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Paris, ville de cour

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Murielle Gaude-Ferragu
, 
Cédric Michon

Première partie. Présence et absence de la cour

Les rois médiévaux sont-ils Parisiens ? Essai de synthèse des itinéraires royaux médiévaux de Philippe Auguste à Louis XI (1180-1483)

Boris Bove

Texte intégral

  • 1  Bove B., « Typologie spatiale des hôtels aristocratiques à Paris (1300, 1400) », in Noizet H., Bov (...)

1On sait que la ville compte de nombreux hôtels aristocratiques dès 13001, mais ces hôtels étaient-ils occupés en permanence ? Seule une étude précise des circulations permet de le dire, ce qui clarifiera, au passage, un vieux débat entre deux évidences contradictoires qui traversent l’historiographie : la première veut que le roi soit à Paris, puisque c’est la capitale du royaume ; la seconde veut que l’itinérance soit pour les rois médiévaux une nécessité politique – réchauffer le lien politique par un contact direct – autant qu’économique – consommer le produit de leurs domaines.

  • 2  Pour le haut Moyen Âge, voir Ewig E., « Résidence et capitale pendant le haut Moyen Âge », Revue H (...)

2Pour mesurer la fréquentation de Paris par les gens de cour, il faut savoir où est celle-ci et pour cela, on fera l’hypothèse que là où est le roi, là est la cour – la réalité est probablement plus complexe, mais on partira de cette proposition simple dans la mesure où notre perspective est ici quantitative et non qualitative. Cette hypothèse liminaire est d’autant plus nécessaire que le roi est presque le seul membre de la cour dont on connaisse les déplacements – et encore, avec pas mal d’incertitudes du fait de la nature de la documentation. Curieusement, la mobilité du roi de France a été peu étudiée pour la période qui nous intéresse, au contraire du haut Moyen Âge et de la période moderne2.

3Après avoir présenté les sources et la manière de les exploiter, on tentera une pesée globale de la présence du roi dans Paris sur l’ensemble de la période, avant de proposer une analyse qualitative de l’itinéraire royal à l’échelle du règne de Philippe VI de Valois. Ce changement d’échelle permettra enfin de comprendre la nécessité d’envisager la question des rapports entre Paris et le roi à l’échelle régionale.

Sources et méthode

  • 3  Louis IX (1226-1270) et Philippe III (1270-1285) : Delisle L. et Wailly N. de, Recueil des Histori (...)
  • 4  Antoine Jacqueton et Mathilde Plaquet, étudiants de master à Paris 8, ont saisi une grande partie (...)

4Établir un itinéraire requiert une grande familiarité avec un règne, raison pour laquelle on a choisi de partir des itinéraires déjà constitués qui couvrent, par chance, l’essentiel de la période3. La saisie de ces méta-sources a été rendue possible par l’inscription de cette entreprise dans le cadre du projet Bassin Parisien (UMR Arscan) piloté par Laurent Costa, qui a vocation à rassembler des données de géographie historique et a permis d’obtenir des financements pour les saisir. Ce projet a aussi fédéré d’autres chercheurs qui travaillaient sur des itinéraires et qui ont pu compléter la base de données pour certains règnes4.

  • 5  [http://mapd.sig.huma-num.fr/itineraires/flash/]. Les données ont été restituées pour Philippe II (...)

5La comparaison entre ces itinéraires constitués a permis de constater des différences d’approches dans la constitution des données, reflet de l’hétérogénéité des sources selon les règnes, mais aussi des choix méthodologiques opérés par les auteurs des itinéraires. Pour les périodes les plus anciennes, quand l’information est rare et qui plus est essentiellement tirée des diplômes royaux, la plupart des mentions de lieu sont datées sans quantième (par exemple pour le règne de saint Louis) ; à l’inverse, pour les périodes plus récentes, lorsque la localisation du roi est connue par un nombre croissant de lettres royales ou de mandements, le nombre de jour sans quantième devient insignifiant (ainsi pour le règne de Louis XI). Entre les deux, les auteurs d’itinéraires proposent un certain nombre de lieux associés avec une date sans quantième qu’ils restituent dans l’itinéraire (ainsi pour Philippe IV) ou qu’ils ajoutent en fin de mois (pour Philippe VI). Pour rendre ces données comparables, on a fait le choix de s’aligner sur les itinéraires les plus minimalistes, c’est-à-dire que l’on n’a pas tenu compte des actes sans quantièmes indiquant un lieu particulier dès lors que ce lieu était déjà attesté une fois ce mois-là par un autre acte (avec ou sans quantième). Enfin, on n’a pas tenu compte des lieux hors du royaume, lorsque le roi était en croisade ou prisonnier, car le nombre d’actes de chancellerie qui émane de lui chute et fausse la représentativité des données. Le corpus ainsi constitué comprend à ce jour plus de 23000 entrées pour la période 1226-14835.

Graphique 1. – Le corpus.

Graphique 1. – Le corpus.

6Cette masse de données a naturellement vocation à être traitée statistiquement – reste cependant à les rendre comparables, car on note de très grandes inégalités de longévité entre les rois (40 ans de règne pour saint Louis, contre un an et demi pour Louis X) et une information très inégale sur leurs déplacements (750 occurrences de lieux pour saint Louis, 3900 pour Charles VI). Dans ces conditions, les comparaisons en valeur absolue ou en nombre de séjour n’ont pas grand sens et il faut rapporter le nombre d’occurrences au nombre d’années de règne (graphique 1). L’itinéraire du roi étant connu pour plus de 100 jours par an au xive siècle et plus de 200 jours par an au xve siècle, on raisonnera surtout sur les derniers siècles du Moyen Âge, mais même à cette époque, on ne sait pas où est le roi un tiers de l’année.

  • 6  On a utilisé les logiciels QGIS et Arcview.

7Le flou qui entoure les déplacements royaux peut être en partie compensé par un traitement cartographique à travers un système d’information géographique6. Pour cela, chaque lieu recensé dans l’itinéraire a été associé à une commune, via son code INSEE (parce qu’il est unique, contrairement au code postal ou au toponyme), et le code INSEE associé à un point représentant le centre d’une commune actuelle. L’intérêt de ce genre d’outil est de permettre une spatialisation rapide des données, mais il rend aussi possible des représentations inédites dans la cartographie historique traditionnelle.

Paris dans les itinéraires royaux des xiiie-xve siècles

  • 7  On a calculé la moyenne d’apparition de « Paris » dans les occurrences par année, et on a fait la (...)
  • 8  Lalou É., Itinéraire…, op. cit., p. 57-58.

8La première question que l’on peut poser au corpus ainsi rassemblé est de savoir quel est le pourcentage d’occurrences de Paris dans chaque règne (que les documents indiquent « Paris », « Le Louvre », « Saint-Paul » ou d’autres lieux dans l’enceinte de Charles V). Le résultat est décevant, dans la perspective qui est la nôtre, dans la mesure où le nombre moyen d’occurrences de Paris par an se situe pour la période médiévale à 29 % des occurrences avec une médiane à 23 %, ce qui signifie que la moyenne masque de grands écarts de valeur et que les valeurs basses dominent7. Cela veut dire que le roi passe les trois-quarts de son temps hors de la capitale. Il y est probablement encore moins, puisque la part de Paris dans les séjours royaux est surestimée du fait qu’un certain nombre d’actes produits par les cours souveraines au nom du roi ont pu être comptabilisés par erreur dans l’itinéraire du souverain dans les périodes où on ne dispose pas d’autre information, or ces cours (Parlement, Chambre des comptes, Trésor, chambre des aides, etc.) sont parisiennes8.

9Dans le graphique 2 on a reporté sur l’ensemble de la durée de chaque règne la moyenne des occurrences de Paris par règne, ce qui permet de mesurer le rapport spécifique que chaque roi entretient avec la ville. Trois longues périodes se dégagent nettement, ce qui est une première source de perplexité car, en théorie, rien n’est moins prévisible que les déplacements d’un souverain qui doit souvent improviser pour faire face aux sollicitations de la guerre et de la diplomatie. Chaque voyage a une bonne raison que les spécialistes sont parfois capables d’identifier. Pourtant, par-delà les aléas politiques et les caprices des princes, de lourdes tendances de fond se manifestent quand on quitte l’échelle mensuelle ou annuelle pour se hisser à l’échelle du règne, voire du siècle : contre toute attente, les déplacements des rois de France sont très prévisibles ! Le corpus rassemblé permet de singulariser trois périodes bien distinctes.

Graphique 2. – Occurrences moyennes de Paris par règne.

Graphique 2. – Occurrences moyennes de Paris par règne.
  • 9  On compte 2 actes sur 11 effectués à Paris pour Hugues Capet (18 %), 7 sur 45 pour Robert le Pieux (...)

