Première partie. L’émergence de l’écologisme au cœur des années 68
p. 23
Texte intégral
1Tout au long de la première décennie des années 68, ces quelques vingt années d’intense effervescence politique et culturelle, des alarmes retentissent pour mettre en garde contre la dégradation de l’environnement voire l’avènement d’une crise écologique qui menacerait l’avenir même de l’humanité. De Chefs-d’œuvre en péril, émission de Pierre de Lagarde qui s’inquiète en 1962 de la dégradation du patrimoine architectural et religieux français, aux ouvrages américains tels que Silent Spring de Rachel Carson ou The Limits of Growth publié en 1972 par le Club de Rome, en passant par Torrey Canyon chantée par Serge Gainsbourg en 1967, les inquiétudes, les dénonciations et les interrogations ne manquent pas au cœur d’une période qui, par ailleurs, célèbre la croissance économique.
2Faut-il dès lors considérer que l’émergence des mouvements écologistes serait une réaction en quelque sorte instinctive et mécanique à une dégradation objective de l’environnement ? C’est la position de Michael Bess qui, à partir de quelques exemples ponctuels, croit discerner une mutation globale du rapport à l’environnement dans la France des années 19601. Une telle approche n’explique cependant pas pourquoi seuls certains individus s’engagent dans ce domaine ni pourquoi les solutions qu’ils préconisent font à ce point débat.
3Notre première partie adoptera donc une perspective différente pour partir à la rencontre d’un phénomène à peine émergent, sans dénomination stable ni frontières clairement définies : la nébuleuse des mouvements écologistes qui entend lier la refondation des rapports de l’homme à la nature à la transformation de la société. Nous nous attacherons d’abord à cerner les différents courants qui, à des degrés divers, contribuent à la réflexion et à la structuration de cette nébuleuse avant de nous intéresser à la manière dont, peu à peu, celle-ci arrive sur le devant de la scène politique et médiatique dans la première moitié des années 1970.
Notes de bas de page
1 Bess M., The light green society : ecology and technical modernity in France, 1960-2000, Chicago, Chicago University Press, 2003, p. 38 sq.
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