I. De la ville à l'État régional : la constitution du territoire (xive-xve siècle)
p. 15-37
Texte intégral
1En l'espace de deux générations (1350-1440), Florence absorbe un grand nombre de cités jusque-là indépendantes. Aidée par les circonstances, par sa richesse, sa ténacité, par la peste même, dont elle se sort mieux que d'autres grâce à ses ressources, la ville entreprend une série d'achats, de conquêtes, d'alliances, initiatives accompagnées d'efforts à la fois hardis et réfléchis pour intégrer les régions récemment acquises. En pleine floraison humaniste et renaissante, on la voit opérer cette mue spectaculaire de cité libre à capitale d'État.
2L'intérêt ancien des historiens pour cet avatar de l'histoire toscane a rebondi dans les années 1960 grâce notamment aux travaux de M. Becker parus à partir de 19681. L'auteur y attirait l'attention sur cet épisode de taille, insistant sur ses conséquences, politiques, financières (coût énorme), fiscales, institutionnelles, à ses yeux fondamentales pour l'histoire de Florence. Puis les recherches qui allaient bon train, notamment aux États- Unis, apportèrent des confirmations, et aussi des retouches, aux observations de Becker. Une conviction était acquise : l'extension de la domination florentine avait définitivement modifié la manière de gouverner propre à la commune2. Mais de cette nouvelle gouvernance, il était indispensable d'examiner plus à fond la pratique, les bases juridiques, le personnel, les méthodes et les effets. Des sources jusque-là négligées comme les archives des administrations locales, les correspondances administratives et privées, les procès, les avis des experts, la jurisprudence furent mises à contribution par une petite cohorte cosmopolite de jeunes érudits bien formés par leurs maîtres, les pionniers de l'entreprise. Empruntées dans un bel éclectisme à l'anthropologie, au droit, à la micro-histoire, à la macroéconomie, etc., de nouvelles perspectives se sont entrecroisées, sans perdre de vue l'enjeu proposé, à savoir mieux rendre compte de l'évolution sociopolitique et institutionnelle de l'État. Une démarche analogue s'appliquait ailleurs à la formation des grandes monarchies et de l'État moderne, mais on la focalisait ici sur le cheminement original qui conduisait de la cité à l'État régional, objet typique de l'Italie renaissante3.
Les étapes de la formation territoriale
3Les auteurs insistent volontiers sur la lenteur du processus de formation de l'État territorial. L'État nouveau prit racine dans l'État communal, peu à peu constitué autour de la cité. Pour Florence, rien n'appelait cet État communal à croître avec cette ampleur. Cela se fit lentement, en continuelle interaction avec l'expansion territoriale de communes proches et rivales, comme Sienne, Lucques, Pise, Arezzo, Pistoia et finalement Milan. Le territoire qui se constitua autour de la ville de l'Arno ne comportait au xiie siècle qu'une nébuleuse réduite et discontinue de villages. Aux xiiie- xive siècles, on voit Florence assembler par morceaux et consolider ce qu'on appelle communément son contado, mot désignant au xiiie siècle le territoire rural régi par une commune libre, qu'il s'agisse du territoire diocésain arraché au fil des siècles par les grandes cités — civitates, villes épiscopales — à la domination temporelle de l'évêque et à celle des seigneurs, ou qu'il s'agisse des quelques villages confisqués à une bourgade fortifiée perdant elle-même avec eux son indépendance4.
4Une fois les morceaux du puzzle ajustés autour de Florence, se posa le problème des frontières du contado. En principe, ces frontières devaient coïncider avec celles du diocèse (deux en réalité : Florence et Fiesole). Dans la pratique, une ville dynamique comme la nôtre résistait mal à la tentation d'aller au-delà sur le contado d'autrui ; les cités voisines résistaient, parfois même attaquaient, et de nombreuses escarmouches de frontière, parfois de véritables conflits, jalonnèrent au xiiie siècle l'histoire de ses rapports avec Pise, Sienne, Pistoia, Lucques, Arezzo et marquèrent le début des premiers empiétements.
LA CONSTITUTION DU DOMAINE FLORENTIN, 1320-1490

Cartographie : Alexandre Laclau EHESS
5Dans les années 1310-1378, ces luttes s'aggravèrent. Florence dut affronter les ambitions des seigneurs désormais à la tête de certaines de ces cités : Uguccione della Faggiola (+1316) à Pise et à Lucques, Castruccio Castracani (+1328) à Lucques et à Pistoia, les Tarlati à Arezzo, les Donoratico à Pise, etc. Si notre ville les contint, ce ne fut pas sans efforts ni débours (surtout contre Pise en 1364). Elle dut affronter aussi les visées expansionnistes d'un nouveau venu, le duc de Milan (1350/1369-70). Elle se vit contrainte d'engager la lutte, chose incroyable pour la Ville Guelfe par excellence, contre les armées pontificales (guerre dite des « Otto Santi », 1375-1378). Une nouvelle offensive plus périlleuse de Jean-Galéas Visconti fit du duc de Milan le maître de Lucques, de Pise, de Sienne, de Pérouse, et de Bologne. Florence était encerclée. Seule la mort inopinée du « tyran » dénoua miraculeusement la situation (1402), mais quel émoi ! Puis ce fut au tour du roi de Naples, Ladislas (1409-1414), de se montrer menaçant. Alors qu'aucune politique cohérente d'expansion ne s'était exprimée jusque-là, cette succession de conflits et de ripostes, qui culmina sous Jean- Galéas, révéla à Florence sa vulnérabilité et la nécessité de mieux se prémunir contre ces dangers5.
6La conviction se faisait jour, en ville et dans les conseils, et elle finit par s'imposer, que la construction autour du contado originel d'une forte zone de protection, d'un fort distretto, était indispensable à la survie de l'État, à sa libertas, et de ce fait légitime (et non pas « tyrannique » à l'égard des communes sujettes). Une nouvelle politique d'expansion s'imposait et, tout en s'inspirant des circonstances, Florence l'entama et la poursuivit non sans débats, mais avec détermination6.
7Cette politique prolongeait celle qui avait abouti à la création du contado, et elle obéissait à ce titre à beaucoup de raisons où les nécessités impérieuses de la défense se mêlaient à celles du ravitaillement, du commerce, de l'ambition et à d'autres encore. Mais c'est alors seulement, au milieu du xive siècle, que la ville s'aventura plus résolument hors des limites de son contado primitif. Dans une première étape (années 1330- 1350), amplifiant une progression ancienne, elle mit progressivement la main sur les petites villes mitoyennes ou proches, et encore indépendantes qui, hors du diocèse, entouraient ses frontières et sur les quelques villages de leur modeste contado. C'est ainsi que Garmignano (1329), Fucecchio, Castel Franco et Santa Croce sull'Arno (1330), Pescia en Val di Nievole (1339), Prato (1350), San Miniato (1370) à l'ouest et au nord-ouest, non loin du cours de l'Arno ; Colle (1349) et San Gimignano (1353), dans la vallée de l'Eisa passèrent tour à tour sous sa coupe.
8Les seigneuries montagnardes (Ubaldini, Guidi, Alberti, Uberti, Tarlati, etc.) maintenaient pour leur part une domination fragmentée mais têtue au nord-est et à l'est, dans les Apennins, et c'est à leurs dépens que la dominante manifesta la plus grande constance dans la pugnacité. Par une succession d'escarmouches, de chevauchées, de campagnes, de sièges, deguasti, de roueries, de pensions, de fondations de villeneuves, elle imposa peu à son autorité (1360-1440) dans ces vallées excentriques, d'accès difficile mais peuplées et actives. Dans la seconde moitié du Trecento, on vit disparaître l'une après l'autre les prérogatives seigneuriales des grands feudataires des marges toscanes. Après 1380, le patrimoine des Guidi et des Ubaldini fut déclaré soumis aux impôts communaux. Tout un programme de récupération des jura communis (droits publics) démarra vers 1340 et s'accéléra dans les décennies suivantes. Un nombre croissant de seigneurs ruraux se soumit à la république qui les reçut comme accomandati et même comme populares7. Quant à leurs sujets, désormais distrettuali, il ne s'agissait pas, contrairement à ce qu'on pense communément, de populations arriérées mais d'un monde différent. L'existence s'y déroulait de manière plus collective, plus ouverte aussi : mariages, associations, déplacements s'organisant dans un horizon plus large, sans nuire à une sociabilité paroissiale et lignagère forte. La création d'un État régional solide concernait donc aussi ces régions montagneuses, quelque peu méconnues des Florentins eux- mêmes, qui ont nom Haut Mugello, Podere fiorentino, Alpe fiorentina, Casentino, Montagna fiorentina8.
