Le coup d’œil des ingénieurs des Mines, enjeu de la construction d’une culture professionnelle (1750-1830)
p. 211-229
Résumé
Des années 1740 aux années 1830, les mines entrent progressivement dans le périmètre de l’action publique. Une administration spécifique se met alors en place, d’abord prise en charge par des bureaux du contrôle général, elle se dote à la fin de l’Ancien Régime de personnels spécifiques – les inspecteurs des Mines – puis d’une école chargée de former des ingénieurs censés se consacrer à l’exploitation des ressources minérales. Après plusieurs tentatives de restructuration de ce secteur de l’administration pendant la Révolution française, les lois de 1810 imposent un nouvel ordre en matière de politique minière et instaurent le corps impérial des Mines. À mesure que les attributions des ingénieurs se fixent, leur coup d’œil se précise et s’enrichit.
Le coup d’œil apparaît ici comme un héritage de la tradition du jugement de l’œil ; il renvoie à la capacité de voir promptement et de comprendre ce qui est vu. Au moment où son usage est disqualifié par les naturalistes, il occupe au contraire une place essentielle chez les ingénieurs des Mines, à la fois lorsqu’ils sont sur le terrain et lorsqu’ils imaginent des instruments adaptés à l’administration des ressources minérales (cartes ou collections économiques). À partir des années 1820, les voyages qui marquent la fin du cursus des élèves ingénieurs montrent que ce coup d’œil est inhérent à l’identité professionnelle de ce corps d’ingénieurs.
Texte intégral
1En 1749, dans « De la manière d’étudier l’histoire et de traiter l’histoire naturelle » Buffon distingue deux niveaux propres à l’observation de la nature : d’une part « les grandes vues d’un génie ardent qui embrasse tout d’un coup d’œil », de l’autre « les petites attentions d’un instinct laborieux qui ne s’attache qu’à un seul point1 ». Le coup d’œil apparaît ici comme un héritage de la tradition du jugement de l’œil qui remonte au xvie siècle ; il renvoie à la capacité de voir promptement et de comprendre ce qui est vu. La distinction qu’opère Buffon témoigne de l’émergence, au milieu du xviiie siècle, dans les sciences naturelles d’un « nouveau régime scopique2 » caractérisé par l’attention visuelle. De facto, il rompt avec la tradition du jugement de l’œil en imposant aux naturalistes de suivre des règles strictes lorsqu’ils se livrent à l’observation. Elles sont formalisées notamment par Jean Sénebier dans son traité, publié pour la première fois en 1775 puis réédité en 18023. Ce nouveau régime scopique n’implique pas de systématiquement médiatiser le regard par l’instrument, mais questionne les raisons du recours à cet intermédiaire, ainsi que la place de la précision et de l’exactitude dans les opérations de savoir. Il impose aux naturalistes d’effectuer des observations détaillées, souvent répétées et abondamment décrites qui les obligent à tenir des rapports d’observation très détaillés. Ces textes supposés contribuer à l’identification de l’espèce et non pas de l’individu doivent être sélectifs afin de garder à l’esprit l’enjeu de la classification. À partir de la deuxième moitié du xviiie siècle, le coup d’œil se trouve donc progressivement disqualifié par les naturalistes, au profit de protocoles d’observation plus stricts4. Cependant, la capacité d’embrasser « tout d’un coup d’œil » reste bien présente chez les ingénieurs, et plus largement chez les hommes de terrain qui, au cours du xviiie siècle, font du coup d’œil un outil doté d’une portée synthétique5. Valeria Pansini a montré que le coup d’œil militaire réunit des savoir-faire rares, dont la combinaison permet de rendre le terrain et les ressources qu’il recèle immédiatement intelligibles6. Son étude suggère aussi que ce coup d’œil nécessaire à l’accomplissement du travail de terrain n’est pas « donné à tout le monde », qu’il constitue au contraire un élément du capital symbolique contribuant à singulariser une posture.
2Chez les ingénieurs des Mines, le coup d’œil peut également être appréhendé comme une notion opératoire et distinctive. À partir des années 1750, l’expression revient souvent sous leur plume ou bien pour qualifier des dispositifs de visualisation supposés produire immédiatement du savoir et, à ce titre, mobilisés pour faciliter l’administration des ressources minérales, ou bien pour nommer une manière d’observer qui implique la sélection de ce que l’on voit et qui se trouve en adéquation avec le dispositif visuel, textuel ou matériel qui en résulte.
3Les années 1750 témoignent du moment où l’État commence à contrôler et organiser l’exploitation des richesses minérales en identifiant des hommes compétents en matière de mines, en rassemblant des savoirs liés aux mines, en établissant de nouvelles instances au sein de l’administration. Peu à peu, un regard spécifique, capable de rassembler les données indispensables à la construction de ce savoir s’affirme. Au début des années 1830, les pratiques de voyage des membres du corps des Mines semblent se stabiliser. Le cursus des élèves des Mines s’achève désormais par un voyage d’étude qui s’accompagne de la rédaction d’un journal de voyage. Chaque projet de voyage doit être validé par le Conseil de l’École et donne lieu à la construction d’un itinéraire très précis qui fixe même la durée de chaque étape. On remet en outre à chaque élève une instruction énumérant les sites à visiter, une liste des observations géologiques à effectuer, une suite des collections minéralogiques qu’ils doivent constituer, le détail des mémoires qu’ils doivent rédiger. Tous ces documents sont ensuite évalués par les professeurs et conditionnent l’obtention du titre d’ingénieur des Mines. Les écrits produits par les élèves en fin de cursus doivent témoigner que les futurs ingénieurs ont acquis le coup d’œil garant de l’efficacité de leur action future. Les journaux et mémoires de voyages qui ont été conservés7 laissent entrevoir une certaine normalisation des pratiques d’inscription, et par là même, une normalisation du coup d’œil : les premières notations s’attachent systématiquement à l’aspect du pays, viennent ensuite les considérations géologiques, puis un aperçu de chaque exploitation visitée8. La restitution écrite est censée attester que l’œil a été (bien) éduqué9, que le coup d’œil est incorporé et que le futur ingénieur sera en mesure de répondre aux attentes du corps des Mines10. Des années 1750 aux années 1830, à mesure que l’identité sociale de l’ingénieur des Mines se précise, son métier se construit et son regard devient spécifique. Le coup d’œil propre aux membres du corps des Mines tiendrait donc une place déterminante dans la culture professionnelle de ce groupe11. Reste cependant à en comprendre la spécificité car, au même moment, dans les sciences naturelles, comme dans les sciences de l’homme naissantes, le travail de terrain occupe une place majeure, les procédures d’enquête et les méthodes d’observation tiennent un rôle déterminant dans la fabrique des savoirs. Si le contexte semble propice, il impose cependant que le coup d’œil des ingénieurs des Mines puisse acquérir sa propre identité. Les travaux d’Hélène Vérin sont évidemment déterminants pour saisir la singularité de cette posture d’ingénieur mais ils aident aussi à penser le coup d’œil comme forme de l’intelligence combinatoire. Si le coup d’œil synthétique de l’ingénieur des Mines s’oppose au regard analytique du naturaliste, il renvoie aussi à la nature synthétique que revêt l’intelligence technique telle qu’elle a été mise en lumière par Hélène Vérin. Au sujet de Jacques Besson, l’historienne note :
« Il nous faut admettre qu’en se déclarant “inventeurs”, les auteurs de théâtres de machines signalent et affirment une conception de la connaissance qui se nourrit des expériences qu’ils ont faites ou vu faire, confrontées aux savoirs théorisés auxquels ils commencent à avoir plus facilement accès. Cette confrontation se réalise dans leur esprit. L’image mentale s’y forme, s’y rectifie, intègre des données hétérogènes, quelque chose s’invente, se crée que le dessin rendra infiniment mieux que le discours12. »
4À la manière du regard source d’intelligibilité identifié par Eugene S. Ferguson13, ou de la portée heuristique de la géographie de plein vent, étudiée par Marie-Claire Robic14, le coup d’œil des ingénieurs des Mines serait une image mentale intégrant des données hétérogènes et deviendrait entre 1750 et 1830 un outil déterminant pour l’exercice du métier. Mesurer la portée de cet outil synthétique à l’échelle de la culture des ingénieurs des Mines exige de questionner la portée heuristique de leurs pratiques de terrain, ainsi que les modes d’inscription et les dispositifs de visualisation dont le coup d’œil a accompagné l’émergence.
