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    Plan détaillé Texte intégral Une opposition radicale à la « modernité sexuelle »Une adaptation du discours aux conceptions modernesConclusion Notes de bas de page Auteur

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    Aux sources de la lutte catholique contre le « genre » : la rénovation post-conciliaire du discours du Vatican sur la différence des sexes

    Romain Carnac

    p. 245-255

    Texte intégral Une opposition radicale à la « modernité sexuelle »La prise de conscience d’une transformation de la société dans la période post-conciliaireUne différence sexuelle « naturelle » et porteuse de significationUne adaptation du discours aux conceptions modernesUn « nouveau féminisme » contre le « féminisme erroné »La survalorisation de la « spécificité féminine »L’éloge de la « collaboration » des sexesConclusion Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Au cours des dernières années, la dénonciation de « l’idéologie du genre » ou de la « théorie du genre » a pris une importance croissante dans le discours de l’Église catholique, jusqu’à atteindre son paroxysme dans les quatre dernières années en France, à la faveur des controverses sur le « Mariage pour tous1 » et sur l’intégration du concept de genre dans les programmes scolaires2, dans lesquelles l’Église catholique s’est très fortement investie. Le point de vue de l’institution sur la différence des sexes a été massivement diffusé dans l’espace public, et l’écho médiatique qu’il a reçu comme les mobilisations qu’il a suscitées ont surpris les observateurs par leur ampleur : ces débats publics sur les questions sexuelles mettaient en lumière le « fond de valeurs chrétiennes3 » qui demeure dans la société française, et amenaient à remettre en question les analyses communes à propos de la sécularisation, qui présentaient comme inexorable la disparition du catholicisme du champ politique.

    2La séquence historique qui voit l’Église catholique s’élever contre la « théorie du genre » au début des années 2010 est, à bien des égards, inédite et inattendue. Cependant, lorsqu’on cherche à retracer l’histoire du discours catholique sur la différence des sexes dans une perspective chronologique plus large, on s’aperçoit que le matériau théorique de cette offensive de l’Église catholique de France sur le thème du « genre » était en préparation depuis longtemps : une large part de la substance du discours des années 2010 puise directement dans les productions du Vatican sous le pontificat de Paul VI (1963-1978), et surtout celui de Jean-Paul II (1978-2005). Dès le milieu des années 1960 en effet, on constate que le Magistère place la question de la différence sexuelle au cœur de ses préoccupations. Ce thème, bien sûr, n’est pas entièrement nouveau : aussi loin que l’on remonte dans son histoire, l’Église s’est toujours positionnée sur les questions liées à la place des femmes dans la société, aux rapports entre homme et femme et à la sexualité. On assiste cependant, au lendemain du Concile, à une véritable réémergence du thème de la différence sexuelle. Ce dernier va dès lors être constitué en domaine de la doctrine catholique à part entière, et la réflexion théologique et morale sur ce point va devenir une véritable priorité. Le discours catholique sur la différence entre homme et femme va alors intégrer plusieurs éléments inédits et se théoriser jusqu’à acquérir la forme systématisée que nous lui connaissons aujourd’hui.

    Une opposition radicale à la « modernité sexuelle »

    La prise de conscience d’une transformation de la société dans la période post-conciliaire

    3Cette rénovation et cette structuration du discours catholique sur la différence des sexes interviennent dans un contexte historique bien particulier sur les plans ecclésiologique, politique et culturel. L’institution catholique traverse en effet, dans les années 1960-1970, une période charnière de son histoire : en constatant la nécessité, pour l’Église, de s’ouvrir à la société et de penser tous les enjeux du monde contemporain, le Concile Vatican II (1962-1965) a rendu urgent le fait de renouveler l’approche de nombreuses questions, notamment celles liées aux rapports entre homme et femme, à la sexualité et à la famille, afin de pouvoir faire entendre à l’ensemble de la société un positionnement clair de la doctrine catholique. Le même concile a également permis de mesurer combien cette tâche serait difficile : au fil des sessions, les débats entre les pères conciliaires ont mis en évidence que sur un grand nombre de sujets – et en particulier sur les questions précitées –, la communauté catholique était divisée, ou hésitante.

    4Il faut également rappeler que, dans le monde occidental, cette période est celle d’un changement radical de la place de l’Église dans la société : le phénomène de sécularisation franchit alors un seuil décisif, la pratique religieuse s’effondre brutalement, et l’Église n’exerce plus, dans le domaine économique et social, qu’une influence très réduite. Les questions liées à l’intime, au corps et à la vie vont dès lors apparaître comme le seul espace où subsiste une place pour la régulation religieuse. Le catholicisme va alors opérer ce que Philippe Portier appelle une « conversion thématique4 » : les questions sociales sont progressivement abandonnées au profit du domaine éthique, sur lequel l’Église concentre désormais son action. Danièle Hervieu Léger évoque ainsi un « travail de sacralisation de la famille conjugale dont l’Église a fait le pivot de son emprise dans une société qu’elle ne peut plus prétendre régir sur le terrain du politique5 ». La morale familiale et sexuelle devient ainsi l’ultime empire du pouvoir pastoral, « le dernier bastion de l’hétéronomie6 ».

    5Impossible, enfin, de ne pas mentionner le grand bouleversement culturel des sociétés occidentales qui marque cette période7 : sous l’effet combiné de changements démographiques et sociaux (le baby-boom de l’après-guerre a augmenté la part des jeunes dans la société, la démocratisation de l’enseignement supérieur et le développement de la communication et des médias renforcent leur présence en tant que groupe dans la société), de transformations économiques (le secteur tertiaire devient central, la classe moyenne s’étend), de progrès médicaux (notamment dans le domaine de la réduction de la mortalité infantile, du perfectionnement des moyens contraceptifs, du traitement des infections sexuellement transmissibles) et de l’évolution du droit (droit de vote des femmes, égalité juridique dans le couple et la famille, autorisation de la contraception et de l’avortement), les mentalités et les comportements dans le domaine des rôles de sexe et des sexualités se transforment profondément, faisant naître de nouveaux enjeux, de nouvelles revendications et de nouveaux mouvements8.

