mois de mars 1644.
Tableau 1. La présence des associés aux assemblées générales.
date de l’assemblée générale | nombre d’associés présents ou représentés |
Le 31 janvier 1635 | 12 |
Le 3 décembre 1636 | 11 |
Le 2 décembre 1637 | 11 |
Le 1er décembre 1638 | 6 |
1639 | Il n’y a pas eu d’assemblée générale |
Le 2 mai 1640 | 9 |
Le 2 janvier1641 | 8 |
Le 23 décembre 1642 | 9 |
1643 | Nous n’avons pas de délibération |
Le 2 mars 1644 | 12 |
Le 9 décembre 1644 | 11 |
Le 6 janvier 1645 | 14 |
Le 1er décembre 1645 | 3 |
1646 | Nous n’avons pas de délibération |
Le 1er août 1647 | 10 |
Le 6 décembre 1647 | Il n’y a pas de liste des présents |
Le 5 juin 1648 | 4 |
Source : ANOM, F2A13 ; DT/1667, t. 1, p. 442.
17Les directeurs assurent la permanence de la société. Leurs pouvoirs sont définis dans l’article premier du règlement de la Compagnie. Ils ont le soin et l’entier maniement des affaires de celle-ci. Ils pourvoient en particulier aux charges des agents. Ils ordonnent et surveillent les départs vers les îles, traitent avec les capitaines de navires et assurent la nourriture des passagers. Ils se réunissent régulièrement tous les premiers mercredis de chaque mois (article 2). Ils sont élus lors de l’assemblée générale pour deux ans et renouvelables par moitié tous les ans (article 3). Ils effectuent lors de l’assemblée générale un rapport d’activité sur l’année écoulée38. Ils convoquent les assemblées. Les directeurs ayant assisté à la réunion signent le registre39. Le rôle exact du secrétaire n’est pas reprécisé dans le règlement mais il ne doit pas se distinguer de celui défini par les associés lors de leur réunion du 31 janvier 1635.
18Le fonctionnement de la Compagnie des îles de l’Amérique s’inspire dans ses grandes lignes de celui de la Compagnie de la Nouvelle-France. Les organigrammes sont proches. La Compagnie de la Nouvelle-France comprend des réunions hebdomadaires et une assemblée générale annuelle des associés, des directeurs choisis pour deux ans, un secrétaire et un receveur du compte général. Nous observons aussi des préoccupations identiques concernant la tenue des comptes et leur vérification, et la gestion des cessions et des ventes des parts de la Compagnie. Le nombre de directeurs (douze) et le montant des parts (3 000 livres) sont différents, mais ils sont à mettre en rapport avec la taille de l’entreprise, et ne sauraient être compris comme des éléments de divergences organisationnelles. Cependant, il existe aussi des singularités. La Compagnie de la Nouvelle France dispose d’un intendant à Paris qui gère les affaires au côté des directeurs et assure le lien entre les directeurs et Richelieu40, ce que ne possède pas la Compagnie des îles de l’Amérique.
19La question du règlement intérieur est assez générale à cette époque dans de nombreuses organisations qui recherchent l’efficacité du travail en réunion, la responsabilisation des hommes en charge des dossiers et la délimitation des domaines de compétences de chacun. Le conseil du roi connaît ainsi plusieurs règlements tout au long du premier xviie siècle41. Il est vraisemblable que l’exemple a été retenu par les associés qui fréquentent assidûment les ministères.
20La reformation de la Compagnie conduit à renforcer sa structure et ses moyens d’intervention. Elle reste cependant une compagnie avec un ressort territorial limité, quoique amplifié. Elle ne fait pas le saut quantitatif auquel certains associés aspirent peut-être. En Angleterre, à la même époque, on s’interroge sur la formation d’une grande compagnie des Indes occidentales, à l’image de la WIC, qui pourrait la concurrencer42. La mort du comte de Carlisle qui avait en charge la colonisation des Antilles en 1636 en est certainement une des principales causes43. Mais la décision est remise à plus tard. Cela atteste que pour l’heure, en France comme en Angleterre, on se satisfait de la situation. Se lancer dans un projet de plus grande envergure est vraisemblablement jugé trop risqué.
Le contrat avec la monarchie
21Le nouveau contrat qui lie la Compagnie au pouvoir se situe dans le prolongement de celui de 1626. Il rappelle les grands principes qui doivent présider à la colonisation des îles : l’instruction religieuse des Indiens (article 2) qui justifie et légitime d’une certaine façon la présence française, le peuplement (articles 3 et 4) et le développement de l’activité économique (exploitations des mines et commerce) (articles 6 et 10). Mais il ne doit pas être compris comme un complément au contrat initial. La période de concession de vingt ans est réinitialisée (article 3). Les associés bénéficient ainsi du monopole des affaires des îles jusqu’en 1655. Plusieurs articles montrent une évolution sensible des responsabilités des associés. La monarchie en leur accordant de nouveaux privilèges signifie qu’elle leur fait confiance. Mais qu’obtiennent exactement les associés de la monarchie44 ?
22Tout d’abord, et c’est le plus important, du moins à leurs yeux, car c’est à cette condition qu’ils ont consenti les uns et les autres à la reformation de la Compagnie, ils se voient reconnaître et attribuer le monopole du commerce vers les îles. Ni le roi, ni Richelieu, en tant que grand maître et surintendant de la navigation et du commerce de France, ne peuvent déroger à cette règle (article 10). Eux seuls peuvent attribuer des autorisations aux capitaines et maîtres de navires pour se rendre dans les îles. Les associés obtiennent aussi la propriété des îles. La concession est capitale. Elle fonde le droit des associés sur les terres et sur les hommes. Ils en sont les seigneurs. Ils devront à ce titre la foi et l’hommage au roi. Ils ont toute latitude de répartir les terres, de percevoir les droits et de nommer aux charges de justice (articles 6 et 7). Ils continuent pour l’heure de s’appeler les associés de la Compagnie mais en 1636, ils se disent « les seigneurs de la Compagnie ». Ils attendront cependant 1644 pour mettre « les seigneurs des îles de l’Amérique » et non plus « la Compagnie » sur les commissions, les actes et les lettres45. Quant à l’hommage il sera rendu par un des leurs et en leur nom (article 6). Le 31 mai 1642, la Compagnie prie Berruyer de porter la foi et hommage au roi. Il s’exécute entre les mains du chancelier Séguier le 23 décembre 164246. Les associés doivent assurer la défense des îles par la construction de forts, la fabrication d’armes et l’entretien de troupes (articles 5, 7 et 9). Ils ont toute autorité sur les capitaines généraux qu’ils nomment (article 9). Aussi les directeurs leur rappellent-ils (ainsi qu’aux commis) les engagements pris et les invitent-ils à les respecter47. Ainsi, les associés de la Compagnie ont tous les pouvoirs pour mener à bien la colonisation. Ils en étaient les acteurs privilégiés, ils en deviennent les organisateurs avec l’assentiment du pouvoir.
23Une extension de leur périmètre géographique leur est aussi concédée par le roi avec la possibilité d’établir leur autorité dans toutes les îles « depuis le dixième jusqu’au vingtième degré, au-deçà de la ligne équinoxiale, qui ne sont à présent occupées par aucun prince chrétien » (article 1). C’est légèrement plus que le contrat de 1626 qui mentionnait la zone comprise entre le onzième degré et le dix-huitième degré48. Cependant, c’est moins que la version du contrat de rétablissement donnée par le chroniqueur Dutertre dans son Histoire générale des Antilles en 1667 et reprise par les auteurs du xviiie siècle comme Moreau de Saint-Méry, où il est question d’une zone comprise entre le dixième et le trentième degré. En fait, Dutertre a commis une erreur ou l’éditeur laissé une coquille, car la minute du contrat conservée dans l’étude du notaire Jérôme Cousinet mentionne bien une zone entre le dixième et le vingtième degré49.
24La monarchie manifeste un certain nombre d’exigences en retour des importants privilèges concédés. Elle interdit l’établissement des étrangers et des protestants (article 4). Elle attend le passage de 4000 Français dans les îles (article 2). Cette demande est modérée car il est précisé que les colons déjà présents à Saint-Christophe sont compris dans ce chiffre, ce qui atteste que la première compagnie avait bien agi pour favoriser le peuplement. La monarchie entend aider à la colonisation en donnant des privilèges aux artisans qui viendront s’établir aux îles. Ils pourront devenir maîtres de chef-d’œuvre au bout de six ans et tenir boutique dans le royaume, hormis à Paris où il faudra avoir résidé dix ans aux îles (article 13), et en reconnaissant la qualité et les honneurs des personnes qui viendront à passer aux îles (article 12). La monarchie entend cependant garder un contrôle sur les opérations et rappelle son autorité. Ainsi, les ordonnances doivent être faites au nom de la Compagnie et du roi. Elle se garde aussi la possibilité de nommer un lieutenant général et se réserve la justice souveraine (articles 6 et 9). Si les concessions sont importantes, elles n’en sont pas moins temporaires, et le non-respect des dispositions du contrat par la Compagnie dégage la monarchie de toute obligation et respect des privilèges accordés (article 15). Elle ne reconnaît que le cas de guerre comme circonstance dérogeant à l’exécution du contrat par la Compagnie (article 14). Les demandes de la monarchie ne sont pas éloignées de celles formulées à l’encontre de la Compagnie de la Nouvelle-France en matière de peuplement et d’encadrement de la colonisation. Le chiffre de 4000 colons est identique à celui que la Compagnie de la Nouvelle-France doit passer au Canada50. La Compagnie des îles doit entretenir deux ou trois ecclésiastiques « en chacune habitation » (article 2) là où la Compagnie de la Nouvelle-France doit en avoir au moins trois pour la conversion des Indiens et le secours des Français51. Si les clauses des contrats sont proches, en revanche celui des îles semble un peu moins contraignant, notamment en matière religieuse, et sa durée est plus longue (vingt ans contre quinze ans).
La réorganisation de 1642
25Cependant, au bout de quelques années, le développement de l’activité de la Compagnie sur plusieurs îles des Antilles (Saint-Christophe, Guadeloupe et Martinique) et dans plusieurs ports de France (Le Havre, Dieppe, Nantes, La Rochelle et Saint-Malo) nécessite de revoir son organisation. Le modèle de la Compagnie a peut-être atteint ses limites. Les associés ne sont pas enfermés dans un schéma de fonctionnement et se montrent assez souples pour envisager des changements et des améliorations.
Le nouveau partage des responsabilités des directeurs
26L’un des principaux chantiers est celui de la direction. Le nombre des directeurs change à plusieurs reprises. Ils étaient quatre en 1635, mais il est décidé que trois suffiront à la conduite de la Compagnie en 1636, « attendu le peu de nombre des associés qui se veulent donner la peine de penser aux affaires de la Compagnie et que deux directeurs pourront ordonner en l’absence ou empêchement du troisième ». L’expérience est bientôt abandonnée et la Compagnie repasse à quatre directeurs pour pouvoir suivre les nombreux dossiers. Il semble que rien n’est véritablement arrêté. Ce sont l’expérience et les événements qui décident de leur nombre. La règle des quatre directeurs ne s’impose finalement qu’en 1642. Si le principe d’une direction collégiale est alors réaffirmé – « la direction demeure commune entre lesdits quatre directeurs » –, il est décidé dans un souci d’efficacité de charger chacun d’entre eux d’un domaine particulier. Ainsi, Nicolas Fouquet reçoit-il les affaires qui concernent l’île de la Guadeloupe et doit-il « tenir registre de toutes les choses notables qui se passeront en ladite île particulièrement des officiers, commis et gens entièrement au service de la Compagnie ». De Loynes hérite de celles de Saint-Christophe, et Ladvocat, de celles de la Martinique. Berruyer, quant à lui, est chargé de faire la recette et la dépense générale de tout ce qui sera envoyé ou reçu des îles. Pour cela, il doit tenir un journal exact dans lequel il mettra non seulement « toutes les choses qui regarderont ladite recette et dépense mais généralement tout ce qu’il fera et ordonnera, lui sera écrit ou rapporté concernant lesdites îles, et d’autant que ladite recette et dépense l’obligera à correspondre avec tous les commis de la Compagnie tant aux îles qu’en France ». La tâche est bien trop lourde pour un seul homme et il obtient l’aide d’un commis aux écritures qui sera payé 300 livres par an52. Nous ne savons pas qui a pu le seconder ainsi car aucun nom n’apparaît dans les délibérations. Le fait de charger chaque directeur d’un département vient probablement de l’exercice de l’État où l’on voit très nettement en ce milieu de xviie siècle les secrétaires d’État avoir un domaine de compétence de plus en plus précis53. Le rôle du secrétaire de la Compagnie est reconnu pleinement. Jean de Beauvais s’avère indispensable. Il est enfin appointé et reçoit 400 livres de gages annuels54.
