Chapitre VII. Vers l’unification des écologistes
p. 261-306
Texte intégral
1À la fin des années 1970, les organisations écologistes se sont profondément transformées. Les Amis de la Terre se spécialisent, notamment au niveau national, dans des activités d’expertise tandis que les déboires européens de la CIME l’amènent à travailler à la création d’une structure politique pérenne. Ainsi, après une période consacrée à la légitimation de l’écologisme, le temps de l’institutionnalisation semble venu.
2Cette transformation des organisations constitue une réponse parmi d’autres possibles à la banalisation des questions environnementales et au sentiment de reflux de l’écologisme. À l’approche des élections présidentielles de 1981, une nouvelle étape est franchie avec la relance du processus d’unification des écologistes.
3Or, derrière ce terme en apparence simple et transparent se cachent bien des significations différentes selon les acteurs et leurs stratégies du moment. S’agit-il de définir une doctrine commune, susceptible de rassembler deux sensibilités de plus en plus distinctes l’une de l’autre ? Faut-il plutôt se consacrer à l’édification d’une structure commune ? Le cas échéant, son rôle se bornerait-il à l’action électorale ou absorberait-elle l’ensemble des organisations préexistantes ? Quand s’ouvrent les discussions qui rassemblent des militants et des organisations aux origines variées, rares sont ceux qui disent souhaiter la création d’un parti écologiste.
4Ce dernier chapitre a donc pour but de comprendre comment, en l’espace de quelques années, les débats visant à l’unification des écologistes conduisent à la mise en place d’une structure pérenne uniquement tournée vers l’action électorale, hypothèse qui ne suscitait aucun enthousiasme quelque temps auparavant. Les élections présidentielles de 1981 s’imposent comme une première étape décisive en ce qu’elles conduisent à une collaboration plus poussée entre les diverses tendances de l’écologisme dans le cadre d’un collectif plus complexe et professionnalisé que ce à quoi les militants étaient accoutumés. Par la suite, les déceptions nées de la politique énergétique menée par la gauche nouvellement arrivée au pouvoir, tout comme la relative banalisation des questions environnementales, confortent la tendance favorable à la construction d’une alternative politique claire aux organisations déjà existantes. Enfin, les controverses et les querelles personnelles récurrentes achèvent de convaincre les militants qu’une unification de l’ensemble de ceux qui se considèrent comme écologistes semble impossible ; dès lors, la création des Verts apparaît comme le seul substitut envisageable à une unité inatteignable.
Les écologistes face au défi d’une seconde élection présidentielle
5En 1974, René Dumont fait son entrée au Panthéon écologiste en devenant leur premier candidat à une élection présidentielle, révélant ainsi au grand public l’existence de cette nébuleuse. Sept ans plus tard, la portée transgressive de la candidature de Brice Lalonde est nettement moindre. Suivant son cours, le calendrier politique pose aux militants d’épineux dilemmes politiques et éthiques et beaucoup s’interrogent sur la compatibilité de la démarche écologiste et de l’élection présidentielle.
6Pour les écologistes, il s’agit à la fois de justifier leur présence à une élection fondatrice des institutions de la Ve République dont ils n’ont eu de cesse de dénoncer la centralisation et l’autoritarisme tout en s’accordant sur un candidat qui incarnera leur message aux yeux de l’opinion, sans tomber dans une personnalisation politique dont ils se défient.
7La réponse à ces exigences difficilement conciliables constitue un enjeu fondamental dans la perspective de la structuration de l’écologie politique en France. Préparée de longue date, suscitant la création d’instances délibérantes pérennes, cette nouvelle campagne permet ainsi de mesurer l’évolution de la nébuleuse écologiste au sortir des années 68.
Le temps des assises
8À l’issue des élections européennes, au cours desquelles les divisions des écologistes ont été manifestes, la plupart des courants et des sensibilités semblent disposés à participer à un processus d’unification. Dans ce but, trois assises successives sont organisées en moins d’un an, à Dijon (24-25 novembre 1979), à Lyon (2-4 mai 1980) puis sous la forme de réunions régionales le 15 juin 1980. C’est la première fois depuis les assises de Montargis en juin 1974 que les différentes sensibilités de l’écologisme français se réunissent en un même lieu pour discuter de l’unification de la nébuleuse.
9Pourtant, à la grande déception de nombreux militants, l’âpreté des débats et les querelles personnelles ont rapidement raison de l’irénisme originel d’autant que, progressivement, la question d’une éventuelle candidature à la présidentielle, donc de l’identité du candidat, prend le pas sur la question de l’unification. Ainsi, comme en 1974, les militants sont amenés à faire des élections un substitut à une fusion des sensibilités qui semble se dérober à chaque tentative pour la saisir.
10À la fin des années 1970, la forme concrète que l’unification pourrait revêtir reste vague. Faut-il créer, comme le suggère « l’appel aux écologistes » lancé par d’anciens candidats Europe Écologie, un « mouvement national structuré1 » voire un « mouvement écologiste politique à vocation de parti2 » ? Une telle proposition est loin de faire l’unanimité tant la forme partidaire est associée dans l’esprit de nombreux militants à un carcan qui nierait la diversité intrinsèque du mouvement3.
11Les assises de Dijon doivent permettre à chacun de se prononcer sur ces questions et, comme l’étymologie du terme le suggère, de poser les fondations d’un projet commun. Pour ce faire, l’ensemble des tendances de l’écologisme français sont représentées, depuis les Amis de la Terre jusqu’à Europe Écologie en passant par les militants de terrain4. Pourtant, malgré la bonne volonté officiellement affichée par l’ensemble des militants, cette réunion se tient dans une atmosphère tendue voire détestable dont Cédric Philibert, chargé par Libération de couvrir l’événement, fait la description suivante :
« Cris et chuchotements, portes qui battent, départs solennels et retours secrets, appels œcuméniques et accusations de trahisons, réunions de factions et fausses nouvelles susurrées au creux de l’oreille d’un correspondant de l’AFP : les Assises de Dijon n’auront échappé à aucune des tares caractéristiques, depuis Montargis (1974) des grandes assemblées générales écologistes. À commencer par cet insupportable bruit de fond constitué de toutes ces interventions d’individus accrochés à leur idée fixe, à leur système, leur projet idéal de société, leur texte bien sûr “fondamental” pour la discussion. Et qui empêchent, de fait, tout débat stratégique réel5. »
12Au-delà de désaccords fondamentaux sur les structures à donner à la nébuleuse, la virulence des débats illustre la persistance d’une culture agonistique de l’assemblée générale, d’autant plus insupportable aux yeux des participants qu’ils l’associent généralement au champ politique classique. En outre, le fait que les militants de tendances différentes se connaissent finalement peu entre eux – Pierre Radanne souligne qu’il n’avait pas vu certains membres du Mouvement écologique depuis plus de deux ans6 – ne facilite certainement pas la quiétude et la compréhension mutuelle.
13Dès lors, la question de l’unification des écologistes reste en suspens bien que, lors de la dernière assemblée générale du dimanche après-midi, deux motions retiennent l’attention. La première annonce unilatéralement la création d’un Mouvement d’écologie politique (MEP) dont la stratégie et les structures doivent être déterminées ultérieurement même si le bureau provisoire de la nouvelle organisation est dans les faits presqu’exclusivement composé de militants ayant figuré sur la liste Europe Écologie7. Au cours de la même séance, une seconde motion – dite motion « Isabelle » en référence à la journaliste de La Gueule Ouverte – préconise un moratoire sur la création de tout mouvement d’écologie politique et sur les candidatures à la présidentielle, précisant que quiconque ne s’y conformerait pas se mettrait de lui-même hors du mouvement8.
14L’évidente contradiction entre ces deux motions, toutes deux votées dans la plus grande confusion, n’empêche cependant pas la désignation d’un Comité de liaison écologique tripartite composé de douze membres chargés de représenter les trois sensibilités qui se sont structurées au fil des deux jours de débats : les Amis de la Terre, le MEP et ceux qui ne se reconnaissent pas dans les deux grands courants et désignés sous les termes de « diversitaires » ou encore de « troisième collège9 ».
15Il était probablement naïf d’espérer unifier l’ensemble des écologistes en deux jours. Néanmoins, pour la première fois depuis des années, les militants appartenant à des tendances différentes se retrouvent dans une instance de concertation pérenne, le Comité de liaison écologique, une première depuis l’éclatement du Mouvement écologique en 1975. Très vite, cette structure, où dominent les Amis de la Terre et le MEP, s’érige en lieu incontournable de régulation des divergences et des convergences de points de vue au sein de la nébuleuse10.
16Quelques mois plus tard, les assises de Lyon (2-4 mai 1980) doivent permettre la poursuite du processus d’unification à peine esquissé à Dijon. Pourtant, très vite, les discussions des quelques deux à trois cents participants se focalisent sur la future élection présidentielle d’autant que deux acteurs de la nébuleuse, Roger Garaudy et Jean-Claude Delarue, ont déjà fait de leur intention de se présenter, respectivement en mai 1979 et 28 décembre 197911. De fait, les deux hommes incarnent, chacun dans leur genre, des tendances réelles mais relativement marginales de l’écologisme français. Le premier tente en effet de cristalliser autour de sa personne les partisans d’une critique naturiste et conservatrice du progrès12. Le second prétend incarner une écologie associative, agissant sur le terrain sans être guidée par des considérations partisanes ou idéologiques13. En définitive, ni Jean-Claude Delarue, ni Roger Garaudy ne parviendront à être candidats en 1981 mais ces deux candidatures contribuent à tendre les débats des assises de Lyon en faisant de la future campagne présidentielle le seul sujet pertinent du moment.
17À l’occasion des assises de Lyon, le MEP et le RAT s’associent également pour écarter les diversitaires, c’est-à-dire les militants qui se reconnaissent dans un écologisme de terrain, hostile à toute structuration nationale du mouvement et dubitatif quant à l’importance du fait électoral14. Il est ainsi obligatoire pour participer aux assises de s’inscrire au préalable et de prouver son appartenance à un groupe local, ce qui permet aux deux grandes organisations d’être en position de force dans les débats15. De fait, parmi les neuf représentants élus à Lyon pour orchestrer la future campagne présidentielle, seul Alain de Swarte, de Combat Nature, peut être rattaché aux diversitaires ; encore n’a-t-il été élu qu’en dernière position16. Comme cela a déjà été le cas en 1974, l’élection présidentielle de 1981 devient donc un levier puissant pour redessiner les contours de l’écologisme en écartant les courants considérés comme dissidents.
18Les Amis de la Terre de Paris cherchent dès lors à faire accepter immédiatement la candidature de Brice Lalonde17 tandis que le MEP promeut au contraire une campagne collégiale, menée par une demi-douzaine de candidats potentiels dont l’un d’eux serait officiellement désigné le plus tard possible de manière à éviter toute personnalisation. En dépit de ce désaccord de fond, qui recouvre également des conflits personnels, les deux principales tendances de l’écologisme français s’accordent néanmoins pour affirmer l’autonomie politique de leur démarche sans alliance privilégiée à gauche ni volonté de faire du Parti socialiste le débouché des idées de la nébuleuse18. Le RAT met donc de côté sa stratégie de convergence, à laquelle le MEP était hostile, en échange de la désignation rapide du candidat. À une large majorité, les représentants des mouvements écologistes présents à Lyon décident de présenter un candidat à l’élection présidentielle de 1981 en avançant trois raisons : affirmer l’identité de ce courant politique, proposer un autre type de société et servir de caisse de résonance aux luttes menées sur le terrain19. Il est également décidé que le candidat ne serait désigné qu’à l’issue d’assises régionales prévues pour le 15 juin 1980.
19Celles-ci marquent la troisième étape du temps des assises et constituent une expérience politique intéressante où les contraintes pratiques sont transformées par les militants en ressources symboliques. En théorie, le droit de vote est réservé aux membres des groupes écologistes s’engageant par écrit à respecter les décisions des assises de Lyon ; dans les faits, il s’avère néanmoins impossible de contrôler l’appartenance d’un votant à tel ou tel groupe. Un reportage de France 3 Rhône-Alpes montre par exemple un bureau de vote assez fréquenté où même des personnes visiblement mineures peuvent voter20. L’absence de structure partidaire rassemblant l’ensemble du courant amène donc les militants à opter pour un mode de désignation du candidat qui se rapproche de la primaire ouverte.
20En présentant cette journée de vote comme un temps de débat collectif, ouvert à toutes les personnes intéressées, les écologistes cherchent à se distinguer de la personnalisation inhérente aux élections présidentielles au cours desquelles les candidats ne s’appuieraient que sur les structures partidaires pour mener campagne. De même, la mise en avant du cadre régional – dans les faits inévitables dès lors que les militants sont appelés à voter sur l’ensemble du territoire – constitue une pétition de principe contre la tendance à la centralisation propre aux institutions de la Ve République.
21Ces primaires, organisées en à peine plus d’un mois, sans grande publicité ni moyens, sont loin de susciter un énorme engouement chez les militants : seuls mille cinq cent d’entre eux y prennent part et se contentent bien souvent de voter, sans participer aux débats21. Pierre Samuel relève ainsi avec dépit que dans de nombreuses régions, le score obtenu par Brice Lalonde au second tour est largement inférieur à la somme des adhérents des Amis de la Terre dans la zone22. De ce point de vue, on ne saurait parler d’un dispositif participatif efficace. Néanmoins, les primaires permettent d’arbitrer la concurrence entre le MEP et les Amis de la Terre dans un cadre consensuel, préservant de ce fait la cohérence – toute relative – de la nébuleuse.
22Malgré ce faible succès, les assises régionales de l’écologie remplissent donc leur fonction première : la désignation d’un candidat à l’élection présidentielle. Neuf candidats sollicitent les suffrages des militants et deux camps paraissent en mesure de l’emporter. Brice Lalonde est le candidat officiellement soutenu par les Amis de la Terre bien que d’autres membres de l’association se présentent également à titre individuel23. Le MEP propose de son côté un dispositif original reposant sur une campagne collective composée de sept animateurs dont Philippe Lebreton. En cas de désignation par les militants, ce dernier s’engage à céder sa place au commandant Cousteau si celui-ci était disposé à se présenter24.
23Les résultats du vote montrent que le jeu des tendances au sein de la nébuleuse écologiste est largement structuré par les divisions entre le MEP et les Amis de la Terre. En effet, à l’issue du premier tour, le candidat arrivé en troisième position, le diversitaire Didier Anger ne recueille que 5 % des voix (il fallait atteindre 15 % pour pouvoir se maintenir au second tour), ce qui atteste d’une certaine bipolarisation de l’écologisme français25. Le second tour oppose alors la candidature portée par Philippe Lebreton à celle de Brice Lalonde.
24Ce dernier obtient finalement 53,2 % des voix devenant ainsi le candidat officiel des écologistes à l’élection présidentielle de 1981. La victoire de l’animateur des Amis de la Terre est relativement serrée et ne tient qu’à la capacité des Amis de la Terre à mobiliser des électeurs. 1561 personnes votent en effet lors du premier tour contre 1811 au second : ce surcroît de mobilisation a indéniablement permis à Lalonde de l’emporter.
25A posteriori, les trois étapes qui scandent cette saison des assises écologistes, depuis Dijon jusqu’aux primaires du 15 juin 1980, apparaissent comme une propédeutique à l’élection présidentielle de 1981. Si l’unification des écologistes reste l’objectif final, il n’en demeure pas moins que cette question passe au second plan des préoccupations derrière la nécessité de réguler la concurrence entre les Amis de la Terre et le MEP dont les positions font écho aux oppositions du milieu des années 1970.
26La persistance de ces deux tendances – qui s’entendent pour marginaliser les diversitaires – ne doit néanmoins pas occulter les évolutions notables de la nébuleuse écologiste ; en ce début des années 1980, ce ne sont plus de vagues sensibilités à peine coalisées qui débattent mais deux organisations certes décentralisées mais cohérentes et apparemment réticentes à se fondre dans un ensemble plus grand. À cet égard, il est donc indéniable que la structuration de l’écologisme français renforce les clivages au son sein.
27Dans cette perspective, la participation à l’élection présidentielle et l’unification des écologistes n’apparaissent pas comme deux démarches strictement antithétiques. À l’image de la campagne de René Dumont en 1974, les élections sont l’occasion pour les militants, du moins pour une partie d’entre eux, de s’accorder sur un programme commun et, au-delà, de mettre en place des structures pérennes de discussion.
S’imposer comme le candidat des écologistes
28Désigné candidat le 15 juin 1980, Brice Lalonde se prépare à une longue campagne, le premier tour de l’élection présidentielle étant prévu le 26 avril 1981. En adoptant une telle stratégie, les écologistes espèrent attirer l’attention des médias sur la durée pour ainsi populariser leurs thèmes de prédilection et évoquer des luttes sur le terrain avant que l’attention ne se concentre sur les grands candidats26.
29Une telle décision est révélatrice du défi que constitue cette campagne pour Brice Lalonde qui doit en effet s’imposer dans les faits comme le candidat des écologistes, non seulement face à ses concurrents mais également aux yeux de l’opinion et de la classe politique.
30De fait, jusqu’au mois de février 1981, la légitimité de la candidature de Brice Lalonde est régulièrement remise en cause, manifestant au grand jour les divergences personnelles, politiques et idéologiques qui traversent ce courant politique. Si les velléités de candidatures de Jean-Claude Delarue et Roger Garaudy disparaissent à la fin de l’année 1980, les écologistes sont cependant confrontés à une question autrement plus épineuse, en l’occurrence l’hypothèque d’une candidature de Jacques-Yves Cousteau, soutenue par une partie du MEP.
31Explorateur des fonds marins, cinéaste, celui qui est plus familièrement surnommé le commandant Cousteau est une personnalité reconnue en France et peut-être plus encore aux États-Unis où il réside une grande partie de l’année. Partisan déclaré d’une exploitation des ressources marines, promoteur enthousiaste du progrès technique27, il s’est progressivement engagé, à partir des années 1960, dans la protection de l’environnement en protestant notamment contre un projet d’immersion de déchets nucléaires en Méditerranée. En 1973, il met sur pied une fondation américaine, la Cousteau Society, avant tout destinée à financer ses voyages d’exploration mais qui pratique également du lobbying auprès des pouvoirs publics américains sur les questions liées à la qualité de la vie. Un an plus tard, il rejoint le groupe Paul-Émile-Victor aux côtés Alain Bombard, d’Haroun Tazieff et de Louis Leprince-Ringuet pour sensibiliser le grand public aux enjeux environnementaux par le biais de vastes campagnes médiatiques reposant sur la notoriété de ses participants et le mécénat d’entreprise28.
32Le commandant Cousteau incarne donc une forme particulière de sensibilité à l’égard de l’environnement qui s’apparente au conservationnisme29. Envisageant les enjeux environnementaux sous l’angle de la gestion raisonnée des ressources naturelles dont l’exploitation doit avant tout satisfaire les besoins de l’homme, soucieux de ne pas donner une dimension politique à son action, Cousteau a longtemps entretenu des rapports lointains sinon distants avec les écologistes français. Sollicité en 1970 pour s’impliquer dans la création des Amis de la Terre en France, il décline l’invitation en déclarant qu’il entend être un témoin de son temps sans s’engager dans une association précise ou se limiter à la France30. De fait, l’intérêt du commandant Cousteau pour les océans – où les polluants circulent librement et peuvent se diffuser sur de très grandes distances – l’amène à insister avant tout sur la nécessaire émergence d’une « conscience planétaire » des enjeux environnementaux31 pour laquelle il considère qu’un environnementalisme du verbe est l’action la plus adéquate.
33Au vu de son profil et de ses positions, il peut sembler à première vue étonnant que certains militants envisagent le recours à Jacques-Yves Cousteau contre Brice Lalonde, officiellement intronisé par les assises de juin. De fait, les soutiens du Commandant Cousteau forment une coalition hétéroclite d’opposants à la personne et à la ligne incarnée par l’animateur des Amis de la Terre.
34À la fin des années 1970, Cousteau s’est rapproché des écologistes français. Il figure ainsi parmi les membres du comité national de soutien à Écologie 78 aux côtés de Serge Moscovici et de Théodore Monod32. En 1979, à l’occasion des élections européennes, son fils Philippe le représente lors de la campagne télévisée et appelle en son nom à voter pour Europe Écologie33. L’appui de Cousteau aux écologistes n’est donc pas indifférencié car il s’investit avant tout dans des actions menées par les militants appelés à constituer le MEP. À l’approche de l’élection présidentielle, ces liens sont à nouveau mobilisés contre le candidat des Amis de la Terre. Un comité d’appel à la candidature Cousteau est créé en novembre 1980, soit près de six mois après la désignation officielle de Brice Lalonde, et rassemble essentiellement des membres du MEP, anciens candidats d’Écologie 78 puis d’Europe Écologie, tels que Didier Anger, Solange Fernex, Laure Schneiter ou encore Jean-Marie Glantzen34.
