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L’art de cour lorrain face au jeu des modèles européens : l’exemple des résidences ducales sous le règne de Léopold
p. 209-232
Texte intégral
1Entre France et Saint-Empire, le mariage entre le jeune Léopold et Élisabeth-Charlotte scelle l’union de deux dynasties mais aussi de deux traditions esthétiques qui vont pouvoir s’exprimer à la faveur de cette floraison des arts qui marquera le règne. Ces forces d’attraction interagissent dans la genèse des phénomènes culturels complexes que sont les résidences ducales, qu’il convient d’interroger dans toute la variété de leurs strates, en perçant leur surface formelle pour tenter d’atteindre les secrets des usages de cour.
Dans le concert des talents de l’Europe
2L’arrivée du jeune duc dans ses États déroule sur les routes de Lorraine un impressionnant cortège1. Les contemporains en ont laissé des descriptions volontiers emphatiques, révélatrices des espoirs que génère le rétablissement d’une maison dont il est de bon ton de vanter la richesse et la pompe, comme pour rompre le sort de l’adversité politique. Doit-on voir une forme de surenchère dans les brochures éditées à l’occasion de ce retour et du prochain mariage de Léopold ? L’une d’entre elles insiste sur la magnificence de ses effets, en évoquant en particulier près de cinquante lustres d’argent accompagnés d’autres pièces de même matière, parmi lesquelles des chaises et des fauteuils du précieux métal2. Le mobilier d’argent constitue dans l’Europe de la fin du xviie siècle un excellent marqueur des politiques de prestige mises en œuvre par les cours princières. Bien que disparu dans les fours de la Monnaie, l’ensemble commandé par Louis XIV a laissé un souvenir brillant et continue de stimuler les imaginations, bien au-delà des frontières du royaume de France. Peut-être plus que les feuillets laudateurs, les festivités du mariage de Léopold nous donnent une bonne idée de cette démonstration de fastes métalliques. Comme la majorité des cours européennes, celle qui se reconstitue en Lorraine en 1698 entend démontrer le luxe de son héritage et, par là même, confirmer le rang de prince souverain du jeune duc. Préparant l’installation du château de Bar-le-Duc pour accueillir le futur couple, le baron de Mahuet dit pouvoir disposer de « plaques, cadres de miroir, chenets, urnes et guéridons » et, ajoute-t-il, « en quantité même3 ». Les descriptions des fêtes publiées dans le Mercure Galant ciblent plus particulièrement l’utilisation des éléments d’argenterie au château de Bar, richement meublé pour l’occasion. Dans les premières pièces de l’appartement nuptial, situé à l’étage, on remarque notamment « un fort beau lustre d’argent » complété de plaques murales pour renforcer l’éclairage. La « chambre du lit » semble mobiliser les ressources les plus spectaculaires. On y retrouve un grand lustre, accompagné de deux paires de plaques murales, encadrant pour l’une le miroir du dessus de la cheminée et pour la seconde le lit de gros de Tours blanc à broderies d’or et d’argent. La lumière vient jouer sur les chenets de la cheminée et sur une série de vases d’ornement. Mais ce sont les trois grands miroirs rythmant les murs qui démultiplient le mieux l’éclat des bougies. Leur bordure est faite de pièces d’argent et de vermeil, matières qui distinguent aussi les guéridons et la table qui leur est associée4.
3Même si tout le mobilier d’argent n’a peut-être pas été utilisé à Bar, nous sommes loin de l’impression d’abondance que donne la brochure évoquée plus haut. L’absence de sièges est également significative, fauteuils, chaises ou tabourets à structure métallique restant assez rares. Surtout composé des éléments les plus répandus, comme les chenets, les lustres et les plaques de lumière, le mobilier d’argent du duc de Lorraine lui permet de satisfaire à cette obligation de luxe à laquelle l’Europe se soumet, mais sans le mettre au rang des cours les plus fastueuses. C’est ce que confirme un document précieux mais resté méconnu : l’inventaire des biens de la duchesse Éléonore-Marie, veuve du duc Charles V et mère de Léopold5. Dressé peu après sa mort à Innsbruck en 1697, il comporte des mentions marginales qui forment une sorte de récolement mis à jour dans les premières années du xviiie siècle. On y apprend que le palais de Nancy et le château de Lunéville s’enrichissent ainsi de quelques lustres, miroirs et plaques de lumière dans leurs salles les plus officielles, ce dont témoigne également la comptabilité des travaux6. Léopold ne paraît pas avoir enrichi cet ensemble. Son frère, le prince Charles de Lorraine (1680-1715), a en revanche été client des orfèvres d’Augsbourg, qui confortent à la fin du xviie siècle leur position dominante en Europe dans la fabrication du mobilier d’argent. Il a en effet commandé à Lorenz II Biller deux guéridons, offerts à la cathédrale d’Osnabrück dont il était l’évêque. Les collections grand-ducales du Luxembourg conservent quant à elles de remarquables plaques de lumière à ses armes, datées de 1711 et attribuées à Johann Heinrich Mannlich7.
4L’orfèvrerie paraît plus couramment sur la table ducale, un domaine dans lequel la prééminence du goût français se manifeste avec éclat. Le jeune Léopold envoie à Paris dès le début de l’année 1698 plusieurs de ses officiers de Bouche se former à l’art de servir à la française8. La même année le comte de Couvonges y supervise plusieurs commandes en lien avec le mariage de son souverain, et notamment celle d’un important service de vermeil, complété de pièces en argent blanc. Celui-ci donne lieu à de nombreux échanges avec le baron de Mahuet pendant l’été 1698, dans lesquels la nécessité de se conformer aux usages parisiens est réaffirmée, pour que le tout soit « bien fait et à la mode9 ». Ce fort pouvoir d’attraction n’empêche pas de s’adresser peu après à un orfèvre d’Augsbourg, Guillaume Michel Rauner, qui livre lui aussi en 1701, 1708 et 1710 de la vaisselle de vermeil et d’argent blanc10. Bien entendu, les artisans lorrains ne sont pas oubliés. C’est ce que révèle un état sommaire dressé en 1714, qui contient de précieuses informations sur l’origine de l’argenterie de l’hôtel ducal. Sur un poids total de 4113 marcs, le vermeil parisien pèse 232 marcs (soit 5,6 % du total), le vermeil lorrain et allemand 497 marcs (12,1 %), l’argent blanc parisien 947 marcs (23 %) ; quant à l’argent lorrain et allemand, il représente à lui seul plus de la moitié de l’ensemble avec 2436 marcs, soit 59,2 % du total11. Le document ne permet qu’une approche quantitative, mais les factures et autres mémoires laissent entendre que c’est vers la capitale française que l’on se tourne pour obtenir les objets les plus prestigieux, ou les plus en accord avec les dernières évolutions des usages. La duchesse Élisabeth-Charlotte a sans doute joué un rôle important dans cette préférence affichée. De son enfance dans les splendeurs de Versailles et du Palais-Royal, elle a gardé le sens du beau et connaît le nom des meilleurs fournisseurs parisiens, à l’image de Pierre Ladoyreau ou de Claude II Ballin. Ce dernier livre en mai 1699 deux cadenas de vermeil, sorte de petit plateau recevant les couverts, doté d’un coffret où sont rangés le sel, le poivre et les cure-dents12. La table ducale est perméable aux innovations qui se font jour à Paris à la fin du xviie siècle. Il en va ainsi du surtout, « machine » placée en position centrale qui contient pendant tous les services les condiments et contribue à l’éclairage grâce à des bras de lumière. À partir de la fin de 1701, le duc de Lorraine fait envoyer à la fonte plusieurs pièces déclassées issues de la succession de sa mère pour faire réaliser son surtout de vermeil. L’objet est livré l’année suivante par l’orfèvre nancéien Christophe Poirot13. À la même époque le prince Charles de Lorraine commande à Paris un surtout de bronze doré exécuté « selon le modèle de feu Monsieur », référence significative car le frère de Louis XIV, père de la duchesse de Lorraine, a contribué à en diffuser la mode14. Léopold souhaite y sacrifier de nouveau en 1726 en s’adressant à Claude II Ballin, mais les tarifs de l’orfèvre, qui travaille alors pour les plus grandes cours d’Europe, ne sont plus dans ses moyens15.
