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Les dernières guerres de Louis XIV

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Hervé Drévillon
, 
Bertrand Fonck
, 
Jean-Philippe Cénat

Quatrième partie. Regards sur la guerre

Peindre la guerre, 1688-1715. Réflexions sur la représentation des dernières guerres de Louis XIV

Bertrand Fonck

Texte intégral

  • 1  La bibliographie en la matière est particulièrement riche. Voir notamment Peter Burke, Louis XIV. (...)
  • 2  Hendrik Ziegler, Louis XIV et ses ennemis. Images, propagande et contestations, Saint-Denis, Press (...)
  • 3  Voir sur le sujet Mathieu Da Vinha, Alexandre Maral et Nicolas Milovanovic (dir.), Louis XIV, l’im (...)

1L’image que nous conservons du règne de Louis XIV et des guerres qui ont scandé cette période demeure profondément marquée par les représentations iconographiques de ces événements et du souverain lui-même, qu’il s’agisse d’œuvres contemporaines ou rétrospectives. On sait le soin apporté par le Roi-Soleil à la construction de sa gloire par la peinture, la gravure, la tapisserie, la statuaire, les médailles ou encore les grands bâtiments, de nombreux travaux ayant été menés sur ces différents ateliers de la fabrique de la gloire1. Ces derniers ont largement mobilisé le registre martial pour exalter les conquêtes d’un roi dont la présence sur le théâtre de la guerre a effectivement correspondu, de la guerre de Dévolution en 1667 à la prise de Namur en 1692, à la période la plus faste des annales militaires du règne. Malgré les défaites et les difficultés suscitées par le règlement de la succession d’Espagne, malgré la contre-image qui se développe à l’étranger contre le tyran mettant l’Europe à feu et à sang2, Louis XIV a gagné la guerre de la propagande face à la postérité, au point que les images exaltant sa grandeur font partie des icônes de l’histoire de France3.

  • 4  Citons Olivier Chaline, L’année des quatre dauphins, Paris, Flammarion, 2009 ; Alexandre Maral, Le (...)
  • 5  Voir notamment Gérard Sabatier, Versailles ou la figure du roi, Paris, Albin Michel, 1999.

2Si les commémorations du tricentenaire de la mort du Grand Roi ont récemment renforcé l’intérêt porté aux dernières années voir les derniers jours du monarque4, il n’en reste pas moins que la mémoire du règne est largement dominée par le temps des victoires et des conquêtes de la période 1667-1684, c’est-à-dire par les événements qui ont fait l’objet des grands programmes iconographiques et notamment ceux de Versailles5, Louis XIV étant définitivement absent des champs de bataille après la campagne de 1693.

  • 6  De notables exceptions sont bien sûr à signaler à l’instar du catalogue des tableaux peints pour l (...)
  • 7  Jérôme Delaplanche, Joseph Parrocel (1646-1704). La nostalgie de l’héroïsme, Paris, Arthéna, 2006. (...)

3Ce sont ces œuvres et ces artistes qui ont été les plus étudiés, alors que la production postérieure dans laquelle tend à dominer la peinture de chevalet, qu’il s’agisse de la grande peinture ou de la peinture de genre, a jusqu’à récemment fait l’objet d’un intérêt moindre de la part des historiens de l’art6. Dans le domaine de la représentation du fait militaire, l’œuvre de Joseph Parrocel a toutefois été mise en lumière par les travaux de Jérôme Delaplanche, auxquels cette étude est largement redevable7.

  • 8  Ces deux toiles sont conservées à Versailles sous les numéros d’inventaire MV 2135 et 2138. Le sec (...)
  • 9  L’effacement de ces victoires de la mémoire du règne a bien sûr d’autres raisons. Voir Bertrand Fo (...)

4Au cours de mes recherches sur le maréchal de Luxembourg et les batailles de la guerre de la Ligue d’Augsbourg, j’ai été amené à m’intéresser aux représentations de ces événements pour interroger notamment le décalage entre l’éclat de ces victoires largement célébrées sur le moment (le surnom du « Tapissier de Notre-Dame » en témoigne) et leur disparition ou presque de la mémoire collective (il en va différemment des grands sièges de Mons ou Namur, nous y reviendrons). Il n’existe semble-t-il qu’un seul tableau consacré à la victoire de Fleurus, attribué à Pierre-Denis Martin, tableau qui est assez connu et a été plusieurs fois reproduit (ill. IX) ; de même, pour prendre l’exemple de la bataille de Neerwinden, on ne trouve qu’un tableau, de très grand format, attribué au même artiste et qui est relégué dans les réserves du château de Versailles8. Les événements dont la mémoire se conserve le mieux étant bien souvent ceux qui ont été servis par des représentations marquantes ou devenus iconiques, il convenait de se demander quelle place accorder à cette quasi-absence d’image dans l’explication de la relégation au second plan des victoires françaises des années 1690, par rapport à d’autres batailles restées plus connues9. Par ailleurs ce vide était-il dû à la maigreur de la production picturale concernant ces batailles, ou les tableaux et les décors existant souffraient-ils avant tout d’une mauvaise visibilité par contraste avec les grands programmes décoratifs comme ceux de la Galerie des glaces ou les grands tableaux portant sur les conquêtes qui meublent Versailles et les grands musées français ?

  • 10  Frédéric Chauviré et Bertrand Fonck (dir.), L’âge d’or de la cavalerie, Paris, Gallimard/Ministère (...)
  • 11  On renverra sur le sujet au récent ouvrage de Denis-Michel Boëll, Les peintres de marines, du xvii(...)
  • 12  Maxime Préaud, Les effets du soleil. Almanachs du règne de Louis XIV, Paris, Éditions de la RMN, 1 (...)

5Plus récemment, les recherches destinées à l’iconographie d’un ouvrage collectif relatif à l’histoire de la cavalerie ont été l’occasion de questionner cette fois le rapport entre la façon dont la cavalerie était représentée par les peintres du temps et ce que l’on sait du rôle réel des troupes montées en campagne et au combat10. Le présent article est le fruit de ces réflexions sur les représentations picturales de la guerre, réflexions qui sont celles d’un historien du fait militaire et non d’un historien de l’art. Il se veut une contribution à un domaine d’étude sur lequel les synthèses manquent en ce qui concerne cette période. Se cantonnant à la guerre terrestre, bien que les opérations navales aient fait l’objet, elles aussi, de nombreuses représentations11, il laisse également de côté le domaine de l’estampe, dans lequel les représentations du fait militaire sont très présentes (qu’on pense par exemple aux almanachs12) et qui mériterait à lui seul de longs développements.

La production sur les guerres de la période 1688-1715 en France

  • 13  Thomas Kirchner, Le héros épique : peinture d’histoire et politique artistique dans la France du x (...)
  • 14  Voir Claire Constans, Les peintures. Musée national du château de Versailles, Paris, Réunion des m (...)
  • 15  Voir Gérard Sabatier, Versailles ou la disgrâce d’Apollon, Rennes, PUR, 2016, et les contributions (...)
  • 16  Thierry Sarmant, Les demeures du Soleil. Louis XIV, Louvois et la surintendance des bâtiments du r (...)
  • 17  Thierry Sarmant, « “Childhood All Around” : Architecture and the Fine Arts at the End of the Reign (...)

6Commençons par revenir à la situation qui prévaut en France au moment où s’annonce la guerre de la Ligue d’Augsbourg. Les années 1680 correspondent à une période de paix armée avec la politique des Réunions et la guerre franco-espagnole de 1683-1684, qui se traduit dans le domaine artistique par une volonté d’exaltation de la puissance française et d’expression sans fard de la gloire royale et de l’héroïsme du roi de guerre13. La production artistique mise en musique par Colbert pour magnifier le souverain, qui était passée notamment par la réorganisation de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1665 et s’était incarnée notamment dans le programme de la tenture de l’Histoire du roi, connaît alors son plein régime. Dans les décors de Versailles achevés sous l’égide du premier peintre Le Brun (la Galerie des glaces et les salons de la paix et de la guerre sont achevés en 1684)14, dans ceux des réfectoires des Invalides réalisés entre 1678 et 1681, ou encore dans le décor de Marly, résidence bâtie entre 1679 et 1683, le registre mythologique qui avait prévalu notamment dans le décor des Grands appartements à Versailles est devenu inutile et dépassé15. Après le traité de Nimègue, Louis XIV peut et souhaite faire étalage de sa propre grandeur et verser dans l’autoglorification explicite en se faisant représenter à la tête des armées qui ont remporté les succès de la guerre de Dévolution, de la guerre de Hollande puis de la guerre franco-espagnole de 1683. La prise en main de la surintendance des bâtiments du roi par Louvois à la mort de Colbert en 1683, qui confirme cette orientation, a été bien étudiée par Thierry Sarmant16 : Louvois, dont on sait qu’il a été peu sensible à la construction de son image, moins en tout cas que Colbert, n’en a pas moins travaillé avec énergie à la célébration par les arts de la gloire de son maître, y consacrant davantage de moyens que Colbert quand bien même certains programmes sont abandonnés. On sait qu’il a favorisé Mignard au détriment de Le Brun, dont la domination fut de plus en plus contestée jusqu’à sa mort en 1690. Louvois est remplacé à la surintendance des Bâtiments par Colbert de Villacerf, auquel succèdent en 1699 Jules Hardouin-Mansart puis en 1708 le duc d’Antin, dans un contexte de continuité des équipes comme des chantiers17.