9Après 1380, quand la sévérité des menaces extérieures eut obligé la commune à serrer son dispositif, ses ambitions territoriales s'étendirent des borghi et quasi città aux vraies cités épiscopales (civitates). Dès 1351, Florence avait imposé son pouvoir à une véritable civitas, Pistoia, et par la suite à Volterra (1361). Mais l'État territorial s'organisa véritablement après 1380, quand la dominante eut été amenée soit pour sa défense, soit par ses ambitions, à annexer successivement tout un cortège de cités voisines, toutes flanquées de leur contado9. Ces conquêtes successives se déroulèrent sur quarante ans.
10Elles débutèrent par Arezzo (1384) : occuper cette cité stratégiquement si importante sur son flanc était depuis longtemps à l'ordre du jour des conseils de la dominante, mais ce projet inquiétait Sienne, et le parti de la paix, sensible aux inquiétudes de cette proche voisine d'Arezzo, prêchait la prudence dans les conseils florentins. Puis l'opinion changea, surtout quand Arezzo eut été prise par une armée française envoyée par Charles VI à Louis d'Anjou, le prétendant angevin au royaume de Naples. Louis étant mort inopinément, les Florentins profitèrent du flottement du pouvoir angevin : un achat avantageux fut négocié, Arezzo passa en territoire florentin. Vint le tour de Montepulciano (1390) : ce gros bourg fortifié (.castello) supportait mal la tutelle de Sienne. Un parti s'y déclarait pour Florence. Les Florentins voulaient ménager les Siennois, mais la menace croissante en Toscane de Jean-Galéas Visconti, duc de Milan, eut raison de leurs réticences : ils contribuèrent à la mise en défense du castello, puis, quand Jean- Galéas eut resserré son alliance avec Sienne (un détachement de 200 lances milanaises s'était installé à Sienne en sept. 1389), ils l'annexèrent10.
11Le rattachement de Pise (1406) fut un plus gros morceau. Le grand port contrôlait, sur la Méditerranée, le ravitaillement et le commerce de Florence. Chez les marchands, les industriels de la laine, les responsables du ravitaillement, un fort courant d'opinion se manifestait depuis longtemps pour s'en emparer. Une des plus importantes campagnes des Florentins l'avait prise comme objectif en 1360. Par la suite, malgré la tradition gibeline des Pisans, le seigneur en place à la fin du xive siècle, Pietro Gambacorta (+1390), s'était avéré pour Florence un allié fidèle. Mais son successeur vendit en 1399 la cité aux Visconti. Les conseils florentins, malgré une forte opposition interne, jugèrent venu le moment d'agir. Il leur fallut dédommager les Visconti et des princes français que l'affaire concernait. Il leur fallut aussi vaincre une ultime rébellion pisane. Le 9 octobre 1406, la ville était entièrement en leur possession, exploit salué unanimement par les Florentins11. Peu d'années plus tard, ce fut au tour de Cortone : Ladislas de Duras, roi de Naples (1386-1414) menaçait gravement le sud de la Toscane. Cortone dut se rendre à lui (mars 1409). Ses dévastateurs parcouraient les campagnes. Une flotte napolitaine bloquait les côtes pisanes. L'inquiétude grandissait sur les bords de l'Arno : lutter, peut-être, mais à quel prix ? La décision fut difficile à prendre, mais la paix s'imposait. Les longs pourparlers qui y conduisirent furent l'occasion pour Florence d'obtenir la cession de Cortone (1411) et de se faire confirmer par Gênes la prise de Sarzana (1411), port acquis à la suite d'un raid. La bourgade de Castrocaro, le port de Livourne (1421) et de nombreux centres mineurs vinrent compléter par la suite l'ensemble de l'État dans sa nouvelle configuration12.
12Bien que fort petit (12 000 km2 contre 30 000 pour la Terre Ferme de Venise et 27 000 pour le duché de Milan), l'État florentin en 1420 avait triplé sa superficie (il comptait 3 900 km2 en 1300), les nouvelles conquêtes en représentant plus de 60 %. Il déployait une belle palette de promesses et d'acquis, une prometteuse « première accumulation de ressources » (A. Zorzi) : à la base, une campagne associant les paysages les plus variés - montagnes, collines, vallées, plaines domestiquées, pâturages de Maremme -, et leurs multiples potentialités, telles que bois et châtaignes, élevage montagnard et domestique, blés d'espèces variées, vignobles étendus jusqu'en plaine, oliviers, eaux poissonneuses, et tout ce qu'on peut imaginer de fruits et de maraîchage ; une petite propriété montagnarde en bonne santé ; des routes nombreuses et entretenues ; l'usage général de la monnaie d'or ; la présence active dans les campagnes de marchés, de marchands et de bourgades mettant producteurs et consommateurs ruraux à portée du commerce urbain ; une bonne dizaine de villes douées d'une expertise artisanale et commerciale séculaire ; des échanges régionaux qui, des générations durant, avaient mis les futures provinces du nouvel État en relation avec la dominante ; une féodalité domestiquée13. De quoi se réjouir. Mais tout cela avait son prix.
13Dès les années 1350, la commune de Florence se vit contrainte de faire face à l'accroissement démesuré de la dépense publique. Après 1380, les exigences de l'économie publique s'imposèrent comme la considération dominante de la vie civique florentine. Les dépenses pour la guerre, entre 1375 et 1405, se chiffrèrent à 11 500 000 florins. De considérables emprunts pesèrent sur les riches. La dette publique atteignit 3 millions de florins en 1395. Chaque famille influente fut contrainte d'engager une part importante de sa fortune en emprunts d'État : les foyers ainsi taxés devinrent vingt fois plus nombreux en 1427 qu'en 1345, pour des sommes trente ou quarante fois supérieures. La gestion des finances et des impôts prit dans l'État une importance considérable : le nombre des employés du trésor fut multiplié par cinq en 50 ans (1343-1393) et il en alla de même pour le personnel des impôts (officiers et employés des gabelles, notaires, juges des gabelles, etc.). Cette pression n'épargna pas les villes conquises. À Pise, par exemple, la comptabilité officielle, conservée à Florence, révèle la pesanteur de la sujétion : en 1407, toutes les gabelles (impôts indirects) de la ville furent versées à la dominante ; en 1408, les recettes de Florence à Pise étaient en excès de 200 000 lires sur ses dépenses ; en 1414, une taxe militaire fut imposée aux habitants, qui rapporta par an entre 33 000 et 56 000 florins, tandis qu'un estimo (impôt direct réparti par feux) était levé sur son contado. Tout cela à destination du Monte (dette publique) de Florence pour amorcer le comblement du gouffre. Les autres villes sujettes étaient également mises à contribution et elles durent céder à la dominante les gabelles du vin, du sel, de la farine et des contrats. Ces sommes furent affectées, à Florence, aux soldes des mercenaires et au remboursement du Monte et, là encore, Florence reçut beaucoup plus qu'elle ne donna : dure politique à l'égard des territoires sujets (distretto)14.
14Au sein des régions précocement annexées, cette pression fut vite pesante, douloureuse, exécrée. Une conjuration se mit en place en 1377 dans le vicariat de San Miniato al Tedesco contre ce que les impôts avaient d'accablant. La contestation se propagea : « Tu peux voir comme nous sommes mal traités par la commune de Florence qui vient d'imposer cette bourgade (terra) et son contado à dix mille florins. Cette somme et tous ces impôts et dépenses sont insupportables. Nous sommes dans une situation bien pire que sous un cruel tyran15. » Ce thème suscitait beaucoup d'échos.
15À Santa Croce sull'Arno, bourgade toute proche, la municipalité refusa cette même année d'accueillir les milices florentines16.
16Dans les Alpes du Mugello, où la population n'était pourtant pas moins aisée qu'en plaine, la pression fiscale, qui allait croissant depuis 1355, devint oppressive en 1393 et surtout en 1398-1401 (guerre contre Milan). La montagne se vida : entre 1384 et 1402, le tiers de la population s'évapora. Des révoltes éclatèrent, brutales (1401). Les chroniqueurs les taisent ou les travestissent, mais les registres criminels en donnent une vision très différente, très crue. Au cœur de ces révoltes (« tumultus », « rebellio », « seditio »), ce sont bien les paysans qu'on trouve. En 1374, en 1376, les féodaux et les petites villes - Mangona, Belforte - menaient l'action. Après 1397, invasions et oppression fiscale suscitèrent des violences plus étendues et plus brutales, notamment après 1400, et cela parmi l'élite paysanne des villages. Des dégrèvements partiels furent accordés, mais ils ne concernaient pas les montagnes du Haut Mugello où l'impôt avait quasi doublé. Les départs redoublèrent, et un feu d'artifice de soulèvements crépita en 1404 dans l'Apennin : Alpes du Mugello, nord de Pistoia, Firenzuola, Podere fiorentino17.