    6L’Église ne tarde pas à prendre la mesure de cette série de transformations. Dès 1959, Jean XXIII avait attiré l’attention sur le phénomène de l’entrée des femmes dans la vie publique, qu’il invitait à voir comme un « signe des temps » – un concept auquel les productions du Concile ont ensuite donné une place centrale. Cette évolution était alors envisagée avec une relative bienveillance par le Vatican : la tendance qui dominait encore dans les pays de tradition catholique était un féminisme « social », « maternaliste », soucieux de promouvoir la condition féminine en demandant la reconnaissance de droits spécifiques pour les femmes, et en particulier pour les mères. La différenciation des sexes n’était pas remise en question ; elle servait au contraire de fondement aux revendications. L’humanisme chrétien d’après-guerre se trouvait finalement en affinité avec cette conception de l’émancipation. Le basculement a lieu au milieu des années 1960, lorsque commence à déferler la « deuxième vague » du féminisme. Une nouvelle génération de théoriciennes, d’inspiration universaliste, affirme que l’émancipation des femmes doit nécessairement passer par une lutte contre l’essentialisme, c’est-à-dire contre le postulat qu’il existerait une nature féminine indépassable, définie principalement par la maternité9. Ces discours dénoncent la naturalisation des rôles traditionnels dévolus à l’homme et à la femme comme une stratégie de justification du patriarcat : c’est donc principalement contre les représentations qui attribuent à l’un et l’autre sexes des qualités, des fonctions et des rôles déterminés que ces féminismes de la « deuxième vague » s’élèvent. Autour de Mai 68, les idées de propriété des femmes sur leurs propres corps et de maîtrise par les femmes de leur fécondité vont fédérer ces mouvements féministes. La hiérarchie catholique se trouve alors dans une situation d’opposition radicale à ceux-ci10.

    7Dès 1968, le pape Paul VI prend acte de la « révolution sexuelle » qui est en train de se produire, constatant dans Humanae Vitae qu’« on assiste à un changement, tant dans la façon de considérer la personne de la femme et sa place dans la société que dans la valeur à attribuer à l’amour conjugal dans le mariage11 ». Le Magistère catholique va, dès lors, construire un discours de riposte contre ces conceptions nouvelles qui commencent à gagner du terrain. En opposition à « l’anti-essentialisme » de la « deuxième vague », l’autorité vaticane va s’employer à défendre une vision marquée par l’idée d’une différence indépassable entre l’homme et la femme, qui assigne à chacun des spécificités et des rôles déterminés. Pour défendre ces positions traditionnelles, elle va développer une doctrine largement inédite, qui fournit l’essentiel de l’argumentaire que l’on retrouve dans le discours utilisé aujourd’hui pour s’opposer à la « modernité sexuelle ».

    Une différence sexuelle « naturelle » et porteuse de signification

    8Au début de son pontificat, Jean-Paul II a consacré une série d’allocutions à la question de la différence sexuelle. Ces « audiences du mercredi » ont été compilées dans un recueil publié en 1981 sous le titre : À l’image de Dieu, homme et femme : une lecture de Genèse 1-3. Dans cette série de textes, Jean-Paul II développe une théologie du corps innovante. S’inspirant de la phénoménologie de Max Scheler12, il s’attache à démontrer que la différence entre les sexes n’est pas un construit, une production de l’esprit humain, mais une donnée initiale, présente dès l’origine et qui est un élément structurant de la nature humaine13. En appui de l’argument théologique, qui consiste à rappeler que l’existence d’une différence essentielle entre l’homme et la femme est établie dans les deux récits bibliques de la Création14, il mobilise des arguments rationalistes, comme lorsqu’il déclare à propos des dernières découvertes dans le domaine de la génétique :

    « La constitution de la femme est différente par rapport à l’homme, et nous savons aujourd’hui qu’elle est différente jusque dans ses déterminantes bio-physiologiques les plus profondes. Ce n’est que dans une certaine mesure qu’elle se manifeste, extérieurement, dans la construction et la forme de son corps15. »

    9Le Magistère s’emploie aussi à expliquer la signification de cette différence établie par le Créateur. On perçoit ici très nettement l’influence de la pensée d’Édith Stein16 sur Jean-Paul II lorsqu’il explique que la différence sexuelle est un signe qui indique la voie du salut, parce qu’elle indique que l’être humain a vocation à exister dans la relation avec autrui : « L’homme et la femme sont appelés depuis le commencement non seulement à exister “l’un à côté de l’autre” ou bien “ensemble”, mais aussi à exister réciproquement “l’un pour l’autre”17. » La différence sexuelle est donc voulue par Dieu, inscrite au plus profond de la nature humaine et porteuse d’une signification sotériologique essentielle, que l’Église a la responsabilité de faire reconnaître et de protéger18.

    Une adaptation du discours aux conceptions modernes

    Un « nouveau féminisme » contre le « féminisme erroné »

    10Tout en dénonçant les perspectives du féminisme contemporain, le Magistère s’efforce de convaincre que l’Église ne nourrit aucune défiance à l’égard de la cause des femmes et de démontrer la sincérité de son adhésion à l’idéal d’égalité entre les sexes. La tâche n’est pas aisée : les papes de l’après-Concile doivent faire oublier l’héritage pesant de leurs prédécesseurs, qui se sont faits jusque dans la première partie du xxe siècle les défenseurs de la domination masculine19, et le dépasser sans pouvoir toutefois renier explicitement une Tradition qui, en tant qu’elle est la Révélation continue de l’Évangile du Christ à son Église, est créditée d’une véridicité équivalente à celle des Écritures.

    11Le Magistère post-conciliaire s’efforce donc de faire apparaître son discours sur la question de la différence des sexes non comme un « antiféminisme », ce qui affecterait très négativement l’audience du discours et ses possibilités d’accès au débat public dans le contexte culturel et social de la deuxième moitié du xxe siècle, mais au contraire comme un « nouveau féminisme20 ». Le Vatican s’engage ainsi dans une guerre des mots et de l’appropriation des concepts qui vise à délégitimer les discours des mouvements féministes qu’il critique. Ceux-ci sont présentés comme porteurs d’une conception de l’émancipation féminine illusoire et dangereuse, qui ne peut produire que l’insatisfaction et le malheur ; seul le discours pontifical sur la différence entre homme et femme permet « l’authentique promotion féminine21 ».

