Qu’est-ce que la technologie ? Jalons pour l’histoire longue d’un concept oublié
p. 13-36
Texte intégral
1La technologie fait partie de ces fausses évidences historiographiques. Si on la rattache aujourd’hui naïvement aux productions techniques avancées des sociétés industrielles (les « nouvelles technologies »), ce sens n’est en rien univoque et le terme est au contraire polysémique. François Sigaut, ethnologue, considérait que « la technologie est devenue une espèce de superlatif savant, ou pédant, de technique2 », à partir d’une désignation des techniques modernes, industrielles et à caractère scientifique, en opposition aux techniques traditionnelles. Il ajoutait que cette acception s’était imposée « dans l’ignorance du sens qu’il [le terme] avait déjà dans notre langue ». Ce sens oublié fut longtemps celui d’une science de la technique, d’une science des arts et des intentions fabricatrices comme l’énonçait Christian Wolff en 1728, définissant la technologia comme « science des arts et des œuvres de l’art, science des choses que les hommes produisent par le travail des organes du corps, principalement par les mains3 ». Cette signification fut consacrée par le traité de Johann Beckmann en 1806, Entwurf der algemeinen Technologie ou Projet de technologie générale4, dont la traduction, établie par les soins de Joost Mertens, est ici pour la première fois disponible en langue française. Le contexte est celui du caméralisme, Beckmann étant professeur de sciences camérales à Göttingen depuis 17665 et déjà l’auteur de l’Anleitung zur Technologie en 17776, une tentative de classement des activités humaines7.
2C’est à la fois ce sens du concept de technologie comme science de l’action et de l’activité, comme science humaine pour reprendre l’intitulé du livre d’André-Georges Haudricourt (La Technologie, science humaine), et ses liens avec la production de savoirs techniques par les administrations, pour une gestion efficace des ressources des États, que nous voulons souligner dans cet ouvrage et dont nous nous proposons de retracer les principales étapes pour saisir pleinement l’originalité (mais aussi l’opportunisme) de Johann Beckmann lorsqu’il entreprend, en 1806, de publier son Projet de technologie générale.
3La revendication de la technologie comme savoir technique constitué est un phénomène assez peu cartographié historiquement. Dès la Renaissance, l’effervescence humaniste pousse, dans la lignée des réductions en art alors florissantes, à formaliser le savoir-faire oratoire qu’est la technologia, empruntée aux auteurs antiques, et notamment à Cicéron, mais étend en même temps l’acception des techniques à tous les registres d’action. Au xviiie siècle, la technologie, en tant que discours sur la technique, s’incarne dans les nombreux volumes consacrés aux arts et métiers qui attestent le succès d’une vision encyclopédique et inclusive des activités humaines, une dimension essentielle de la technologie dans son ambition universaliste et humaniste. Vers 1800, cet intérêt se concrétise académiquement et une revendication disciplinaire apparaît : la technologie devient progressivement science de la production, un processus déjà enclenché dans les États allemands. Dans la seconde moitié du xixe siècle, la croissance industrielle a pour effet de faire exploser les bases savantes de la technologie en une multitude de disciplines connexes (chimie appliquée, thermodynamique, ichtyologie, métallurgie, etc.). Dès lors, le sens de la technologie n’est plus tant rattaché à la description des savoir-faire de l’artisan qu’à l’alliance massive de la science expérimentale avec la production industrielle. Eric Schatzberg a montré l’impact du transfert du mot allemand Technik, désignant à la fin du xixe siècle les techniques de l’âge industriel, en technology, aux États-Unis, et le rôle décisif de Torstein Veblen, animé par la critique du capitalisme industriel et la défense des compétences ouvrières investies dans le machinisme8. La traduction de Technik en technology s’accompagne d’une inflexion de sens, du passage de la désignation d’un champ d’étude à l’objet d’étude lui-même, en même temps que les arts industriels sont réduits à l’invention, et l’invention à la science appliquée9. Ce sens spécifique, adopté dans les années 1930 par les historiens et aujourd’hui devenu banal (comme lorsque l’on parle des « technologies de l’information et de la communication », ou TIC), a oblitéré la richesse de plusieurs siècles de tradition technologique, et c’est sur cet oubli et ces recompositions que nous voudrions revenir.
4Le thème, central dans l’histoire des sciences humaines, ouvre aussi sur des interrogations comparatives et sur l’histoire des circulations de concepts. La thématique ne se limite pas aux transferts culturels entre pays européens et avec l’Amérique du Nord. L’histoire de la technologie appartient aussi à l’histoire globale des sciences et des savoirs comme l’atteste la multiplicité des descriptions techniques et des tentatives de rationalisation du travail par les lettrés fonctionnaires chinois, des Song aux Qing. Cette littérature technique a fait l’objet de nombreuses études, mettant en valeur la dimension politique des techniques dans l’Empire depuis les Song, qu’il s’agisse de la promotion de l’agriculture dans un souci d’unification des territoires et de garantie des subsistances, de la gestion des cours d’eau ou des ateliers impériaux censés assurer la consommation somptuaire de la cour10.
5Ce sont ces cheminements de la technologie comme science de la technique et savoir d’État que l’on privilégie dans ce livre et dont on propose dans cette introduction un survol chronologique, tant les études se sont développées depuis les synthèses de Guillerme et Sebestik, de Sigaut et de Vérin – et dans leur sillage11.
De la technologia antique à l’instrumentalisme humaniste
6Dans sa quatrième lettre à Atticus, Cicéron mentionne lapidairement la technologia12, terme qu’il importe du grec et dont le sens originel est pour lui évident et problématique à la fois. Étymologiquement, la technologia renvoie à la technè (l’art et le savoir-faire du professionnel) et au logos (discours et raison). Selon les commentateurs, la technologia cicéronienne est qualifiée de théorie didactique ou d’art rhétorique13, voire de classification ordonnée, notamment du point de vue grammatical14. On voit qu’alors, la technologia antique est tout autant l’art de la pratique du discours qu’un discours sur les arts de la pratique.
7À la Renaissance, alors que les auteurs anciens sont redécouverts ou exhumés de leur gangue médiévale, on voit l’engouement pour l’instrumentation (qu’elle soit machinique ou intellectuelle) croiser la technologia antique. En effet, la machine est au xvie siècle tout autant affaire de mécanique que de machination, et l’instrument est un artifice utile aussi bien à la diplomatie, à la rhétorique ou à la pédagogie, qu’à la poliorcétique et à l’hydraulique. En 1554, le Lexique gréco-latin de Guillaume Budé définit la technologia comme un art (ars), c’est-à-dire une discipline, ou un artifice (astutia, impostura, frauda), là où Pierre de la Ramée (1515- 1572) y voit une technique rhétorique ou un traitement grammatical systématique15. La conception humaniste de la technologie renvoie soit à un travail taxinomique (voire encyclopédique), soit à un stratagème du discours : cet instrumentalisme polyvalent s’exprime tout autant dans la publication de dictionnaires que, progressivement, dans la production de « magie naturelle » – au sens où des moyens naturels maîtrisés (machines, artefacts, curiosités naturelles) peuvent octroyer une apparence surnaturelle à un phénomène. Insistons sur le fait qu’ici, aucune frontière nette n’existe entre ce qui relève d’une ruse de la raison ou d’un artifice mécanique : le grand partage entre science et humanités n’est bien évidemment pas encore à l’ordre du jour, et il faut attendre le xixe siècle positiviste pour le voir advenir.