  • 18  Pour une mise en perspective des representations de la guerre de siège, voir Martha Pollak, Cities (...)
  • 19  Isabelle Richefort, Adam-François Van der Meulen (1632-1690), peintre flamand au service de Louis (...)

7Lorsque la guerre éclate en 1688, les pinceaux s’appliquent toujours à traduire en peinture les conquêtes royales et donc la guerre de siège18, la guerre de Hollande bénéficiant d’un traitement privilégié. Le principal artisan de cette production, celui qui est resté comme le peintre par excellence des guerres de Louis XIV, est bien sûr Adam-François Van der Meulen, dont l’œuvre est bien connu19. Né en 1632, peintre de batailles formé aux Pays-Bas, il était arrivé en France au début des années 1660 et était devenu le principal collaborateur de Le Brun, notamment pour les travaux de la manufacture des Gobelins. La tapisserie avait constitué l’essentiel de son travail jusqu’au milieu des années 1670, après quoi il avait travaillé au passage du Rhin puis au décor de l’escalier des ambassadeurs à Versailles, consacré notamment aux victoires de 1677. Il voyagea avec les armées aux Pays-Bas et rendit avec faste, selon le goût du roi pour l’ordre et la grandeur, les opérations qui mirent Louis XIV sur le devant de la scène pendant la guerre de Dévolution et la guerre de Hollande, et en premier lieu les sièges. Van der Meulen fut ainsi très sollicité dans les années 1680 et l’épuisement dû à son travail incessant contribua sans doute à sa mort en octobre 1690.

  • 20  Voir Stéphane Castelluccio, « Les “Conquestes du Roy” du château de Marly », dans À la gloire du r (...)
  • 21  Il s’agit des prises de Joux, de Salins, Ypres et Léau.

8L’un des plus importants chantiers sur lequel travaillait alors Van der Meulen était celui des décors de Marly, qui connurent une grande influence grâce à la diffusion des œuvres par la gravure20. Les vestibules et appartements du pavillon royal de Marly accueillirent d’une part des tableaux de peintres de fleurs et d’autre part des scènes militaires susceptibles de satisfaire le roi et l’aristocratie militaire partageant ses campagnes. Les principales œuvres mises en place sont celles de Van der Meulen sur le thème des Conquêtes royales, soit 21 tableaux. Ces commandes lui sont passées en 1680, 1688 et 1689 ; elles concernent les événements de la guerre de Dévolution, de la guerre de Hollande et de la guerre de 1683 (avec la prise de Luxembourg). Les œuvres sont installées à partir de 1684, mais Van der Meulen commence seulement en 1688 une série de tableaux plus hauts que larges dont il a eu le temps de finir quatre tableaux21.

  • 22  Sur l’histoire de la peinture de bataille, voir notamment Arsène Alexandre, Histoire de la peintur (...)
  • 23  Doesburg, Gray, Aire, Fribourg, Orsoy, Grave en format moyen, et Brisach et Strasbourg en grand fo (...)

9Le Van der Meulen de la maturité laisse parler son goût pour la nature, les atmosphères, créant des compositions apaisées, pondérées, visant à l’harmonie entre le paysage et la scène militaire. Les prises de villes sont prétextes à des défilés de troupes et d’états-majors plus qu’à la représentation des opérations elles-mêmes ; on est en tout cas très loin des scènes de bataille dont Jacques Courtois, par exemple, avait été l’un des plus éminents spécialistes au milieu du siècle22. À sa mort, Van der Meulen laissait dans son atelier huit tableaux de la série des Conquêtes destinés à Marly, à l’état d’ébauche ou nécessitant encore des retouches23. Ses disciples Jean-Baptiste Martin et Sauveur Lecomte (pour les grands formats) sont alors chargés de les achever. De son vivant déjà, Van der Meulen, dont l’atelier était l’un des plus productifs de l’époque, s’était largement fait aider par ses collaborateurs, notamment pour d’autres tableaux plus petits destinés aux décors des appartements de Marly. Et ces peintres ont continué à travailler pour Marly sur le thème des Conquêtes du roi après la mort de leur maître : c’est ainsi que sept toiles de Jean Paul, Van Becq, Sauveur Lecomte (une prise de Mons) et Jean-Baptiste Martin (une prise de Namur) rejoignent Marly avant 1695. Mais les difficultés financières de la guerre de la Ligue d’Augsbourg ralentissent les commandes et le travail. Par ailleurs, après la mort de Mignard en 1695, la charge de premier peintre du roi demeure vacante.

  • 24  Les commandes et paiements sont documentés dans les Comptes des Bâtiments du roi sous le règne de (...)
  • 25  C’est ainsi que la Bataille héroïque de Salvator Rosa est retirée de Versailles sur demande de Lou (...)
  • 26  Thierry Sarmant, dans Julia Prest et Guy Rowlands (dir.), The Third Reign of Louis XIV, op. cit.

10La commande royale de 1689 pour Marly est relancée seulement dix ans plus tard et, à cette date encore, Louis XIV choisit de maintenir les sujets fixés en 1689, c’est-à-dire les sièges des guerres antérieures à celle de la Ligue d’Augsbourg, semble-t-il parce que nombre de dessins préparatoires de Van der Meulen existaient qui pouvaient servir à ses successeurs24. Il était donc plus simple de les exploiter que de financer de nouveaux voyages et de nouveaux travaux préparatoires sur les lieux des opérations des années 1690. Par ailleurs le goût du roi le portait davantage vers l’ordonnancement majestueux des peintures de Van der Meulen que vers les compositions de style plus enlevé qu’auraient pu lui proposer d’autres artistes25. On le sait, on assiste alors à un changement d’époque dans les aspirations de Louis XIV, qui semble se convertir aux sujets légers, plaisants, champêtres, et souhaiter « de l’enfance répandue partout26 ». Les tableaux de fleurs et les paysages prennent le pas sur les tableaux de bataille dont on recherche surtout l’effet décoratif plus que le caractère de témoignage sur des événements précis. En tout état de cause, dans une volonté de cohérence, on privilégiait les représentations de siège aux figurations de batailles. Pour toutes ces raisons, on poursuivit sur la lancée de Van der Meulen en en restant pour l’essentiel aux sujets des Conquêtes du roi, enrichies toutefois des prises de Mons en 1691 et Namur en 1692. De nouveaux tableaux arrivent donc à Marly avant 1701 (date d’une description par l’historiographe Piganiol de la Force) et jusqu’en 1715, dont certains dus à Pierre-Denis Martin également, mais aucun ne représente les opérations de la guerre de Succession d’Espagne. Notons d’ailleurs que le roi modifia dans les années 1700 la disposition des tableaux, en remplaçant certains par d’autres qui appartenaient toujours à la série des grands sièges jusqu’à celui de Luxembourg.

  • 27  Frédéric Lacaille, « Les grands, la peinture et la guerre, galeries et grands ensembles consacrés (...)
  • 28  Se reporter aux contributions de Paul Duque Estrada Guerra et Stéphane Castelluccio dans À la gloi (...)

11Précisons que Van der Meulen ne travaillait pas seulement pour le roi dans les années 1680, mais également pour de riches commanditaires dont Mademoiselle de Montpensier pour son château de Choisy (huit tableaux sont conservés sur les seize que comptait son cabinet des conquêtes, qui présentaient des répliques ou versions alternatives des conquêtes de Marly)27. De même que Seignelay qui commanda vingt tableaux pour son château de Sceaux, Louvois demanda également à Van der Meulen pour Meudon des répliques des Conquêtes du Roy de Marly, dans le but d’orner une galerie entière de seize tableaux de grand format28. Le travail était loin d’avoir été fini à la mort de Van der Meulen, qui avait eu le temps de réaliser sept tableaux ; Louvois demanda à ses collaborateurs de poursuivre le travail, avant de mourir à son tour. Le Grand Dauphin, qui reçut le château en 1695, n’apporta pas de modifications à cet ensemble. L’essentiel des peintures a survécu malgré la destruction du château, mais comme tout l’atelier de Van der Meulen a travaillé pour Meudon (on peut parler de production en série), les attributions des inventaires du xviiie siècle sont contradictoires et ne permettent plus de distinguer qui a peint quoi. On connaît également une série sur les Conquêtes du roi qui se trouvait à l’hôtel de La Vallière à Paris, et est aujourd’hui conservée au château de Schleissheim en Bavière.