5Le ton parisien triomphe ainsi lors des repas et c’est également dans la capitale française que l’on trouve les objets d’art à la pointe du goût. Les voyages du couple ducal, en 1699 puis en 1718, permettent de découvrir les dernières trouvailles du commerce de luxe. Lors du second séjour parisien, le régent fait cadeau à sa sœur Élisabeth-Charlotte d’un précieux nécessaire, objet d’un genre nouveau. Enthousiasmée, Madame Palatine décrit ce coffret qui renferme « tout ce qu’il faut pour servir le chocolat, le café ou le thé », avec ses tasses dont la porcelaine blanche est rehaussée d’or et d’émail16. La même sophistication caractérise certains des objets qui font peu après le voyage du retour vers la Lorraine, et notamment ceux trouvés chez les marchands La Frenaye et Herbault. Ce dernier devient un fournisseur régulier. En 1726, on achète chez lui pour quatre mille livres un somptueux cabaret regroupant six tasses, six soucoupes et une boîte à sucre doublées d’or ainsi qu’une théière et une boîte à thé garnies du même métal17. L’année suivante, Herbault fournit entre autres un déjeuner de cristal de roche monté en or, avec ses deux carafes et son gobelet taillés à pans, ainsi qu’une fontaine « d’ancienne porcelaine blanche », elle aussi rehaussée d’or18. En matière d’objets d’art, la duchesse semble à l’affût de la modernité. Elle a hérité de son père un goût marqué pour la porcelaine, la grande conquête technique des Européens en ce début du xviiie siècle. Aussi reçoit-elle avec admiration les présents qui lui sont faits depuis Vienne. Après les premières expériences menées à Meissen, la capitale autrichienne accueille en 1718 une manufacture qui se distingue par une production de prestige. Le délicat nécessaire à couture, garni d’or et de diamants, que lui envoie l’impératrice la charme sans doute tout autant que les trois cabarets offerts par son fils François, parti à Vienne en 1723 pour terminer son éducation19.
6Même si elle tourne ses regards admiratifs vers la France, la cour de Léopold manifeste une réelle ouverture sur l’Europe et ses talents. L’art textile en donne une autre preuve. Au moment du mariage, parmi les présents somptueux qui arrivent de Paris, on admire le remarquable meuble de drap d’or que Louis XIV offre à sa nièce20. S’y ajoute une série de six portières à décor d’arabesques bien dans le goût du temps, cadeau de la famille d’Orléans21. Léopold reçoit également en 1699 de la part du roi de France une exceptionnelle tenture des Gobelins célébrant l’Histoire d’Alexandre d’après les cartons de Charles Le Brun. Elle vient enrichir une collection qui suscite déjà l’admiration des contemporains. Le duc cherche à l’augmenter encore par des achats, à Vienne mais aussi à Paris, où l’on acquiert notamment pour lui en 1710 la série des Triomphes de Pétrarque, superbe tissage du début du xvie siècle aujourd’hui conservé à Vienne22. Quelques années auparavant, en 1699, Léopold a chargé son intendant de l’hôtel, le baron de Mahuet, de superviser d’importantes commandes passées à Bruxelles. Outre six tentures de cuir doré, il doit se procurer « des verdures à la mode et dont tout le monde dit que Bruxelles, Anvers et Audenarde est rempli23 ». La plus belle puise ses scènes pastorales dans la tragi-comédie à succès de Giovanni Battista Guarini, Il Pastor fido, publiée en 1589. À la tête de l’un des ateliers bruxellois les plus actifs, Josse De Vos livre les six pièces en juillet 1699 (illustration 1). Son mémoire nous permet d’identifier l’ancienne tenture ducale dans les collections du Kunsthistorisches Museum de Vienne, sous le n° XXV24. Les peintres Richard van Orley et Luc Achtschellinck ont fourni respectivement les modèles des personnages et des paysages25. Au début de son règne, le duc Léopold a donc été sensible à la réputation toujours intacte des lissiers flamands, face à la concurrence de plus en plus vive des créations françaises, venues des Gobelins ou de Beauvais26. Mais après le temps des dons et des achats devait venir celui de la production lorraine, grâce à des ateliers qui allaient participer à l’embellissement des nouvelles demeures ducales.
Illustration 1. – Bruxelles, atelier de Josse De Vos, Les Fiançailles de Myrtillus et d’Amaryllis devant l’autel de Diane, pièce de la tenture Il Pastor fido tissée en 1699 pour le duc Léopold, Vienne, Kunsthistorisches Museum, inv. XXV-6.

Les résidences ducales et l’architecture française : une hégémonie sans partage ?
7Le séjour en Lorraine du grand Jules Hardouin-Mansart en janvier 1700 semble illustrer à lui seul la dépendance de la cour ducale face à l’architecture française. Si le premier architecte de Louis XIV ne voit finalement pas se concrétiser ses vues à Nancy, c’est l’un de ses élèves les plus prometteurs, Germain Boffrand (1667-1754), qui se trouve chargé des plus beaux projets de Léopold, marquant ainsi durablement le paysage artistique des duchés. Sa manière toute de « noble simplicité » contraste avec le dessin d’une façade, animée par l’élan de ses colonnes et les tensions de ses ressauts, qui ne dit son ancrage lorrain que par la croix qui surmonte le fronton central (illustration 2). Il s’agit en effet d’un projet pour le château de Lunéville signé par l’architecte bolonais Francesco Galli Bibiena (1659-1739). Venu à Nancy pour y bâtir un opéra, il s’ajoute à la liste des architectes italiens travaillant pour Léopold27. S’il ne permet pas à lui seul de remettre en cause la dette artistique qui lie la Lorraine à la France, son projet pour Lunéville a le mérite de nous interroger sur les modalités réelles de cette relation. Aux personnalités majeures que sont Hardouin-Mansart et Boffrand s’ajoutent d’autres artistes français, comme les architectes Lassurance ou Nicolas d’Orbay, mais aussi les sculpteurs Jean Vallier, Charles Rousseau et François Dumont. On fait même venir des poseurs de pierre de taille parisiens pour travailler à La Malgrange28. Avant Boffrand, c’est Pierre Bourdict, architecte et sculpteur lyonnais ayant œuvré à Paris aux Invalides, qui prend en main les entreprises ducales à partir de 170029. On peut s’étonner de ce choix relativement obscur au moment du passage de l’astre Hardouin-Mansart. Léopold protège les artistes dont il est proche et auxquels il offre une académie à Nancy en 1702. Mais ses ambitions sont finalement à la mesure de ses moyens limités. Celles qu’il confie à propos de ses bâtiments dans son Cayer pour laisser à mon successeur montrent un souverain se bornant à vouloir se loger commodément et éviter à ses héritiers de devoir trop construire30. Même si le document se veut d’abord une leçon de sage gestion des finances, il reste que ce pragmatisme affiché demeure pour nous une clé de compréhension essentielle des chantiers des résidences ducales, marqués bien plus par les atermoiements et les changements de parti que par quelque idée préconçue ou autre stratégie. Aux côtés de Léopold, il faut réaffirmer la place d’un personnage déterminant dans les rapports artistiques avec la France : la duchesse Élisabeth-Charlotte elle-même. Elle ne borne pas son action à de menus aménagements intérieurs ; ses commandes et ses avis marquent l’avancée des travaux, jusqu’aux plans qui peuvent porter des annotations de sa main31. Dans une lettre adressée à Léopold datée du 19 janvier 1719, juste après l’incendie qui a dévasté le château de Lunéville, Madame Palatine explique à son gendre les origines du goût curieux de sa fille pour les bâtiments. Elle le doit tout simplement à son père, Monsieur, qui s’y entendait à merveille en la matière. « Voyez après cela si ma fille n’a pas esté en bonne escole » conclut-elle32. Ceci vient à l’appui de la thèse avancée par Jörg Garms, qui voyait dans les travaux parisiens de Boffrand pour la maison d’Orléans l’origine de son arrivée sur les chantiers lorrains vers 1709 et de sa nomination en novembre 1711 comme premier architecte de Léopold33.