17Un peu partout dans le contado, face aux impôts et taxes jugés par eux écrasants, les paysans fuyaient à un tel rythme que la dominante se devait de réagir. Elle s'y résolut en 1402, mais ce début modeste et imparfait ne fit pas taire les protestations et rébellions. En 1406, à titre préventif, cent huit Pisans furent exilés à Florence pour un temps indéterminé. Des conspirations furent éventées cette même année à Arezzo, et cent citoyens partirent pour l'exil. Cette politique, qui soulevait des objections morales et économiques, n'était pas adoptée à Florence de gaîté de cœur. Elle finit par prévaloir18. Mais elle ne suffisait pas.
Statuts, fiscalité, défense : l'organisation du nouvel État territorial (1380-1440)
18Sous le gouvernement du clan Albizzi (1380-1434) se manifesta une volonté conciente de création, puis d'encadrement attentif du territoire. Cette orientation hégémonique suscita par moments (1405, 1411) d'âpres débats dans les conseils de la république (consulte e pratiche) : les Albizzi jouaient les faucons, soulevant les objections des colombes19. Ce faisant, sous la pression des urgences, les réflexions prirent une allure plus concrète. Face à l'insécurité, le contrôle des châteaux, forteresses, routes, etc., devintune absolue priorité. Face aux révoltes montagnardes, un dialogue s'imposait et les provisions témoignent dès 1403 de ce changement d'attitude. Les multiples pétitions paysannes y sont prises tout à fait au sérieux - les conseils florentins parlent à ce propos de negotium (affaire à traiter) et non plus de submissio (soumission) - et elles déclenchent au bénéfice des communautés montagnardes de larges amnisties ainsi que des exemptions fiscales très neuves dans leur contenu, dès 1397, plus encore après 1403. Communautés montagnardes et contadines voyaient leurs statuts se rapprocher20.
19Se rapprocher sans s'identifier : de manière générale en effet, les accords conclus par Florence dès le xive siècle avec l'ensemble des communautés sujettes ne reflétèrent aucun modèle précis, leur rédaction restant attentivement ciblée sur chaque cas particulier, comme en témoigne l'abondante série des Statuti dei Comuni Soggetti. Florence consentait à l'exercice local de l'auto-gouvernement une latitude qui dépendait elle-même, pour chaque communauté, de la date de sa soumission, de sa position géographique et stratégique, de sa taille, de sa docilité, etc. Selon ces critères, les officiers florentins laissaient dans les statuts une place plus ou moins grande aux antécédents locaux. Les coutumes anciennes et les autorités en place n'étaient malmenées ou sacrifiées qu'en cas de mésentente obstinée ou de conflit21.
20Sur ces entrefaites fut adoptée par les conseils communaux de la dominante en 1408-1409 une nouvelle rédaction des statuts florentins. Cette rédaction-compilation correspondait à un programme conscient de clarification et de généralisation, caractères toujours plus nécessaires, dans un État florentin en expansion, à des lois destinées à régir d'autres villes ou communautés22.
21Après cette date, les conseils florentins délibérèrent encore à maintes reprises sur le thème de la mauvaise administration. Bien choisir les administrateurs apparaissait nécessaire pour ne pas exaspérer les « sudditi », et éviter les vols, les troubles, les abus. Il convenait avant tout de combattre, dans le contado et le distretto, la corruption des officiers florentins qui entraînait la fuite des contadins et distrettuali (1413-1414). Fallait-il pour autant supprimer le tirage au sort de ces officiers ? On en discuta. Agir, en tout cas, s'imposait. Exemple parmi d'autres, suivons les pratiques du Florentin Jacopo Salviati, administrateur à répétitions de communautés sujettes (Montepulciano, Pistoia, etc.) entre 1400 et 1410. Jacopo fait état dans son diario de multiples gratifications perçues pour service rendu, notamment pendant son séjour à Pistoia comme podestat. On l'y voit recevoir 24 florins pour avoir pacifié le village de Piuvica, 100 florins pour avoir apaisé le conflit entre la commune de Pistoia et le clan des Cancellieri, etc., sommes qui s'ajoutaient à son salaire. L'argent circulait facilement ! Et cependant les officiers estimés coupables et dénoncés comme tels s'avéraient rarement et faiblement châtiés23.
22Florence n'en menait pas moins, à l'égard des abus et de la corruption de ses représentants, une politique répressive qui se mit peu à peu en place dans l'État en formation. Mais il y fallut du temps. Ce que la dominante attendait de ses représentants, spécialement des plus importants, c'était de régler les devoirs de chacun de manière à freiner les abus les plus dangereux pour la bonne entente avec les villes sujettes24.
23Les années 1420 entraînèrent une plus forte mobilisation administrative, la mise au point de projets nombreux et la mise en train de réformes. Au rang des projets, on chercha à uniformiser le statut du territoire (distretto), à obtenir pour Florence la dignité d'archidiocèse métropolitain. Au rang des réformes, on procéda en 1421 à l'examen des finances de toutes les communautés du distretto ; on y fit l'inventaire en 1426 des industries en place pour aider les spécialisations régionales ; on mit au point en 1427, réforme absolument fondamentale, le nouveau cadastre (catasto) qui allait servir de matrice au calcul de l'impôt par feux25.
24Réformer la fiscalité dans l'État restait en effet l'urgence absolue. Tout en dépendait : la réduction de la dette publique, la pacification du territoire, la réussite de tout autre projet réformateur. Longuement discuté et mûri par les conseils, le projet novateur du catasto consistait à établir pour tout le territoire une fiscalité plus régulière et prévisible, plus équitable et plus transparente. Telle était l'urgence, et tel était bien l'objectif. Au prix de quelques grincements de dents, ce projet réussit en partie. Chaque contribuable rédigeait la déclaration de son foyer (famiglia, fuoco), énumérant les adultes masculins aptes au travail, les biens meubles et immeubles, les créances, les dettes, les charges familiales du feu. Les agents des bureaux florentins du cadastre calculaient les cotes d'impôts. Florence résolut d'appliquer la nouvelle loi au distretto, villes et campagnes. Les adversaires du catasto ne manquaient ni à Florence ni dans les villes sujettes, telles Colle, Cortone, Volterra ou Montepulciano. Les notables surtout poussaient les hauts cris. Le peuple s'y montrait pour sa part plus favorable : il espérait justement du cadastre plus d'équité fiscale. La dominante passaoutre aux réticences. La réforme fut donc appliquée et elle le fut partout : à Pise, Pistoia, Arezzo, Prato, Volterra, Cortone, Montepulciano, San Gimignano, Castiglion Fiorentino, à cette nuance près que le nouveau dispositif fiscal fut peu utilisé tel quel hors du contado. Dans le territoire, il servait surtout de référence à la répartition des traitements (fonctionnaires florentins locaux) ou de l'entretien des troupes26.
25Cette fiscalité une fois en place, l'esprit réformateur suivit plus facilement son cours. En 1429, furent établis des critères plus précis d'éligibilité aux offices territoriaux. Et l'on pensa à l'avenir de la chose bureaucratique, qui ne peut vivre sans mémoire. Riches de leur expérience archivistique du xive siècle, les conseils florentins l'appliquèrent aux documents du distretto, du territoire. La série des Capitoli (conventions et traités avec les communautés sujettes) était en place dès le xive siècle. On se préoccupa de mieux archiver les nouveaux statuts des communes sujettes et toutes celles du distretto. Par la suite, les innovations traînèrent, mais l'essentiel était fait et l'émission d'actes était moindre, en dehors de la croissance considérable de la correspondance.
26C'est en effet à Florence, dans les différents offices de la Seigneurie, et notamment auprès des Otto di Pratica, que se résolvaient en dernière instance les conflits de toutes sortes - fiscaux, commerciaux, territoriaux, etc. - où des communautés sujettes affrontaient leurs voisines, voire les États voisins. On y examinait également en appel les jugements controversés des principales instances locales. Ces conflits augmentèrent vers le milieu du siècle, notamment en ce qui concerne les frontières. Leur transmission au centre aida toujours davantage à les résoudre pacifiquement, surtout quand ils troublaient le modus vivendi avec tel ou tel des principaux États italiens. Les éminents légistes de la métropole donnaient alors leur avis et les Otto tranchaient27.