  • 29  Laure Starcky, « L’artiste et ses collaborateurs », dans À la gloire du roi, op. cit., p. 297-307.

12On ignore tout ou presque de plusieurs collaborateurs de Van der Meulen à la fin de sa vie, tels Everts, Rosbeck, ou encore Jean-Baptiste Du Ru, désigné comme « peintre des conquêtes du roi » en 1709. Mais d’autres sont un peu mieux connus29. C’est le cas de Jean-Baptiste Martin (Paris, 1658-1735) dit Martin des Batailles, ou Jean-Baptiste l’Ancien pour le différencier de son fils Jean-Baptiste Martin, actif au xviiie siècle, et de Pierre-Denis Martin. Il avait levé des plans pour Vauban, était entré dans l’atelier de Van der Meulen en 1674 et était devenu peintre du roi depuis 1683. Il fut le successeur de Van der Meulen aux Gobelins et devint premier peintre des conquêtes du roi. On en conserve un portrait attribué à Claude Lefèbvre, mais la documentation manque sur sa carrière et on ne dispose pas d’une synthèse récente à son sujet. Il peignit des vues des châteaux royaux pour Trianon, mais se spécialisa dans les sujets militaires. Comme Van der Meulen, il était présent sur le théâtre de la guerre, accompagnant Monseigneur lors des campagnes de 1688-1689 et le roi lors des sièges de 1691 et 1692. Il réalisait comme son maître des dessins et aquarelles sur place (on en conserve pour Mons). Sa Prise de Namur réalisée pour le cycle des Conquêtes du roi est placée à Marly par Louis XIV en 1693. Il fut également chargé d’élargir les quatre grands tableaux de deux vestibules de Marly en 1702.

  • 30  Fadi El Hage, Le maréchal de Villars. L’infatigable bonheur, Paris, Belin, 2012.

13C’est lui que choisit le maréchal de Villars pour représenter ses victoires en son château de Vaux-le-Vicomte, acquis en 170530. Martin réalisa dix tableaux, dont le Siège de Fribourg est encore conservé sur place. On trouvait les combats de la jeunesse de Villars durant la guerre de Hollande mais aussi la bataille de Mohacs de 1687, le combat de Leuze, le passage dans les Montagnes noires en 1703, Höchstaedt (1703), la défense de la Moselle en 1705, Malplaquet, Denain, la prise de Douai en 1712, la prise de Fribourg et celle de Landau en 1713, et bien sûr le congrès de Rastatt.

  • 31  Numéro d’inventaire 1811.5, anciennement décrite comme une bataille livrée par le Grand Condé.

14Notons que la production de Jean-Baptiste Martin connut des formes relativement variées à côté du modèle imposé par Van der Meulen. On lui attribue la vue panoramique des travaux du siège de Mons, qui renoue avec la vue topographique de la première moitié du siècle. On trouve trace d’autres tableaux attribués à Martin passés en ventes, comme une prise de Barcelone en 1697. Lui sont attribués une bataille conservée à Rouen31 et deux tableaux consacrés à Cassano et Calcinato (ill. X) conservés au musée de l’armée de Vienne, dans un style plus enlevé, assez éloigné de celui auquel est associé cet artiste en France. Il réalisera également une série sur la prise de Belgrade et les victoires du prince Eugène vers 1717.

  • 32  Mathieu Deldicque, « La galerie des batailles de Chantilly », dans Mathieu Deldicque (dir.), Le Gr (...)

15Autre élève et l’un des principaux collaborateurs de Van der Meulen, Sauveur Lecomte, déjà cité, est né en 1659 d’un peintre de natures mortes, et est entré dans l’atelier de Van der Meulen en 1674 juste avant Jean-Baptiste Martin. Devenu peintre du roi en 1684, il est mort jeune en 1694. Il fut chargé à la mort du maître de terminer ses toiles, avec le titre de « peintre ordinaire des Conquestes du Roy dans l’hostel des Manufactures royales des Gobelins ». Il travailla pour Marly mais il est surtout connu pour la galerie des batailles du château de Chantilly, soit douze peintures réalisées entre 1686 et 1694 et consacrées aux victoires remportées par le Grand Condé entre 1640 et 1674. Il bénéficia de la collaboration de Michel Corneille qui avait travaillé aux Invalides avec Parrocel et Friquet de Vauroze. Il s’inspire pour les paysages des gravures de Beaulieu, d’où là encore ce retour aux vues plongeantes du premier xviie siècle32.

16Pierre-Denis Martin ou Martin le Jeune (1663-1742) appartenait également à l’atelier de Van der Meulen. Décrit tantôt comme un neveu, un cousin ou un homonyme de Jean-Baptiste Martin, il fut avant tout un spécialiste des Maisons royales. Mais il fut également mis à contribution à Marly après la mort de Sauveur Le Comte en 1694, réalisant plusieurs vues des sièges de la guerre de Hollande. Il collabora de près avec Jean-Baptiste Martin de sorte que les attributions sont parfois complexes. En 1699 Louis XIV lui demanda six dessus de porte pour Marly à motifs militaires ; ils furent jugés décevants et le roi demanda que Martin l’Aîné et Parrocel les retravaillent. On connaît également son célèbre tableau sur l’entrée de Louis XIV aux Invalides, qui met en avant trois grandes figures militaires décédées au moment de la réalisation de l’œuvre que sont Turenne, Condé et Luxembourg. Les deux tableaux sur Fleurus et Neerwinden évoqués en introduction, qui lui sont également attribués, sont d’un style différent puisqu’il s’agit de batailles. Le tableau sur Fleurus est intéressant en ce qu’il s’efforce de saisir la manœuvre de contournement magistrale tentée et réussie par les troupes françaises, d’où le caractère original et assez peu lisible de l’œuvre. Le second tableau, qui semble de moins bonne qualité, figure les lignes derrière lesquelles Guillaume III a abrité son armée mais que l’armée française est parvenue à emporter.

  • 33  Galeries historiques du palais de Versailles, t. II, Paris, Imprimerie royale, 1839.

17On constate que dans l’œuvre de Van der Meulen et de ses continuateurs à Marly, dans le contexte d’un château de plaisance, l’action militaire est presque secondaire par rapport aux paysages. On est par ailleurs dans l’imitation de modèles bien installés qui ne laissent guère de libertés aux artistes, qui semblent se contenter, pour saisir l’ensemble du champ de bataille, d’imiter sans grand génie les vues topographiques jadis utilisées pour figurer les sièges. Les catalogues de Versailles signalent certains tableaux du temps consacrés aux événements de la guerre de Succession d’Espagne, mais on est moins bien documenté sur ces œuvres dont on ne connaît certaines que par la gravure : une bataille de Spire, une bataille de Cassano, une prise des lignes de Stolhoffen ou encore un siège de Lérida33.

  • 34  Jérôme Delaplanche, Joseph Parrocel (1646-1704), op. cit.

18C’est un tout autre style que pratique le peintre de bataille français le plus intéressant de l’époque qu’est Joseph Parrocel (1646-1704), qui privilégie l’action ainsi que la vigueur et la couleur. C’est un coloriste, partisan des idées développées par Roger de Piles dans le cadre de ce qu’on a appelé la querelle du coloris, opposant une approche sensualiste prisant l’effet, l’émotion et la couleur à une approche privilégiant le dessin et l’idée du tableau34. Parrocel peint des chocs de cavalerie, des batailles entre Chrétiens et Turcs suivant un modèle très répandu en Europe, des scènes militaires très diverses. C’est dans les années 1680 qu’il atteint le sommet de sa carrière avec la commande officielle de onze toiles pour la salle du Grand couvert à Versailles, réalisées entre 1685 et 1688. Parrocel choisit d’y représenter dans un style très personnel des scènes de fantaisie sans rapport avec des événements précis, mélangeant décors médiévaux et costumes à l’antique.

  • 35  Ibid.

19Plus intéressant dans notre perspective est le tableau commandé au même moment pour la salle des gardes, livré en 1685. Il s’agit de la fameuse Charge des gardes du corps du roi qui a longtemps, dès le xviiie siècle d’ailleurs et jusqu’à récemment, été identifiée comme une représentation du combat de Leuze de 1691, dans la mesure où ce combat a vu la maison du roi s’illustrer avec éclat35. Ce tableau très vivant fut apprécié mais les thèmes traités dans la salle du grand couvert le furent moins et Parrocel vit ses commandes s’espacer. Il perdit son protecteur avec la mort de Louvois. Il fallut attendre 1699 pour que le roi commande à Parrocel pour son appartement à Marly un tableau « de siège ou de bataille, dont on choisira le sujet le plus convenable et qui ne ressemble point aux autres sujets ». Parrocel peignit Le passage du Rhin mais le roi n’apprécia pas la taille des figures ni les couleurs, qui tranchaient trop avec les autres tableaux présents, et commanda une autre toile à Jean-Baptiste Martin. Parrocel exposa cette même année 1699 seize tableaux au Salon du Louvre, dont des sujets militaires, mais il s’agissait davantage de marches et de corps de garde que de batailles précises. Jusqu’à sa mort en 1704, il se consacra surtout à des tableaux de genre et notamment à des scènes de chasse.