Illustration 2. – Francesco Galli Bibiena, Projet pour la reconstruction du château de Lunéville, façade sur le jardin, vers 1707-1709, Lunéville, musée du château des Lumières, inv. 2005.0.1602.

8Les projets livrés en 1700 par Hardouin-Mansart pour le palais ducal de Nancy n’ont été finalement suivis que par la démolition de quelques bâtiments secondaires, avant d’être abandonnés34. Sous la direction du premier architecte Pierre Bourdict, l’activité architecturale se reporte vers les demeures de campagne, Lunéville et Einville surtout, où Léopold et son épouse se retirent pendant la belle saison, entourés d’une cour choisie. En 1701, le vieux château d’Einville est progressivement rasé tandis que l’on commence à bâtir une résidence fort modeste35. La même année, précisément en mai, débutent des travaux beaucoup plus conséquents à Lunéville. Le château construit au début du xviie siècle se trouve désormais précédé d’une imposante avant-cour, bordée par deux longs bâtiments symétriques, destinés à accueillir les écuries ducales dans leur soubassement et des logements d’officiers dans les niveaux supérieurs36. Malgré le transfert de la cour à Lunéville en décembre 1702, conséquence de l’occupation militaire de Nancy voulue par Louis XIV, ce n’est qu’à partir de 1707 qu’apparaissent les indices d’une réflexion destinée à mettre en accord le château lui-même avec ses nouvelles fonctions. Le nom de Boffrand est associé deux ans plus tard au chantier et il faut attendre 1712 pour voir le début effectif de la construction d’une aile unique prolongeant l’ancien corps de logis vers les jardins. Ce parti est remis en cause par l’incendie du 3 janvier 1719. Boffrand ambitionne alors de se libérer des traces du passé, mais c’est sans compter le réflexe d’économie de Léopold et les vues personnelles de la duchesse. Dans un projet intermédiaire qui a pu connaître un début d’exécution, il revisite la façade côté jardin de Versailles, dont il parvient à traduire l’impression de grandeur et de puissance malgré la réduction d’échelle (illustration 3). Face à un nouveau revirement de Léopold, le compromis final est trouvé au printemps ; il passe par la réutilisation de l’aile sur jardin et la reconstruction complète des bâtiments sur cour, s’insérant peu ou prou dans le cadre fixé par les anciennes fondations. Lunéville gagne alors ses façades à la majesté simple, rythmées des arcades chères à l’architecte. Sa lecture personnelle de la tradition classique transparaît aussi bien dans l’affirmation du jeu des volumes que dans le percement du corps central, éloge de la transparence qui scelle de façon théâtrale l’union de l’architecture et de la nature.
Illustration 3. – Germain Boffrand, Projet pour la reconstruction du château de Lunéville, façade sur le jardin, 1719, Nancy, Bibliothèque Stanislas, Fonds Piroux, des. 284.

9D’autres occasions sont offertes à Boffrand de donner la mesure de son talent. À La Malgrange, aux portes de Nancy, la construction d’un nouveau château jouxtant un pavillon du xvie siècle inspire plusieurs dessins à l’architecte. Celui qu’il tient à publier dans son Livre d’Architecture est le plus remarquable. Le bâtiment en X s’organise autour d’une rotonde centrale, parti original dans lequel Jörg Garms pense reconnaître un souvenir autrichien de Léopold, en l’occurrence le palais Althan édifié à Vienne par Fischer von Erlach37. Le château qui commence à s’élever en 1711 obéit à des vues plus classiques. Sa genèse peut être aujourd’hui précisée. Après la signature des premiers traités en janvier, les travaux de fondation sont en cours en juin38. Mais vers la fin de l’année le duc décide de changer ses projets, contraignant Philippe-Sigisbert Cléret, son futur contrôleur des bâtiments, à partir pour Paris en janvier 1712. Le 22 février, ce dernier assiste aux côtés de Boffrand à la séance de l’Académie royale d’architecture qui examine les dessins revus39. Le 25 avril, le duc est sollicité pour la reprise des travaux, effective dès le mois de mai40. Il s’agit alors d’allonger de façon assez notable le bâtiment de plan massé entrepris l’année précédente, à partir de l’axe central que forment le grand vestibule et le salon ovale côté jardin. C’est ce que démontre l’analyse du devis de maçonnerie, remis à jour en juin 171241. Les indications contenues dans ce document permettent de voir dans le plan du fonds Robert de Cotte de la Bibliothèque nationale de France une image assez précise de ce qui a été réellement construit, face à la vision idéale fixée dans les planches du Livre d’Architecture42. Celles-ci donnent des dimensions légèrement plus importantes à l’édifice, ainsi qu’un péristyle central côté cour qui ne semble pas avoir vu le jour. Les différences s’estompent face au jardin, où Boffrand se souvient du château de Vaux grâce à la silhouette impérieuse du dôme qui couronne le salon ovale formant saillie (illustration 4). Les travaux de couverture sont presque terminés en 1715 lorsque l’activité se ralentit, peut-être en lien avec une réflexion malheureuse de l’électeur Maximilien-Emmanuel de Bavière, brocardant le statut même de l’édifice43. L’aménagement intérieur reste dès lors en suspens et c’est un château toujours inachevé que Stanislas Leszczynski décide de faire abattre peu après son arrivée en Lorraine en 1737.
10C’est aussi le sort promis au palais de Nancy. L’installation en décembre 1702 des troupes françaises impliquées dans la guerre de Succession d’Espagne avait conduit Léopold à abandonner sa capitale. Il en retrouve le chemin douze ans plus tard, en 1714, lorsque les soldats quittent la ville. Boffrand succède alors à son maître pour d’ambitieux projets. Il conçoit en 1715 pour ce « nouveau Louvre » un palais à cour fermée, dessinant un vaste quadrilatère qui, bien plus que dans les propositions d’Hardouin-Mansart, fait table rase de l’existant. Les travaux débutent en 1717 par la construction du principal corps de logis, ouvert au sud sur la place de la Carrière, qui devient la façade officielle et instaure un nouveau dialogue monumental avec la ville44. Avec la belle ampleur de son mouvement courbe, elle superpose un soubassement à bossages et un ordre colossal qui introduisent dans le paysage nancéien une référence aux places royales parisiennes appelée à une belle fortune au xviiie siècle. La destruction de l’ancien logis ducal oblige à investir les bâtiments qui longent, à l’ouest, la grand rue. En 1715, le pavillon de la « salle neuve », construit à la fin du xvie siècle, est surélevé d’un étage et cloisonné pour accueillir de nouveaux appartements. D’abord prévus pour les princes, ceux-ci sont finalement réservés à Léopold et son épouse qui s’y installent en 1719 pour les séjours hivernaux de la cour à Nancy45. Mais l’incendie de Lunéville la même année contraint trop les finances ducales et un choix s’impose. Comme à La Malgrange, les travaux se ralentissent sans s’arrêter tout à fait. Le bâtiment sur la Carrière est couvert en 1720, prolongé seulement à l’ouest par une aile en retour d’équerre, dont les maçonneries ne s’élèveront qu’à quelques pieds au-dessus du sol46.
Illustration 4. – Façade du palais de La Malgrange du côté du jardin, planche extraite du Livre d’Architecture de Germain Boffrand (1745).

