Les archives relatives aux réfugiés et à leur protection aux Archives nationales
p. 267-270
Texte intégral
1Les archives conservées aux Archives nationales offrent des sources complémentaires de celles de l’Ofpra, non seulement pour mieux connaître le cadre législatif, réglementaire et infra-réglementaire applicable aux réfugiés, mais aussi pour appréhender la vie des réfugiés sur le territoire français.
2La présentation qui suit offre une rapide synthèse des principales archives pouvant éclairer ces questions. Elles prennent bien entendu place parmi les très nombreux documents conservés sur les étrangers en général. Pour approfondir les références mentionnées, on se reportera à l’ouvrage suivant : Les étrangers en France. Guide des sources d’archives publiques et privées, xixe-xxe siècles, Association Génériques, Paris, Génériques-Direction des Archives de France, 2005, t. IV : Les Archives nationales.
31. Le premier axe d’étude fourni par les archives sur les réfugiés est celui du statut des réfugiés en France et du droit d’asile. Cette dimension de l’activité juridique peut être retracée en consultant les dossiers de la direction du ministère de l’Intérieur chargée de la réglementation ou police générale notamment relative aux étrangers (direction de la réglementation de la direction générale de la sûreté nationale puis de la direction générale de la Police nationale en 1969, devenue direction des libertés publiques et des affaires juridiques à partir de 1986, puis secrétariat général du ministère de l’Immigration, puis direction générale des étrangers en France). Ces dossiers conservent ainsi la trace des lois, décrets et circulaires applicables de 1926 aux années 2000 à cette catégorie particulière d’étrangers. Les différentes tranches de dossiers permettent de couvrir en une approche chronologique l’ensemble de la question du statut au xxe siècle. On se penchera sur les cartons cotés F/7/16058-F/7/16060, F/7/16064, 19900353/1 et 19900353/2, 1994-368/27 et 1994-368/28, 19970132, 19970159/16 et 19970159/20, 19970381/3 et 19970381/6, 19980413, 19990260/25- 19990260/32, 20010452/2 et 20010452/3, 20030517, 20100137, 20100274.
42. Parallèlement, les dossiers de la direction de la réglementation du ministère de l’Intérieur permettent de suivre la situation des réfugiés et la mise en œuvre plus précise de ces mesures en fonction des nationalités des réfugiés et donc des différentes vagues de migrations. Dès l’entre-deux-guerres, on trouve des dossiers organisés par nationalités. On distingue des dossiers sur les réfugiés d’Allemagne (1934-1957), d’Arménie (1924-1985), d’Autriche (1938-1940), d’Espagne (1936-1981), de Hongrie (1955-1982), d’Italie (1924-1938), de Russie (1925-1961), de Sarre (1934-1958), de Yougoslavie (1953-1983). Ces dossiers conservent des correspondances des préfectures, des rapports de police, des listes de personnes réfugiées, des échanges avec les pays d’origine pour établir le statut des réfugiés. Ce sont les dossiers conservés sous les cotes F/7/14725-F/7/14735, F/7/14748, F/7/15172, F/7/16038, F/7/16065-F/7/16082, F/7/16118 et F/7/16123.
5Ces dossiers sont à compléter, pour les années antérieures à 1940, par les archives du fonds dit de Moscou. Ces archives ont été réquisitionnées par les autorités allemandes d’occupation, qui les ont transférées en Allemagne, où les forces armées soviétiques les ont récupérées au moment de leur avancée en territoire allemand pour les transférer à leur tour à Moscou. Elles n’ont été restituées à la France qu’à partir de 1994-2000. Cet ensemble documentaire, dans la partie qui concerne les archives des services de la direction de la Sûreté générale, dont celles de la direction de la réglementation, contient des dossiers sur le suivi des étrangers dans les départements, regroupant des approches générales, des circulaires préfectorales, des dispositifs d’accueil locaux en particulier de réfugiés espagnols (versements cotés 20000414 et 20010216). Après 1945, le fichier central de police administrative ou des étrangers continue à collecter des informations individuelles sur les étrangers au gré en particulier des demandes de séjour, d’interpellations par les services de police. Ces archives sont pour partie entrées aux Archives nationales.
63. La surveillance et le suivi des individus peuvent être étudiés dans les archives provenant du ministère de l’Intérieur. Ils ne s’appliquent généralement pas à la population ciblée des réfugiés, mais à l’ensemble des personnes résidant sur le territoire national, qu’ils soient français ou étrangers.
7Le fonds de Moscou conserve un vaste fichier individuel de la Sûreté générale d’avant 1940, renvoyant ou non à des dossiers. Ce fichier est constitué de plus de 2,5 millions de fiches, dans lesquelles apparaissent les étrangers et peut-être certains réfugiés (versement coté 19940508). Une partie de ce fichier renvoie à des dossiers individuels de surveillance et une plus petite partie à des dossiers individuels de cartes d’identité ou de passeports.
8De manière tout aussi indirecte, les dossiers des services de police (Renseignements généraux, Surveillance du territoire, Police judiciaire) peuvent croiser tel ou tel réfugié dans les séries incomplètes qui ont été conservées avant ou après 1945. Il est à signaler que les archives de la préfecture de police de Paris, conservées par son propre service d’archives, offrent une source très importante pour l’étude des individus ayant séjourné dans le ressort de la compétence de cette institution (Paris et départements de la petite couronne parisienne).
9Après 1945, la direction du ministère chargée de la police aux frontières constitue des dossiers sur le contrôle aux frontières. On dispose d’une collection de dossiers sur le contrôle transfrontière des demandeurs d’asile de 1949 à 1992 (19980002/39- 19980002/40).