20Mais on sait grâce à Jérôme Delaplanche qu’à côté d’une production nombreuse de batailles sans protagonistes identifiés, Parrocel a peint dans les années 1690 des œuvres représentant et les campagnes de la guerre de Hollande et celles de la guerre de la Ligue d’Augsbourg. On peut en effet voir dans deux tableaux conservés à l’hôtel de Brienne, résidence du ministre des Armées, un siège de Valenciennes (mars 1677) et un siège de Cambrai (avril 1677) qui sont des pendants. Sur le premier, Louis XIV donne l’ordre de l’assaut de la place, sur l’autre il préside à l’action d’une batterie d’artillerie. Les tableaux sont en mauvais état et ont été maladroitement restaurés, notamment les figures. On voit qu’ici Parrocel s’est assagi et se plie au modèle consacré par Van der Meulen. Les tableaux datent des années 1690 mais on ne sait rien sur leur contexte de production et leur réception.

21Par ailleurs, deux tableaux conservés au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg (car acquis par Catherine II) et intitulés L’attaque de batterie et Combat de cavalerie peuvent être identifiés, d’après Jérôme Delaplanche, l’un comme le siège de Namur de 1692 et l’autre comme le combat de Leuze (ill. XI et XII). L’identification du siège de Namur est à peu près certaine (le site est assez reconnaissable), et comme les deux tableaux, de même format, sont des pendants, il est probable que le combat de cavalerie représente Leuze. Parrocel y met en avant le feu de l’artillerie qui lui permet un effet de contre-jour intéressant (on peut se demander si Parrocel a souhaité représenter un général en particulier). On ne sait pas à qui étaient destinés ces tableaux, qui ont certainement été commandés par des généraux, des membres de la Cour voire de la famille royale. Parrocel peint aussi vers 1700 une reddition de Mons (1691) et un siège de Namur (1692), deux pendants à nouveau conservés en collection particulière, comme nombre de tableaux de cet artiste d’ailleurs.

  • 36  Le cycle, conservé au palais d’hiver du prince Eugène à Vienne, comprend également les batailles d (...)
  • 37  Emmanuelle Brugerolles, Une dynastie de peintres : les Parrocel, Carnets d’étude de l’École nation (...)

22Joseph Parrocel avait accueilli dans son atelier, dans les années 1680, son neveu Jacques-Ignace Parrocel (1667-1722), peintre de bataille également, qui peignit essentiellement dans les années 1700 des batailles ou scènes militaires en costumes antiques, assez peu variées, mais également des scènes historiques dont un cycle de sept batailles pour le prince Eugène dont la pièce la plus connue est le siège de Turin36. Mais son héritier le plus connu reste son propre fils Charles Parrocel (1688-1752), dont la riche carrière s’étend toutefois au-delà des bornes de cette étude37.

  • 38  Stéphan Perreau, Hyacinthe Rigaud (1659-1743), catalogue concis de l’œuvre, Montpellier, Les Nouve (...)
  • 39  Visages du grand Siècle. Le portrait français sous le règne de Louis XIV, Paris, Somogy, 1997.

23Parrocel fut aussi l’un des collaborateurs de Hyacinthe Rigaud (1659- 1743), qui lui laissait volontiers la charge des scènes militaires constituant l’arrière-plan de ses portraits de membres de la famille royale ou de généraux38. Car il faut rappeler que si la période qui nous intéresse voit un certain désintérêt pour la grande peinture de bataille en France, c’est au contraire une période faste pour les portraits peints, qu’on pense à l’œuvre de François de Troy (1645-1730) ou Nicolas de Largillierre (1656- 1746) et bien sûr à Hyacinthe Rigaud39. Et les portraits de généraux ou de membres de la famille royale sur fonds de combat dont ce dernier s’est fait le spécialiste deviennent l’un des types de représentation du fait guerrier les plus répandus et appréciés. Dans cette production très normée, le combat est rejeté en arrière-plan et ces fonds sont presque interchangeables tant le travail se fait en série. Parrocel a ainsi apporté sa patte auprès de Rigaud dans le Portrait de Louis XIV en armure conservé à Madrid, qui représente en fond le siège de Namur (Parrocel fut payé en 1696 pour ce travail). Il en va de même pour le portrait du Grand Dauphin devant le siège de Philippsbourg de 1688, ou pour le portrait du duc de Bourgogne. Mais les généraux sont également nombreux à se faire portraiturer, Rigaud étant bien sûr très recherché.

24Louis XIV lui-même, on le sait, ne fut pas en reste et les derniers grands sièges auquel il a participé au cours de la guerre de la Ligue d’Augsbourg ont suscité de nombreux portraits du souverain, que l’on pense au portrait de Louis XIV à cheval couronné par la victoire devant Namur de Mignard, peint en 1694, ou aux différentes versions du Louis XIV roi de France et de Navarre de Houasse qui, peint tardivement, représente le roi assez jeune au point qu’il faille plutôt y voir un siège de la fin de la guerre de Hollande.

  • 40  Joël Cornette, La mort de Louis XIV, op. cit., p. 187.
  • 41  Maxime Préaud, Sébastien Leclerc, Paris, Bibliothèque nationale, 1980, 2 vol. (Inventaire du fonds (...)

25La France des années 1688-1715 continue donc de mettre surtout en image les conquêtes du roi de la période allant de 1667 à 1684 ou 1692 au moins autant que les événements des guerres en cours, alors même que les victoires à exalter ne manquent pas et que le fait qu’elles deviennent de plus en plus rares aurait pu justifier des commandes officielles plus nombreuses dans une perspective de soutien de l’effort de guerre du royaume. Des œuvres consacrées aux événements de la guerre de la Ligue d’Augsbourg, notamment, les plus connues concernent des sièges qui permettent de flatter la gloire du monarque (constat qui n’est certes pas spécifique à cette période) et au-delà de souligner la puissance implacable déployée par la volonté du roi lors d’opérations exigeant des moyens colossaux40. L’éloignement de Louis XIV du théâtre de la guerre a donc pesé d’un grand poids dans la visibilité des opérations postérieures au siège de Namur de 1692, puisque c’est surtout le roi et son action qu’on représentait, avant que ce ne soit celle de Philippe V qui serve à illustrer la gloire de la dynastie. Pour autant, les victoires des années 1688-1714 sont représentées en gravure, dans des feuilles volantes ou des almanachs présentant des estampes originales à côté de reproductions de tableaux. Mais là encore, lorsque Sébastien Leclerc publie en 1702 une série de huit planches sur « Les petites conquêtes du Roi », faisant suite aux « Tapisseries des grandes conquêtes du Roi » réalisées en 1680-1683 d’après Le Brun, seuls deux événements de cette période sont reproduits, à savoir le combat de Leuze et le siège de Namur de 169241.

  • 42  Julie Anne Plax, « Gloire Surrenders : Watteau’s Military Paintings », dans Geoffrey Quilley et Jo (...)
  • 43  Arlette Farge, Les fatigues de la guerre. xviiie siècle, Watteau, Paris, Gallimard, 1996, et « Qua (...)
  • 44  Laurence Bertrand-Dorléac (dir.), Les désastres de la guerre, 1800-2014, Paris, Somogy, 2014.
  • 45  Aaron Wile, Watteau’s Soldiers. Scenes of Military Life in Eighteenth-Century France, New York/ Lo (...)

26Il faut toutefois évoquer, au terme de ce rapide panorama, l’œuvre d’Antoine Watteau (1684-1721), qui réalise une douzaine de tableaux à sujet militaire entre 1709 et 171442 ; plusieurs ont disparu, mais il en reste des gravures étudiées notamment par Arlette Farge43. Le jeune Watteau a alors vingt-cinq ans et, natif de Valenciennes, où il retourne en 1709, il peint la vie militaire plutôt que la guerre (ill. XVI). D’où ces scènes de camp volant, bivouac, recrue allant rejoindre le régiment, etc., qu’on interprète volontiers aujourd’hui comme le fruit d’une sensibilité nouvelle aux malheurs de la guerre44. Ce n’est pourtant pas tant le sujet des œuvres de Watteau qui tranche par rapport à ses devanciers (les scènes de la vie militaire ayant inspiré tout un pan de la peinture de genre du Siècle d’Or hollandais) que le traitement qui en est fait, mettant en avant l’expérience intime et la psychologie de l’individu confronté au contexte guerrier et au bouleversement des liens interpersonnels45.

Regard sur l’étranger

  • 46  Jérôme Delaplanche et Axel Sanson, Peindre la guerre, op. cit., p. 117.
  • 47  Les victoires de Charles V avaient auparavant été illustrées par les peintures de Charles Herbel q (...)