10La première court des origines au milieu du xive siècle : durant cette période, le roi est rarement présent plus du quart des occurrences dans la capitale et le règne de Philippe III (1270-1285) est une exception qui mériterait enquête pour voir s’il n’y a pas un biais dans les sources. Durant cette première période, très homogène, la moyenne des occurrences de Paris est de 23 %. Ce rapport à la ville s’inscrit dans une tradition qui remonte aux premiers Capétiens qui datent 15 % à 25 % de leurs actes de Paris9. À partir d’Henri Ier, Paris est à la fois le principal lieu de résidence des rois, et une ville dont ils sont absents les trois-quarts du temps. Les rois ont donc un rapport paradoxal, très stable dans le temps, de familiarité et de distance par rapport à la ville. Autre paradoxe, on notera que la fréquentation de la ville tend à baisser entre le règne de Philippe Auguste et celui de Philippe VI, alors que le rôle de Paris comme capitale s’affirme. Les grands travaux de Philippe Auguste (1180-1223), la sédentarisation du Parlement sous saint Louis (1226-1270), la reconstruction du palais royal et le développement de l’administration centrale sous Philippe le Bel (1285- 1314) auraient pu renforcer la fonction résidentielle de Paris, mais il n’en fut rien : les rois ne changèrent pas leur mode de vie, bien au contraire. Il y a donc disjonction entre la fonction politique et la fonction résidentielle de la ville.

11Il ne faudrait cependant pas interpréter la moindre fréquentation de Paris sous Philippe le Bel et ses fils comme un éloignement significatif de la ville, car l’exemple très bien documenté de l’itinéraire de Louis X (1314- 1316) montre que, si on le trouve peu à Paris, il réside très volontiers à Vincennes, comme on peut le constater sur le graphique 3.

Graphique 3. – Occurrences de Paris et Vincennes par règne.

Graphique 3. – Occurrences de Paris et Vincennes par règne.

12Paris et Vincennes (à 7 km) sont les deux principales demeures des rois depuis le xiiie siècle et fonctionnent en tandem. Si on prend le couple dans sa globalité, on constate que tous les rois passent 20 à 30 % de leur temps dans ces deux résidences avant 1350, à l’exception de Philippe III (1270- 1285) et de Charles IV (1322-1328) – exceptions que seule une étude approfondie de leur règne permettrait d’expliquer.

13Il y a manifestement une rupture avec le règne de Jean II (1350-1364) dans le rapport du roi à la ville de Paris, qui ouvre une nouvelle ère : le souverain passe désormais la moitié de son temps ou plus dans Paris. Pour la première fois dans l’histoire de France, le roi devient citadin ! On savait que Charles V avait une prédilection pour Paris, mais il s’agit de bien plus qu’un goût personnel : son cas s’insère dans une tradition inaugurée par son père et poursuivie par son fils.

14Certes, Charles V (1364-1380) est assurément le plus parisien des trois, ce que l’on peut percevoir à travers divers indices. D’abord, le taux élevé de présence à Paris et Vincennes (75 %) qui inverse l’antique rapport que les Capétiens entretenaient avec la capitale, tandis que le taux de présence en ces lieux de son père et son fils (avant 1400 !) tourne autour de 55 %. Le taux de Charles VI (1380-1422) avant ses premiers épisodes de folie en 1392 est même de 47 % seulement, ce qui montre qu’il est plus mobile que son père, même s’il s’inscrit sans ambiguïté dans la tradition parisienne instaurée par son grand-père – il accentue bien malgré lui cette tradition après 1392 et plus encore après 1400, car la folie le contraint à de longs séjours dans la capitale (son taux de présence à Paris après 1400 est inconnu mais très élevé, aussi l’avons-nous arbitrairement fixé à 80 % dans le graphique 2).

15Un autre indice fait ressortir la spécificité du règne de Charles V, c’est sa faible mobilité. On peut la mesurer par le ratio entre le nombre de lieux signalés dans un itinéraire et le nombre total d’occurrences (graphique 4).

Graphique 4. – Indice de mobilité ordinaire des rois.

Graphique 4. – Indice de mobilité ordinaire des rois.

16Comme le roi séjourne le plus souvent à Paris, cela signifie qu’il y fait de longs séjours : en 1364-1365 par exemple, il y séjourne 10 mois d’affilée entrecoupés d’une semaine d’interruption seulement ; en 1366, il y séjourne durant tout l’hiver, pendant 4 mois et demis, etc. À cette forte propension à séjourner dans un même lieu s’ajoute une faible amplitude géographique dans les déplacements de Charles V, qui ne sort guère de l’Île-de-France, contrairement à son père et à son fils qui avaient pourtant de bonnes raisons d’être sédentaires, l’un à cause de la paralysie politique qui a marqué son règne, l’autre à cause de la maladie (cahier couleur, ill. II).

17Chaque règne a donc ses particularités, mais ce qui surprend c’est justement la tendance de fond dans laquelle ils s’inscrivent. La période 1350-1422 marque une rupture très forte dans le rapport qu’entretiennent les rois avec Paris. Quelles peuvent être les raisons qui expliquent ce changement de paradigme ?

  • 10  Cazelles R., Société politique, noblesse et couronne sous Jean le Bon et Charles V, Genève/Paris, (...)
  • 11  Ibid., p. 498-503.

18Il ne s’explique ni par l’avènement d’une branche collatérale sur le trône en 1328, ni par la guerre à partir de 1337. Raymond Cazelles explique la sédentarisation de Jean II par sa volonté de remettre le royaume sur pied. Par souci d’efficacité et pour éviter les rivalités qui s’étaient faites jours sous le règne de son père entre la Chambre des comptes, le Parlement et l’Hôtel, il souhaite désormais intégrer des responsables de l’administration centrale au conseil privé du roi. Ce choix implique la stabilité du conseil et une sédentarisation de la personne royale à Paris10. Raymond Cazelles explique plus loin la sédentarité de Charles V par le souci de rester dans son domaine, tandis que l’essentiel du territoire était confié à des princes, apanagistes ou autre11, mais le domaine de Philippe VI n’est pas plus étendu que celui de Charles V. La folie de Charles VI explique enfin sa sédentarisation après 1392, mais le roi est très parisien durant son règne personnel et s’inscrit dans la tendance observable depuis le règne de son grand-père.

  • 12  Charles V révère la mémoire de son père et les contemporains ont fait du roi sage un modèle pour s (...)
  • 13  Barbier J., op. cit., p. 297.

19Les explications biographiques ont donc leur part dans l’itinérance des rois mais elles sont impuissantes à expliquer le changement durable de paradigme qui se met brutalement en place en 1350. Il faut y voir une initiative de Jean le Bon que ses descendants ont prolongé, par nostalgie pour leur enfance parisienne ou par fidélité à la mémoire de leur père12, des circonstances diverses renforçant la nouvelle tradition. L’étude des itinéraires d’autres périodes montre en effet le souci qu’a chaque roi de respecter les lieux associés à la mémoire de ses ancêtres, sinon de son prédécesseur13.

  • 14  Dauphant L., Le royaume des quatre rivières. L’espace politique français, 1380-1515, Seyssel, Cham (...)
  • 15  Lyon est le premier lieu de séjour de Charles VIII et le deuxième pour Louis XII, qui s’y rend pre (...)
  • 16  Ibid., p. 322-323.

20On le vérifie avec la double monarchie imposée par le traité de Troyes en 1420 qui vient mettre un terme brutal à l’idylle entre Paris et le roi, ouvrant ainsi une troisième période : les Anglais s’installent à Paris, tandis que le dauphin Charles se retranche dans son apanage de Berry, Touraine et Poitou et consacre ensuite l’essentiel de son règne à reconquérir la moitié nord de son royaume. Il y parvient en 1453, mais a appris entre-temps à aimer le Val de Loire, inaugurant une tradition appelée à durer un siècle. Charles VII passe d’abord 16 ans en Touraine, puis multiplie les voyages de 1436 à 1443 dans le cadre de la reconquête de son royaume. Son itinérance s’apaise ensuite mais le centre de gravité du roi reste en Touraine et le roi ignore Paris14. L’itinéraire de Louis XI confirme le décentrage des pérégrinations royales en Val de Loire – le roi élit même sépulture à Notre-Dame de Cléry ! Tours devient sa principale résidence avec 22 % des occurrences (en comptant celles de son château voisin du Montils-lès-Tours, qui reproduit le tandem Paris/Vincennes), mais Paris reste néanmoins son troisième lieu de séjour avec 5 % des occurrences. Les déplacements de ses successeurs Charles VIII et Louis XII accentuent cet éclatement en ajoutant Lyon à l’ancrage de l’espace domestique du roi entre Val de Loire et (secondairement) Paris15. Le phénomène de dédoublement des principales résidences entre Paris et une ville de la Loire perdure jusqu’au milieu du xvie siècle16.