11Malgré l’inachèvement de la plupart des chantiers ducaux, la Lorraine de Léopold participe donc au rayonnement artistique de la France en Europe. À La Malgrange, le projet qui tient à la fois du palais suburbain et de la maison de plaisance correspond à un type qui stimule l’imagination des architectes français, surtout lorsqu’ils travaillent pour de grands commanditaires étrangers, à l’image de Robert de Cotte avec les projets de Rivoli, de Schleissheim ou du Buen Retiro de Bonn. L’acclimatation des formules françaises paraît si bien réussie que certains Lorrains peuvent servir de relais dans ce phénomène de propagation vers l’est. C’est le cas de Jean-Nicolas Jennesson, à qui le comte Aloys Thomas Reymund von Harrach demande un grand projet en 1724, vraisemblablement celui d’une maison de plaisance prévue dans les faubourgs de Vienne, variante assez maladroite de La Malgrange qui restera sur le papier47. Les échanges avec la cour impériale, politiques comme culturels, sont bien entendu intenses et favorisés par la personnalité même de Léopold. C’est ce qui peut expliquer la création à Nancy d’une salle d’opéra qui passe, selon François-Georges Pariset, pour « l’une des incursions les plus avancées du baroque du Saint-Empire dans les aires de civilisation française48 ». Après avoir conçu le théâtre de la cour à Vienne, Francesco Galli Bibiena est appelé en Lorraine en 1707 pour un chantier similaire qui le retiendra deux ans sur place. Davantage que par a priori esthétique, ce choix se justifie par la réputation d’un artiste issu d’une famille de spécialistes du genre. La question de la réception des formes baroques se pose en revanche plus directement face au dessin pour le château de Lunéville. Même à contre-courant des orientations déjà prises par l’architecture lorraine, ce projet ne doit pas être rejeté trop vite, comme un simple capriccio de la part de Bibiena. Car il s’inscrit chronologiquement dans un contexte de réflexions fondamentales sur le devenir du château. À partir de 1707, Léopold sollicite en effet plusieurs plans et maquettes, à une époque où le retour de Bourdict à Paris le prive en outre de premier architecte49.
12De l’activité lorraine de Bibiena, seule la salle de l’opéra de Nancy paraît avoir eu quelque résonance, et essentiellement dans le décor intérieur50. Dans ce domaine, la Lorraine joue sa propre partition, en intégrant par touches plus ou moins discrètes une expression formelle venue d’Italie ou d’Europe centrale. Mais une fois encore le goût parisien domine, dans un rapport avec l’esthétique baroque qui tient davantage de la coexistence que de l’hybridation. Il s’exprime une première fois lors de la refonte de l’appartement que la duchesse occupe à la ménagerie de La Malgrange. Ce petit pavillon d’agrément, voisin du vieux château, voit ses décors intérieurs métamorphosés sous l’action de Bourdict en 170051. L’année suivante, c’est à Lunéville qu’il introduit les nouvelles orientations du décor à la française dans les appartements ducaux. Les plafonds à voussures de plâtre remplacent ceux à poutres et solives apparentes, au-dessus de corniches dont les consoles en saillie rythment le cortège symbolique des petits trophées. Mais la principale innovation tient surtout à l’utilisation croissante des miroirs, véritables marqueurs de la modernité et de la force du modèle français. Ils s’imposent au-dessus des nouveaux manteaux de marbre qui garnissent les foyers, selon l’exemple de la « cheminée à la royale » codifié dans l’entourage d’Hardouin-Mansart à la toute fin du xviie siècle. Si rien ou presque ne subsiste des réalisations de Bourdict dans les premières années du règne, celles de Boffrand sont heureusement mieux connues. Ses dessins lorrains des années 1710 reflètent l’évolution de la mode parisienne, dans un mouvement auquel l’architecte participe de façon originale52. Avec lui, la sculpture ornementale gagne en légèreté, tandis que se développent les principes du progrès en richesse et de l’adaptation du décor à la fonction de la pièce. Les projets pour La Malgrange déploient ainsi un subtil crescendo ornemental, entre la sobriété des antichambres et les arabesques généreuses qui recouvrent les parois des cabinets clôturant les enfilades. C’est le même esprit que l’on retrouve à Lunéville, dans les appartements de l’aile ducale sur le jardin (illustration 5), où Boffrand joue aussi un rôle non négligeable dans l’ameublement. Il fournit le dessin des consoles destinées à garnir la base des trumeaux de miroir, à l’image de celle portée par deux sphinges et frappée de la croix de Lorraine que nous avons pu associer de façon certaine aux décors du château. C’est vers lui que l’on se tourne pour acheter à Paris non seulement des cheminées de marbre, mais aussi des bras de lumière (illustration 6), des chenets et même des meubles d’ébénisterie53.
Illustration 5. – Germain Boffrand, Projet de décor pour le grand cabinet du duc au château de Lunéville, vers 1715-1719, Nancy, Bibliothèque Stanislas, Fonds Piroux, des. 266.

Illustration 6. – Bronzier parisien, Paire de bras de lumière à décor d’enfants termes, vers 1715, Lunéville, musée du château des Lumières. Un modèle comparable a été fourni en 1716 par le fondeur Jean-Baptiste Sautray pour la chambre des Indes du château de Lunéville.

13Face à la prégnance du goût français, le règne de Léopold reste aussi marqué par le pouvoir d’attraction que l’Italie exerce sur la peinture décorative. En 1701, Claude Charles (1661-1747) peint au palais de Nancy le plafond du cabinet de retraite du duc, occupant l’un des petits avant-corps sur jardin du logis ducal. La Gloire des grands rend un hommage allégorique aux victoires de son père sur les Turcs54. La riche polychromie, avec les camaïeux d’or et les marbres feints, évoque un italianisme de bon ton, déjà assimilé par l’art français depuis la génération de Le Brun au moins. Dans le cabinet de la duchesse, le même Claude Charles introduit une tonalité plus baroque dans le jeu d’illusion qui s’opère entre les putti en relief et ceux peints en trompe-l’œil, tout autour des tableaux qui relatent sur les parois les Amours de Psyché et Cupidon55. Nous ne savons malheureusement rien de la fresque que Sanguinetti, artiste génois, réalise en 1702 au plafond de la petite cuisine où la duchesse s’amuse à passer derrière les fourneaux56. En 1709, la décoration de l’opéra de Nancy marque l’apogée du décor italianisant en Lorraine ; elle mobilise plusieurs peintres sous la direction de Bibiena, parmi lesquels son élève Giacomo Barilli et Claude Charles. Tous deux vont collaborer par la suite sur divers chantiers, notamment dans les demeures de la noblesse nancéienne. Il ne reste plus qu’une description de leurs fresques à l’hôtel de Mahuet, où ils étaient parvenus à ouvrir les parois du salon sur un jardin imaginaire grâce à toutes les ressources du maniérisme57. Nous avons trouvé la trace de l’intervention de Barilli au palais de Nancy, lorsque s’achèvent en 1719 les travaux dans les nouveaux appartements du couple ducal, établis dans l’ancienne « salle neuve58 ». Claude Charles aurait lui aussi été appelé sur ce chantier pour prendre part à des décors dont malheureusement nous ignorons tout59. De cette présence de l’art italien au cœur des résidences officielles, il ne subsisterait que la tenture des Mois grotesques, livrée par Charles Mité en 1710 ; les arabesques des six tapisseries s’organisent autour de perspectives d’architectures imaginaires dont les modèles ont été attribués à Bibiena60. Il faut se tourner vers les demeures de la grande aristocratie de cour pour percevoir aujourd’hui les reflets de cet italianisme. À l’hôtel de Ferraris à Nancy et au château de Champigneulles, ce sont les plafonds des escaliers qui s’animent encore d’un réseau de caissons en trompe-l’œil, dont les lignes tumultueuses portent la marque de la leçon de l’opéra de Nancy. Un projet attribué au peintre Joseph Provençal que conserve le Musée lorrain décline les mêmes formes contournées (illustration 7)61. Mais les décors les plus représentatifs sont sans doute ceux du château construit peu avant 1710 à Houdemont par le baron de Soreau, premier maître d’hôtel de Léopold62. Dans cette demeure où le couple ducal avait ses habitudes, une perspective de jardin donne l’illusion de dilater la cage de l’escalier, au demeurant très classique, tandis que le grand salon et l’une des chambres voient triompher au plafond les effets les plus riches, entre architectures feintes et rêves de ciel bleu égayés de putti.