8La réduction en art est un exemple canonique où, de la Renaissance aux Lumières européennes, la rationalité formelle infuse et s’inspire des pratiques et savoir-faire : ad artem redigere – c’est-à-dire rassembler des savoirs épars, les ordonner méthodiquement grâce aux mathématiques et à la rhétorique – est un mot d’ordre qui renvoie tout autant à l’extraction minière qu’à la fortification, à l’escrime ou à la danse16. À partir de cette production livresque dont la place apparaît maintenant essentielle pour l’histoire des savoirs techniques17, s’est forgée une science de l’action, visant à collecter les pratiques d’une part et à les réduire en principes élémentaires d’autre part, par la comparaison et l’analogie, c’est-à-dire à « ramener une chose, un mode d’action, à une forme ou un état, une opération ou une suite d’opérations, qui facilite l’obtention d’un résultat recherché18 ». Cette littérature a « fait apparaître un domaine de savoir particulier, celui des “arts”, distincts à la fois des métiers transmis dans les ateliers et sur les chantiers, et de la connaissance scientifique, enseignée dans les universités19 ». Ce genre littéraire coexiste avec la mise en scène du génie inventif et de la force de l’esprit dans les théâtres de machines20. La thématique promue par Hélène Vérin, spécialiste de l’histoire des ingénieurs et de l’intelligence technique, dans la lignée des travaux de Jacques Guillerme21, a suscité bien des études sur la codification des techniques, dans un contexte d’institutionnalisation croissante des savoirs techniques et de demande des pouvoirs politiques à l’égard des praticiens22.
La technologie des Lumières
9Le philosophe, mathématicien et logicien Christian Wolff est l’un des acteurs du glissement du sens rhétorique de la technologie vers sa dimension mécanique, rattachée aux arts de faire23 : « scientia artum et operum artis », explicite sa Logica en 172824. Le contexte socio-économique est en effet favorable au développement d’une formalisation érudite des activités artisanales, indispensable à la montée en puissance de l’État-nation et de l’entreprenariat.
10Dès la seconde moitié du xviiie siècle, la mise en cause des corporations participe d’une volonté de publicisation des secrets de métier au fondement de leur hiérarchie sociale et productive, afin de les intégrer au sein d’un processus plus vaste de libéralisation marchande. C’est dans cet espace économique et théorique qu’un savoir encyclopédique rattaché aux arts et métiers se déploie, postulant la nécessité pour les artisans d’être éclairés par les connaissances savantes, qui seules assureraient la circulation des savoirs et l’amélioration des procédés en révélant les rapports entre les métiers, en incitant les fabricants à emprunter, à transposer des solutions d’un domaine à un autre.
11L’invention est comprise comme une science des rapports, ainsi par Denis Diderot dans L’Histoire et le secret de la peinture en cire (1755)25, comme ce sera le cas ensuite chez Johann Beckmann. Ce texte polémique est l’occasion pour Diderot d’un plaidoyer pour que les artisans circulent d’un atelier à un autre, comparent les procédés et se prêtent un « mutuel secours ». Ils pourraient aussi travailler de concert, dans une académie, sous l’égide d’un « monarque artisan26 ». Cette réunion des arts jusqu’alors séparés, cloisonnés en corps de métiers sous-tend les discours réformateurs. L’usage de l’analogie, figure clé de la technologie, parce qu’elle permet de repenser l’organisation des métiers en termes opératoires, participe d’un véritable projet politique et économique27, sous l’égide de la science académique, censée fournir aux arts un modèle de sociabilité innovant. Une génération plus tard, les promoteurs de la technologie revendiquent sa mission civique, au service d’un espace public de la technique, ouvert, fluide, harmonieux.
12Dans ce contexte, l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert a constitué une référence majeure de la technologie et a défini à la fois un mode de hiérarchisation des savoirs, entre mondes savants et univers artisanal, une forme d’appropriation de l’intelligence technique dont les artisans étaient dépositaires et une vision inclusive des activités humaines qui sous-tend l’ambition de la technologie générale au tournant des xviiie et xixe siècles et la refonte de l’organisation productive28. Elle participe, à ce titre, de tentatives visant à cartographier la production artisanale afin de l’intégrer à un corpus de connaissances accessibles, tel le projet colbertiste des Descriptions des arts et métiers qui s’achève au début des années 178029 et qui poursuit la filiation des réductions en arts, à la différence du classement alphabétique (novateur) de l’Encyclopédie30, mais aussi de l’Anleitung de Beckmann en 1777.
13Au fil de ces centaines de pages de descriptions de savoir-faire produites depuis l’Ancien régime, émerge ainsi l’ambition d’une véritable science de la production : la technologie en tant que discipline autonome, construite par les mondes savants, nourrie également de participations artisanales comme l’attestent des études récentes31. Mais la technologie n’obtient de reconnaissance que dans l’Europe germanique, où sont créés des enseignements universitaires, alors qu’en France l’hégémonie de la science académique laisse peu de chance à une émancipation des sciences de l’activité humaine32.
L’avènement d’une discipline : la technologie beckmanienne
14Dès 1777, Johann Beckmann, caméraliste alors en poste à l’université de Göttingen, envisage la possibilité d’une véritable formalisation de la production technique33. Les vingt-trois volumes de sa Physikalisch-ökonomische Bibliothek, publiée après 1770, achèvent de le convaincre qu’il est nécessaire de pousser à la création d’une véritable discipline, et il fait paraître en 1806 son Entwurf der algemeinen Technologie.
15Le cadre est celui de l’essor des sciences camérales, une « trilogie » selon Guillaume Garner, réunissant « l’économie (comme science de la gestion de la richesse des personnes privées ou des ménages), la science des finances publiques et la “science de la police”, qui synthétise et organise le savoir universitaire nécessaire à la formation des administrateurs des États territoriaux de l’Empire34 ». À l’université de Halle, dotée d’une première chaire de sciences camérales en 1727, se développe un enseignement visant la connaissance des ressources artisanales et manufacturières, participant non seulement des comptes de la puissance, mais aussi de la recherche de la « félicité temporelle » des sujets, comme pierre angulaire de la félicité générale, sous l’égide d’« un appareil gouvernemental et administratif ». C’est le sens des manuels et traités qui paraissent dans ce contexte, tel celui de Christian Wolff, Philosophie logica sive rationalis, de 1728, qui définit et instaure la technologie comme « discours rationnel sur la technique » et lui assigne « une place dans l’ensemble des sciences exactes », rompant ainsi avec le sens hérité de l’Antiquité de rhétorique des arts35. Dans un deuxième temps, l’extension de la statistique, au milieu du siècle, intègre les enquêtes sur l’artisanat, les manufactures et les fabriques, c’est-à-dire la « connaissance plus exacte des capacités productives de la monarchie », « au-delà des finalités fiscales », et contribue à asseoir la technologie comme science académique, en particulier dans le sillage de la « statistique universitaire », « implantée à Göttingen à partir de 1748 par Gottfried Achenwall », soit « une science descriptive de la “puissance des États”, essentiellement destinée aux futurs serviteurs des États36 ». On ne doit pas pour autant penser à un mouvement de rationalisation gouvernementale en Allemagne37. L’essor de la technologie est à relier à « l’originalité de l’administration caméraliste », formée d’experts gérant de multiples aspects de la vie économique (et non seulement de théoriciens du droit), à la manière de ceux décrits pour les mines38. Ces experts participent à l’exigence étatique de recensement des ressources, de conformation des savoir-faire et de recherche des moyens d’économie.