  • 17  Cassagne-Brouquet S., Louis XI ou le mécénat bien tempéré, Rennes, PUR, 2007, p. 90-99.

21Il y a donc dans les années 1420 un phénomène de rupture analogue à celui de 1350, même s’il est plus facile à saisir car le bouleversement est subi plutôt que choisi. Il s’explique d’autant mieux que la contrainte géopolitique imposée par les Anglo-Bourguignons est durable ; elle n’explique cependant pas tout, car Louis XI aurait pu choisir de revenir en Île-de-France, mais il a préféré au contraire se faire construire des demeures royales à Amboise et à Montils-lès-Tours17. On assiste probablement dans son cas au même phénomène dialectique que l’on a pu observer pour Jean II et ses descendants : un roi décide de rompre avec la tradition pour une bonne raison ; celle-ci n’a plus de raison d’être sous le règne de son fils, mais celui-ci reste fidèle aux habitudes de son père, probablement parce qu’il les a incorporées durant son enfance.

22À l’échelle du xiie-xvie siècle, les règnes de Jean II, Charles V et Charles VI auront donc été une parenthèse enchantée du point de vue des rapports entre le roi (donc la cour) et Paris. Faut-il penser que Paris a une place marginale dans la vie de cour durant la longue période des premiers Capétiens ? L’étude qualitative du règne de Philippe VI permet d’en douter.

Place de Paris dans la tradition capétienne : l’exemple de Philippe VI

23Le cas du premier Valois est un bon test pour mesurer la place de Paris dans la vie quotidienne des rois de la première période dans la mesure où sa présence dans la capitale, de même que son indice de mobilité, sont dans la moyenne de cette époque. Son règne de 23 ans est en outre bien documenté et on connaît l’endroit où il se trouve un jour sur deux en moyenne. On a affaire, en somme, à un « roi normal » de la première période.

24Un premier angle d’attaque consiste à s’intéresser au palmarès des lieux les plus fréquentés durant le règne du premier Valois (tableau 1).

Tableau 1. – Les lieux les plus fréquentés par Philippe VI (1328-1350).

Tableau 1. – Les lieux les plus fréquentés par Philippe VI (1328-1350).

25Occ. : nombre d’occurrences. % oc. : proportion des occurrences par rapport au total de 3476 occurrences. Ann. : nombre d’années où le roi passe au moins une fois dans ce lieu, sur 23 ans.

26Paris est non seulement le premier lieu de séjour du roi Valois, mais c’est aussi la seule grande ville qu’il fréquente. Vincennes, Saint-Germain-en-Laye, Retz, Fontainebleau, Bécoisel, Brunoy, Le Gué-de-Mauny sont des châteaux ruraux ; les monastères du Moncel, de Maubuisson, Notre-Dame-en-Valois, de Saint-Christophe-en-Halatte, du Val-Notre-Dame et de Royaumont sont aussi dissociés de toute forme urbaine. Le roi réside parfois dans des établissements ecclésiastiques (Saint-Denis) ou des châteaux urbains (Melun) associés à une ville, qui peut même être dotée d’une commune (Poissy, Compiègne, Breteuil, Montargis), mais qui restent de taille modeste. Les seules grandes villes dans lesquelles Philippe VI fait des séjours en dehors de Paris sont Amiens, Arras et Chartres, mais ceux-ci ne sont pas du tout de la même nature que les séjours parisiens.

  • 18  Viard J., op. cit., p. 79 sq.
  • 19  Guenée B., « Le vœu de Charles VI. Essai sur la dévotion des rois de France aux xiiie et xive sièc (...)

27Si on mesure la régularité de la fréquentation des lieux, on constate que Paris et Vincennes sont les seules résidences dans lesquelles Philippe VI passe au moins une fois tous les ans durant son règne (tableau 1, colonne Ann.). À l’inverse, il ne passe à Amiens et Arras que 6 et 3 années sur 23. Ces villes ne sont pas des lieux de séjours, mais des étapes où le roi stationne lors d’un voyage politique, nécessairement ponctuel. Arras est manifestement le lieu de regroupement de l’armée en 1328, 1340 et 1347, avant ou après un combat dans le nord du royaume18. Amiens est une étape militaire du même genre en 1338, 1340, 1346 et 1347, mais c’est aussi là où le roi rencontre des plénipotentiaires (1329, 1334). Ces villes apparaissent dans le palmarès des lieux les plus fréquentés parce que le roi y passe ponctuellement de longues semaines, mais sa présence est sporadique à l’échelle du règne, alors qu’elle est ordinaire à Paris. Seule Chartres peut être considéré comme une ville fréquentée assez régulièrement par Philippe VI, mais pour un nombre infime d’occurrences et toujours dans le cadre d’un pèlerinage19. Il s’agit donc de voyages plus que de séjours. On peut ajouter que Melun est un ancien séjour urbain qui aurait pu concurrencer Paris, si la ville était comparable et si Philippe VI l’avait apprécié, mais il y passe très irrégulièrement.

  • 20  Philippe VI ne fréquente régulièrement que 3 de ce que l’on peut considérer comme les 10 principal (...)
  • 21  Michel Devèze a dressé une carte des forêts sous le règne de François Ier mais sa carte est trop i (...)

28Il est vrai qu’un certain nombre de séjours ruraux du roi sont situés à proximité d’une ville : Vincennes près de Paris, Maubuisson près de Pontoise, Royallieu près de Compiègne ou le Gué-de-Mauny près du Mans. Il est probable que cette proximité facilite le logement et l’approvisionnement de la cour en déplacement, mais on ne peut être que frappé par la rareté des séjours dans un environnement urbain et le nombre de ceux qui sont strictement ruraux20. Aurait-on affaire à un roi urbaphobe ? Si on ne connaît pas les sentiments du roi vis-à-vis du mode de vie urbain, force est de constater qu’il privilégie les séjours au grand air. Aurait-il été, comme son aïeul Philippe Auguste, incommodé par l’odeur des villes ? Est-il attiré par la perspective d’aller chasser dans les forêts qui voisinent ses séjours privilégiés ? La localisation forestière de la plupart de ses séjours le laisse penser (carte 1)21.

  • 22  C’est-à-dire deux actes datés du même jour indiquant deux lieux différents, voir la carte 2.

29Paris est donc la seule ville fréquentée par Philippe VI. Elle l’est probablement moins par goût que par raison, parce qu’elle est le siège de l’administration royale. On le devine à la forte proportion de séjours à Vincennes, dont on a vu que c’était un château rural à proximité immédiate de Paris : le roi peut travailler à Paris et à Vincennes le même jour, comme en témoigne le grand nombre d’actes datés du même jour dans ces deux lieux. Sur 88 cas d’ubiquité22, 34 associent le couple Paris/Vincennes et, même s’il est possible que des actes émis par des conseillers brouillent notre perception des choses, la fréquence de ces ubiquités est trop forte pour qu’elle ne soit pas aussi le fait du roi lui-même. Il y a donc une complémentarité, que l’on retrouve aussi dans les rythmes de fréquentation des lieux au cours de l’année (graphique 5).

Carte 1. – Les séjours familiers de Philippe VI.

Carte 1. – Les séjours familiers de Philippe VI.
  • 23  Lalou É., « Vincennes dans les itinéraires de Philippe le Bel et de ses trois fils (1285-1328) », (...)

30Le roi fait régulièrement de longs séjours à Paris lors des fêtes de fin d’année, d’où le pic de fréquentation en décembre-janvier. Sa présence décline ensuite pour atteindre un creux durant l’été et l’automne. Les rythmes de fréquence à Vincennes sont identiques, en dehors d’un pic durant l’été : il est peut-être plus agréable de séjourner durant les fortes chaleurs dans la résidence du bois qu’à la ville, mais il serait exagéré de faire de Vincennes un palais d’été puisque le roi y est souvent au moment des fêtes de fin d’année. Il faut plutôt le voir comme une résidence agréable et familiale23, complémentaire du séjour parisien, comme le souligne la comparaison avec les autres lieux les plus fréquentés par Philippe VI – mais avant de commenter leur fréquentation, il faut justifier de leur choix.

Graphique 5. – Saisonnalité de l’occupation des résidences de Philippe VI.

Graphique 5. – Saisonnalité de l’occupation des résidences de Philippe VI.

31Le nombre d’occurrences du roi en un lieu est insuffisant pour distinguer les séjours familiers des séjours occasionnels. Pour ce faire, il faut éliminer du premier palmarès les lieux où le roi passe moins d’une année sur deux et, parmi ceux-là, sortir de la liste les lieux fréquentés moins de onze mois sur douze. Avec ce triple filtre, on obtient la liste des lieux où Philippe VI vient très régulièrement durant toute l’année, une grande partie de son règne.