Illustration 7. – Attribué à Joseph Provençal, Projet de plafond, 1re moitié du xviiie siècle, Nancy, Musée lorrain, III 620.

Un modèle curial entre France et Empire : les enjeux de l’intime
14Les résidences ducales, où se manifeste une réelle porosité aux modèles esthétiques offerts par les États voisins, forment le cadre d’une vie de cour dont les usages eux-mêmes restent à interroger. S’il ne voue spontanément qu’un intérêt limité aux subtilités du cérémonial, Léopold déplore toutefois l’absence d’un règlement propre à la Lorraine. Malgré les recherches qu’il a ordonnées, aucun document n’a pu l’éclairer sur la question, les troubles du xviie siècle ayant conduit à une rupture dans la transmission mémorielle63. Il lui faut donc composer, et forcer quelque peu son naturel, pour satisfaire aux contraintes de représentation qui s’imposent aux princes de l’âge baroque. À côté de la messe et du repas du milieu de la journée, le lever du duc constitue l’un des temps forts de la vie publique qui rythment le quotidien de la cour de Lorraine. Il s’y habille en présence de ses principaux officiers et de certains seigneurs, à qui l’accès semble assez largement autorisé64. Quant à la duchesse Élisabeth-Charlotte, elle assume de son côté sa part d’obligations officielles. L’analyse des distributions au sein des résidences ducales révèle dans ses appartements l’existence systématique d’une « chambre de la toilette », pièce publique où sont mis en scène chaque matin les gestes de beauté associés à l’habillement, au maquillage et à la coiffure, selon une pratique qui tend à se généraliser à toute l’élite au xviiie siècle.
15Au palais de Nancy, le corps de logis fermant à l’est le quadrilatère de la vieille cour accueille, comme au xvie siècle, le souverain et son épouse (illustration 8). Au premier étage, au débouché de l’escalier du « Rond », la vaste salle Saint-Georges marque au sud l’entrée de l’appartement de Léopold, dont elle constitue la salle des gardes. L’enfilade des pièces principales qui s’étire ensuite se trouve complétée par les cabinets et garde-robes en saillie sur le jardin. Dotée d’une estrade pour recevoir la table ducale, la première antichambre voit perdurer au xviiie siècle l’usage ancien des repas publics. Vient ensuite la chambre dite « du dais », où ce symbole textile de souveraineté ajoute à la solennité des réceptions officielles. La chambre de parade qui lui succède est elle aussi dédiée à la vie de cour. L’appartement de la duchesse se développe au même niveau, selon le même axe, mais en sens inverse. Les deux escaliers construits dans l’angle nord-est fournissent un accès particulier. Par l’intermédiaire de la terrasse extérieure et d’un corridor, ils desservent l’antichambre où se tiennent les gardes (illustration 8, n° 13) ; quelques petites pièces sur cour forment le logement de service de la première femme de chambre. Un passage mène à un escalier tout proche conduisant à « l’appartement des poupons » (illustration 8, n° 14), qui occupe l’entresol au-dessus du rez-de-chaussée dans l’aile longeant le parterre au nord.
Illustration 8. – Distribution des appartements ducaux au premier étage du palais de Nancy au début du règne de Léopold.

1 : escalier du « Rond », 2 : salle des gardes, 3 : grande antichambre, 4 : garde-robe de Son Altesse Royale (construite en 1702), 5 : chambre du dais, 6 : cabinet de Son Altesse Royale-bibliothèque (construit en 1702), 7 : chambre de Son Altesse Royale, 8 : cabinet de Son Altesse Royale (décor allégorique de Claude Charles à la gloire de Charles V, 1701), 9 : « chambre où couchent Leurs Altesses Royales » (plafond de Claude Charles célébrant les Arts, 1698), 10 : chambre dorée – chambre de Son Altesse Royale Madame, 11 : cabinet de Son Altesse Royale Madame (décor de Claude Charles sur les Amours de Psyché et Cupidon, 1702), 12 : chambre de la toilette, 13 : antichambre – salle des gardes de Son Altesse Royale Madame, 14 : escalier menant à « l’appartement des poupons » à l’entresol.
16La duchesse peut ainsi facilement accomplir son rôle de mère. Dans la pièce suivante, c’est bien la souveraine qui assume les charges de son rang en offrant tous les matins le spectacle de sa toilette publique. La chambre voisine correspond à la « chambre dorée » voulue en 1654 par le maréchal de La Ferté-Senectère, fastueux gouverneur de Lorraine pendant l’occupation française. Le décor mis en place sous la direction de Claude Deruet subsiste pour l’essentiel et contribue à la richesse de cette pièce, à l’usage surtout cérémoniel malgré la présence attestée d’un lit65. Car il faut encore franchir une porte pour atteindre la véritable chambre à coucher que la duchesse partage avec son époux au cœur de l’enfilade (illustration 8, n° 9). C’est bien là que réside la grande originalité du système distributif dans le vieux palais, cette convergence vers un espace central qui matérialise l’intimité du couple ducal. Par rejet successif des fonctions représentatives traditionnellement attachées à la chambre, la dernière pièce de cet appartement double se trouve donc réduite à son rôle premier et fondamental, celui d’un sommeil partagé au creux d’un lit commun66.
17Une telle proximité surprend car elle paraît bien éloignée de l’idéal de vie cultivé par l’élite en France67. Comment dès lors expliquer cette curiosité ? Elle ne semble pas trouver son origine dans le maintien d’un usage distributif préexistant. Au début du xviie siècle, les appartements de Charles IV et de son épouse, la duchesse Nicole, auraient été superposés à l’intérieur du logis ducal68. À la cour de France, le règlement édicté par Henri III en 1585, texte fondateur dans la mise en espace de l’étiquette royale, prévoit que le souverain passe la nuit chez son épouse, un cabinet de retraite mettant en relation directe les chambres respectives qui demeurent toutefois officiellement séparées69. Si ce système théorique intégrant l’idée d’une intimité conjugale a pu être mis en œuvre à Fontainebleau, il va rapidement entrer en concurrence avec les nouvelles solutions planimétriques inventées par les architectes français à partir de la fin du xvie siècle. Celles-ci privilégient au contraire des appartements symétriques qui, le plus souvent, se développent de façon divergente à partir d’un élément central fort, escalier ou grande salle70. C’est vers l’Autriche qu’il faut se tourner pour trouver une disposition proche de celle rencontrée en Lorraine. En effet, comme vient de le démontrer Herbert Karner, la chambre commune, placée au cœur d’un système distributif convergent, s’affirme dans les usages du couple impérial dès le xviie siècle71. Le souvenir des séjours à Vienne a certainement pu influencer le duc Léopold lors de son installation à Nancy. Il se montre d’ailleurs particulièrement réceptif aux modèles exogènes en matière de réglementation de la vie de cour. Face à l’absence de cérémonial lorrain, il souhaite ordonner la rédaction d’une étiquette, justifiant ainsi le bien-fondé de sa démarche dans son Cayer pour laisser à mon successeur : « Le plan que je me propose à suivre pour establir cette règle sera assez bon car on le tirera de plusieurs cours et on tachera de l’accommoder au pays le mieux qu’il sera possible72. » Selon son habituel pragmatisme, Léopold a pu voir dans le modèle impérial une caution de prestige validant des choix distributifs sur lesquels ont certainement pesé aussi des contraintes architecturales. Mais les dispositions du vieux corps de logis ne peuvent à elles seules expliquer la convergence vers une chambre partagée. Pour preuve, la réaffirmation de ce système lors de la création des nouveaux logements ducaux en 1719 du côté de la grand rue (illustration 9). Alors que le volume de l’ancienne « salle neuve » laissait une certaine liberté dans l’aménagement intérieur, on a reproduit l’idée des deux appartements sur une même enfilade, dont le point de rencontre est une nouvelle chambre à coucher commune73.