La remobilisation des associés
27Les directeurs veulent que les associés prennent pleinement leur place dans la conduite de la Compagnie. Ils déplorent leur manque d’assiduité aux réunions55. Le nombre de présents aux assemblées générales annuelles passe il est vrai de 11 ou 12 durant les années 1635-1637 (12 en 1635, 11 en 1636, 11 en 1637) à 8 ou 9 entre 1638 et 1642 (8 en 1638, 9 en 1640, 8 en 1642). La baisse est faible mais elle les inquiète d’autant plus que plusieurs mesures ont été prises dès 1635 pour faciliter la présence des associés aux assemblées, les tenir au courant des décisions et leur rappeler leurs devoirs notamment en matière de résidence, sans grande réussite visiblement.
Figure 4. Les origines géographiques des associés en 1635

28Ils doivent par exemple tous élire domicile à Paris. Richelieu peut ainsi être joint en son hôtel de la rue Saint-Honoré ; Fouquet, rue de Jouy ; Berruyer en sa maison de la rue du Parc-du-Roy ; Cavelet du Herteley et Cauville, en la maison du sieur Eustache, rue Cossonnerie ; Martin de Maunoy, rue des Mauvais garçons où il accueille de La Porte ; de Flécelles en son hôtel, rue des Francs-bourgeois ; Pradines en son hôtel, vieille rue du Temple ; Bardin en son hôtel, rue des Lions ; Morant en son hôtel, place Royale ; Ladvocat, rue Coquillière ; de Launay Razilly en la maison de monsieur Chabert, procureur au parlement, rue Calende56. On ne sait pas le domicile des enfants de Marion. Onze des quinze associés de 1635 habitent à Paris, quatre sont de province, dont deux (Cavelet du Herteley et Cauville) de Normandie. Les associés sont principalement établis dans trois paroisses parisiennes de la rive droite : Saint-Eustache, Saint-Gervais et Saint-Paul. Ils ont toutes les chances de se croiser facilement. Ils sont sur l’axe majeur du pouvoir défini par Roland Mousnier, qui traverse la capitale d’ouest en est, du palais cardinal à la place royale57. Plusieurs associés habitent dans le nouveau quartier de la place royale. C’est un quartier particulièrement résidentiel58.
29Cela n’empêche pas un fort ancrage provincial des associés, car ils sont souvent depuis peu parisiens. Thomas Morant a une terre en Normandie à Mesnil-Garnier. Il s’est même marié selon la coutume de Normandie59. La famille de Jacques Berruyer est de Touraine, et il est capitaine de Petites-Dalles-en-Caux en Normandie. Plusieurs autres associés ont des intérêts en Touraine, ce qui les rend peut-être moins disponibles que ne le laisse espérer leur adresse parisienne.
Carte 3. Les lieux de résidence des associés à Paris60.

30Les nouveaux entrants sont eux aussi bien souvent des parisiens ou des provinciaux qui s’établissent rapidement dans la capitale. Pierre Chanut, trésorier de France et de conseiller du roi en la généralité de Riom, entre au conseil du roi en 1641 pour s’occuper des affaires diplomatiques et s’installe alors à Paris61. La Normandie est la principale province animant la Compagnie (Rozée, Bontemps). De ce fait, la géographie de la Compagnie évolue peu. Cette représentation géographique n’est pas originale. Les résultats obtenus par Gervais Carpin à propos de la Compagnie de la Nouvelle-France montrent de la même façon la très nette domination des Parisiens. En 1628, ils représentent 68,8 % des associés, devant les Normands (25,8 %), mais cette proportion décroit avec le temps. Il remarque que sur l’ensemble de la période de la Compagnie de la Nouvelle-France (de 1628 à 1662), les Parisiens ne forment que 58,6 % des associés tandis que 28,3 % sont des Normands, principalement de Rouen, de Dieppe et du Havre62.
31Ils ne peuvent en revanche échapper au rappel de leurs obligations. L’entrée des nouveaux associés se veut solennelle, et après l’examen de leurs documents ils sont enfin, selon la formule consacrée « admis et reçus en ladite Compagnie et leurs contrats enregistrés au greffe des îles de l’Amérique à la charge d’entretenir par eux les articles de société et délibérations de la Compagnie ».
32Ils ne peuvent en revanche échapper au rappel de leurs obligations. L’entrée des nouveaux associés dans la Compagnie se veut solennelle. Leurs documents sont examinés puis la formule consacrée : ils sont « admis et reçus en ladite Compagnie et leurs contrats enregistrés au greffe des îles de l’Amérique à la charge d’entretenir par eux les articles de société et délibérations de la Compagnie » est prononcée. Ils peuvent dès lors siéger au côté de leurs collègues.
33La question de la participation des associés à la vie de la Compagnie motive une bonne part des travaux de l’assemblée générale de 1637. Les directeurs se montrent alarmistes, car ils craignent et redoutent que de nouvelles absences ne fragilisent la Compagnie, les associés étant trop peu nombreux pour s’occuper des affaires. L’assemblée générale prend pour cela deux décisions importantes. La première consiste à diviser les parts par deux et de les porter à quarante-cinq. Jusqu’alors la Compagnie était composée de vingt et une parts entières et de trois demies. Ainsi, chaque détenteur d’une part pourra en céder une et faire entrer dans la Compagnie une nouvelle personne. À défaut d’obliger les associés à venir aux assemblées, on espère qu’ils seront toujours assez lors des assemblées pour discuter des affaires de la Compagnie, ceux-ci étant désormais plus nombreux. La seconde permet aux associés de s’impliquer personnellement, à titre individuel, dans le commerce avec les îles et non plus seulement au travers de la Compagnie63.
34Mais ces décisions n’ont qu’un écho limité. La participation aux réunions demeure modeste et les associés ne cherchent pas à inviter de nouvelles personnes car ils veulent garder leur place dans la Compagnie même s’ils participent peu. En décembre 1641, la situation devient critique. L’assemblée générale ne rassemble que d’Aligre, N. Fouquet, Berruyer, Chanut, et de Loynes. Elle est dans l’incapacité de remplir son rôle. Le nombre d’associés est insuffisant pour procéder à l’élection des directeurs. La Compagnie est paralysée. Fouquet propose de remettre l’élection à une nouvelle assemblée générale. En attendant, les mandats des directeurs sont prolongés jusqu’au 23 février, date de la prochaine assemblée générale64. L’alerte ne provoque pas le choc salutaire attendu. En 1642, les directeurs déplorent à nouveau les absences répétées des associés qui bouleversent le calendrier des réunions, et désorganisent d’une certaine façon le fonctionnement de la Compagnie. Il est alors décidé qu’ils s’assembleront dorénavant tous les premiers mercredis de chaque mois chez d’Aligre à huit heures du matin et qu’il sera distribué aux personnes présentes une douzaine de livres de cire blanche. Jean Rozée, quoique résidant à Rouen et venant peu à Paris, recevra une livre de cire comme s’il était présent car il correspond continuellement avec les directeurs pour les affaires de la Compagnie65. Il semble qu’à partir de 1643 les associés soient plus assidus. Leur nombre lors des assemblées passe de quatre à six en moyenne. Il y a un avant et un après 1642. Cependant, les données pour les années 1642, 1646, 1647 et 1648 sont très incomplètes et empêchent de tirer des conclusions. La révision du calendrier des réunions mensuelles montre que tout n’est pas réglé. Le premier juin 1644, il est ainsi décidé « pour la commodité de plusieurs de la Compagnie » que dorénavant les assemblées ordinaires seront tenues les premiers vendredis du mois, et non plus les mercredis, à huit heures du matin au logis de d’Aligre66. Il faut croire que le vendredi n’est pas un jour plus propice aux réunions que les autres à moins que ce ne soit l’heure qui ne convienne pas car, quelques mois plus tard, il est décidé que les assemblées se tiendront les premiers vendredis à deux heures de relevé67. En tout cas, cet absentéisme si violemment dénoncé par les directeurs contribue à laisser entre les mains de quelques associés les rênes de la Compagnie, et finalement profite paradoxalement à ceux qui s’en plaignent « apparemment » le plus.
35La Compagnie souffrirait-elle d’un déficit d’autorité ? Il est aussitôt décidé que toutes les lettres et expéditions importantes, recevront « le sceau des armes qu’il a plu à sa majesté et à monseigneur le cardinal duc de Richelieu lui accorder et en sera fait mention dans le registre des titres de la Compagnie ou lesdites armes seront mises avec leurs blasons68 ». Les commissions, actes et lettres seront dorénavant à l’en tête des seigneurs des îles de l’Amérique et non de la Compagnie69. Il s’agit de donner de l’importance aux associés en espérant une implication plus forte de leur part. L’administration des territoires est elle-même revue en 1642 avec la nomination d’un unique représentant aux îles qui coiffe toute l’administration, l’intendant général70. La liste des receveurs de la Compagnie dans les ports est mise à jour71.
Les nouvelles prérogatives de la Compagnie
36Dès la fin de l’année 1641, les associés envisagent de demander à la monarchie qu’elle leur renouvelle sa confiance et son appui et leur octroie quelques nouveaux privilèges72. Ils estiment que les efforts accomplis et les premiers résultats doivent être récompensés. Dutertre souligne ainsi que : « les seigneurs de la Compagnie voyant les îles en train de prospérer, que Saint-Christophe regorgeait d’hommes, que la Martinique fleurissait sous la sage conduite de monsieur du Parquet, et par l’excellent pétun qui y attirait les marchands, et depuis la paix que monsieur Aubert avait faite avec les Sauvages, on allait de tous les ports de France habiter la Guadeloupe73 ». Ils rédigent à cet effet de nouveaux articles qu’ils adressent à Richelieu pour qu’il donne son avis au début de l’année 1642. Nous ne pouvons nous assurer de la teneur de la négociation car aucune délibération connue de la Compagnie ne traite de cette question. Nous ne pouvons que nous appuyer sur ce que dit Dutertre à ce sujet74. Richelieu accède aux demandes des associés et signe avec eux un nouveau contrat le 29 janvier 164275. Ce sera le dernier acte de son vivant en faveur de la Compagnie.
37Le cardinal renouvelle par ce contrat toute la confiance et tous les espoirs placés dans la Compagnie pour la conduite de la colonisation des îles, et lui rend hommage : « la Compagnie a fait tous ses efforts pour rendre la colonie des Français èsdites îles plus considérable qu’elle n’avait été par le passé ». Le contrat de 1642 reprend en quelques courts paragraphes les termes de celui de 1635. La Compagnie garde ainsi le privilège de la colonisation des îles et du trafic vers les îles pour une nouvelle période de vingt années. Mais elle bénéficie de nouveaux avantages. Son périmètre géographique est étendu à toute la zone comprise entre le dixième et le trentième degré. Par ailleurs, elle peut revendiquer les îles tenues par des puissances étrangères ennemies de la France ou par des Français sans concession de la monarchie. Il convient aussi d’éviter que certaines îles françaises échappent à son contrôle. Le premier article souligne ainsi que « les associés de ladite Compagnie continueront de travailler à l’établissement des colonies […] dans toutes les autres îles situées jusqu’au trentième degré inclusivement […] qui se trouveront possédées par des Français sans concession ratifiée par sa majesté76 ». La politique étrangère de la France s’invite très clairement aux colonies. Richelieu promet d’ailleurs un appui militaire (en vaisseaux, soldats, armes et munitions) en cas de besoin. Les prérogatives des associés sont renforcées. Ils peuvent concéder des terres en fiefs avec les droits de haute, moyenne et basse justice. Ils peuvent espérer obtenir du roi des titres de baronnies, de comtés et de marquisats77. Ils n’useront pas de cette prérogative pour eux-mêmes mais pour récompenser les gouverneurs (Aubert, Poincy, Longvilliers) contrairement à ce qui se fait en Nouvelle-France78. Cette concession royale doit être comprise non seulement comme une récompense pour les efforts accomplis par les associés, mais encore comme une reconnaissance des îles comme un prolongement du royaume.