27Unifier le territoire, c'était aussi le pourvoir de défenses adéquates, convenablement disposées dans le paysage et bien entretenues. Comme partout au début du xive siècle des structures défensives parsemaient la campagne toscane, structures de tous ordres : solides murailles des grosses bourgades, murs moins épais — parfois simples palissades - des castelli (villages fortifiés), fortifications précaires destinées à abriter en temps de guerre les cultivateurs des villages ouverts et des métairies isolées, clochers aménagés, etc. La métropole ne manquait pas de contrôler ce dispositif : l'insécurité régnait en effet toujours quelque part dans cet espace au cours du Trecento, sur la frontière côté Pise, ou côté Lucques, ou dans les Apennins
28où s'agitaient les féodaux. Mais les opérations menées par les condottieri l'aggravèrent après 1350. Chacun s'inquiéta de cette aggravation - communautés rurales, propriétaires bourgeois menacés sur leurs terres -, chacun chercha à se prémunir, mais crises et réactions locales eurent pour effet de menacer le contrôle général exercé par la commune : des familles confisquèrent les structures défensives, des communautés en érigèrent spontanément, les pestes décimèrent leurs défenseurs, des hommes d'armes les détruisirent. Il était urgent pour la métropole de reprendre en main l'ensemble de la défense. Elle s'y employa dans les points sensibles, dans les villes, etc., à la fois pour freiner, orienter et aider les initiatives particulières, et pour consolider ou créer elle-même des lieux forts aux endroits à ses yeux stratégiques. Elle agit avec prudence pour ne pas réveiller les vieux démons féodaux ou autres. Cette sage politique de mise en défense contribua puissamment à la construction d'un territoire28.
L'administration du territoire : principes, rouages, agents
29En 1427, 12,77 % de la population totale de l'État se répartissait dans les villes sujettes. C'était peu, mais la démographie trahit ici l'Histoire. Elles avaient été grandes, ces villes, elles avaient été indépendantes et souveraines, elles avaient longtemps tenu la dragée haute à Florence. Aucun des anciens éclats de leur souveraineté ne s'était éteint dans leur mémoire, et cette nostalgie d'indépendance, elles devaient la garder longtemps au cœur. À la dominante d'en tenir compte. Attention aux révoltes, attention aussi aux susceptibilités et aux regrets29.
30Voyons, à titre d'exemple, comment la ville dominante traite Pistoia, une fois cette dernière assujettie en 1351 puis en 1401. Le gouvernement de la commune libre avait été constitué d'abord par les consuls (1105), auxquels vinrent s'ajouter le podestat (av. 1158), le capitaine du peuple, puis le gonfalonier et les anciens (après 1295), assistés par trois conseils représentatifs du popolo. Ces grandes charges et offices restent inchangés sous la domination florentine, mais la dominante intervient pour vérifier et modifier les bourses d'où sont tirés au sort les magistrats (plusieurs fois de 1373 à 1420). Surtout elle verrouille les responsabilités majeures du pouvoir exécutif et judiciaire : elle impose un capitaine du peuple florentin (1331), puis elle exige que le podestat le soit aussi (1398). Les détachements qui assurent la garde des forteresses stratégiques de la campagne de Pistoia seront eux aussi florentins. Dès 1401, des voix s'élèvent dans les conseils de la dominante pour séparer la ville de son contado. Après quoi viennent des requêtes fiscales (dès 1354), le contrôle par la dominante de la gestion financière municipale (1403), jusqu'à ce qu'en 1427, la réforme fiscale du cadastre soit imposée par le gouvernement central à cette ville sujette, comme à toutes les autres. L'intégration de la cité dans l'État territorial est donc bien avancée. L'administration municipale reste néanmoins dans les mains des gens de Pistoia, la dominante s'adresse à ces responsables par des « ambassadeurs », et elle les ménage dans le calcul de l'estimo. Malgré tous ces égards, cette position nécessairement diminuée reste contestée dans la population locale et les conseils florentins demeurent vigilants (1401 et après)30.
31À Pise, en 1406, les choses furent plus dures. D'un régime de liberté, la ville passait à un régime d'asservissement, et les Florentins n'avaient aucun appui dans la population. Il fallait une main de fer pour maîtriser la situation. Une magistrature de dix citoyens reçut la responsabilité du gouvernement et de la défense. Deux Florentins furent choisis comme podestat et capitaine de la ville. Ils disposaient d'une garnison militaire de 1 000 lanciers (puis 500) et 1 000 fantassins ; d'une citadelle reconstruite, et de l'ensemble renforcé des fortifications.
32La position des autres cités sujettes était plus douce, plus proche de celle de Pistoia, et leur autonomie davantage respectée. Il n'empêche que, chez elles aussi, en 1427, le podestat par exemple était partout florentin. Dans toutes les villes sujettes, comme à Pistoia, on se plaignait de la situation, mais les décennies passant, on finit par l'accepter. L'humaniste Antonio Ivani de Sarzana (ville absorbée en 1406) écrivait à un ami en 1472 : « Si tu considères comme il faut l'état politique de l'Italie, tu comprendras que des villes et des castelli en nombre immense soient régis par le bon vouloir d'une minorité. Il n'y a rien d'indécent à ce qu'elles soient gouvernées équitablement et avec fruit par d'illustres principautés31. »
33L'avènement de l'État régional marqua partout un relâchement dans les rapports administratifs et fiscaux jadis imposés par les villes sujettes à leur vieux contado. Partout ces grandes communes, une fois domptées, prétendaient les garder, mais partout les dominantes entendaient exercer elles- mêmes un contrôle plus direct sur tout leur territoire, créer un nouvel ordre provincial, établir une nouvelle bureaucratie périphérique, y nommer elles-mêmes les officiers (si possible leurs propres citoyens), y prélever un impôt, et donc régir personnellement tous ces anciens contadi en court-circuitant les traditionnels réseaux de dépendance. Florence avait amorcé cette réorganisation en créant dès le xive siècle les vicariats (vicariati) de San Miniato, et du Val di Nievole, et plus tard d'autres circonscriptions, pourvues de compétences fiscales, judiciaires et administratives, compétences confiées à une nouvelle administration périphérique régie par Florence, au détriment des services et des magistratures urbaines locales. L'État territorial devenait le grand contado de la capitale32.
34Pour prendre l'exemple de Pise, les podesterie rurales furent redistribuées, et confiées à des podestats et autres officiers ruraux, tous florentins, au grand détriment de la juridiction des officiers pisans. Il faut insister aussi sur les vicariats (vicariati) cités plus haut. Ces circonscriptions se mirent en place en Valdinievole, au milieu du trecento, puis en Val d'Arno inferiore (1370), dans les Alpi et le Podere (1373), autour de Pise (1408), en Valdelsa (1415). Cette structure d'encadrement solide et redoutable, en raison du développement de son pouvoir pénal, n'était plus centrée sur une ville, mais directement reliée à la dominante, sans rien perdre pour autant de son efficacité locale, les officiers étant des professionnels bien secondés33.
35La mainmise d'une cité sur une autre posait des questions d'ordre juridique. Les juristes ne restèrent pas inactifs et maître Bartole fournit une réponse argumentée. La possession par Florence d'éléments du jus imperii, suprême juridiction, découlait à ses yeux du vicariatus impérial dont les prieurs florentins avaient reçu du Saint Empire privilège et confirmations en 1355, 1369, et 1401 et qui pouvait s'exercer même sur « une cité ne reconnaissant pas de supérieur » (civitas superiorem non recognoscens). On eut également recours à la tradition justinienne concernant « l'origine des lois » (origo juris), qui justifiait l'établissement de normes légales, de lois, pour une domination territoriale, un dominium de ce type.
36Le mot Imperium constituait ainsi la clé de la réflexion : il avait de nombreuses connotations, combinant un jugement moral, un sens territorial, un appel à la souveraineté. Ses différentes acceptions restent difficiles à démêler. Au xve siècle, Savonarole les utilisait toutes les trois et il y eut précisément un net changement entre la fin du xve siècle et le début du xvie siècle. L'inhibition qui avait empêché Florence d'appeler son propre territoire Imperium était désormais levée et ce mot finit par s'imposer. Critiqué par Guicciardini, il est employé par Machiavel dans les Discours sur la première décade (I, 39). Déjà se profilait le principat34.