1750-1830 : la construction du métier d’ingénieur des Mines
5Au cours de cette période, on peut distinguer trois temps, marqués chacun par des changements institutionnels. Au gré de ces trois temps, les attributions des ingénieurs des Mines se fixent peu à peu, leur coup d’œil s’enrichit et se précise, nourri notamment par les instructions rédigées par les tutelles administratives.
6Jusqu’à la fin des années 1780, les voyages tels que les a pratiqués Gabriel Jars (1732-1769) pour le compte du Contrôle général deviennent une sorte de modèle implicite, prioritairement orienté vers la conviction que la valorisation des ressources minérales pourrait donner quelque avantage à l’économie française. Les trois volumes des Voyages métallurgiques, publiés entre 1774 et 1781, qui rassemblent les mémoires manuscrits envoyés par Jars aux bureaux du Contrôle général, mettent en lumière une attention particulière portée par les hommes de terrain aux dispositifs réglementaires et aux procédés techniques15. Les missions de terrain organisées hors des frontières, en premier lieu dans l’espace germanique ou en Grande-Bretagne, ou bien dans les provinces françaises qui concentrent les ressources les plus abondantes, conduisent à créer un groupe d’hommes jugés aptes à enquêter par le Contrôle général en raison de leur maîtrise de la science des mines – domaine hybride qui réunit des savoirs techniques, des savoirs économiques, des savoirs minéralogiques. Lorsqu’ils sont envoyés hors des frontières, ces hommes sont censés rassembler des données sur les procédés techniques et les conditions juridiques mobilisées dans les exploitations ; lorsqu’ils parcourent les provinces françaises leurs attributions consistent à inspecter les exploitations et à suivre les demandes de concessions. D’abord dépourvus de statut, ceux que l’on peut rétrospectivement regarder comme les premiers hommes des Mines se voient confier des missions ponctuelles par le Contrôle général16, puis un bureau des Mines est créé au sein duquel, à partir de 1772, quelques employés travaillent à plein-temps. En 1776, Antoine-Grimoald Monnet est nommé inspecteur général des Mines ; en 1781 Guillot-Duhamel, Gabriel Jars (le frère de l’auteur des Voyages métallurgiques) et Pourcher de Bellejeant reçoivent à leur tour ce titre. Ces hommes sont présentés comme des « sujets instruits » censés effectuer des tournées dans différentes provinces et rendre compte à l’administration de l’état des mines exploitées et du potentiel de celles qui ne le sont pas (encore). Ils doivent être suffisamment compétents pour juger la manière dont les ressources sont exploitées, pour apprécier la solidité des travaux, la sûreté des ouvriers ; ils doivent enfin donner des conseils aux entrepreneurs. Ce portrait est assez conforme aux attentes qu’Hélène Vérin résume ainsi lorsqu’elle rappelle que pour les administrateurs : « Les ingénieurs n’étaient pas tant des sujets connaissants qui, par la fécondité du savoir acquis, allaient multiplier les richesses, que les agents de l’unification administrative, de ses contrôles, de son souci de régulariser, de normaliser les pratiques productives17. »
7En revanche, lorsque l’École royale des mines est créée à Paris en 1783 on observe un hiatus entre cette figure d’ingénieur sur laquelle l’administration voudrait pouvoir s’appuyer et celle de l’élève formé à l’Hôtel de la monnaie. Certes, l’article XI de l’arrêt du 19 mars 1783 précise que « les places d’inspecteurs & sous-inspecteurs des Mines ne pourront être données, à l’avenir, qu’à ceux qui auront mérité & obtenu le brevet de sous-ingénieur ». Cependant, le cursus qui, pendant trois années, associe des cours de minéralogie, des cours d’exploitation des mines et des séjours de plusieurs mois dans une exploitation ne parvient pas à atteindre cet objectif. D’une part, Arthur Birembaut a montré qu’après leurs trois années d’étude, les anciens élèves éprouvent bien des difficultés à obtenir un emploi au sein de l’administration royale18 ; de l’autre les cours dispensés à l’École royale des mines en font moins des « praticiens habiles et capables de faire face à la diversité des situations19 » que de « vains discoureurs » dont les défauts sont souvent mis en avant au cours de la deuxième moitié du xviiie siècle20.
8À l’été 1794, lorsqu’une agence des Mines est créée et que les premiers ingénieurs y sont nommés, les naturalistes sont plus nombreux que les hommes liés aux exploitations, comme l’étaient la plupart de ceux mobilisés par le Contrôle général sous l’Ancien Régime (Jars, Guillot Duhamel, Dietrich). La quasi-totalité d’entre eux sont membres de la Société d’histoire naturelle de Paris21 et, au-delà du réseau qui préexiste au groupe des ingénieurs et des inspecteurs des Mines, les lettres qu’ils envoient à leur tutelle administrative témoignent de la place que prend le regard naturaliste22 lorsqu’ils sont sur le terrain, au risque parfois de se trouver en porte à faux vis-à-vis de leur tutelle23. En dépit de ce fort tropisme qui relie les uns à la minéralogie, les autres à la géologie, les dispositions qui régissent l’organisation du corps des Mines transforment les conditions dans lesquelles le travail de terrain est effectué. D’une part, depuis 1796, tous les élèves des Mines passent obligatoirement par l’École polytechnique, d’autre part, à partir de 1802, le stationnement des ingénieurs dans une circonscription se substitue au principe de la résidence parisienne jusque-là commune à tous les ingénieurs des Mines. L’usage voulait qu’ils quittent la capitale au printemps et en été pour se rendre dans l’une des circonscriptions. En 1802, les tournées se substituent donc aux voyages et les inspections aux observations. En 1810, avec la création du corps impérial des Mines, cette organisation devient de plus en plus rigide et le rapport des ingénieurs au terrain s’en trouve bouleversé. Un glissement progressif s’opère du « modèle ambulatoire » vers le « modèle territorial ». Proposée par Philippe Minard pour rendre compte du rapport au terrain mis en œuvre par l’inspection des manufactures au xviiie siècle, cette grille de lecture semble pouvoir s’appliquer au corps des Mines. Dans le cadre du « modèle ambulatoire », les inspecteurs n’ont pas de « résidence fixe ni d’ancrage territorial », ils sont envoyés d’une zone à l’autre pour effectuer des inspections au gré des besoins24. Ce modèle, à l’œuvre en 1794 lorsque l’agence des Mines est créée, paraît à certains égards compatible avec d’autres attendus du voyage savant pratiqué par les minéralogistes depuis le milieu du xviiie siècle25. Le « modèle territorial » est quant à lui fondé sur le découpage de circonscriptions clairement délimitées, pas trop étendues, à l’intérieur desquelles les opérations de contrôle sont placées sous la responsabilité d’inspecteurs qui y résident en permanence. Chaque ingénieur des Mines se voit désormais attaché à un arrondissement minéralogique : la résidence lui donne un ancrage stable et fait de lui un acteur de la vie locale, et non plus un voyageur chargé d’effectuer des « reconnaissances » dans l’une des circonscriptions minéralogiques qui couvrent l’ensemble du territoire26. Cette évolution institutionnelle s’accompagne d’une formalisation accrue et d’une normalisation des écrits produits par les ingénieurs des Mines.