    12Dans la vision défendue par le Magistère, le respect de la différence sexuelle, qui est ici synonyme de respect de la spécificité de chaque sexe, ne doit pas être considéré comme une contrainte imposée par la morale traditionnelle, qui viendrait limiter la liberté individuelle, mais au contraire comme la condition du bonheur humain22. En conséquence, la remise en question des rôles de sexe traditionnels par les discours féministes anti-essentialistes doit être combattue comme une violence faite aux femmes :

    « La femme ne peut, au nom de sa libération de la “domination” de l’homme, tendre à s’approprier les caractéristiques masculines, au détriment de sa propre originalité. Il existe une crainte fondée qu’en agissant ainsi, la femme ne “s’épanouira” pas, mais pourrait au contraire déformer et perdre ce qui constitue sa richesse essentielle23. »

    13La dénonciation de l’assignation des femmes à des rôles subalternes, monotones ou pénibles est interprétée, dans cette logique naturaliste, comme un mépris de « l’identité originale de la femme ». La violence ne réside pas dans le fait d’imposer aux femmes une gamme réduite de possibilités de vie, mais dans le regard dévalorisant porté sur leur « nature » et dans la « masculinisation24 » forcée qui leur est imposée comme seule voie d’émancipation. L’émancipation des femmes telle qu’elle est conçue par la doctrine vaticane post-conciliaire ne consiste pas à contester les déterminations sociales mais à les accepter comme équivalentes en dignité en leur reconnaissant un fondement dans l’ordre naturel divin.

    La survalorisation de la « spécificité féminine »

    14Pour justifier sa persistance dans l’affirmation d’un différentialisme très poussé, qui assigne à l’homme et à la femme des rôles sociaux déterminés, tout en affirmant œuvrer pour plus d’égalité entre homme et femme, le Magistère engage une réflexion sur l’origine et la nature de l’inégalité des sexes. Il explique qu’elle ne vient pas du fait que les rôles auxquels les femmes sont assignées seraient intrinsèquement inférieurs à celui de l’homme, mais bien du fait que ces comportements et fonctions ne sont pas reconnus et appréciés socialement à leur juste valeur : les tâches d’éducation, de soin, d’assistance sont ignorées ou déconsidérées par la « mentalité moderne », qui tend à faire du profit économique le seul critère d’évaluation de l’utilité. Le « féminisme authentique » du Vatican consiste donc essentiellement en une valorisation du rôle qui est dévolu aux femmes. Paul VI puis Jean-Paul II vont donc multiplier les hommages à « la dignité de la splendide vocation de la femme25 », insister sur son « rôle irremplaçable26 » dans la société et manifester leur gratitude de façon très appuyée. Dans sa Lettre aux femmes, Jean-Paul II va jusqu’à s’exclamer : « Merci à toi, femme, pour le seul fait d’être femme27 ! »

    15Jean-Paul II invente même une nouvelle expression qui aura un grand succès en louant le « génie de la femme28 ». La définition de ce « génie de la femme » donne des précisions sur la substance de la « spécificité féminine » : il est décrit comme une aptitude relationnelle particulière, une capacité à donner et recevoir l’amour et à servir la vie. La nature féminine est essentiellement caractérisée par cette proximité avec « l’ordre de l’amour dans le monde créé des personnes », et prédispose donc la femme à la maternité sous toutes ses formes : la maternité physique (l’enfantement et l’éducation des enfants) et la maternité spirituelle (le fait de vouer sa vie à Dieu et au service du prochain dans le célibat consacré). Paul VI et Jean-Paul II insistent sur la noblesse de cette vocation de la femme à la maternité et sur son caractère indispensable à l’humanité, qui est invoquée comme fondement et justification de la revendication de droits politiques et sociaux pour les femmes : c’est parce que la spécificité de la sensibilité des femmes est indispensable à la société qu’il faut que les femmes puissent voter, accéder aux responsabilités politiques ou participer à la vie économique.

    16La célébration de la « vocation originale de la femme » passe aussi par la mise au premier plan de la dévotion à Marie. Le culte marial permet de souligner la dignité de la vocation de la femme à la maternité dans ses différentes dimensions, puisque Marie est à la fois Vierge et Mère : elle incarne donc, à elle seule, les deux voies de réalisation qui sont proposées à la femme. Dans l’encyclique Marialis Cultus, promulguée en 1974, Paul VI replace la figure de Marie au cœur de la liturgie catholique29. Il est suivi dans cette entreprise par Jean-Paul II, qui fait de la commémoration du deux-millième anniversaire de la naissance de Marie, en 1987-1988, un moment clé de son pontificat, et qui publie à cette occasion deux textes qui jouent un rôle important dans le développement du discours du Magistère catholique sur la différence entre homme et femme : l’encyclique Redemptoris Mater30, qui place la figure de la Mère au centre de la foi chrétienne et du projet de réconciliation entre tous les hommes, et la lettre apostolique Mulieris dignitatem, que l’on a déjà évoquée.

    17On comprend que cette célébration de la « spécificité féminine » n’est pas seulement un moyen de faire tenir ensemble l’absence de contestation de la distribution traditionnelle des rôles et des fonctions et l’objectif égalitaire que le Magistère affirme poursuivre ; c’est aussi un moyen de délimiter plus précisément, de manière indirecte et en apparence non-prescriptive, le contenu de cette « nature de la femme ».