35Deux analyses complémentaires semblent unir les promoteurs de cette candidature concurrente. Certains d’entre eux sont animés par un clair rejet de la personne de Brice Lalonde : les querelles remontant aux législatives et aux européennes motivent leur opposition aux Amis de la Terre35. Plus fondamentalement, le commandant Cousteau incarne pour un certain nombre de militants ce que doit être la place de l’écologie en politique. Didier Anger et Jean-Marie Glantzen ont tous deux participé aux primaires écologistes en prônant une candidature non personnalisée, reposant sur des équipes régionales, sans réelle tête d’affiche36. À leurs yeux, Brice Lalonde mène une campagne trop idéologique en cherchant à évoquer des enjeux qui ne sont pas directement liés à l’écologie, marginalisant de ce fait l’écho des luttes de terrain. Soulignant que les Grünen viennent de subir un échec électoral cinglant en adoptant une telle stratégie (1,5 % des voix lors des élections générales d’octobre 1980), ils estiment qu’une « personnalité prestigieuse, non engagée politiquement » pourrait rallier un nombre d’électeurs beaucoup plus important37.
36La promotion de la candidature de Jacques-Yves Cousteau témoigne donc de la recherche d’un homme providentiel qui incarnerait le refus d’une posture politicienne au profit d’une politisation noble, d’un homme se mettant au service d’une cause sans désir de parvenir. Dans cette perspective, l’unité des écologistes serait symbolisée par leur porte-drapeau détaché des luttes internes comme l’était René Dumont en 1974.
37Pour Brice Lalonde, cette affaire est d’autant plus embarrassante que Cousteau est une personnalité publique et médiatique reconnue et appréciée du plus grand nombre. Selon ses propres dires, ce dernier aurait reçu en quelques mois près de vingt-cinq mille lettres lui demandant d’être candidat38. Éprouvant de longue date une répugnance certaine à l’égard de la compétition électorale, Cousteau tergiverse et hésite durant de longs mois, déclarant qu’il n’est pas candidat tout en voulant contribuer à l’unité de l’écologisme, refusant un temps de soutenir explicitement Brice Lalonde. De fait, l’explorateur semble écartelé et évoque sur ce point un « cas de conscience39 ».
38Le silence et les atermoiements de leur champion placent en première ligne des militants tels que Didier Anger et Solange Fernex, ce qui suscite d’âpres débats au sein de la nébuleuse écologiste dans la mesure où, candidats à de nombreuses reprises, ils ont souvent obtenu des résultats appréciables et sont reconnus pour leur dynamisme. Le cas de Solange Fernex est particulièrement gênant pour le MEP, qui soutient officiellement Brice Lalonde, puisqu’elle en est l’une des fondatrices après avoir été tête de liste des écologistes aux européennes. Sa démarche est cependant condamnée sans appel par les instances dirigeantes du mouvement qui font très rapidement le choix de soutenir Brice Lalonde, « même en cas de candidature Cousteau » considérant que « faute de quoi ce serait l’explosion du mouvement écolo et pour longtemps40 ». Néanmoins, Brice Lalonde doit régulièrement faire face aux questions des journalistes sur ce point, installant dans l’opinion l’idée que sa candidature n’est peut-être pas définitive et entravant le processus de recueil des signatures d’élus.
39Ce n’est que le 19 février 1981, soit deux mois avant le premier tour, que Cousteau annonce sur Antenne 2 sa décision de ne pas se présenter. Dans un entretien qui confirme son rejet du champ politique, il déclare que sa véritable vocation est de défendre les enjeux environnementaux à une échelle planétaire, tout en annonçant sa volonté de s’investir davantage dans les questions purement françaises41. Il écrit par la suite une lettre de soutien à Brice Lalonde, adressée aux maires de France pour les appeler à lui adresser leur parrainage42. Ainsi, près de neuf mois après avoir été désigné par les primaires du 15 juin 1980, Brice Lalonde est enfin le candidat unique des écologistes.
40En dépit des nombreuses difficultés rencontrées durant une première phase de la campagne, Brice Lalonde et son équipe affichent malgré tout de grandes ambitions pour l’élection présidentielle : il s’agit de montrer aux électeurs que face à des forces politiques sclérosées, une « vague verte » se lève43. Dans leur esprit, une campagne efficace reposant sur la mobilisation de l’ensemble des groupes sur le terrain pourrait rassembler 10 % des suffrages. Pour ce faire, les écologistes expérimentent un nouveau mode d’organisation, plus structuré et plus professionnel, rompant avec l’improvisation joyeuse de la campagne Dumont44.
41Au sein de l’équipe de campagne, plusieurs instances jouent ainsi un rôle directement politique (choix de la stratégie du candidat, coordination de son programme…) sans qu’il soit réellement possible de déterminer précisément le périmètre de chacune d’entre elles. Le « groupe des 9 » est composé de militants élus lors des assises de Lyon et doit servir d’interface entre le candidat et les groupes sur le terrain45. À cette première structure est bientôt adjointe une « commission d’animation » dont les attributions sont pour le moins floues puisqu’elle est décrite comme une sorte de « conseil constitutionnel46 ». Ces deux instances sont censées fonctionner sur le principe d’une concertation permanente car le MEP comme le RAT y jouissent d’un droit de véto de fait. Ce mode d’organisation démontre que la campagne de Brice Lalonde est la résultante d’un accord entre deux organisations aux objectifs ponctuellement convergents mais peu désireuses de fusionner.
42En outre, à l’automne 1980, des correspondants départementaux de la campagne sont désignés dans l’espoir d’impliquer les militants dans les tâches d’intérêt collectif, notamment le financement de l’opération et le recueil des signatures des élus47. Il est rapidement décidé que les participants à chacun de ces collectifs locaux désigneraient l’un des leurs pour siéger au sein d’un Conseil interrégional qui, dès sa création en décembre 1980, affirme sa volonté d’être un organe de décision politique, au même titre que le groupe des 9 et la commission d’animation. Ainsi, le temps d’une campagne et malgré leurs divergences, les écologistes travaillent au sein de structures communes qui, dans une certaine mesure, annoncent les structures partidaires des Verts créées quelques années plus tard.
43Sur le plan technique et médiatique, la campagne de Brice Lalonde témoigne là aussi d’une recherche nouvelle d’efficacité et de crédibilité qui participe des sorties des années 68. En 1974, la participation de René Dumont à la campagne officielle est jugée suffisante car l’objectif premier est alors de révéler aux Français l’existence de l’écologisme. Sept ans plus tard, l’évocation des enjeux environnementaux est devenue banale ; dès lors, se contenter d’un message alarmiste est insuffisant et l’équipe de Brice Lalonde décide d’insister sur la crédibilité de l’alternative offerte par les écologistes dans le cadre d’une campagne beaucoup plus large.
44Par ailleurs, comme la liste Europe Écologie en a fait l’amère expérience en 1979, une campagne électorale nationale représente un coût important qui ne peut être couvert par des expédients. La gestion de la trésorerie est assurée par Jean-Pierre Mortreux, qui présente l’intérêt d’être membre des Amis de la Terre tout en ayant participé à la liste Europe Écologie, occupant donc une position médiane entre les deux tendances48. En novembre 1980, le budget prévisionnel de la campagne est évalué à 1,5 à 2,5 millions de francs dont 50000 pour les seuls frais de fonctionnement mensuel – incluant les déplacements de Brice Lalonde, le secrétariat et la location du local de campagne. Outre une contribution importante de Brice Lalonde lui-même, la campagne est financée par le biais de souscriptions militantes dont le succès semble très variable selon les régions. Gérée avec une certaine légèreté, si l’on en croit le témoignage d’Yves Cochet, au sein de l’association Aujourd’hui l’écologie créée pour l’occasion, la trésorerie de la campagne est par la suite particulièrement controversée au sein de la nébuleuse écologiste49.
45Au cours de la campagne, il est une tâche incontournable qui relève tout autant de la logistique que de la stratégie politique : le recueil des cinq cents signatures d’élus nécessaires à la validation de la candidature par le Conseil constitutionnel. Entravée pendant de longs mois par l’hypothèque Cousteau, cette opération s’annonce beaucoup plus difficile pour les écologistes qu’en 1974 car la loi du 18 juin 1976 a fait passer le nombre de signatures nécessaires de cent à cinq cent50. Par ailleurs, une circulaire du ministre de l’Intérieur Christian Bonnet datée du 30 novembre 1979 renforce les obstacles réglementaires en obligeant les élus désireux d’apporter leur parrainage à tel ou tel candidat à faire une demande en ce sens au préfet pour recevoir le formulaire idoine.
46Ainsi, en février 1981, alors que plusieurs candidats potentiels se réclament encore de l’écologisme, il n’est toujours pas possible d’obtenir des signatures définitives et Brice Lalonde ne peut compter que sur deux cent cinquante promesses51. Les opérations de collecte sont d’autant plus difficiles que les militants se mobilisent très inégalement selon les régions et que le Parti socialiste interdit – sous peine d’exclusion – à ses maires de parrainer un petit candidat52.
47Le 12 mars 1981, la question des parrainages devient explicitement politique lorsqu’André Diligent et Bernard Stasi, dirigeant du CDS, formation politique appartenant à la majorité présidentielle, demandent aux élus de leur parti d’apporter leur signature à Brice Lalonde, au nom du pluralisme démocratique et de la sympathie du CDS à l’égard des idées écologistes53. Une telle déclaration s’inscrit dans une stratégie arrêtée dès 1980 par l’entourage de Valéry Giscard d’Estaing consistant à favoriser quand cela est possible la candidature de Brice Lalonde – allant jusqu’à envisager de lui apporter une aide financière – avec l’espoir que le score du candidat écologiste handicape François Mitterrand54. L’initiative des dirigeants du CDS semble cependant poser à Brice Lalonde plus de problèmes politiques qu’elle n’apporte de solution pratique, alimentant les soupçons de son propre camp quant à son positionnement idéologique.
48En dépit de toutes ses controverses, le 7 avril 1981, Brice Lalonde dépose cinq cent soixante-seize parrainages dont moins d’un quart provient d’élus membres d’un parti politique55, devenant ainsi officiellement et légalement candidat.
49Au-delà de ces aléas proprement politiques, Brice Lalonde et les militants écologistes entendent mener une campagne dont le style et les pratiques trancheraient avec ceux des autres partis. Sous la houlette de Véronique Brachet et Serge Karsenty, un secteur « communication » se met en place pour contrôler l’image et le style du candidat56. Ses membres, qui travaillent pour la plupart dans les domaines du graphisme et du journalisme, proposent l’image de la « vague verte » censé porter le candidat, symbole d’une démarche réfléchie et profonde analogue à la « force tranquille » de François Mitterrand.
50La photographie de Brice Lalonde placée en quatrième de couverture de Sur la vague verte, son autobiographie militante parue en 1981, est révélatrice du message que le candidat cherche à délivrer. Souriant, un vélo à la main, ce trentenaire à l’allure dégingandée veut se distinguer des hommes politiques classiques par sa décontraction, pour se poser en citoyen ordinaire joyeusement engagé pour ses idées.
51Dans ses déplacements, Brice Lalonde s’efforce également d’imprimer à sa campagne un ton différent en se faisant ostensiblement le porte-parole des populations et des militants locaux, comme lors de son déplacement en Camargue au mois d’août 198057. De même, au cours des allocutions officielles à la télévision, le candidat écologiste délaisse le discours classique pour un dialogue avec des invités dont l’expertise spécifique doit illustrer certains points de son programme. Il partage par exemple l’une de ses émissions avec le dessinateur Cabu et le pédiatre Guy Vermeil qui évoque à cette occasion l’importance du respect du rythme biologique de l’enfant58.
52Une telle posture n’est cependant pas exempte de maladresses et crispation. Brice Lalonde arbore ainsi régulièrement le costume-cravate, notamment dans certains de ses spots de campagne. Anodine en elle-même, cette décision provoque la colère de certains groupes écologistes qui y voient le symbole d’une compromission intolérable avec le système59. En outre, si la volonté de renouveler le message politique peut être considérée comme une démarche louable, elle conduit, au cours des allocutions officielles, à des moments de flottement qui peuvent décontenancer les téléspectateurs. Ainsi, le spot diffusé le 21 avril 1981 s’ouvre sur un plan silencieux montrant le dessinateur Cabu à l’œuvre avant que la caméra ne passe sur Brice Lalonde sans que l’on comprenne clairement la logique de la mise en scène60.
53Candidat désigné des écologistes depuis 15 juin 1980, Brice Lalonde fait néanmoins face à d’importantes difficultés avant de s’imposer véritablement. Sept ans après la campagne de René Dumont, alors même que les écologistes ont été présents à l’occasion de l’ensemble des scrutins de la seconde moitié des années 1970, leur position semble donc encore fragile.
54Dans ce contexte, Brice Lalonde et ceux qui l’entourent considèrent que l’approfondissement de la structuration de la nébuleuse est la seule réponse viable à ces défis. Fort de ce diagnostic, qui participe des sorties des années 68, et dans un climat de concurrence avec le MEP, l’équipe cherche également construire un programme qui affirme le statut d’alternative globale de l’écologisme.
Le Pouvoir de vivre ou le programme de Brice Lalonde
55Lors des élections municipales puis des législatives, les écologistes se sont présentés devant les électeurs avec un projet structuré autour d’un enjeu spécifique, qu’il s’agisse de la gestion de la commune en 1977 ou de la question énergétique en 1978. Malgré l’évocation plus ponctuelle de nombreuses autres questions, les écologistes apparaissent alors comme les spécialistes des enjeux environnementaux investissant le terrain politique et non pas comme des militants se référant à une idéologie globale.
56Déjà infléchie en 1979 à l’occasion des européennes, cette tendance est corrigée avec les présidentielles de 1981 où Brice Lalonde a pour ambition de défendre un programme abordant les domaines les plus variés, y compris les questions institutionnelles ou économiques. Dans ces conditions, loin de former un ensemble fini, cohérent et univoque, ce programme apparaît comme un objet complexe fait de plusieurs strates différentes, écrit à plusieurs mains et dont les interprétations peuvent varier en fonction de rapports de force complexes61. Ainsi décliné, l’écologisme, loin de ne se référer qu’aux questions liées à la défense de l’environnement, acquiert une dimension politique globale.
57En tant que candidat, Brice Lalonde pèse fortement sur la définition de son programme de campagne. Éditorialiste au Sauvage à partir de 1977, il a eu chaque mois l’occasion d’affiner et de diffuser ses réflexions sur le monde politique et la place que les écologistes devraient y occuper62. Il est par ailleurs l’auteur de deux livres parus en 1978 et 1981 qui confortent sa légitimité à tenir un discours réflexif sur l’écologisme. Dans Sur la vague verte, Brice Lalonde établit ainsi d’incessants parallèles entre son parcours personnel et l’histoire du mouvement, créant un rapport d’équivalence entre ces deux dimensions, s’érigeant en quelque sorte en incarnation de la nébuleuse63. Plus largement, en tant que militant influent des Amis de la Terre bien introduit dans de nombreux partis politiques de gauche et même de centre-droit, Brice Lalonde a proposé au fil des années différentes idées telles que la radio verte ou la liste « Écologie et liberté » qui, malgré leur insuccès, ont assis sa réputation d’animateur de l’écologisme apte à marquer le programme des écologistes de son empreinte, dans sa lettre comme dans son esprit.
58L’axe fondateur de la démarche politique de Brice Lalonde est l’idée que l’écologisme peut constituer la matrice d’une recomposition idéologique qui transformerait l’ensemble du paysage politique français, bouleversant les clivages – artificiels à ses yeux – entre la gauche et la droite, marginalisant les partis au profit d’une alliance entre les « libéraux » et les « autogestionnaires64 » ou, comme il les désigne par ailleurs, entre « libéralisme social et socialisme libertaire65 ». Seule la fusion de ces deux sensibilités serait en effet en mesure de mettre fin au consensus gaullo-communiste né de la Libération, fondé sur l’impératif industriel, l’importance de la nation et l’idée que seul l’État pourrait incarner l’intérêt général66. Par opposition, Brice Lalonde fait l’éloge des mouvements sociaux des années 68 qui seraient le reflet d’une société nouvelle, postmatérialiste et postindustrielle reposant sur l’individu et son irrépressible besoin de liberté. Le candidat écologiste participe donc à sa manière à une évolution intellectuelle, politique et économique de grande ampleur qui, à la faveur du déclin du marxisme et plus largement d’une culture de la régulation, aboutit au renforcement d’un paradigme libéral prônant une nouvelle articulation entre l’individu et le collectif67.
59La pensée politique de Brice Lalonde se situe ainsi à mi-chemin entre la contre-culture américaine et le renouveau de la pensée libérale. Son aspiration à susciter une « troisième génération de liberté » qui, après les droits politiques puis sociaux, recouvrirait le droit au loisir, au plaisir, à l’information ou encore à l’air pur doit par exemple autant à Raymond Aron qu’à l’ouvrage d’Alvin Toffler, La Troisième vague68. La synthèse opérée par Brice Lalonde peut ainsi être rapprochée de celle effectuée aux États-Unis par Steward Brand, fondateur du Whole Earth Catalog, qui passe progressivement de la contre-culture à une cyberculture libertaire vantant les mérites de la libre-entreprise69.
60De fait, dans les déclarations de Brice Lalonde comme dans le programme du candidat, plusieurs formules et propositions paraissent de prime abord issues d’une matrice néolibérale encore discrète dans la France du début des années 198070. Symptomatiquement, l’un des chapitres du Pouvoir de vivre appelle à « borner l’État71 » : Brice Lalonde y préconise l’instauration d’un « État-minimum », où des administrations temporaires seraient chargées de missions ponctuelles en fonction des besoins et où les technocrates seraient remplacés par le civisme des individus. Dans un contexte où le programme économique keynésien de François Mitterrand insiste sur le rôle de l’État dans l’économie au travers des nationalisations, un tel discours paraît à première vue déporter les écologistes vers la droite de l’échiquier politique.
61Néanmoins, si les écologistes considèrent que le niveau de prélèvement étatique est trop élevé72, si l’entreprise est dépeinte comme un lieu de création, le projet économique de Brice Lalonde en 1981 diffère en de nombreux points de celui des néolibéraux pour poser les jalons d’une théorie écologiste de l’économie. Le chapitre « Domestiquer l’économie » du Pouvoir de vivre n’est en aucun cas animé d’une mystique du marché et de la libre-entreprise et, plus fondamentalement, refuse d’envisager la politique comme des problèmes avant tout économiques.
« Une véritable politique économique, ce n’est pas de plier la société aux exigences d’une logique artificielle imposée à l’homme. C’est la gestion d’un potentiel de ressources en fonction d’objectifs de société. C’est permettre à l’homme, pour reprendre l’expression de René Dubos, de “choisir d’être humain”73. »
62Ainsi, aux yeux des écologistes, une politique économique n’a de sens que dès lors qu’elle répond à des critères de stabilité et de maîtrise des besoins. Il ne s’agit alors pas uniquement d’exploiter au mieux les ressources naturelles dans le cadre d’une économie marchande classique mais de repenser la définition même des problèmes économiques. Le programme propose ainsi que la fiscalité soit repensée en fonction des critères d’équité – sur le modèle des pays socio-démocrates d’Europe – et d’efficacité en ne taxant plus l’emploi mais la consommation pour apporter à la fois une solution à la question de l’emploi et inciter à la mise en place d’une économie qui reposerait moins sur la production de biens. De même, le titre du programme – Le pouvoir de vivre – a été choisi à dessein pour prendre le contre-pied des autres partis, dont les écologistes déplorent qu’ils n’évoquent que le pouvoir d’achat74. Les écologistes considèrent en effet qu’il ne constitue qu’un indicateur très grossier, en définitive inadéquat pour mesurer le bonheur d’un individu et d’une société.