9Au cours de la décennie suivante, un regard composite émerge peu à peu des mémoires produits sur le terrain par les ingénieurs des Mines. À partir de 1833, la statistique de l’industrie minérale de la France témoigne de l’implication des ingénieurs des Mines dans la réflexion économique et commerciale relative à la politique industrielle de la France. Le spectre des savoirs mobilisés par les ingénieurs des Mines s’étend peu à peu. Ainsi, en 1840, dans son cours de minéralurgie, Le Play accorde-t-il une attention particulière aux conditions du travail ouvrier ; il associe dans son enseignement approche technique, économique et sociale en affirmant que tous ces facteurs interagissent. Par ailleurs, comme les historiens de la sociologie l’ont bien montré, Le Play intègre lors de ses voyages à l’étranger, l’étude des districts miniers et métallurgiques ainsi que l’analyse des sociétés locales, au moyen de monographies de familles ouvrières27. Cet élargissement du périmètre des observations ne se fait pas aux dépens des savoirs qui relèvent de l’histoire naturelle puisqu’à cette même période le corps des Mines déploie beaucoup d’énergie pour construire la carte géologique de France. La circulaire que le directeur général des Ponts et Chaussées et des Mines adresse aux préfets le 30 août 1835 précise que les cartes de détail (cartes départementales) seront « tout à la fois, pour la science un monument précieux et pour l’industrie une source féconde de renseignements utiles, arrive à son terme28 ». Cette évolution montre que l’on ne peut pas postuler l’existence de deux regards opposés – le regard savant versus le regard expert, le regard naturaliste versus le regard industrieux. Les termes qui permettent à Hélène Vérin de qualifier la posture des auteurs des théâtres de machine peuvent aussi convenir pour qualifier celle des membres du corps des Mines deux cent cinquante ans plus tard : « leur aspiration commune à inscrire leurs labeurs et leur profession dans le domaine fécond de l’invention éclairée par la science […] et toujours […] au service du bien public29 ». Elle rappelle aussi que les modalités d’élaboration des savoirs méritent d’être examinées sans poser a priori de distinction entre savoirs savants et savoirs d’État30. Le coup d’œil des ingénieurs des Mines est jugé indispensable pour rendre intelligible l’organisation des exploitations et proposer la valorisation de sites encore inexploités.
Les consignes d’observation transmises aux ingénieurs des Mines
10À l’image des voyageurs qui craignent que leur regard ne soit happé par la nouveauté et la curiosité, les hommes qui réalisent les premières enquêtes sur les mines pour le compte du Contrôle général reçoivent des instructions censées encadrer leur travail de terrain. Elles sont très détaillées et spécifiques à chaque déplacement ; les questions varient donc selon les espaces parcourus et les lieux visités. On peut établir ici une analogie avec les missions de reconnaissance qu’effectuent par exemple les ingénieurs militaires. Les occurrences de verbes comme « saisir », « reconnaître », « examiner » sont d’ailleurs nombreuses. Les hommes de terrain expliquent dans leurs lettres qu’ils réitèrent souvent leurs observations, afin de ne négliger aucun détail et de certifier leurs descriptions. Plutôt que de proposer une lecture globale du territoire parcouru qui serait régie par la portée synthétique du coup d’œil, l’exhaustivité des données collectées semble prévaloir dans les attentes qui émanent du Contrôle général.
11Lorsque des archives sont constituées à la Maison des mines dès 179431, des dossiers départementaux dans lesquels les archives d’Ancien Régime ont été réparties sont utilisés pour préparer les questionnaires remis aux ingénieurs des Mines. Ainsi, lorsqu’il est sur le terrain, l’ingénieur doit-il vérifier l’exactitude des faits qu’il rassemble : les lettres qui accompagnent l’envoi de ses rapports, tout comme les mémoires qui réunissent les données collectées sur le terrain contiennent de nombreuses occurrences d’expression comme « j’ai vérifié », je « me suis assuré », etc. Les questionnaires remis aux ingénieurs des Mines à partir de 1794 restent bâtis en fonction de leur destination et précisent les phénomènes qui doivent être observés : les procédés techniques y tiennent toujours une place centrale, cependant désormais les mines sont aussi situées dans leur environnement naturel et appréciées en fonction de la présence de substances exploitables comme de la disposition des terrains. On voit poindre ici un coup d’œil qui s’efforce à la fois d’identifier les minerais, les procédés d’extraction, de transformation, etc. Les mines ne sont plus situées seulement dans leur environnement économique, mais aussi dans leur configuration naturelle car, comme le propose le programme du Journal des mines, périodique mensuel créé au début de l’an III, il s’agit pour les ingénieurs des Mines de suivre les ressources « du sein de la terre aux mains du commerce ». Leur coup d’œil doit saisir en une fois toutes les étapes de ce processus et le voyage apparaît comme le meilleur moyen d’appréhender le territoire dans toute sa complexité. À cette période, le coup d’œil des ingénieurs des Mines se caractérise par l’urgence ; il se trouve même valorisé, voire légitimé par la nécessité de fournir une information immédiatement utile par sa capacité à servir la nation.
12Si les objets à observer sont clairement énoncés dans les instructions rédigées pendant la Révolution, en revanche celles-ci contiennent peu de consignes relatives aux manières d’observer. Ce silence suggère peut-être que les consignes d’observation produites notamment par les naturalistes (en particulier celles énoncées par Sénebier, ou par Saussure) sont si bien intégrées par les ingénieurs des Mines (dont la culture naturaliste est avérée à cette période) qu’il n’est pas nécessaire de les rappeler. La place que tient la collecte de spécimens dans le travail de terrain tend à le montrer, tout particulièrement à partir de la Révolution puisque dès lors, c’est grâce au travail de terrain des ingénieurs que les collections exposées à la Maison des mines doivent, dans une large mesure, être constituées32. L’existence de plusieurs types de collection – économique, minéralogique, géognostique – oblige les ingénieurs à dissocier le regard qu’ils posent sur les paysages. La collecte force en effet le regard et impose la sélection, elle concourt donc à forger le coup d’œil. Par ailleurs, la collecte astreint l’ingénieur des Mines à effectuer des relevés précis, conformes aux consignes énoncées dans les instructions destinées aux naturalistes, pour procéder ensuite à l’étiquetage, puis à l’emballage des spécimens. Ces pratiques tendent à confirmer que les consignes véhiculées par les recueils d’instructions sont pleinement intégrées par les ingénieurs des Mines car les méthodes de d’étiquetage et de collecte qu’ils appliquent ne sont pas rappelées dans les consignes qu’ils reçoivent alors même que leur correspondance témoigne de leur conformité avec toutes celles diffusées depuis la parution en 1758 du Mémoire instructif sur la manière de rassembler, de préparer et d’envoyer les diverses curiosités d’histoire naturelle de Turgot33. La collecte pratiquée par les ingénieurs des Mines contribue, elle aussi, à résoudre la tension entre vue d’ensemble et vue de détail et, à ce titre, concourt à la formation d’un coup d’œil spécifique.