  • 24  Guerreau A., « Chasse », in Le Goff J. et Schmitt J. C. (dir.), Dictionnaire raisonné de l’Occiden (...)
  • 25  Hennebicque R., « Espaces sauvages et chasses royales dans le nord de la Francie », Le paysage rur (...)

32Le graphique 5 montre que ces lieux ont un rythme de fréquentation inversement proportionnel à celui du couple Paris-Vincennes : le roi les déserte durant l’été et durant l’hiver. Vu la localisation forestière de toutes ces résidences, on peut faire l’hypothèse que le souverain les investit au printemps et à l’automne pour chasser, activité régalienne par excellence. La chasse est en effet constitutive de l’exercice du pouvoir, du ve au xviiie siècle, en ce sens qu’elle manifeste la domination du roi chasseur sur l’espace et sa supériorité sur les hommes24. Pour résumer l’année type du premier roi Valois, il passe les fêtes de Noël-janvier à Paris ou Vincennes, il part volontiers chasser au printemps à partir de châteaux forestiers (Saint-Germain, Retz) ou d’abbayes proches de forêts (Le Moncel, Poissy), il passe l’été à Vincennes ou à Paris lorsque la guerre ou la diplomatie ne le lancent pas sur les routes jusque tard dans la saison (les séjours à Amiens et Arras ont tous lieu entre mai et octobre), et passe le reste de l’automne à chasser, comme tous les rois depuis Charlemagne25. Une des raisons pour lesquelles le pic de fréquentation au Moncel se situe en septembre est que l’abbaye se trouve sur la route de la Flandre que le roi emprunte souvent durant l’été pour faire face aux menaces anglaises et flamandes : il fait alors volontiers un séjour récréatif en forêt de Halatte au retour d’Amiens, d’Arras ou de Calais (ainsi en 1328, 1334, 1338, 1340, 1346, 1347). À l’inverse le pic de fréquentation de Saint-Germain-en-Laye est au printemps, alors que le roi a passé l’hiver à Paris.

33Il ne faudrait pas croire, cependant que l’hiver sédentarise le roi à Paris parce que les routes sont mauvaises, car il fait preuve d’une grande mobilité en janvier. On peut en effet tenter de construire un indice de mobilité en comptabilisant le nombre de lieux différents où l’on trouve le roi chaque mois (graphique 6). On mesure ainsi la longueur de ses stations, même si on ne peut les estimer en jour, puisque l’indice est construit à l’échelle du règne et n’est pas une moyenne mensuelle. Le nombre de lieux différents s’élève entre mai et août, lorsque le roi est à l’ost ou en voyage diplomatique, tandis qu’il est plus sédentaire aux intersaisons. Sa mobilité en hiver est contrastée : s’il est vrai que décembre est un mois où Philippe VI fait de longs séjours à Paris, janvier est aussi un mois où il est plutôt mobile.

Graphique 6. – Mobilité mensuelle de Philippe VI.

Graphique 6. – Mobilité mensuelle de Philippe VI.
  • 26  1329 : Paris. 1331 : Paris. 1333 : Vincennes. 1334 : Fontainebleau (Noël). 1335 : Brive-la-Gaillar (...)
  • 27  1329 : Paris (Pâques). 1330 : Paris. 1331 : Paris. 1332 : Paris et Saint-Denis. 1333 : Châteauneuf (...)
  • 28  9 octobre : Saint-Germain-en-Laye (1333), Chartres (1335), Noyon (1339), Saint-Germain-lès-Arpajon (...)
  • 29  Guenée B., op. cit., passim. Même constat pour Philippe IV (Lalou É., Itinéraire…, op. cit., p. 99 (...)

34Ce n’est donc pas pour des raisons logistiques que le roi est à Paris durant l’hiver. S’agit-il de motifs religieux ? On ne connaît malheureusement que 4 fois sur 23 le lieu où se trouve le roi le 25 décembre – peut-être parce qu’il ordonne moins d’actes ce jour-là ? – et Paris n’y apparaît pas. Si on ouvre l’enquête au 24 et au 26 décembre, on est renseigné pour 15 années sur 23 : le roi se trouve 6 fois à Paris et 5 fois à Vincennes26. Il n’y a donc pas de nécessité liturgique pour le roi à écouter la messe de Noël à la Sainte-Chapelle ou à Notre-Dame : il la suit aussi volontiers à Vincennes et bien souvent ailleurs et cela n’est justifié par un voyage lointain que dans un seul cas, à Brive-la-Gaillarde. Un test avec Pâques donne un résultat analogue : le lieu où le roi se trouve est connu pour 8 années de son règne seulement, mais si on élargit à la période du Jeudi saint au dimanche de Pâques, il est identifiable pour 18 années : le roi se trouve 6 fois à Paris, 3 fois à Poissy, 2 fois à Vincennes et les autres années dans divers lieux des environs, sauf pour Lyon une année27. Il en est de même pour la fête des deux patrons des rois du xive siècle, saint Denis et saint Louis28. Le calendrier religieux n’est donc pas contraignant pour les déplacements de Philippe VI, et ce n’est pas par manque de piété, car on observe un phénomène analogue pour ses successeurs, dont on peut déceler les préférences religieuses sans qu’elles n’influent sur leurs déplacements29. Ni la logistique, ni la liturgie ne suffisent donc à expliquer à elles seules les séjours parisiens du roi en décembre. Il est probable qu’ils résultent de leur conjonction et peut-être aussi d’une explication économique : il n’y a que là que la cour peut se procurer les cadeaux coûteux et raffinés que les uns et les autres échangeront pour les étrennes.

35Qu’elle soit la cause ou la conséquence de la présence du roi en hiver, la consommation curiale est un aspect essentiel des relations entre la ville et la cour, aussi il n’est pas indifférent de noter que Philippe VI n’a pas la même manière d’habiter les différents lieux où on le voit s’attarder. Son itinéraire ne permet pas, hélas, de suivre ses pérégrinations au jour le jour, mais il arrive que des séries continues d’informations permettent d’identifier des séjours plus ou moins longs. Si l’on considère les stations de plus de 8 occurrences consécutives, on note une forte opposition, parmi les lieux de résidence privilégiés du roi, entre Vincennes et Paris d’une part, où les séjours sont volontiers longs, et les résidences rurales où ces longs séjours sont plus rares (Le Moncel, Saint-Germain-en-Laye) : peut-être ce rythme particulier est-il lié à la recherche du meilleur gibier dans chaque forêt ? Les stations dans les villes lorsque le roi est en guerre (Arras, Amiens, Bouvines) relèvent évidemment d’une autre logique.

Graphique 7. – Séjours de plus de 8 jours consécutifs.

Graphique 7. – Séjours de plus de 8 jours consécutifs.

36Philippe VI a donc tendance à s’attarder lorsqu’il est à Paris ou à Vincennes. Il y réside plus volontiers en décembre et durant les étés où il n’est pas à la guerre, mais on a pu noter au cours des développements précédents que ces deux résidences n’étaient pas les seules à fonctionner en tandem : il y a aussi Maubuisson/Pontoise, Royallieu/Compiègne ou, dans les ubiquités, les couples Paris/Saint-Germain-en-Laye et Saint-Germain-en-Laye/Poissy qui ressortent nettement. Cela invite à considérer ces données non plus seulement sous l’angle des statistiques mais aussi des circulations, en considérant non plus seulement des points mais des réseaux qui font apparaître une région résidence autour de Paris.

Une région résidence

37Si cette représentation par point a le mérite de mettre en valeur les résidences favorites, elle masque leur fonctionnement en réseau qui est lié à l’itinérance du roi : il y a des séjours favoris, mais le souverain passe finalement plus de temps ailleurs, d’où l’intérêt d’étudier les environs : n’y a-t-il pas une part d’arbitraire à éliminer Compiègne ou Charenton de la carte des séjours familiers de Philippe VI ? A contrario, on ne peut que s’étonner de l’absence de séjours en Vexin français, à l’ouest de l’Oise, alors qu’il fait partie du domaine depuis le xiie siècle.

  • 30  88 cas d’ubiquité donnent des doublons pour un jour donné. La distance moyenne entre les lieux où (...)