    L’éloge de la « collaboration » des sexes

    18Un autre argument mis en avant par la hiérarchie romaine contre les conceptions de l’émancipation défendues par les courants féministes décriés par l’Église est celui, classique, selon lequel elles contribueraient à dégrader l’harmonie des relations entre les hommes et les femmes en instaurant entre eux une concurrence, une « guerre des sexes ». En 2004, juste avant d’accéder au pontificat, Joseph Ratzinger reprenait les mises en garde formulées par ses prédécesseurs :

    « La femme, pour être elle-même, s’érige en rival de l’homme. Aux abus de pouvoir, elle répond par une stratégie de recherche du pouvoir. Ce processus conduit à une rivalité entre les sexes, dans laquelle l’identité et le rôle de l’un se réalisent aux dépens de l’autre. […] Toute perspective qui entend être celle d’une lutte des sexes n’est qu’un leurre et qu’un piège. Elle ne peut qu’aboutir à des situations de ségrégation et de compétition entre hommes et femmes. Elle ne peut qu’encourager un solipsisme qui se nourrit d’une fausse conception de la liberté. Sans aller à l’encontre des efforts visant à promouvoir les droits auxquels les femmes peuvent aspirer dans la société et dans la famille, ces observations veulent plutôt corriger la perspective qui considère les hommes comme des ennemis à vaincre. La relation homme-femme ne peut prétendre trouver sa juste configuration dans une sorte d’opposition méfiante et défensive. Il faut que cette relation soit vécue dans la paix et le bonheur de l’amour partagé31. »

    19Pour éviter la « guerre des sexes », il n’y a selon le Magistère qu’une solution : reconnaître et cultiver la « complémentarité des sexes ». Depuis le Concile, et plus encore à partir de l’élection de Jean-Paul II en 1978, ce concept occupe une place centrale dans le discours magistériel sur le rapport entre homme et femme. Aux féministes qui dénoncent le recours à cette notion comme un moyen de justifier une subordination des femmes et leur maintien dans une position de dépendance, Jean-Paul II répond en s’efforçant de distinguer sa vision de la complémentarité des sexes de celle qu’il qualifie d’« unilatérale32 » : il va pour cela proposer une nouvelle exégèse du second récit de la Création dans la Genèse (Gn 2, 18-24). Selon l’interprétation qu’il propose alors, le mot « aide » qui est employé ne s’applique pas qu’à la femme : il assure qu’« il s’agit d’une “aide” des deux côtés et d’une “aide” réciproque33 ». La spécificité de chacun est indispensable à l’autre, ni l’homme ni la femme ne se suffit à lui-même : ce n’est que dans l’union à l’altérité sexuée qu’ils peuvent réaliser la plénitude de leur humanité, qu’ils peuvent être véritablement « à l’image de Dieu ». On retrouve cependant ici l’androcentrisme du point de vue déjà évoqué plus haut ; ainsi, quand Jean-Paul II affirme que « l’homme et la femme se trouvent eux-mêmes dans l’unité des deux », il ajoute : « Et en particulier la femme34… »

    Conclusion

    20Le mot « genre », actuellement omniprésent dans le discours catholique sur les questions sexuelles, n’est apparu dans les textes magistériels qu’au début des années 200035. On le rencontre d’abord dans un texte du Conseil pontifical pour la Famille intitulé « Famille, mariage et “unions de fait” », qui évoque l’influence de « l’idéologie du genre » sur « le processus de déstructuration culturelle et humaine de l’institution matrimoniale36 ». Il faut signaler une autre occurrence particulièrement importante quatre ans plus tard, le 31 mai 2004, dans la « Lettre sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde » qui est adressée aux évêques par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dont le préfet est alors le cardinal Ratzinger. Dans cette lettre, la perspective de genre est désignée comme « le problème » : elle est le symptôme du raisonnement féministe erroné qui, « pour éviter toute suprématie de l’un ou l’autre sexe, […] tend à gommer leurs différences37 ». À partir de ce moment, la conception de l’émancipation féminine dénoncée par le Magistère depuis le Concile prend le nom d’« idéologie du genre ». Le fond du discours, cependant, reste celui que nous venons d’évoquer : on peut affirmer que l’essentiel du contenu normatif de l’actuel discours de dénonciation de « la théorie du genre » a été établi pendant cette période de l’après-Concile. Le Magistère, en somme, a traité la question du « genre » bien avant la lettre.

    21Peut-on dire pour autant que le discours actuel ne doit être envisagé que comme la continuité de celui qui s’est développé sous les pontificats de Paul VI, puis de Jean-Paul II et Benoît XVI ? La réponse semble négative. L’évolution du discours catholique sur la différence des sexes qui s’est opérée dans les dernières années ne se limite pas à une question lexicale : le « genre » n’est pas seulement un raccourci sémantique, c’est le signifiant en forme d’épouvantail qui subsume une série de craintes à propos de l’orientation du monde contemporain. Dans son acception magistérielle, le « genre » est en effet bien plus qu’une approche de la question de la différence des sexes : il désigne tout à la fois l’avènement d’une société de l’indifférenciation incapable de penser l’altérité, le rejet de la transcendance, la volonté d’instrumentaliser le corps humain et de maîtriser intégralement la nature, le relativisme moral absolu et la dissolution des repères qu’il suscite, l’« individualisme égoïste » détruisant les dernières solidarités au sein du couple et de la famille et livrant les plus faibles à la violence du marché… Cette stratégie discursive reprend en fait un schème assez classique dans l’histoire de l’Église. René Rémond a montré comment la critique catholique du « monde moderne » s’était déjà cristallisée, dans les périodes les plus « intégristes », autour d’un « ennemi à abattre » : l’« américanisme » et le « modernisme » avaient ainsi joué ce rôle au tournant du xxe siècle38. On peut penser que l’on se trouve aujourd’hui, avec la « théorie du genre », en présence du même type d’objet de dénonciation construit dans et par le discours de dénonciation lui-même ; il permet de combattre non seulement les conceptions féministes de la différence des sexes récusées par l’Église – la « modernité sexuelle » –, mais aussi, au-delà et à travers elles, l’ensemble des caractéristiques de la modernité philosophique et politique.