Illustration 9. – Essai de restitution des appartements ducaux au premier étage du pavillon sur la grand rue au palais de Nancy (vers 1719-1720).

1 : escalier de l’horloge, 2 : nouvelle salle des gardes, 3 : galerie des cerfs (cloisonnée), 4 : salle de la livrée, 5 : appartements des princesses Élisabeth-Thérèse et Anne-Charlotte, 6 : salle à manger de Son Altesse Royale, 7 : chambre de Son Altesse Royale, 8 : chambre à coucher commune, 9 : chambre de la toilette de Son Altesse Royale Madame, 10 : salle à manger de Son Altesse Royale Madame, 11 : salle de la livrée, 12 : petite salle des suisses, 13 : escalier, 14 : galerie menant à la tribune des Cordeliers, 15 : cabinet de Son Altesse Royale Madame, 16 : garde-robe (appartement de service à l’entresol), 17 : second cabinet « où Son Altesse Royale travaille », 18 : passage – chaise percée, 19 : cabinet des secrétaires ou second cabinet de Son Altesse Royale, 20 : premier cabinet de Son Altesse Royale, 21 : garde-robe (appartement de service à l’entresol), 22 : cabinet en saillie.
18L’originalité du schéma distributif centré sur la chambre conjugale apparaît plus clairement lorsqu’on le compare aux projets de reconstruction du palais. En 1700, Jules Hardouin-Mansart propose un système d’appartements symétriques, bien individualisés et divergents, plus conformes au modèle français, au sein du nouveau et vaste corps de logis qui serait venu doubler l’ancien face au jardin74. Dans son projet élaboré en 1715, Boffrand reprend l’idée de cette séparation. Il développe les deux logements ducaux de façon parallèle, dos à dos, dans le bâtiment qu’il prévoit sur la Carrière. Il laisse à la duchesse la vue sur la cour intérieure, tandis que son époux profite du spectacle de la vie urbaine offert par la place qui s’étend devant lui. Là encore, aucune communication directe n’est possible entre les parties privées. Il semble donc que les projets d’agrandissement du palais soumis par des architectes français, en libérant les possibilités spatiales, autorisent de nouvelles aspirations et introduisent un autre schéma de référence.
19Une autre réflexion s’opère à Lunéville à partir de 1712, lorsque l’ancien château est complété d’une nouvelle aile en direction des jardins. Boffrand y conçoit deux appartements autonomes, qui se déploient de façon parallèle à l’étage. La duchesse y dispose du logement le plus grand, filant le long de la façade nord. Séparé de celui de son épouse par une cour intérieure, l’appartement du duc prend jour au sud ; il jouit de la vue sur un parterre de broderies et au-delà sur la ville. Pour l’essentiel, ces dispositions intérieures survivent à l’incendie de 1719 et au transfert des appartements ducaux de l’étage au rez-de-chaussée (illustration 10). On y retrouve ainsi le petit passage qui met en communication directe, grâce à deux portes sous tenture, la chambre du duc avec celle de son épouse, qui assume le rôle de chambre conjugale75. Celle réservée à Léopold semble en revanche se réduire à une fonction strictement cérémonielle, en servant de cadre au lever public du souverain. C’est ce que confirme le témoignage du baron de Pfütschner. Proche conseiller du nouveau duc François III, il propose à ce dernier une réorganisation partielle des appartements du château dans un mémoire daté du 29 juin 1729. Il précise à cette occasion que la duchesse Élisabeth-Charlotte se refuse désormais à dormir dans la chambre de son propre appartement car c’est là que Léopold est mort76. Malgré l’autonomie des appartements, on constate donc à Lunéville le maintien de l’usage d’une chambre partagée. La vie commune du couple perdure, même si elle s’estompe officiellement derrière le voile offert par le modèle distributif français.
Illustration 10. – Plan des appartements ducaux au rez-de-chaussée du château de Lunéville, vers 1720, d’après le Livre d’Architecture de Germain Boffrand.

1 : passage couvert, 2 : salle des gardes, 3 : salle de la livrée, 4 : chapelle, 5 : grand salon, 6 : antichambre de Son Altesse Royale Madame, 7 : chambre de Son Altesse Royale Madame – chambre à coucher commune, 8 : grand cabinet de Son Altesse Royale Madame, 9 : second cabinet – cabinet à écrire de Son Altesse Royale Madame, en gris : appartement privé commun, 10 : cabinet, 11 : chambre des Indes, 12 : salle de la machine (salle à manger privée), 13 : antichambre de Son Altesse Royale, 14 : chambre de Son Altesse Royale – chambre du lever, 15 : grand cabinet de Son Altesse Royale – cabinet du conseil.
20En réalité, elle se déplace vers un autre lieu, qui n’est plus simplement une chambre mais prend la dimension de tout un appartement de retraite, à l’extrémité orientale de l’aile77. Et c’est vers ce centre de gravité de l’intime que convergent désormais les deux enfilades, pour y profiter au mieux de la proximité avec les jardins. Le système convergent trouve ici une expression nouvelle et originale, qui s’adapte pleinement à l’esprit du lieu et à l’échelle d’un château qui, véritable « palais malgré lui », reste fidèle au fil des reconstructions à la maison de campagne qu’il était au début du règne78.
21Entre Versailles et Vienne, le jeu des modèles curiaux incarnés par les souverains se matérialise au sein des appartements de façon fluctuante et toujours malléable, face aux contraintes architecturales propres à chacune des résidences. Ces références exogènes apparaissent plus clairement dans l’iconographie des décors qui accompagnent les effets distributifs. Le choix des portraits occupant le dessus des portes est ainsi particulièrement significatif. À Lunéville, dans la chambre de la duchesse, la double effigie de Louis XIV et Marie-Thérèse répond à celle réunissant Louis XIII et Anne d’Autriche, symboles de son ascendance et de son statut de petite-fille de France. Le rappel dynastique se poursuit probablement à travers les autres pièces officielles de l’appartement79. Chez Léopold, les dernières générations de Habsbourg s’imposent au regard80. À Nancy, le portrait de l’empereur est accroché dans sa chambre dès le début du règne. Mais c’est surtout le souvenir de son père Charles V et de ses victoires sur les Turcs au service de Léopold Ier qui marque l’ancrage impérial du duc. Il en fait le thème du décor peint commandé à Claude Charles en 1701 pour son cabinet du palais de Nancy (illustration 8, n° 8). Dans une pièce aux dimensions très modestes, l’artiste compose au plafond une célébration voilée par l’allégorie, rappel de la gloire paternelle qui s’offre comme un support à l’introspection. Cette retraite demeure à l’écart des circulations publiques81. En revanche, dans l’enfilade voisine, ouverte à la vie de cour, l’image de Charles V est plus directement présente, par la matérialité immédiate de son portrait. Un buste est en effet installé sur une console en forme de tête de soldat ottoman82. À Lunéville, avant l’incendie de 1719, le grand salon qui commande les appartements ducaux s’organise autour du triomphe de Charles V peint au-dessus de la cheminée. L’antichambre voisine contribue à cette fonction didactique en intégrant dans ses lambris d’autres grands tableaux, œuvres de Jean-Baptiste Martin, qui relatent ses succès militaires pour la défense du Saint-Empire83.
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22Par ce lien entre décor et politique s’exprime une nouvelle fois le rapport des forces d’attraction qui interagissent au sein des demeures du duc de Lorraine. C’est encore le cas en 1731, lorsqu’un portrait officiel de Louis XV est installé à Lunéville dans l’ancienne chambre de parade de Léopold84. L’incursion visuelle de la monarchie française dans un territoire jusque-là dominé par l’image impériale marque le franchissement d’un point d’équilibre, une rupture qui pourrait symboliser à elle seule le destin bientôt promis à l’État lorrain.