13À partir de l’an 1796-1797, la plupart des textes qui cadrent la pratique de terrain des ingénieurs des Mines (il peut s’agir de lettres et pas forcément d’instructions) reprennent les consignes données dans les textes officiels, en particulier dans les arrêtés du Comité de salut public des 13 et 18 messidor an II qui organisent le travail des ingénieurs. Au printemps 1796, le Conseil des mines approuve une instruction générale qui doit valoir pour tous les ingénieurs, quelle que soit leur destination. La normalisation du coup d’œil est à l’œuvre et l’emporte sur la diversité des lieux parcourus. Lorsque le stationnement est imposé à partir de 1802 et que le métier est précisément défini, en particulier avec les lois de 1810, les instructions spécifiques ne concernent plus que les missions exceptionnelles organisées en particulier à l’extérieur du territoire. Les ingénieurs en station doivent quant à eux acquérir une connaissance approfondie de leur circonscription en appliquant une grille de lecture qui vaut pour tous les départements. Le coup d’œil qu’ils exercent pendant leurs tournées leur permet d’inventorier des indices utiles à l’action. Ces données ne doivent en aucun cas être superficielles. À son retour d’une mission dans le nord du territoire de la République, Lefebvre d’Hellancourt regrette de n’avoir pas disposé de suffisamment de temps pour parcourir le département de Jemappes :
« Le premier seulement de ces départements aurait exigé ma présence pendant plus de trois mois pour prendre une connaissance détaillée des exploitations et pour me mettre en état de proposer les mesures administratives qui doivent assurer la conservation et la meilleure exploitation de ces mines34. »
14Le rapport au terrain que Lefebvre d’Hellancourt décrit en creux correspond à celui qui se développe à partir de 1802 lorsque les ingénieurs sont en station. À cette date, le coup d’œil n’est en aucun cas associé à un aperçu rapide d’une situation donnée, mais à une connaissance approfondie du territoire qui doit pouvoir être restituée dans un document synthétique mis à la disposition de tous les membres du corps.
La portée heuristique des pratiques de terrain
15Jean-Marc Besse a montré que le paysage est un signe qu’il faut apprendre à déchiffrer35. Pendant la Révolution, la formation des élèves des Mines suggère que, pour l’agence des mines, l’apprentissage de ce déchiffrement ne peut avoir lieu que sur le terrain, même si les connaissances requises pour rendre le paysage intelligible doivent quant à elles avoir été acquises auparavant.
16Si aucun traité ni aucun mémoire n’explique d’où vient le coup d’œil, ni même les méthodes qui permettent à tout ingénieur des Mines d’aiguiser son « coup d’œil », l’importance du temps passé par les élèves sur le terrain à partir de 1794 – ou bien pour se former aux inspections (8 mois), ou bien pour découvrir le fonctionnement des exploitations (4 mois) – indique que le coup d’œil des ingénieurs des Mines n’est pas inné, qu’il exige au contraire un apprentissage qui ne peut s’effectuer que sur le terrain, en respectant un certain nombre de règles. Ces règles sont fixées par le corps des Mines, elles contribuent à la construction de la culture professionnelle des ingénieurs et constituent à cet égard une pratique distinctive.
17Ainsi, en mai 1797, lorsque Brochant de Villiers, Cordier et Beaunier demandent conjointement au conseil des Mines l’autorisation de s’éloigner de l’itinéraire qui leur a été fixé, pour se rendre dans les montagnes, en compagnie de Dolomieu qui est, à cette époque, inspecteur des Mines, ils ont beau expliquer que la montagne est le seul endroit, selon eux, où la géologie « peut s’apprendre », on leur répond :
« Les ingénieurs surnuméraires et les élèves des mines ont le plus grand besoin de voyager pour se familiariser avec l’étude de la nature et surtout pour se rendre sur des exploitations où ils puissent se former à la pratique, aussi le Conseil ne balancerait pas à préférer de faire séjourner constamment les pétitionnaires sur une mine en exploitation plutôt qu’à leur faire parcourir les montagnes quelqu’utile que soit aussi cette étude pour la minéralogie36. »
18Ce constat confirme que le processus de professionnalisation à l’œuvre dans le corps des Mines au tournant des xviiie et xixe siècles ne puise pas sa légitimité du côté des savoirs savants, voire des disciplines en cours de constitution. Si certains hommes, à l’image de Dolomieu, ont vu dans les fonctions d’ingénieur ou d’inspecteur des Mines la possibilité de voyager à peu de frais et de poursuivre une activité de minéralogiste ou de géologue, leurs attributions ne relevaient pas du progrès des savoirs mais de la volonté d’apporter une réponse efficace à l’urgence économique qui pesait sur la République. Lorsqu’en 1802, les cours dispensés à la Maison des mines cessent et qu’une École pratique est ouverte à Pesey, de nombreuses courses en montagne sont organisées pour les élèves, l’objectif n’est toujours pas d’apprendre la géologie, mais plutôt d’apprendre à identifier les filons qui devaient leur servir de clé pour exercer leur coup d’œil sur un paysage, leur permettre d’identifier les ressources et de statuer sur les possibilités de les exploiter.
19À l’occasion de ses courses, comme de ses inspections, chaque ingénieur est chargé de former un ou deux élèves s’efforce de les guider dans leur apprentissage du travail de terrain. Pour cela, il rédige à leur attention des instructions. C’est le cas d’Alexandre Brongniart qui rédige pour Remmel et Collet-Descotils, au printemps 1795, une instruction censée les accompagner tout au long de la mission qu’il leur confie à la mine d’Allemont37. Non seulement l’ingénieur doit transmettre aux élèves qui l’accompagnent la manière d’exercer le coup d’œil nécessaire à l’exercice de leur profession, mais ces jeunes gens doivent aussi apprendre à restituer leurs observations par écrit et pour cela on leur demande de rédiger des comptes rendus de leurs voyages, même lorsqu’ils se déplacent seuls38. De nombreux témoignages soulignent que la maîtrise des techniques de rédaction permet à un futur ingénieur de perfectionner son coup d’œil, Gallois reste probablement le plus éloquent à cet égard :
« Les détails que je présente n’offrent rien d’intéressant, les motifs que j’ai eus, en les décrivant, étaient de m’apprendre à décrire pour mieux observer et répondre à la demande que m’a faite le Conseil des mines. Comme j’observai pour la première fois, je me suis souvent jeté dans des détails minutieux, surtout très ennuyeux à lire que j’aurais mieux choisi si j’eusse été plus instruit, en sorte qu’en me jugeant moi-même, je sens que je me suis complu dans des descriptions futiles, faute de plus solides qui m’ont échappées39. »
20L’opposition entre détails minutieux et descriptions solides fait songer à la distinction opérée par Buffon entre deux niveaux propres à l’observation de la nature. À ceci près que, sous la plume d’un futur ingénieur des Mines, les détails sont jugés inutiles. L’œil doit au contraire apprendre à sélectionner les faits significatifs pour les combiner tous dans une description solide. Cette méthode semble caractériser le coup d’œil de l’ingénieur des Mines. Cette exigence se retrouve aussi dans les consignes que reçoivent les élèves lorsqu’ils apprennent à dessiner, le dessin est supposé leur apprendre à regarder. Ainsi, en 1795, Laverrière demande à ses deux élèves, Saget et Jacobé, de « lever une partie de la mine », ou encore de « faire des plans des machines les plus curieuses qui se trouvent dans cet établissement40 ». Le coup d’œil de l’ingénieur des Mines doit aussi bien permettre de déchiffrer un paysage que de saisir un procédé technique.