    Notes de bas de page

    1  Voir Fassin Éric, « Les “forêts tropicales” du mariage hétérosexuel », Revue d’éthique et de théologie morale HS/2010, n° 261, p. 201-222. En ligne : www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2010-HS-page-201.htm. ; Carnac Romain, « Les autorités catholiques dans le débat français sur la reconnaissance légale des unions homosexuelles (1992-2013) », in Bréjon de Lavergnée Matthieu et Della Sudda Magali (dir.), Genre et christianisme. Plaidoyers pour une histoire croisée, Paris, Bibliothèque Beauchesne – Les Cahiers de l’AFHRC, vol. 2 – 2014, p. 375-409 ; Aubourg Valérie, « La vérité catholique dans le discours des évêques français au sujet du Pacs, puis du mariage homosexuel », Revue de l’université catholique de Lyon, n° 26, 2014, p. 46-53 ; Béraud Céline et Portier Philippe, « “Mariage pour tous”. The Same-Sex Marriage Controversy in France », in Dobbelaere Karel et Pérez-Agote Alfonso (dir.), The Intimate. Polity and the Catholic Church, Louvain, Leuven University Press, 2015, p. 55-92.

    2  Voir Béraud Céline, « Les catholiques contre le genre. L’épisode des manuels de SVT », in Rochefort Florence et Sanna Maria Eleonora (dir.), Normes religieuses et genre. Mutations, résistances et reconfigurations xixe-XXIe siècle, Paris, Armand Colin, coll. « Recherches », 2013, p. 109-122 ; Fillod Odile, « Genre et SVT : copie à revoir », 15 août 2012. En ligne : http://allodoxia.blog.lemonde.fr/2012/08/15/genre-svt/#note2.

    3  Voir Portier Philippe, entretien pour Atlantico, 13 février 2013. En ligne : http://www.atlantico.fr/decryptage/que-revele-blitz-mediatique-autour-benoit-xvi-vigueur-heritage-catholique-france-philippe-portier-jean-claude-barreau-637336.html/page/0/1.

    4  Portier Philippe, « L’Église reconstitue sa légitimité via la politique de la vie, du corps et du genre », Libération, 21 septembre 2012. Voir aussi sur ce thème Pelletier Denis, « Les évêques de France et la République de l’intime. 1968-2005 », in Béraud Céline, Gugelot Frédéric et Saint-Martin Isabelle (dir.), Catholicisme en tensions, Paris, Éditions de l’EHESS, 2012, p. 179-190.

    5  Hervieu-Léger Danièle, « L’avènement de la famille “relationnelle” », entretien, Le Monde des Religions, mars/avril 2013.

    6  Béraud Céline, « Les autorités catholiques face à la question du genre », in Gross Martine, Mathieu Séverine et Nizard Sophie (dir.), Sacrées Familles ! Changements familiaux, changements religieux, Paris, Érès, 2011, p. 237.

    7  Voir Mendras Henri, La Seconde Révolution française (1965-1984) [1988], Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1994 ; Zancarini-Fournel Michelle et Artières Philippe, 68, une histoire collective (1962-1981), Paris, La Découverte, 2008.

    8  Pavard Bibia, « Si je veux, quand je veux ». Contraception et avortement dans la société française (1956-1979), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012. Pour une approche statistique de ces transformations, voir Léridon Henri et al., « La seconde révolution contraceptive : la régulation des naissances en France de 1950 à 1985 », Travaux et Documents, Cahier n° 117, INED, 1987 ; Bozon Michel, Sociologie de la sexualité, Paris, Nathan, 2002 ; Jaspard Maryse, Sociologie des comportements sexuels, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2005 ; Bozon Michel et Héran François, La formation du couple. Textes essentiels pour la sociologie de la famille, Paris, la Découverte, coll. « Grands Repères », 2006.

    9  Voir Bard Christine (dir.), Les féministes de la deuxième vague, Rennes, PUR, 2012.

    10  On ne peut toutefois pas en dire autant de l’institution dans son ensemble, qui sur cette question comme sur bien d’autres ne constitue pas une totalité monolithique. Voir par exemple Favier Anthony, « Des religieuses féministes dans les années 68 ? », Clio 1/2009 (n° 29), p. 59-77, et pour une perspective plus globale : Certeau Michel de, Le christianisme éclaté, Paris, Le Seuil, 1974.

    11  Paul VI, « Lettre encyclique Humanae Vitae sur le mariage et la régulation des naissances », 2, 25 juillet 1968. En ligne : http://w2.vatican.va/content/paul-vi/fr/encyclicals/documents/hf_p-vi_enc_25071968_humanae-vitae.html.

    12  Portier Philippe, « La pensée catholique de la famille. Réflexions autour de la rénovation wojtylienne », in Sacrées Familles !…, op. cit., p. 118-119.

    13  Voir Carnac Romain, « L’argument naturaliste dans le discours contemporain du Vatican sur la différence entre les sexes », in Bertina Ludovic, Carnac Romain, Fauches Aurélien et Gervais Mathieu (dir.), Nature et religions, CNRS Éditions, coll. « Alpha », 2013, p. 131-140 ; Garbagnoli Sara, « Le Vatican contre la dénaturalisation de l’ordre sexuel : structure et enjeux d’un discours institutionnel réactionnaire », Synergies Italie, n° 10, 2014, p. 145-167.

    14  Gn 1, 27 et Gn 2, 18-24. Voir par exemple Jean-Paul II, Lettre apostolique Mulieris dignitatem sur la dignité et la vocation de la femme, à l’occasion de l’année mariale, III, n. 6. En ligne : http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/apost_letters/1988/documents/hf_jp-ii_apl_19880815_mulieris-dignitatem.html.

    15  Jean-Paul II, « Le mystère de la femme et de la maternité », Audience générale du 12 mars 1980, La Documentation Catholique [1980], p. 322. On remarquera, par parenthèse, la tournure de la phrase, assez symptomatique de l’appréhension unilatérale et androcentrique du problème de la différence sexuelle dans le discours pontifical : c’est toujours la femme qui diffère de l’homme, jamais l’inverse. La « spécificité féminine » est précisément décrite, alors que celle de l’homme reste floue : en fait l’homme n’est pas vraiment considéré comme spécifique, il est toujours implicitement pensé comme incarnant le genre humain dans ce qu’il a d’universel.