37Mais la légitimation de la souveraineté territoriale de la dominante - imperium ou non — ne s'opposait pas à la reconnaissance des autonomies juridictionnelles des communautés sujettes. La doctrine légale accordait à ces communautés une certaine libertas, celle de faire leurs lois (jus statuendi). Les communes rurales elles-mêmes, jadis dépendantes des villes sujettes et maintenant rattachées directement à Florence, étaient invitées à rédiger leurs propres statuts. Pas pour les opposer à leur cité, mais comme instrument de légitimation, comme résultat d'une négociation, respectueuse quoiqu'inégalitaire, entre les dirigeants florentins et les dirigeants locaux, soucieux les uns et les autres d'aménager un espace d'autonomie aux territoires sujets. Des mesures furent donc prises pour susciter dans les villages des formes d'organisation locale plus articulées, de nouveaux statuts suscités par Florence mais rédigés par eux, qui leur permettraient de se gouverner localement selon leurs propres règlements. Mesures particulièrement attentives dans le contado de Pistoia (chaque communauté doit avoir son statut dans les six mois), ou dans celui de Pise (la rédaction d'un statut est prévue dans les pactes de reddition de chaque commune). On observe ainsi dans les statuts locaux des vagues de rédactions qui pouvaient reprendre en les amplifiant les statuts de vieilles communautés, ou accompagner les structures nouvelles qui se formaient dans le contado sous l'impulsion de la dominante : communes qui fusionnaient ou se rassemblaient en ligues, organismes fédéraux chargés de régler ensemble certains problèmes communs : pâturages, dommages aux biens (danni dati), etc.35
38L'État territorial ainsi constitué résultait en définitive d'une mosaïque de petits arrangements. Il pouvait paraître homogène, mais ses composantes individuelles (cités, communes rurales, etc.) lui appartenaient simplement en conséquence d'accords individuels qui les avaient soumis à Florence. Il n'existait aucune constitution unitaire. Simplement un regroupement d'accords bilatéraux circonstanciels36.
39Ce pluralisme législatif qui demeurait une des clés de l'État explique son côté chaotique souligné bien plus tard par les réformateurs du xviiie siècle. Pour le seul territoire de Florence, on dénombrait au moins 500 volumes de statuts locaux différents, sans compter les additions etrévisions réalisées au cours des âges. Cette situation conduisait à une infinité de contradictions, ou de divergences, avec le µstatuto generale de Florence : l'État avait bien établi sa prééminence politique, mais non sa souveraineté législative37.
40Cela dit, la relation entre loi florentine et lois territoriales restait malgré tout sous le contrôle des autorités de la dominante. Aucune loi ou statut communal ne pouvait contredire la législation florentine. Une communauté assimilée par l'État florentin devait soumettre ses statuts aux conseils adéquats pour en éliminer les rubriques impropres. Podestats et vicaires régionaux y veillaient, en s'appuyant sur leurs juristes. La question était parfois ardue s'agissant des cités récemment admises. Mais la dominante tranchait38.
41Récent, régi par une marqueterie mal ajustée de statuts, localement au bord de la révolte, cet État de nouvelle configuration exigeait une gestion ferme et un corps nombreux d'agents locaux. Au début du xve siècle, Florence fit appel pour son territoire à 120 « gouverneurs » (podestats, capitaines, vicaires) flanqué chacun d'une « famille » (famiglia) de 4 à 65 sergents ou autres. En 1456, le nombre des gouverneurs était descendu à 82, pour remonter à 95 en 1520. Dans les principales villes, aux notaires de la famiglia se joignait un légiste, qui faisait office de juge. Les notaires enregistraient officiellement les procès civils et criminels et conduisaient les interrogatoires. À Pise, l'officier principal du capitaine était un juge, titulaire au moins d'une licence en droit civil ; quatre notaires rédigeaient les actes. À Arezzo, le capitaine était flanqué d'un légiste et de trois notaires ; le podestat, d'un légiste et deux notaires. À chaque ville sa propre configuration, autour du capitaine, spécialement chargé des crimes, et du podestat responsable aussi du civil. Dans les petites circonscriptions ou charges, un ou deux notaires suffisaient. Les autorités florentines assuraient les appels, dans les conditions définies par les différents statuts39. La disposition législative essentielle était pourtant la suivante : ces magistrats (rettori) exerçant une responsabilité judiciaire locale étaient tous des citoyens florentins, tirés au sort par la dominante, sauf dans des cas spéciaux, comme à Volterra et Cortone, où le podestat était élu sur place. Réforme précoce, que le régime Albizzi lui-même (1380-1474) mit en place. Cette mesure ne toucha en revanche ni le personnel technique, ni les famiglie, juges, notaires, etc., eux-mêmes d'origine extrêmement variée. Pour prendre l'exemple de la podesteria de Pescia entre 1339 et 1500, les sujets de Florence ne manquaient pas parmi ses juges, et les localités du distretto, SanMiniato, Pistoia et San Gimignano, étaient les plus représentées dans leur groupe, mais s'y détachait aussi un fort contingent d'étrangers (forestieri) originaires d'Emilie, Ombrie, Latium, etc.
42Cet état de choses n'était pas sans conséquences. Les Florentins qui occupaient les postes de responsabilité devaient se plier à des obligations stables, définies dans les statuts et exigibles dans la gestion. Deux devoirs s'imposaient à eux de manière permanente : veiller à une perception régulière de l'impôt, assurer la sécurité des routes, des marchés et des transactions. Mais ces officiers n'étaient pas des professionnels de la loi. Ils prenaient leur tour de rôle dans une charge qu'ils laisseraient au bout de six mois pour une autre. Ils s'appuyaient sur leurs collaborateurs pour l'exercice quotidien de la police et de la justice. Ils apportaient en propre leur bonne connaissance de la dominante et la notoriété de leur famille, car ils appartenaient à un nombre restreint de lignages patriciens. Leur fonction se révélait plus politique qu'administrative. Ils agissaient davantage en coordinateurs des responsabilités locales (impôts, police, justice...). Ils s'interposaient en médiateurs entre la dominante et les sujets, par exemple, en apportant leur collaboration à l'établissement des listes d'éligibles aux postes locaux, en intervenant dans les conflits entre instances locales, périphériques et centrales, en jouant les bons offices dans les différends opposant les communautés locales aux riches citoyens leurs créanciers. Évidemment aussi, on les sollicitait, on les pressait d'intervenir, pour défendre des intérêts plus circonscrits, privés, et une clientèle s'organisait autour d'eux40.
43De nombreuses pressions s'exerçaient de toutes parts sur les responsables pour orienter leurs décisions : il fallait compter avec les manœuvres des cités sujettes anxieuses de récupérer les prérogatives perdues sur leurs anciens contadi, ou d'arracher tel autre droit ou privilège ; avec les intrigues des provinciaux pour décrocher localement ou à Florence tel poste ou tel avantage. Autour des Florentins qui comptaient s'étaient ainsi tissés depuis des générations, sur la ville et sur le contado, des réseaux d'amitiés ou de clientèles (à San Gimignano, par exemple, dès le xiiie siècle). La formation de l'État territorial amplifia largement cette pratique. Les requêtes adressées aux officiers sollicités come fratelli (en tant que frères) ou come padri (en tant que pères) remplissent au xve siècle les correspondances adressées aux personnages de poids, qu'ils aient résidé à Florence, « in villa » (à la campagne), ou dans leur communauté d'affectation. Sans compter les voisins florentins, des provinciaux vinrent donc grossir ces parentés factices, sans oublier les agents subalternes (notaires, etc.) en quête d'emploi. Les grands personnages concernés tiraient avantage de ces clientèles, notamment pour leur carrière politique41.
La dominante et l'économie du territoire
44Les guerres qui accompagnèrent directement ou non la constitution de l'État territorial, guerres de condottieri et non plus de milices citoyennes, eurent donc pour conséquence, dès le début du xive siècle, une croissance vertigineuse du budget militaire, puis de la dette consolidée, jusqu'à 3 millions en 1395 (guerre contre les Visconti) et à 3, 5 millions en 1433. Si la ponction s'exerça principalement, par le biais de l'emprunt, sur les Florentins aisés, le contado et le territoire furent eux aussi de différentes manières lourdement mis à contribution. Les campagnes et la montagne souffrirent particulièrement. Le cadastre de 1427 fut précisément mis au point dans cette conjoncture pour servir de base à une fiscalité mieux répartie, mieux encadrée, plus équitable et plus rentable. Peu à peu, les choses s'améliorèrent au bénéfice des habitants de l'État. De tous, quoiqu'inégalement42.