38Les privilèges de la Compagnie sont maintenus. Les marchands et capitaines de navires qui contreviennent au monopole en venant aux îles sans congé sont menacés de la confiscation de leur navire et de leurs marchandises. Il s’agit aussi de conforter l’assise financière de la Compagnie. Les marchandises de la Compagnie produites aux îles exportées en France sont ainsi exemptées des droits d’entrée. Enfin, la Compagnie relève uniquement de la juridiction du Grand conseil pour toutes les affaires qui la concerne79. Elle ne fait qu’obtenir ce qui a été accordé les années précédentes aux marchands de La Rochelle (1597), de Bordeaux (1616) et de Normandie (1618)80. Les pouvoirs des lieutenants généraux du roi sont limités. Ils ne peuvent s’occuper du commerce, de la distribution des terres et de la justice81.
39L’accord passé avec Richelieu ne suffit pas aux associés qui veulent sa confirmation par un acte royal pour protéger leur entreprise et faire taire toutes les contestations qui pourraient survenir. Ils auraient tenu une assemblée générale, nous dit Dutertre, pour définir les termes de leur supplique au roi. Il ne nous donne cependant pas la date de cette réunion. Nous ne trouvons pas trace de cette assemblée dans les délibérations de la Compagnie et l’assemblée générale du 24 février 1642 n’aborde pas cette question. Nous en sommes réduits à ce qu’en dit le dominicain. A-t-il consulté un document que nous ne connaissons pas82 ? Le mémoire que les associés auraient adressé au roi aurait insisté sur les concessions obtenues de Richelieu à savoir : la permission de posséder des établissements jusqu’au trentième degré ; le monopole de la traite pendant vingt ans ; l’exemption des droits d’entrée pour les marchandises venant des îles ; et l’assujétissement à l’autorité du Grand conseil83. Les lettres patentes du mois de mars 1642 montrent qu’ils ont été entendus. Le roi se félicite que les objectifs fixés ont été atteints, notamment en terme de colonisation, et souligne « la bonne conduite de la Compagnie84 ». Il confirme les dispositions du contrat du mois de janvier. Le ton est cependant sensiblement différent de celui du contrat. Et il insiste surtout sur les prérogatives royales. La protection des territoires d’outre-mer apparaît comme une priorité. Le rôle du lieutenant général du roi est affirmé. Les droits concédés à la Compagnie sont précisés. Le roi indique ainsi qu’il accorde « la propriété desdites îles […] en toute justice et seigneurie, les terres, forts, rivières, ports, havres, fleuves, étangs, et mêmement les mines et minières », là où le texte du contrat demeurait général. L’hommage qui lui est dû est souligné85. Inversement, les sanctions contre tous ceux qui ignorent les monopoles concédés à la Compagnie ne sont pas évoquées. Les lettres patentes complètent donc d’une certaine façon le contrat passé avec Richelieu. Les associés déposent une requête au Grand conseil pour qu’elles soient enregistrées aussitôt, ce qui est fait le 28 mai 164286.
40L’année 1642 représente à ce titre un tournant dans la vie de la Compagnie. Nous assistons aussi au départ d’anciens associés comme de Launay Razilly sans qu’on en sache la raison87. La mort de Richelieu quelques mois plus tard, le 4 décembre 1642, modifie les rapports entre le pouvoir et les associés. La Compagnie peut s’émanciper. Mais le voudra-t-elle et le pourra-t-elle ?
Pérenniser la Compagnie
41Les associés sont particulièrement soucieux de donner des bases solides à la Compagnie en confortant d’une part l’actionnariat par des règles strictes sur la cession des parts, et d’autre part, en s’assurant des disponibilités financières de la Compagnie.
Les règles de cession des parts
42La stabilité de l’actionnariat des compagnies est pour le pouvoir un gage du sérieux des associés et de leur volonté de remplir leur contrat. La concession de vingt ans offerte par la monarchie nécessite d’avoir une vision à long terme.
43Le règlement du 13 février 1635 comporte plusieurs articles sur les règles qui doivent prévaloir en cas de cession des parts par vente ou par héritage. Il est précisé ainsi, qu’on ne peut vendre sa part qu’à un autre associé. Les associés privilégient donc le groupe qu’ils forment déjà. Ces clauses d’agrément sont assez fréquentes dans les petites sociétés. Une part peut-être vendue à une tierce personne mais la Compagnie se réserve le droit de la racheter au prix où elle a été vendue (article 13). Certaines personnes peuvent aussi être associées à une part mais elles n’ont pas voix délibérative. En cas de décès d’un associé, les héritiers doivent impérativement déclarer si oui ou non ils décident de poursuivre dans la Compagnie (article 14). La Compagnie est confrontée à plusieurs successions. Aux deux décès de Marion (1628) et d’Effiat (1632) du temps de la Compagnie dite de Saint-Christophe, il faut ajouter ceux de Cavelet du Herteley (1638), Guénégaud (1638), Martin de Maunoy (1640), François Fouquet (1640), Richelieu (1642) et Dalesse (1645). Les règles édictées sont généralement respectées. Les héritiers et ayants-droits se prononcent le plus souvent pour rester dans la Compagnie mais ils n’honorent pas toujours leurs engagements88. Aussi les associés, craignant la paralysie de la société, menacent-ils de saisir les juridictions compétentes pour leur faire entendre raison.
44Les relations entre les associés et les héritiers d’Isaac Martin de Maunoy sont particulièrement difficiles89. Elles se sont passablement détériorées au fil des ans semble-t-il. Les héritiers de Martin de Maunoy ne manifestent pas un grand intérêt pour la Compagnie et ne se rendent pas aux réunions. Seul Claude Martin de Maunoy, assiste à une assemblée90. Le 3 février 1645, les associés demandent solennellement aux héritiers de Martin de Maunoy de dire s’ils acceptent ou s’ils renoncent à leurs parts. Le 7 juillet 1645, vraisemblablement sans nouvelles d’eux, ils décident de déposer une requête au Grand conseil. Le 20 septembre 1645, le Grand conseil déclare Claude Martin de Maunoy défaillant et le condamne aux dépens après avoir constaté « ses manquements91 ». Les héritiers de Martin de Maunoy ont renoncé entre-temps à « leurs parts et portions92 ».
45La succession de Richelieu en 1642 n’est pas moins difficile. Ses parts reviennent à son petit-neveu, Armand-Jean de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu. Comme il n’est encore qu’un enfant, c’est la duchesse d’Aiguillon, sa tante, qui administre ses biens93. Elle n’assiste pas aux assemblées de la Compagnie et confie une procuration à Drouart pour la représenter94. Les associés insistent pour avoir un engagement ferme de sa part95. Le 5 mai 1645, Drouart indique l’intention de la duchesse d’abandonner à la Compagnie toutes les parts héritées de Richelieu si elle obtient le remboursement de la moitié d’entre elles, soit six mille livres96. Cela ne correspond pas à ce que nous savons des investissements du cardinal. En 1626, Richelieu avait mis 10000 livres. Mais peut-être a-t-il acquis d’autres parts ensuite. Drouart ne dit rien des motivations de la duchesse. On aurait pu s’attendre à la voir s’investir dans la Compagnie car elle témoigne d’un intérêt certain pour les choses américaines. En 1649, elle assiste à Paris en compagnie du duc d’Orléans au baptême d’un jeune Indien caraïbe venu avec les pères dominicains97. En 1654, Jean de Laon, sieur d’Aigremont, dédie son histoire de l’expédition du Cap-Nord à la duchesse98. Elle finance les missions en Nouvelle-France99. Mais ces marques d’intérêt sont plus tardives. La duchesse n’a peut-être pas au moment de la Compagnie des îles ces préoccupations. L’aspect commercial n’est pas non plus sa motivation première. Il est probable que la duchesse veut se retirer de la Compagnie car elle n’entend pas contribuer au renflouement de la Compagnie qui se profile à cette époque. Il est aussi possible que la duchesse ayant des difficultés à honorer les engagements financiers de son oncle souhaite se désengager de certaines affaires100. Le marché proposé par la duchesse intéresse les associés qui chargent Berruyer du règlement de la transaction101. Mais les choses ne se passent pas aussi simplement, puisqu’en 1646, la Compagnie et la duchesse d’Aiguillon sont en procès102.
L’apurement des comptes de la Compagnie en 1635
46L’une des grandes préoccupations des associés en 1635 est de disposer de finances saines. Pour cela il convient d’établir avant toute chose un bilan financier de la Compagnie dite de Saint-Christophe. Les associés ont beaucoup dépensé depuis 1626 pour envoyer des vivres, des armes et des hommes à Saint-Christophe mais ils ne disposent d’aucun bilan comptable de leurs activités. Ils ne connaissent ni le montant global de leurs investissements, ni le produit des ventes des marchandises. Ils se décident alors à vérifier tous les comptes, en particulier les recettes et les dépenses du Havre d’après les livres de comptes tenus par Cavelet du Herteley103. Ils demandent aussi au commis de la Compagnie à Saint-Christophe de revenir en France pour livrer un état de la situation dans l’île. Deux cents livres sont débloquées pour couvrir ses frais104.
47Les comptes de Saint-Christophe sont examinés avec attention par les associés. Le 7 mai 1636, les directeurs Martin de Maunoy et Bardin rendent leur avis sur les comptes de Gentil. Le constat est assez peu amène. Les dépenses sont jugées excessives et peu justifiées. Quant aux recettes, il leur apparaît que les droits de la Compagnie ne sont pas toujours réglés. Cependant, ils ne décident ni de sanctions ni de réprimandes. Cela passe en pertes et profits. Mais ils en appellent à tenir désormais les comptes plus consciencieusement et à percevoir les droits qui sont dus à la Compagnie. Pour cela, ils promettent d’envoyer quatre commis pour aider Gentil dans sa tâche105. Mais si les comptes de Saint-Christophe sont opaques, la faute n’en revient pas seulement au commis général. Pierre Belain d’Esnambuc, en tant que gouverneur de l’île, a fait percevoir les droits de la Compagnie durant l’absence de Gentil par un de ses hommes, Auvray dit Lespérance, qui n’ont pas été reversés à la Compagnie106. Le 7 mai 1636, la Compagnie somme Lespérance de s’expliquer. Mais ce dernier tarde à envoyer ses comptes. La mort de d’Esnambuc n’arrange rien à l’affaire et prive les associés de nombreuses informations sur la situation financière de Saint-Christophe. Lespérance ne se manifestant toujours pas, Cavelet du Herteley, qui suit l’affaire, fait saisir ses marchandises en 1637. Le 2 décembre 1637, la Compagnie envisage d’aller jusqu’à l’adjudication. La menace porte et le 6 janvier 1638, Lespérance communique enfin les comptes pour le pétun de la Compagnie. Cependant, Berruyer remarque après un rapide examen qu’ils sont mal tenus et qu’il règne une grande confusion ; ainsi les recettes de la Compagnie et de d’Esnambuc sont-elles mêlées, et les dépenses ne sont-elles pas justifiées107. Des compléments d’information lui sont demandés le 4 février 1638. La Compagnie maintient la pression sur Lespérance108. Après plusieurs semaines de vérifications, Berruyer arrive à calculer le montant de la recette qu’il établit à 71176 livres de pétun, mais il est incapable, faute de pièces, d’évaluer la dépense. Le 3 mars 1638, la Compagnie donne six mois à Lespérance pour apporter les éléments qui manquent. Les 7000 livres de pétun saisi demeurent en dépôt. Les associés relèvent alors une autre étrangeté dans les comptes. Le produit des taxes sur le sel versé par les Anglais et les Hollandais, qui est de 30 à 35 sols par livre de sel chargé, n’apparaît pas. La Compagnie charge son commis à Saint-Christophe de se renseigner sur la quantité de sel emportée par les étrangers et les droits perçus par Lespérance109. Ce dernier a pu se croire persécuté. En 1639, dépité, il veut quitter la Martinique. Les reproches qui lui sont faits lui semblent injustes. Le gouverneur de la Martinique, Jacques Dyel du Parquet, prend sa défense en montrant qu’il a toujours défendu les intérêts de la Compagnie110. Si la Compagnie n’abandonne pas l’affaire, c’est que Lespérance lui réclame dans le même temps plus de 50000 livres de pétun de dédommagement. Elle charge Berruyer d’examiner ses prétentions et d’arrêter avec lui ce qui lui pourrait être dû le 2 janvier 1641111. Nous ne savons pas comment l’affaire s’est conclue. Il n’est plus question de Lespérance dans les délibérations de la Compagnie par la suite. La Compagnie n’a certainement pas voulu nuire à Lespérance car durant tout le temps du contentieux, elle lui a confié la charge de visiteur-peseur de pétun à Basse-Terre112.