38Le SIG permet de tenter une représentation par zone de densité, qui met en valeur les zones où le nombre de point est plus fort, et cette zone apparaît comme d’autant plus colorée que le nombre d’occurrences par point est élevé : l’auréole autour d’un point isolé avec peu d’occurrences marquera peu la carte, au contraire de celle d’un point avec beaucoup d’occurrences proches d’autres points. On a fixé le rayon de densité autour de chaque point à 20 km, sur la base de la moyenne des distances entre les lieux d’ubiquité du roi30. Si le roi peut travailler à deux endroits distants de 20 km en une demi-journée, il peut revenir à son point de départ le soir. Cette distance mesure donc l’espace qu’il peut parcourir sans avoir à changer de lit. Ce mode de représentation met en valeur les zones denses en lieux fréquentés et permet de réintégrer dans le raisonnement les petits séjours proches des principales résidences (cahier couleur, ill. III).

  • 31  Lalou É., Itinéraire…, op. cit., p. 66
  • 32  Ibid., p. 77-78.

39Les zones de densité font ressortir des « espaces résidentiels » selon l’expression d’Élisabeth Lalou, c’est-à-dire des réseaux de demeures qui sont occupées plus ou moins simultanément, soit que le roi y réside successivement, soit que sa cour les occupe pendant que le roi est à proximité (ce que l’on ne peut percevoir dans les itinéraires en dehors de celui de Philippe le Bel)31. L’éclatement de la cour en plusieurs lieux peut s’expliquer par l’inadéquation entre la taille des résidences et celle de l’entourage du roi, mais elle n’explique pas les sauts de puce fréquents du souverain entre des résidences voisines. Peut-être y a-t-il des raisons logistiques à cela ? À défaut de l’expliquer, il faut constater que la microcirculation au sein des espaces résidentiels est un trait caractéristique du mode de vie royal au xive siècle qui dépasse le cas de Philippe de Valois32.

  • 33  Les limites de la banlieue de Paris se situent en théorie à 8 km de la ville, mais sont irrégulièr (...)

40Le principal espace résidentiel qui nous intéresse est celui polarisé par Paris (17 %) et Vincennes (15 %), qui associe secondairement Saint-Denis (0,9 %), Clichy-sous-Bois (0,3 %), Livry-Gargan (0,4 %), Saint-Cloud (0,2 %), Charenton-le-Pont (1 %) et les résidences sur la route de Corbeil : Créteil (0,3 %) et Villeneuve-Saint-Georges (0,5 %). Philippe VI passe donc plus du tiers de son temps dans ce rayon d’une grosse dizaine de kilomètre autour de Paris, qui excède à peine celui de la banlieue, c’est-à-dire à l’espace qui dépend directement de Paris33. C’est l’espace dans lequel les bourgeois de Paris ont la plupart de leurs biens, l’espace dans lequel on peut aller et venir à pied sans quitter la ville.

41Élisabeth Lalou a observé que les espaces résidentiels de Philippe le Bel se forment souvent autour d’une forêt et associent châteaux et abbayes. C’est le cas à l’époque de Philippe VI pour le complexe d’une dizaine de kilomètres de rayon entre le prieuré de Poissy, les châteaux de Saint-Germain-en-Laye et de Retz, ainsi que l’abbaye de Joyenval autour des forêts de Saint-Germain et de Marly, et secondairement le complexe associant l’abbaye du Moncel, le prieuré de Saint-Christophe-en-Halatte, le château de Senlis et l’abbaye de Chaalis.

  • 34  Mirez y Sanz J., « Negociacion diplomatiques d’Alfons III de Catalunya-Aragon ab el rey de França  (...)
  • 35  Ibid., pièce XIV.

42Les espaces résidentiels sont des petits réseaux de résidences, mais forment-ils eux-mêmes un grand réseau ? Leur concentration en Île-de-France le laisse penser, car ils ne sont pas éloignés de plus de 50 km les uns des autres. La spatialisation des lieux les plus fréquentés (tableau 1 et cahier couleur, ill. III), montre qu’ils sont tous situés dans une grande Île-de-France, qui va de l’abbaye du Moncel à Corbeil, mais que la plupart des séjours se concentrent dans un plus petit périmètre encore, entre Vincennes et Poissy. L’itinéraire de l’ambassadeur du roi d’Aragon venu demander à Philippe VI de participer en 1331 à la croisade contre Grenade montre bien l’articulation de ces lieux. Il suit le roi dans ses pérégrinations mais ne loge pas toujours à côté de lui : Ramon de Melany est à Montlhéry lorsque le roi est à Longpont, probablement parce qu’il n’y a pas de place pour lui dans l’abbaye : on est bien dans un espace résidentiel34. Mais quelques jours plus tard il attend à Paris que le roi, qui est à Saint-Germain-en-Laye, veuille bien reprendre les négociations. Philippe VI ne craint pas alors de lui envoyer un messager lui enjoignant de venir le rejoindre « sanz nul delay35 ».

  • 36  Les ubiquités montrent que la distance médiane entre les lieux est de 16 km, ce qui signifie que l (...)

43Le messager arrive à minuit mais Ramon de Melany s’exécute immédiatement et il ne semble pas que les 20 km qui séparaient les deux espaces résidentiels aient été un problème pour lui, même par une froide nuit de février ! Ce lien organique entre les deux espaces résidentiels de Paris et Saint-Germain est corroboré par les ubiquités qui le font apparaître fréquemment (6 cas d’actes datés de ces deux lieux pour une même date), mais on trouve aussi des cas d’ubiquité entre Paris et Fontainebleau, Bécoisel ou Saint-Christophe-en-Halatte, de même que des cas d’ubiquité, moins contestables sur le plan diplomatique, entre Vincennes et Clichy-sous-Bois, Compiègne, Le Moncel, Maubuisson ou Saint-Germain-en-Laye (carte 2), dans la mesure où ces actes n’ont pu être produits par les cours souveraines parisiennes. Tous ces lieux sont à moins de 60 km de Paris, c’est-à-dire à deux jours de marche en temps ordinaire pour la cour, étant entendu que le roi peut faire le trajet d’une traite en petit équipage36.

Carte 2. – Lieux où Philippe VI établit deux actes à deux endroits différents le même jour.

Carte 2. – Lieux où Philippe VI établit deux actes à deux endroits différents le même jour.
  • 37  Lot F. et Fawtier R., Histoire des institutions françaises au Moyen Âge, Paris, Presses universita (...)
  • 38  Guyotjeannin O., Atlas de l’histoire de France. La France médiévale ixe-xve siècle, Paris, Autreme (...)

44On peut faire l’hypothèse, en attendant de la démontrer pour d’autres règnes mieux renseignés sur les déplacements au jour le jour, que l’Île-de-France toute entière est une région résidence dont le roi ne sort guère. Si on replace cette région résidence à l’échelle du royaume (carte 3), on constate qu’elle est en décalage complet avec l’espace de la souveraineté comme avec celui du domaine, or un topos historiographique veut que le roi voyage pour gouverner et pour consommer sur place le produit de ses domaines37. Si le roi se déplaçait toujours pour résoudre des problèmes politiques ou judiciaires, il devrait sillonner plus équitablement le territoire. Par ailleurs, la cartographie des destinataires des lettres de Philippe VI montre qu’elles concernent tout le royaume et les pays au sud de la Loire en reçoivent beaucoup alors que le roi n’a traversé le Languedoc qu’une fois dans sa vie (en 1335)38. Philippe de Valois gouverne assurément par lettre et délègue l’administration et la justice de son royaume à ses officiers locaux, aux institutions centrales ou aux princes. Il a peut-être des raisons politiques de se rendre dans tel ou tel endroit d’Île-de-France, mais elles ne motivent ses déplacements que parce qu’elles s’inscrivent dans un espace familier, où le roi se sent chez lui.

Carte 3. – Lieux où la présence de Philippe VI est attestée.

Carte 3. – Lieux où la présence de Philippe VI est attestée.
  • 39  Soulacier, c’est-à-dire se délasser. Paris P. (éd.), Les Grandes chroniques, Paris, 1837, t. V, p. (...)

45Les chroniques donnent les mobiles des déplacements du roi, or il est frappant de constater que la géographie royale dans les Grandes chroniques est le miroir inverse de celle des itinéraires : tous les lieux cités sont situés hors de l’espace familier, où l’appellent les grandes affaires politiques que sont les guerres et les ambassades. Dès que le roi retourne dans sa région résidence, la chronique cesse de s’intéresser à ses déplacements. Lorsque le moine de Saint-Denis s’attarde sur les séjours familiers du roi – Poissy, Saint-Germain-en-Laye, Retz et Montjoie – c’est pour souligner l’humiliation de voir en 1346 le roi d’Angleterre occuper, puis brûler, des « lieux où le roy de France avoit acoustumé a soy soulacier39 ». Ces espaces résidentiels sont donc avant tout considérés comme des lieux de villégiature, même si cela n’exclut pas que le roi y travaille !

  • 40  Viard J. et Vallée A., Registres du Trésor des chartes. Règne de Philippe de Valois : inventaire a (...)