16Dans ce contexte, Johann Beckmann, qui a étudié les sciences camérales à Göttingen entre 1759 et 1762, puis a accompli des voyages en Hollande, en Russie et en Suède au cours desquels il a visité des ateliers et des mines – « à la manière d’un naturaliste », selon Guillerme et Sebestik –, publie l’Anleitung zur Technologie en 1777, après être devenu professeur de sciences camérales à Göttingen en 176639. Son projet, une classification naturelle des métiers suivant « l’égalité ou la similitude des procédés » ne trouve pas d’aboutissement réel en 1777, l’Anleitung reprenant les descriptions classiques des arts et métiers40. C’est dans l’Entwurf der algemeinen Technologie, paru en 1806 dans le contexte de la réforme de la statistique en Prusse qui vise une uniformisation des enquêtes sous l’égide d’un Bureau de statistique en 180541, que Beckmann innove. Il explique que « nombre de métiers, aussi différents que soient leurs matériaux et leurs produits, ont à exécuter des opérations diverses en vue d’un même but ; ou savent atteindre le même but de façons très différentes » : « Le rabotage, technique du menuisier ; le polissage, technique du polisseur de glaces ; battre le livre, technique du relieur ; presser les toiles ; calandrer le linge ; toutes ces opérations, aussi différentes qu’elles paraissent et aussi différentes qu’elles soient en réalité, n’ont qu’un but, à savoir le lissage des corps, même si bien des opérations réalisent plus d’un but à la fois, mais je ne veux pour l’instant pas encore m’attarder sur ce point. » Élargissant la portée des anciennes réductions en art, le technologue entend « dresser un catalogue de tous les buts poursuivis par les artisans et les artistes au cours de leurs diverses opérations, ainsi qu’un catalogue de tous les moyens par lesquels ils savent atteindre chacun de ces buts. Je dénommerais un pareil catalogue la technologie générale ». Ainsi est ébauchée une théorie générale des opérations, transversales aux métiers, fondée sur un langage d’action resserré sur des verbes qui structurent l’essai de Beckmann : vingt-trois opérations fondamentales sont listées, dont les deux premières, lisser et fragmenter (couvrant respectivement dix-neuf et trente et une opérations analogues) constituent l’essentiel du traité42. L’enjeu est de faciliter l‘invention43, en particulier chez les artisans qu’il s’agit, selon Beckmann, de guider vers des transpositions innovantes : « Ceci aiderait les artistes et les artisans à acquérir des notions générales et solides sur les objets qu’ils travaillent et sur les procédés usuels qu’il faut suivre, et à leur garantir au moins une orientation qui pourrait guider les esprits inventifs vers de nouveaux perfectionnements utiles. »
17Le fondement de la pensée de Beckmann réside dans l’analogie entre l’étude des plantes – la phytologie – et l’étude des techniques – la technologie44 : tout comme l’histoire naturelle permet d’accroître les bénéfices tirés des produits de la terre, une connaissance aboutie des pratiques productives doit permettre de faire fructifier l’industrie. En ce sens, dès les premiers temps de la technologie beckmanienne, l’ambition économique et étatique est déterminante : maîtriser les procès de production artisanaux, puis industriels, garantit au gouvernement une source de revenus fiable (puisque la taxation peut enfin être fondée sur un savoir validé et reproductible), tout en laissant espérer la possibilité d’un développement futur profitable. Ainsi, l’analyse et la codification savante des savoir-faire artisanaux constituent un projet spécifique, au cœur des ambitions marchandes et gouvernementales de la fin du xviiie siècle, ce qui se traduit par une ambition théorique d’unification de la production. Beckmann propose une description érudite du geste artisanal en termes opératoires, déclinée à partir de l’opération primaire que constitue la fragmentation45.
18Dans le sillage du caméralisme, la technologie est instituée dans les universités allemandes afin d’instruire les administrateurs des méthodes d’enquêtes sur la richesse de l’État. Si la diffusion vers un public plus large est bien envisagée par les technologues allemands, ainsi dans les écoles municipales dans le but d’éclairer les artisans sur leurs pratiques, comme le souligne Joost Mertens, la dimension administrative reste prédominante.
19C’est en France que la visée pédagogique d’une technologie à l’usage des classes laborieuses s’affirme, alors que son instauration comme discipline reste cantonnée aux marges des sciences instituées. Bien que les ambitions de rationaliser la production ne soient en rien étrangères à la monarchie française, que la politisation de l’invention ait conduit à des plans de réforme nationaux visant l’uniformisation des façons et la modularité des fabrications, que cela se soit accompagné d’une inflation de mémoires et de traités technico-économiques produits par un public mêlé d’administrateurs et d’entrepreneurs, le concept d’une science technologique ne s’impose que par la médiation de passeurs, tel Jean-Henri Hassenfratz, et dans l’espace des sociétés savantes révolutionnaires, tel le lycée des Arts de Charles-Emmanuel Gaullard-Desaudray, fondé en 1792, dans le contexte de la naissance du droit des inventeurs et des projets d’émancipation des artisans face à la science académique46. C’est dans ces milieux novateurs, qui rencontrent parfois les ambitions du pouvoir central – ainsi Jean-Antoine Chaptal, fondateur de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale en 1801 –, que se déploie la technologie en France. Le directeur du Conservatoire royal des arts et métiers Gérard-Joseph Christian publie en 1819 un Plan de technonomie aux ambitions tout à fait beckmaniennes47. L’abbé Louis-Sébastien Lenormand insiste dès 1822 sur la dimension analogique de la technologie48. Dans sa classification des sciences publiée en 1834, André-Marie Ampère prend bien soin de faire figurer la technologie aux côtés de la physique générale et de la géologie, en tant que véritable science de l’utilité technique49.