Notes de bas de page
1 Dom Augustin Calmet, Histoire de Lorraine, op. cit., VII, col. 197.
2 Mémoires des magnifiques emmeublements et la valeur des Pierreries et bijoux dont le Duc de Lorraine a fait présent à Mademoiselle d’Orléans, son épouse, à Paris, chez chez Philippe Huberson, quay des Augustins, s. d., cité par Jacques Charles-Gaffiot, « Les présents de mariage offerts à Mademoiselle », in Jacques Charles-Gaffiot (dir.), La cour de Lorraine en ses meubles. 1686-1766, découvertes inédites, Paris, Jacques Charles-Gaffiot éd., 2008, p. 63-72.
3 BnF, collection de Lorraine, vol. 601, f° 250 : lettre du baron de Mahuet au comte de Couvonges, envoyé de Lorraine à Paris (27 juillet 1698).
4 Mercure Galant, octobre 1698, p. 258-286 ; novembre 1698, p. 193-210.
5 HHStA/LHA, Kart. 48.
6 Le récolement de l’inventaire de la duchesse Éléonore paraît avoir été mis à jour entre 1698 et 1704, sans toujours préciser la résidence abritant les objets.
7 Lorenz Seelig, « Le mobilier d’argent d’Augsbourg », in Catherine Arminjon (dir.), Quand Versailles était meublé d’argent, Paris, Réunion des musées nationaux, 2007, p. 85-99.
8 Gazette de Hollande, Paris, 17 février 1698.
9 BnF, collection de Lorraine, vol. 601, f° 220 : lettre du comte de Couvonges à Mahuet (Paris, 28 juin 1698) ; f° 246 : lettre de Mahuet à Couvonges, Lunéville (27 juillet 1698).
10 ADMM, B 1550 ; B 1590 et B 1599. Comme pour la majorité des pièces justificatives de la comptabilité ducale conservées dans la série B des Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, les documents ne sont pas paginés.
11 ADMM, 3 F 235, n° 35.
12 BnF, collection de Lorraine, vol. 601, f° 283 ; ADMM, B 1531.
13 ADMM, B 1559.
14 ADMM, B 1561 : mémoire de La Varenne daté à Paris du 26 mars 1702.
15 ADMM, 3 F 370 : lettre de Marc de Beauvau-Craon au marquis de Stainville (11 juin 1726).
16 Paul Micio, Les Collections de Monsieur frère de Louis XIV. Orfèvrerie et objets d’art des Orléans sous l’Ancien Régime, Paris, Somogy éditions d’art, 2014, p. 214.
17 ADMM, 3 F 9, n° 15.
18 ADMM, B 1711.
19 Chantal Humbert, Les Arts décoratifs en Lorraine, op. cit., p. 63 ; Zoltan Harsany, La Cour de Léopold…, op. cit., p. 99.
20 Jacques Charles-Gaffiot, « Les présents de mariage », op. cit., p. 64.
21 Thierry Franz, « Nouveaux éléments sur la collection de tapisseries des ducs de Lorraine », in Thierry Franz (dir.), Éclat et scintillement. Lumière sur le décor de la chambre de la duchesse à Lunéville, Ars-sur-Moselle, Serge Domini éditeur, 2014, p. 84-93.
22 Ibid., p. 90. Vienne, Kunsthistorisches Museum, inv. KK T CII.
23 BnF, collection de Lorraine, vol. 601, f° 354 : lettre de Mahuet (25 septembre 1700).
24 Ibid., f° 421. La seconde tenture du Pastor fido présente dans les collections viennoises (n° LXXX), tissée également chez Josse De Vos, semble avoir été réalisée peu avant celle du duc de Lorraine pour le futur empereur Joseph Ier (BnF, collection de Lorraine, vol. 601, f° 314).
25 BnF, collection de Lorraine, vol. 601, f° 384.
26 Guy Delmarcel, La Tapisserie flamande, Paris, Imprimerie nationale, 1999, p. 305.
27 Étudiés dans le présent volume par Raphaël Tassin.
28 ADMM B 1606 : Mémoire des poseurs envoyés de Paris par Boffrand pour travailler à La Malgrange depuis le 28 août 1711.
29 Marie-France Jacops, « La carrière de Pierre Bourdict, premier architecte et directeur des ouvrages de sculpture du duc de Lorraine », Le Pays Lorrain, vol. 90, n° 3, 2009, p. 201-210.
30 ADMM 3 F 315, op. cit., n° 31.
31 Thierry Franz, « Les appartements du duc Ossolinski et de son épouse au château de Lunéville », in Catherine Guyon (dir.), Lunéville, de la ville et de son château, xive-xxe siècles, 2e Journée d’études Meurthe-et-Mosellanes, Haroué, Gérard Louis éd., 2008, p. 87-102.
32 HHStA/LH 23 (ADMM, 1 Mi 845/23). Nous remercions vivement le général Alain Petiot de nous avoir communiqué ce document.
33 Jörg Garms, « Vie de Boffrand », in Michel Gallet et Jörg Garms (dir.), Germain Boffrand 1667-1754. L’aventure d’un architecte indépendant, Paris, Herscher, 1986, p. 22-28.
34 Jörg Garms, « Les projets de Mansart et de Boffrand pour le palais ducal de Nancy », in Bulletin monumental, t. CXXV, n° 1, 1967, p. 231-246.
35 ADMM B 1550 ; B 1553. Le chantier du château d’Einville connaît une seconde étape majeure, lancée en mai 1704, qui voit la construction des ailes et dépendances entourant les deux cours qui précèdent le corps de logis (ADMM, B 1571).
36 Thierry Franz, « Lunéville ou les métamorphoses d’une maison de campagne. 1698-1737 », in Thierry Franz (dir.), op. cit., 2014, p. 24-37. La présence active de Bourdict à Lunéville et la réalisation d’une maquette des bâtiments de l’avant-cour sous sa direction nous portent à lui attribuer la paternité de ces travaux, et non à son rival Christophe André, l’intendant des bâtiments, comme l’a proposé Paulette Choné (Paulette Choné, « Convenance et Utilité. Boffrand et le problème des écuries », in Christian Taillard [dir.], Art de cour. Le mécénat princier au siècle des Lumières, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 163-176).
37 Jörg Garms, « Boffrand et la Lorraine », in Michel Gallet et Jörg Garms (dir.), Germain Boffrand. 1667-1754. L’aventure d’un architecte indépendant, Paris, Hersher, 1986, p. 70-103.
38 ADMM, B 1616 : extrait des registres du conseil des finances du 27 juillet 1714 qui évoque le traité passé le 16 janvier 1711 avec Dominique Lapierre pour le transport des pierres de taille ; B 1600 : toisé des ouvrages de charpente par Nicolas Renault et consorts, en lien avec les fondations du nouveau château en juin 1711.
39 ADMM, B 1610 : état de la dépense de Cléret (15 septembre 1712).
40 ADMM, B 1609 : Mémoire des voyages de Louis-François Guesnon, architecte conducteur des travaux de La Malgrange, en 1712.
41 ADMM, B 1606.
42 François Fossier, Les dessins du fonds Robert de Cotte de la Bibliothèque nationale de France : architecture et décor, Paris-Rome, Bibliothèque nationale de France-École française de Rome, 1997, p. 468.
43 Zoltan Harsany, La Cour de Léopold…, op. cit., p. 291.
44 Zoltan Harsany, La Cour de Léopold…, op. cit., p. 250 ; ADMM, B 1628 : supplique des entrepreneurs Timothée Gentillâtre et Pierre Gabory. L’établissement des fondations est en cours le 21 août 1717, date du certificat de paiement d’un acompte de 4000 livres donné à Nicolas Renault et Jean Jadot, « entrepreneurs des nouveaux ouvrages du palais de Nancy » (ADMM, B 1626).
45 ADMM, B 1620 ; B 1640.
46 ADMM, B 1661 ; Jean-Jacques Lionnois, Histoire des villes vieille et neuve de Nancy, op. cit., p. 50.
47 ADMM, 3 F 21, n° 141 et 154 : lettres de Didier Bugnon datées du 28 mai 1724 et du 18 septembre 1725 ; Wilhelm Georg Rizzi, « Ein französisches Projekt für ein Gartenpalais der Familie Harrach », Wiener Jahrbuch für Kunstgeschichte, XXXIV, 1981, p. 180-182. Nous remercions vivement Éric Hassler de nous avoir communiqué cet article.