21Pour exercer son coup d’œil, un ingénieur des Mines doit réunir autant de connaissances qui concernent le minéral et que de connaissances qui concernent l’art des mines. Les cours d’exploitation et de métallurgie enseignent les techniques de recherche, de boisage, de muraillement, les méthodes d’exploitation, d’aérage, de roulage, d’extraction, etc. Ces deux domaines correspondent aux deux pans principaux de la formation dispensée à l’École royale des mines à partir de 1783, puis à la Maison des mines à partir de 1794. La minéralogie permet aux ingénieurs de repérer rapidement la qualité des ressources ; l’ingénieur Laverrière en témoigne en juillet 1794 :
« Au premier aperçu de cette exploitation importante par l’emploi de ces produits, on voit que l’on a beaucoup trop multiplié les puits, que l’on n’a fait aucune recherche dans les montagnes environnantes et au-dessus du niveau du vallon où il existe certainement de très grandes quantités de charbon dont l’extraction aurait été très facile, que la galerie d’écoulement n’est point communiquée avec tous les ouvrages de manière à dispenser de l’extraction des eaux jusqu’à la superficie41… »
22L’objectif n’est pas ici de faire progresser la minéralogie, mais de mobiliser les connaissances minéralogiques nécessaires pour évaluer la qualité d’une exploitation, d’être capable de prélever les échantillons conformément à ce qu’attendent les responsables des collections. Cette articulation se confirme au cours des années 1820 lorsque, dans les journaux de voyage qui sanctionnent la fin du cursus des élèves des Mines42, un « coup d’œil » ou un aperçu géologique ouvre ces manuscrits. La science est alors mobilisée pour présenter un gisement et un mode d’exploitation.
23Pour pallier l’expérience individuelle du terrain, les employés de bureau de la maison des Mines synthétisent les données rassemblées par les ingénieurs pour produire un tableau global des ressources et permettre aux membres du corps de disposer d’une connaissance générale du territoire, y compris des départements qu’ils n’ont pas parcourus.
Les formes d’inscription et les dispositifs de visualisation
24Les pratiques d’inscription imposées aux agents des Mines constituent des consignes essentielles puisqu’elles permettent d’établir un lien entre le terrain et le temps qui suit le voyage, mais aussi entre l’individu dont le coup d’œil produit une image du territoire et le corps des Mines dans son ensemble. Le procès-verbal de visite constitue un genre défini dès le début des années 1780. Dans ses « Observations sur l’inspection des mines » remises à Necker en janvier 178143, Tifaut de la Nouë détaille notamment la manière dont un procès-verbal de visite doit être composé et insiste sur la précision que requiert ce document. Outre la description de l’exploitation, l’inspecteur doit être en mesure de transmettre des données quantitatives sur le minéral extrait et la quantité que l’on peut en attendre, vient ensuite « l’exposé de la richesse du minéral », c’est-à-dire le résultat de l’analyse effectuée à partir d’un échantillon, puis la présentation des techniques utilisées tant au moment de l’extraction que dans les fonderies. Enfin, le procès-verbal doit présenter les ressources locales utilisables par les exploitations concernées et les débouchés éventuels pour la production examinée, les voies de transports utilisables, etc. Tifaut de la Nouë précise que la connaissance des débouchés constitue le critère essentiel pour estimer l’importance des produits concernés. La perspective de l’inspecteur des Mines n’est évidemment pas dénuée de préoccupations techniques mais elle est très largement déterminée par les questions économiques. Le paragraphe dans lequel Tifaut de la Nouë synthétise ce que l’on doit attendre d’un procès-verbal est très explicite à cet égard et confère au texte les vertus du coup d’œil :
« Un procès-verbal conçu dans cet esprit et soigneusement rédigé ferait voir d’un coup d’œil l’avantage qu’on peut retirer des mines, l’on jugerait du lieu où l’on pourrait former des établissemens qu’elles donnent si un atelier de l’industrie auquel ses matières seraient propres venait à éclore même éloigné des mines, l’on trouverait dans les procès-verbaux les moyens de les leur procurer. »
25Pour faciliter une telle lecture et accroître la portée synthétique du procès-verbal, Tifaut de la Nouë suggère d’y joindre une carte :
« Il suffirait d’y joindre une carte sur laquelle outre la position des filons et des mines, on traceroit le chemin par lequel le minéral se transporte dans les villes principales d’où les routes conduisent partout. Ces cartes indiqueroient aussi les chemins qu’il seroit important d’ouvrir, le cours et le nivellement des rivières avec le devis des travaux à faire pour rendre navigables celles qui en seroient susceptibles, l’on y marqueroit l’étendue et l’espèce des bois voisins afin que l’on jugeât de ceux qu’il conviendroit d’affecter à la fourniture d’une mine, enfin l’on désigneroit les pâturages et la nature des productions du sol. »
26La mise en correspondance de différentes modalités d’inscription témoigne de la volonté de doter l’administration de nouveaux outils et de la mise au point de nouvelles technologies de papier44. Au gré des développements qui précisent le contenu d’un procès-verbal de visite, Tifaut de la Nouë insiste sur la connaissance des circonstances locales qu’il regarde comme essentielles dans l’avis que doit rendre l’inspecteur des Mines. Il rappelle aussi que son rôle recouvre les activités de police, c’est à l’inspecteur des Mines qu’il revient de veiller au respect des règlements et de remédier aux éventuels abus. Enfin, l’inspecteur des Mines doit disposer d’informations sur les ouvriers employés dans la mine. Pour conclure son mémoire, Tifaut de la Nouë affirme :
« L’on ne connaîtra jamais ni le bien que l’on peut attendre des mines, ni les secours dont elles ont besoin, si l’inspecteur ne forme le chaînon intermédiaire qui les lie à l’administration. »
27Si les outils propres à l’inspecteur des Mines ne sont jamais définis avec une telle précision dans aucun texte de loi, la conclusion de Tifaut de la Nouë est en revanche assez largement partagée. On peut la considérer comme une sorte de point de départ de l’arrêt du Conseil du roi, qui, en 1781, tente d’instaurer une structure pérenne pour l’administration des Mines. La position de l’inspecteur des Mines semble alors fixée, il doit servir de relai entre l’administration et les exploitants et c’est grâce à son coup d’œil que la première dont être en mesure d’apprécier le travail des seconds.