20On voit alors se constituer parallèlement deux perceptions du devenir de la technologie. D’une part, l’ambition civique de la technologie est caractéristique de son acception en France. Comme l’industrie50, la technologie revêt un sens politique fort. Pour Louis-Sébastien Lenormand, aussi inspecteur des salpêtres et devenu professeur de technologie à l’École centrale d’Albi puis auteur du Dictionnaire technologique, d’une série de manuels et actif collaborateur à la presse technique naissante (les Annales des arts et manufactures), la technologie est fille de la Révolution, du serment du Jeu de paume, de l’abolition des privilèges et des corps de métiers51. Elle appartient au processus d’émancipation juridique des artisans, de « désincorporation des métiers » selon l’expression d’Alain Cottereau52. La possibilité de penser les activités humaines au-delà des divisions héritées des corps de métiers, d’instituer l’« espace de la technique53 » est indissociable du projet politique révolutionnaire. C’est pourquoi l’éducation des classes industrieuses est au cœur de la technologie en France. Guillerme et Sebestik avaient pointé l’enjeu pédagogique de la technologie chez Gaspard Monge, chez Chaptal, partisan d’une « évangélisation technographique », chez Christian. Le but est d’inciter les artisans à comparer et à transposer les procédés entre les métiers pour développer leur génie inventif et servir la Nation – par l’invention et par la concorde sociale que promettent ces décloisonnements. Le Dictionnaire offre ainsi une synthèse des tâches artisanales, dont il propose un classement opératoire54. Cette technologie se déploie en France à travers l’essor d’un marché éditorial et de la presse – une production d’ampleur dont l’étude reste à approfondir55. On pourrait compléter par l’évocation d’institutions, comme la Société d’Encouragement pour l’Industrie nationale, dont l’ambition de s’ouvrir aux propositions des inventeurs sans exclusive, accompagne une conception large et éclectique de l’invention, « création de procédés, de produits, de perfectionnements, brevetés ou non56 ». Ce courant s’essouffle cependant au milieu du xixe siècle. La technologie devient un synonyme de la terminologie, ou d’une forme abâtardie – en tous les cas moins rigoureusement définie – d’une taxinomie particulière57.
21D’autre part, une nouvelle acception du terme s’impose. Dès 1840, Léon Lalanne, polytechnicien, envisage la technologie comme une « introduction à la mécanique industrielle58 ». Cette entreprise de formalisation des savoir-faire, se déportant parfois jusqu’à la classification pure et simple, se déplace progressivement de la connaissance des arts à la science appliquée à l’industrie : en de nombreux points, la culture technique artisanale quitte le devant de la scène au profit des moyens de l’entrepreneur d’industrie, dont le rôle s’affirme au niveau juridique, économique, scientifique et technique.
22Juridiquement, depuis au moins un siècle, à mesure que s’affirment les entreprises, l’innovation se détache de l’univers collectif où les corporations la maintenaient pour intégrer un système de protection individuelle du droit d’inventeur59. Économiquement, la segmentation des tâches favorise le contrôle de la production par la concentration des capitaux. Du point de vue savant, la quantification des matériaux et procédés artisanaux s’avère indispensable à l’organisation d’un marché national, puis global : en 1806, la mise au point par le chimiste rouennais Descroizilles d’une technique permettant de doser la « force de la soude » permet de produire un étalon à partir duquel chiffrer la qualité des produits vendus, et donc de rendre des productions géographiquement éparpillées commensurables60. Techniquement, la maîtrise du procès de fabrication se déporte progressivement des « savoirs corps » selon l’expression de Catherine Lanoë61, « construits et mobilisés par l’artisan », vers sa formalisation par le technologue, puis l’ingénieur et se trouve à terme, dans certains secteurs, intégrée dans une chaîne de production mécanisée. La pluralité des mondes de production qui marque le monde industriel, sur le long terme n’exclut pas les rapports de domination ni les conflits62.
23C’est à cette « science toute moderne » de la technologie que Marx s’en prend dans Le Capital. La technologie pour Marx se donne pour principe de « dissocier tout procès de production », « sans aucun égard pour la main humaine en ses éléments constitutifs », et de mettre à nu les « quelques formes fondamentales du mouvement selon lesquelles, malgré toute la variété des instruments utilisés, toute action productive du corps humain procède nécessairement63 ». De même, tout mouvement d’une machine, aussi complexe soit-il, se réduit à la « répétition perpétuelle de puissances mécaniques simples ». La technologie, en ce sens, fait écho au principe d’abstraction du travail ; elle repose sur la réduction du « caractère déterminé de l’activité productive » en une seule « dépense de force de travail humaine », en « travail moyen simple64 ». Ce « travail humain abstrait », l’unité de mesure de la valeur d’échange, à laquelle toutes les choses, aussi différentes soient-elles, peuvent être réduites, est quantifiable en « fractions de temps ».
24Cette acception n’est en rien nouvelle au milieu du xixe siècle. Jérôme Baudry a montré que la mise en place des brevets d’invention à partir de 1791 s’accompagne du pouvoir renouvelé des hommes de science sur l’écrit technique, faisant une place croissante au formalisme et excluant toute restitution des gestes, des usages et des contextes de travail, non sans tension avec la technologie de type encyclopédiste, « inclusive », mise en valeur par Joost Mertens65. Mais c’est l’Angleterre qui constitue le terreau de la réflexion de Marx66. Les progrès de la grande industrie et la recherche des gains de productivité confortent cette tendance, comme l’illustre le tournant pris par la science technologique dans les années 1830. Si le mot technology est rarement employé à cette période pour désigner la science de la technique, les termes philosophy et economy y suppléent, par exemple chez Charles Babbage, On the Economy of Machinery and Manufactures, en 1832, et Andrew Ure, Te Philosophy of Manufactures. An Exposition of the Scientific, Moral, and Commercial Economy of the Factory System of Great-Britain, en 1835. L’économie politique anglaise, née de la question des machines devenue cause nationale face aux résistances ouvrières67, recouvre non seulement une « économie morale du système automatique », comme le dit Ure68, mais aussi une théorisation de la technique qui se donne pour but d’abstraire le travail en opérations, transférées des humains aux machines, programmées et combinées à l’envi, agencées, disposées en vue du meilleur rendement. En ce sens, la technologie « commence au moment où l’homme et la machine échangent leurs fonctions69 ». « Libéralisme intégral » pour Jan Sebestik70, « utopie automatique » pour Joost Mertens71, la technologie de Ure décompose les opérations en vue de leur mécanisation généralisée et de l’éviction du travail humain72. Ainsi, dans le Dictionary of Arts, Manufactures, and Mines qu’il publie à partir de 1839, Ure fait-il silence sur l’agriculture, l’artisanat, les transports, la distribution et le commerce, mais aussi sur l’ingénierie civile et mécanique73. Ure liste les procédés et c’est dans ce seul cadre opérationnel que sont décrits les équipements et les produits.
25Le sens de la technology comme science des arts s’est perdu, et le terme lui-même s’est effacé en Angleterre. Pourtant, une tentative de création d’un cours de technology a lieu à Edinburgh, par l’universitaire George Wilson en 1855, directeur du Musée industriel d’Écosse74, au moment où Bennet Woodcroft lance l’idée d’un musée des inventions, dans le sillage de la Grande Exposition et dans le contexte de la défense des droits des inventeurs lors de la controverses des patents75. La technology, ce mot « si peu familier aux oreilles anglaises76 » comme le dit Wilson dans son adresse inaugurale « What is technology ? », trouve difficilement sa place dans le contexte universitaire local. Wilson, tout en s’élevant contre l’expression « applied science » (« une circonlocution maladroite pour art ou pratique77 »), s’évertue à rassurer les tenants de la science académique que les disciplines ne se concurrenceront pas. Mais dès sa mort en 1859, le cours est supprimé.