27Si, en France, la peinture officielle s’intéresse peu aux scènes contemporaines, surtout après la guerre de la Ligue d’Augsbourg, les princes alliés qui remportent de nombreuses victoires contre Louis XIV au cours de la guerre de Succession d’Espagne n’ont pas manqué d’exalter leurs succès. À cet égard le décalage est patent entre la production officielle d’une monarchie fatiguée de la guerre dont le roi est devenu absent du théâtre des opérations et celle que connaissent des royaumes dont les souverains paraissent avec éclat sur les champs de bataille, qu’on pense à Guillaume III, Charles XII ou Pierre le Grand. Ces commandes font suite, il faut le noter, à celles passées pour célébrer les victoires remportées dans le cadre des guerres austro-turques à partir de l’échec du siège de Vienne en 1683. Le modèle de la bataille topographique illustré par Van der Meulen, qui était devenu un élément à part entière du style français, connaît à cette époque une large diffusion, par exemple en Suède dans les galeries de batailles consacrées par le peintre allemand Johann Philipp Lemke (1631-1711) aux victoires de Charles X et Charles XI46. Les artistes français sont prisés par les princes européens, à l’instar du duc de Lorraine Léopold, qui commande en 1710 à Jean-Baptiste Martin une suite de vingt tableaux sur les campagnes de son père le duc Charles V pour son château de Lunéville, qui furent exécutés en tapisserie en 171747.

  • 48  Juan J. Luna Fernandez, « Guerra y pintura en las colecciones del Museodel Prado, desde el siglo x (...)

28L’Espagne de Philippe V fit également appel à des artistes français mais, avant l’arrivée de Jean Ranc à Madrid, ce sont à des artistes italiens que l’on doit les représentations des victoires des Bourbons dans la Péninsule, comme la bataille d’Almanza de 1707 par Buonaventura Ligli (Italien disciple de Luca Giordano), peinte en 1709 et conservée au musée du Prado48. Le Kunsthistorisches Museum de Vienne conserve par ailleurs une bataille d’Almenar et une bataille de Saragosse de 1710, d’auteur inconnu.

29Autre peintre étant passé par l’atelier de Van der Meulen, Dominique Nollet (vers 1640-1736), né à Bruges vers 1640, était retourné dans les Pays-Bas vers 1680 après son expérience parisienne. Il devint premier peintre de Maximilien-Emmanuel de Bavière, gouverneur des Pays-Bas à partir de 1692, auquel il se lia toute sa carrière. Il peignit ses campagnes dont plusieurs batailles contre les Turcs ainsi que des paysages. Max-Emmanuel de Bavière, à son retour dans ses États à la fin de la guerre de Succession d’Espagne, commandera aussi au peintre Franz Joachim Beich (1666- 1748) une série de scènes de batailles pour la salle des victoires du palais de Schleissheim.

  • 49  Guy Delmarcel, La tapisserie flamande du xve au xviiie siècle, Paris, Imprimerie nationale, 1999.

30Max-Emmanuel de Bavière s’est par ailleurs vu livrer en 1696, sur des cartons de Lambert de Hondt le Jeune (avant 1655-1708/1709), une tenture de huit pièces intitulée « L’art de la guerre » dont une série se trouve à Schleissheim et l’autre à Blenheim Palace ; elle représente des scènes militaires (camp, marche, embuscade…) plus que des combats identifiés49. Le même artiste a également dessiné une série sur les victoires du duc de Marlborough, l’un des grands commanditaires du temps pour son château de Blenheim, dont on conserve également des tableaux par son fils Philippe de Hondt (1683-1741). Marlborough fut également représenté par Pieter van Bloemen (1657-1720) à Blenheim, puis par John Wootton (mort en 1764) dans une bataille d’Oudenarde.

  • 50  Peter Harrington, British Artists and War : The Face of Battle in Paintings and Prints, 1700-1914, (...)

31Mais d’autres types de représentations s’épanouissent, inspirées de la veine flamande et hollandaise. Commençons par signaler les tableaux peints à la gloire du héros du camp protestant qu’est Guillaume III, monarque qui est aussi en quête de légitimité. Outre les inévitables portraits en armure, on le voit ainsi figuré en souverain chef de guerre et victorieux dans les tableaux composés par des peintres venus des Provinces-Unies comme Jan van Huchtenburg (1647-1733) et Jan Wyck (1652-1702), tous deux ayant par exemple peint les succès emblématiques de Guillaume III à la Boyne en 1690 et à Namur en 1695, ou encore Dirk Maas (1659-1717), qui accompagna le prince d’Orange en Angleterre et représenta également par la peinture et la gravure la bataille de la Boyne d’après des dessins réalisés sur place50. Pour l’école anglaise, mentionnons encore Joshua Ross qui composa plusieurs vues de batailles dans les années 1700 et 1710.

  • 51  Torino 1706. L’alba di un regno, Turin, Editrice Il Punto, 2006. Sur l’exaltation des victoires du (...)

32Il faut surtout ici retenir l’œuvre de Jan van Huchtenburg, originaire de Harlem où il se forma à l’école de Philippe Wouvermans. Il avait travaillé sous Van der Meulen à Paris à la fin des années 1660 avant de retourner à Harlem vers 1670. Il produisit énormément entre les années 1670 et 1710, mais son œuvre demeure assez mal connu. Il fut marqué par les œuvres du Van der Meulen de la première manière, des escarmouches et des mêlées tumultueuses que Parrocel était l’un des seuls à produire en France. Il brilla autant dans les grands tableaux représentants des combats contemporains, comme celui de Ramillies du Rijksmuseum d’Amsterdam (ill. XIII), que dans les tableaux de genre. Citons également, parmi ses œuvres conservées, le prince Henri Casimir de Nassau commandant un combat (1692, Rijskmuseum), la bataille de Chiari de 1701 (conservée à Turin), une bataille de Blenheim. Eugène de Savoie lui commanda en 1708-1709 une série de dix scènes de batailles de grand format en partie conservées aujourd’hui à la Galleria Sabauda à Turin (on trouve notamment les batailles de Zenta, de Cassano et de Turin)51. Il travailla ensuite pour l’électeur palatin.

  • 52  Gwenola Firmin, Francine-Dominique Lichtenhan et Thierry Sarmant (dir.), Pierre le Grand, un tsar (...)

33Enfin, il faut citer les œuvres représentant la grande guerre du Nord, même si elles sont pour certaines immédiatement postérieures à 1715 : ainsi de la bataille de Riga de 1701 par Johann Philip Lemke (1631-1711), avant celles de Lesnaya (1708) par Jean-Marc Nattier (1717) et de Poltava par le portraitiste français Louis Caravaque qui fit carrière en Russie (1717 également)52.

  • 53  Pour un aperçu sur la production relative à la prise de Barcelone de 1714, voir Memoria grafica de (...)
  • 54  Guillaume Corue, « L’art de la guerre : la bataille de Malplaquet à travers l’iconographie anglais (...)

34Retenons de cette trop rapide évocation que le contraste est assez net entre les modes de représentations de la guerre parmi l’école française et les solutions formelles prisées de nombreux peintres à l’étranger, même si la représentation des sièges par exemple reste souvent très conventionnelle53. On le constate d’ailleurs aussi dans la gravure dans la mesure où les estampes allemandes, anglaises ou hollandaises montrent des mêlées furieuses pleines de fumées et de violence (ill. XIV), dont les œuvres de Romeyn de Hooghe depuis la guerre de Hollande sont l’archétype : c’est le cas encore pour les batailles de Blenheim (ill. XV), Ramillies ou Malplaquet54.

Guerre et représentation de la guerre

  • 55  Voir Mathieu Deldicque (dir.), Le Grand Condé, op. cit.

35On constate donc, pour en rester au contexte français, que la fin du règne, à partir du début des années 1690 plutôt que 1688, correspond indiscutablement à une période creuse en termes de représentation des faits d’armes des armées françaises, phénomène qui n’est pas tant lié aux échecs de ces campagnes et à la remise en cause de la supériorité militaire française pendant la guerre de Succession d’Espagne qu’à l’éloignement de Louis XIV du théâtre de la guerre et au resserrement des commandes officielles sur les conquêtes du roi. Ce phénomène découle également de l’essoufflement des grands programmes impulsés par la monarchie, Van der Meulen n’ayant pas vraiment connu de successeur dans une période marquée par une certaine diversification des commanditaires et des styles ainsi que par la fameuse querelle du coloris. L’évolution du goût du roi et de la Cour les éloigne des représentations belliqueuses, les scènes guerrières elles-mêmes se faisant agrestes ou décoratives. La tendance naturaliste qui succède au langage allégorique du début du gouvernement personnel de Louis XIV n’empêche pas que ce soit une vision déréalisée de la guerre qui continue à prédominer. Au-delà des commandes royales, si les galeries de batailles connaissent une certaine mode, le cycle glorifiant Condé est alors déjà réalisé en grande partie et Villars semble être en France le seul grand général ayant commandité des images de ses hauts faits55. Faut-il pour autant attribuer ce qui semble être un intérêt moindre pour la peinture de bataille au tournant du siècle à l’évolution des mentalités vis-à-vis de la guerre qui se fait jour parmi les hommes de lettres voire à un discrédit de l’idéologie guerrière du fait des malheurs subis par le royaume ?