28D’autres types d’écrits moins formalisés permettent aussi aux ingénieurs de transmettre à leur tutelle parisienne les données qu’ils ont collectées, c’est le cas des lettres, des journaux d’observation, des descriptions et des rapports. Deux mouvements du regard sont perceptibles dans ces textes et conduisent à deux manières de rendre compte de l’espace : alors que la description exige un regard qui dissocie les éléments constitutifs du paysage, la synthèse, quant à elle, nécessite un regard qui assemble et combine. La description propose un inventaire supposé exhaustif des détails, elle implique de multiplier les faits collectés et conduit à une écriture très fragmentée qui juxtapose des éléments sans s’attacher aux liens qui existent entre eux, ni parvenir à les hiérarchiser. Ces textes peuvent conduire à une écriture qui privilégie la nomenclature, par exemple lorsque les résultats des observations sont restitués par type de ressources et par lieu. À l’inverse, la synthèse exige de saisir ce que Jean Sénebier nomme les « rapports généraux » et permet de trancher quant à l’importance (ou non) d’un fait observé. Ces deux mécanismes d’observation se succèdent au tournant du xviiie et du xixe siècle plus qu’ils ne coexistent. Au cours des années 1790, la synthèse permet de situer les mines dans leur environnement naturel et économique, elle témoigne de la manière dont s’exerce le coup d’œil de l’ingénieur des Mines. La description permet de rassembler des informations sur les ressources minérales comme sur les techniques d’exploitation, elle est bâtie sur le modèle de l’inventaire, un inventaire étroitement articulé à la topographie. Les reproches adressés à certains ingénieurs qui se contentent d’observations trop ponctuelles, portant notamment sur les indices, reçoivent des critiques de la part de l’agence puis du conseil des Mines. L’objectif est en effet de parvenir à ordonner des éléments collectés sur le terrain. Les données sont également rassemblées sur des dessins, des croquis, des plans, des cartes. Malgré la forme nomenclaturale de leur écriture, les ingénieurs ont rarement recours aux tableaux pour rassembler les observations qu’ils ont réunies. Enfin, des spécimens sont collectés sur le terrain par les ingénieurs. En dépit de leur diversité, toutes ces sources censées rendre compte des choses vues par les ingénieurs permettent de nourrir différentes « collections », dossiers d’archives, cartothèque, collection minéralogique. Elles donnent lieu à des dispositifs de visualisation qui organisent les données de terrain pour leur octroyer du sens et contribuent, dans le même temps, à éduquer le regard des ingénieurs, à les sensibiliser à l’importance d’une compréhension globale des phénomènes. Ces dispositifs qu’ils soient textuels, iconographiques ou matériels mobilisent très souvent le coup d’œil qui apparaît à la fois comme le regard que l’ingénieur des Mines porte sur un « pays » et comme un procédé de visualisation.
29Lorsque le Journal des mines publie un mémoire l’ingénieur Baillet dans lequel il détaille ses recommandations pour la collection minéralogique exposée à la Maison des mines, il note : « L’amateur qui visitera notre galerie, l’élève qui viendra s’y instruire, apercevront, du premier coup d’œil et sans de longues recherches, les objets qu’ils désireront examiner45. »
30Le coup d’œil renvoie ici pour le visiteur à la compréhension immédiate des ressources d’un département donné, et cela grâce à l’attention portée à la sélection et à la disposition des objets. Baillet suggère de concevoir pour les spécimens un agencement fidèle à la disposition originale. Cependant, il prend la peine de rappeler que l’analogie avec les configurations du terrain n’est que partielle : les armoires ne peuvent contenir l’ensemble du réel, il faut accepter de perdre en détail pour gagner en intelligibilité. C’est à ce prix que cette collection pourra offrir « une grande esquisse du tableau minéralogique de la France ». « Perdre en détails pour gagner en intelligibilité » tel est probablement l’horizon auquel le coup d’œil astreint l’ingénieur des Mines de manière de plus en plus nette à la fin des années 1790. Les arguments semblebles sont en effet mobilisés au même moment dans les discussions sur la réalisation de la carte minéralogique de la République
31Au sein de la Maison des mines, une salle est spécifiquement consacrée à l’exposition de la carte de Cassini sur laquelle les données collectées sur le terrain par les ingénieurs sont reportées. Les 180 feuilles de la carte de Cassini y sont assemblées et suspendues afin de produire une vue d’ensemble du territoire et de rendre compte de son unité. Ces mêmes données sont sélectionnées et transcrites sur une autre carte de France d’un format plus maniable. La Carte de navigation intérieure et des routes, publiée une première fois par Dupain-Triel en 1781 et revue en 1795, sert de fond à l’élaboration de ce répertoire cartographique des ressources minérales. Désormais intitulée Tableau géographique de la navigation de l’intérieur du territoire républicain français, cette carte représente l’ensemble du réseau hydrographique navigable ainsi que le relief, elle permet donc de saisir
« d’un seul coup d’œil l’ensemble des mines et usines de la République et […] faire connaître les moyens de circulation des produits, et les relations utiles que les divers établissements peuvent avoir entre eux, l’économie dans les procédés et l’accroissement d’activité qui doivent en résulter. Elle offre les moyens de faciliter les approvisionnements de service public ; enfin elle présente des vues utiles au commerce, soit intérieur, soit extérieur46 ».
32L’usage de coup d’œil semble correspondre à des dispositifs de visualisation qui donnent accès à une configuration spatiale particulière pour la rendre immédiatement intelligible, il peut s’exercer à l’échelle d’un site, comme à celle d’un territoire plus vaste.
33Qu’il s’agisse de cartes, de collections minéralogiques ou de textes, ces supports rappellent qu’un ingénieur des Mines doit savoir regarder en fonction du projet qui détermine sa tâche. Les différentes technologies de papier mobilisées ainsi que les collections relèvent d’un travail de mise en forme, d’opération d’agencement et présentent à ce titre quelques analogies avec « l’émergence d’un “espace de la technique”, marqué par des aptitudes à agencer et à substituer les éléments, à comparer et à transposer les dispositifs47».
34Lorsque, dans La Gloire des ingénieurs, Hélène Vérin évoque la figure des hommes des Ponts et Chaussées et des Mines, elle insiste à raison sur l’uniformisation de leurs pratiques attendue par les administrateurs au cours du xviiie siècle ; puis elle montre comment cette perspective conduit à la création d’écoles spéciales48. Non seulement son constat met en lumière l’ancrage politique qui sous-tend la construction de cultures professionnelles spécifiques et souligne la fonction sociale dévolue aux ingénieurs du xviiie siècle, mais il l’amène à identifier deux interprétations possibles des liens qui se nouent entre les savoirs des ingénieurs et l’action publique. La première part de la conviction que la connaissance dispose du pouvoir d’améliorer la société des hommes et que ce pouvoir est en mesure de subvertir les clivages entre théorie et pratique, sciences, arts et métiers, etc. De là, il résulte que l’ingénieur incarne une sorte d’alliance idéale du savoir et du bien social. La seconde interprétation associe la fonction sociale au contrôle des productions et des productivités. Dans le cas précis du corps des Mines, Hélène Vérin discerne une « extraordinaire confusion et combinaison d’idées et de représentations49 » qui peine à trancher entre ces deux approches. Entre 1750 et 1830, le coup d’œil des ingénieurs des Mines s’affranchit peu à peu de la conviction utopiste selon laquelle le savoir et le bien social sont inextricablement liés. À la fin du xviiie siècle, les savoirs constitutifs du coup d’œil de l’ingénieur des Mines se libèrent peu à peu de leur ancrage académique pour répondre aux seules attentes du corps des Mines et de l’État qui, pour contribuer à l’amélioration de l’économie du royaume, a besoin de « savoirs productifs ». La production de ces savoirs impose à l’ingénieur d’exercer un coup d’œil capable de trier les données en évitant de se perdre dans une quête vaine de l’exhaustivité et en privilégiant le repérage des informations indispensables à la mise en place d’exploitations rentables. Le coup d’œil des ingénieurs des Mines trouve aussi un certain écho dans les propositions de Gilbert Simondon lorsqu’il estime que la faculté dynamique, qui fait participer l’image formée par l’imagination à la vitalité de la perception, fait advenir une sorte d’analogie du réel permettant de le simuler, augmentant ainsi le pouvoir d’agir. Simondon voit là la condition de l’invention scientifique et technique, on pourrait y associer ici les conditions de l’intelligence du territoire.