    16  Née en 1891 dans une famille juive de Breslau, Édith Stein est la première femme à soutenir une thèse de philosophie en Allemagne. Elle milite alors pour l’ouverture du droit de vote aux femmes (obtenu en 1919), et dénonce également l’interdiction faite aux femmes de demander l’habilitation au professorat (elle obtient finalement gain de cause devant le ministre de la Culture). Elle devient ensuite la collaboratrice du fondateur de la phénoménologie Edmund Husserl. Après sa conversion au catholicisme en 1921, elle enseigne l’allemand, la philosophie et la théologie, accordant toujours une place particulière à la question de la place des femmes dans l’Église et la société mais s’éloignant de ses positions féministes de jeunesse qu’elle juge trop « radicales », et donne une série de conférences dans toute l’Allemagne avant d’entrer au Carmel de Cologne où elle prend le nom de Thérèse-Bénédicte de la Croix. En 1942, elle est arrêtée, déportée et mise à mort au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Un demi-siècle plus tard, elle est béatifiée (1987) puis cannonisée (1998) par Jean-Paul II.

    17  Jean-Paul II, « Lettre apostolique Mulieris dignitatem sur la dignité et la vocation de la femme, à l’occasion de l’année mariale », La Documentation Catholique [1988], III, n. 7, 15 août 1988, p. 1063 et suiv.

    18  Voir Bertina Ludovic et Carnac Romain, « L’écologie humaine du Vatican (Jean-Paul II-Benoît XVI) : la rencontre entre une réflexion écologique et une morale sexuelle naturaliste », Genesis. Rivista della Società Italianà delle Storiche, janvier 2014, p. 171-190.

    19  En 1930, Pie XI réaffirmait que l’ordre de la famille « implique la primauté du mari sur sa femme et ses enfants, et la soumission empressée de la femme ainsi que son obéissance spontanée ».

    20  Jean-Paul II, « Lettre encyclique Evangelium Vitae sur la valeur et l’inviolabilité de la vie humaine », n. 99, La Documentation Catholique [1995], 16 avril 1955, p. 351 et suiv.

    21  Jean-Paul II, « Discours au Ve Congrès international de la famille », 8 novembre 1980.

    22  Paul VI, « Humanae Vitae », op. cit., n. 31 ; Jean-Paul II, « Discours au troisième CELAM », publié dans La Documentation Catholique [1979], Puebla, 28 janvier 1979, p. 168 et suiv. ; Benoît XVI, Vœux de Noël à la Curie romaine, 22 décembre 2008. En ligne : http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/speeches/2008/december/documents/hf_ben-xvi_spe_20081222_curia-romana.html.

    23  Jean-Paul II, « Mulieris dignitatem », op. cit. IV, n. 10.

    24  Jean-Paul II, « Exhortation apostolique Familiaris Consortio sur les tâches de la famille chrétienne dans le monde d’aujourd’hui », n. 23, publiée dans La Documentation Catholique [1982], 22 novembre 1981, p. 6 et suiv.

    25  Jean-Paul II, « Audience générale du 10 janvier 1979 », La Documentation Catholique [1979] p. 102.

    26  Paul VI, « Discours au Comité pour l’année internationale de la femme », 18 avril 1975. En ligne : http://w2.vatican.va/content/paul-vi/fr/speeches/1975/documents/hf_p-vi_spe_19750418_anno-internazionale-donna.html.

    27  Jean-Paul II, « Lettre aux femmes », n 12, La Documentation Catholique [1995], 29 juin 1995, p. 720 et suiv.

    28  Ibid., n. 10.

    29  Paul VI, « Exhortation apostolique Marialis cultus sur le culte de la Vierge Marie », La Documentation catholique [1974], 2 février 1974, p. 307 et suiv.

    30  Jean-Paul II, « Lettre encyclique Redemptoris Mater sur la bienheureuse Vierge Marie dans la vie de l’Église en marche », La Documentation Catholique [1987], 25 mars 1987, p. 383 et suiv.

    31  Ratzinger Joseph, « La collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde : Lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi aux évêques de l’Église catholique », 31 mai 2004, n. 2. En ligne : http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_20040731_collaboration_fr.html.

    32  Jean-Paul II, « Lettre aux femmes », op. cit., n. 7.

    33  Jean-Paul II, « Mulieris dignitatem », op. cit., III, n. 7.

    34  Ibid., IV, n. 10.

    35  Les observateurs du Saint-Siège dans les Conférences mondiales des Nations Unies avaient, dès 1994-1995, remarqué l’usage récurrent du mot dans les discussions internationales, et avaient alors alerté les autorités ecclésiales à propos des transformations que ces termes nouveaux, selon eux, annonçaient (voir Fillod Odile, « Le mariage raté du Vatican et de la science », 30 avril 2013. En ligne : http://allodoxia.blog.lemonde.fr/2013/04/30/mariage-genre-vatican-science/.).

    36  Conseil pontifical pour la Famille, « Famille, mariage et “unions de fait” », n. 8, publié dans La Documentation Catholique (2001), 21 novembre 2000, p. 163 et suiv. En ligne : http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/family/documents/rc_pc_family_doc_20001109_de-facto-unions_fr.html.

    37  Ratzinger Joseph, « La collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde : Lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi aux évêques de l’Église catholique », n. 2, 31 mai 2004. En ligne : http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_20040731_collaboration_fr.html.

    38  Rémond René, « L’intégrisme catholique : portrait intellectuel », Études, vol. 370, 1-1989, p. 100.

    Auteur

    • Romain Carnac
      Doctorant en sciences politiques au Centre de recherche sur l’action politique de l’université de Lausanne, chargé de recherche à l’EESP-HES So.
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    1  Voir Fassin Éric, « Les “forêts tropicales” du mariage hétérosexuel », Revue d’éthique et de théologie morale HS/2010, n° 261, p. 201-222. En ligne : www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2010-HS-page-201.htm. ; Carnac Romain, « Les autorités catholiques dans le débat français sur la reconnaissance légale des unions homosexuelles (1992-2013) », in Bréjon de Lavergnée Matthieu et Della Sudda Magali (dir.), Genre et christianisme. Plaidoyers pour une histoire croisée, Paris, Bibliothèque Beauchesne – Les Cahiers de l’AFHRC, vol. 2 – 2014, p. 375-409 ; Aubourg Valérie, « La vérité catholique dans le discours des évêques français au sujet du Pacs, puis du mariage homosexuel », Revue de l’université catholique de Lyon, n° 26, 2014, p. 46-53 ; Béraud Céline et Portier Philippe, « “Mariage pour tous”. The Same-Sex Marriage Controversy in France », in Dobbelaere Karel et Pérez-Agote Alfonso (dir.), The Intimate. Polity and the Catholic Church, Louvain, Leuven University Press, 2015, p. 55-92.