26C’est donc l’approche analytique visant à mesurer le travail (des humains, des animaux, des machines) qui progresse. À mesure que l’industrie mécanique se déploie, la technologie s’intéresse davantage aux machines. L’évolution est générale en Europe. En 1897, Alfred Espinas, sociologue élève de Comte et inspirateur de Nietzsche, publie Les origines de la technologie, où il questionne les racines de l’engouement pour la science de la production78. La science opérative s’affirme, en lien étroit avec la mécanisation industrielle, et se perd ainsi un rameau de la technologie, une source et même un « commencement ».
L’évanescence technologique : la « techno-science »
27En 1873, le polytechnicien Charles Laboulaye pense que ces diverses sciences ont suffisamment progressé pour servir de base à son projet de technologie générale79. On se situe alors à la frontière d’une évanescence épistémologique, dont Jacques Guillerme et Jan Sebestik ont eu l’intuition première80.
28Le xixe siècle est celui d’où émerge l’empire de la science81 – la science (désormais dite « de la nature ») étant le nouveau nom de ce que l’on appelait jusqu’alors philosophie naturelle : elle désigne la production de savoirs expérimentaux, formalisés et mathématisés, que l’on oppose dès lors à la connaissance morale et métaphysique. Alors que la philosophie naturelle était jadis souvent pratiquée par quelques aristocrates ou religieux férus d’astronomie, de botanique ou d’alchimie, la science, telle qu’elle se déploie au cours du siècle des révolutions, devient production massive de faits à partir de machines82. fille des progrès de l’instrumentation et du calibrage industriel et militaire, la science contemporaine met au jour et formalise les lois qui régissent le fonctionnement du réel. Ce savoir nouveau est ancré, réticulé et rattaché à un gigantesque dispositif matériel, dont la pointe extrême n’est autre que le laboratoire (qu’il soit industriel ou d’État) sans lequel il ne peut exister. Cette mise en science de phénomènes jusque-là non questionnés concerne autant les lois de la physique que celles de la chimie, et donc des processus aussi divers que le mouvement des astres ou la fermentation de la bière. Pour le dire autrement, le déploiement de l’empire de la science se fait en lien étroit avec l’industrie, et concerne aussi bien les questions naturelles qu’humaines : il s’agit de codifier l’ensemble du réel, du rayonnement électromagnétique au savoir-faire des brasseurs en passant par la reproduction des poissons. Ce qui s’invente et se déploie alors de façon inédite, d’un point de vue tant social que lexicographique83 prend ses racines à la fois dans un milieu savant et académique en constitution, tout autant que dans les préoccupations industrielles qui génèrent un dynamisme expérimental sans précédent.
29Or, le basculement du sens ancien au sens contemporain du terme technologie date précisément de ces années, aux alentours de 185084. Le passage d’un terme qualifiant un discours sur les techniques à un mot-valise englobant les procédés industriels autant que leurs produits est l’indice exact de la recomposition matérielle et sociale qui s’opère au cœur du long xixe siècle : là où les techniques subsumaient savoir-faire et outils, la technologie rassemble désormais procédures industrielles et produits matériels.
30C’est ainsi que chez Émile With, la technologie est définie en 1858 comme la « science des applications industrielles85 », qu’Alphonse Salvetat lui consacre un Cours de technologie chimique86 en 1874, et qu’en 1886, pour B. Fallot, répétiteur de technologie à l’École d’agriculture de Montpellier, elle « embrasse l’ensemble des industries qui transforment les matières premières87 ». La signification disciplinaire du terme se perd peu à peu, et son emploi dans les titres d’ouvrages à portée industrielle ou savante se multiplie au contraire88. Si la technologie est désormais à visée industrielle, c’est parce qu’elle est à la fois machinique (et en ce sens, issue de la technologie de l’ingénieur) et procédurale (puisque aussi issue de la technologie des artisans-entrepreneurs), deux aspects qui forment le cœur du nouveau sens de la technologie.
31Émergeant à l’aube de la seconde moitié du xixe siècle, le sens contemporain de la technologie peut enfin apparaître consistant, dans la mesure où l’on comprend désormais pourquoi il ne fait plus référence au logos antique, mais à la « -logie » propre aux sciences modernes, en tant qu’elles sont d’emblée production de faire à partir de machines et procédés89. La technologie n’est donc plus un discours sur la technique, mais une rationalisation scientifique de la technique devenue techno-science, ce qui se traduit par une formalisation des savoir-faire à une échelle sans précédent et par le déploiement de dispositifs techniques de taille incomparable à celle des activités qui avaient cours au sein des communautés de vie et de travail jadis plus restreintes. Dès lors, il est clair que la techno-logie ne peut plus être qu’à la marge « discours sur la technique », et qu’elle se recompose matériellement et concrètement en production conjointe de techniques et de science.
32Par ailleurs, si l’avènement de la technologie est rendu possible par cette double transformation (des savoir-faire en procédés, des outils aux machines90), celle-ci ne peut s’opérer qu’au travers de la concurrence de l’atelier par la manufacture puis l’usine. Là où la techno-logie perd son sens de « discours sur les savoirs de l’atelier » pour devenir « science de la machine », l’éco-nomie quitte l’arène du foyer91 et du bon gouvernement92 – de la police, au sens de la gestion publique – pour devenir « loi des marchés93 » – une évolution en germe de longue date, comme l’illustrent les tensions autour du concept d’équilibre économique dès le xviiie siècle94. La technologie et l’économie – comme science économique – qui ont cheminé de concert dans le passé, ainsi dans l’espace caméraliste, acquièrent leur sens contemporain à quelques décennies d’écart, leur conférant une dimension macrosociale inédite (mondialisée, entend-on parfois aujourd’hui) désormais matérialisée par la puissance acquise par les entreprises et les entrepreneurs.
La technologie, phénix épistémologique ?
33Pourtant, même si le sens commun définit désormais la technologie comme un mélange de science et d’industrie, l’ancienne signification du terme perdure, et ressurgit parfois de façon inattendue au cours des décennies suivantes.
34Des études récentes mettent en valeur le rôle des collectionneurs et des conservateurs dans l’intérêt renouvelé pour la technologie comme science des arts, à partir d’entreprises de collecte et des questions posées par les classifications. Dès 1852, le général Augustus Henry Lane-Fox Pitt Rivers propose une typologie des nombreux objets rapportés de ses voyages coloniaux puis rassemblés à Oxford au sein du musée qui porte aujourd’hui encore son nom95. Face à la difficulté d’un classement rationnel des outils, il importe le concept de tendance morphologique (i.e. lignée artefactuelle) de l’évolutionnisme biologique, afin de pallier l’absence de données chronologiques.
35Cette entreprise est indissociable de la place prise dans les expositions universelles par les techniques traditionnelles, européennes ou non. Si la nouveauté est un critère de modernité des produits et des savoirs, celle-ci s’accompagne d’un intérêt croissant pour les rétrospectives ou pour les objets « archaïques » dont l’une des fonctions est de souligner le chemin parcouru par l’humanité et de glorifier les réalisations occidentales. Dès 1867, le musée de l’Histoire du travail répond à cette ambition : « chaque pays, au sein de sa section, est invité à adopter un regard rétrospectif qui mêle généralement objets anciens – historiquement datés et situés –, objets traditionnels sans date et objets primitifs attachés à un passé lointain et indéterminé96 ».