*
35Le 2 juin 1790, alors que le comité des finances met en cause l’existence du corps des Mines, un mémoire intitulé « Arrêté du corps des Mines » est remis à l’Assemblée nationale. Son titre mérite d’emblée qu’on s’y arrête puisqu’il peut être considéré comme l’acte de naissance du corps des Mines, non seulement parce que, comme l’a noté Arthur Birembaut, c’est à cette occasion que l’expression « corps des Mines » est employée pour la première fois dans un document écrit, mais surtout parce que ce mémoire définit la représentation que les agents des Mines ont du corps dont ils se sentent membres. Après avoir réaffirmé que l’absence de mines en France est un préjugé trop répandu, ce texte tente de poser une définition des mines. Ce passage n’a pas seulement une fonction rhétorique. En effet, en insistant sur le fait que les minéraux et les métaux sont disposés par couches ou en filons, les membres du corps des Mines entendent justifier la spécificité de leur expertise puisque la surface des terrains ne porte la trace que de « très légers vestiges » alors que parfois pour les minerais par couches « aucune marque extérieure n’existe absolument50 ». Cet argument avait vraisemblablement pour fonction de contrecarrer tout projet qui viserait à priver l’État du « coup d’œil » de l’ingénieur des Mines, très différent de celui de l’ingénieur des Ponts et Chaussées : le premier s’attache à la structure des terrains, le deuxième à sa surface. De manière implicite, le coup d’œil est ici revendiqué comme un critère qui singularise une culture professionnelle.
Notes de bas de page
1 Buffon, « De la manière d’étudier et de traiter l’histoire naturelle », in Histoire naturelle, Textes choisis par Jean Varloot, Paris, Gallimard, Folio, 1984, p. 38.
2 Daston Loraine, Galison Peter, Objectivité, Paris, Presses du réel, 2012 (trad., édition originale : 2007) ; Daston Loraine, « The Empire of Observation, 1600-1800 », in Loraine Daston, Elizabeth Lunbeck (dir.), Histories of Scientific Observation, Chicago, Chicago University Press, 2011, p. 81-113.
3 Sénebier Jean, L’art d’observer la nature, Genève, Cl. Philibert & Bart. Chirol, 1775.
4 Sigrist René, La Nature à l’épreuve. Les débuts de l’expérimentation à Genève (1670-1790), Paris, Garnier, 2011.
5 Cette acception est évoquée dans l’article « Œil » du Dictionnaire de l’académie française : « On dit qu’un homme a le coup d’œil excellent pour dire qu’il voit promptement le parti qu’il doit prendre dans une circonstance inopinée », Dictionnaire de l’académie française, Paris, tome II, 1776, p. 165. On la retrouve également dans l’article « Coup d’œil » publié dans le quatrième volume de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert et qui définit le coup d’œil militaire (p. 435).
6 Pansini Valeria, « Pour une histoire concrète du talent : les sélections méritocratiques et le coup d’œil du topographe », Annales historiques de la Révolution française, n° 354, oct.-déc. 2008, p. 5-27.
7 Benoit Serge, Maisonneuve Marie-Noëlle, « Un gisement iconographique de premier ordre : les relations de voyage des élèves-ingénieurs à l’École nationale supérieure des mines de Paris », Actes de la journée d’étude « Images des mines et de la métallurgie » (1987), Pierre et terre, 1990, n° 33, p. 109-132.
8 La bibliothèque de l’École des mines conserve la plupart des journaux et mémoires rédigés par les élèves entre 1822 et 1879.
9 Waquet Françoise, L’ordre matériel du savoir. Comment les savants travaillent xvie-xixe siècle, Paris, CNRS Éditions, 2015. On verra en particulier le chapitre 3 : « Le corps, outil intellectuel », p. 111-157.
10 La structure de ces écrits, comme la mise en œuvre du coup d’œil font écho à la relecture des travaux de Simondon, proposée par Antoine Picon : « il se pourrait que le progrès technique ne se traduise pas inéluctablement par un passage de l’abstrait au concret, en d’autres termes par une intégration croissante des fonctions et des formes, mais par une succession de mouvements de concrétisation et de déconcrétisation ». Picon, Antoine, L’invention de l’ingénieur moderne. L’Ecole des ponts et chaussée, 1747-1851, Paris, Presses de l’École nationale des ponts et chaussées, 1992, p. 387. Ce passage est cité et analysé par Liliane Pérez dans son HDR, je la remercie chaleureusement de m’avoir signalé cette analyse des travaux de Simondon.
11 Anne-Françoise Garçon nomme cette culture professionnelle « l’esprit mines » ; cf. Garçon Anne-Françoise, « Existe-t-il un esprit mines ? », in Anne-Françoise Garçon, Bruno Belhoste (dir.), Les ingénieurs des Mines : cultures, pouvoirs, pratiques, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2012, p. 9-15.
12 Dolza Luisa, Vérin Hélène, « Figurer la mécanique : l’énigme des théâtres de machines de la Renaissance », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 51, n° 2, avril-juin 2004, p. 7-37, p. 16.
13 Ferguson Eugene S., Engineering and the mind’s eye, Cambridge, The MIT Press, 1992.
14 Robic Marie-Claire, « L’excursion du géographe (Sur l’école française de géographie) », Conférence, n° 4, 1997, p. 211-227.
15 Laboulais Isabelle, « Les Voyages métallurgiques de Gabriel Jars (1774-1781), un imprimé au service de l’art de l’exploitation des mines », in Pierre-Yves Beaurepaire, Pierrick Pourchasse (dir.), Les circulations internationales en Europe (1680-1780), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 181-196.
16 Jacques-Joseph Mathieu qui, en 1751, est formé à l’art des mines au sein l’École des ponts et chaussées, dirige par la suite des travaux de recherches ou d’exploitation de mines pour des compagnies privées en suivant les directives que lui donne le Contrôle général. De même, Jean-Pierre-François Guillot Duhamel entre à l’École des ponts et chaussées en 1753 puis, en 1756 il est chargé par le Contrôle général de visiter les mines de Saxe, du Hartz, etc., avec Gabriel Jars. Gille Bertrand, « L’administration des mines en France sous l’Ancien Régime », Revue d’histoire des mines et de la métallurgie, t. I, vol. 1, 1969, p. 3-35.