63Si, comme le proclame Le pouvoir de vivre, « les écologistes abordent aujourd’hui tous les problèmes de société75 », il est bien évident qu’ils se doivent de consacrer des passages conséquents aux questions environnementales. Dans ce domaine comme dans celui de l’économie, les écologistes s’efforcent de transgresser les frontières établies pour poser les problèmes à nouveaux frais. De manière significative, le premier chapitre du Pouvoir de vivre s’intitule « Protéger la vie » pour affirmer la nécessité d’élargir les enjeux environnementaux au-delà de la seule question de la protection de la nature ou de la lutte contre la pollution, soulignant la nécessité d’une « approche globale76 ». Pour autant, une analyse approfondie révèle que plusieurs visions des rapports entre l’homme et la nature s’opposent plutôt qu’elles ne constituent une synthèse inédite.
64Dans une première perspective, la nature n’est pas envisagée comme une forme d’altérité irréductible aux actions humaines, comme le MEP aime à la percevoir, elle est au contraire socialisée. Le pouvoir de vivre souligne en effet que l’écologie scientifique permet de porter un autre regard sur la nature voire de la transfigurer en l’envisageant comme la somme des interactions au sein d’un écosystème. En révélant la complexité mais aussi la fragilité des écosystèmes, l’écologie scientifique ouvre alors la voie à un nouveau mode de gestion des ressources naturelles77. Citant Bertrand de Jouvenel, qui mène depuis la fin des années 1950 une réflexion originale sur les liens entre économie et écologie78, le programme de Brice Lalonde relève que toute forme de vie implique une exploitation de son milieu et qu’il faut dès lors le faire avec intelligence et mesure79. C’est dans cette perspective que le programme propose de renforcer le pouvoir des associations dans les instances consultatives, notamment sur la question des études d’impact, et de durcir les peines contre les pollueurs pour ainsi instaurer une nouvelle forme de gouvernance des enjeux environnementaux.
65Dans le programme des écologistes, la nature apparaît également comme un objet politique qui ne se résume pas aux politiques publiques dont elle pourrait faire l’objet. Influencé par Serge Moscovici, Brice Lalonde constate que l’homme peut déterminer le milieu dans lequel il vit, « choisir sa nature », notamment par l’entremise de la technique80. Or, une telle opération ne serait pas neutre sur le plan politique et anthropologique : la manière dont la nature est transformée influe en retour sur la société et l’individu. Il faut dès lors prendre acte de cette situation pour mettre les individus en capacité de choisir la nature en toute connaissance de cause81.
66Loin d’être réductible à des enjeux gestionnaires, cette approche est influencée par une approche existentielle des rapports de l’homme à la nature comme en témoignent les questions de santé. Tout en insistant sur la prévention des risques sanitaires liés à la dégradation de l’environnement, les écologistes appellent en effet, dans la ligne des réflexions d’Ivan Illich, à la mise en place d’un système de santé reposant sur la responsabilité de chacun dans la définition de ses besoins vitaux82. Sur ce point, Brice Lalonde propose d’abroger les lois d’obligation des vaccinations ou encore de dissoudre l’ordre des médecins pour tolérer l’exercice illégal de la médecine sous certaines conditions. Il y aurait ainsi une nouvelle cohérence entre l’autonomie de l’individu et le caractère sain, renouvelé de l’environnement.
67Élaboré durant plusieurs mois, s’appuyant sur les réflexions des militants mises en œuvre depuis le début des années 1970 et surtout sur les positions personnelles du candidat, le programme présidentiel de Brice Lalonde est incontestablement le plus ambitieux sur le plan intellectuel que les écologistes aient proposé depuis qu’ils participent aux élections.
68Refusant de se cantonner aux questions environnementales stricto sensu, il aborde en effet avec précision des thèmes sur lesquels les écologistes tendaient généralement à se contenter de vues générales tels que la réforme des institutions ou l’économie. Dense et relativement long – près de trois cents pages – il s’apparente davantage à un bilan des réflexions d’une partie de la nébuleuse qu’à un ensemble de propositions destinées à être discutées telles quelles avec les électeurs. Son existence même traduit l’importance des élections dans la structuration organisationnelle et idéologique de la nébuleuse.
Du soir du premier tour à l’élection de François Mitterrand
69Le 24 avril 1981, au soir du premier tour, Brice Lalonde recueille 3,88 % des voix, loin derrière les quatre grandes formations83 mais nettement devant les candidats plus modestes, notamment Huguette Bouchardeau, pour le PSU (1,10 %) et Michel Crépeau, du MRG (2,21 %). Ce résultat constitue un motif de satisfaction pour les écologistes dans la mesure où ces deux candidats prétendaient eux aussi incarner une démarche sensible aux enjeux environnementaux84.
70Ainsi, comme lors des européennes de 1979, les écologistes arrivent en cinquième position et réalisent, avec Brice Lalonde, le second meilleur score de leur histoire après Noël Mamère en 2002 (5,25 %). De fait, s’il se situe bien en deçà des espérances initiales des écologistes, qui envisageaient d’attendre les 10 % des voix, le résultat obtenu par Brice Lalonde n’en reflète pas moins une progression notable et quasi-continue de ce courant politique depuis 1974, toutes élections confondues.
71La cartographie des résultats électoraux des écologistes au niveau des circonscriptions législatives permet de prendre la mesure de l’enracinement relatif du vote dans un certain nombre de territoires, bien que des évolutions significatives soient observables sur le plan de la sociologie et de la géographie électorale.
72Dans ses grands équilibres [voir cahier couleur, p. IX], la carte des résultats obtenus par Brice Lalonde en 1981 semble confirmer l’existence de zones d’influence privilégiées pour l’écologie politique en Alsace85, en Ile-de-France, en Basse-Normandie86 ou encore en Rhône-Alpes. Il est remarquable de constater que malgré la sécession de Solange Fernex, particulièrement bien implantée dans le Haut-Rhin, et de Didier Anger, en pointe dans la contestation du nucléaire dans la Manche, les résultats de Brice Lalonde sont particulièrement bons dans ces deux régions, ce qui démontre que le vote écologiste s’y est enraciné.
73Par ailleurs, dans les quatre régions où Brice Lalonde a réalisé ses meilleurs scores, la dispersion du nombre de voix autour de la moyenne régionale est relativement faible (0,44 en Alsace, 0,50 en Rhône-Alpes), à l’exception de la Basse-Normandie, où l’écart entre la Manche et les autres départements est plus important (0,85). Ces données attestent que les bons résultats obtenus dans ces zones ne sont pas uniquement imputables à quelques circonscriptions où des spécificités locales amèneraient un vote écologiste anormalement élevé. Il faut néanmoins relever une tendance au tassement du vote écologiste par rapport aux européennes, principalement en Alsace mais aussi, dans une bien moindre mesure dans la Manche87 : dans ces zones, l’écologisme ne progresse plus, sinon de manière marginale.
74À l’inverse, certaines zones confirment lors de ce scrutin leur faible réceptivité à l’offre politique écologiste, qu’il s’agisse de la Corse (1,70 %)88, du Limousin (2,34 %) ou encore de l’outre-mer où Brice Lalonde n’obtient en tout et pour tout que 3405 voix. Plus largement, si l’on excepte les circonscriptions urbaines, l’Aquitaine89, la zone pyrénéenne ainsi que l’Auvergne90 dans son ensemble ne semblent pas être des terres propices à l’implantation des écologistes. De même, au regard de l’influence locale des Amis de la Terre de Lille, les résultats dans le Nord-Pas-de-Calais sont décevants avec seulement 3,16 % des voix. En effet, au contraire de l’Alsace ou de la Basse-Normandie, les scores écologistes ne se situent au-dessus de la moyenne nationale que dans l’agglomération lilloise.
75À ces caractéristiques électorales relativement stables s’ajoutent de réelles évolutions dans la géographie du vote écologiste. En région parisienne, la sociologie des électeurs de 1981 semble différer sensiblement de ceux de René Dumont en 1974. Ainsi, Brice Lalonde obtient proportionnellement plus de voix dans des zones traditionnellement marquées à gauche, comme le 20e arrondissement de Paris (4,30 %) ou Aubervilliers (3,54 %), que dans les zones aisées telles que le 7e arrondissement (3,60 %) ou Neuilly (3,14 %)91. L’affirmation d’un vote écologiste dans l’ouest de la France, qui n’avait pas été observé lors des scrutins précédents, traduit une évolution similaire. Les circonscriptions littorales du Morbihan et du Finistère mais également en Ille-et-Vilaine et en Loire-Atlantique connaissent ainsi une progression du vote écologiste analogue à celle observable en Alsace ou dans la Manche. Une telle évolution peut en partie être imputable aux conflits antinucléaires de Plogoff (Finistère)92 et du Pellerin (Loire-Atlantique)93. Néanmoins, la diffusion spatiale du phénomène, par exemple dans le Maine-et-Loire ou en Ille-et-Vilaine, départements qui ne sont pas directement concernés par ces questions, suggère que d’autres facteurs ont pu jouer. On peut faire ici l’hypothèse que l’affirmation du vote écologiste dans ces régions s’inscrit dans l’essor plus général de la gauche dans ces régions traditionnellement à droite94. Dans certaines zones, il est probable que l’écologisme prend notamment le relais d’un vote PSU autrefois non négligeable95 et devenu largement résiduel en 1981.
76En définitive, la concomitance de la progression de la gauche et du vote écologiste en Bretagne est un indice parmi d’autres du déplacement du centre de gravité de cet électorat également observable au niveau national. En 1978, selon un sondage réalisé par la SOFRES pour le compte de la FNSP, en cas d’élection présidentielle anticipée, l’électorat écologiste aurait voté à 41 % pour Valéry Giscard d’Estaing et 27 % pour Mitterrand (32 % ne se prononçant pas)96. À l’inverse, selon un sondage IFOP du 15 avril 1981, 50 % des électeurs envisageant de voter pour Brice Lalonde se reporteraient sur François Mitterrand au second tour, 18 % choisiraient Valéry Giscard d’Estaing, 32 % pour ne se prononçant pas. Ces sondages, effectués par deux instituts différents ne sauraient constituer à eux seuls une preuve du basculement à gauche de l’électorat écologiste mais ils n’en fournissent pas moins un indice que les résultats du premier tour viennent corroborer tant dans l’implantation géographique que dans la sociologie.
77Dans cette sociologie électorale en pleine évolution, la question du comportement des électeurs écologistes au second tour fait l’objet d’intenses spéculations de la part des deux camps encore en lice. Dès les assises de Lyon, en mai 1980, les organisations écologistes ont décidé que leur candidat ne donnerait aucune consigne de vote pour le second tour et Brice Lalonde s’est engagé, lors de sa désignation, à se plier à cette décision. Conformément à leurs habitudes, les écologistes adressent aux deux candidats du second tour, Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand, un questionnaire portant sur les enjeux qu’ils jugent essentiels tels que l’énergie ou encore le scrutin à la proportionnelle97. Les réponses des deux compétiteurs reçus, Brice Lalonde déclare n’avoir été convaincu ni par l’un, ni par l’autre et dénonce les mensonges de Valéry Giscard d’Estaing comme la faiblesse des engagements précis de François Mitterrand. Si cette prise de position paraît ménager le candidat de la gauche, elle n’en permet pas moins à Brice Lalonde d’affirmer le statut d’alternative globale de l’écologisme98. En tout état de cause, les électeurs de Brice Lalonde lors du second tour se seraient massivement ralliés à François Mitterrand car, dans les vingt-quatre départements où ni la gauche ni la droite ne dépassent les 50 % lors du premier tour, le candidat du PS prend systématiquement l’ascendant sur son concurrent99.
78En 1979, à la suite des élections européennes, les écologistes ont choisi de mettre de côté la question de leur unification au sein d’une même organisation au profit d’une candidature unique à l’élection présidentielle de 1981. Ainsi, comme en 1974, loin de constituer uniquement une démarche opportuniste visant à informer la population, le recours à la voie électorale représente une forme d’unification temporaire et partielle pour une nébuleuse encore très divisée.
79Pourtant, malgré la désignation de Brice Lalonde, soutenu par les deux principales organisations, les Amis de la Terre et le Mouvement d’écologie politique, plusieurs autres candidats se font connaître, qu’il s’agisse de Jean-Claude Delarue, de Roger Garaudy ou, dans une certaine mesure, de Jacques-Yves Cousteau. Chacun d’entre eux représente une certaine vision des rapports que l’écologisme pourrait entretenir avec le champ politique, depuis le groupe de pression jusqu’à l’interpellation messianique en passant par l’appel au dépassement des querelles politiciennes au nom d’une cause planétaire. En définitive, le soutien des Amis de la Terre et de MEP est déterminant pour permettre à Brice Lalonde de véritablement s’imposer. Ce dernier développe alors un programme visant à poser l’écologisme comme une alternative politique globale, foncièrement différente des positions des autres partis. Unitaire, la candidature de Brice Lalonde n’en traduit pas moins une prééminence temporaire des Amis de la Terre comme en atteste le programme du candidat dont la vision des institutions comme celle des rapports de l’homme à la nature s’inspire largement des positions de son association.
80Ainsi, en dépit de ce succès relatif, l’unification des écologistes par les élections montre ses limites. Deux profils d’électeurs persistent et deux grandes tendances de l’écologisme sont loin d’avoir fusionné. Sur ce point, la difficulté à mettre en œuvre une structure partisane commune après 1981 est révélatrice de la profondeur de ces désaccords.
Les écologistes dans une France socialiste
81Le 10 mai 1981, François Mitterrand devient le premier Président de la République de gauche de la Ve République. Cette élection change incontestablement la donne pour les écologistes qui avaient fait de la droite au pouvoir et son programme nucléaire leur principal adversaire politique, adoptant à l’égard du PS une attitude beaucoup plus ambivalente.
82Au cours des années 1970 et durant sa campagne présidentielle, François Mitterrand a su s’approprier certaines revendications chères aux écologistes pour en faire des promesses de campagne100. Parmi les « 110 propositions pour la France », le candidat du Parti socialiste évoque notamment une loi-cadre destinée à imposer un contrôle citoyen sur les activités nucléaires et s’engage à favoriser l’essor des énergies nouvelles. Il annonce en outre sa volonté d’annuler le projet de construction d’une centrale nucléaire à Plogoff et l’extension du camp militaire sur le Larzac, deux dossiers sur lesquels les écologistes se sont particulièrement mobilisés durant la décennie précédente101.
83Ainsi, à l’image de l’espoir soulevé au sein du peuple de gauche, de nombreux écologistes semblent s’attendre à d’importantes inflexions dans des domaines cruciaux. Pourtant, très vite, la déception se fait jour et les écologistes se divisent quant à l’attitude à adopter à l’égard du pouvoir socialiste. Ainsi, après une éclaircie fugace, l’élection de François Mitterrand amplifie les phénomènes de sorties des années 68, en alimentant la division au sein des écologistes, tout en confortant ceux qui parmi eux militent pour la création d’une structure partidaire unique.
Espoirs et désillusions face à la gauche au pouvoir
84Conformément aux décisions arrêtées de longue date par les écologistes, Brice Lalonde se refuse durant l’entre-deux-tours à donner une quelconque consigne de vote. Néanmoins, le 8 mai, soit deux jours avant le scrutin, il déclare que les réponses de François Mitterrand au questionnaire soumis par les écologistes lui paraissent plus claires que celles de son concurrent102. De son côté, Didier Anger va plus loin en appelant explicitement à voter en faveur de François Mitterrand compte tenu de ses engagements dans le domaine du nucléaire103.
85La victoire socialiste acquise, les écologistes semblent partagés entre espoir et circonspection. Ainsi, l’éditorial du 14 mai 1981 de La Vague Verte, le journal de campagne de Brice Lalonde reconnaît que si le Parti socialiste tient ses promesses, de nouveaux espaces de liberté pourraient s’ouvrir au sein de la société française ; l’ancien candidat invite alors les écologistes à être ouverts au dialogue sans pour autant se fondre dans la nouvelle majorité104. De même, les Amis de la Terre de Lille considèrent que l’autorisation des radios libres, l’arrêt du nucléaire ou encore l’instauration d’un scrutin à la proportionnelle puissent devenir réalité à condition de rester vigilants et mobilisés105.
86D’autres militants tels qu’Yves Lenoir (de la commission énergie) et Dominique Bidou (du groupe de Paris) sont plus circonspects et, rappelant que les institutions n’ont pas changé, estiment que le nouveau pouvoir doit d’abord faire ses preuves. Ces déclarations ambivalentes des écologistes sont révélatrices de la difficulté des petits courants politiques à exister dans un système majoritaire tel que la Ve République.
87À peine élu, François Mitterrand annonce la dissolution de l’Assemblée nationale et la tenue d’élections législatives anticipées durant le mois de juin 1981. Contraints dans l’urgence de déterminer leur positionnement face au nouveau pouvoir, les écologistes font face à un dilemme : doivent-ils avant tout affirmer leur autonomie ou chercher à peser sur les décisions à venir ? À cette question pressante, les militants apportent des réponses variées.
88Les Amis de la Terre et le MEP, coalisés au sein d’une association baptisée Aujourd’hui l’écologie durant la campagne de Brice Lalonde, optent pour une voie médiane en ne présentant qu’à peine plus de soixante-quinze candidats, soit le nombre minimal requis pour prendre part à la campagne officielle dans les médias106. Cette décision anticipe une prévisible vague rose et s’explique également par le manque d’enthousiasme et d’argent de nombreux groupes dès lors très réticents à l’idée de présenter des candidats. Aujourd’hui l’écologie est ainsi présente dans 81 circonscriptions obtenant en moyenne 3,57 % des voix107.
89À ces derniers s’ajoutent un très grand nombre de candidatures écologistes autonomes – près de soixante-treize selon les résultats mentionnés dans Le Monde. 44,5 % des candidats écologistes ne se reconnaissent donc pas dans les principales organisations qui prétendent incarner ce courant politique. Ce chiffre traduit donc la faiblesse du contrôle exercé par les Amis de la Terre et le MEP sur l’expression proprement électorale de la nébuleuse. Néanmoins, les candidats autonomes obtiennent en moyenne 2,41 % des voix, soit un score sensiblement inférieur à celui des militants présentés par Aujourd’hui l’écologie.
90D’une manière générale, la baisse des résultats électoraux des écologistes est significative non seulement par rapport au score de Brice Lalonde en avril mais aussi en comparaison des législatives de 1978. Si durant les années 1970, la progression électorale de la gauche n’a pas entravé celle des écologistes, il semble qu’il en aille autrement en juin 1981, dans un contexte où le PS rassemble à lui seul plus de 36 % des voix au premier tour108. Pour les écologistes, ces résultats sont d’autant plus inquiétants que leurs candidats se sont présentés dans leur grande majorité dans les zones d’influence privilégiées de la nébuleuse, à savoir la Manche, les Alpes ou encore l’Alsace (où le nombre de suffrages obtenus baisse d’un tiers entre 1978 et 1981). Dans ces zones, les scores obtenus confirment une tendance à l’érosion des votes écologistes déjà observables lors du premier tour des présidentielles.
91Il est difficile de tirer de cette seule période électorale, si particulière du fait du contexte politique, des conclusions définitives sur l’évolution à moyen terme du vote écologiste. S’il est possible qu’une partie de l’électorat écologiste ait voté en faveur des candidats socialistes dès le premier tour, l’augmentation sensible du taux d’abstention, qui passe au premier tour de 16,75 % en 1978 à 29,67 % en 1981, pourrait également être un facteur d’explication à ne pas négliger. Les écologistes ont en effet connu durant les années 1970 une progression quasi-continue de leurs scores électoraux dans un contexte de faible abstention. Il est possible que les élections législatives de 1981 soit le premier indice d’un reflux, conséquence d’une participation moindre des électeurs.
92Pour les écologistes, la période est d’autant délicate qu’à ces difficultés électorales s’ajoute la division dans leurs rangs puisqu’un certain nombre de militants choisissent de soutenir explicitement le Parti socialiste.
93De fait, après le 10 mai, l’unité politique toute relative du courant écologiste vole en éclat. Très rapidement, Jean-Claude Delarue appelle à voter en faveur des candidats socialistes au premier tour des législatives et fonde dans ce but un comité de soutien à la majorité présidentielle. En tant qu’ancien membre de la CIR dans les années 1960, Jean-Claude Delarue a gardé d’utiles contacts qui lui permettent de mener à bien cette opération de reclassement politique109. Unique écologiste officiellement invité au congrès du Parti socialiste à Valence en octobre 1981, il anime par la suite un groupe baptisé l’Alliance écologique dont neuf membres – dont lui-même – figurent sur la liste PS à Paris menée par Paul Quilès lors des municipales de 1983110.