48La Compagnie entend aussi solder le passif de la Compagnie de Saint-Christophe. Les associés ont contracté des dettes qu’il convient d’honorer au plus tôt. Certains règlements traînent depuis de nombreuses années. Urbain de Roissey a fait de nombreuses dépenses pour la Compagnie pour lesquelles il entend obtenir le remboursement. Il rédige pour cela tout spécialement un document qu’il remet à Cavelet du Herteley. Le 7 mars 1635, Berruyer le présente aux associés. Mais comme Roissey « ne justifie point par quel ordre il a fait la dépense, ni même que la dépense ait été faite », ils décident de ne pas statuer tant qu’ils ne l’auront pas entendu. Roissey ne convainc pas totalement les associés qui chargent Martin de Maunoy et Berruyer de reprendre tout cela avec lui113. Le capitaine Liot réclame pour sa part à la Compagnie 6574 livres de pétun pour avoir fait passer de Saint-Martin à Saint-Christophe les Français qui avaient fui l’île en 1629 sous la pression de l’escadre espagnole commandée par don Fadrique de Tolède. On lui en avait promis le paiement à plusieurs reprises le 6 octobre 1629 et le 28 janvier 1631. Mais, cinq ans plus tard, il n’a toujours rien touché. Les associés sont bien conscients qu’il importe de payer au plus vite le capitaine Liot, mais ils ne veulent pas dépenser le fonds de la Compagnie, aussi envisagent-ils de faire payer aux habitants la somme due, à charge au gouverneur d’Esnambuc de la percevoir114. Il est vrai que Liot était passé aux Antilles par un contrat passé directement avec d’Esnambuc, sans intervention visiblement de la Compagnie115. D’autres capitaines demandent le règlement d’anciennes factures. Ainsi, Thomas Roze réclame-t-il 2100 livres de pétun pour avoir passé quarante-cinq personnes, des vivres et des munitions à Saint-Christophe en 1629116 ! L’absence de pièces comptables dans la documentation ne nous permet pas de dire comment ces dettes furent honorées.
49Ce ne sont visiblement pas les seuls différends avec les capitaines qui sont en souffrance. Une délibération du 7 mars 1635 parle d’un procès en cours devant la table de marbre de Rouen à propos d’une cargaison de pétun. La Compagnie espère son évocation au conseil du roi117. Nous ne savons pas les suites de cette affaire. Les archives de la table de marbre ne nous renseignent pas davantage.
La tenue des comptes de la Compagnie
50Les associés veulent partir sur de bonnes bases. Pour cela, ils entendent que les comptes soient tenus régulièrement par leurs agents, leurs receveurs et leurs commis, à chaque niveau, dans les ports et dans les îles (article 6)118. Ils édictent des règles afin d’éviter l’opacité des comptes. La tenue de registres n’est pas une nouvelle décision de la Compagnie. En 1627, les écrivains qui partent avec Roissey et d’Esnambuc à Saint-Christophe doivent déjà tenir registre de tout ce qui sera cueilli, levé, produit dans l’île et envoyé au Havre119. Mais, comme le remarquent les associés en 1635, ces comptes, s’ils ont existé, n’ont jamais été arrêtés120. Il en sera tout autrement désormais. Ils doivent être remis chaque année aux directeurs de la Compagnie pour permettre l’établissement de l’état général des comptes de la Compagnie. Il est vrai que la situation comptable est plus complexe après 1635 avec l’implantation de la Compagnie dans plusieurs îles (Saint-Christophe, Martinique, Guadeloupe) et dans plusieurs ports de France (Le Havre, Dieppe, Nantes, La Rochelle et Saint-Malo). Jusque-là, les comptes de la Compagnie étaient entre les mains de Cavelet du Herteley qui, étant chargé des comptes du Havre, s’occupait de ceux de la Compagnie. Il convient désormais de recueillir les comptes des différents commis et receveurs pour faire un état général des finances de la Compagnie. Ce ne sont pas les seuls documents qu’exigent les associés. Chaque capitaine ou maître de navire qui trafique aux îles avec un congé de la Compagnie doit apporter au gouverneur un certificat où sont indiqués les hommes qu’ils ont déposés aux îles, qui doit être enregistré au greffe de l’amirauté121. Ce certificat permet non seulement de vérifier le nombre de colons envoyés aux îles et de montrer à la monarchie que la Compagnie satisfait à ses engagements de colonisation, mais encore de connaître le montant des droits personnels qui devront être acquittés.
51Les comptes des agents de la Compagnie sont regardés scrupuleusement par les associés122. C’est en procédant à l’examen des comptes du Havre, qu’ils trouvent des doubles emplois et des erreurs de calcul qui se montent à plus de 4000 livres en leur défaveur. Ils avisent aussitôt le fils de Cavelet du Herteley, car ce dernier vient de décéder, pour qu’il vienne constater les erreurs et payer ce qu’il doit à la Compagnie123. La clôture des comptes annuels du Havre montre que les receveurs ont souvent des reliquats à reverser à la Compagnie, mais le montant des sommes que la Compagnie a pu engranger n’est pas indiqué. En 1635, Cavelet du Herteley doit à la Compagnie 1644 livres et 2 sols et 16349 livres de pétun. 600 livres sont aussitôt données aux dominicains qui passent à la Guadeloupe et 600 autres livres à Berruyer pour couvrir ses frais. Il ne reste donc plus dans les caisses de l’agent au Havre que 444 livres et 2 sols et le pétun. Il est bientôt dépensé. Le 3 décembre 1636, la clôture du compte de Cavelet du Herteley laisse apparaître un solde de 4800 livres et 11 sols. En 1640, Chanut relève un reliquat de 292 livres 19 sols et 20081 livres de pétun. Pierre Cavelet, le fils du receveur du Havre, remet à Robert Couette, qui représente désormais la Compagnie, l’argent et les marchandises124. Berruyer arrête les comptes de Couette le 5 décembre 1641. Il doit 800 livres à la Compagnie125. En 1643, il est redevable envers la Compagnie de 902 livres. Il réussit à avancer 500 livres. La Compagnie lui fait une remise de 100 livres et attend le solde126. Les comptes des autres agents sont peu évoqués dans les délibérations. La seule mention concernant La Rochelle apparaît en 1645 et montre que la Compagnie doit 5000 livres à son receveur127.
52La Compagnie accorde une attention particulière aux comptes des agents dans les îles. Elle charge son commis général Gentil de remettre aux commis qui viennent d’être nommés (Volery, Coladon et Fougeron) des registres dont il cotera les feuillets de sa main et dont il paraphera la première et la dernière page128. Elle constate en 1642 que, « l’éloignement rendant l’examen des comptes desdits commis tardif et difficile, ils en devenaient moins exacts et diligents à la fonction de leurs charges, et omettaient souvent une partie de leur devoir, faute d’avoir sur les lieux une personne qui les observât, et qui dans les occasions leur pût donner des résolutions promptes ». L’intendant général Claude Clerselier, sieur de Leumont, doit donc surveiller les écritures des commis et « les obliger de tenir de bons et fidèles registres, cotés par feuillets et paraphés, et se les faire représenter toutes et quantes fois qu’il jugera à propos pour s’informer de l’état des affaires129 ».
53Force est tout de même de constater que les agents de la Compagnie ne remettent pas toujours comme ils le devraient leurs comptes et qu’il faut parfois leur réclamer. En 1645, il manque aux directeurs les états et les comptes des commis de La Rochelle, Nantes et Dieppe. Ils ne disposent donc que de ceux du Havre et de Saint-Malo130. Il est donc parfois bien difficile de dresser la dépense générale de la Compagnie. Mais les difficultés peuvent avoir d’autres causes. Le 1er décembre 1638, Pierre Cavelet, est chargé de présenter les comptes de son père pour vérification à Chanut pour qu’il en fasse rapport à l’assemblée du mois de janvier. Mais le 5 janvier 1639, l’examen du rapport est remis à la séance suivante, car Chanut est indisposé131. À partir de 1642, c’est Jacques Berruyer, qui fait la dépense générale132. Il s’acquitte tant bien que mal de sa tâche avec les données qui lui ont été transmises, et une fois l’état des comptes mis au propre, la Compagnie nomme « quelques particuliers pour l’examiner et en faire leur rapport ». Chanut reçoit bien souvent cette mission. Sa qualité de trésorier de France l’y prédispose. Il est nommé pour l’examen en 1642. La Compagnie le prie en 1643 « de voir ledit compte et en faire leur rapport en la prochaine assemblée » avec de Ricouart. En 1644, il est secondé de Ricouart et de Ladvocat133. Nicolas Fouquet et de Ricouart arrêtent eux le compte général en janvier 1646134. Les comptes sont ensuite validés par l’assemblée des associés. Les comptes sont contrôlés pour la première fois lors de l’assemblée générale du 5 décembre 1635135. Un bilan financier des premières années de la Compagnie du premier mars 1635 au 31 mars 1642 est fait par Berruyer, il est mentionné dans une délibération du 31 mai 1642 mais nous n’en savons malheureusement rien136. Les comptes et les registres tenus et vérifiés depuis 1635, ont disparu, et nous ne disposons pas d’un état financier exact de la Compagnie.
54La reconstitution de la situation financière de la Compagnie nécessiterait de savoir d’une part pour évaluer les recettes de la Compagnie : le nombre d’habitants devant verser les droits personnels – connaître le nombre d’habitants ne suffit pas car il y a de nombreux exemptés, et les droits évoluent sensiblement tout au long de la période –, la production dans les îles, le produit des ventes des marchandises et le montant des différentes taxes perçues. Il faudrait savoir d’autre part pour les dépenses : les envois de marchandises, d’armes et de munitions, les gages des officiers et des autres agents de la Compagnie, les sommes allouées aux religieux et à certains colons (ouvriers spécialisés, artisans) pour leur passage et leur entretien aux îles, les frais de justice et de procédure entrepris contre les capitaines indélicats et les montants des remboursements des emprunts avec les intérêts.
55Que savons-nous des recettes de la Compagnie ? Elle bénéficie de l’exercice de nombreux droits pour financer ses opérations car elle tient en vertu du contrat qui la lie à la monarchie de « la propriété desdites îles en toute justice et seigneurie, les terres, rivières, ports, havres, fleuves, étangs, îles, mêmement les mines et minières137 ». Le roi laisse aux associés tout le loisir de définir les droits et devoirs, « et à telles charges et conditions qu’ils le jugeront le plus à propos138 ». Les délibérations des associés mais aussi les contrats d’engagements et les contrats avec les capitaines nous en disent davantage. Il apparaît ainsi que la Compagnie dispose d’un droit sur les productions, d’un droit sur les échanges et d’un droit sur les habitants.