36Cette intention va de pair avec une entreprise de classement des objets via la comparaison qui sous-tend la naissance des sciences de l’homme : « avec le développement des recherches relatives à l’archéologie des temps préhistoriques, le recours à la comparaison avec les artefacts et les observations recueillis par les voyageurs chez les peuples “sauvages” paraît un excellent moyen pour tenter d’interpréter les plus anciens vestiges découverts un peu partout en Europe97 ». Rappelant l’inauguration du musée des Antiquités nationales à Saint-Germain-en-Laye en 1867, en même temps que la présentation de la Galerie de l’histoire du travail, sur le Champ de Mars, Pascal Riviale évoque le catalogue de 1867 promouvant la nécessité de « faciliter la comparaison des produits du travail de l’homme aux diverses époques et chez les différents peuples » pour favoriser tant « la pratique des arts » que « l’étude de leur histoire ». La comparaison des produits et des procédés, clé de voûte de la pensée technologique, est érigée en méthode au service des sciences de l’homme.
37On pourrait étoffer ce contexte par les recherches récentes sur l’amiral Pâris à la direction du musée de la Marine du Louvre ; sa sensibilité visuelle, son goût du dessin, son penchant pour la comparaison, l’ont conduit à reproduire les embarcations observées lors de ses voyages lointains et à en exposer des maquettes dans le musée, visant une science nautique censée « déduire quelques axiomes de l’étude des objets nautiques lointains dans le temps et dans l’espace98 ». Dans les années 1880, suite à la fondation du musée du Trocadéro, l’activité de Pâris au Louvre atteint son apogée, avec l’ambition de réaliser un musée des techniques universaliste, unifiant la navigation traditionnelle, la marine générale, l’industrie et les grands travaux. Un projet de technologie générale s’exprime, comme l’atteste le refus de Pâris de se séparer des outils liés aux navires. La volonté de créer un lieu d’exposition, de conservation, d’enseignement, y compris en direction de la jeunesse, de construction même, va aussi dans ce sens – la polyvalence étant la marque des hauts-lieux de la technologie, tel que le Conservatoire des arts et métiers.
38Au même moment, l’Exposition rétrospective du Travail et des Sciences anthropologiques, en 1889, cherche à restituer les évolutions de l’outillage dans la palette des activités humaines, en écho avec les salles du Conservatoire « mises en place ou réaménagées par [Aimé] Laussedat [directeur] au cours des années 1880 : agriculture, filature et tissage, arts graphiques et photographie, physique, céramique et verrerie, constructions civiles99 ». Marie-Sophie Corcy rappelle que « l’Exposition rétrospective reposait sur une construction intellectuelle bien différente des critères adoptés par les industriels, fabricants et constructeurs pour organiser leurs stands ». Les savoir-faire et l’artisanat retrouvent un droit de cité. L’étude récente des collections ferroviaires au Conservatoire des arts et métiers révèle que le choix de l’institution se porte vers les logiques de qualité et d’amélioration incrémentielle, à la croisée de différentes filières100. L’éclectisme du Conservatoire, son ambition encyclopédique, en font le lieu par excellence de mise en lumière des interrelations, des convergences et des analogies qui permettent à un secteur neuf, de se constituer par hybridations, emprunts et transferts. Devenue ardente défenseure des sciences appliquées, via son haut-enseignement, l’institution maintient – à travers ses collections – une vision inclusive des techniques.
39Il reste encore à étudier d’une part, les interférences entre les enjeux sociaux et épistémologiques de ces collections (y compris celles des amateurs) et d’autre part, les résonances entre la « technologie descriptive » des collectionneurs, qui nourrit l’ethnographie au xxe siècle – et l’utopie de décrire le kaléidoscope de « la technique vécue et pragmatique101 » – et la « technologie théorique » – selon la distinction de François Sigaut102. Celui-ci signalait l’impasse de la « technologie théorique », tendant à se réduire à une étude cinématique des mécanismes, une algèbre du mouvement, par une mathématisation qui ne permet plus de comprendre les moyens intellectuels et matériels investis dans les techniques. Via les collections, la technologie renoue avec le versant descriptif et intègre ainsi l’histoire. Les théories technologiques d’André Leroi-Gourhan peuvent être considérées comme héritières de ces préoccupations : ethnologue et paléoanthropologue, il insiste sur la nécessité d’une étude scientifique des techniques103. Par ailleurs, Marcel Mauss et son élève André-Georges Haudricourt mobilisent eux aussi la technologie comme une science humaine s’adressant aux techniques104. À cette lignée appartient François Sigaut, défendant l’importance du concept dans l’optique de l’élaboration d’un corpus de connaissances s’attachant à décrire finement les gestes et actes techniques105.
40Qu’en est-il de la « technologie théorique » ? Au-delà des collections – et les liens éventuels seraient à questionner – se tient le rôle de la pensée critique du machinisme et de l’économie capitaliste, qui s’exprime à nouveau de façon ambivalente.
41Il existe un courant attentif à la part d’humanité inscrite dans la machine, ayant foi dans une société technicienne qui libérerait l’homme des tâches auxiliaires et l’autoriserait à créer de nouvelles relations avec les individus techniques. On ne reprendra pas le travail collectif récent106, juste à rappeler que l’ambivalence persiste : la métaphore organiciste d’une société fonctionnelle chez les saints-simoniens par exemple, est emplie des virtualités que recèlent les machines, et ne signifie donc pas nécessairement une dépersonnalisation des êtres humains dans une grande machinerie sociale107. La clé du raisonnement réside dans la communication, dans la capacité de l’organisation technique à accroître l’information, l’interaction et la régulation, donc à construire les individus108. En arrière-plan de la vision machinique du social se tient notamment « l’optimisation des systèmes techniques et des réseaux109 ». La pensée des socialistes face aux techniques permet de penser l’objet dans ses possibles et jette les bases d’une réflexion sur les techniques au sein de la science sociale naissante, construisant une technologie socialiste à part entière – « une épistémologie qui reconnaît des continuités entre le travail humain et le travail des moteurs » selon John Tresch110. Cette ontogenèse des machines est la condition de pensée de l’humain dans la société technicienne considérée comme une société de communication, d’information et d’association – une pensée du réseau informationnel, centrale chez Simondon111.