45Le même cadastre permet, comme point de départ, de faire le point sur la répartition de la richesse parmi les différentes composantes du nouvel État, au moment où sa constitution territoriale est à peu près achevée. Le total de la richesse fiscalisée, le « surplus », atteignait alors 15 millions de florins, total auquel biens fonciers ou immobiliers contribuaient pour 8 millions (53 %), meubles et investissements privés imposables pour 2,6 millions (17 %). Cette richesse était distribuée de manière fort inégale bien sûr. Les Florentins disposaient de 273 florins par personne, les autres catégories s'échelonnant (vers le bas) de la manière suivante : les citoyens des trois cités majeures (Arezzo, Pisa, Pistoia) pouvaient compter sur un revenu compris entre 70 et 85 florins, les trois cités mineures (Cortone, Volterra, Prato) sur un revenu moyen de 45 florins ; les quinze bourgades qui les suivaient, sur 32 florins ; les ruraux du contado florentin, percevaient chacun 14 florins ; ceux des contadi récemment annexés, 13,50 florins. De cette richesse, les gens de Florence, représentant 14 % de la population, détenaient donc 67 %, soit 51 % des terres imposables, 78 % des biens meubles imposables, et 99,75 % des emprunts publics. De tout cela, 27 % (et 43 % de la dette publique) appartenaient à 100 foyers. Même distribution inégale à l'intérieur des cités sujettes : partout, beaucoup de pauvres, et une classe moyenne en voie d'appauvrissement dans les villes43.
46En matière industrielle et commerciale tout spécialement, l'intégration économique de la Toscane s'opérait au détriment des capacités productives des cités mineures : les deux grandes catégories - production industrielle, échanges —, rapportaient (toujours en 1427) 240 000 florins à Florence (100), 18 500 aux Pisans (7), et 6 000 (2,5) à Pistoia. Cette conjoncture, qui réduisait la part des cités sujettes, les conduisait par le même mouvement vers une spécialisation. À côté des occupations propres à toutes (métiers de la chaussure, de la laine [commerce], de la pierre, des épices, du bois, des contrats : calzolai, lanai, muratori, speziali, legnaiuoli, notai), Florence avait sa bureaucratie, ses ouvriers de la laine (monopole dans la production des draps), ses articles de luxe : soie, bijoux, orfèvreries, etc. ; Pise avait sauvegardé ses orfèvres, ses marchands de soie, ses pelletiers, ses tanneurs et peaussiers ; Pistoia, ses forgerons de rayonnement régional ; Prato, ses moulins. Le déséquilibre allait croissant, mais les économies urbaines régionales conservaient des éléments de prospérité44.
47La suprématie de la dominante s'affirmait aussi à propos de la terre. Dans son ancien contado, les transferts fonciers des paysans aux citoyens s'étaient mis en branle anciennement (dès le xiiie siècle), et poursuivis génération après génération. Voici qu'ils empiétaient désormais sur le territoire des communes sujettes. S'agissant du contado primitif, les travaux d'Elio Conti ont bien fait apparaître l'aboutissement de cette progression à la date de 1427. Dans l'échantillon de douze communautés rurales sélectionnées par lui, sur un total de 535 propriétaires, 270 (50 %) étaient encore des natifs du pays, et à deux reprises, dans les montagnes du Mugello, plus de la moitié des terres (en valeur) leur appartenait. Mais ils n'étaient plus seuls. Si l'Église restait peu présente (10 % des terres), les gens de la ville avaient mis le pied partout. Ils représentaient 40 % des possédants et la valeur globale de leurs biens, dans l'ensemble de ces douze villages, dépassait de quatre fois, et parfois beaucoup plus, celle des propriétés paysannes : à Montecalvi Val di Pesa, ces propriétés s'étaient éteintes. Dans les territoires récemment acquis, le même processus ne s'était pas partout mis en marche. À l'abri des zones montagnardes plus éloignées (.Alpe fiorentina, Podere fiorentino, etc.), les locaux restaient très majoritairement maîtres de leurs terres et la montagne connut par la suite, grâce à eux, un essor démographique et économique insoupçonné et trop longtemps négligé des historiens. Ailleurs en revanche, par exemple autour de Pise, les grandes familles patriciennes — Médicis, Martelli, Salviati, Riccardi, Serristori - réalisèrent après 1450 de considérables achats, notamment en pâturages, dans les zones jusque-là mal exploitées45.
48S. R. Epstein propose d'élargir l'enquête, une enquête menée avec les outils les plus contemporains de l'analyse économique, et cela à l'échelle du siècle, pour un bilan plus général. Voilà donc un État territorial qui se constitue et s'organise dans une conjoncture de crise, certes, mais au moment même où se mettent en place les premiers outils institutionnels des états modernes ; quel en est le résultat économique global : contraction, expansion ? Epstein plaide pour l'expansion en développant deux considérations : les États centralisés réduisent les coûts du commerce par une meilleure police des prélèvements (contrôle des Seigneurs, etc.), et la croissance même de ces États abaisse les coûts dans ces États plus encore qu'entre ces États. Et il prend pour exemple le prix du blé. Avant même le développement du distretto, Florence, comme toute cité-État, avait depuis longtemps encouragé le développement des routes dans son contado, celui aussi des marchés, des foires, l'unification des poids et mesures. Cette stratégie, elle s'appliqua à l'étendre à son nouveau territoire, en accélérant le démantèlement des péages et autres gabelles, en régularisant et en rationalisant, surtout vers 1420, le système des douanes pesant notamment sur le trafic intérieur (le long de l'Arno) ; plus largement, en prenant davantage en compte la place déterminante acquise par l'État territorial dans le commerce méditerranéen depuis la conquête de Pise. En conséquence, les prix du blé baissèrent régulièrement à l'intérieur des frontières de l'État. Dans ce qu'elle avait globalement de novateur, la politique de réglementation économique suivie par Florence entre 1390 et 1460 pour le territoire (contrôle des exportations, tarification des prix, réquisitions, importations, distributions de blé en ville ou aux paysans) n'en avait pas moins ses limites : elle était tardive - les simples villes l'appliquaient depuis longtemps en Toscane et en Italie - et elle manquait de perspectives d'intégration en matière commerciale. Certaines réformes eurent malgré tout un effet important sur l'économie territoriale : les tarifs domestiques et les charges aussi s'abaissèrent ; les petites communautés rurales établirent des marchés et des foires proches d'elles ; le réseau des routes fut rationalisé. Toutes ces réformes abaissèrent les coûts, notamment ceux des transports, et peu à peu les prix tendirent à converger dans le territoire aux xve-xvie siècles, surtout après 1460. En définitive, et dans le long terme, selon Epstein, la politique de centralisation politique donna naissance à un plus grand marché mieux intégré, lui-même gage de développement, les moins favorisées restant les villes sujettes qui virent diminuer leurs revenus douaniers46.
L'Église dans l'État territorial
49La formation du nouvel État territorial ne fut pas sans conséquences sur l'usage d'autres structures anciennes, formées des siècles auparavant selon des critères territoriaux différents, en particulier sur la vie des diocèses. Des lois florentines remontant pour la plupart aux années 1376-78 (guerre dite des Otto Santi, contre le pape) menaçaient les libertés de l'Église dans l'État communal. Les conseils les annulèrent en 1429, mais la même année la dominante fit procéder dans l'ensemble de l'État territorial, grâce au catasto, à un inventaire de tous les biens du clergé, et les immunités ecclésiastiques furent de ce fait circonscrites et délimitées tandis que les impôts sur le clergé du distretto ne cessaient de s'alourdir : trois levées perçues entre 1432 et 1444 rapportèrent chacune à la dominante entre 25 000 et 80 000 florins47.
50L'extension territoriale de Florence posait aussi un problème nouveau touchant les structures ecclésiastiques. D'abord, parmi les diocèses des cités soumises, plusieurs restaient, pour une portion de leur ressort, extérieurs au nouvel État, et échappaient ainsi partiellement à l'autorité politique de Florence. Comment la dominante allait-elle intervenir au sujet du clergé, de sa nomination, de ses bénéfices, à l'intérieur de ces diocèses ? Cela était surtout vrai vers l'ouest et vers le sud-est : à l'occident, le Valdinievole et la basse vallée de l'Arno appartenaient au diocèse de Lucques, avec des villes comme Pescia et San Miniato. À l’est au contraire, la partie sud du diocèse d'Arezzo était sous domination siennoise ; la question se posait aussi à Borgo San Sepolcro, dans les Apennins, etc. Il fallait trouver des accommodements, ce qui s'avéra lent et difficile. En 1419, Martin V fit de Florence un archevêché, mais avec Pistoia et Fiesole comme seuls suffragants : les autres territoires diocésains (Arezzo, etc.) demeuraient liés à d'autres provinces ecclésiastiques, et Pise restait elle-même siège d'archevêché.