  • 56  Voir Jérôme Delaplanche, « Pour une approche typologique de la peintyre de bataille du xviie siècl (...)
  • 57  Giancarlo Sestieri, I battaglisti. La pittura di battaglia dal xvi al xviii secolo, Rome, De Luca, (...)

36Notons à ce sujet que la peinture de bataille ne se résume pas aux commandes officielles ni à la représentation d’événements identifiables56. La peinture de genre sur le modèle des peintres des Pays-Bas du premier xviie siècle ou de l’école italienne continue d’intéresser les collectionneurs, et une nouvelle génération de peintres tente de renouveler les mêlées de cavalerie dont Van der Meulen était un spécialiste au début de sa carrière. On peut évoquer pour l’école flamande Pieter van Bloemen, déjà cité. Mais c’est en Italie surtout que la bataille tumultueuse inspire les artistes les plus nombreux au tournant du siècle57. Citons Antonio Calza (1658-1714), élève de Jacques Courtois à la fin de sa vie, qui se spécialise dans les combats de cavalerie et autres batailles entre Chrétiens et Turcs avant de travailler ensuite à Vienne pour le prince Eugène et de peindre une bataille de Belgrade. Citons aussi Ilario Spolverini (1657-1734), Francesco Graziani, actif à Naples et membre d’une dynastie de peintres de bataille, Francesco Monti dit Il Brescianino (1646-1712), Antonio Maria Marini (1668- 1725), ou enfin Christian Reder (1664-1729), actif en Italie, auteur de scènes de bataille et de la vie militaire.

  • 58  Michèle Virol, « Le siège de Namur de 1692 : l’héroïsme et la technique », xviie siècle, juillet 2 (...)

37Malgré la liberté de style dont font preuve certains de ces bataillistes, ces différents types de production montrent en général un caractère assez conventionnel, usant de motifs canoniques (bataille topographique, bataille de commandement, choc de cavalerie, scènes de corps de garde, marches…) inlassablement réinterprétés par les artistes suivant leurs différentes sensibilités. La peinture de bataille comme genre est une peinture d’amateurs en grande partie, amateurs nobles ou parfois bourgeois qui apprécient l’effet produit par ces combats violents, et se plaisent à voir les valeurs aristocratiques de courage individuel ainsi illustrées. Au-delà de ces conventions et de ces archétypes, les artistes cherchent-ils à représenter les guerres de leur temps ? Van der Meulen notamment s’est certes spécialisé dans la représentation des sièges, assimilés à l’une des caractéristiques les plus saillantes de la guerre moderne et de sa technicité nouvelle58, mais au-delà les peintres semblent ne s’intéresser que peu à l’évolution des pratiques du combat, dans lequel l’arme à feu joue un rôle toujours croissant. Ainsi la cavalerie est notablement surreprésentée au détriment du combat d’infanterie. Le feu est présent mais c’est celui des pistolets de cavaliers tirant à brûle-pourpoint plus souvent que celui des fusils ou des canons (sauf lors des sièges). L’arme blanche est très présente mais là encore c’est l’épée du cavalier et pas la baïonnette. Les mutations de l’armement et de l’art de la guerre en général apparaissent donc peu dans ces œuvres, dont certaines se plaisent toutefois à figurer l’étendue des lignes de batailles déployées par des armées dont les effectifs ont notablement cru. La petite guerre, exclue de la peinture officielle, est essentiellement représentée dans la peinture de genre.

  • 59  Notons que la période 1688-1715 est assez présente dans les galeries historiques inaugurées à Vers (...)
  • 60  Paul Vo-Ha, Rendre les armes. Le sort des vaincus, xvie-xviie siècles, Ceyzérieu, Champ Vallon, 20 (...)

38La faiblesse de la production picturale consacrée aux dernières guerres de Louis XIV et la visibilité réduite des œuvres existantes (malgré le caractère sélectif des notables exceptions que nous avons relevées) semblent ainsi avoir joué un rôle important non seulement dans l’image des dernières guerres de Louis XIV dans les représentations collectives, mais aussi dans le regard que porte l’historiographie sur la guerre à cette époque et sur ses évolutions59. Par ailleurs les voies propres aux différentes écoles picturales ne sont sans doute pas sans rapport avec les spécificités des traditions historiographiques nationales. La France associe le règne de Louis XIV à la guerre de siège, à la guerre réglée et maîtrisée, d’autant plus que les programmes officiels ont privilégié les sièges au détriment des batailles et le goût de Van der Meulen au détriment de celui de Parrocel. Or la disparition de la bataille relève tout autant de la fausse évidence que l’abaissement général des seuils de violence dans les guerres de Louis XIV60. L’après 1675 semble en France un temps de recul de la bataille et de crise des modèles tactique, quand les succès de Marlborough et du prince Eugène donnent sous d’autres cieux, par exemple sous le pinceau d’Huchtenburg, une image assez différente de la guerre à cette période, une guerre dans laquelle la bataille et les mêlées violentes sont toujours présentes, quand elle n’est pas faite de bombardements et de destructions comme sous le burin des graveurs hollandais notamment.

  • 61  Solange Rameix, Justifier la guerre. Censure et propagande dans l’Europe du xviie siècle (France-A (...)

39Autre point à souligner, on remarque qu’en France au moins la propagande royale ne passe plus guère par la peinture à la toute fin du règne. On vit sur un style et un stock d’images qui peinent à se renouveler, mais qui continuent à se diffuser en Europe puisqu’il faut prendre en compte le temps long de la réception des œuvres et du goût français par la gravure, la tapisserie, d’où un inévitable décalage et l’illusion sans doute qu’il n’y a nul besoin de renouvellement. Tout porte à croire que l’on ne cherche pas à contrer la propagande ennemie par de nouveaux cycles de représentations adaptées au contexte des années 1690-1700. Ce sont la gravure et les almanachs qui semblent les vecteurs privilégiés, dans lesquels on compte d’ailleurs nombre de représentations de combats, mais semble-t-il à destination d’un public français plus que d’un public extérieur, au contraire de ce qu’a constaté Solange Rameix sur les pamphlets61.

*

  • 62  Isabelle Bruller, « Des artistes au service de professionnels : l’art et l’art de la guerre, genès (...)

40Il faudra finalement attendre les années 1740, celles de la guerre de Succession d’Autriche et de ses victoires, pour que le contexte stratégique, institutionnel et artistique permette le lancement d’un nouveau programme de tableaux de bataille officiels. C’est l’apparition des peintres rattachés au Dépôt de la guerre, documentés pour la première fois en 1744, et dont l’un des objectifs premiers est de documenter les conflits à des fins didactiques au bénéfice de l’institution militaire, dimension absente des œuvres de la période qui nous intéresse quand bien même les tableaux de Van der Meulen, par exemple, peuvent à bon droit revendiquer une valeur documentaire sur les techniques de la guerre de siège notamment62. Au service du département de la Guerre et plus seulement du souverain et de l’administration des Bâtiments du roi, une nouvelle génération d’artistes s’épanouit alors derrière Charles Parrocel (dont la tradition dit que, né en 1688, il a brièvement porté les armes durant la guerre de Succession d’Espagne), au sein de laquelle s’illustrent Pierre Lenfant, Charles Cozette, Louis Le Paon ou Louis-Nicolas Van Blarenberghe. Ces artistes sont à l’origine de ce qu’on appelle la collection du ministre, conservée à Vincennes en partie (ainsi de la bataille de Lutzelberg par Pierre Lenfant au Pavillon du Roi), mais dont certaines œuvres furent envoyées à Versailles lors de la création par Louis-Philippe du Musée de l’histoire de France. Elles y ont rejoint les œuvres de Van der Meulen qui avait été à bien des égards le modèle fondateur de ces artistes officiels, lui dont la manière a durablement marqué le goût français en matière de peinture de bataille et les représentations collectives sur la guerre à l’époque de Louis XIV.

Notes

1  La bibliographie en la matière est particulièrement riche. Voir notamment Peter Burke, Louis XIV. Les stratégies de la gloire, Paris, Seuil, 1995 [1992] ; Joël Cornette, Le roi de guerre : essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle, Paris, Payot, 1993 ; Nicolas Milovanovic et Alexandre Maral (dir.), Louis XIV : l’homme et le roi, Paris, Skira-Flammarion, 2009 ; Gérard Sabatier, Le prince et les arts. Stratégies figuratives de la monarchie française de la Renaissance aux Lumières, Seyssel, Champ Vallon, 2010 ; Alexandre Maral et Thierry Sarmant, Louis XIV. L’univers du Roi-Soleil, Paris, Tallandier, 2014 ; Yann Lignereux, Les rois imaginaires. Une histoire visuelle de la monarchie de Charles VIII à Louis XIV, Rennes, PUR, 2016.