56Avant 1635, la Compagnie prélève une taxe de 20 % sur la production de pétun de Saint-Christophe. Si l’on suit les chroniqueurs, un homme produit par an entre 1000 et 1 500 livres de pétun par an139. En 1628, les Français produisent 200000 livres de pétun140. La Compagnie en reçoit 40 000, qui une fois déduit le montant du fret de 4800 livres, représentent une valeur de 75 200 livres tournois. Mais ce ne sont que des supputations. Tout dépend du cours du pétun. Or il s’effondre au milieu des années trente141. Et encore faut-il que le pétun produit passe par les agents de la Compagnie et ne soit pas détourné. La part prélevée par la Compagnie sur la production de pétun n’est pas négligeable. Jacques Petitjean Roget ne fait pas de calcul général mais note qu’elle reçoit 240 livres (soit 430 livres tournois sur la base d’une livre de pétun pour 2 livres tournois) sur les 1 200 livres de pétun produites par un homme, les frais de fret de 12 % déduits142. Cela représente un gain important. Par la suite, les habitants versent à la Compagnie 10 % des « fruits et marchandises » qui se font143. Les marchandises qui sortent des îles sont aussi soumises à une taxe. En 1644, elle est de 3 % quand on a une autorisation de la Compagnie et de 8 % si on n’en a pas144.
57La Compagnie perçoit aussi les lods et ventes sur les mutations de propriétés. Il existe encore quelques droits particuliers. La Compagnie concède en 1636 à Antoine Girault, un habitant de Saint-Christophe, le droit de naviguer sur son bateau pour aller pêcher et chasser dans les îles pour nourrir les habitants, à l’exclusion de l’île de la Guadeloupe145. En 1639, elle donne à Jean Faguet le monopole de la fabrication de l’eau-de-vie à la Martinique et à Saint-Christophe pour six ans, à charge de verser à la Compagnie un vingtième des marchandises produites. Tous ceux qui produiront de l’eau-de-vie clandestinement payeront une amende de 1 000 livres. Le capitaine Flament, obtient la permission de faire de l’eau-de-vie durant trois ans et d’en importer de France en 1643146.
Tableau 2. Essai de reconstitution du produit de la capitation.
en livres de pétun | en livres tournois | valeur du pétun | |
1628 | 35 200 | 75 200 | 200 livres tournois le cent |
1642 | 198 927 | 69 624 | 35 livres tournois le cent |
1645/47 | 386 666 | 38 666 | 10 livres tournois le cent |
58Le principal impôt est fixe et par tête, il est pour cette raison appelé parfois la capitation. Il est acquitté en nature, en pétun ou en coton. Il existe de nombreux aménagements pour les habitants des îles nouvelles147. En 1637, une délibération des associés fait état d’une vente du pétun qui rapporte 22 500 livres à la Compagnie, probablement le fruit de cette taxe, du moins en partie148. L’Instruction des isles de l’Amérique rédigée vers 1645-1647 laisse apparaître que la Compagnie pouvait compter sur 38666 livres tournois au titre de la capitation tous frais déduits. Le calcul repose sur la base de 5800 habitants acquittant 200 livres de pétun (sur une population des trois îles évaluée à 8500 Blancs, soit 68,2 % de la population), ce qui donne 5 800 x 200 = 1 160 000 livres. La moitié va aux capitaines généraux, lieutenants généraux et autres officiers, cela laisse 580 000 livres à la Compagnie. Il faut encore défalquer un tiers de la somme pour les commis, ce qui laisse 386 666 livres de pétun pour la Compagnie, qui vendu au prix de 2 sols la livre (soit 10 livres le cent), font 38666 livres tournois. Prudent, l’auteur de l’instruction souligne qu’il est plus sage de compter sur 25778 livres au cas où la capitation rentrerait mal149. Encore faut-il réussir à vendre le produit de cet impôt payé en nature. Là est bien la fragilité de l’entreprise. La Compagnie dépend énormément du prix des produits coloniaux.
59En sachant que 31,8 % des habitants ne paient pas de droits à la Compagnie, il est possible de reconstituer les montants espérés par les associés. En 1642, les Français sont 7000 aux îles. En comptant de la même façon 31,8 % d’exemptés (femmes, enfants, religieux, officiers, exempts), cela fait 4774 personnes sur qui peut être prélevé la taxe qui est à cette époque de 125 livres de pétun à Saint-Christophe. Elle est moindre à la Guadeloupe et à la Martinique mais comme nous n’avons pas le détail de la population par établissement, nous garderons cette base. Le calcul n’a aucune valeur absolue mais donne un ordre de grandeur. Il ne peut être compris que comme un chiffre maximum. La Compagnie reçoit ainsi 596 750 livres de pétun dont la moitié est reversée aux capitaines généraux, ce qui lui laisse 298375 livres de pétun. Un tiers de la somme (99448 livres) sert à assurer l’entretien de ses agents, il lui reste 198927 livres de pétun, soit 69624 livres tournois, à raison de 35 livres le cent de pétun qui est le prix auquel son receveur à La Rochelle le vend150.
60Les finances de la Compagnie connaissent donc une faiblesse structurelle car elles sont conditionnées à l’évolution du cours du pétun. Le nombre d’habitants a beau augmenter, les droits qu’ils paient rapportent de moins en moins à la Compagnie à cause de la baisse des cours. La Compagnie fait un certain nombre de projections afin de s’assurer de ses recettes. Elle espère ainsi qu’en 1645, la Guadeloupe aura 800 hommes, dont elle peut attendre 80000 livres de pétun de droits personnels à raison de 100 livres par homme – dont la moitié lui revient (soit 40000 livres), l’autre allant aux capitaines et aux officiers –, mais cela est surestimé car, comme nous l’avons vu plus haut, une partie de la population est exemptée des droits. La somme de 54560 livres serait plus juste, sur la base de 68,2 % des habitants acquittant les droits. La négociation du contrat avec les marchands de Dieppe dans le courant de l’année 1635 lui fait revoir ses objectifs à la hausse. Le contrat prévoit en effet de faire passer 2 500 hommes à la Guadeloupe en six ans151. L’absence de chiffre sur la production empêche de savoir si la baisse du rendement de la capitation est compensée.
61Nous en savons un peu plus sur les dépenses de la Compagnie mais tout cela demeure insuffisant pour se livrer à un exercice de reconstitution.
Tableau 3. Les montants des dépenses en armes et en munitions de la Compagnie.
année | montant de chaque envoi en livres |
1635 (1) | 1500/1600 |
1635 (2) | 4000 |
1636 | 2000 |
1637 | 1500 |
1640 | 2625 |
1641 | 4000 |
Source : ANOM, F2A13.
62La Compagnie dépense beaucoup pour aider au développement des îles en envoyant hommes, marchandises (chemises, des caleçons, des souliers), et matériel (outils et armes). Mais la valeur des cargaisons est rarement connue. Tout au plus, relevons-nous qu’en 1641, elle investit 14 000 livres dans le navire de Jean Rozée qui doit partir chargé de vin, d’eau-de-vie, de lard, de toiles et de souliers à l’intention les colons152. La Compagnie pourvoit à la défense des îles en envoyant régulièrement durant les années trente des armes et des munitions. La Martinique et la Guadeloupe qui viennent d’être conquises doivent pouvoir être défendues. Il y a parfois plusieurs départs dans une même année. Les plus grosses dépenses ont été l’achat de canons. Les délibérations n’évoquent pas de nouveaux envois d’armes dans les années quarante, mais il dut y en avoir. En 1644, la Compagnie consacre 2,5 % des droits payés par les habitants à l’achat des munitions153. Elle affrète rarement un navire pour ses besoins. Elle use le plus souvent de son droit de passage sans frais d’un onzième du tonnage du navire autorisé à traiter aux îles. L’affrètement d’un navire revient sinon à 15 000 livres en moyenne154.
63La Compagnie a des frais de personnel. Elle doit payer tous les agents qui sont sous son autorité, notamment aux îles. Ils reçoivent chacun quelques milliers de livres de pétun pris sur son stock. Les officiers reçoivent aussi une part des droits sur les habitants. En 1644, la Compagnie en clarifie la redistribution, ainsi sur les 200 livres de pétun perçues : 100 livres lui reviennent, 50 vont au gouverneur, 30 livres au lieutenant, et 15 livres aux chefs de la milice155.
L’argent de la Compagnie
64La situation financière de la Compagnie ne nous est cependant pas totalement étrangère car les délibérations des assemblées offrent des indications précieuses qui, quoique assez générales, permettent d’en saisir les contours.
65Si au mois de décembre 1635, la Compagnie dispose encore de 1 644 livres et 2 sols au Havre, elle n’a plus aucun fonds en argent trois mois plus tard. En revanche elle a du pétun dans ses magasins du Havre et de Dieppe156. La fin de l’exercice de l’année 1637 se clôt avec une vente importante de pétun et la Compagnie dispose alors de 22500 livres que l’assemblée générale du 2 décembre 1637 décide de redistribuer entre les associés en fonction de leurs parts respectives dans l’entreprise, à raison de 500 livres pour chacune des 45 parts (500 livres x 45 parts = 22 500 livres157). Il y a alors 45 parts de 1 000 livres. Elle se prive par là même de toute liquidité, mais elle dispose encore de marchandises qu’elle peut vendre à l’occasion. C’est la seule mention dans les délibérations du versement d’une forme de « dividende » aux associés. La situation financière de la Compagnie n’a assurément plus permis de les verser par la suite. Ainsi, les associés réunis en assemblée à Paris 19 février 1640 disent qu’ils n’ont plus de fonds158. En 1643, les finances de la Compagnie semblent cependant s’améliorer. La Compagnie dispose de 40000 livres en argent et en pétun159. Mais la somme est rapidement investie, et le 7 octobre 1643, elle n’a à nouveau plus d’argent160.
66La Compagnie se trouve bien souvent sans fonds propre pour financer ses opérations. Elle doit trouver de l’argent. Elle contracte pour cela des emprunts. Ils portent sur de courtes durées, en général de six mois, le temps que le pétun des îles arrive en France et y soit vendu. Les sommes sont empruntées au denier 12 en 1635, et au denier 10 en 1645161, ce qui correspond à des taux respectivement de 8,33 % et de 10 %162. Ils se situent dans la moyenne de ce qui se fait à cette époque163. Ils n’ont rien à voir avec les prêts à la grosse aventure consentis dans le milieu maritime pour monter des expéditions, et qui tournent autour de 20 ou 30 %164. Les emprunts apparaissent comme un outil de trésorerie simple et relativement peu coûteux qui sert peu à l’investissement, hormis à partir de 1643, quand la Compagnie entend développer son habitation sucrière de la Guadeloupe. Ils visent surtout à acheter des biens à vendre aux îles.
Figure 5. L’évolution des comptes de la Compagnie.

67Les montants des sommes empruntées par la Compagnie sont bien connus car ils sont discutés lors des réunions mensuelles165. Le 25 août 1635, la Compagnie décide d’un emprunt de 4 000 livres sur un an au denier 12 pour acheter des armes pour Saint-Christophe166. En 1639, elle charge Chanut et Rozée d’emprunter 3 000 livres pour acheter de nouvelles armes pour Saint-Christophe et des ornements d’Église pour les missionnaires167. Dans un souci d’efficacité, les associés confient en 1640 aux directeurs le soin de décider et de lever eux-mêmes les deniers nécessaires pour assurer les opérations168. Ils devront cependant leur en référer car cela engage toute la Compagnie. Les emprunts sont de plus en plus nombreux dans les années quarante. Berruyer emprunte 24 000 livres en 1642, et 8 000 livres pour six mois en 1643169. Le plus grand emprunt est de 45 000 livres, il est consenti en 1645 à trois mois au denier 10 dans l’attente des nouvelles contributions des associés pour renflouer les caisses de la Compagnie170. Un emprunt complémentaire de 4 000 livres est envisagé le 7 juillet 1645171. Les directeurs empruntent en général au nom de la Compagnie, mais son crédit étant en partie épuisé, ils le font aussi en leur nom propre172. Les directeurs se déchargent parfois de cette tâche sur un des associés qui offre suffisamment de garanties pour pouvoir emprunter. Martin de Maunoy et Berruyer donnent ainsi pouvoir à Cavelet du Herteley de trouver 4 000 livres au denier 12 sur un an pour acheter des armes et des munitions pour Saint-Christophe en 1635173. Le 19 février 1640, la Compagnie charge Jean Rozée d’emprunter 4 500 livres pour six mois « dont il sera remboursé tant du principal que intérêts174 ». En 1646, il est chargé cette fois-ci d’emprunter en son nom 12 000 livres pour six mois175. Il n’est jamais question du remboursement des emprunts dans les délibérations.
Figure 6. Le montant des emprunts contractés par la Compagnie.