42Sur le long terme, la recherche de principes n’est pas exclue, ce qu’atteste également l’œuvre de Jacques Lafitte, ingénieur-architecte, apologue d’une société « technomorphe » et l’auteur de Réflexions sur la science des machines112 (1911, publiées en 1932). Selon Lafitte, loin de recouvrir l’étude des lois du mouvement, c’est-à-dire des phénomènes dont les machines sont le siège, la science des machines se donne pour but l’étude des machines comme phénomènes en soi113, une ontogenèse immergée dans la société : « les causes qui déterminent les variations dans l’organisation des machines sont d’ordre social ». En somme, « la mécanologie est une science sociale », comme « science des corps organisés par l’homme ». C’est pourquoi, signale Ronan Le Roux, Lafitte peut revendiquer dans la Revue de synthèse en 1933114 : « Il est peu d’objets dont l’entière connaissance suppose, à tel point, l’application simultanée de toutes les disciplines scientifiques. [La] connaissance des techniques, et partant des machines, suppose une synthèse intégrale du savoir et des facultés humaines. » Membre du Centre d’Études cybernétiques dans les années 1950, il participe des espoirs d’une « théorie générale des machines », non sans emprunter « un prisme biologique115 ». Mais d’autres bifurcations interviennent dans la science des machines, entre la France et l’Allemagne comme le signale Vincent Bontems : « tandis que la tradition hexagonale, représentée en premier lieu par Jacques Lafitte et Julien Pacotte, va demeurer fidèle à l’objectif d’analyse systématique du fonctionnement des machines, la majorité des théoriciens allemands va comprendre la technique comme une application de la rationalité abstraite et du calcul116 », ouvrant sur une techno-phobie devenue célèbre. Dans l’Hexagone, une filiation de long terme s’est établie entre la réflexion « technophile critique », courant de Jacques Lafitte et son espoir en un « machininisme libérateur117 », aux cybernéticiens et à Gilbert Simondon118, en passant par « la technologie, science humaine » dans la lignée de Mauss et d’Haudricourt. Si le sens donné à la technologie par Simondon (la dimension réticulaire et transductive des techniques)119 et celui qu’il revêt chez Haudricourt (la science des techniques) ne se recoupent pas, un humanisme technologique unit ces penseurs et fait leur originalité. En 1967, de nombreux spécialistes des techniques120 sont sollicités pour faire le point sur la création d’un enseignement de technologie pour les collèges de la fonction publique. Cette initiative résonne avec les tentatives actuelles de promouvoir « un humanisme inédit », qui « ne méconnaîtrait plus la part d’humanité qui se trouve dans les objets techniques121 », « humanisme difficile » défini par Jean-Hugues Barthélémy comme « un dépassement systématique de toutes les alternatives classiques entre thèses », notamment « entre humanisme et technicisme122 ».
43Une lecture critique de la technologie comme savoir des techniques s’est poursuivie en parallèle. Jacques Ellul, qui s’inscrit aussi en faux contre les définitions techniciennes de la technologie, qualifie celle-ci d’étude et de discours sur les techniques. Selon lui, « une culture technicienne est essentiellement impossible123 », car elle céderait alors aux sirènes des thuriféraires de l’innovation à tout crin. Dans une veine similaire, bien que davantage érudite, Jean-Jacques Salomon retrace une partie de l’héritage qu’il nomme « paléotechnologique » pour aboutir à l’acception contemporaine de la technologie au sens de « l’association étroite entre la recherche scientifique et la production industrielle de l’innovation technique124 ». Ce parcours historiographique est pour lui l’occasion d’insister sur le fait que l’entreprenariat industriel contemporain, pesant largement sur le devenir (le « destin » selon ses termes) des sociétés, doit se doter d’un discours afin de légitimer ses pratiques, idéologie qui se manifeste sous la forme d’une technologie.
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44Si l’on ne saurait restituer une cohérence a posteriori entre ces divers courants qui tentent chacun, en leur limite, de constituer une technologie idiosyncratique, on ne peut qu’inciter à prolonger leurs analyses et à comprendre les interférences, les formes d’ignorance mutuelles ou les incompréhensions, aussi bien dans l’Hexagone qu’à l’échelle internationale125. Le travail reste donc à poursuivre. Espérons que cet ouvrage puisse in fine participer à l’élucidation des conditions de possibilité et d’impossibilité d’une compréhension des techniques, tout autant qu’à démasquer les impostures idéologiques ayant historiquement empêché de saisir ce que les techniques sont, et ce qu’elles nous font être.
Notes de bas de page
2 Sigaut François, « Préface. Haudricourt et la technologie », in André-Georges Haudricourt, La Technologie, science humaine. Recherches d’histoire et d’ethnologie des techniques, textes édités par François Sigaut, Paris, MSH, 1988, p. 9-34 [p. 9].
3 Guillerme Jacques, Sebestik Jan, « Les commencements de la technologie », Thalès, 1968, rééd. Documents pour l’histoire des techniques, 14, 2008, p. 49-122.
4 Beckmann Johann, Entwurf der algemeinen Technologie, Vorrath kleiner Anmerkungen über mancherley gelehrte Gegenstände, vol. 3, Göttingen, Johann Friedrich Röwer, 1806.
5 Guillerme J. et Sebestik J., « Les commencements de la technologie », op. cit., p. 72.
6 Beckmann Johann, Anleitung zur Technologie, oder zur Kentniß der Handwerke, Fabriken und Manufacturen, vornehmlich derer, welche mit der Landwirthschaft, Polizey und Cameralwissenschaft in nächster Verbindung stehn, Göttingen, Wittwe Vandenhoeck, 1777.
7 Vérin Hélène, « La technologie : science autonome ou science intermédiaire ? », Documents pour l’histoire des techniques, 14, 2007, p. 134-143.
8 Schatzberg Eric, « Technik Comes to America : Changing Meanings of Technology before 1930 », Technology & Culture, 47-3, 2006, p. 486-512.
9 Ibid., p. 511-512.
10 Lamouroux Christian (dir.), dossier « Travail et savoirs techniques dans la Chine prémoderne », Revue de synthèse, 131-2 et 131-3, 2010 ; Jami Catherine, Engelfriet Peter M., Blue Gregory (dir.), Statecraft and Intellectual Renewal in Late Ming China : the Cross-Cultural synthesis of Xu Guangqi (1562-1633), Leyde, Brill, 2001 ; Bray Francesca, Dorofeeva-Lichtmann Vera, Métailé Georges (dir.), Graphics and Texts in the Production of Technical Knowledge in China. Te Warp and the Weft, Leyde, Brill, 2007 ; Schäfer Dagmar, Te Crafting of the 10,000 Tings. Knowledge and Technology in Seventeenth-Century China, Chicago, University of Chicago Press, 2011 ; Schäfer Dagmar (dir.), Cultures of Knowledge : Technology in Chinese History, Leyde, Brill, 2012 ; Bray Francesca, « Chinese literati and the transmission of technological knowledge : the case of agriculture », in Dagmar Schäfer (dir.), Cultures of knowledge, op. cit., p. 299-327 ; Francesca Bray, « Science, technique, technology : passages between matter and knowledge in imperial chinese agriculture », British Journal for the History of Science, 41, 2008, p. 319-344 ; Moll-Murata Christine, Song Jianze, Vogel Hans Ulrich (dir.), Chinese Handicraft Regulations of the Qing Dynasty : Teory and Application, iudicium Verlag GmbH, 2005.
11 Ce livre est issu de plusieurs recherches collectives. Ce sont d’une part, celles menées dans le cadre d’un projet de l’Institut des Humanités de Paris (université Paris Diderot-Paris7), 2012-2013, « La technologie, science humaine », au sein duquel a été finalisée la traduction de l’Entwrf der algemeinen Technologie, par Joost Mertens, avec la collaboration de Guillaume Carnino et de Jochen Hoock. Le projet s’est clos par un colloque, « La technologie, savoir d’État. Regards croisés entre caméralisme allemand et bureaucratie chinoise » (université Paris Diderot-Paris 7, 16 décembre 2013). D’autre part, ce volume s’est nourri de contributions issues de la journée d’étude, dans le cadre du 40e anniversaire de l’EHESS, « La technologie, science humaine (Europe et États-Unis, xixe-xxie siècles) : rencontre et ignorance » (EHESS, 5 juin 2015).