2  Hendrik Ziegler, Louis XIV et ses ennemis. Images, propagande et contestations, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2013 ; Tony Claydon et Charles-Édouard Levillain (dir.), Louis XIV Outside In. Images of the Sun King Beyond France, 1661-1715, Farnham, Ashgate, 2015 ; Isaure Boitel, L’image noire de Louis XIV. Provinces-Unies, Angleterre (1668-1715), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2016.

3  Voir sur le sujet Mathieu Da Vinha, Alexandre Maral et Nicolas Milovanovic (dir.), Louis XIV, l’image et le mythe, Rennes, PUR, 2014.

4  Citons Olivier Chaline, L’année des quatre dauphins, Paris, Flammarion, 2009 ; Alexandre Maral, Les derniers jours de Louis XIV, Paris, Perrin, 2014 ; Thierry Sarmant, 1715. La France et le monde, Paris, Perrin, 2014 ; Gérard Sabatier et Béatrix Saule (dir.), Le roi est mort. Louis XIV, 1715, Paris, Tallandier, 2015 ; Joël Cornette, La mort de Louis XIV. Apogée et crépuscule de la royauté, Paris, Gallimard, 2015.

5  Voir notamment Gérard Sabatier, Versailles ou la figure du roi, Paris, Albin Michel, 1999.

6  De notables exceptions sont bien sûr à signaler à l’instar du catalogue des tableaux peints pour le Trianon de marbre d’Antoine Schnapper (Tableaux pour le Trianon de marbre, Paris, Éditions RMN-Grand-Palais, 2010 [1967]) ou son étude sur Jean Jouvenet (1644-1717) et la peinture d’histoire à Paris (Paris, Arthena, 2010 [1974]). À côté des monographies d’artistes récentes sur Antoine Coypel, Charles de La Fosse ou Bon Boullogne, voir également Dominique Brême et Frédérique Lanoë (dir.), 1704, le salon, les arts et le roi, Milan, Silvana, 2013.

7  Jérôme Delaplanche, Joseph Parrocel (1646-1704). La nostalgie de l’héroïsme, Paris, Arthéna, 2006. Voir également Frédéric Lacaille (dir.), Peintures murales aux Invalides. L’œuvre révélé de Joseph Parrocel, Dijon, Éditions Faton, 2005.

8  Ces deux toiles sont conservées à Versailles sous les numéros d’inventaire MV 2135 et 2138. Le second est en mauvais état.

9  L’effacement de ces victoires de la mémoire du règne a bien sûr d’autres raisons. Voir Bertrand Fonck, Le maréchal de Luxembourg et le commandement des armées sous Louis XIV, Seyssel, Champ Vallon, 2014.

10  Frédéric Chauviré et Bertrand Fonck (dir.), L’âge d’or de la cavalerie, Paris, Gallimard/Ministère de la Défense, 2015.

11  On renverra sur le sujet au récent ouvrage de Denis-Michel Boëll, Les peintres de marines, du xviie au xxe siècle, Rennes, Éditions Ouest-France, 2016.

12  Maxime Préaud, Les effets du soleil. Almanachs du règne de Louis XIV, Paris, Éditions de la RMN, 1995 ; Rémi Mathis, Vanessa Selbach, Louis Marchesano et Peter Fuhring (dir.), Images du Grand Siècle. L’estampe française au temps de Louis XIV (1660-1715), Paris, Éditions de la BnF, 2015.

13  Thomas Kirchner, Le héros épique : peinture d’histoire et politique artistique dans la France du xviie siècle, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2008 ; Jérôme Delaplanche, « Louis XIV sur le champ de bataille : l’invention d’un héroïsme royal entre textes et images », dans Versalia, 2013, n° 16, p. 71-90.

14  Voir Claire Constans, Les peintures. Musée national du château de Versailles, Paris, Réunion des musées nationaux, 1995, 3 vol., et Thierry Bajou, La peinture à Versailles, xviie siècle, Paris, Réunion des musées nationaux, 1998. Sur Le Brun, se reporter en dernier lieu à Bénédicte Gady et Nicolas Milovanovic (dir.), Charles Le Brun, Liénart, Musée Louvre-Lens, 2016.

15  Voir Gérard Sabatier, Versailles ou la disgrâce d’Apollon, Rennes, PUR, 2016, et les contributions des Cahiers de la Méditerranée, n° 83, 2011, intitulé « Guerres et guerriers dans l’iconographie et les arts plastiques ».

16  Thierry Sarmant, Les demeures du Soleil. Louis XIV, Louvois et la surintendance des bâtiments du roi, Seyssel, Champ Vallon, 2003.

17  Thierry Sarmant, « “Childhood All Around” : Architecture and the Fine Arts at the End of the Reign of Louis XIV », dans Julia Prest et Guy Rowlands (dir.), The Third Reign of Louis XIV, c. 1682-1715, New York, Routledge, 2017. On renvoie sur l’administration du duc d’Antin à la thèse d’École des chartes de Sophie Jugie, Le duc d’Antin, directeur général des Bâtiments du roi (1708-1736), 1986.

18  Pour une mise en perspective des representations de la guerre de siège, voir Martha Pollak, Cities at War in Early Modern Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2010, chap. 3, « Sieges Views. The War of Military Images ».

19  Isabelle Richefort, Adam-François Van der Meulen (1632-1690), peintre flamand au service de Louis XIV, Bruxelles, Dexia/Fonds Mercator, 2004. Voir également le catalogue de l’exposition de Dijon et Luxembourg de 1998, À la gloire du roi. Van der Meulen, peintre des conquêtes de Louis XIV, Paris, Imprimerie nationale, 1998, et les analyses de Julie Anne Plax, « Seventeenth-Century French Images of Warfare », p. 131-157, dans Pia Cuneo (dir.), Artful Armies, Beautiful Battles. Art and Warfare in Early Modern Europe, Leyde, Brill, 2002.

20  Voir Stéphane Castelluccio, « Les “Conquestes du Roy” du château de Marly », dans À la gloire du roi, op. cit., p. 220-231 ; De chasse et d’épée. Le décor de l’appartement du roi à Marly, 1683-1750, Paris, L’Inventaire, 1999 ; et les actes du colloque « Marly : architecture, usages et diffusion d’un modèle français » (31 mai-2 juin 2012, château de Versailles), Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles, en ligne.

21  Il s’agit des prises de Joux, de Salins, Ypres et Léau.

22  Sur l’histoire de la peinture de bataille, voir notamment Arsène Alexandre, Histoire de la peinture militaire en France, Paris, H. Laurens, 1889 ; Patrizia Consigli, La battaglia nella pittura del XVII e XVIII secolo, Parme, Banca Emiliana, 1986 ; L’art de la guerre. La vision des peintres aux xviie et xviiie siècles, Paris, ADDIM, 1998 ; Jérôme Delaplanche et Axel Sanson, Peindre la guerre, Paris, Nicolas Chaudun, 2009. Plus largement, les représentations de la guerre et l’impact des guerres sur la production artistique ont suscité de nouvelles études ces dernières années : voir à cet égard Bernardo J. Garcia Garcia (dir.), La imagen de la guerra en el arte de los antiguos Paises Bajos, Madrid, Editorial Complutense, 2006.

23  Doesburg, Gray, Aire, Fribourg, Orsoy, Grave en format moyen, et Brisach et Strasbourg en grand format.

24  Les commandes et paiements sont documentés dans les Comptes des Bâtiments du roi sous le règne de Louis XIV, éd. par Jules Guiffrey, 5 vol., Paris, Imprimerie nationale, 1881-1901.

25  C’est ainsi que la Bataille héroïque de Salvator Rosa est retirée de Versailles sur demande de Louis XIV et renvoyée à Paris en 1697 (Inventaire des tableaux du Roy rédigé en 1709 et 1710 par Nicolas Bailly, éd. par Fernand Engerand, Paris, Ernest Leroux, 1899, p. 50).

26  Thierry Sarmant, dans Julia Prest et Guy Rowlands (dir.), The Third Reign of Louis XIV, op. cit.

27  Frédéric Lacaille, « Les grands, la peinture et la guerre, galeries et grands ensembles consacrés à la représentation de la guerre en France aux xviie et xviiie siècles. Esquisse d’un inventaire », dans L’art de la guerre, op. cit., p. 99-121.

28  Se reporter aux contributions de Paul Duque Estrada Guerra et Stéphane Castelluccio dans À la gloire du roi, op. cit., p. 284-289 et 290-296, et à Jean-Philippe Cénat, Louvois. Le double de Louis XIV, Paris, Tallandier, 2015.