17 Vérin Hélène, La gloire des ingénieurs. L’intelligence technique du xvie au xviiie siècle, Paris, Albin Michel, 1993, p. 205.
18 Birembaut Arthur, « L’enseignement de la minéralogie et des techniques minières », dans Roger Hahn, René Taton, Écoles techniques et militaires au xviiie siècle, Paris, Hermann, 1986, réédition, p. 402-403.
19 Vérin H., La gloire des ingénieurs, op. cit., p. 209.
20 Dans le « mémoire concernant la propriété des mines de charbon de terre où l’on discute les droits du roi, des seigneurs et des propriétaires sur ces mines, et les moyens de les mettre en valeur », Mathieu et Carré recommande de « former des élèves qui ne soient pas de vains discoureurs, dont tout le mérite se réduise à faire de vaines conjectures, mais qui soient des hommes capables de manier la hache et le marteau à pointe, comme de simples ouvriers ; de monter eux-mêmes les machines, d’en inventer de nouvelles au besoin ; de les exécuter de leurs mains quand ils manquent d’ouvriers ». Cité dans Vérin Hélène, ibid.
21 Chappey Jean-Luc, Des naturalistes en Révolution. Les procès-verbaux de la Société d’histoire naturelle de Paris (1790-1798), Paris, Éditions du CTHS, 2010.
22 Bourguet Marie-Noëlle, Lacour Pierre-Yves, « Les Mondes naturalistes (1530-1802) », in Dominique Pestre (dir.), Histoire des sciences et des savoirs, tome I : Stéphane Van Damme (dir.), De la Renaissance aux Lumières, Paris, Le Seuil, 2015, p. 254-281.
23 Laboulais Isabelle, « Notre métier est de décrire. L’écriture des sciences en question pendant la mission dans les Alpes de l’ingénieur des Mines Alexandre Brongniart (1795) », Études sur le xviiie siècle, 2015, n° 42, p. 97-111.
24 Minard Philippe, La fortune du colbertisme. État et industrie dans la France des Lumières, Paris, Fayard, 1998, p. 37 et p. 44.
25 Bourguet Marie-Noëlle, « La collecte du monde : voyage et histoire naturelle (fin xviie siècle-début xixe siècle) », in Claude Blanckaert, Claudine Cohen, Pietro Corsi, Jean-Louis Fischer (dir.), Le Muséum au premier siècle de son histoire, Paris, Éditions du Muséum, 1997, p. 136-198.
26 Laboulais Isabelle, Vogel Jakob, « La construction du métier d’ingénieur des Mines à l’épreuve du terrain pendant la Révolution française et l’Empire », Annales historiques de la Révolution française, n° 385, 2016, p. 47-65.
27 Audren Frédéric, Savoye Antoine, « Les ingénieurs des Mines et les sciences sociales au xixe siècle : le filon leplaysien », in Frédéric Audren, Antoine Savoye (dir.), Frédéric Le Play et ses élèves. Naissance de l’ingénieur social. Les ingénieurs des Mines et la science sociale au xixe siècle, Paris, Presses de l’École des mines, 2008, p. 9-22.
28 Lamé-Fleury Ernest, Recueil méthodique et chronologique des lois, décrets, ordonnances, arrêtés, circulaires, etc., concernant le service des ingénieurs au corps impérial des mines, publié par ordre de son excellence le ministre de l’Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, Paris, 1856, p. 151-153.
29 Dolza Luisa, Vérin Hélène, « Figurer la mécanique… », art. cit., p. 17.
30 Laboulais Isabelle, « La fabrique des savoirs administratifs », in Histoire des sciences et des savoirs, op. cit., p. 446-463.
31 Laboulais Isabelle, La Maison des mines : la genèse révolutionnaire d’un corps d’ingénieurs civils (1794-1814), Presses universitaire de Rennes, 2012.
32 Sous l’Ancien Régime, la collection minéralogique constituée par Sage et exposée à l’Hôtel de la Monnaie était utilisée pendant les cours de minéralogie. Cf. Laboulais Isabelle, « Exposer les collections de minéraux : les choix de l’École des mines entre la fin de l’Ancien Régime et la Restauration », Sources, n° 2, Savants/Savoirs, p. 61-80.
33 Turgot Étienne François, Mémoire instructif sur la manière de rassembler, de préparer et d’envoyer les diverses curiosités d’histoire naturelle, Lyon, Bruyset, 1758.
34 Archives nationales (AN), F 14 2730/2, Lettre de Lefebvre d’Hellancourt, 13 brumaire an XII.
35 Besse Jean-Marc, Voir la Terre. Six essais sur le paysage et la géographie, Arles, Acte Sud, 2000.
36 AN, F 14 2716/1, Dossier de carrière de Brochant de Villiers, « Rapport du Conseil des mines au ministre de l’Intérieur relatif à ce voyage », 5 prairial an V.
37 AN, F 14 2716/2, Brongniart, « Copie des instructions données par A. Brongniart, Grenoble, le 22 prairial an III ».
38 « Voici, d’après la lettre que je joins ici le compte que je devais rendre de mes faibles observations d’un voyage que j’entrepris autant pour mon instruction que pour quelqu’affaires de famille qui m’attirent dans mon pays. Je vous prie d’excuser en faveur de mes efforts beaucoup des faiblesses que j’aurais pu éviter si j’eusse eu le bonheur d’être guidé par un ingénieur qui m’eut éclairé dans ces recherches où j’étais abandonné à mes seules ressources », AN, F 14 4246, Détails recueillis par Gallois sur les mines et usines du département du Bas-Rhin (an VII-an VIII).
39 AN, F 14 4246, Détails recueillis par Gallois sur les mines et usines du département du Bas-Rhin (an VII-an VIII).
40 AN F 142730/1, Laverrière, Lettre de Saget et Jacobé, écrite de Lyon le 18 floréal an III.
41 AN F 142730/1, Laverrière, Lettre de Laverrière écrite de Lyon, le 15 thermidor an II.
42 Ces journaux et mémoires sont conservés à la Bibliothèque de l’École des mines. Ils sont inventoriés dans un registre intitulé « Mémoires, journaux et comptes rendus de voyage de MM les élèves 1819-1878 ».
43 AN, F 14 1301 B.
44 Lacour Pierre-Yves, Denis Vincent, « La logistique des savoirs. Surabondance d’informations et technologies de papier au xviiie siècle », Genèses, 1, 2016, p. 107-122.
45 « Projet d’une distribution méthodique de la collection minéralogique de la France », Journal des mines, pluviôse an X, vol. XI, n° 65, p. 387.
46 AN, F 14 1301 B, « Compte-rendu par les membres du conseil des Mines, Paris le 22 frimaire an VIII ».
47 Hilaire-Pérez Liliane, La pièce et le geste. Artisans, marchands et savoirs techniques à Londres au xviiie siècle, Paris, Albin Michel, 2013, p. 350.
48 Vérin H., La gloire des ingénieurs, op. cit., p. 204.
49 Ibid., p. 205.
50 Mémoire adressé à l’Assemblée nationale par le corps des Mines. Extrait de l’Arrêté du corps des Mines du 2 juin 1790, Paris, Imprimerie des bâtiments du roi, s. d., p. 4-5.
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