    2  Voir Béraud Céline, « Les catholiques contre le genre. L’épisode des manuels de SVT », in Rochefort Florence et Sanna Maria Eleonora (dir.), Normes religieuses et genre. Mutations, résistances et reconfigurations xixe-XXIe siècle, Paris, Armand Colin, coll. « Recherches », 2013, p. 109-122 ; Fillod Odile, « Genre et SVT : copie à revoir », 15 août 2012. En ligne : http://allodoxia.blog.lemonde.fr/2012/08/15/genre-svt/#note2.

    3  Voir Portier Philippe, entretien pour Atlantico, 13 février 2013. En ligne : http://www.atlantico.fr/decryptage/que-revele-blitz-mediatique-autour-benoit-xvi-vigueur-heritage-catholique-france-philippe-portier-jean-claude-barreau-637336.html/page/0/1.

    4  Portier Philippe, « L’Église reconstitue sa légitimité via la politique de la vie, du corps et du genre », Libération, 21 septembre 2012. Voir aussi sur ce thème Pelletier Denis, « Les évêques de France et la République de l’intime. 1968-2005 », in Béraud Céline, Gugelot Frédéric et Saint-Martin Isabelle (dir.), Catholicisme en tensions, Paris, Éditions de l’EHESS, 2012, p. 179-190.

    5  Hervieu-Léger Danièle, « L’avènement de la famille “relationnelle” », entretien, Le Monde des Religions, mars/avril 2013.

    6  Béraud Céline, « Les autorités catholiques face à la question du genre », in Gross Martine, Mathieu Séverine et Nizard Sophie (dir.), Sacrées Familles ! Changements familiaux, changements religieux, Paris, Érès, 2011, p. 237.

    7  Voir Mendras Henri, La Seconde Révolution française (1965-1984) [1988], Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1994 ; Zancarini-Fournel Michelle et Artières Philippe, 68, une histoire collective (1962-1981), Paris, La Découverte, 2008.

    8  Pavard Bibia, « Si je veux, quand je veux ». Contraception et avortement dans la société française (1956-1979), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012. Pour une approche statistique de ces transformations, voir Léridon Henri et al., « La seconde révolution contraceptive : la régulation des naissances en France de 1950 à 1985 », Travaux et Documents, Cahier n° 117, INED, 1987 ; Bozon Michel, Sociologie de la sexualité, Paris, Nathan, 2002 ; Jaspard Maryse, Sociologie des comportements sexuels, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2005 ; Bozon Michel et Héran François, La formation du couple. Textes essentiels pour la sociologie de la famille, Paris, la Découverte, coll. « Grands Repères », 2006.

    9  Voir Bard Christine (dir.), Les féministes de la deuxième vague, Rennes, PUR, 2012.

    10  On ne peut toutefois pas en dire autant de l’institution dans son ensemble, qui sur cette question comme sur bien d’autres ne constitue pas une totalité monolithique. Voir par exemple Favier Anthony, « Des religieuses féministes dans les années 68 ? », Clio 1/2009 (n° 29), p. 59-77, et pour une perspective plus globale : Certeau Michel de, Le christianisme éclaté, Paris, Le Seuil, 1974.

    11  Paul VI, « Lettre encyclique Humanae Vitae sur le mariage et la régulation des naissances », 2, 25 juillet 1968. En ligne : http://w2.vatican.va/content/paul-vi/fr/encyclicals/documents/hf_p-vi_enc_25071968_humanae-vitae.html.

    12  Portier Philippe, « La pensée catholique de la famille. Réflexions autour de la rénovation wojtylienne », in Sacrées Familles !…, op. cit., p. 118-119.

    13  Voir Carnac Romain, « L’argument naturaliste dans le discours contemporain du Vatican sur la différence entre les sexes », in Bertina Ludovic, Carnac Romain, Fauches Aurélien et Gervais Mathieu (dir.), Nature et religions, CNRS Éditions, coll. « Alpha », 2013, p. 131-140 ; Garbagnoli Sara, « Le Vatican contre la dénaturalisation de l’ordre sexuel : structure et enjeux d’un discours institutionnel réactionnaire », Synergies Italie, n° 10, 2014, p. 145-167.

    14  Gn 1, 27 et Gn 2, 18-24. Voir par exemple Jean-Paul II, Lettre apostolique Mulieris dignitatem sur la dignité et la vocation de la femme, à l’occasion de l’année mariale, III, n. 6. En ligne : http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/apost_letters/1988/documents/hf_jp-ii_apl_19880815_mulieris-dignitatem.html.

    15  Jean-Paul II, « Le mystère de la femme et de la maternité », Audience générale du 12 mars 1980, La Documentation Catholique [1980], p. 322. On remarquera, par parenthèse, la tournure de la phrase, assez symptomatique de l’appréhension unilatérale et androcentrique du problème de la différence sexuelle dans le discours pontifical : c’est toujours la femme qui diffère de l’homme, jamais l’inverse. La « spécificité féminine » est précisément décrite, alors que celle de l’homme reste floue : en fait l’homme n’est pas vraiment considéré comme spécifique, il est toujours implicitement pensé comme incarnant le genre humain dans ce qu’il a d’universel.