94Arrivé au pouvoir, le PS attire également dans son orbite un certain nombre de militants venus pour la plupart des Amis de la Terre. Le 20 mai 1981, un appel intitulé « C’est l’heure » est publié dans Le Monde. Constatant que « l’espoir renait », les signataires estiment que « ce qui n’était pas réalisable hier se fera peut-être demain111 ». À leurs yeux, les mouvements sociaux doivent jouer un rôle d’aiguillon permanent pour le nouveau pouvoir et incarner une gauche qui ne ferait pas de l’État le principal agent de la transformation sociale. Outre Huguette Bouchardeau (PSU) et Thierry Jeantet (MRG), soixante-seize noms sont mentionnés au bas de cet appel dont vingt-deux Amis de la Terre, parmi lesquels Pierre Radanne, et huit membres d’autres groupes écologistes.
95Motivé par l’arrivée au pouvoir de la gauche, cet appel s’inscrit également dans une concurrence entre deux sensibilités de gauche en germe depuis le début des années 1970112. À ce titre, « C’est l’heure » constitue une nouvelle tentative d’organisation d’une sensibilité parfois identifiée à l’autogestion, aux mouvements sociaux ou encore à la deuxième gauche. Cependant, à l’image du Front autogestionnaire qui fut en 1978 une expérience sans lendemain, « C’est l’heure » peine à se manifester autrement que par une participation aux élections, adoptant la démarche d’un parti politique classique dont les signataires cherchent pourtant à se démarquer.
96En l’occurrence, le PSU qui, même très affaibli, reste la principale organisation politique souscrivant à cet appel, regroupe les partisans de « C’est l’heure » au sein d’un collectif électoral baptisé Alternative 81113. Pourtant, la défaite d’Huguette Bouchardeau, auquel le PS a abandonné la première circonscription de la Loire, devant le candidat du PCF, apparaît comme le symbole de l’impasse de cette initiative.
97L’élection de François Mitterrand puis l’organisation de législatives anticipées au mois de juin 1981 suscitent des sentiments mêlés chez les militants écologistes et beaucoup d’interrogations. Comment exister politiquement sans se situer dans une opposition stérile ni dans un ralliement pur et simple ? À cette question délicate à laquelle de nombreuses forces politiques sont confrontées sous une Ve République, les écologistes répondent en ordre dispersé et peinent à définir leur espace politique. Cette circonspection teintée d’espoir, qui caractérise nombre de militants écologistes au début du septennat de François Mitterrand, cède cependant rapidement la place à une large déception.
Le nucléaire socialiste : consultations, concertations, tensions
98En arrivant au pouvoir, la gauche proclame son intention de s’attaquer au capitalisme en transformant le système économique par la démocratisation de l’entreprise et les nationalisations ; parallèlement, tout en acceptant le cadre institutionnel de la Ve République – et notamment la primauté présidentielle –, le gouvernement lance un processus de décentralisation pour transférer des compétences aux collectivités locales et rapprocher les décisions des citoyens, rejoignant là l’une des exigences des mouvements écologistes.
99Pourtant, si le dialogue entre les organisations de protection de la nature et de l’environnement et les pouvoirs publics prend un ton nouveau, certaines questions demeurent particulièrement sensibles sur le plan politique et restent donc sous le contrôle étroit de l’exécutif. À bien des égards, le domaine du nucléaire relève encore d’une forme de domaine réservé où les innovations institutionnelles n’ont qu’une prise limitée, constituant bientôt un très important sujet de tensions entre les écologistes et le gouvernement socialiste.
100À l’arrivée de la gauche au pouvoir, les écologistes saluent l’adoption par d’un ton nouveau à l’égard des associations. Certes, il ne s’agit pas d’une complète rupture avec les pratiques antérieures dans la mesure où, depuis 1974, les pouvoirs publics se sont efforcés d’instaurer un dialogue avec les associations dans le cadre, notamment, du Haut comité de l’environnement114. Néanmoins, dans les années 1970, il s’agissait avant tout d’informer les associations des projets en cours, parfois de les consulter, mais sans jamais réellement mettre en œuvre une co-construction des politiques publiques, ce que le gouvernement socialiste déclare vouloir mettre en œuvre. Une délégation des Amis de la Terre est très vite reçue par Alain Bombard, fugace secrétaire d’État à l’Environnement et l’attitude de Michel Crépeau, son ministre de tutelle, est saluée comme une rupture avec le « mépris ornanien [sic] ». Dans le pays, les États régionaux de l’environnement amènent l’ensemble des associations concernées à formuler leurs propositions dans le cadre d’un livre blanc115. En Pays de la Loire, les groupes de travail rassemblent par exemple les comités de défense antinucléaire, la SEPNB ou encore certains Amis de la Terre.
101Dans la même perspective, plusieurs membres des Amis de la Terre sont invités à siéger au sein d’organismes publics tels que la Commission nationale de planification, le Haut comité de l’environnement ou encore la commission du ministère de l’Environnement pour la préparation du IXe Plan116. Contrairement au début des années 1970, où une telle démarche aurait été perçue comme une collusion inacceptable avec l’État, l’équipe dirigeante des Amis de la Terre se félicite de telles participations qui démontrent à ses yeux la crédibilité et la compétence reconnue de l’association, ce qui constitue un avantage certain dans la compétition qui l’oppose aux autres tendances de l’écologisme français.
102Dans le reste de la France, le développement des institutions régionales dans le sillage de la décentralisation donne l’occasion à certains militants bien implantés d’entrer dans les Comités économiques et sociaux régionaux (CES)117. Ainsi, Marie-Paule Labey, membre du MEP, particulièrement investie sur la question de l’amiante dans le Calvados, est nommée au CES de Basse-Normandie en 1982, tout comme Antoine Waechter en Alsace. Tous deux soulignent la qualité du dialogue qui prévaut dans ces instances où siègent des représentants syndicaux, patronaux ainsi que des fonctionnaires. Ils estiment en outre que ces fonctions leur permettent d’être informés des projets d’aménagement en cours pour éventuellement les modifier.
103L’évolution idéologique des écologistes à la fin des années 1970 amène ainsi les écologistes à porter un autre regard sur leurs relations aux pouvoirs publics. Un temps bridé par la réticence à paraître cautionner la politique de Valéry Giscard d’Estaing, ces rapprochements s’approfondissent à partir de 1981 : sur ce point, l’élection de François Mitterrand facilite des sorties des années 68 déjà en germe.
104Au-delà de ces gestes de bonne volonté salués comme tels, les écologistes s’interrogent avant tout sur la politique énergétique du nouveau gouvernement. Soucieux de se démarquer de son prédécesseur, ce dernier a très rapidement pris la décision de ne pas construire la centrale nucléaire de Plogoff, qui était devenu le symbole d’un aménagement du territoire autoritaire118. Plus largement, le nouveau pouvoir entend rompre avec une politique fondée sur le recours exclusif au nucléaire pour diversifier les sources d’énergie utilisées dans la production d’électricité119.
105Outre une relance de l’industrie charbonnière, à laquelle le PCF et la CGT sont particulièrement attachés, François Mitterrand fixe comme objectif que 10 % de la production énergétique française soit d’origine renouvelable à l’horizon de l’an 2000, grâce au solaire, à l’éolien et aux économies d’énergie120. Dans ce domaine, le nouveau gouvernement socialiste tire profit des premières expériences menées dans le cadre du Commissariat à l’énergie solaire et de la Délégation aux énergies nouvelles dans les années 1970 qui sont intégrées en 1981 à l’Agence française pour les économies d’énergie121 dont le budget global augmente de 50 % par rapport à la période précédente.
106Dès lors, les réseaux amicaux, partisans et professionnels forgés dans les années 1970 permettent à certains écologistes et aux spécialistes des questions énergétiques de faire valoir leur expertise auprès des pouvoirs publics. L’AFME est ainsi placée sous la direction de Michel Rolant, ancien n° 2 de la CFDT dans les années 1970, et Pierre Radanne, ancien animateur des Amis de la Terre de Lille, en devient le délégué régional pour le Nord-Pas-de-Calais122. De même, Bernard Laponche, très investi au sein de la CFDT dans la contestation du programme nucléaire dans les années 1970, est nommé directeur des programmes puis directeur général de l’AFME. En quelques mois, la commission énergie des Amis de la Terre constate que la plupart de ses interlocuteurs au sein de la CFDT travaillent désormais dans les cabinets ministériels ou au sein des établissements publics chargés de mettre en œuvre la nouvelle politique énergétique123. Cette situation nouvelle suscite des réactions ambivalentes : d’un côté, les militants espèrent pouvoir faire plus facilement valoir leur point de vue auprès des pouvoirs publics et bénéficier d’informations fiables sur les décisions à venir ; d’un autre côté, les associations voient s’affaiblir leur capacité d’expertise indépendante sur les questions énergétiques, accroissant de ce fait leur dépendance à l’égard des pouvoirs publics.
107Si la question des énergies renouvelables est propice à des décisions somme toute consensuelles, il n’en va pas de même du dossier nucléaire, sur lequel le Parti socialiste s’est toujours efforcé de maintenir une position médiane, critique à l’égard du gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing sans fermer la porte à un recours limité à cette énergie. Signataire de la Pétition nationale énergie en 1979, le Parti socialiste édite également à l’approche des élections présidentielles un livre-programme intitulé Énergie : l’autre politique. Officiellement, le nucléaire n’est envisagé que comme une « énergie de transition » permettant de réaliser la soudure avec les énergies renouvelables dont la mise en œuvre et la généralisation peuvent prendre du temps124. Dénonçant le déficit démocratique entourant ce dossier, le PS annonce également que la politique énergétique du pays sera déterminée lors d’un grand débat national se concluant par un référendum.
108Malgré cette ligne officielle, les positions des responsables du Parti socialiste restent dans ce domaine très diverses. Certains responsables assument en effet des convictions clairement antinucléaires, notamment Paul Quilès, député PS de Paris et directeur de campagne de François Mitterrand en 1981, ou encore Louis Darinot, député PS de la Manche et maire de Cherbourg de 1977 à 1980. À l’inverse, le parti compte dans ses rangs des partisans convaincus du recours au nucléaire comme Jean-Pierre Chevènement, Charles Hernu et Michel Rocard. De fait, après quelques hésitations, le nouveau gouvernement choisit très rapidement la continuité en inscrivant sa politique nucléaire dans le sillage de la précédente majorité.
109Dans le courant du mois de juin 1981, le gouvernement annonce le gel des travaux sur un certain nombre de sites nucléaire dans l’attente du grand débat national annoncé pour le mois d’octobre de la même année125. Dans ce cadre, les représentants de l’ensemble des comités antinucléaires du pays sont reçus par le directeur de cabinet d’Edmond Hervé, alors ministre de l’Énergie, et sont invités à décrire la situation de chaque site en prélude à une concertation plus formelle prévue ultérieurement.
110Cette approche privilégiant la concertation avec les militants antinucléaires ne dure cependant qu’un temps et le gouvernement Mauroy choisit rapidement de limiter la consultation aux seuls conseils régionaux sans même prendre directement en compte celles des communes directement concernées, pour la plupart opposées aux projets126. Au niveau national, l’exécutif abandonne l’idée d’un référendum sur la question énergétique et se borne à organiser un débat à l’Assemblée nationale. À cette occasion, pour couper court à toute velléité de fronde de la part de certains députés, le gouvernement a recours au vote de confiance. Cette procédure, normalement réservée au discours de politique générale, amène naturellement l’Assemblée nationale à valider des propositions qui reprennent largement les principes déterminés par les pouvoirs publics dans les années 1970127. Ainsi, six nouveaux réacteurs nucléaires sont commandés pour la période 1982-1983, la construction de Superphénix est confirmée, de même que l’extension de l’usine de retraitement de La Hague, destinée notamment à accueillir les combustibles irradiées en provenance de l’étranger128.
111Le recours à de telles procédures affirme la prééminence de l’exécutif sur la définition de la politique énergétique loin des ambitions de co-construction des politiques publiques affichées par le ministère de l’Environnement en juin 1981. Cette nette rupture par rapport aux promesses de campagne s’explique en premier lieu par la volonté du gouvernement Mauroy de ne rien faire qui puisse porter atteinte à l’emploi ou gêner l’industrie française129. Par ailleurs, le nucléaire, même civil, est depuis les années 1960 étroitement associé dans l’esprit des pouvoirs publics à l’intérêt national et aux institutions de la Ve République. Dans une certaine mesure, la définition de la politique énergétique s’inscrit donc en 1981 dans le cadre plus général d’une acceptation par la gauche de la primauté présidentielle et des institutions en place.
112Dès les premiers mois de la présidence socialiste, les écologistes constatent donc amèrement combien, sur un tel dossier, leur influence sur les pouvoirs publics est limitée. Sur les sites, les travaux se poursuivent malgré leur gel officiel, notamment à Golfech et à Flamanville130. Face à ces décisions, les militants invoquent le respect des engagements pris à l’époque de la pétition nationale et placent tous leurs espoirs dans un sursaut de conflictualité sur les sites qui permettrait de faire pression sur le gouvernement. Les relations entre les pouvoirs publics et le gouvernement se dégradent donc rapidement au niveau national comme local.
113En définitive, les écologistes sont amenés à reprendre face au gouvernement socialiste les arguments utilisés dans les années 1970, dénonçant le retard des pratiques démocratiques françaises par rapport aux pays étrangers et l’emprise du lobby pro-nucléaire sur les pouvoirs publics131. Alors que les associations espéraient pouvoir disposer de moyens de contrôler la sécurité de la centrale, de mener des enquêtes indépendantes et d’organiser des débats contradictoires, les Commissions locales d’information mises en place par le nouveau gouvernement ont des prérogatives limitées à la diffusion de l’information132. Dans le domaine du nucléaire, les militants ont donc le sentiment d’être encore une fois cantonnés à l’impuissance.
114Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que la contestation antinucléaire se poursuive après l’élection de François Mitterrand tout particulièrement à La Hague, Chooz (Ardennes) et Golfech (Tarn-et-Garonne).
115Centre de traitement du combustible radioactif usé administré à l’origine par le CEA et bénéficiant à sa création d’un statut militaire, l’usine de la Hague a été privatisée et cédée en 1976 à la Cogéma qui l’oriente vers l’accueil des déchets nucléaires en provenance des centrales nucléaires françaises et étrangères. Depuis 1978, les écologistes et les antinucléaires locaux ont fait de l’opposition à une exploitation commerciale de l’usine un axe essentiel de leur combat espérant que l’arrivée au pouvoir de la gauche signerait la fin de cette politique133. Or, dès le 15 juillet 1981, Jean-Pierre Chevènement, ministre de la Recherche et de l’Industrie, annonce à l’issue d’une entrevue entre Helmut Schmidt et François Mitterrand que les contrats passés entre la Cogéma et la RFA seraient honorés134. Dès le 4 août 1981, des heurts éclatent entre forces de l’ordre et manifestants lorsque ces derniers tentent de s’opposer au transfert de déchets nucléaires japonais depuis le port de Cherbourg jusqu’à l’usine de La Hague. Sur le plan symbolique, cet épisode a son importance puisque c’est la première fois depuis son arrivée au pouvoir que la gauche doit s’appuyer sur les CRS pour une opération de maintien de l’ordre, affirmant involontairement la continuité des pratiques par-delà la succession des majorités.
116Le conflit à Chooz présente quant à lui un visage particulier à la conjonction d’une lutte sociale et de la contestation antinucléaire. Un premier réacteur avait été mis en service en 1967 et la construction de deux autres réacteurs est envisagée à la fin des années 1970 suscitant l’opposition d’une partie de la population135. C’est surtout au cours de l’année 1982 que la situation se tend ; le dernier samedi de chaque mois, une manifestation donne lieu à des heurts opposant les forces de l’ordre à des militants appartenant à la mouvance autonome ainsi qu’à des ouvriers protestant contre la fermeture des hauts-fourneaux tout proche de la Chiers à Vireux-Molhain136. De même, à la fin du mois de mars 1982, les sidérurgistes dressent un barrage fait de lingots d’acier sur la route de Chooz et distribuent des tracts appelant à la fois à la défense de l’emploi et au refus du nucléaire. La région de Chooz connaît donc durant plus d’un an une agitation sporadique mais virulente qui se situe à la fois dans le prolongement des grands conflits de la sidérurgie de la fin des années 1970 tout en y ajoutant une dimension antinucléaire originale.
117Dans ces différentes affaires, le Parti socialiste est directement mis en cause par les militants qui considèrent qu’il n’a pas tenu ses promesses de campagne. Ainsi, le 4 février 1982, le local du parti à Charleville-Mézières est visé par un cocktail Molotov. De même, à Golfech, dans le contexte d’une mobilisation radicale mais minoritaire contre la construction de la centrale, les partis politiques sont pris pour cible après que les pouvoirs publics aient confirmé la poursuite du projet. Le 14 octobre 1982, le siège de la Fédération du PS de Haute-Garonne est détruit par un attentat à la bombe. Si celui-ci n’est pas revendiqué, une inscription sur le mur de l’immeuble dénonce le fait qu’à « A Vireux, à Chooz, les CRS, en Pologne, la milice, sont contre les ouvriers et les travailleurs », laissant peu de doute sur la motivation antinucléaire de l’acte137.
118À ces attentats s’ajoute un discours plus proprement politique mettant en cause le Parti socialiste et le gouvernement. Didier Anger, qui avait pourtant appelé à voter en faveur de François Mitterrand en mai 1981, déclare après les heurts autour de La Hague qu’« aujourd’hui, nous savons qu’il ne faut jamais faire confiance à un politicien, fût-il de gauche138 ». De même, la Coordination antinucléaire de Toulouse dénonce en novembre 1981 le fait que « six mois après sa victoire dite historique, le pouvoir met en place des structures qui en fait sont en continuité même des réalisations passées. Une fois élus [sic.], les promesses électorales garantes d’un pseudo-changement s’entassent, comme à leur habitude, dans les poubelles ministérielles139 ». De son côté, Roger Fischer, membre de longue date du Mouvement écologique, propose à l’assemblée générale du MEP à Chamarande (novembre 1981) de transformer l’organisation en un véritable parti politique, arguant qu’après six mois de gouvernement de gauche, il lui semble évident qu’aucun changement profond ne pourra venir des formations politiques existantes140.
119Quoiqu’ils s’en défendent, les écologistes se sont dans leur grande majorité réjouis de la victoire de François Mitterrand ou du moins de la défaite de Valéry Giscard d’Estaing. De fait, le programme de campagne du nouveau président sur les questions institutionnelles comme énergétiques paraissait de nature à satisfaire certaines exigences capitales des organisations écologistes. Pourtant, très vite, la poursuite de la construction des centrales, à un rythme à peine moins élevé qu’auparavant, suscite une profonde déception chez les militants écologistes dès la fin de l’année 1981, annonçant avec près d’un an d’avance les désillusions d’une partie du peuple de gauche.
120La fin définitive des années 68 est souvent fixée en France au tournant de la rigueur de mars 1983 et l’adoption d’une politique économique conforme à celle des voisins européens141. Néanmoins, pour de nombreux militants écologistes, la reprise du programme nucléaire à l’automne 1981 est interprétée comme un renoncement aux projets alternatifs mis au point à la fin des années 1970, affirmant ainsi l’incapacité du pouvoir à changer concrètement de politique.
121Divisés, perdant une partie de ses forces vives qui se rapprochent du PS, les écologistes sont alors déterminés à s’unir pour constituer une alternative crédible et efficace. Ainsi, cette période est essentielle dans les sorties des années 68 tant dans les désillusions sont grandes à l’égard d’une action politique qui permettrait de changer la vie et la société. Il en découle une méfiance voire une hostilité à l’égard de l’ensemble de la classe politique, précipitant les sorties des années 68 et les recompositions de l’écologisme français.
Les écologistes prennent parti
122En 1981, l’unité de la nébuleuse écologiste semble être à portée de la main. Bien que difficile, la campagne présidentielle s’est conclue par un score loin d’être déshonorant et les deux principales organisations de l’époque, les Amis de la Terre et le MEP, ont démontré leur capacité à travailler ensemble et à défendre un programme commun. Dans ces conditions, la mise en place d’une structure unique et pérenne qui rassemblerait l’ensemble des écologistes pourrait apparaître comme l’aboutissement logique de la campagne de Brice Lalonde. Ce climat apparemment favorable à la formalisation de l’unité des écologistes s’insère plus largement dans le contexte des sorties des années 68 envisagées comme une réévaluation des finalités et des formes du militantisme politique et associatif. De fait, trois ans plus tard, en janvier 1984, après avoir surmonté de nombreux obstacles et querelles personnes, les Verts sous-titrés « Confédération écologiste – Parti écologiste » sont finalement créés lors du congrès de Clichy.