51Le problème s'étendait aux ordres religieux, et plus particulièrement à leurs nouvelles observances (franciscaine, dominicaine), lesquelles donnaient éventuellement lieu dans les différents ordres à une réorganisation administrative, à de nouvelles provinces, etc. La dominante entendait faire coïncider au maximum les nouvelles limites de ces Observances avec celles de l'État laïc, mais les papes avaient leur mot à dire, le dernier. Les objectifs territoriaux de Florence ne se réalisèrent facilement qu'à propos des Servites de Marie, mais non pas des autres, et l'hostilité consécutive du pouvoir politique florentin à l'égard de ces réformes ne contribua pas peu à la crise des monastères48.
52Cela étant, les Florentins, au moment de mettre en place les institutions de l'État territorial, devaient aussi « conférer » à cet État une « légitimité ». À l'égard de l'Église, la Seigneurie adopta donc une attitude équilibrée, cherchant à circonscrire, parfois lourdement, ses prérogatives fiscales et judiciaires dans l'État, mais avec le souci de lui laisser l'autonomie nécessaire pour déployer les marques et les fastes de son prestige sacré, à la fois par conviction et par calcul : une Église autonome et fidèle étant nécessaire pour rehausser le prestige et la légitimité du pouvoir49.
53Le rassemblement territorial que nous venons de décrire, une fois réalisé, offrait donc à la bourgeoisie florentine un plus vaste espace à organiser, gérer, exploiter, centraliser à tous égards (routes, marchés, Église, arts aussi...) et à rallier à la dominante. Celle-ci s'y est employée, sans pour autant balayer dans les villes et communes sujettes les antiques traditions d'autonomie. A-t-elle pu aller plus loin et insuffler à cet organisme en voie de formation un esprit nouveau ? Dans le même temps, une vraie conscience nationale se formait dans les provinces et les bonnes villes de la France et de la Castille autour de la royauté, de ses emblèmes, de ses rites, etc. Florence a-t-elle pour sa part amorcé autour d'elle l'ébauche d'un sentiment et d'un idéal analogues ? Quelle identité le nouvel État revendique- t-il dans l'Empire, dans l'Italie ? Quels sont les objets, rites festifs, dévotions, références historiques proposés aux citoyens et sujets, au-delà de la sujétion, comme point de rassemblement, de solidarité et de fierté ? Je m'arrête avec une grande curiosité au seuil de cette nouvelle étape de l'enquête.
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Notes de bas de page
1 M. Becker, Florence in Transition, ii, Studies in the Rise of the Territorial State, Baltimore, 1968.
2 G. Brucker, The Civic World of Early Renaissance Florence, Princeton, 1977, p. 187-247 ; L. Martines, Lawyers and Statecraft in Renaissance Florence, Princeton, 1968, p. 220-245.
3 J. Kirschner, ed., The Origine of the State in Italy (1300-1600), Chicago, 1995 ; G. Chittolini, A. Molho, P. Schiera, eds, Origini dello Stato : processi di formazione statale in Italia fra medioevo ed età moderna, Bologne, 1994 ; W. J. Connell, A. Zorzi, eds, Florentine Tuscany, Structures and Practices of Power, Cambridge, 2000 ; J. P. Genet, ed., L'État moderne : Genèse. Bilans et perspectives, Actes du colloque tenu au CNRS à Paris les 19-20 déc. 1989, Paris, Éd. du CNRS, 1990. Avec débat sur le mot régional : territorial plutôt ? W. J. Connell, A. Zorzi, eds, Lo Stato territoriale fiorentino (sec. xiv-xv), Pise, 2001, p. 279-280, 289, 301.
4 A. Zorzi, « The Material Constitution of the Florentine Dominion », in W. J. Connell, A. Zorzi, Florentine Tuscany, op. cit., p. 6-31 ; C. de La Ronciere, Florence, centre économique régional au xiv siècle, iii, Aix en Provence, 1975
5 M. Luzzati, Firenze e la Toscana nel medioevo, Turin, 1986, en particulier p. 168.
6 G. Brucker, Dal comune alla signoria, la vita pubblica a Firenze nel primo Rinascimento [1977], tr. ital. Bologne, 1981 ; A. Zorzi, « The Material Constitution... », in W. J. Connell, A. Zorzi, eds, Florentine Tuscany, op. cit., p. 10-13 ; M. Luzzati, op. cit., p. 175 ; E. Conti, ed., Le consulte epra- tiche della Repubblica fiorentina nel Quattrocento, I, (1401), Florence, 1981, p. lv-lxxii (quelle est la situation de Pistoia à l'égard de sa dominante : libertas, devotio, ou dominatio ? Les trois mots sont employés, mais la réalité est celle de la dominatio [p. lviii-lxx]). Question débattue : les Florentins ont-ils délibérément voulu constituer un nouvel État ; existe-t-il une « progetalità statale », Lo Stato territoriale, op. cit., p. 187, 292, 317, 322.
7 Sur le statut politique des personnes dans la Florence communale, cf. ici-même la contribution de C. Klapisch-Zuber.
8 G. Cherubini, « La società dell'Appennino settentrionle (sec. xiii-xv) », in Signori, Contadini, Borghesi, ricerche sulla Società italiana del Basso Mediovevo, Florence, 1974, p. 121-142 ; S. K. Cohn Jr, Creating the Florentine State. Peasants and Rebellion, 1348-1434, Cambridge, 1999.
9 G. Chittolini, « Ricerche sull'ordinamento territoriale del dominio fiorentino agli inizi del sec.xv », in La Formazione dello stato regionale e le istituzioni del Contado, sec. xiv-xv, Turin, 1979, p. 292. Proposé par G. Chittolini (« "Quasi-città". Borghi e terre in area lombarda nel tardo Medioevo », Società e Storia, xiii, 1990, p. 3-26), le mot quasi-città est communément adopté pour désigner les agglomérations qui, sans avoir accès au titre de cité (civitas) faute de siège épiscopal, sont pourvues néanmoins de tous les attributs qui font les città : économie active, classe marchande, rayonnement au moins régional, institutions élaborées. Le mot borgo (bourgade) désigne la catégorie inférieure, la limite entre les deux restant floue.
10 .
11 P. Silva, « Pisa sotto Firenze dal 1406 al 1433 », Studi storici, iii, 1909, p. 133 sq., 285 sq„ 529 sq. ; M. Mallett, « Pisa and Florence in the Fifteenth Century. Aspects of the Period of the First Florentine Dominion », in N. Rubinstein, ed., Florentine Studies. Politics and Society in Renaissance Florence, Londres, 1968, p. 403-31 ; G. Brucker, Civic World, op. cit., p. 202-207 ; M. Luzzati, op. cit., p. 170-172, 247-252 ; et aussi la récente monographie de C. perol, Cortona, pouvoirs et sociétés aux confins de la Toscane, xve-xvie siècle, Rome, 2004.
12 G. Brucker, Civic World, op. cit., p. 229-231, 239. Sur Cortone et Livourne, cf. ici-même les contributions de C. Perol et S. Fettah.
13 A. Zorzi, « Material constitution », in W. J. Connell, A. Zorzi, eds, Florentine Tuscany, op. cit., p. 9 ; G. Pinto, Toscana medievale, paesaggi e realtà sociali, Florence, 1993 ; C. de La Ronciere, Florence..., op. cit., III, p. 783-818.
14 M. Becker, « The Florentine Territorial State and Civic Humanism in the Early Renaissance Florence », in N. Rubinstein, ed., op. cit., p. 116-128 ; Id., « La trasformazione della finanza e l'emer- gere dello stato territoriale a Firenze nel Trecento », in G. Chittolini, ed., La crisi degli ordinamenti comunali e le origini dello stato del Rinascimento, Bologne, 1979, p. 177 ; A. Molho, Florentine Public Finances in the Early Renaissance. 1400-1433, Cambridge (Mass.), 1971, p. 20, 62.