46Quant à la nécessité économique de ces déplacements, elle est peu contraignante puisque Philippe VI ne sillonne pas tout son domaine, même avant la guerre. S’il est logique qu’il consomme sur place les produits de ses seigneuries franciliennes, la question est plutôt de savoir s’il y séjourne pour les consommer. La meilleure preuve que non, c’est que ses lieux de séjour favoris – Paris, Poissy ou Le Moncel – sont exemptés du droit de gîte ou de prise40. L’économie est largement monétarisé au xiiie siècle et la proximité de l’immense marché de consommation parisien rend aisé l’approvisionnement de tous les séjours franciliens du roi. Mais l’itinéraire de Philippe VI est-il représentatif de celui des rois de la première période ?

Passage d’une à deux régions résidence

  • 41  Bautier R.-H., « Diplomatique et histoire politique : ce que la critique diplomatique nous apprend (...)

47Les densités de séjours jusqu’en 1350 à l’échelle du royaume montrent que l’Île-de-France est la seule région résidence des rois (cahier couleur, ill. IV). Les seules zones de densité qui sortent du couloir de circulation entre Compiègne, Saint-Germain-en-Laye, Paris et Fontainebleau sont la forêt de Lyons en Vexin, Paucourt en Gâtinais et des Loges sur la Loire. Ces exceptions confirment la règle dans la mesure où elles sont largement dues aux spécificités des pérégrinations de Philippe le Bel, qui était un enragé de la chasse41. Philippe IV est en effet le seul roi à fréquenter régulièrement la forêt de Lyons (Neuf-Marché, Mainneville, Longchamps, La Feuillie). Le cas du Gâtinais est plus complexe dans la mesure où Philippe VI fréquente aussi Paucourt et Montargis, quoique moins intensément, de même que Philippe V séjourne épisodiquement à Montargis.

  • 42  On a signalé en jaune les lieux cumulant plus de 60 occurrences où venaient 5 rois sur 6 au moins.

48Si on se place à l’échelle de la région (cahier couleur, ill. V), on ne peut que constater le continuum formé par les divers espaces résidentiels en Île-de-France le long de l’Oise et de la Seine (de Compiègne à Fontainebleau) qui en font la seule région-résidence des rois avant 1350, dont Paris est le centre42. À part Châteauneuf et Montargis, qui sont à une centaine de kilomètres et dont on a vu que leur fréquentation est moins systématique, tous les autres lieux de séjours des rois sont à moins de 60 km, ce qui signifie qu’ils restent à portée immédiate de Paris, où ils peuvent même se rendre en un jour, en forçant l’allure.

  • 43  Probablement à l’abbaye de Royallieu ou à celle de Saint-Cormeille, car il ne reste plus de l’anci (...)
  • 44  Barbier J., op. cit., p. 272-284.
  • 45  Viard J et Vallée A., op. cit., § 3617, 3616.

49Il ne faudrait cependant pas croire que tous ces espaces résidentiels sont utilisés en même temps. La comparaison sur la longue durée de la fréquentation de Saint-Germain-en-Laye, Melun, Compiègne43 et l’abbaye du Moncel, par exemple, montre l’irrégularité de l’occupation d’une résidence (graphique 8). Le plus ancien des séjours royaux est assurément Compiègne, point de rendez-vous du roi et de son aristocratie dès les Mérovingiens44. Le château royal est négligé par Philippe III, mais Philippe IV fonde à proximité immédiate l’abbaye de Royallieu en 1308, ce qui explique peut-être le pic de fréquentation sous le court règne de son fils Louis X en 1315. Ni le château ni le monastère n’attirent cependant ses frères Philippe V et Charles IV. L’absence de Philippe VI s’explique peut-être par l’incendie de 133445, mais plus sûrement par l’investissement du roi dans le développement de l’abbaye voisine du Moncel. Quoi qu’il en soit, les séjours en dents-de-scie à Saint-Germain-en-Laye montrent la part d’arbitraire qu’il y a dans les choix de résidence de plaisance des rois. Ainsi, Melun était très apprécié de saint Louis, mais ses descendants abandonnent progressivement cette résidence.

Graphique 8. – Fréquence des séjours de Philippe VI en quatre lieux (en %).

Graphique 8. – Fréquence des séjours de Philippe VI en quatre lieux (en %).
  • 46  Philippe Ier enterré à Saint-Benoît-sur-Loire est aux marges de cet espace, mais Louis VII en reva (...)
  • 47  Secousse D.-F., Ordonnances des rois de France de la troisième race, t. VI, Paris, Impr. royale, 1 (...)

50Chaque roi a certes ses préférences – qui s’expliquent parfois – mais les préférences des rois sont toujours localisées dans une même région résidence, car elles s’inscrivent dans la province royale immémoriale des Capétiens, où reposent les corps de tous leurs ancêtres ou presque46. En dépit de la dilatation du domaine, le vieux réduit capétien apparaît comme le cœur du royaume, dont la possession fait le roi : l’ordonnance de succession de 1374 prévoit que le régent aura autorité sur tout le royaume, sauf sur Paris, Senlis et Melun, ainsi que leur vicomté respective, qui sont réservées au roi mineur47. Or ces trois vicomtés recouvrent exactement la région résidence que mettent en évidence les itinéraires.

  • 48  Verdon J., Voyager au Moyen Âge, 1998, rééd. Paris, Perrin, 2003, p. 40-42.
  • 49  Viard J. et Vallée A., op. cit., § 5187, 7021.

51La carte de la région résidence des rois avant 1350 (cahier couleur, ill. V) fait apparaître l’axe de l’Oise et de la Seine comme structurant très fortement le choix des séjours royaux. Il faut certainement y voir l’effet d’une contrainte logistique. Si les châteaux et abbayes où séjourne volontiers le roi sont proches de l’eau, c’est probablement moins pour le gibier d’eau ou pour faciliter les déplacements du souverain – car la voie d’eau est lente et peu utilisée par les voyageurs48 –, que pour faciliter la construction de ces édifices, puis leur approvisionnement. Les concessions de bois aux abbayes fréquentées par Philippe VI mentionnent d’ailleurs souvent que les coupes peuvent être opérées à proximité de la rivière49 !

52Il y a donc une très forte continuité dans le mode de vie royal et, si l’on ne peut pas dire que les rois sont parisiens avant 1350, on peut affirmer que les Capétiens sont et restent franciliens du xe au xive siècle. Le phénomène se renforce durant la période 1350-1422 avec la sédentarisation des rois à Paris, mais qu’en est-il durant la troisième ? La carte de la région résidence de Louis XI (cahier couleur, ill. VI) permet d’y répondre.

  • 50  Cassagne-Brouquet, op. cit., p. 194-195.
  • 51  Chatenet M., op. cit., p. 318-321. Caroline zum Kolk a pu nous faire bénéficier, à titre de compar (...)

53On constate le dédoublement de la région-résidence entre le Val de Loire et l’Île-de-France, mais les fleuves restent toujours des axes structurant des logis royaux. Au cœur de la région résidentielle ligéroise on note deux pôles, avec un espace résidentiel principal axé sur Tours, Montils-lès-Tours et Amboise qui concentrent à eux seuls 31 % des occurrences, plus un espace résidentiel secondaire autour d’Orléans, Cléry et Meung-sur-Loire (5 % des occurrences). Louis XI s’inscrit donc dans la nouvelle tradition établie par son père, mais il faut noter l’étonnante résistance de l’Île-de-France avec 8 % des occurrences. En outre, le roi séjourne régulièrement à Paris puisque sa présence est attestée 10 années sur 23, soit autant qu’à Orléans. On pourrait penser que c’est la fonction capitale de la ville qui a sauvé sa fonction résidentielle si Louis XI n’avait pas aussi investi Senlis, antique lieu de mémoire capétien. Cette abbaye avait été fondée en 1214 par Philippe Auguste après la victoire de Bouvines contre une coalition de princes étrangers ; en restaurant l’abbaye ruinée par la guerre de Cent ans, Louis XI inscrit ses succès militaires et diplomatiques dans la filiation de ceux de son prestigieux ancêtre. Sa localisation forestière satisfait en outre la passion du roi pour la chasse, au point qu’il commence à y bâtir un château50. On devine un phénomène analogue pour ses successeurs, et même l’éclatement des régions résidences avec l’apparition du Lyonnais lors des guerres d’Italie, et en plus une autre région résidence sous François Ier, entre La Fère et Coucy-le-Château-Auffrique, dans l’Aisne51. François Ier est certainement le souverain dont les déplacements sont les moins concentrés parmi tous ceux envisagés ici, mais c’est aussi sous son règne que l’ancienne province royale redevient le centre de gravité du roi.