123Cependant, il n’était pas écrit à l’avance que les écologistes se rallieraient au projet de création d’une structure partidaire certes atypique mais malgré tout tournée vers la conquête et l’exercice du pouvoir. Contre la tentation de postuler l’inéluctabilité du fait partidaire, il est nécessaire de comprendre les transformations que cette nouvelle donne illustre et implique tout à la fois pour les écologistes.
124De fait, les négociations autour de la création d’une structure commune paraissent en bonne voie durant l’année 1981, couronnée en décembre par la création de la Confédération écologiste. Une telle impression est cependant trompeuse car le MEP ne participe pas en tant que tel à cette réunion et le RAT prend rapidement ces distances. Dès lors, tout en poursuivant des négociations d’unification, les trois organisations – le RAT, le MEP et la Confédération Écologiste – se font face et cherchent avant tout à se renforcer. Ce n’est qu’après la décision des Amis de la Terre d’opérer un tournant associatif que la création d’une structure partidaire commune est enfin envisageable.
1981-1982, entre aspiration à l’unité et division des organisations
125Au sortir de l’élection présidentielle, tous les écologistes semblent appeler de leurs vœux l’unification de leur courant. Pourtant, les communiqués tour à tour iréniques ou acrimonieux succèdent aux réunions de conciliation sans aucun résultat véritablement probant.
126Les querelles personnelles et le désir propre à toute organisation de prolonger sa propre existence entrent indéniablement en ligne de compte. Néanmoins, la difficulté à parvenir à une unification des écologistes s’explique plus fondamentalement par de profonds désaccords sur le rapport que l’écologisme doit entretenir avec le champ politique et sur les caractéristiques de la structure à naître.
127Organisation majeure de l’écologisme française, les Amis de la Terre ne peuvent en 1981 se permettre de rester à l’écart des négociations sur l’unification des écologistes même si leur position dans ce domaine tranche notablement avec celle des autres organisations. Brice Lalonde suggère ainsi d’unifier l’écologisme français selon le modèle de la nébuleuse travailliste au Royaume-Uni avec une division en trois secteurs agissant de concert et entre lesquels les militants pourraient circuler librement142.
128Pierre Samuel plaide quant à lui pour une structure unique fondée sur une déclaration générale mettant en avant une douzaine de mesures d’urgence (comme le scrutin à la proportionnelle ou le référendum d’initiative populaire)143. Dans cette confédération, les régions jouiraient de l’essentiel des prérogatives sans se consacrer uniquement à la participation aux élections. Les structures proposées attestent que Pierre Samuel conçoit la future organisation comme une sorte d’élargissement du RAT à l’ensemble des militants écologistes, allant jusqu’à suggérer de conserver le nom « Amis de la Terre » dont il estime qu’il est beau, attirant et honorablement connu.
129Ces deux propositions de membres des Amis de la Terre ont pour point commun une nette réticence à l’idée de se limiter à une organisation toute entière dévolue à l’action électorale. Outre le rejet du concept de parti politique, enraciné de longue date chez les Amis de la Terre, l’importance prise au sein du RAT par les activités d’expertise auprès des pouvoirs publics explique cette position. Les principaux animateurs de l’association sont en effet membres de la Commission nationale de planification, du Haut comité de l’environnement ou encore de la commission du ministère de l’Environnement pour la préparation du IXe Plan144. La proximité du RAT à l’égard des pouvoirs publics induit alors une acculturation aux contraintes de la gestion administrative voire une proximité nouvelle avec les décideurs politiques dont les conséquences sur le discours officiel de l’association sont immédiates145. Les mots d’ordre d’efficacité et de crédibilité s’accompagnent d’une certaine modération des positions de l’association et sans doute d’une plus grande réticence à se poser en concurrent politique direct des partis de gauche, de peur de remettre en cause ses positions acquises.
130Les propositions des Amis de la Terre concernant l’unification attestent donc de l’existence au sein de l’association d’un processus de dépolitisation et d’une accession à la notabilité militante qui contrastent avec l’évolution d’autres tendances de la nébuleuse écologiste.
131La situation de la tendance incarnée par le MEP est en effet très différente. Formée à partir des instances dirigeantes du Mouvement Écologique du milieu des années 1970, elle s’est renforcée au travers des élections législatives de 1978 puis les européennes de 1979 avant que le MEP ne soit formellement créé lors de la réunion de Versailles des 16 et 17 juin 1980. Au contraire des Amis de la Terre attachés à l’idée d’un rapprochement des mouvements sociaux, chaque étape de la constitution du MEP a été une occasion d’affirmer l’autonomie politique de l’écologisme et son implication systématique dans les scrutins électoraux.
132Cette démarche propre au MEP se radicalise après 1981 devant les déceptions nées des premières décisions du gouvernement socialiste qui confirment à ses yeux la nécessité de faire de l’écologisme une véritable alternative politique se distinguant clairement des autres partis146. Dès le mois de novembre 1981, le MEP annonce son intention de se transformer en un Parti écologiste doté d’une plate-forme précise. En retour, certains Amis de la Terre ont tôt fait de dénoncer le MEP comme une organisation dogmatique, centralisée, au service des ambitions électorales de ses animateurs147.
133L’articulation entre action électorale et associative est donc envisagée différemment par le RAT, qui prône de les mêler, et le MEP, qui entend au contraire les distinguer. Cette divergence, qui constitue un obstacle certain au processus d’unification, reflète plus profondément une différence d’appréciation sur le rôle de l’écologisme dans la transformation de la société, selon qu’il soit considéré comme l’unique matrice d’une alternative globale ou l’une des manifestations d’une approche plus large commune à l’ensemble des mouvements sociaux.
134Les controverses opposant le MEP et le RAT ne sont pas l’unique obstacle s’opposant à l’unification des écologistes. En effet, au début des années 1980, de nouvelles organisations commencent à contester leur monopole sur l’expression nationale de l’écologisme, rendant les négociations d’unification plus complexes encore.
135Commencé à la fin des années 1970, le regroupement des groupes locaux au sein de structures régionales autonomes se poursuit au début des années 1980 avec la création de la Fédération écologique du Midi en 1980 et de la Coordination écologique et alternative du sud-est (CEASE) en mai 1981148. La CEASE s’étend par exemple sur six départements et regroupe des membres des Amis de la Terre, du MEP, de l’Appel aux vivants ainsi que de la Fédération des associations du sud-est pour l’environnement. Ces regroupements s’opèrent sans que les organisations nationales ne soient directement impliquées et culminent avec les assises de Couiza (11-12 décembre 1981) organisées par différentes fédérations régionales149.
136Treize régions sont présentes à cette réunion dont les organisateurs entendent faire une étape cruciale dans l’unification des écologistes par le bas qui dépasseraient les querelles d’appareil. Une Confédération nationale des fédérations régionales (ou Confédération écologiste) est alors créée. Celle-ci repose sur le « groupe de base […] lieu privilégié de la rencontre, du débat, de la réflexion et donc de l’action150 » dans une volonté de ne pas faire de la politique une activité coupée de la vie quotidienne. La confédération refuse donc d’opposer le parti politique à l’association et autorise de ce fait la double appartenance.
137Central sur le plan politique, le groupe local, fédéré sur le plan régional, l’est également dans le domaine organisationnel puisque le centre du dispositif est le Conseil interrégional, constitué de membres élus dans chaque région, chacun d’entre eux disposant d’un nombre de voix proportionnel aux adhérents de sa région. Ce Conseil interrégional désigne également sur proposition des régions un organe collégial d’expression nationale dont les membres élus pour deux ans seront les porte-paroles du mouvement.
138Entre la confédération et le MEP, la rupture est pour ainsi dire immédiate car ce dernier dénonce le refus de choisir entre le mouvement social et le parti et conteste l’idée de faire du quotidien un terrain politique privilégié151. Par ailleurs, bien que son organisation se rapproche de celle du RAT, la Confédération écologiste se considère très vite comme un nouvel acteur national à part entière et distinct des deux autres organisations, attisant de ce fait les controverses.
139Au début de l’année 1982, trois organisations prétendent donc concourir à l’unification de la nébuleuse écologiste en proposant chacune une vision spécifique de ce processus et de ses finalités. Cela ne signifie pas pour autant que trois camps homogènes et irréconciliables s’opposent irrémédiablement. La complexité du processus d’unification tient au contraire au fait que beaucoup de militants saisissent mal les raisons de ces divisions et sont prompts à n’y voir que des querelles d’appareils motivées par l’ego de quelques animateurs nationaux, ce qui n’est souvent pas totalement faux. Ainsi, Pierre Parreaux, journaliste à Besançon, se présente ainsi : « adhérent au MEP dès sa création, tout en restant AT et en se sentant moralement “3e Collège” pour montrer que les querelles de chefs, ça ne l’intéresse pas152. » De même, la Fédération écologiste bretonne qui se met en place durant l’année 1982 regroupe à la fois des membres des Amis de la Terre, dont Yves Cochet, du MEP et des militants qui n’appartiennent jusqu’alors à aucune structure nationale153.
140Par ailleurs, les responsables des différentes organisations peuvent circuler entre elles en fonction des situations, des enjeux du moment et des affinités. Ainsi, une partie des cadres de la Confédération écologiste sont d’anciens membres des Amis de la Terre particulièrement critiques à l’égard des évolutions récentes de cette organisation154. De même, Catherine Bonnel milite d’abord dans les rangs du MEP dont elle assume la présidence en 1981 avant de rejoindre la Confédération en mars 1982155. Paradoxalement, il est possible que cette fluidité rende plus complexe le processus d’unification des écologistes tant les rapports de force entre les organisations paraissent incertains.
141En outre, l’unification des écologistes ne peut être uniquement abordée comme un débat rationnel confrontant différentes propositions clairement distinctes les unes des autres. La passion, les emportements, les amitiés et les antipathies sont des facteurs parfois cruciaux, tout particulièrement en ce qui concerne la personne de Brice Lalonde.
142Candidat des écologistes à la présidentielle de 1981, celui-ci n’a pourtant jamais fait l’unanimité au sein d’une nébuleuse où certains lui ont reproché son ambition et son incapacité à se plier à la discipline collective156. Dans les instances du MEP, nombreux sont ceux qui voient dans sa personne un obstacle au processus d’unification. Ainsi, un rapport anonyme attaque directement l’animateur des Amis de la Terre en dénonçant sa stratégie postérieure à 1981 qui consisterait à modérer ses positions et son image sur les questions militaires voire sur le nucléaire pour se rapprocher des socialistes et devenir à terme ministre de l’Environnement157.
143L’animosité d’une partie des instances du MEP à l’égard de Brice Lalonde culmine lors d’une controverse sur l’utilisation des fonds de la campagne présidentielle. Tout commence en février 1982 par une action judiciaire introduite par Jean Brière, membre fondateur du MEP, contre l’association Aujourd’hui l’écologie, créée en 1980 pour assurer la gestion matérielle de la campagne de Brice Lalonde158. Jean Brière dénonce l’opacité de la trésorerie et évoque à demi-mot de possibles malversations, notamment dans les relations avec les entreprises chargées d’imprimer les professions de foi et les bulletins de vote159. Selon lui, aucune pièce comptable ne permet d’attester de la réalité des sommes dépensées – qu’il estime à sept cents millions d’anciens-francs – et les relations avec les imprimeurs, confiées au cabinet Olivier Bidou, seraient entachées d’irrégularités. Or, ce dernier est le frère de Dominique Bidou, membre des Amis de la Terre et proche de Brice Lalonde, ce qui alimente les rumeurs et les soupçons sur l’utilisation des fonds.
144Après la campagne présidentielle, Yves Cochet est chargé de la vérification de l’ensemble des comptes et estime que la gestion a été honnête160. Interrogé depuis, il reconnaît un manque de rigueur dans la tenue des comptes, parfois rédigés sur des cahiers d’écoliers sans que cela n’ait donné lieu à des malversations161. De fait, le 11 février 1982, un administrateur provisoire est désigné par le tribunal de la Seine pour faire la lumière sur ces opérations162. Après examen des pièces comptables, il semble que quelques litiges persistent, portant pour l’essentiel sur l’utilisation durant les élections législatives de juin 1981 de fonds à l’origine destinés à la campagne présidentielle et portant sur une somme inférieure à 100000 francs163.
145Une partie du MEP se mobilise sur cette affaire par défiance à l’égard de Brice Lalonde, du RAT et des partisans de la conciliation avec celui-ci. René Commandeur, membre du MEP, dénonce ainsi les « suppôts » de Lalonde au sein de sa propre organisation, en désignant nommément Catherine Bonnel et Jean-Pierre Mortreux, ancien membre des Amis de la Terre ayant participé à Europe Écologie164. Cet épisode élargit donc le fossé entre les Amis de la Terre et le MEP et contribue à une crise au sein de cette dernière organisation opposant les intransigeants et ceux pour qui l’unification des écologistes passe avant tout. Cette controverse déclenche donc une crise au sein du MEP et plonge plus largement l’écologisme dans une paralysie totale jusqu’à la fin de l’année 1982165.
146Après la campagne présidentielle de 1981, les débats autour de l’unification des écologistes absorbent les militants et les appareils. Néanmoins, au-delà de la bonne volonté affichée, ceux-ci ne s’accordent ni sur la définition ni sur les finalités d’un processus autour duquel plusieurs stratégies s’opposent.
147L’un des enjeux de ce débat est de savoir si les écologistes acceptent de considérer la politique comme une activité spécifique ou si, dans la continuité des années 68, ils doivent s’efforcent d’imaginer une nouvelle forme d’action militante, associant lutte au quotidien et action électorale. Pendant plus d’un an, de la campagne présidentielle à la fin de l’année 1982, aucune des trois organisations nationales, le RAT, la Confédération ou le MEP, ne semble en mesure de s’imposer, figeant de ce fait le processus d’unification et alimentant un certain découragement parmi les militants jusqu’à ce que l’unification soit effective en 1984.
1982-1984, la création des « Verts »
148Cinq ans après les assises de Dijon, les écologistes parviennent lors du congrès de Clichy (28-29 janvier 1984) à s’accorder sur la création d’une formation politique unitaire, ce qui ne s’est pas fait sans difficulté. Le sous-titre du nouveau parti, « Confédération écologiste – Parti écologiste » est particulièrement révélateur d’un amalgame encore instable entre de deux sensibilités distinctes rassemblées autour d’une couleur symbolique. Au reste, une telle situation n’est pas une spécificité française : les Verts allemands s’unissent en 1980 lors du congrès de Karlsruhe tout en restant marqués par une grande diversité des tendances qui perdure dans les années 1990 après la fusion avec les représentants du mouvement des citoyens Bündnis 90166.
149Ce passage entend reconstituer les logiques politiques et sociologiques qui président entre 1982 et 1984 à l’unification des écologistes dans un processus qui atteste d’une acceptation croissante des règles classiques du jeu politique.
150Durant l’année 1982, trois tendances se réclament de l’écologisme et négocient laborieusement les modalités et les finalités de leur unification : les Amis de la Terre, la Confédération écologiste et le MEP. Chacune de ces trois organisations incarne une déclinaison spécifique d’une même pensée écologiste et, dans les faits, les discussions achoppent avant tout sur les structures à donner à la future organisation ainsi que sur des questions de personnes.
151Néanmoins, ces négociations ne sont pas vaines dans la mesure où, à l’automne 1982, les points de vue des trois organisations semblent se rapprocher. Ainsi, dans un communiqué commun publié le 24 octobre 1982, les délégués du RAT, du MEP et de la Confédération écologiste constatent leurs convergences de vue sur des points essentiels167. La future organisation reposerait sur des fédérations régionales dont les instances nationales seraient largement issues même si ces dernières étaient dotées de moyens réels tant sur plan logistique que politique. En outre, chaque adhérent serait dans l’obligation de respecter les décisions prises à la majorité même si les courants minoritaires conserveraient le droit de s’abstenir – sans pour autant être en droit de pratiquer des manœuvres d’obstruction. Ces dispositions visent à éviter que ne se reproduisent des conflits analogues à la présidentielle de 1981, lorsque Solange Fernex et Didier Anger avaient contesté la légitimité de Brice Lalonde, allant jusqu’à appeler publiquement à son remplacement par le Commandant Cousteau. Plus largement, ce subtil équilibre des prérogatives doit satisfaire d’une part le MEP, soucieux de garantir l’efficacité de l’organisation, donc l’unité de sa direction, et d’autre part le RAT et la Confédération écologiste, tous deux attachés à l’autonomie des régions, considérée comme la garantie de la démocratie interne du futur ensemble168.
152Le communiqué du 24 octobre 1982 affirme par ailleurs que la future organisation accueillera uniquement des adhérents individuels et que, dans le but de préserver son indépendance politique, la double appartenance sera interdite169. Le MEP a toujours insisté sur ces dispositions qui distinguent à ses yeux un parti politique d’une simple association ou d’un collectif tel que le Mouvement écologique a pu l’être en son temps. Son Conseil national semble particulièrement soucieux d’éviter que la future organisation ne soit noyautée par le PSU dont il se défie, dénonçant notamment son emprise sur le CODENE170. Contrairement aux années 1970, ce point de vue fait consensus parmi les différentes organisations. Ainsi, dès les assises de Couiza, la Confédération écologiste a rendu impossible la double appartenance pour les responsables, les porte-parole et les candidats du mouvement, ne la tolérant que pour les adhérents de base171.
153En définitive, en octobre 1982, les trois organisations paraissent s’accorder sur les grands principes de la future structure et, de fait, les institutions des Verts élaborées à partir de 1984 les reprennent largement172. Sur le moment, le seul point d’achoppement officiel est d’ordre symbolique. Le MEP tient en effet absolument à ce que la future structure porte le nom de « parti », ce que les deux autres organisations refusent, y voyant une forme de repli sur soi délétère et facteur de divisions173.
154En dépit de ce désaccord, le communiqué du 24 octobre 1982 semble indiquer que l’unification des écologistes est à portée de main. Les négociateurs des trois organisations s’engagent alors à proposer à leur assemblée générale respective l’organisation d’une convention d’unification pour le mois de janvier 1983174. Un tel calendrier permettrait aux écologistes de se présenter uni aux municipales du mois de mars, où l’introduction d’une forme de proportionnelle leur permet d’espérer avoir des élus.
155Pourtant, en décembre 1982, les désaccords persistent car la Confédération écologiste appelle à la dissolution des structures existantes tandis que le RAT se prononce pour le maintien des Amis de la Terre sous une forme à peine modifiée175. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que chacun des trois partenaires mette en œuvre, parallèlement aux discussions communes, une stratégie alternative visant à renforcer son propre appareil. Le MEP devient alors « Les Verts-Parti écologiste » (VPE) et annonce son intention de se consacrer en priorité à sa structuration interne, se disant échaudé par dix ans de dialogue infructueux176.
156À la fin de l’année 1982, la confusion la plus totale règne donc au sein de l’écologie politique française puisque deux organisations s’intitulent les Verts, l’une portant le sous-titre « Parti écologiste », l’autre « Confédération écologiste177 ». Cette situation, illisible pour les non-initiés comme pour les militants, contribue indubitablement à l’hémorragie militante que connaissent les différentes organisations entre 1980 et 1983.
Tableau 11. – Effectif des principales organisations écologistes (1980-1983).
Amis de la Terre | Confédération écologiste | mep/vpe178 | |
Juillet 1980 | 1800179 | – | 999 |
Décembre 1982 | nc | 654180 | 433 |
Juin 1983 | 866181 | nc | 398 |
157Ainsi, au milieu de l’année 1983, le total des effectifs des trois principales organisations se réclamant de l’écologisme ne représente guère plus de 2000 membres. Tout entier absorbé par ses négociations internes, l’écologisme français est devenu groupusculaire. Comme le souligne un militant, il est rare qu’une réunion attire plus de vingt-cinq participants : « Où se trouvent les militants écolos ? […] Où sont les dizaines de milliers de manifestants du Larzac, de Malville, de Naussac, de Plogoff, etc.182 ? » Dans ce contexte, l’unification, sans cesse repoussée, désirée tout autant que discutée, apparaît comme une ardente nécessité pour que l’institutionnalisation partidaire pallie la faiblesse de la mobilisation militante.