68Le recours à l’emprunt, et d’une façon générale au crédit, est une pratique assez courante dans les compagnies de commerce. Il ne signifie ni une mauvaise gestion des affaires, ni une prise de risque inconsidérée. La VOC hollandaise, finance ainsi toutes ses opérations vers l’Asie qu’elle rembourse avec le produit de la vente des marchandises importées176. Le risque est de ne pouvoir honorer les engagements pris et de voir les dettes s’accumuler. La compagnie anglaise de l’île de la Providence se retrouve en 1635 dans une situation financière délicate en raison de ses très nombreuses dettes177. La WIC voit son déficit se creuser. Il est de 15 millions de florins en 1636178. Dans le cas de la Compagnie des îles de l’Amérique, les emprunts sont apparemment tous remboursés à leur terme jusqu’au milieu des années quarante. Aussi la situation de la Compagnie ne donne-t-elle pas de signe d’inquiétude aux directeurs. Les coûts sont maîtrisés et les finances semblent plutôt saines. Puis les choses changent brutalement, mais peut-être n’est-ce que le prisme déformant de la prise de conscience. Le 9 décembre 1644, Jacques Berruyer montre aux associés que les investissements réalisés à la Guadeloupe ont englouti le fonds de la Compagnie. Le 6 janvier 1645, il avoue devant les associés assemblés 35000 livres de dettes179. Il semble à cet horizon que la Compagnie soit en grande difficulté financière. Les lourds investissements consentis à la Guadeloupe dans le sucre et la guerre civile dans les îles de 1646-1647 qui la prive de ses rentrées fiscales et perturbe le commerce aggravent encore sa situation financière. En 1648, la Compagnie a besoin de 180 000 livres pour payer ses dettes et les gages de ses agents. Le 15 mai 1648, Berruyer propose que chaque associé avance 4000 livres par part (4 000 x 45 = 180 000)180. Une assemblée générale est convoquée pour le 5 juin 1648 pour décider de cette initiative.
69Le recours à l’emprunt de plus en plus fréquent et pour des sommes de plus en plus importantes est un signe manifeste de la dégradation de la situation financière de la Compagnie. Elle ne peut bientôt plus faire face à ses obligations. Dans quelle mesure son mode de financement explique-t-il ses difficultés ou en est-il la cause181 ? L’évolution des cours des produits coloniaux, les dysfonctionnements dans la chaîne de commandement, la guerre civile dans les îles ont aussi leur part dans les difficultés rencontrées. Nous reviendrons d’ailleurs sur ce contexte dans la septième partie.
Notes de bas de page
1 Délibération, le 31/01/1635, p. 243.
2 Id. Ces deux points sont repris dans le préambule du contrat de 1635.
3 L’article 1 du contrat de 1635 insiste sur le fait « que lesdits associés continueront la colonie par eux établie en l’île Saint-Christophe », ANOM, F2A13, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, p. 1.
4 Délibération, le 31/01/1635, p. 243.
5 Id.
6 Id.
7 Cette remarque sur les associés ne figure pas dans la délibération mais dans le préambule du contrat de 1635 et des articles entre les associés (ANOM, F2A13, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, p. 1 ; ANOM, F2A13, Articles accordés entre les associés de la Cie, Paris, le 13/02/1635, p. 9).
8 Louis XIII rentre en France en avril 1629, bientôt suivi de Richelieu le 11 mai 1629. Le roi repasse en Italie en 1630 (L. Bély, et al. (éd.), Guerre et paix dans l’Europe du XVIIe siècle, Paris, SEDES, 1991, p. 121-131).
9 Richelieu à d’Effiat, le 30/07/1630, dans Richelieu/L, t. 3, p. 798 ; D. L. M. Avenel, « note n° 1 », dans Richelieu/L, t. 3, p. 761 ; Estat des affaires du roi en Italie, au camp devant Revel, le 17/07/1630, dans Richelieu/L, t. 3, p. 789 ; D’Effiat à Richelieu, Verdun, le 18/05/1632, dans M.-C. Vignal-Souleyreau, La correspondance du cardinal de Richelieu, op. cit., p. 236.
10 Son neveu, Robert Arnauld d’Andilly, lui adresse d’ailleurs une lettre à La Rochelle le 12 novembre 1627 (Moreri, t. 7, 1759, p. 258).
11 Délibération, le 31/01/1635, p. 244.
12 Id.
13 AN, MC, étude LI, 493, Acte de vente, Paris, le 1/02/1635, pas de n° de fol. Jean de Beauvais, vraisemblablement fort de cette protection, sert d’intermédiaire dans plusieurs ventes de biens à Paris (AN, MC, étude LI, 499, Acte de vente, Paris, le 23/03/1638, pas de n° de fol. ; AN, MC, étude LI, 500, Acte de vente, Paris, le 12/07/1638, pas de n° de fol.).
14 Le contrat de 1626 est passé devant les notaires de Beaufort et Michel de Beauvais. De Beauvais cède son office à Simon Moulte. Il revient ensuite à Durant qui établit une copie du contrat en 1719. C’est cette copie qui repose au ministère des affaires étrangères (MAE, MD, Am., 4, Contrat pour l’établissement, Paris, le 31/10/1626, dans Margry, p. 102). Michel de Beauvais est le notaire privilégié par le pouvoir car il établit aussi le 19 mai 1626 le contrat de la Cie de la Nacelle fleurdelysée (Contrat de la Cie de la Nacelle de Saint-Pierre Fleurdelysée, Paris, le 4/06/1626, dans Richelieu/P, t. 1, p. 336).
15 « Et pour les services par lui rendus ès année 640 et 641 desquels il n’a été reconnu, la Compagnie a résolu qu’il lui sera payé la somme de six cents livres à raison de trois cents livres par chacun an », Délibération, le 24/02/1642, p. 424.
16 Délibération, le 31/01/1635, p. 244-245.
17 Délibération, le 4/02/1635, p. 245.
18 ANOM, F2A13, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, p. 4. Pourtant, dans certaines chartes-parties, elle apparaît encore sous le nom de Cie des Indes occidentales (AD 76, TH, Contrat entre R. Sollier et Cavelet, le 6/03/1635. Pub. dans Anth, t. 2, p. 546 ; AD 76, TH, Contrat entre P. Le Charbonnier et Cavelet, le 8/05/1635. Pub. dans Anth, t. 2, p. 547). On trouve aussi « la Cie dudit Saint-Christophe et Indes occidentales » (AD 76, TH, Contrat d’engagement, le 9/05/1635. Pub. dans Anth, t. 2, p. 550).
19 Délibération, le 13/02/1635, p. 247 ; ANOM, F2A13, Extrait du registre du conseil d’État, Senlis, le 8/03/1635, p. 6-7 ; ANOM, F2A13, Lettres patentes du roi, Senlis, le 8/03/1635, p. 7-8 ; ANOM, F2A13, Ordre du cardinal pour exécution, Rueil, le 31/07/1635, p. 8-9.
20 Délibération, le 7/07/1641, p. 416.
21 ANOM, F2A13, Articles accordés entre les associés de la Cie, Paris, le 13/02/1635, p. 9 ; Délibération, le 7/02/1635, p. 247.
22 DT/1667, t. 1, p. 50-51.
23 Les signatures figurent sur la minute du notaire (ANF, MC, étude LI, 493, Articles accordés entre les associés de la Cie, Paris, le 13/02/1635, 4 fol).
24 ANOM, F2A13, Articles accordés entre les associés de la Cie, Paris, le 13/02/1635, p. 14.
25 DT/1667, t. 1, p. 45.
26 J. Petitjean Roget, « Saint-Christophe… », op. cit., p. 39.
27 Délibération, le 31/01/1635, p. 245.
28 AN, MC, étude XIX, 409, Acte de vente, Paris, le 20/02/1635, pas de n° de fol. ; AN, MC, étude LI, 505, IAD de Fr. Fouquet, Paris, le 4/08/1640, item 65, pas de n° de fol. ; AN, MC, étude XIX, 409, Acte de vente, Paris, le 3/05/1635, pas de n° de fol.
29 DT/1667, t. 1, p. 44.
30 Délibération, le 7/02/1635, p. 247.
31 Il écrit qu’ils « s’assemblèrent extraordinairement ». Il ne donne pas la liste des associés présents (DT/1667, t. 1, p. 398). Il s’agit peut-être d’une assemblée générale.
32 Le 10 mai 1651, une réunion des associés se tient au logis de Lauson afin d’examiner la proposition formulée par l’Ordre de Malte pour l’acquisition de Saint-Christophe (ANOM, F352, Délibération de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 10/05/1651, fol. 338v et 339).
33 Délibération, le 7/03/1640, p. 380 ; Délibération, le 13/03/1640, p. 382.
34 Délibération, le 2/05/1640, p. 392 ; Délibération, le 5/03/1640, p. 393 ; Délibération, le 14/05/1640, p. 397.
35 Le nom du marchand est orthographié de différentes façons dans la documentation, Tresel, Tressel, Trezel. Nous avons gardé cette dernière écriture qui est la plus courante chez les associés de la Compagnie.
36 Délibération, le 2/05/1640, p. 391. Le procès-verbal de l’assemblée de 1647 ne donne pas la liste des présents. La délibération de celle de 1646 manque.
37 Il s’agit alors de discuter de la proposition de Philippe de Longvilliers de Poincy, d’acquérir la propriété de Saint-Christophe (Délibération, le 1/08/1647, p. 505 ; Délibération, le 6/12/1647, p. 506). Cette question est aussi évoquée lors de l’assemblée ordinaire du 26 août 1647 (Délibération, le 26/08/1647, p. 505).
38 Délibération, le 31/01/1635, p. 244.
39 ANOM, F2A13, Articles accordés entre les associés de la Cie, Paris, le 13/02/1635, p. 10.
40 Articles et conventions de société et compagnie pour l’exécution des articles accordés le 29 avril 1627 à la Cie du Canada, le 7/05/1627, dans Édits, … concernant le Canada, op. cit., p. 15-17.
41 Plusieurs règlements organisent les commissions du conseil en 1615 et en 1617 (R. Mousnier, Les institutions de la France, op. cit., t. 2, p. 134). Le règlement du conseil du roi change cinq fois en six ans entre 1622 et 1630 (D. L. M. Avenel, dans Richelieu/L, t. 3, p. 3).
42 Propositions for a West India Company, 1637, dans CSP, t. 1, p. 257 ; Demonstration of the right of the king of Great Britain to erect an English West India Company, 1637, dans CSP, t. 1, p. 257.
43 Voir R. E. Schreiber, The First Carlisle Sir James Hay, First Earl of Carlisle as Courtier, Diplomat and Entrepreneur, 1580-1636, Philadelphie, American Philosophical Society, 1984.
44 ANOM, F2A13, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, p. 1-6.
45 Délibération, le 7/05/1636, p. 264 ; Délibération, le 2/03/1644, p. 468.
46 Délibération, le 31/05/1642, p. 428 ; Lettres patentes adressées à la chambre des comptes de Paris pour enregister l’acte de foi et hommage fait par la Cie des îles de l’Amérique à sa majesté, Paris, le 23/12/1642, dans MDSM/Loix, t. 1, p. 57-58.
47 Il est ainsi demandé par exemple à d’Esnambuc « qu’il ne reçoive aucun étranger pour demeurer sur les terres des Français tant à Saint-Christophe qu’à la Martinique d’autant que la Compagnie y est obligée envers le roi », Délibération, le 7/05/1636, p. 262.
48 MAE, MD, Am., 4, Contrat pour l’établissement, le 31/10/1626, dans Margry, p. 99. C’est pour cette raison que les îles Lucayes plus au nord (appelées dans le document Inaque, Ibacque, Mergane, Guanasiany et Citatur) ont pu être concédées en 1633 à un particulier, Guillaume de Caen, pour le dédommager de ses pertes au Canada (Lettres patentes du cardinal de Richelieu, Paris, le 28/01/1633, dans MDSM/Loix, t. 1, p. 24-25). Il s’agit en fait des Bahamas. De Caen se dit baron des Bahamas en 1640 (M. Trudel, « Caën, Guillaume de », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003, consulté le 5 mai 2016, [http://www.biographi.ca/fr/bio/caen_guillaume_de_1F.html.])