Conclusion

54La mise en série des itinéraires des rois montre que leur nomadisme est fortement tempéré par leur stabilité dans une région résidence. Le choix de celle-ci est moins conditionné par le patrimoine de la famille que par la tradition et les contraintes géopolitiques : il n’y a donc pas d’évolution linéaire vers une sédentarisation parisienne, la meilleure preuve en est la parenthèse enchantée entre 1350 et 1420 durant laquelle Paris a été une ville de cour : pour la première fois depuis l’Antiquité, le souverain est devenu citadin, mais le schisme royal l’a éloigné durablement de la ville ensuite. Est-ce à dire que la cour ne fréquente pas la ville en dehors de cette période ? Certes non car l’étude des itinéraires des Capétiens jusqu’au xive siècle montre qu’ils passent le plus clair de leur temps dans le berceau francilien de la famille, entre Compiègne et Fontainebleau. Or Paris n’est pas seulement le centre de gravité de la province royale, c’est aussi la seule grande ville qu’ils fréquentent. En outre, la plupart des séjours que les rois du xive siècle aiment fréquenter sont exemptés du droit de gîte ou de prise, par conséquent l’approvisionnement de la cour passe avant tout par le marché. La proximité d’une voie d’eau pour acheminer l’approvisionnement et celle d’une forêt pour exercer l’activité royale par excellence qu’est la chasse expliquent la localisation de la plupart des espaces résidentiels élus par les rois. Or l’approvisionnement de l’Île-de-France est contrôlé par la hanse des marchands de l’eau : il ne faut donc pas négliger le rôle des bourgeois de Paris dans l’approvisionnement du roi et de la cour en biens de consommation ordinaires, outre les produits de luxe. La cour a donc accompagné le développement économique de la ville depuis les origines. Le schisme royal a provoqué un dédoublement au xve siècle de la région résidence des rois entre Val de Loire et Île-de-France. Si on y ajoute le tropisme italien, force est de constater que les rois du xvie siècle sont plus itinérants que leurs ancêtres et moins proches de la capitale. Paris et sa région ne cessent cependant jamais d’être fréquentés pour des raisons pratiques – l’administration centrale y est restée – et anthropologiques car l’ancienne province royale est le berceau mémoriel de la monarchie et centre idéologique du royaume dans la culture politique du temps. En dépit d’une apparente distance avec la ville, le roi et sa cour ne peuvent se passer de Paris.

Notes

1  Bove B., « Typologie spatiale des hôtels aristocratiques à Paris (1300, 1400) », in Noizet H., Bove B. et Costa L. (dir.), Paris de pixels en parcelles. Analyse géomatique de l’espace parisien médiéval et moderne, Paris, Presses universitaires de Vincennes-Comité d’Histoire de la Ville de Paris, 2013, p. 257-292. Je remercie Olivier Guyotjeannin pour sa relecture et ses remarques.

2  Pour le haut Moyen Âge, voir Ewig E., « Résidence et capitale pendant le haut Moyen Âge », Revue Historique, n° 230, 1963, p. 25-72 ; Brühl C, Fodrum, gistum, servitium regis. Studien zu den wirtschaftlichen Grundlagen des Königtums im Frankenreich und in den fränkischen Nachfolgestaaten Deutschland, Frankreich und Italien vom 6. bis zur Mitte des 14. Jahrhunderts, Cologne, Böhlau, 1968 ; Barbier J., « Le système palatial franc : genèse et fonctionnement dans le nord-ouest du regnum », Bibliothèque de l’École des Chartes, n° 148, 1990, p. 245-299. Pour la période féodale, voir Guyotjeannin O., « Résidences et palais des premiers Capétiens en Île-de-France », in Lalou É. et Chapelot J. (dir.), Vincennes, aux origines de l’État moderne, Paris, Presses de l’École normale supérieure, 1996, p. 123-136. Pour la période moderne, voir la bibliographie indiquée dans l’article de Caroline zum Kolk dans le présent volume. Pour les xive et xve siècles, les seules analyses d’un itinéraire royal sont celles d’Élisabeth Lalou (Itinéraire de Philippe IV le Bel (1285-1314), Paris, De Boccard, 2007) et de et Jean Richard (« Les itinéraires de saint Louis en Île-de-France », in Lalou É. et Chapelot J. [dir.], Vincennes…, op. cit., p. 163-170).

3  Louis IX (1226-1270) et Philippe III (1270-1285) : Delisle L. et Wailly N. de, Recueil des Historiens des Gaules et de la France, Paris, Douniot, 1855-1904, t. XXI, p. l-lii et 406-512. Philippe IV (1285- 1315) : Lalou É., Itinéraire…, op. cit., t. II. Philippe VI (1328-1350) : Viard J., « Itinéraire de Philippe VI de Valois », Bibliothèque de l’École des Chartes, n° 74, 1913, p. 73-128 et 525-619 et n° 84, 1923, p. 166-170. Jean II (1350-1364) : Petit E., Séjours de Jean II (1350-1356), Paris, Impr. nationale, 1896 (extrait du Bull. hist. et philologique). Charles V (1363-1380) : Petit E., Les séjours de Charles V (1364-1380), Paris, Impr. nationale, 1888 (extrait du Bull. du Comité, section d’histoire et de philologie, 1887). Charles VI (1380-1400) : Petit E., Séjours de Charles VI (1380-1400), Paris, Impr. nationale, 1894 (extrait du Bull. du Comité des travaux hist. et scientifiques, 1893). Louis XI (1461-1483) : Vaesen J., Lettres de Louis XI, Paris, Loones, 1909, t. XI, p. 3-236.

4  Antoine Jacqueton et Mathilde Plaquet, étudiants de master à Paris 8, ont saisi une grande partie des itinéraires édités. Élisabeth Lalou a bien voulu fournir les fichiers Word avec l’itinéraire de Philippe IV ; Olivier Canteaut a accepté de livrer ses itinéraires en préparation sur les fils de Philippe le Bel : qu’ils en soient remerciés.

5  [http://mapd.sig.huma-num.fr/itineraires/flash/]. Les données ont été restituées pour Philippe II Auguste à partir du catalogue de ses actes, mais son itinéraire est encore à saisir (Nortier M., Recueil des actes de Philippe Auguste, t. V, Paris, De Boccard, 2004, p. 576-588). Il manque l’itinéraire de Louis VIII, Charles VII, Charles VIII et Louis XII, ainsi que pour la seconde moitié du règne de Charles VI, car la folie du roi le conduit à une forte sédentarisation à Paris, tandis que le gouvernement lui échappe ce qui rend difficile l’utilisation des actes de chancellerie pour déterminer ses déplacements (Petit E., Séjours de Charles VI…, op. cit., p. 3-5).

6  On a utilisé les logiciels QGIS et Arcview.

7  On a calculé la moyenne d’apparition de « Paris » dans les occurrences par année, et on a fait la moyenne de ces moyennes. Un calcul direct des occurrences de Paris dans le total n’aurait pas été pertinent vu la répartition inégale des sources et de Paris dans le temps.

8  Lalou É., Itinéraire…, op. cit., p. 57-58.

9  On compte 2 actes sur 11 effectués à Paris pour Hugues Capet (18 %), 7 sur 45 pour Robert le Pieux (15 %), 15 sur 62 pour Henri Ier (24 %), 30 sur 120 pour Philippe Ier (25 %), 108 sur 239 pour Louis VI (45 %) mais ce taux anormal d’actes parisiens reflète probablement moins la réalité domestique que la réorganisation de la chancellerie (Guyotjeannin O., op. cit., p. 123-135).

10  Cazelles R., Société politique, noblesse et couronne sous Jean le Bon et Charles V, Genève/Paris, Droz, 1982, p. 46.

11  Ibid., p. 498-503.

12  Charles V révère la mémoire de son père et les contemporains ont fait du roi sage un modèle pour son fils Charles VI (ibid., p. 55-56).

13  Barbier J., op. cit., p. 297.

14  Dauphant L., Le royaume des quatre rivières. L’espace politique français, 1380-1515, Seyssel, Champ Vallon, p. 279-281.

15  Lyon est le premier lieu de séjour de Charles VIII et le deuxième pour Louis XII, qui s’y rend presque chaque année (Chatenet M., La cour de France au xvie siècle. Vie sociale et architecture, Paris, Picard, 2002, p. 15-18, 318-319).

16  Ibid., p. 322-323.

17  Cassagne-Brouquet S., Louis XI ou le mécénat bien tempéré, Rennes, PUR, 2007, p. 90-99.

18  Viard J., op. cit., p. 79 sq.

19  Guenée B., « Le vœu de Charles VI. Essai sur la dévotion des rois de France aux xiiie et xive siècles », Journal des savants, n° 1, 1996, p. 82.