158Cette équation aux multiples inconnues se trouve cependant simplifiée par le retrait progressif du RAT dans le cadre d’une stratégie de « recentrage associatif183 ». Initié en novembre 1982, ce processus complexe, dont l’intitulé fait référence à la démarche de la CFDT184, est le résultat de la pression conjointe d’acteurs aux objectifs distincts, dont le seul dénominateur commun est le refus de faire des Amis de la Terre une organisation explicitement politique.
159Le principal acteur de cette inflexion est le secrétariat du RAT, véritable exécutif de l’association composé à l’époque de Brice Lalonde et de ses proches, tels que Cédric Philibert, Pierre et Laurent Samuel ou encore Dominique Martin185. Constatant les piètres résultats obtenus par les candidats des Amis de la Terre lors des élections législatives partielles de janvier 1982 – le score le plus élevé est atteint à Châlons-sur-Marne avec 3,5 % des voix – le secrétariat des Amis de la Terre indique dans son rapport d’activité pour l’année 1982 que l’action politique ne lui semble plus payante186. Dans ces conditions, le rapport d’orientation, significativement écrit par Brice Lalonde, propose de renforcer la vocation associative des Amis de la Terre, considérant que la constitution d’un parti ne ferait que confiner l’écologisme dans un isolement délétère187. En outre, l’animateur des Amis de la Terre considère que le recentrage associatif confortera la position d’interlocuteur des Amis de la Terre auprès des pouvoirs publics, préservant ainsi un capital symbolique et politique précieux.
160Le recentrage associatif suscite de vives critiques de la part de certains militants du RAT qui y voient un moyen de conforter les positions acquises des membres du secrétariat188. Cette nouvelle orientation prend également acte de la déréliction du Réseau des Amis de la Terre qui « s’effondre », rendant impossible toute action ambitieuse189. Les dysfonctionnements et les controverses semblent en effet décourager de nombreux groupes : en 1981, seuls quatorze d’entre eux cotisent au RAT et neuf se rendent à l’assemblée générale à la fin de l’année190.
161Les statuts de l’association sont alors refondus et le Réseau des Amis de la Terre est dissous au profit d’une association unique administrée par un secrétariat élu par l’assemblée générale des groupes locaux et doté d’un pouvoir exécutif191. Il s’agit donc d’une sorte de recentralisation, dont la réorganisation des Amis de la Terre lors de la campagne présidentielle a constitué un prélude. Cette prise de distance à l’égard du jeu politique s’accompagne d’une attention exclusive portée aux questions purement environnementales, comme les pluies acides ou l’essence au plomb, délaissant la réflexion sur la technocratie et les moyens pour libérer la société civile de son emprise. Le recentrage associatif établit donc un nouveau consensus entre les groupes locaux et les animateurs nationaux : la nouvelle centralité des questions environnementales s’accompagne d’une plus grande latitude laissée aux animateurs nationaux pour contrôler le mouvement.
162Le recentrage associatif traduit donc le basculement d’une vision de la société civile comme lieu d’auto-organisation du corps social en dehors de l’État vers la volonté de dialoguer ès-qualité avec les pouvoirs publics pour faire avancer des projets précis192. En cela, cet épisode signe aux Amis de la Terre la sortie définitive des années 68 et l’affaiblissement de l’aspiration à organiser la politique ailleurs et autrement à partir de la base.
163À l’été 1982, comme le relève plaisamment Jacques Exbalin, membre des Amis de la Terre puis de la Confédération écologiste, « On pourrait résumer la situation par la phrase suivante : « Le MEP tient à son parti, Brice Lalonde tient à son pouvoir, et la Confédération tient à son unité193. » Quelques mois plus tard, la défection des Amis de la Terre permet une clarification salutaire des positions de chacun au sein de l’écologisme français en ne laissant face à face que deux interlocuteurs, les « Verts Confédération écologiste (VCE)194 » et les « Verts Parti écologiste (VPE) ».
164À la suite des élections municipales de mars 1983, les discussions reprennent entre les deux partenaires et, à l’approche des élections européennes de 1984, les militants français acceptent rapidement l’idée de faire liste commune195, encouragés en cela par d’amicales mais fermes pressions de la part des autres partis verts européens, qui n’acceptent de soutenir financièrement leurs homologues français qu’à la condition que ceux-ci s’unissent196. Le scrutin européen fournit donc l’impulsion décisive qui amène à la tenue du congrès d’unification de Clichy, à l’occasion duquel les deux organisations fusionnent pour donner naissance aux « Verts – Confédération écologiste – Parti écologiste », appellation qui n’est acceptée qu’après des discussions « longues » et « houleuses197 ». Associant les écologistes à la nature, la couleur verte est donc en quelque sorte un choix par défaut qui permet d’éviter d’utiliser le terme « parti » tout en adoptant, dans les faits, une forme partidaire. Pour autant, comme le démontre le déroulement de la campagne des européennes de 1984, l’unification des écologistes n’est encore que très relative.
Les élections européennes de 1984 ou l’unité imparfaite
165Les périodes électorales ont souvent été propices à des accords entre les militants écologistes soucieux de présenter un front uni aux électeurs pour des raisons symboliques autant que stratégiques. Dès les municipales de 1983, les VPE comme les VCE se sont accordés pour utiliser le sigle commun « Les Verts », évitant autant que possible une concurrence préjudiciable à l’ensemble du courant198. Si les résultats sont en retrait par rapport à ceux de 1977 – les listes écologistes obtiennent 5 % des voix là où elles sont présentes –, ils sont néanmoins jugés encourageants dans la mesure où un score similaire permettrait, en juin 1984, l’élection de quatre députés européens.
166C’est dire si les élections européennes constituent un enjeu important pour les écologistes puisqu’elles sont l’occasion d’éprouver à la fois la cohésion de leur nouveau rassemblement et sa crédibilité auprès des électeurs français comme des autres partis verts en Europe. Pourtant, ce scrutin manifeste surtout la division de la nébuleuse et la persistance en son sein de deux cultures écologiques, présents sur deux listes différentes.
167Les élections européennes de juin 1984 font l’objet d’une préparation en amont de la part des écologistes européens. En 1983, Écolo, le parti vert wallon, suscite la mise en place d’une coordination des partis écologistes du continent qui prend officiellement le nom de « Les Verts européens199 ». En comparaison de leurs homologues des pays voisins, les Verts français apparaissent relativement faibles et peu argentés dans la mesure où ils ne bénéficient pas de financement public et n’ont que très peu d’élus. Pourtant, à peine créés, les Verts français doivent avancer près de trois millions de francs en frais d’imprimerie pour les professions de foi et les bulletins de vote dans la perspective des élections européennes, les pouvoirs publics ne remboursant cette somme qu’à la condition que la liste dépasse les 5 % des voix200.
168Ces contacts européens, loin d’être anecdotiques, sont donc cruciaux pour les Verts. Les deux partis belges, Écolo et Agalev, offrent alors une caution bancaire de 450000 francs cependant que les Grünen apportent 1330000 francs201. Si une réelle solidarité existe entre les partis verts en Europe, il n’en demeure pas moins que de vives controverses manquent de remettre en cause cet accord. Ainsi, le 15 avril 1984, deux jours avant la date limite du dépôt de la caution nécessaire à la validation de la candidature des Verts français, les Grünen subordonnent le versement des sommes promises au soutien de l’ensemble des écologistes européens au GPA (Groen Progressief Akkord), collectif radical et écologiste hollandais, ce que les Français sont contraints d’accepter malgré leurs réticences202. En définitive, les Verts français parviennent à se présenter mais ne disposent d’aucune trésorerie pour financer la campagne elle-même, dont la logistique repose donc entièrement sur les comités locaux très peu organisés.
169Au-delà de ces difficultés financières et logistiques, le principal défi auquel les Verts sont confrontés durant cette campagne est la concurrence de Brice Lalonde qui, n’ayant pu s’imposer au sein du parti écologiste203, participe à une autre liste baptisée Entente radicale écologiste pour les États-Unis d’Europe (ERE).
170La genèse de cette démarche remonte au mois de janvier 1984 lorsqu’Edgar204 et Maurice205 Faure lancent un appel à la constitution d’une liste pro-européenne qui dépasserait les clivages partisans pour aller du centre-gauche au centre-droit206. Ils créent pour cela un mouvement, Convergence démocratique, auquel Brice Lalonde adhère dès le mois de janvier 1984207. L’animateur des Amis de la Terre voit dans ce projet l’occasion de marginaliser les partis politiques au profit de majorités temporaires constituées en fonction des enjeux du moment, ouvertes aux citoyens et non pas seulement aux hommes politiques professionnels208. Le ralliement de Brice Lalonde à « l’appel des deux Faure » se situe incontestablement dans la continuité de ses prises de position antérieures en tant que candidat à la présidentielle en 1981 où il appelait au rapprochement des libéraux et des libertaires. Par ailleurs, sur un plan stratégique, il n’est pas étonnant que Brice Lalonde, qui n’a pu faire accepter sa prééminence au sein des Verts, cherche une forme de reconversion politique dans une démarche de dépassement des partis, tentant de faire de la faiblesse de son implantation partisane un argument électoral.
171Si la proposition des deux Faure fait long feu, leur démarche n’en est pas moins reprise par le Mouvement des radicaux de gauche, allié à l’Union centriste et radicale, fondée au début de l’année 1984 par Olivier Stirn, ancien membre du Parti radical209. Le principe de cette liste d’union des deux sensibilités radicales est accepté par les deux formations au milieu du mois de mars 1984. Bien que peu enthousiaste à l’idée d’être « la feuille de salade qui ferait passer le sandwich radical », Brice Lalonde est contraint d’accepter cette nouvelle donne, tout en apparaissant clairement comme le partenaire le plus modeste de ce trio. C’est ainsi que la liste ERE est menée par un trio issu de familles politiques différentes : François Doubin (MRG), Olivier Stirn (UCR) et Brice Lalonde.
172En dépit de la volonté proclamée de Lalonde de participer à une démarche de dépassement des partis, le MRG apparaît clairement comme le moteur de cette liste dans la mesure où il est la seule formation à disposer d’une infrastructure partidaire apte à mener une campagne nationale, même si ses forces demeurent limitées210. Pour cette raison, loin de constituer une tentative de marginaliser les appareils au profit d’une autre manière de faire de la politique, la liste ERE apparaît bien davantage comme un essai d’élargissement de la majorité présidentielle vers le centre, probablement avec la bénédiction de François Mitterrand. Il est à ce titre révélateur que Jacques Pilhan, conseiller en communication du président, se mette au service de la liste ERE et orchestre une campagne novatrice, imaginant par exemple une profession de foi en forme de dialogue entre les trois têtes de liste et réalisant le premier vidéo clip politique français en guise d’allocution télévisée211.
173Ainsi, a posteriori, la participation de Brice Lalonde à cette campagne apparaît comme une première étape de son rapprochement avec la majorité socialiste, prélude à son ralliement de 1988, qui lui permettra de devenir secrétaire d’État puis ministre de l’Environnement du gouvernement de Michel Rocard212.
174Liste de centre-gauche, faisant l’éloge des valeurs d’efficacité et de pragmatisme, ERE s’affiche comme pro-européenne, antiautoritaire et opposée à un étatisme trop envahissant213. La liste des Verts, emmenée par Didier Anger, a donc beau jeu d’insister sur le fait que la liste ERE n’est pas écologiste tout en s’efforçant de ne pas attaquer trop violemment Brice Lalonde, qui fut leur candidat à l’élection présidentielle trois ans plus tôt, pour ne pas donner l’image d’une division irrémédiable des écologistes214. Il n’en demeure pas moins que sur les quatre-vingt-un candidats présents sur la liste ERE, vingt-quatre sont des militants écologistes dont Brice Lalonde lui-même (n° 2), Josette Benard (n° 7), animatrice du CREPAN (Comité régional pour l’étude, la protection et l’aménagement de la nature), conseillère municipale à Caen depuis 1977, et Philippe Desbrosses (n° 13), promoteur de l’agrobiologie215. Parmi les vingt premiers noms de la liste, cinq sont identifiés comme écologistes, alors que le MRG et l’UCR en comptent chacun sept. La composante écologiste, bien qu’incontestablement présente sur la liste, est donc minoritaire, ce qui n’est guère étonnant car en l’absence d’une organisation identifiée, la sélection des candidats écologistes est particulièrement dépendante des réseaux personnels de Brice Lalonde. La liste ERE ne peut donc être qualifiée d’écologiste à part entière mais elle comporte indéniablement une sensibilité qui la rattache à ce courant.
175La parution d’un numéro spécial de Combat Nature est l’occasion de constater que les militants présents sur la liste ERE représentent bel et bien une sensibilité spécifique de l’écologisme français216. Dans sa présentation générale, Brice Lalonde fait l’éloge d’une « écologie constructive, coopérant sans faiblesse avec économistes, techniciens et décideurs217 ». La mise en avant des valeurs de « modernité », de « solidarité » et de « saine concurrence218 » permet de rattacher les écologistes présents sur la liste ERE à un courant modernisateur qui a émergé en France dans les années 1960, parfois résumé sous l’appellation de « forces vives » et incarné notamment par le Club Jean-Moulin ou encore par une partie de la CFDT.
176Les écologistes de la liste ERE semblent avant tout appréhender l’environnement comme un ensemble de mécanismes dont il faut connaître le fonctionnement pour assurer la pérennité de la société. Josette Bénard souligne :
« La protection des sols, “outils de travail” des agriculteurs, est un impératif si l’on veut éviter des conséquences douloureuses pour cette activité économique déjà bien perturbée par les mutations récentes. Le changement des pratiques agricoles, une utilisation raisonnée des engrais et des pesticides doivent conduire à un développement agricole équilibré conformément à la stratégie mondiale de la conservation de la nature219. »
177L’écologisme est alors perçu comme un moyen de limiter les dérives de l’économisme et l’illustration de la nécessité d’une autre forme de gestion des ressources naturelles comme l’indique l’emploi des termes « conservation », « développement » et surtout « outils de travail220 ». Dans cette perspective, la nature n’est pas conçue comme une entité à préserver mais comme un ensemble de mécanismes à utiliser à bon escient dans la mesure où leur dérèglement entraînerait des conséquences préjudiciables pour les activités humaines, à l’instar du conservationnisme en vogue aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale.
178Les candidats écologistes d’ERE sont présentés comme des « battants et des gagnants, qui ont à leur tableau de chasse des victoires nombreuses sur le front de la défense de l’environnement et de la qualité de la vie221 ». Dans une rhétorique dont Brice Lalonde est coutumier, les hommes politiques, prisonniers de leurs appareils et de leur idéologie, s’opposent aux militants investis sur le terrain, pragmatique et résolu. Sous le pseudonyme d’Olivier Forbes, qu’il utilisait lorsqu’il était journaliste au Sauvage, Brice Lalonde est encore plus virulent dans ses attaques contre les Verts déclarant que « l’écologisme partisan et l’écologisme intégriste s’unissent dans le sectarisme du parti vert. Ces deux courants n’ayant, en revanche, pas beaucoup de projets communs, le dogme est essentiellement négatif et l’extrémisme verbal remplace l’efficacité pratique222 ». Ce faisant, l’ancien animateur des Amis de la Terre contribue à enrichir la gamme des stigmates associés aux écologistes : au cliché du retour à la bougie, très répandu dans les années 1970, s’ajoute désormais le repli sur soi au sein d’un parti au fonctionnement obscur, peuplé d’une poignée de militants dont le nombre serait inversement proportionnel au degré de leurs certitudes.
179La concurrence de la liste ERE et les attaques de Brice Lalonde sont rudement ressenties par les Verts mais elles ont néanmoins le mérite de renforcer leur unité face à cet adversaire commun, au-delà des divergences persistantes entre anciens VCE et VPE. Ainsi, la constitution de la liste se déroule sans encombre malgré les difficultés à convaincre de potentiels candidats venus du monde associatif et c’est Didier Anger, animateur du CRILAN dans la Manche, qui s’est tenu à l’écart des discussions sur l’unification après 1981 tout en marquant son hostilité à l’égard des Amis de la Terre, qui est désigné223.
180La campagne européenne des Verts s’organise autour de quatre axes se situant dans la continuité des réflexions antérieures des VPE comme des VCE. Les écologistes en appellent ainsi à une Europe de la qualité de la vie, qui ferait le lien entre les luttes ponctuelles et les problèmes globaux224. Ils insistent en outre sur le fait que la solution à la crise économique passerait par des initiatives locales et la création d’entreprises de petites tailles produisant des biens utiles socialement. Sur le plan institutionnel, les écologistes mettent classiquement en cause l’État-nation et se prononcent pour une fédération de régions à l’échelle du continent, seule solution envisageable à leurs yeux pour que chaque citoyen puisse avoir une influence réelle sur l’évolution de la société.
181Ce programme reste général voire vague, sans propositions marquantes et la campagne des Verts paraît singulièrement manquer d’allant. Ainsi, le grand meeting national de Lyon, censé être le point d’orgue de la campagne, ne rassemble que cent cinquante personnes dans une « petite salle » de la mairie du 6e arrondissement où les « interventions se succèdent sous de tièdes applaudissements225 ». De même, le rassemblement parisien à la Mutualité n’attire que deux cents personnes pour ce qui s’apparente, selon le journaliste du Monde, au « triste spectacle d’une soirée de patronage sans âme226 ».
182Confrontés à la concurrence de Brice Lalonde, les Verts ont bien des difficultés à développer leur programme. Dans un grand entretien accordé au Monde, Didier Anger doit ainsi consacrer une bonne partie de ses réponses à expliciter les positions des Verts face à ERE, déclarant que son parti n’est pas dogmatique mais s’appuie au contraire sur des observations concrètes et soulignant qu’il n’existerait qu’une seule liste écologiste, la sienne227.
183Les élections européennes se tiennent le 17 juin 1984 et, alors que le Front national crée l’événement en obtenant 10,95 % des voix et dix députés, les Verts, tout comme la liste ERE, essuient un échec indéniable en rassemblant respectivement 3,36 % et 3,32 % [voir cahier couleur, p. X].
184Comme le relève Anne Chaussebourg dans Le Monde, il s’agit incontestablement d’un pari perdu pour la liste ERE qui ne recueille que 670474 voix, soit à peine plus que Michel Crépeau, candidat du seul MRG en 1981228. François Doubin, Brice Lalonde et Olivier Stirn, expliquent cet échec par la difficile mise en place de cette alliance, qui n’a laissé que peu de temps à la liste pour faire passer son message aux électeurs229. Plus fondamentalement, le faible score recueilli par ERE témoigne de la faiblesse de l’implantation politique de Brice Lalonde et Olivier Stirn, à peine compensée par l’appui du MRG. La liste ERE recueille en effet de bons scores dans les zones traditionnelles d’influence du radicalisme telles que le Tarn-et-Garonne230, fief de Jean-Michel Baylet, député-maire de Valence-d’Agen et président du MRG, ou dans les Hautes-Pyrénées231. Par ailleurs, l’effet d’amitié locale joue en faveur de la liste ERE dans le Calvados, dont Olivier Stirn est l’élu232 mais également dans l’Orne car François Doubin est conseiller municipal de Soligny-la-Trappe233. Cependant, contrairement à ce qu’espéraient les trois têtes de liste, la somme des trois composantes n’a pas constitué la matrice d’un phénomène politique nouveau.
185Néanmoins, malgré les efforts des Verts, il semble qu’un certain nombre d’électeurs écologistes se soient tournés vers la liste ERE. De fait, au soir des résultats, la physionomie des résultats de la liste centre-gauche ne peut être véritablement comprise sans prendre en compte ce vote écologiste. Ainsi, dans la Manche, où celui-ci est traditionnellement plus élevé que la moyenne nationale, la liste ERE dépasse la liste des Verts dans trois circonscriptions sur cinq. Il en va de même en Alsace où le trio Doubin, Lalonde, Stirn dépasse son score national dans l’ensemble des circonscriptions234. Il est donc indéniable que la liste ERE a capté des électeurs qui se seraient, en son absence, reportés sur celle des Verts, privant ces derniers de suffrages précieux pour atteindre les 5 % des voix.