15 Ainsi parlait à un collègue un paysan mécontent du Val di Nievole : G. Pinto, Toscana medievale, op. cit., p. 60.
16 G. Pinto, Toscana medievale, op. cit., p. 61
17 S. K. Cohn Jr, op. cit., en particulier p. 89.
18 G. Brucker, Dal comune alla signoria, op. cit., p. 221.
19 G. Brucker, Civic World, op. cit., p. 436.
20 .A. Zorzi, « Material Constitution... », in W. J. Connell, A. Zorzi, eds, Florentine Tuscany, op cit., p. 9 ; S. K. COHN Jr, op. cit., p. 180-182, 204-205
21 L. Martines, op. cit., p. 220.
22 G. Chittolini, « Ricerche sull'ordinamento territoriale del dominio fiorentino agli inizi del secolo xv », in La formazione dello Stato regionale, op. cit., p. 303 sq.
23 G. Brucker, Dal Comune, op. cit., p. 247-249.
24 L. De Angelis, « Territorial offices and officeholders », in W. J. connell, A. Zorzi, eds, Florentine Tuscany, op. cit., p. 181.
25 A. Zorzi, « The Material Constitution », in ibid., p. 6-3.
26 E. Conti, I Catasti agrari della Repubblica fiorentina, Rome, 1966, p. 73 ; D. Herlihy, C. Klapisch-Zuber, Les Toscans et leurs familles, Paris, 1978, p. 40, 76, 246.
27 A. Zorzi, « The Material Constitution », in W. J. Connell, A. Zorzi, eds, Florentine Tuscany, op. cit., p. 16-20 ; L. Martines, op. cit., p. 225.
28 P. Pirillo, Costruzione di un contado. I Fiorentini e il loro territorio nel Basso Medioevo, Florence, 2001 ; A. Zorzi, « Lo stato territoriale fiorentino (sec. xiv-xv) : aspetti giurisdizionali », Società e Storia, xiii, 1990, p. 802-803.
29 G. Chittolini, La formazione dello Stato..., op. cit., Introduction, p. xxx ; W. J. Connell, « The Humanist Citizen as Provincial Governor », in W. J. Connell, A. Zorzi, eds, op. cit., p. 146-156.
30 D. Herlihy, Pistoia nel Medioevo e nel Rinascimento, Florence, 1966 p. 240-257 (discussions dans les conseils florentins sur l'agitation à Pistoia en août 1401 : plusieurs partisans de l'intransigeance demandent qu'on y construise une citadelle avec garnison de mercenaires florentins) ; E. Conti, Le consulte e pratiche, op. cit, p. 202-205, 298, 302.
31 G. Chittolini, La formazione dello Stato, op. cit., Introduction, p. xxxi ; R. Fubini, « Antonio Ivani da Sarzana : un teorizzatore del declino delle autonomie comunali », in Egemonia fiorentina ed auto- nomie locali nella toscana nord-occidentale del primo Rinascimento [1975], Pistoia, 1978, p. 113. Sur Cortone, voir C. Perol, Cortona..., op. cit., p. 191-217.
32 G. Pinto, « Alla periferia dello Stato fiorentino : organizzazione dei primi vicariati e resistenze locali (1345-1378) », in Toscana medievale, op. cit., p. 51 ; G. Chittolini, La formazione dello stato regionale, op. cit., p. xv.
33 G. Chittolini, La formazione dello stato regionale, op. cit., p. 298-302. Voir aussi les exemples de Pescia et de Prato pour les quasi-città : J. Brown, Pescia nel Rinascimento. All'ombra di Firenze, trad. ital., Pescia, 1987 et G. Pampaloni, « L'autonomia pratese sotto Firenze (1351-1500) », in F. Braudel, ed, Prato storia di una città, I, G. Cherubini, ed., Ascesa e declino del centro medievale, Florence-Prato, 1991, p. 737-760.
34 A. Brown, « The language of the Empire », in W. J. Connell, A. Zorzi, eds, op. cit., p. 32-47.
35 G. Chittolini, La formazione dello stato regionale, op. cit., « Introduzione » et p. 303-307 ; A. Zorzi, « Lo stato territoriale... », op. cit. ; G. Guidi, Il governo della città-repubblica di Firenze del primo Quattrocento, iii, Il Contado e distretto, Florence, 1981, p. 60-68.
36 A. Zorzi, « The Material Constitution. », op. cit., p. 22.
37 J. Black, « Constitutional Ambitions, Legal Realities and the Florentine State », in W. J. Connell, A. Zorzi, eds, op. cit., p. 64.
38 L. Martines, op. cit., p. 237-238.
39 Ibid., p. 220.
40 . P. Salvadori, « Florentines and the communities of the territorial State », in W. J. Connell, A. Zorzi, eds, op. cit., p. 207 ; L. De Angelis, « Territorial offices and officeholders », op. cit., p. 181.
41 . A. Molho « Cosimo de' Medici, " Pater Patriae" o "padrino" ? », StanfordItalian Review, I, 1979, p. 5-33 ; D. V. et F. W. Kent, Neighbours and Neighbourhood in Renaissance Florence : the District of the Red Lion, New York, 1982 ; C. de La Ronciere, « La vie privée des notables toscans au seuil de la Renaissance », in P. Aries, G. Duby, eds, Histoire de la vie privée, II, De l'Europe féodale à la Renaissance, Paris, 1985, p. 256-258 ; I ceti dirigenti nella Toscana del Quattrocento, Florence, 1987, p. 49-62. Pour le territoire, voir dans W. Connell, A. Zorzi, eds, op. cit., les articles de P. Salvadori, « Florentines and the Communities of the Territorial State », p. 216-223 ; L. Fabbri, (Volterra), p. 225-242 ; R. Black (Arezzo), p. 293-311 ; S. J. Milner (Pistoia), p. 312-332 ; S. K. Cohn Jr (Montagne), p. 202-206.
42 B. Barbadoro, Le finanze della Repubblica fiorentina, Florence, 1929 ; C. de La Ronciere, « Indirect Taxes or Gabelles at Florence in the Fourteenth Century », in N. Rubinstein, ed., Florentine Studies, op. cit., p. 140-192 ; R. Molho, Florentine Public Finances..., op. cit.
43 D. Herlihy, « Le relazioni economiche di Firenze con le città soggette nel secolo xv », in Egemonia fiorentina, op. cit., p. 79-109.
44 . Ibid., p. 99 ; B. Dini, Arezzo interno al 1400. Produzione e mercato, Arezzo, 1984 ; G. Pinto, « Produzioni e traffici nell'Aretino, nei secoli xiii e xiv. Aspetti et problemi », Atti e memorie dell Accademia Pctrarca di Lettere, Arti e Scienze, N.S. vol. lxi, 1999 (Arezzo, 2001), p. 223-236 ; P. Malanima, « La formazione di una regione economica, la Toscana dei secoli xiii-xv », Società e Storia, VI, 20, 1983, p. 229-270 (fondamental).
45 . E. Conti, La formazione della struttura agraria moderna nel contado fiorentino, iii, 2, Monografie, Rome, 1965. Sur l'endettement paysan, préalable à la cession, G. Pinto, « Note sull'indebitamento contadino e lo sviluppo della proprietà cittadina nella Toscana tardomedievale », Ricerche storiche, x, 1980, p. 3-19 ; C. de La Ronciere, Florence, centre économique, op. cit., iii, p. 1100-1108, 1267- 1280 ; S. K. Cohn Jr, op. cit., p. 56-67, 91-109 ; P. Salvadori « Florentines and the Communities... », op. cit., p. 214 ; D. Herlihy, C. Klapisch-Zuber, op. cit., p. 277-279 ; S. Tognetti, Da Figline a Firenze... la famiglia Serristori (xiv-xv sec.), Florence, 2003, p. 133-134. Achats ruraux florentins autour de Pise : M. Mallett, « Pisa and Florence », in N. Rubinstein, ed., Florentine Studies, op. cit., p. 432-441 ; P. Malanima, I Riccardi. Una famiglia e unpatrimonio nella Toscana dei Medici, Florence, 1977, p. 12-24.
46 C. de La Ronciere, Florence, centre économique, op. cit., III ; S. R. Epstein, « Market Structures », in W. J. Connell, A. Zorzi, eds, op. cit., p. 90-121.
47 D. S. Peterson, « State-building, Church Reform and the Politics of Legitimacy in Florence », in W. J. Connell, A. Zorzi, eds, op. cit., p. 122-144.
48 R. Bizzochi, Chiesa e Potere nella Toscana del Quattrocento, Bologne, 1987, p. 69-81.
49 D. S. Peterson, « La Chiesa et lo Stato territoriale fiorentino », in Lo Stato territoriale fiorentino (secoli xiv-xv), op. cit., p. 135-159.
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