20  Philippe VI ne fréquente régulièrement que 3 de ce que l’on peut considérer comme les 10 principales villes de la région parisienne (Mantes, Meulan, Poissy, Pontoise, Saint-Denis, Lagny, Meaux, Corbeil, Melun, Étampes). Guittoneau P. H., L’Ombre de la capitale. Les petites villes sur l’eau et Paris au xve siècle, Paris, Garnier, 2017, p. 176-179.

21  Michel Devèze a dressé une carte des forêts sous le règne de François Ier mais sa carte est trop imprécise pour être géo-référencée, aussi avons-nous utilisé la cartographie des forêts telle qu’elle apparaît sur la carte d’état-major au 320/1000e de 1811. Les contours de ces massifs ont pu évoluer mais les masses sont aux mêmes endroits. Devèze M., La vie de la forêt française au xvie siècle, Paris, Impr. nationale, 1961, carte hors texte.

22  C’est-à-dire deux actes datés du même jour indiquant deux lieux différents, voir la carte 2.

23  Lalou É., « Vincennes dans les itinéraires de Philippe le Bel et de ses trois fils (1285-1328) », in Lalou É. et Chapelot J. (dir.), Vincennes…, op. cit., p. 191-197.

24  Guerreau A., « Chasse », in Le Goff J. et Schmitt J. C. (dir.), Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Paris, Fayard, 1999, p. 166-178. Salvadori P., La chasse sous l’Ancien Régime, Paris, Fayard, 1996, p. 15-16, 193-203.

25  Hennebicque R., « Espaces sauvages et chasses royales dans le nord de la Francie », Le paysage rural, réalités et représentations. Revue du Nord, n° 244, 1980, p. 37.

26  1329 : Paris. 1331 : Paris. 1333 : Vincennes. 1334 : Fontainebleau (Noël). 1335 : Brive-la-Gaillarde. 1336 : Paris la veille et l’abb. de Maubuisson le lendemain de Noël. 1337 : Vincennes. 1340 : Vincennes. 1341 : Paris. 1343 : Vincennes (Noël). 1344 : Paris. 1345 : Vincennes. 1346 : abb. de Maubuisson (Noël). 1347 : Paris. 1349 : Saint-Germain-lès-Arpajon (Noël).

27  1329 : Paris (Pâques). 1330 : Paris. 1331 : Paris. 1332 : Paris et Saint-Denis. 1333 : Châteauneuf-sur-Loire (Pâques). 1334 : Saint-Germain-lès-Corbeil. 1335 : Poissy. 1336 : Lyon (Pâques). 1337 : Poissy. 1338 : Vincennes. 1340 : Paris. 1341 : abb. de Maubuisson. 1343 : Paris (Pâques). 1344 : Senlis (Pâques). 1345 : Vincennes (Pâques). 1346 : Poissy. 1349 : Dammarie-lès-Lys (Pâques). 1350 : abb. du Moncel (Pâques).

28  9 octobre : Saint-Germain-en-Laye (1333), Chartres (1335), Noyon (1339), Saint-Germain-lès-Arpajon (1343), abb. du Moncel (1346). 25 août : Poissy (1337), Douai (1340), Paris (1341), Compiègne (1342), Le Mans (1345), Abbeville (1346), abb. du Moncel (1347).

29  Guenée B., op. cit., passim. Même constat pour Philippe IV (Lalou É., Itinéraire…, op. cit., p. 99).

30  88 cas d’ubiquité donnent des doublons pour un jour donné. La distance moyenne entre les lieux où le roi travaille le matin et l’après-midi est de 24 km, mais la médiane est à 16 km, preuve de la grande amplitude des cas observés (le record est un Vincennes-Compiègne, distant de 70 km).

31  Lalou É., Itinéraire…, op. cit., p. 66

32  Ibid., p. 77-78.

33  Les limites de la banlieue de Paris se situent en théorie à 8 km de la ville, mais sont irrégulières si bien qu’elles varient de 7 à 10 km. Bourlet C., « Paris et ses banlieues. Limites et définition d’un espace médiéval », in Verger J. et Michel M.-J. (dir.), À l’ombre de Paris. Les échanges entre Paris et ses périphéries (xive-xviiie siècle), Paris, 2002, p. 14.

34  Mirez y Sanz J., « Negociacion diplomatiques d’Alfons III de Catalunya-Aragon ab el rey de França », Institut d’estudis catalans, Anuari, 1908, pièce XII. Je remercie Martin Aurell de m’avoir aidé à comprendre ces textes en catalans.

35  Ibid., pièce XIV.

36  Les ubiquités montrent que la distance médiane entre les lieux est de 16 km, ce qui signifie que la cour peut faire le double dans la journée sans difficulté. Ce chiffre de 30 km par jour est corroboré par Élisabeth Lalou (Itinéraire…, op. cit., p. 77).

37  Lot F. et Fawtier R., Histoire des institutions françaises au Moyen Âge, Paris, Presses universitaires de France, 1958, t. II, p. 163.

38  Guyotjeannin O., Atlas de l’histoire de France. La France médiévale ixe-xve siècle, Paris, Autrement, 2005, p. 80.

39  Soulacier, c’est-à-dire se délasser. Paris P. (éd.), Les Grandes chroniques, Paris, 1837, t. V, p. 458.

40  Viard J. et Vallée A., Registres du Trésor des chartes. Règne de Philippe de Valois : inventaire analytique, Paris, Archives nationales, 1978-1984, § 4321, 5935.

41  Bautier R.-H., « Diplomatique et histoire politique : ce que la critique diplomatique nous apprend sur la personnalité de Philippe le Bel », Revue Historique, n° 259, 1978, p. 3-27.

42  On a signalé en jaune les lieux cumulant plus de 60 occurrences où venaient 5 rois sur 6 au moins.

43  Probablement à l’abbaye de Royallieu ou à celle de Saint-Cormeille, car il ne reste plus de l’ancien palais royal qu’une grande salle et un donjon à cette époque.

44  Barbier J., op. cit., p. 272-284.

45  Viard J et Vallée A., op. cit., § 3617, 3616.

46  Philippe Ier enterré à Saint-Benoît-sur-Loire est aux marges de cet espace, mais Louis VII en revanche, enterré à Barbeau près de Melun, est bien dedans.

47  Secousse D.-F., Ordonnances des rois de France de la troisième race, t. VI, Paris, Impr. royale, 1741, p. 26-30.

48  Verdon J., Voyager au Moyen Âge, 1998, rééd. Paris, Perrin, 2003, p. 40-42.

49  Viard J. et Vallée A., op. cit., § 5187, 7021.

50  Cassagne-Brouquet, op. cit., p. 194-195.

51  Chatenet M., op. cit., p. 318-321. Caroline zum Kolk a pu nous faire bénéficier, à titre de comparaison, de l’itinéraire de François Ier interrogeable sur le site [Cour-de-France.fr].

Table des illustrations

Titre Graphique 1. – Le corpus.
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Titre Graphique 2. – Occurrences moyennes de Paris par règne.
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Titre Graphique 3. – Occurrences de Paris et Vincennes par règne.
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Titre Graphique 4. – Indice de mobilité ordinaire des rois.
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Titre Tableau 1. – Les lieux les plus fréquentés par Philippe VI (1328-1350).
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Titre Carte 1. – Les séjours familiers de Philippe VI.
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Titre Graphique 5. – Saisonnalité de l’occupation des résidences de Philippe VI.
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Titre Graphique 6. – Mobilité mensuelle de Philippe VI.
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Titre Graphique 7. – Séjours de plus de 8 jours consécutifs.
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Titre Carte 2. – Lieux où Philippe VI établit deux actes à deux endroits différents le même jour.
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Titre Carte 3. – Lieux où la présence de Philippe VI est attestée.
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Titre Graphique 8. – Fréquence des séjours de Philippe VI en quatre lieux (en %).
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Auteur

Ancien élève de l’ENS Fontenay-Saint-Cloud, est maître de conférences en histoire médiévale à l’université de Paris 8 (EA 1571, IRHT). Il travaille sur Paris dans une perspective d’histoire sociale et spatiale des élites – grande bourgeoisie parisienne et la noblesse de cour – aux xiiie et xive siècles. Il a notamment publié Dominer la ville. Prévôts des marchands et échevins parisiens de 1260 à 1350, Paris CTHS, 2004, et dirigé, en collaboration avec Hélène Noizet et Laurent Costa, Paris de parcelles en pixels, Saint-Denis/Paris, PUV/CHVP, 2013. Il a été co-commissaire de l’exposition sur Le gouvernement des Parisiens, xiie-xxe siècle organisé à l’Hôtel de Ville de Paris en 2017.

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