186Si la liste des Verts a la satisfaction de réaliser un meilleur score que son concurrent direct, il n’en demeure pas moins que les résultats confirment une tendance au tassement électoral de ce courant déjà observée à l’occasion des élections législatives de juin 1981 [voir cahier couleur, p. XI]. Avec 680080 voix, les Verts se situent bien en deçà des 900000 suffrages recueillis par Europe Écologie en 1979. Au niveau régional, les zones d’influences traditionnelles de l’écologisme des années 1970 poursuivent leur lente érosion, qu’il est possible d’observer dans la Manche ou encore dans le Haut-Rhin où les écologistes perdent respectivement 32 % et 37 % de leurs électeurs entre les deux scrutins européens.
187Or, à la différence des élections présidentielles de 1981, où l’augmentation notable du vote écologiste dans l’ouest de la France a permis de compenser la baisse observée dans d’autres zones, rares sont les régions où les écologistes semblent en 1984 dans une dynamique électorale positive. La seule exception à ce panorama peu reluisant est la région Nord-Pas-de-Calais où les résultats des écologistes, déjà en progrès en 1981, poursuivent cette trajectoire, notamment dans le Nord235. La recomposition de la carte électorale écologiste, déjà discernable en 1981, paraît donc se confirmer avec une nette orientation à gauche de son électorat, donnée confirmée par ailleurs par les enquêtes d’opinion du début du mois de juin 1984 qui montrent que 58 % des électeurs potentiels des Verts en 1984 ont voté Mitterrand en 1981 contre seulement 16 % pour Valéry Giscard d’Estaing236.
188Plus qu’une éventuelle baisse de la sensibilité des Français aux enjeux environnementaux, l’évolution de la sociologie politique des électeurs écologistes fournit une clé précieuse pour comprendre l’affaissement électoral des Verts dans les années 1980. Dans certaines régions traditionnellement ancrées à droite, le repositionnement des écologistes à gauche est en effet de nature à détourner certains électeurs. Par ailleurs, dans un contexte de désenchantement à l’égard du pouvoir socialiste, ce nouvel électorat écologiste a probablement davantage tendance à se réfugier dans l’abstention qu’il ne le faisait dans les années 1970. Absorbés par leur difficile et partielle unification, les écologistes n’ont pu, durant le début des années 1980, avoir l’activité soutenue qui leur aurait permis de mobiliser cet électorat déçu du socialisme en 1984.
189La période qui s’étend de l’élection de François Mitterrand à l’élection européenne de juin 1984 constitue pour les écologistes une sortie définitive des années 68 qui se traduit par la création difficile d’une structure partidaire qui est loin de rassembler tous les militants se reconnaissant dans l’écologisme. Néanmoins, l’âpreté des débats qui oppose les différentes tendances ne doit pas occulter le fait qu’un consensus s’installe progressivement autour de quelques principes généraux tels que l’interdiction de la double appartenance, le respect des choix majoritaires ou encore l’autonomie de décisions des institutions nationales.
190Certes, les structures ou les règles de fonctionnement de ce parti sont très loin du modèle canonique que le PCF pourrait incarner ; faiblement hiérarchisés, dotés d’un appareil embryonnaire, les Verts semblent peu armés pour affronter des élections nationales mais ils présentent l’intérêt de tenter de concilier une forme partidaire avec les exigences de démocratie émises par les écologistes depuis les années 1970.
191Pour les écologistes, les élections européennes constituent donc incontestablement la fin d’un cycle. L’augmentation constante des suffrages exprimés observée durant les années 1970 est enrayée tandis que la géographie de l’écologie politique paraît évoluer. À l’occasion de ces élections, les Verts sont parvenus à affirmer leur unité au prix de l’exclusion d’une culture écologique dont le résultat de Brice Lalonde montre qu’elle n’est pas sans influence et qui, par la suite, se structurera au sein de Génération écologie en 1990.
192De fait, pour les Verts, une nouvelle période s’ouvre où il s’agira de concilier la construction d’un appareil partidaire et le renforcement des liens avec la société française dont les résultats des élections du début des années 1980 montrent qu’ils se sont singulièrement distendus.
193Dans son ouvrage, Guillaume Sainteny considère que les contraintes structurelles induites par le système politique français expliquent à elles seules la transformation de l’écologisme en parti politique237. Une telle approche ne saurait être totalement convaincante dans la mesure où elle ne permet pas de comprendre pourquoi cette forme spécifique d’institutionnalisation intervient précisément au début des années 1980. Alors que les pouvoirs publics et les associations de protection de la nature et de l’environnement ébauchent une forme de cogestion des politiques environnementales à laquelle les écologistes ne participent que par intermittence, la création d’un parti écologiste dûment identifié comme tel apparaît comme un moyen de réaffirmer leur statut d’alternative globale et radicale.
194Par ailleurs, à mesure que les militants participent à des campagnes électorales, le besoin d’avoir à disposition un appareil professionnalisé et hiérarchisé se fait sentir avec plus d’acuité et l’emporte sur les préventions à l’égard des partis exprimés depuis les années 1970. Ainsi, la nouvelle place de l’environnement dans le champ politique durant cette courte période est aussi cruciale que les sorties des années 68 pour expliquer la création d’un parti politique écologiste.
195Le début des années 1980 s’était ouvert sur la volonté proclamée par l’ensemble des militants d’œuvrer à l’unification du mouvement. Celle-ci se révèle rapidement impossible tant les divergences personnelles, stratégiques et parfois doctrinales sont importantes. Dans ces conditions, la création des Verts apparaît comme une forme de substitut à une unification manifestement impossible. Les élections européennes, qui voient s’affronter deux listes se réclamant, à des degrés divers, de l’écologisme, se situent ainsi à la fois dans la continuité des débats passés tout en renouvelant notablement les termes, annonçant de nouvelles controverses qui ne seront closes qu’au milieu des années 1990.
Notes de bas de page
1 CHT. Fonds Marie-Françoise Gonin. Gon 5. « Appel aux écologistes ». 23-24 juin 1979.
2 Ibid. « Propositions en vue des assises écologiques des 24 et 25 novembre à Dijon ». S. d.
3 Burgunder J.-L., « Non à l’unité », Écologie, n° 317-318, juillet-septembre 1979, p. 3.
4 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Bulletin de liaison ». « Quelques flashs – personnels – sur les débats de Dijon les 24 et 25 novembre 1979 », Bulletin de liaison des Amis de la Terre, n° 50, 1er février 1980, 80-1, p. 7.
5 « Dijon par Cédric Philibert. Texte extrait de Libération, 27/11/79 », CB, n° 50-51, décembre 1979-janvier 1980, p. 15.
6 Radanne P., « Le repli ou la démocratie. À Dijon, la moutarde m’est montée au nez ! », L’envert du Nord, n° 19, décembre 1979, p. 7-8.
7 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Bulletin de liaison ». « Réunion du Comité de liaison écologique le 06/01/80 », Bulletin de liaison des Amis de la Terre, n° 50, 1er février 1980, 80-1, p. 12.
8 « Dijon par Cédric Philibert. Texte extrait de Libération », art. cit., p. 15.
9 Ibidem.
10 « Les assises de Lyon : vers l’unification », CB, n° 54, juin 1980, p. 8.
11 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Bulletins de liaison ». Les AT-Paris, « Les enjeux de Lyon », Bulletin de liaison des Amis de la Terre, n° 50, 21 mars 1980, 80-4, p. 13.
12 BPUN. Fonds Denis de Rougemont. Liasse « Documentation. Environnement. Divers ». Coupure de presse non identifiée, « France. Présidentielles : la longue course des sans-grades », par Albert Du Roy. S. d. [1980].
13 CARAN. Fonds Présidence Valéry Giscard d’Estaing. 5 AG/3-2395 Jean-Claude Delarue, « Libres opinions. “Les écologistes et les partis” », Le Monde, 21 juin 1980.
14 « Clés pour le CLE », CB, n° 52-53, mars-avril 1980, p. 17.
15 Wunsch G., « C.LE. pour l’écologie », Le Courrier de la Baleine, n° 52-53, mars-avril 1980, p. 16.
16 CHT. Fonds Marie-Françoise Gonin. Gon 5. « Compte rendu des Assises de l’écologie », Bulletin d’information écologique. MEP, n° 2, 2e trimestre 1980, p. 2.
17 Jarreau P., « Réunis en congrès à Lyon. Les écologistes veulent préparer l’élection présidentielle sans mettre en péril la cohésion de leur mouvement », Le Monde, 3 mai 1980, p. 10.
18 MV. Fonds Yves Cochet, Carton « Bulletins de liaison ». Jean-Pierre Dupouy, « J’y étais pas, moi Monsieur », Bulletin de liaison des Amis de la Terre, n° 52-53, 9 mai 1980, 80-5, p. 2.
19 MV. Fonds Yves Cochet, Carton « Bulletins de liaison ». « Les assises de Lyon », Bulletin de liaison des Amis de la Terre, n° 52-53, 9 mai 1980, 80-5, p. 9.
20 Leprince M., « Élections présidentielles : Brice Lalonde candidat du mouvement écologiste », JT FR3 Rhône Alpes, France Régions 3 Lyon, 16/06/80, 01 min 59 s. [http://www.ina.fr/video/LXC00023168/electionspresidentielles-brice-lalonde-candidat-du-mouvement-ecologiste-video.html], consulté le 05/02/13.
21 « Les assises de Lille », L’Envert du Nord, n° 25, septembre 1980, p. 3.
22 Samuel P., « Les primaires du 15 juin », CB, n° 55, juillet-août 1980, p. 3.
23 Il s’agit notamment de Bertrand Julien, membre des Amis de la Terre de Paris et partisan d’une écologie libertaire, et d’André Hautot, du groupe des Yvelines, qui met en avant les liens à construire avec les autres mouvements sociaux ainsi que la lutte contre la technocratie. Cf. MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Bulletin de liaison ». « Pour une candidature écologiste non personnalisée », Bulletin de liaison des Amis de la Terre, n° 54, 1er juin 1980, p. 18.
24 « Candidat équipe d’union proposé par le MEP », CB, n° 55, juillet-août 1980, p. 5.
25 Samuel P., « Les primaires du 15 juin », CB, n° 55, juillet-août 1980, p. 3.
26 « En route pour la présidentielle », CB, n° 55, juillet-août 1980, p. 2.
27 Kirk A. G., Counterculture green, op. cit., p. 178.
28 Cans R., Les flibustiers de la science, Paris, Sang de la Terre, 1997, p. 180.
29 Victor P.-E., Jusqu’au cou… et comment s’en sortir, Paris, Nathan, 1979, p. 23.
30 CAC. Fonds Amis de la Terre. 20050521/1. Lettre de Jacques Bianchi, directeur des Requins Associés, à Alain Hervé. 31 décembre 1970.
31 BPUN. Fonds Denis de Rougemont. Liasse « Documentation. Environnement. Divers ». Jacques-Yves Cousteau, « Pour une conscience planétaire », Vision, n° 34, septembre 1973.
32 MV. Fonds LV. Carton « Écologie 78 ». Comité national de soutien à Écologie 78. S. d.
33 MV. Fonds LV. Carton « Europe Écologie. La presse ». Interview du Commandant Cousteau par Jean Carlier. 30 mai 1979.
34 « Vague à l’âme et forcing pour Cousteau », Écologie, n° 332, décembre 1980, p. 21.
35 MV. Fonds LV. Carton « 79-80. Adhérents. CR ». Compte rendu de la réunion du Conseil national du MEP. 29-30 novembre 1980, p. 3.
36 Samuel L., « Comment les écologistes ont désigné leur candidat », CB, n° 55, juillet-août 1980, p. 4.
37 « Vague à l’âme et forcing pour Cousteau », Écologie, n° 332, décembre 1980, p. 21.
38 Poivre d’Arvor P., « Plateau Commandant Cousteau », JA2 20H, Antenne 2, 19/02/81, 9 min. 31 s. [http://www.ina.fr/video/CAB8100297701/plateau-commandant-cousteau-video.html], consulté le 15/05/12.
39 Poivre d’Arvor P., « Plateau Commandant Cousteau », op. cit. MV. Fonds LV. Carton « Présidentielle 1981 ». Lettre du Commandant Cousteau aux maires de France. S. d. [mi-février 1981].
40 MV. Fonds LV. Carton « 79-80. Adhérents. CR ». Compte rendu de la réunion du Conseil national du MEP. 29-30 novembre 1980, p. 12.
41 Poivre d’Arvor P., « Plateau Commandant Cousteau », op. cit.
42 MV. Fonds LV. Carton « Présidentielle 1981 ». Lettre du Commandant Cousteau aux maires de France. S. d. [mi-février 1981].
43 CHT. Fonds Marie-Françoise Gonin. Gon 5. Brochure d’Aujourd’hui l’Écologie, « Un candidat, Brice Lalonde, un mouvement, pour animer la politique ». S. d. [octobre 1980], p. 3.
44 Guionnet C., « Marginalité en politique et processus d’institutionnalisation », in Arnaud L., Guionnet C. (dir.), Les frontières du politique, op. cit., p. 263.
45 CHT. Fonds Marie-Françoise Gonin. Gon 5. Brochure d’Aujourd’hui l’Écologie, « Un candidat, Brice Lalonde, un mouvement, pour animer la politique ». S. d. [octobre 1980], p. 3.
46 « Des structures pour une campagne », CB, n° 55, juillet-août 1980, p. 3.
47 Radanne P., « Les présidentielles. Quelle campagne ? Extrait du “rapport au mouvement” », CB, n° 56, novembre-décembre 1980, p. 15.
48 CHT. Fonds Marie-Françoise Gonin. Gon 5. Brochure d’Aujourd’hui l’Écologie, « Un candidat, Brice Lalonde, un mouvement, pour animer la politique ». S. d. [octobre 1980], p. 12.
49 Entretien avec Yves Cochet. 17/02/11.
50 En outre, les noms et qualités des élus parrainant un candidat sont rendus publics. MV. Fonds LV. Carton « Présidentielle 1981 ». Catherine Bonnel, « Candidatures : la sclérose généralisée », Combat Nature, n° 43, février 1981, p. 10.
51 Bonnel C., Plas A., « Collecte de signature des maires », CB, n° 57, février-mars 1981, p. 8.
52 « Les vagues de la campagne », CB, n° 58, août-septembre 1981, p. 3.
53 Ibidem.
54 CARAN. Fonds Présidence Valéry Giscard d’Estaing. 5 AG/3-2395. Note de Jean Riolacci à Jacques Wahl. 21 mars 1980.
55 Dans cet ensemble, le CDS constitue le contingent le plus important (quarante-trois signatures) sans que celui-ci soit, à lui seul, déterminant. MV. Fonds Les Verts. Carton « Présidentielle 1981 ». Communiqué d’Aujourd’hui l’Écologie. 7 avril 1981.
56 CHT. Fonds Marie-Françoise Gonin. Gon 5. Brochure d’Aujourd’hui l’Écologie, « Un candidat, Brice Lalonde, un mouvement, pour animer la politique ». S. d. [octobre 1980], p. 12.
57 « Brice Lalonde en Camargue », Le journal de Provence Méditerranée – FR3 Marseille, France Régions 3 Marseille, 07/08/80, 2 min. 34 s. [http://www.ina.fr/video/RAC01003545/brice-lalonde-en-camargue-video.html], consulté le 25/03/12.
58 Lalonde B., avec la participation de Cabu, Guy Vermeil, Christian Bougerol, Campagne électorale officielle : élection présidentielle 1er tour, TF1, 21/04/81, 12 min. 51 s. [http://www.ina.fr/video/CAA81005729/brice-lalonde-video.html], consulté le 08/09/12.
59 MV. Fonds Yves Cochet. « La réunion des 10/11 octobre 1981 à grands traits », Bulletin de liaison des Amis de la Terre, n° 58, 19 octobre 1981, p. 11.
60 Lalonde B., avec la participation de Cabu, Guy Vermeil, Christian Bougerol, Campagne électorale officielle, op. cit.
61 Ferkith K., « Trois petits tours et puis s’en va… Marxisme et programme de Bad Godesberg du Parti social-démocrate allemand », Sociétés contemporaines, 2011/1, n° 81, p. 62.
62 Lalonde B., « L’espace radical », LS, n° 45, 1er septembre 1977, p. 4 ou encore « Le judo politique », Le Sauvage, n° 48, 1er décembre 1977, p. 1.
63 Lalonde B., Sur la vague verte, op. cit., « Il me semble que c’est un point important qui ne concerne pas que moi, mais toute l’écologie » (p. 60) ; « Si nous n’avons pas encore pu stopper le nucléaire, nous avons réussi à rendre une grande partie de la population consciente du caractère dangereux et contraignant de ce choix énergétique pour la société et l’économie. Et je pense qu’à terme nous gagnerons cette lutte-là » (p. 146).
64 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Bulletin de liaison ». « Réunion des délégués régionaux des 4-5 octobre 1980 », Bulletin de liaison des Amis de la Terre, n° 55, 21 octobre 1980, p. 9.
65 Lalonde B., « Faut-il prendre les armes ? », LS, n° 64, avril 1979, p. 3.
66 Groslier J.-B., « Qu’est-ce qui fait courir Lalonde ? », Écologie, n° 333, janvier 1981, p. 13.
67 Margairaz M., Tartakowsky D., « Introduction », in Margairaz M., Tartakowsky D. (dir.), 1968 entre libération et libéralisation, op. cit., p. 31.
68 L’auteur y promeut une société décentralisée, économe en énergie comme en matière première, où l’on pourrait travailler chez soi avec des horaires variables grâce aux progrès de l’informatique. MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Bulletin de liaison ». « Écologie et liberté », Bulletin de liaison des Amis de la Terre, n° 50, 1er février 1980, p. 26.
69 Turner F., Steward Brand, op. cit., p. 200.
70 Denord F., « La conversion au néo-libéralisme. Droite et libéralisme économique dans les années 1980 », Mouvements, 2004/5, n° 35, p. 18.
71 [Collectif], Le pouvoir de vivre. Le projet des écologistes avec Brice Lalonde, Montargis, Éditions de la Surienne, 1981, p. 245 sq.
72 [Collectif], Le pouvoir de vivre, op. cit., p. 192.
73 Ibid., p. 143.
74 Ibid., p. 9-10.
75 [Collectif], Le pouvoir de vivre, op. cit., p. 293.
76 Ibid., p. 13.
77 Ibid., p. 14.
78 Dard O., Bertrand de Jouvenel, Paris, Perrin, 2008, p. 319 sq.
79 [Collectif], Le pouvoir de vivre, op. cit., p. 15.
80 Moscovici S., Essai sur l’histoire humaine de la nature, Paris, Flammarion, 1968, p. 10-11.
81 [Collectif], Le pouvoir de vivre, op. cit., p. 252.
82 Ibid., p. 53.
83 Valéry Giscard d’Estaing : 28,32 % ; François Mitterrand : 25,85 % ; Jacques Chirac : 18 % ; Georges Marchais : 15,34 %.
84 « La campagne de Mme Bouchardeau », Le Monde, 17 avril 1981, p. 10.
85 Au niveau régional, Brice Lalonde se situent à moins de 10000 voix derrière Georges Marchais (5,09 %).
86 Brice Lalonde réalise son meilleur score national dans la cinquième circonscription de la Manche avec 6,11 % des voix qui correspond à la ville de Cherbourg et où se trouve l’usine de retraitement de La Hague.
87 Les écologistes perdent ainsi 6822 voix en Alsace entre 1979 et 1981 et réalisent un score stable dans la Manche.
88 Brice Lalonde obtient son plus faible résultat à l’échelle des circonscriptions législatives dans la deuxième circonscription de Haute-Corse avec 1,51 % des voix.
89 Brice Lalonde obtient 3,29 % des voix.
90 3,34 % des voix se portent sur les écologistes.
91 Ambroise-Rendu M., « L’attitude des écologistes », Le Monde, 6 mai 1981, p. 10.
92 L’écart de point entre 1974 et 1981 dans la septième circonscription du Finisterre, où se trouve le site de Plogoff, est le troisième plus important au niveau national.
93 Le vote écologiste progresse de 3,29 points dans la huitième circonscription de Loire-Atlantique, où se trouve le site du Pellerin, soit l’une des progressions les plus importantes de la région Pays de la Loire.
94 Prigent F., « Les élus socialistes en Bretagne : réseaux, trajectoires et identités des années 1930 aux années 1980 », in Bougeard C. (dir.), Un siècle de socialisme en Bretagne (1905-2005), Rennes, PUR, 2008, p. 212.