    16  Née en 1891 dans une famille juive de Breslau, Édith Stein est la première femme à soutenir une thèse de philosophie en Allemagne. Elle milite alors pour l’ouverture du droit de vote aux femmes (obtenu en 1919), et dénonce également l’interdiction faite aux femmes de demander l’habilitation au professorat (elle obtient finalement gain de cause devant le ministre de la Culture). Elle devient ensuite la collaboratrice du fondateur de la phénoménologie Edmund Husserl. Après sa conversion au catholicisme en 1921, elle enseigne l’allemand, la philosophie et la théologie, accordant toujours une place particulière à la question de la place des femmes dans l’Église et la société mais s’éloignant de ses positions féministes de jeunesse qu’elle juge trop « radicales », et donne une série de conférences dans toute l’Allemagne avant d’entrer au Carmel de Cologne où elle prend le nom de Thérèse-Bénédicte de la Croix. En 1942, elle est arrêtée, déportée et mise à mort au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Un demi-siècle plus tard, elle est béatifiée (1987) puis cannonisée (1998) par Jean-Paul II.

    17  Jean-Paul II, « Lettre apostolique Mulieris dignitatem sur la dignité et la vocation de la femme, à l’occasion de l’année mariale », La Documentation Catholique [1988], III, n. 7, 15 août 1988, p. 1063 et suiv.

    18  Voir Bertina Ludovic et Carnac Romain, « L’écologie humaine du Vatican (Jean-Paul II-Benoît XVI) : la rencontre entre une réflexion écologique et une morale sexuelle naturaliste », Genesis. Rivista della Società Italianà delle Storiche, janvier 2014, p. 171-190.

    19  En 1930, Pie XI réaffirmait que l’ordre de la famille « implique la primauté du mari sur sa femme et ses enfants, et la soumission empressée de la femme ainsi que son obéissance spontanée ».

    20  Jean-Paul II, « Lettre encyclique Evangelium Vitae sur la valeur et l’inviolabilité de la vie humaine », n. 99, La Documentation Catholique [1995], 16 avril 1955, p. 351 et suiv.

    21  Jean-Paul II, « Discours au Ve Congrès international de la famille », 8 novembre 1980.

    22  Paul VI, « Humanae Vitae », op. cit., n. 31 ; Jean-Paul II, « Discours au troisième CELAM », publié dans La Documentation Catholique [1979], Puebla, 28 janvier 1979, p. 168 et suiv. ; Benoît XVI, Vœux de Noël à la Curie romaine, 22 décembre 2008. En ligne : http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/speeches/2008/december/documents/hf_ben-xvi_spe_20081222_curia-romana.html.

    23  Jean-Paul II, « Mulieris dignitatem », op. cit. IV, n. 10.

    24  Jean-Paul II, « Exhortation apostolique Familiaris Consortio sur les tâches de la famille chrétienne dans le monde d’aujourd’hui », n. 23, publiée dans La Documentation Catholique [1982], 22 novembre 1981, p. 6 et suiv.

    25  Jean-Paul II, « Audience générale du 10 janvier 1979 », La Documentation Catholique [1979] p. 102.

    26  Paul VI, « Discours au Comité pour l’année internationale de la femme », 18 avril 1975. En ligne : http://w2.vatican.va/content/paul-vi/fr/speeches/1975/documents/hf_p-vi_spe_19750418_anno-internazionale-donna.html.

    27  Jean-Paul II, « Lettre aux femmes », n 12, La Documentation Catholique [1995], 29 juin 1995, p. 720 et suiv.

    28  Ibid., n. 10.

    29  Paul VI, « Exhortation apostolique Marialis cultus sur le culte de la Vierge Marie », La Documentation catholique [1974], 2 février 1974, p. 307 et suiv.

    30  Jean-Paul II, « Lettre encyclique Redemptoris Mater sur la bienheureuse Vierge Marie dans la vie de l’Église en marche », La Documentation Catholique [1987], 25 mars 1987, p. 383 et suiv.

    31  Ratzinger Joseph, « La collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde : Lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi aux évêques de l’Église catholique », 31 mai 2004, n. 2. En ligne : http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_20040731_collaboration_fr.html.

    32  Jean-Paul II, « Lettre aux femmes », op. cit., n. 7.

    33  Jean-Paul II, « Mulieris dignitatem », op. cit., III, n. 7.

    34  Ibid., IV, n. 10.

    35  Les observateurs du Saint-Siège dans les Conférences mondiales des Nations Unies avaient, dès 1994-1995, remarqué l’usage récurrent du mot dans les discussions internationales, et avaient alors alerté les autorités ecclésiales à propos des transformations que ces termes nouveaux, selon eux, annonçaient (voir Fillod Odile, « Le mariage raté du Vatican et de la science », 30 avril 2013. En ligne : http://allodoxia.blog.lemonde.fr/2013/04/30/mariage-genre-vatican-science/.).

    36  Conseil pontifical pour la Famille, « Famille, mariage et “unions de fait” », n. 8, publié dans La Documentation Catholique (2001), 21 novembre 2000, p. 163 et suiv. En ligne : http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/family/documents/rc_pc_family_doc_20001109_de-facto-unions_fr.html.

    37  Ratzinger Joseph, « La collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde : Lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi aux évêques de l’Église catholique », n. 2, 31 mai 2004. En ligne : http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_20040731_collaboration_fr.html.

    38  Rémond René, « L’intégrisme catholique : portrait intellectuel », Études, vol. 370, 1-1989, p. 100.

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    Carnac, R. (2017). Aux sources de la lutte catholique contre le « genre » : la rénovation post-conciliaire du discours du Vatican sur la différence des sexes. In D. Avon (éd.), Faire autorité (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.154472
    Carnac, Romain. « Aux sources de la lutte catholique contre le “genre” : la rénovation post-conciliaire du discours du Vatican sur la différence des sexes ». In Faire autorité, édité par Dominique Avon. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2017. https://doi.org/10.4000/books.pur.154472.
    Carnac, Romain. « Aux sources de la lutte catholique contre le “genre” : la rénovation post-conciliaire du discours du Vatican sur la différence des sexes ». Faire autorité, édité par Dominique Avon, Presses universitaires de Rennes, 2017, https://doi.org/10.4000/books.pur.154472.

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    Avon, D. (éd.). (2017). Faire autorité (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.154242
    Avon, Dominique, éd. Faire autorité. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2017. https://doi.org/10.4000/books.pur.154242.
    Avon, Dominique, éditeur. Faire autorité. Presses universitaires de Rennes, 2017, https://doi.org/10.4000/books.pur.154242.
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