29  Laure Starcky, « L’artiste et ses collaborateurs », dans À la gloire du roi, op. cit., p. 297-307.

30  Fadi El Hage, Le maréchal de Villars. L’infatigable bonheur, Paris, Belin, 2012.

31  Numéro d’inventaire 1811.5, anciennement décrite comme une bataille livrée par le Grand Condé.

32  Mathieu Deldicque, « La galerie des batailles de Chantilly », dans Mathieu Deldicque (dir.), Le Grand Condé. Le rival du Roi-Soleil ?, Gand, Snoeck, 2016, p. 143-153.

33  Galeries historiques du palais de Versailles, t. II, Paris, Imprimerie royale, 1839.

34  Jérôme Delaplanche, Joseph Parrocel (1646-1704), op. cit.

35  Ibid.

36  Le cycle, conservé au palais d’hiver du prince Eugène à Vienne, comprend également les batailles de Zenta, Blenheim, Cassano, Oudenarde, Malplaquet et Belgrade. Une copie de la bataille de Turin est conservée à Turin. Voir Agnès Husslein-Arco (dir.), Das Winterpalais des Prinzen Eugen, Vienne, Belvedere, 2013, et La Reggia di Venaria e i Savoia. Arte, Magnificenza e storia di una corte europea, Turin, Umberto Allemandi, 2007.

37  Emmanuelle Brugerolles, Une dynastie de peintres : les Parrocel, Carnets d’étude de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, n° 9, 2007.

38  Stéphan Perreau, Hyacinthe Rigaud (1659-1743), catalogue concis de l’œuvre, Montpellier, Les Nouvelles Presses du Languedoc, 2013 ; Ariane James-Sarazin, Hyacinthe Rigaud (1659-1743), Dijon, Faton, 2016, 2 vol., et notamment les notices d’œuvres du catalogue raisonné (vol. 2).

39  Visages du grand Siècle. Le portrait français sous le règne de Louis XIV, Paris, Somogy, 1997.

40  Joël Cornette, La mort de Louis XIV, op. cit., p. 187.

41  Maxime Préaud, Sébastien Leclerc, Paris, Bibliothèque nationale, 1980, 2 vol. (Inventaire du fonds français, graveurs du xviie siècle, t. 8 et 9).

42  Julie Anne Plax, « Gloire Surrenders : Watteau’s Military Paintings », dans Geoffrey Quilley et John Boneham (dir.), Conflicting Visions : War and Visual Culture in Britain and France, c. 1700-1830, Aldershot, Ashgate, 2005, p. 15-40 ; Helmut Börsch-Supan, Antoine Watteau, 1684-1721, Cologne, Ullmann, 2007.

43  Arlette Farge, Les fatigues de la guerre. xviiie siècle, Watteau, Paris, Gallimard, 1996, et « Quand Watteau peint les soldats, ou l’envers des stéréotypes glorieux », dans L’art de la guerre, op. cit., p. 29-36.

44  Laurence Bertrand-Dorléac (dir.), Les désastres de la guerre, 1800-2014, Paris, Somogy, 2014.

45  Aaron Wile, Watteau’s Soldiers. Scenes of Military Life in Eighteenth-Century France, New York/ Londres, The Frick Collection/Giles, 2016.

46  Jérôme Delaplanche et Axel Sanson, Peindre la guerre, op. cit., p. 117.

47  Les victoires de Charles V avaient auparavant été illustrées par les peintures de Charles Herbel qui furent également tissées par la manufacture de tapisserie du duc de Lorraine. Jacob van Schuppen (1669-1751), avant de gagner Vienne, se mit également au service du duc Léopold de 1707 à 1712.

48  Juan J. Luna Fernandez, « Guerra y pintura en las colecciones del Museodel Prado, desde el siglo xvi a Goya », dans Miguel Cabañas Bravo, Amelia López-Yarto Elizalde et Wifredo Rincón García (dir.), Arte en tiempos de guerra, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 2009, p. 17-34.

49  Guy Delmarcel, La tapisserie flamande du xve au xviiie siècle, Paris, Imprimerie nationale, 1999.

50  Peter Harrington, British Artists and War : The Face of Battle in Paintings and Prints, 1700-1914, Londres, Greenhill Books, 1993 ; Christopher White, Dutch Pictures in the Collection of Her Majesty the Queen, Londres, Royal Collection Trust, 2016.

51  Torino 1706. L’alba di un regno, Turin, Editrice Il Punto, 2006. Sur l’exaltation des victoires du prince Eugène, voir Olivier Chaline, « La gloire du prince Eugène », dans Daniel Tollet (dir.), Guerres et paix en Europe centrale aux époques moderne et contemporaine, Paris, PUPS, 2003, p. 259-276.

52  Gwenola Firmin, Francine-Dominique Lichtenhan et Thierry Sarmant (dir.), Pierre le Grand, un tsar en France, 1717, Paris, Lienart, 2017.

53  Pour un aperçu sur la production relative à la prise de Barcelone de 1714, voir Memoria grafica del 1714. Imatges d’une guerra, Barcelone, Editorial Base, 2014.

54  Guillaume Corue, « L’art de la guerre : la bataille de Malplaquet à travers l’iconographie anglaise », mémoire de master 1 de l’université de Picardie-Jules Verne sous la direction d’Isaure Boitel, 2016.

55  Voir Mathieu Deldicque (dir.), Le Grand Condé, op. cit.

56  Voir Jérôme Delaplanche, « Pour une approche typologique de la peintyre de bataille du xviie siècle », Cahiers de la Méditerranée, op. cit., p. 111-118

57  Giancarlo Sestieri, I battaglisti. La pittura di battaglia dal xvi al xviii secolo, Rome, De Luca, 2011.

58  Michèle Virol, « Le siège de Namur de 1692 : l’héroïsme et la technique », xviie siècle, juillet 2005, n° 228, 57e année, n° 3, p. 465-488.

59  Notons que la période 1688-1715 est assez présente dans les galeries historiques inaugurées à Versailles par Louis-Philippe en 1837 pour mettre en images « toutes les gloires de la France » et surtout les gloires militaires depuis Clovis : ainsi de la bataille de La Marsaille par Eugène Devéria (1837), de la bataille de Villaviciosa et de celle de Denain par Jean Alaux (1836 et 1839). On trouve aussi à Versailles une bataille d’Almanza par Adrien Dauzats (1841, Versailles), d’après un tableau ancien, et une Prise de Lérida par le duc d’Orléans le 13 octobre 1707 moins connue par Auguste Couder (1838). Il ne se trouvait guère de traduction en peinture de ces événements dans les collections dont Louis-Philippe avait hérité. La fin du règne de Louis XIV est donc bien représentée dans cette collection d’œuvres qui ont pour certaines été très reproduites et ont fortement imprégné les imaginaires depuis le xixe siècle, plus efficacement sans doute que ne l’auraient fait des œuvres françaises contemporaines des événements. Voir notamment Claire Constans et Laurent Gervereau, Le Musée révélé. L’histoire de France au château de Versailles, Paris, Robert Laffont, 2005, et Laurent Gervereau et Frédéric Lacaille, La guerre sans dentelles, Paris, Skira-Flammarion, 2009.

60  Paul Vo-Ha, Rendre les armes. Le sort des vaincus, xvie-xviie siècles, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2017.

61  Solange Rameix, Justifier la guerre. Censure et propagande dans l’Europe du xviie siècle (France-Angleterre), Rennes, PUR, 2014. Voir également Hervé Coutau-Bégarie (dir.), Les médias et la guerre, Paris, Economica, 2005, et Marion Brétéché, Les compagnons de Mercure. Journalisme et politique dans l’Europe de Louis XIV, Seyssel, Champ Vallon, 2015.

62  Isabelle Bruller, « Des artistes au service de professionnels : l’art et l’art de la guerre, genèse d’une collection (1744-1805) », dans L’art de la guerre, op. cit., p. 37-45.

Auteur

Archiviste paléographe et docteur en histoire, est conservateur du patrimoine au Service historique de la Défense où il dirige le département des fonds d’archives. Il a publié Le maréchal de Luxembourg et le commandement des armées sous Louis XIV (Champ Vallon, 2014) et a codirigé plusieurs volumes collectifs dont La fin de la Nouvelle-France (Armand Colin, 2013), Guerres et armées napoléoniennes. Nouveaux regards (Nouveau Monde/DMPA, 2013), Combattre et gouverner. Dynamiques de l’histoire militaire de l’époque moderne, xviie-xviiie siècles (PUR, 2015) et L’âge d’or de la cavalerie (Gallimard/ministère de la Défense, 2015). Il a par ailleurs collaboré à l’ouvrage Champs de bataille du Grand Siècle. Catalogue des cartes de l’Atlas historique jusqu’à la fin du règne de Louis XIV (Archives et Culture/ DMPA, 2013).

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