95 Bougeard C., « Origines et implantations du PSU en Bretagne : les fédérations des Côtes-du-Nord et du Finistère », in Kernalegenn T. et al. (dir.), Le PSU vu d’en bas, Rennes, PUR, 2010, p. 53 sq.
96 Ambroise-Rendu M., « L’attitude des écologistes », Le Monde, 6 mai 1981, p. 10.
97 CARAN. Fonds Présidence Valéry Giscard d’Estaing. 5 AG/3 – 2395. Dépêche AFP. 7 mai 1981.
98 Cette approche montre que la ligne politique suivie par Antoine Waechter dans la seconde moitié des années 1980 s’appuie sur des réflexions antérieures à la création des Verts. Pronier R., Jacques Le Seigneur V., Génération verte, op. cit., p. 120 sq.
99 « La progression de M. Mitterrand, favorisée par le PCF et les écologistes est particulièrement sensibles dans l’Ouest », Le Monde, 12 mai 1981, p. 33.
100 Jalabert L., Le 10 mai 1981, op. cit., p. 90.
101 Simon G., Plogoff, op. cit., p. 375 sq.
102 « L’attitude des écologistes », Le Monde, 10-11 mai 1981, p. 6.
103 MV. Fonds LV. Carton « Euro 84. Divers ». Acte de candidature de Didier Anger. S. d.
104 MV. Fonds LV. Carton « Présidentielle 1981 ». « Éditorial », La Vague Verte, n° 25, 14 mai 1981, p. 1-2.
105 « Éditorial », L’Envert du Nord, n° 29, juillet 1981, p. 2.
106 MV. Fonds LV. Carton « Présidentielle 1981 ». « Émission officielle », La Vague Verte, n° 28, 5 juin 1981, p. 2.
107 Ibid. Samuel L., « Les scores verts au crible », La Vague Verte, n° 30, 19 juin 1981, p. 1-2. Selon nos propres relevés, quatre-vingt onze candidats se réclament de ce label et rassemblent 3,55 % des suffrages. Cf. « Les résultats du premier tour », Le Monde, 16 juin 1981, p. 1 sq.
108 Grunberg G., « Le 10 mai 1981, une alternance tranquille », in Védrine H. et al., 10 mai 1981 : retours sur une victoire tranquille, Paris, Fondation Jean-Jaurès, 2011, p. 82.
109 Entretien avec Jean-Claude Delarue. 22/09/11.
110 MV. Fonds LV. Carton « Municipales 83 – Paris ». Tract « L’Alliance écologique : oui à Paul Quilès ». S. d. [mars 1983].
111 « C’est l’heure », Le Monde, 20 mai 1981, p. 10.
112 Lazar M., « La gauche et l’État : le « moment programme commun », 1973-1978 », in Tartakowsky D., Bergounioux A. (dir.), L’union sans l’unité, op. cit., p. 109 sq.
113 « Le PSU s’allie à d’autres groupes sous l’étiquette Alternative 81 », Le Monde, 10 juin 1981, p. 11.
114 CAC. Fonds Ministère de l’Environnement. 19810273/1. Note de présentation générale sur la vie associative dans le domaine de l’environnement et du cadre de vie. 5 mai 1980.
115 CHT. Fonds Marie-Françoise Gonin. Gon 5. Lettre de Nadine Franiatte. 4 janvier 1982.
116 « Rapport d’activité du secrétariat des Amis de la Terre », CB, n° 62, novembre 1982, p. 8.
117 « Des écologistes au sein des Comités économiques et sociaux », Écologie, n° 360, décembre 1984, p. 19.
118 Simon G., Plogoff, op. cit., p. 388.
119 CAC. Fonds AT. 20050521/1. Lettre de François Mitterrand à Brice Lalonde. 8 mai 1981.
120 Adine J.-P., Mihaïl R., Richard M., « Énergies : le nucléaire refait surface », Le Point, n° 471, 28 septembre 1981, p. 84.
121 Rebaptisée fin 1982 l’Agence française pour la maîtrise de l’énergie (AFME). Cf. Ferri L., « Le Commissariat à l’énergie solaire (1978-1982) » [http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/20010454.pdf], consulté le 28/03/13.
122 MRES. Carton « Le 23 ». « Un emploi à la MNE – pourquoi pas vous ? », L’écho des animateurs, n° 8, décembre 1982, p. 1.
123 « Les écologistes et l’énergie », CB, n° 61, juillet 1982, p. 33.
124 Évrard A., Contre vents et marées, op. cit., p. 196.
125 CHT. Fonds Annick Bruneau. Brun 2. Compte rendu de la réunion de la coordination des comités de la Basse-Loire. 30 juillet 1981. Cattenom, Golfech, Chooz et Le Pellerin sont gelés mais pas Penly, Nogent et Belleville.
126 Ibid. Tract de la coordination des comités « Centrale nucléaire du Pellerin ». S. d. [début novembre 1981].
127 « Deuxième séance du mercredi 7 octobre 1981 », Compte rendu des débats au cours de la VIIe législature (1981- 1986) [http://archives.assemblee-nationale.fr/7/cri/1981-1982-ordinaire1/007.pdf], p. 1573.
128 Évrard A., Contre vents et marées, op. cit., p. 197.
129 CAC. Fonds Amis de la Terre. 20050521/43. Adine J.-P., Mihaïl R., Richard M., « Énergies : le nucléaire refait surface », Le Point, n° 471, 28 septembre 1981, p. 84.
130 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Bulletin de liaison ». « Réunion du 27 juin 1981 », Bulletin de liaison des Amis de la Terre, n° 57, 15 juillet 1981, p. 6.
131 CAC. Fonds AT. 20050521/43. Intervention des Amis de la Terre au ministère de l’Environnement. 8 septembre 1981.
132 « Le ministère Hervé », Ionix, n° 52, janvier 1982, p. 5.
133 Anger D., « La Hague de gauche déferle sur nous », Ionix, n° 53, février 1982, p. 13.
134 Ibidem.
135 [Anonyme], Un récit de la lutte de Chooz, Rimogne, Publications de l’En Dehors !, s. d., p. 2.
136 Schiffre S., La mouvance autonome en France de 1976 à 1984, mémoire de maîtrise d’histoire et de sociologie sous la direction d’Anne Steiner et Gilles Le Béguec, université Paris X Nanterre, septembre 2004, p. 16.
137 [Collectif La Rotonde], Golfech. Le nucléaire. Implantation et résistances, Toulouse, CRAS, 1999, p. 249.
138 Anger D., « La Hague de gauche déferle sur nous », Ionix, n° 53, février 1982, p. 13.
139 « Communiqué de la CAN Toulouse. 29/11/1981 » cité in [Collectif La Rotonde], Golfech, op. cit., p. 219.
140 MV. Fonds LV. Carton « AG Chamarande ». Roger Fischer, « Projet de manifeste politique pour la création d’un “Parti Écologiste” ». S. d. [novembre 1981].
141 Frank R., « Les temps de 68 », in Geneviève Dreyfus-Armand, Les années 68, op. cit., p. 58.
142 Ces secteurs consisteraient en un syndicalisme du cadre de vie, enraciné dans la vie quotidienne, un organe d’expression politique spécialisé dans la participation aux élections et une société de pensée, s’inspirant de la Fabian Society. CAC. Fonds AT. 20050521/5. Thivolle M., « Compte rendu de la réunion “Après les présidentielles” », p. 6.
143 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Bulletin de liaison ». Pierre Samuel, « L’après-présidentielle et l’avenir du mouvement », Bulletin de liaison des Amis de la Terre, 13 mai 1981, n° 57, p. 21.
144 « Rapport d’activité du secrétariat des Amis de la Terre », CB, n° 62, novembre 1982, p. 8.
145 Waldvogel C., Imposer l’« environnement », op. cit., p. 200 sq.
146 CAC. Fonds AT. 20050521/5. Déclaration de presse du MEP. S. d. [début novembre 1981].
147 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Correspondance ». Lettre de Brice Lalonde (au nom du secrétariat du RAT) au MEP. 2 août 1982.
148 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Bulletin de liaison ». « Qu’est-ce que la coordination écologique et alternative du sud-est ? », Bulletin de liaison des Amis de la Terre, n° 58, 28 septembre 1981, p. 24.
149 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Vie de la confédération bretonne ». « Une fédération écologiste bretonne pourquoi ? ». S. d. [1982].
150 « Communiqué final des Assises de Couiza », CB, n° 59, janvier 1982, p. 34.
151 CAC. Fonds AT. 20050521/5. Éléments de réponse du MEP au secrétariat provisoire de la Confédération écologiste. 19 février 1982.
152 MV. Fonds Les Verts. Carton « Euro 84. Divers ». Acte de candidature de Pierre Parreaux. S. d.
153 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Vie de la confédération bretonne ». « Une fédération écologiste bretonne, pourquoi ? ». S. d. [1982].
154 Bernard D., Paget G. [Amis de la Terre de Rennes], « La révolte des bonnets verts », CB, n° 59, janvier 1962, p. 19-21.
155 MV. Fonds LV. Carton « Euro 84. Divers ». Acte de candidature de Catherine Bonnel. S. d.
156 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Correspondance ». Pierre Samuel, « Compte rendu de la réunion de Rennes (Conseil Interrégional de la Confédération écologiste). 27/28 février 1982 ». 2 mars 1982.
157 MV. Fonds LV. Carton « 82. Reçu. Sympathisants. Presse ». Note anonyme « Le MEP depuis Maltot ». S. d. [1982].
158 MV. Fonds LV. Carton « 82 reçu mouvance ». Lettre de Brice Lalonde à Catherine Bonnel. 3 mars 1982.
159 Ibid. Lettre de Catherine Bonnel à Brice Lalonde. 15 mars 1982.
160 CAC. Fonds AT. 20050521/5. Compte rendu de la CIR de Rennes. 27-28 février 1982.
161 Entretien avec Yves Cochet. 17/02/11.
162 MV. Fonds LV. Carton « 82. Reçu. Sympathisants. Presse ». Compte rendu du Conseil national du MEP. 18-19 avril 1982.
163 CAC. Fonds AT. 20050521/5. Compte rendu de la CIR de Rennes. 27-28 février 1982.
164 MV. Fonds LV. Carton « 82. Reçu. Sympathisants. Presse ». Lettre de René Commandeur à Jean-Noël Breuil. 25 mars 1982.
165 Ibid. Guy Cambot, « Note sur le processus d’unification des écologistes ». 17 décembre 1982.
166 Lensing A., « Les défis de l’institutionnalisation des Grünen : entre politique et symbolique », Allemagne d’aujourd’hui, n° 202, octobre-décembre 2012, p. 66.
167 CAC. Fonds AT. 20050521/5. Communiqué tripartite du RAT, du MEP et de la Confédération écologiste. 24 octobre 1982.
168 Ibid. Communiqué de presse de la Confédération écologiste. 5 septembre 1982.
169 Ibid. Communiqué tripartite du RAT, du MEP et de la Confédération écologiste. 24 octobre 1982.
170 MV. Fonds LV. Carton « Courrier 1983 ». Lettre ouverte des VPE à Claude Bourdet « Le CODENE, un mouvement de la paix bis ? » par Jean Brière, porte-parole national. 7 mars 1983.
171 CAC. Fonds AT. 20050521/5. « Assises nationales de Couiza », Aquitaine-Écologie, n° 5, janvier 1982, p. 7.
172 Guillaume Sainteny, Les Verts, op. cit., p. 8.
173 CAC. Fonds AT. 20050521/5. Communiqué de presse de la Confédération écologiste. 5 septembre 1982.
174 CAC. Fonds AT. 20050521/5. Communiqué tripartite du RAT, du MEP et de la Confédération écologiste. 24 octobre 1982.
175 MV. Fonds LV. Carton « Confédé Les Verts ». Commission d’unification inter-responsable PE-CE-RAT. S. d. [décembre 1982].
176 CAC. Fonds AT. 20050521/5. Lettre de Roger Fischer, au nom du Conseil national du MEP, à l’équipe confédérale de la Confédération écologiste. 17 octobre 1982.
177 CAC. Fonds AT. 20050521/5. Communiqué final du Conseil interrégional des 11-14 novembre 1982 à Uzerche. 15 novembre 1982.
178 MV. Fonds LV. Carton « Adhérents ». Fichier des adhérents. 1980-1983.
179 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Bulletin de liaison ». « Note de l’Agence de service », Bulletin de liaison des Amis de la Terre, n° 54, 1er juin 1980, p. 15.
180 CAC. Fonds AT. 20050521/8. Note de Jean-Claude Tinet, des AT-Périgord. S. d. [juin 1983].
181 MV. Fonds LV. Carton « Confédé Les Verts ». Commission d’unification inter-responsable PE-CE-RAT. S. d. [décembre 1982].
182 CAC. Fonds AT. 20050521/5. Rapport de Jacques Exbalin destiné à la CIR de la Confédération écologiste « À l’écume des vagues vertes ». Été 1982.
183 « Ordre du jour de l’assemblée générale annuelle du RAT (27-28 novembre 1982 », CB, n° 62, novembre 1962, p. 3.
184 Defaud N., La CFDT, op. cit., p. 43.
185 Samuel P., « Compte rendu d’activité du secrétariat du RAT », CB, n° 61, juillet 1982, p. 43.
186 « Rapport d’activité du secrétariat des Amis de la Terre », CB, n° 62, novembre 1982, p. 7.
187 Lalonde B., « Rapport d’orientation proposé par le secrétariat sortant », CB, n° 62, novembre 1982, p. 9.
188 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Correspondance ». Lettre d’Yves Cochet à Brice Lalonde. 20 septembre 1982.
189 « Réunion nationale des 29-31 mai », CB, n° 61, juillet 1982, p. 35.
190 Bernard D., Paget G., « Enquête sur l’état du RAT dans une France socialiste », CB, n° 61, juillet 1962, p. 21.
191 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Bulletin de liaison ». Proposition de modification des statuts de l’association « Les Amis de la Terre », Bulletin de liaison des Amis de la Terre, n° 63, 30 mai 1983, p. 4 sq.
192 Cette typologie est proposée par Kaplan S. L. et Minard P., in La France malade du corporatisme ? xviiie-XXe siècle, Paris, Belin, 2004, p. 8.
193 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Bulletin de liaison ». Exbalin J., « Que se passe-t-il donc dans le mouvement écologiste ? », Bulletin de liaison des Amis de la Terre, n° 62, 22 octobre 1982, p. 10.
194 Surnommés les Verts Besançon à la suite du congrès de Besançon des 21-23 mai 1983 où le sous-titre « Confédération écologiste » est provisoirement abandonné. Cf. MV. Fonds LV. Carton « Confédé Les Verts ». Programme du congrès de Besançon. 21-23 mai 1983.
195 Il semble qu’Yves Cochet émette l’idée dès l’été 1983. Cf. MV. Fonds LV. Carton « Confédé Les Verts ». Le feu vert – Bulletin des Verts, n° 2, novembre 1983, p. 26.
196 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Vie de la Confédération bretonne ». Bulletin de liaison des Verts – Fédération écologiste bretonne, n° 8, avril 1984.
197 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Vie de la Confédération bretonne ». Compte rendu de l’AG de Clichy. 28-29 janvier 1984.
198 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Municipales Confédé ». Note de la Confédération écologiste « Bilan des élections municipales ». S. d. [mi-1983].
199 MV. Fonds LV. Carton « Confédé Les Verts ». « Rubrique ping-pong », Le feu vert – bulletin des Verts, n° 2, novembre 1983, p. 26.
200 Delore M., « Les Verts européens entrent en lice », Écologie, n° 356, s. d. [1er semestre 1984], p. 26.
201 Ibidem.
202 MV. Fonds LV. Carton « 109 ». Compte rendu d’Yves Cochet à l’Équipe politique et au Collège exécutif, « Relations avec les partis verts européens depuis le congrès de Liège (31 mars-1er avril) ». 20 avril 1984.
203 Martin D., « Ni trahison, ni magouilles, mais un choix politique », Écologie, n° 355, s. d. [février 1984], p. 22.
204 Edgar Faure, membre éminent du Parti radical sous la IVe République avant de rallier la droite gaulliste au milieu des années 1960.
205 Maurice Faure, membre du parti radical-socialiste dans les années 1960, plusieurs fois ministre, se situe au centre-gauche.
206 Chaussebourg A., « La préparation des élections européennes. Deux “extrémistes du centre” », Le Monde, 12-13 février 1984, p. 11.
207 Jarreau P., « Les deux organisations de l’écologisme politique fusionnent », Le Monde, 31 janvier 1984, p. 10.
208 MV. Fonds LV. Carton « Euro 84. Coupures de presse ERE ». « Texte de candidature de Brice Lalonde », photocopie d’un périodique non identifié. S. d. [février 1984].
209 Chaussebourg A., « MM. Doubin et Stirn conduiront la liste de centre gauche », Le Monde, 20 mars 1984, p. 9.
210 MV. Fonds LV. Carton « Euro 84. Coupure de presse, ERE ». « Pauvre ERE », Magazine Hebdo, n° 32, 20 avril 1984.
211 MV. Fonds LV. Carton « Euro 84. Coupure de presse, ERE ». Fabien Roland-Lévy, « La conquête de l’ERE », coupure de presse non déterminée, s. d. [mai 1984].
212 Lalonde B., L’écologie en bleu, op. cit., p. 39-42.
213 MV. Fonds LV. Carton « Euro 84. Coupure de presse, ERE ». Coupure de presse non identifiée, « Jean-Michel Baylet (MRG) : “Notre liste ERE sera la plus européenne” ». S. d. [mai 1984].
214 MV. Fonds LV. Carton « Euro 84. Coupure de presse, ERE ». Note « Liste ERE. Palmarès ». S. d. [mai 1984].
215 Ibidem.
216 De Swarte A., « Introduction », Combat Nature, n° spécial « De l’air ! », n° 63, juin 1984, p. 2.
217 Lalonde B., « Pourquoi la liste ERE-Européennes », Combat Nature, n° spécial « De l’air ! », n° 63, juin 1984, p. 3.
218 Philibert C., « Les frontières, on s’en fout ! », Combat Nature, n° spécial « De l’air ! », n° 63, juin 1984, p. 5.
219 Bénard J., « Pour une politique communautaire de l’environnement dynamique et réaliste », Combat Nature, n° spécial « De l’air ! », n° 63, juin 1984, p. 8.
220 C’est notamment l’approche développée par Bertrand de Jouvenel. Cf. Dard O., Bertrand de Jouvenel, op. cit., p. 319 sq.
221 « Les gagnants de l’écologie », Combat Nature, n° spécial « De l’air ! », n° 63, juin 1984, p. 11.
222 Forbes O., « Vert ou ouvert, telle est la question », Combat Nature, n° spécial « De l’air ! », n° 63, juin 1984, p. 18.
223 MV. Fonds Yves Cochet. Carton « Vie de la Confédération bretonne ». Bulletin de liaison des Verts – Fédération écologiste bretonne, n° 8, avril, 1984.
224 MV. Fonds LV. Carton « Euro 84. Presse. Fichiers. Communiqués ». Communiqué de presse des Verts. 4 mai 1984.
225 Régent C., « Le « meeting national » des Verts à Lyon », Le Monde, 9 juin 1984, p. 8.
226 RC, « Le « vert » est triste », Le Monde, 14 juin 1984, p. 9.
227 Jarreau P., « M. Didier Anger (les Verts) : ni à droite ni à gauche les écologistes ne sont pas non plus au centre », Le Monde, mardi 5 juin 1984, p. 9.
228 Chaussebourg A., « ERE : pari perdu », Le Monde, 19 juin 1984, p. 2.
229 Ibidem.
230 La liste ERE obtient 6,29 % sur l’ensemble du département et 7,22 % dans la seconde circonscription, où se trouve Valence-d’Agen.
231 La liste ERE recueille 5,46 % des voix dans le département et 5,74 % dans la seconde circonscription, dont François Abadie est l’ancien élu.
232 La liste ERE obtient 8,63 % des suffrages dans l’ensemble du Calvados.
233 ERE recueille ainsi 6,58 % dans la troisième circonscription de l’Orne.
234 La liste ERE obtient ainsi 4,93 % dans la première circonscription du Bas-Rhin.
235 La liste de Didier Anger obtient 4,18 % dans le Nord et jusqu’à 5,13 % dans la 11e circonscription (Armentières).
236 Jaffré J., « Qui sont les électeurs des petites listes », Le Monde, 6 juin 1984, p. 1.
237 Sainteny G., L’introuvable écologisme français, op. cit., p. 5.
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