104. Le travail des structures dédiées aux réfugiés avant l’Ofpra peut être partiellement retracé dans les archives du fonds de Moscou. Pour la période antérieure à 1940, il permet d’aborder l’activité du comité d’aide aux enfants espagnols réfugiés en France, avec des documents qui couvrent la période 1922 à 1940 (20010221/1-20010221/9) ; du comité national de secours aux réfugiés politiques de 1936 à 1940 (20010228/1) ; ou de la commission pour l’étude de l’intégration des réfugiés espagnols dans l’agriculture de 1939 à 1940 (20010222/1).
11Pour étudier les structures qui prennent naissance juste après la Seconde Guerre mondiale, les Archives nationales disposent du fonds précieux des archives de l’Organisation internationale des réfugiés (OIR) coté 43AJ. Ces archives, organisées par l’institution elle-même en recourant à des critères très sélectifs de conservation, couvrent les années 1946 à 1950 mais demeurent très lacunaires par rapport à l’ensemble de l’activité de cette organisation. Elles ne donnent accès à aucun dossier individuel, mais uniquement à des dossiers de nature administrative. L’action de l’OIR ne transparaît dans les archives du ministère de l’Intérieur qu’à travers un carton, qui en particulier aborde les accords signés avec la France (F/7/16061).
125. La création de l’Ofpra en 1952 a généré des archives au ministère de l’Intérieur, comme au ministère des Affaires étrangères qui en assure la tutelle. Ces dossiers qui portent sur les années de naissance de l’Ofpra puis sur le suivi de son activité au long cours jusqu’aux années 2000, regroupent, au-delà des comptes rendus de réunions et d’échanges entre les diverses administrations, un ensemble de statistiques. On consultera les cartons cotés F/7/16062 et F/7/16063, pour les premières années, complétés par divers autres dans des séries plus récentes (19970381, 19990260).
13L’activité du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) est apparente dans un dossier du ministère de l’Intérieur pour les années 1956 à 1963 (F/7/16064).
146. Une instance chargée d’assurer un recours aux réfugiés dont le dossier aurait été rejeté par l’Ofpra est créée dès 1952 pour garantir des droits aux réfugiés. La Commission des recours des réfugiés (CRR), transformée en 2007 en Cour nationale du droit d’asile (CNDA), a remis d’importants fonds d’archives aux Archives nationales. Ces dossiers sont essentiellement des dossiers individuels qui permettent d’analyser à la fois, en creux, les pratiques de l’Ofpra et surtout les situations personnelles. On pourra consulter les vingt et un versements d’archives effectués par la CRR.
157. Les archives relatives au secteur des affaires sociales sont celles qui permettent de suivre l’insertion des réfugiés.
16La direction de la population et des migrations (DPM) des ministères sociaux assure de son côté les compétences de l’État en matière d’accueil et de conditions d’accès au travail des étrangers. Le cadre de l’accueil des réfugiés peut être analysé à travers les papiers de cette direction pour la période 1950-1965 (19810201/1-19810201/2) : ils touchent à la création de l’Ofpra mais aussi de l’Association pour l’établissement des réfugiés en France (AERE) créée en 1951. Les archives de cette direction donnent un éclairage sur la politique d’accueil et d’insertion des réfugiés et demandeurs d’asile entre 1951 et 1994 et sur les programmes d’accueil et d’insertion des réfugiés du sud-est asiatique (1978-1993), kurdes irakiens (1989-1991), albanais (1991-1992), originaires d’ex-Yougoslavie (1992-1994) (20010450/1-20010450/8).
17La direction de l’action sociale donne une approche du volume des dépenses au profit des réfugiés de 1943 à 1962 (19760184/1-19760184/5) ou de la gestion de l’aide sociale aux rapatriés et réfugiés d’Asie du Sud-Est et d’Amérique du Sud de 1975 à 1983 (19960159/1-19960159/5).
18Les Archives nationales conservent en outre les archives remises par le Service social d’aide aux émigrants (SSAE), qui a été créé dès 1924 sous forme associative pour répondre aux difficultés rencontrées par les individus dès les premières grandes vagues migratoires européennes.
19Les archives conservées du SSAE ne commencent en fait qu’en 1946. Elles courent jusqu’à l’intégration des fonctions du SSAE dans l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) en 2005, transformée en Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) en 2009. Ces dossiers rendent compte de demandes de bourses ou d’aides sociales.
20Il est à souligner que les Archives départementales ont également récupéré depuis 2010 les archives produites localement par les services territoriaux du SSAE.
21En lien avec l’activité développée par le SSAE, les dossiers produits par l’Entraide universitaire de France (ministère de l’Éducation nationale) permettent de suivre l’octroi individuel de bourses aux étudiants réfugiés.
228. Enfin, l’acquisition de la nationalité française constitue bien logiquement l’aboutissement du parcours de vie d’un réfugié en France. Dans ce domaine, les Archives nationales conservent les dossiers de naturalisation par décret jusqu’à 2011. Produite par les services chargés de l’accès à la nationalité française rattachés successivement au ministère de la Justice, puis des Affaires sociales (et désormais de l’Intérieur depuis 2010), cette abondante collection fournit un très riche matériau pour retracer les origines, l’environnement familial ou les conditions de vie en France des individus dont les demandes ont pu être acceptées comme refusées.
*
23Les Archives nationales, à travers un vaste panel de sources issues des diverses administrations centrales de l’État, sont le lieu de la rencontre avec l’histoire très riche des réfugiés et apatrides en France sous l’angle des différentes politiques publiques qui les concernent en complément de l’action propre de l’Ofpra.
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