49 DT/1667, t. 1, p. 47 ; MDSM/Loix, t. 1, p. 30 ; AN, MC, étude LI, 493, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, pas de n° de fol. ; BnF, Naf, 9318, Contrat entre Richelieu et Berruyer, le 12/01/1635, fol. 19v. Ce n’est qu’en 1642 que le périmètre est étendu jusqu’au trentième degré. Il est alors indiqué qu’il s’agit d’une nouveauté (ANOM, F2A13, Contrat entre la Cie et le cardinal, Paris, le 29/01/1642, p. 42).
50 Acte pour l’établissement de la Cie des Cent-Associés, le 29/04/1627, dans Édits, … concernant le Canada, op. cit., p. 6.
51 ANOM, F2A13, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, p. 2 ; Acte pour l’établissement de la Cie des Cent-Associés, le 29/04/1627, dans Édits… concernant le Canada, op. cit., p. 7.
52 Délibération, le 3/12/1636, p. 286 ; Délibération, le 24/02/1642, p. 422-423.
53 R. Mousnier, Les institutions de la France, op. cit., t. 2, p. 145-146.
54 Délibération, le 24/02/1642, p. 424.
55 Ils constatent ainsi en 1636 « le peu de nombre des associés qui se veulent donner la peine de penser aux affaires de la Compagnie » ; en 1637 que : « la plupart de personnes qualifiées [...] n’ont la commodité de se trouver aux assemblées ni de se charger de faire beaucoup de choses qui seraient utiles a la Compagnie » ; et en 1641 qu’« en cette assemblée, il n’y a nombre suffisant d’associés » (Délibération, le 3/12/1636, p. 286 ; Délibération, le 2/12/1637, p. 315 ; Délibération, le 5/12/1641, p. 433)
56 ANOM, F2A13, Articles accordés entre les associés de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 13/02/1635, p. 11 et 15.
57 R. Mousnier, Paris capitale au temps de Richelieu et de Mazarin, Paris, Pédone, 1978, p. 118 et 121. Jacques Berruyer est un des membres influents de la paroisse de Saint-Gervais. Il en est le marguillier (ANF, MC, étude CVII, 169, Délivrance de logis, Paris, le 26/10/1644, fol. 246-248v).
58 R. Mousnier, Paris au XVIIe siècle, Paris, CDU, 1961, p. 273 ; J. de Viguerie, E. Saive-Lever, « Essai pour une géographie socio-profesionnelle de Paris, xviie s. », RHMC, t. 20, 1973, p. 429. Voir l’étude de J.-P. Labatut, « Situation sociale du quartier du Maris pendant la fronde parlementaire 1648-1649 », XVIIe siècle, 38, 1958, p. 55-88.
59 BnF, Naf, 2449, Factum sommaire pour M. Morant, maître des requêtes, contre madame de Montauglan et autres, fol. 7 ; BnF, Naf, 2449, Factum pour M. Morant, maître des requêtes, contre Pierre Coupiar, fol. 9.
60 Le fonds de carte de Paris utilisé est tiré du Septième plan de la ville de Paris. Son accroissement et ses embellissements sous Henry IIII et Louis XIII depuis 1589 jusqu’en 1643 qui a paru dans Le traité de police de Nicolas de La Mare en 1705.
61 J.-F. de Raymond, Pierre Chanut, op. cit., p. 24 et 34.
62 G. Carpin, Le réseau du Canada, op. cit., p. 191.
63 Délibération, le 2/12/1637, p. 315-316.
64 Délibération, le 5/12/1641, p. 433.
65 Délibération, le 23/12/1642, p. 442.
66 Délibération, le 1/06/1644, p. 471.
67 Délibération, le 9/12/1644, p. 475.
68 Délibération, le 24/02/1642, p. 424. Nous ne connaissons pas ce sceau, ni ce qu’il peut représenter. La Compagnie de la Nouvelle-France a reçu le sien du roi Louis XIII en 1627. Il montre « sur un champ semé de fleurs de lis une femme tenue par les flots, tenant dans sa main gauche un lis de jardin et une croix latine dans sa main droite, avec en exergue : Me donavit Lvdovicus decimus tertius 1627 (Louis XIII m’a donnée 1627) ». Le contre-sceau porte un navire voguant sur les flots avec l’inscription In mari viae tuae (ta voie est sur la mer). (A. Vachon, Rêve d’empire : le Canada avant 1700, Ottawa, Archives publiques du Canada, 1982, p. 177). Le sceau de la Compagnie des Indes occidentales accordé par le roi le 28 mai 1664, est « un écusson au champ d’azur, semé de fleurs de lys d’or sans nombre, deux sauvages pour supports et une couronne trèflée » (Édit royal, le 28/05/1664, dans MDSM/Loix, t. 1, p. 109). Peut-être celui de la Compagnie des îles de l’Amérique reprend-il certains de ces motifs.
69 Délibération, le 2/03/1644, p. 468.
70 ANOM, F2A13, Com. d’intendant général à Leumont, Paris, le 1/10/1642, p. 175.
71 Délibération, le 24/02/1642, p. 423-424.
72 ANOM, F2A13, Contrat entre la Cie et le cardinal, Paris, le 29/01/1642, p. 42.
73 DT/1667, t. 1, p. 208.
74 Délibération, le 24/02/1642, p. 421-424 ; DT/1667, t. 1, p. 208-209.
75 ANOM, F2A13, Contrat entre la Cie et le cardinal, Paris, le 29/01/1642, p. 41-45. Il est passé devant les notaires Richer et Parque. Le conseil d’État valide le contrat le 29 mars 1642 (ANOM, F2A13, Arrêt du conseil d’État, Paris, le 29/03/1642, p. 45-47).
76 ANOM, F2A13, Contrat entre la Cie et le cardinal, Paris, le 29/01/1642, p. 42. La rédaction de cet article a pu être motivée par le désir des associés de reprendre le contrôle de la Tortue alors que son gouverneur, Le Vasseur, conteste leur droit.
77 ANOM, F2A13, Contrat entre la Cie et le cardinal, Paris, le 29/01/1642, p. 41-45.
78 La Compagnie de la Nouvelle-France accorde en 1635 et 1636 six fiefs à des associés ou à des proches des associés (G. Carpin, Le réseau du Canada, op. cit., p. 159).
79 ANOM, F2A13, Contrat entre la Cie et le cardinal, Paris, le 29/01/1642, p. 41-45. C’est une juridiction d’exception ayant rang de cour souveraine depuis 1497. Elle a toute compétence en matière civile et criminelle comme les parlements (R. Mousnier, Les institutions de la France, op. cit., t. 2, p. 273).
80 R. Mousnier, Les institutions de la France, op. cit., t. 2, p. 273.
81 ANOM, F2A13, Contrat entre la Cie et le cardinal, Paris, le 29/01/1642, p. 44.
82 DT/1667, t. 1, p. 208 ; Délibération, le 24/02/1642, p. 421-424.
83 DT/1667, t. 1, p. 205-209. Les associés attendaient depuis 1641 de ne relever que de cette juridiction (Délibération, le 6/06/1641, p. 414).
84 BnF, ms fr. 18593, Lettres patentes du roi portant établissement du commerce ès Iles de l’Amérique, mars 1642, fol. 347v. Les chroniqueurs (Dutertre, Moreau de Saint-Méry) parlent d’un édit royal. Louis XIII est alors à Narbonne à la tête des troupes pour mener une opération au Roussillon en compagnie de Richelieu. Les deux hommes sont très affaiblis par la maladie (V.-L. Tapié, La France de Louis XIII et de Richelieu, op. cit., p. 420-421).
85 BnF, ms fr. 18593, Lettres patentes du roi portant établissement du commerce ès Iles de l’Amérique, mars 1642, fol. 349.
86 ANOM, F2A13, Supplique des associés au Grand conseil, Paris, p. 55 ; AN, V5, 412, Arrêt du Grand conseil, Paris, le 28/05/1642, pas de n° de fol. Elles ne seront portées sur les registres de la Martinique que le 5 février 1645 (MDSM/Loix, t. 1, p. 55).
87 Il vend deux parts à Dalesse, seigneur d’Éragny le 25 janvier 1642 par contrat passé à Paris devant les notaires Mouffle et Chaussière (Délibération, le 24/02/1642, p. 421). Il est possible qu’il garde des parts mais nous ne savons pas de combien de parts il disposait à l’origine. Ce qui est certain c’est qu’il ne se manifeste plus lors des assemblées à partir de cette date.
88 Cette question des associés défaillants, notamment lors des successions, affecte tout autant la Compagnie de la Nouvelle-France (M. Trudel, La seigneurie des Cent-Associés, op. cit., t. 1, annexe).
89 Il est mort entre le 4 avril 1640, date à laquelle il assiste à une assemblée de la Compagnie (Délibération, le 4/04/1640, p. 387) et le 14 avril 1640, date de l’ordre de saisie de ses biens (Délibération, le 5/05/1640, p. 397).
90 Délibération, le 6/01/1645, p. 476. Les deux autres héritiers, Priam-Pierre du Chalard, gouverneur de la Tour Cordouan, et Pierre Gaugnot, sieur de Manicourt, ne se manifestent jamais.
91 Délibération, le 3/02/1645, p. 480 ; Délibération, le 7/07/1645, p. 491 ; AN, V5, 427, Arrêt du Grand conseil, Paris, le 20/09/1645, pas de n° de fol.
92 AN, V5, 428, Arrêt du Grand conseil, Paris, le 5/12/1645, pas de n° de fol. Il semble que des courriers se soient croisés. Priam-Pierre du Chalard renonce à sa part par acte passé devant notaire le 20 juin 1644. Claude Martin du Maunoy fait de même le 23 juillet 1645, et Pierre Gaugnot, le 6 septembre 1645.
93 Marie-Madeleine de Vignerot (1604-1675) est la nièce de Richelieu. Elle épouse Antoine Pont du Roure, marquis de Combalet, et neveu du duc de Luynes, qui meurt au combat en 1622. Elle ne se remariera pas. Richelieu lui achète le duché d’Aiguillon en 1638. Elle hérite d’une partie de ses biens. Elle assure un temps le gouvernement du Havre au nom de son neveu en raison de son jeune âge (J. Bergin, Pouvoir et fortune de Richelieu, op. cit., p. 51 ; A. Bonneau-Avenant, La duchesse d’Aiguillon, nièce du cardinal de Richelieu, sa vie et ses œuvres charitables, Paris, Dier et Cie, 1879 ; F. Hoefer, Nouvelle Biographie générale, t. 1-2, Paris, Firmin-Didot, 1877, p. 458 ; J.-O. Pleuvri, Histoire, antiquités et description de la ville et du port du Havre de Grâce, Paris, Dufour, 1769, p. 149 et 215).
94 Il vient à deux réunions (Délibération, le 6/01/1645, p. 476 ; Délibération, le 5/05/1645, p. 487). Pierre Drouart est un financier qui garantit des prêts (Fr. Bayard, Le monde des financiers, op. cit., p. 262).
95 Délibération, le 3/02/1645, p. 480.
96 Délibération, le 5/05/1645, p. 490.
97 L’Indien Marabouis embarque pour la France avec le dominicain Pierre Coliard. Le navire, pris dans la tourmente d’une tempête, sombre au large des côtes anglaises. Seuls en réchappent cinq passagers et l’Indien Marabouis. Il est pris aussitôt en charge par les dominicains du couvent Saint-Honoré. Marabouis rentre l’année suivante aux Antilles en compagnie du dominicain Jean-Baptiste Feuillet (Bret/A, p. 150 ; DT/1667, t. 1, p. 425).
98 J. de Laon, Relation du voyage des Français au Cap-Nord en Amérique, Paris, Antoine de Sommaville, 1654.
99 J.-P. Gutton, Dévots et société au XVIIe siècle, op. cit., p. 14.
100 En 1645, la Sorbonne entame des procédures judiciaires contre la duchesse car elle ne tient pas les promesses du cardinal pour l’établissement. Un compromis est trouvé en 1646 mais les difficultés de trésorerie de la duchesse perdurent. Elle ne peut faire face à ses obligations. La Sorbonne obtient la saisie d’une partie de la succession de Richelieu en 1650 (J. Bergin, Pouvoir et fortune de Richelieu, op. cit., p. 253).
