Introduction à la deuxième partie
p. 129-130
Texte intégral
1En 1730, l’acceptation de la bulle Unigenitus n’est plus un problème. En dehors de cas très particuliers, la constitution de Clément XI est devenue loi d’État et de l’Église. L’épiscopat s’est soumis aux volontés du roi et de son ministre, le cardinal de Fleury. Seulement, la modération prédomine au gouvernement. Fleury agit non pas en évêque ou en théologien, mais véritablement en homme de pouvoir. Seuls l’ordre et le maintien de l’autorité prédominent dans son action politique1.
2Dans les diocèses, les évêques jouissent de plus de latitude. Tant que l’apparence de l’obéissance est maintenue, la liberté est grande. On pourrait croire que la pratique pastorale reste très étrangère à la querelle janséniste. En effet, un évêque acceptant peut-il en conscience proposer à ses fidèles une orientation doctrinale différente de celle de la Bulle ? Une telle proposition conduirait à méconnaître une réalité profonde du haut clergé durant la première moitié du xviiie siècle : l’accommodement entre réalités politiques et sentiments religieux réels. L’exemple est donné par Fleury lui-même qui, dans une lettre à l’abbé Pucelle, n’hésite pas à déclarer : « Vous aviez dit en badinant que j’aimais trop la Constitution, mais je me flatte que mon caractère vous est assez connu pour me rendre justice sur la modération avec laquelle je la soutiens2. »
3C’est précisément cette question de la modération qu’il s’agit d’envisager ici. Comment cette tension vers le juste milieu peut-elle s’exprimer lorsque les affaires du temps portent davantage à l’emportement et à la surenchère ?
4C’est sur la déferlante des miracles qu’il faut d’abord s’arrêter. Cet étrange phénomène secoue le royaume juste après le concile d’Embrun3. S’il y a bien une tradition janséniste du miracle, ceux qui s’opèrent sur le tombeau du diacre François de Pâris sont d’une autre nature. Immédiatement récupérés par les polémistes engagés dans la querelle, ils sont utilisés par les acteurs pour démontrer une thèse partisane. Selon les principes de l’Église, il appartient aux évêques de reconnaître les miracles. Quelle position adopter ? C’est tout l’enjeu de l’important débat entre les principaux évêques du royaume.
5Ensuite, c’est aux principes pénitentiels qu’il convient de s’intéresser. L’un des ouvrages phares de la pensée janséniste a été la célèbre Fréquente Communion du théologien et polémiste Antoine Arnauld. Au milieu du xviiie siècle, un jésuite, Jean Pichon, décide d’en publier une réfutation. L’opuscule jésuite est une charge contre le rigorisme sacramentel. Le monde épiscopal est fortement secoué et quelques prélats commencent à réhabiliter le théologien janséniste. Quelques plumes se distinguent dans la liste des opposants à Pichon, comme Caylus, infatigable évêque d’Auxerre et dernier soutien de l’appel dans les années 1740, mais aussi des personnages plus inattendus comme Languet de Gergy ou Guénet, évêque de Saint-Pons-de-Thomières. L’affaire Pichon n’a pas duré plus de cinq ans. Elle a cependant permis de montrer que le rigorisme est une valeur à laquelle beaucoup de prélats français restent très attachés.
6Enfin, il est nécessaire de s’attarder sur le développement d’un culte nouveau dans la France du xviiie siècle, celui des Sacrés Cœurs du Christ et de la Vierge. C’est à travers l’étude de la Vie de Marguerite-Marie de Languet de Gergy que nous avons choisi d’approcher cette spiritualité. En effet, l’ouvrage de l’archevêque de Sens est une prise de parti ferme pour la reconnaissance de la sainteté de la religieuse de Paray, et c’est dans la polémique sur ce livre que transparaissent les positions des prélats. Culte majeur du xixe siècle, le Sacré Cœur commence à s’imposer et son développement est proportionnel au recul de l’épiscopat gallican de la première moitié du xviiie siècle. Il montre aussi la prudence d’un groupe ecclésiastique face à une dévotion qui leur apparaît comme étrangère et peu conforme aux goûts français.
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