48 Cité par Michel Antoine, « L’Opéra de Nancy », Le Pays Lorrain, n° 1, 1965, p. 1-23.
49 Ibid., p. 4.
50 Raphaël Tassin a proposé d’associer des dessins pour un opéra, attribués à Giacomo Barilli, à un projet de Boffrand pour le château de Lunéville. L’hypothèse demande à être documentée. En réalité, Boffrand prévoit l’implantation d’une salle de spectacle dans deux de ses projets pour Lunéville ainsi qu’au palais de Nancy. Mais aucune ne semble offrir un cadre architectural adapté aux dessins évoqués plus haut.
51 ADMM, B 1542 : Mémoire des travaux de menuiserie, de sculpture et de peinture réalisés « sous la conduite et desseins » de Bourdict. L’analyse des documents contredit Zoltan Harsany qui localisait ces travaux dans le vieux château de La Malgrange (op. cit., p. 287).
52 Bruno Pons, « Germain Boffrand et le décor intérieur », in Michel Gallet et Jörg Garms (dir.), op. cit., p. 187-252.
53 Thierry Franz, Alain Philippot, « Nouveaux éléments sur le château de Lunéville au temps de Léopold : distribution, décor intérieur et mobilier », Le Pays Lorrain, n° 2, 2010, p. 107-116.
54 ADMM, B 1549 : Mémoire de Claude Charles certifié le 30 novembre 1701.
55 ADMM, B 1555 : Mémoire de Claude Charles certifié le 10 novembre 1702.
56 Ibid. : mémoire des travaux de charpente de David Tenambert certifié le 7 juillet 1702.
57 Gérard Voreaux, Les Peintres lorrains du dix-huitième siècle, op. cit., p. 81.
58 ADMM, B 1640 : Toisé des travaux de plâtrerie réalisés en 1719 au palais ducal par Nicolas Vallée et Léonard Masson.
59 Gabriel Michaud, « Notice sur Claude Charles, peintre du duc Léopold, héraut d’armes de Lorraine », Mémoires de la Société d’archéologie lorraine, 1895, p. 108-164.
60 Michel Antoine, « Les manufactures de tapisserie des ducs de Lorraine au xviiie siècle (1698- 1737) », op. cit., p. 24.
61 Nancy, Musée lorrain, recueil de Prosper Morey, III, 620 ; Prosper Morey, « Description d’anciens dessins inédits de peintres, sculpteurs et architectes lorrains », Journal de la Société d’archéologie et du Comité du musée Lorrain, 1866, p. 108-128, p. 121.
62 ADMM, 3 F 412, n° 257 : lettre du baron de Sauter à Parisot le 15 août 1710 évoquant un souper offert à Houdemont au duc et à la duchesse.
63 ADMM, 3 F 315, n° 31.
64 Zoltan Harsany, La Cour de Léopold…, op. cit., p. 430.
65 ADMM, B 1542 : Mémoire des travaux de serrurerie de Claude et Nicolas Franchot pour novembre et décembre 1699 mentionnant « le grand lit bleu dedans la chambre dorée ».
66 Plusieurs mentions en lien avec l’entretien du mobilier attestent l’usage d’un lit commun, à l’image du nettoyage « des tringles du lict de Leurs Altesses Royales » par les serruriers Enart et Fontenoy en 1715 (ADMM, B 1616).
67 Michelle Perrot, Histoire de chambres, Paris, Le Seuil, 2009, p. 66.
68 Henri Lepage, « Le palais ducal de Nancy », Bulletin de la Société d’Archéologie Lorraine, t. III, n° 1, 1852, p. 5-192, p. 107.
69 Bertrand Jestaz, « Étiquette et distribution intérieure dans les maisons royales de la Renaissance », Bulletin monumental, t. 142, n° 2, 1988, p. 109-120, p. 113.
70 Alexandre Gady, « Le roi, la reine… et la reine mère. Essai sur les appartements royaux en France au xviie siècle », in Monique Chatenet et Krista De Jonge (dir.), Le prince, la princesse et leurs logis. Manières d’habiter dans l’élite aristocratique européenne (1400-1700), Paris, éd. A. et J. Picard, 2014, p. 229-244.
71 Herbert Karner, « The Quarters of the Emperor and Empress in the Vienna Hofburg in the Seventeenth Century », in Monique Chatenet et De Krista Jonge (dir.), op. cit., p. 301-310.
72 ADMM, 3 F 315.
73 Parmi les documents décrivant la distribution de ces nouveaux appartements, citons surtout le mémoire des travaux de peinture réalisés par Pierre Boulangé en 1721 (ADMM, B 1657). D’autres pièces d’archives attestent ici encore l’utilisation d’un lit commun (ADMM, B 1670, mémoire des travaux de serrurerie réalisés par Jacques Esnard en 1723).
74 Jörg Garms, « Les projets de Mansart et de Boffrand… », op. cit., p. 239.
75 La pièce est régulièrement désignée comme la « chambre de Leurs Altesses Royales », notamment dans le mémoire des peintures livrées en 1722 par Charles-Louis Chéron pour les dessus-de-porte (ADMM, B 1671).
76 ADMM, 3 F 26, n° 39.
77 Léopold et son épouse s’y retrouvent au quotidien dans la salle à manger privée, à l’occasion de soupers familiaux servis sur une table dont le plateau mobile garantit le confort et l’intimité des repas.
78 Au premier étage des Tuileries, à la fin des années 1660, le petit appartement de Louis XIV touche aux pièces de retraite occupées par la reine Marie-Thérèse, sans qu’il existe toutefois un appartement privé commun (Alexandre Gady, op. cit., p. 240).
79 Huit portraits peints par Pierre Gobert ont été installés au-dessus des portes dans l’appartement de la duchesse à Lunéville en 1723-1724 (ADMM, B 1671). Ils pourraient appartenir à la série « des portraits de la maison royale » pour lesquels le même artiste touche un acompte de 2000 livres le 5 décembre 1721 (ADMM, B 1656). Avant l’incendie de 1719 la duchesse avait déjà commandé des portraits de la famille royale pour le dessus des portes des principales pièces de son appartement à Lunéville (ADMM, B 1637).
80 On trouve par exemple dans le grand cabinet les portraits des cousins du duc Léopold, les empereurs Joseph Ier et Charles VI accompagnés de leur épouse (ADMM, B 1671).
81 L’analyse fine des mémoires comptables nous a permis de situer précisément le plafond de Claude Charles dans une pièce d’environ 4 mètres sur 3 et donc d’infirmer la mention d’une « vaste fresque » avancée par Zoltan Harsany et souvent reprise par la suite (op. cit., p. 225).
82 ADMM, B 1550 : Mémoire des travaux de sculpture par Renault Mesny en 1701.
83 Thierry Franz, « L’Antichambre du duc à Lunéville ou la gloire équestre de la maison de Lorraine.
À propos du cycle des victoires de Charles V », Lunéville, les cahiers du château, n° 9, 2014, p. 40-47.
84 MAE, CP Lorraine, vol. 123 : lettre de Jean-Baptiste d’Audiffret (8 mars 1731). Nous adressons nos vifs remerciements à Anne Motta de nous avoir généreusement indiqué ce document.
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Échanges, passages et transferts à la cour du duc Léopold (1698-1729)
Ce livre est cité par
- Leroux, Flavie. (2020) Les historiens et le mythe de Versailles en Europe, des années 1960 à nos jours. Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles. DOI: 10.4000/crcv.18247
- Franz, Thierry. (2023) Lunéville au miroir de Versailles : reflets d’un regard distancié (1698-1737). Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles. DOI: 10.4000/crcv.26661
- Sussman, Sarah. (2018) Recent Books and Dissertations on French History. French Historical Studies, 41. DOI: 10.1215/00161071-6953743
Échanges, passages et transferts à la cour du duc Léopold (1698-1729)
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