101 Délibération, le 5/05/1645, p. 490.
102 Délibération, le 2/02/1646, p. 500.
103 Délibération, le 4/02/1635, p. 245.
104 Délibération, le 7/03/1635, p. 249. Cela n’a pu suffire à couvrir ses frais et le 7 mai 1636, la Compagnie lui accorde 400 livres « pour le voyage qu’il a fait en France […] et pour récompense de ses services » Délibération, le 7/05/1636, p. 267-268.
105 Délibération, le 7/05/1636, p. 261.
106 La Compagnie demande en effet quelques années plus tard un état « de tout ce qui est dans les magasins lorsque ledit Gentil vint en France et de ce qui a été envoyé de France depuis son partement », Délibération, le 6/10/1638, p. 340.
107 Délibération, le 7/05/1636, p. 261 ; Délibération, le 2/12/1637, p. 314 ; Délibération, le 6/01/1638, p. 317-318.
108 Délibération, le 4/02/1638, p. 322.
109 Délibération, le 3/03/1638, p. 323 ; Délibération, le 2/06/1638, p. 328.
110 Du Parquet à Fouquet, Saint-Christophe, le 17/08/1639, dans DT/1667, t. 1, p. 112.
111 Délibération, le 2/01/1641, p. 405.
112 ANOM, F2A13, Com. de visiteur-peseur à Lespérance, Paris, le 3/09/1636, p. 100-101.
113 Délibération, le 7/03/1635, p. 247-248.
114 Délibération, le 3/12/1636, p. 284.
115 Charte-partie, le 18/05/1629, citée par Barrey, p. 175.
116 Délibération, le 3/12/1636, p. 284. L’engagement et la charte-partie signée le 7 juin 1629 par Cavelet du Herteley portaient sur le passage de 55 hommes et de marchandises pour 2 100 livres de pétun et 50 livres pour son haut-de-chausses (Charte-partie, le 7/06/1629, citée par Barrey, p. 176).
117 Délibération, le 7/03/1635, p. 250.
118 ANOM, F2A13, Articles accordés entre les associés de la Cie, Paris, le 13/02/1635, p. 11.
119 AD 76, TH, reg. 183, Contrat d’engagement des émigrants aux Antilles, le 13/01/1627. Pub. dans Barrey, p. 135-138.
120 Délibération, le 31/01/1635, p. 245.
121 ANOM, F2A13, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, p. 2.
122 Nous avons mention en 1642, de la remise des comptes des receveurs du Havre et de Dieppe et en 1643 de ceux de Dieppe et de Saint-Malo (Délibération, le 31/05/1642, p. 428 ; Délibération, le 1/04/1643, p. 448). « Des comptes rendus par les commis à la perception des droits de ladite Compagnie èsdites îles, depuis les années 1640, 1641, et 1642, contenant les réponses par eux faites, tant en la construction des bâtiments, hôpitaux, magasins, qu’achats de vivres, armes et munitions pour lesdites îles » figurent dans l’information contre Poincy et sont mentionnés dans un arrêt du conseil d’État en 1647 (Arrêt du conseil d’État, Paris, le 25/02/1647, dans DT/1667, t. 1, p. 383).
123 Délibération, le 26/06/1642, p. 429 ; Délibération, le 23/12/1642, p. 441.
124 Délibération, le 5/12/1635, p. 256 ; Délibération, le 3/12/1636, p. 283 ; Délibération, le 7/03/1640, p. 381.
125 Il doit 1500 livres sur lesquels il réclame ses gages et des voyages accomplis pour la Compagnie. Il reçoit 600 livres de la Compagnie. Assez curieusement on ne lui demande que 800 livres (Délibération, le 5/12/1641, p. 433). Le compte n’y est pas. Où sont passées les 100 livres manquantes ?
126 Délibération, le 3/06/1643, p. 455.
127 Délibération, le 1/12/1645, p. 496.
128 Délibération, le 3/09/1636, p. 279.
129 ANOM, F2A13, Com. d’intendant général à Leumont, Paris, le 1/10/1642, p. 175.
130 Délibération, le 6/01/1645, p. 476-477.
131 Délibération, le 1/12/1638, p. 347 ; Délibération, le 5/01/1639, p. 348.
132 Délibération, le 24/02/1642, p. 423.
133 Délibération, le 24/02/1642, p. 423 ; Délibération, le 1/04/1643, p. 449 ; Délibération, le 9/12/1644, p. 475.
134 Délibération, le 5/01/1646, p. 499.
135 Délibération, le 5/12/1635, p. 256.
136 Délibération, le 31/05/1642, p. 428.
137 ANOM, F2A13, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, p. 3.
138 Ibid., p. 4.
139 DT/1667, t. 2, p. 100. L’Anonyme de Saint-Christophe parle de la même façon de 1 000 livres de pétun par homme par an au début des années quarante (Anonyme de Saint-Christophe, Relation des îles de Sainct Christophle, Gardelouppe et la Martinique, dans Voyageurs anonymes aux Antilles, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 121).
140 J.-P. Moreau, Les Petites Antilles, op. cit., p. 197.
141 Les prix sont au plus bas entre 1639 et 1645. La crise est générale en Europe (S. L. Mims, Colbert’s West India policy, op. cit., p. 30 ; A. Ly, La Compagnie du Sénégal, op. cit., p. 35).
142 J. Petitjean Roget, « Saint-Christophe… », op. cit., p. 38.
143 Délibération, le 4/04/1635, p. 250 ; ANOM, F2A13, Traité de la Cie avec L’Olive et du Plessis, Paris, le 14/02/1635, p. 20.
144 Délibération, le 2/03/1644, p. 467.
145 Délibération, le 3/09/1636, p. 277.
146 Délibération, le 3/08/1639, p. 362 ; Délibération, le 7/01/1643, p. 443.
147 Délibération, le 31/01/1635, p. 244 ; Délibération, le 4/04/1635, p. 250 ; ANOM, F2A13, Traité de la Cie avec L’Olive et du Plessis, Paris, le 14/02/1635, p. 20.
148 Délibération, le 2/12/1637, p. 316.
149 BnF, ms fr. 18593, Instruction des isles de l’Amérique, fol. 423v. Le document parle improprement de 36 666 livres, ce qui semble être une erreur de calcul. Le prix du pétun envisagé est de 10 livres le cent, ce qui semble le prix moyen atteint au milieu des années quarante. L’Instruction s’intéresse à la valeur des îles peut-être dans l’optique d’une vente à des particuliers alors que le conflit entre Poincy et Thoisy compromet l’avenir des établissements français.
150 Délibération, le 23/12/1642, p. 440.
151 ANOM, F2A13, Traité de la Cie avec L’Olive et du Plessis, Paris, le 14/02/1635, p. ; ANOM, F2A13, Premier contrat avec les marchands de Dieppe, Paris, le 18/04/1635, p. 26.
152 Délibération, le 28/07/1641, p. 418.
153 Délibération, le 1/06/1644, p. 471. 5 livres sont pris sur les 200 livres de pétun versés par les habitants, pour être consacrés aux munitions.
154 L.-A. Boiteux, Richelieu « grand maître de la navigation et du commerce de France », op. cit., p. 300.
155 Délibération, le 1/06/1644, p. 471.
156 Délibération, le 5/12/1635, p. 256 ; Délibération, le 5/03/1636, p. 259.
157 Délibération, le 2/12/1637, p. 316.
158 Délibération, le 19/02/1640, p. 375.
159 Ce montant est rappelé en 1645 lors du débat sur le financement des opérations à la Guadeloupe (Délibération, le 6/01/1645, p. 477).
160 Délibération, le 7/10/1643, p. 463.
161 Délibération, le 25/08/1635, p. 252-253 ; Délibération, le 6/01/1645, p. 476 ; Délibération, le 5/05/1645, p. 488.
162 M. Moulin, « Les rentes sur l’Hôtel de Ville de Paris sous Louis XIV », Histoire, économie et société, 1998, 17-4, p. 643.
163 Le taux d’intérêt oscille entre 5 % à 5,5 % sous le règne de Louis XIV. En 1665, le taux d’intérêt des emprunts publics est ramené par Colbert à 5 %. Les fermiers généraux prêtent à ce taux à l’État et aux particuliers (M. Moulin, « Les rentes sur l’Hôtel de Ville de Paris sous Louis XIV », op. cit., p. 626-629). Les taux sont sensiblement proches en Angleterre. Ils sont inférieurs à 10 % dans la première moitié du xviie. Ils passent en 1652 de 8 % à 6 % en vertu de l’Usury Act (M. Cassan (dir.), Les sociétés anglaise, espagnole et française au XVIIe siècle, Paris, SEDES/CNED, 2007 ; R. Marx, « Banque, crédit et monnaie en Angleterre de 1640 à la fin du xviie siècle », dans Argent et valeurs dans le monde anglo-américain aux XVIIe et XVIIIe siècles, Société d’études anglo-américaines des 17e et 18e siècles, 1980, p. 108).
164 Les associés de la Cie des îles prêtent de l’argent à leur commis général à la Martinique « à raison de trente pour cent » en 1639 (Délibération, le 2/03/1639, p. 354). Marcel Delafosse relève un prêt à la grosse aventure pour le Canada à 22 % d’intérêt en 1634 (M. Delafosse, « La Rochelle et le Canada », op. cit., p. 471).
165 La liste des emprunts donnée par Georges Servant est incomplète (G. Servant, « Les Compagnies de Saint-Christophe et des îles de l’Amérique », op. cit., p. 415-416).
166 Délibération, le 25/08/1635, p. 252-253. L’emprunt est approuvé lors de l’assemblée générale (Délibération, le 5/12/1635, p. 255).
167 Délibération, le 7/09/1639, p. 367-368.
168 Délibération, le 4/04/1640, p. 392.
169 Délibération, le 16/12/1642, p. 439 ; Délibération, le 7/10/1643, p. 463.
170 Les associés qui ne s’acquittent pas de ce qu’ils doivent en temps et en heure supporteront les intérêts de la somme empruntée (Délibération, le 6/01/1645, p. 476 ; Délibération, le 5/05/1645, p. 488).
171 Délibération, le 7/07/1645, p. 492.
172 Il en est ainsi pour l’emprunt de 4000 livres en 1645 (Délibération, le 7/07/16456, p. 492).
173 Délibération, le 25/08/1635, p. 253. Le principe est approuvé par l’assemblée du 5 décembre 1635 (Délibération, le 5/12/1635, p. 255).
174 Délibération, le 19/02/1640, p. 375.
175 Délibération, le 23/08/1646, p. 502.
176 P. Villiers, J.-P. Duteil, L’Europe, la mer, et les colonies, op. cit., p. 10.
177 Minutes of a Court for Providence Island, Brooke House, le 11/05/1635, dans CSP, t. 1, p. 206. Voir l’analyse de K. O. Kupperman, Providence Island 1630-1641, op. cit., p. 295 et suiv.
178 F. Mauro, M. de Souza, Le Brésil du XVe siècle à la fin du XVIIIe siècle, Paris, SEDES 1997, p. 93.
179 Délibération, le 9/12/1644, p. 475 ; Délibération, le 6/01/1645, p. 478.
180 Délibération, le 15/05/1648, p. 510.
181 À la fin du xviie siècle, les bases financières de la Compagnie sont jugées trop étroites par les observateurs de la vie économique, ce qui explique à leurs yeux ses difficultés. Jacques Savary écrit ainsi dans les additions à son Parfait négociant en 1688 : « il est certain que dès le moment qu’une grande compagnie emprunte de l’argent dans le public pour faire son commerce, son fond capital n’étant pas suffisant pour cela, elle fait le premier pas pour aller à sa perte, parce que les charges et les intérêts qu’elle paie pour les sommes de deniers qu’elle emprunte et les grands dépenses ci-devant représentées qu’elle est obligée de faire, absorbent la plus grande partie des profits qu’elle peut faire » (J. Savary, Le parfait négociant, Paris, Michel Guignard, 1713, t. 2, p. 143). Mais il est vrai que les commentateurs des affaires vivent dans un autre environnement économique et peuvent se prévaloir de ces expériences passées pour leur expertise.
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