12 « Et erat primi libri sermo non alienus a Scaevolae studiis, reliqui libri technologian habent, ut scis. Huic ioculatorem senem ilium, ut noras, interesse sane nolui » (« Enfin le sujet du premier livre rentre tout à fait dans le genre de ses études, au lieu que l’espèce de technologie, qui fait la matière des deux autres, ne m’a pas paru comporter la présence de ce vieillard assez enclin, comme vous le savez, à tourner les choses en ridicule »), Marcus Tullius Cicero, « Lettre à Atticus IV.16.3 », Œuvres complètes de Cicéron dans la collection des auteurs latins publiés sous la direction de M. Nisard, t. V, Paris, Dubochet, 1841.
13 Fantam Elaine, Te Roman world of Cicero’s De Oratore, Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 9, 139.
14 Liddell Henry George, Scott Robert, A Greek-English Lexicon, Oxford, Clarendon Press, 1940, art. « Technologia ».
15 Wolfejessica, Humanism, Machinery and Renaissance Literature, Cambridge, Cambridge University Press, 2004.
16 Dubourg-Glatigny Pascal, Vérin Hélène (dir.), Réduire en art. La technologie de la Renaissance aux Lumières, Paris, MSH, 2008.
17 Hilaire-Pérez Liliane, Nègre Valérie, Spicq Delphine, Vermeir Koen, « Regards croisés sur le livre et les techniques avant le xxe siècle », id. (dir.), Le livre technique avant le xxe siècle. À l’échelle du monde, Paris, CNRS Éditions (Alpha), 2017, p. 1-35 ; Hilaire-Pérez Liliane, Cordoba Ricardo, « La littérature technique », in Liliane Hilaire-Pérez, Fabien Simon, Marie Thébaud-Sorger (dir.), L’Europe des sciences et des techniques xve-XVIIIe siècles. Un dialogue des savoirs, Rennes, PUR, 2016, p. 289-296.
18 Dubourg-Glatigny Pascal, Vérin Hélène, « Rédiger et réduire en art : un projet de rationalisation des pratiques », id. (dir.), Réduire en art, op. cit., p. 22-57, p. 27.
19 Ibid., p. 22.
20 Dolza Luisa, Vérin Hélène, « figurer la mécanique : l’énigme des théâtres de machines de la Renaissance », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 51-2, avril-juin 2004, p. 7-37.
21 Guillerme Jacques, L’art du projet. Histoire, technique, architecture, textes édités par Valérie Nègre et Hélène Vérin, Bruxelles, Mardaga, 2008.
22 Brioist Pascal, Drévillon Hervé, Serna Pierre, « L’escrime à l’âge de raison », id. (dir.), Croiser le fer. Violence et culture de l’épée dans la France moderne (XVIe-XVIIIe siècle), Seyssel, Champ Vallon, 2002, p. 133-197 ; Garric Jean-Philippe, Nègre Valérie, Thomine-Berrada Alice (dir.), La construction savante. Les avatars de la littérature technique, Paris, Picard, 2007 ; d’Orgeix Émilie et Warmoes Isabelle, Les savoirs de l’ingénieur militaire et l’édition de manuels, cours et cahiers d’exercices (1751-1914), Paris, ministère de la Culture et de la Communication, 2013 ; Brioist Pascal, « La guerre et les sciences à la Renaissance », in Stéphane Van Damme (dir.), Histoire des sciences et des savoirs. De la Renaissance aux Lumières, Paris, Le Seuil, 2014, p. 110-131 ; Cossart Brice, « Traités d’artillerie et écoles d’artilleurs : interactions entre pratiques d’enseignement et livres techniques à l’époque de Philippe II d’Espagne », in L. Hilaire-Pérez, V. Nègre, D. Spicq, K. Vermeir (dir.), Le livre technique avant le xxe siècle, op. cit., p. 341-353 ; Roche Daniel, La culture équestre de l’Occident, xvie-XIXe siècle : l’ombre du cheval, t. 3, Connaissances et passions, Paris, Fayard, 2015.
23 Guillerme J. et Sebestik J., « Les commencements de la technologie », op. cit. ; Anne-Françoise Garçon, « Mais d’où vient la technologie ? Ce qu’en apprennent les écrits des philosophes européens entre le xvie et le xviiie siècle », ePhaïstos, II, 2013, p. 14-22.
24 Guillerme J. et Sebestik J, « Les commencements de la technologie », op. cit.
25 Hilaire-Pérez Liliane, « Diderot’s views on artists’ and inventors’ rights : invention, imitation and reputation », British Journal for the History of Science, 2002, vol. 35, p. 129-150.
26 Diderot Denis, L’Histoire et le secret de la peinture en cire, 1755, s. l., in-12, p. 67 (Œuvres complètes, Paris, Le Club français du Livre, 1969, vol. II, p. 782-824).
27 Hilaire-Pérez Liliane et Lanoë Catherine, « Pour une relecture de l’histoire des métiers : les savoirs des artisans en France au xviiie siècle », in Vincent Milliot, Philippe Minard, Michel Porret (dir.), La grande chevauchée. Faire de l’histoire avec Daniel Roche, Genève, Droz, 2011, p. 334-358.
28 Diderot Denis et D’Alembert Jean Le Rond, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, 28 vol., Paris, Le Breton, Durand, Briasson et David, 1751-1772.
29 Description des arts et métiers, faites ou approuvées par MM. de l’Académie royale des sciences, 1761-1782 ; Pinault Madeleine, « Aux sources de l’Encyclopédie : la Description des Arts et Métiers », thèse de l’EPHE, 1984 ; Pinault-Sørensen Madeleine, « La Description des Arts et Métiers et le rôle de Duhamel du Monceau », in Andrée Corvol (dir.), Duhamel du Monceau. Un Européen du siècle des Lumières, Orléans, Académie d’Orléans, 2001, p. 133-151.
30 Picon Antoine, « Matière et travail : la classification des arts et métiers de l’Encyclopédie », in Sylviane Albertan-Coppola, Anne-Marie Chouillet (dir.), La matière et l’homme dans l’Encyclopédie, Paris, Klincksieck, 1998, p. 235-246 ; id., « Towards a history of technological thought », in Robert Fox (dir.), Technological Change. Methods and Temes in the History of Technology, Amsterdam, Harwood, 1996, p. 37-49.
31 Nègre Valérie, L’Art et la matière. Les artisans, les architectes et la technique entre xviiie et xixe siècles, Paris, Garnier, 2017 ; Ribard Dinah, « Le travail intellectuel : travail et philosophie, xviie-xixe siècles », Annales. Histoire, sciences sociales, 3, 2010, p. 715-742 ; Belhoste Bruno, « A Parisian craftsman among the savants : the joiner André-Jacob Roubo (1739-1791) and his works », Annals of Science, 69, 2012, p. 395-411.
32 Vérin H., « La technologie : science autonome ou science intermédiaire ? », op. cit. ; Hilaire-Pérez Liliane, « Quels commencements pour la technologie ? Téories ordinaires de la technique et économie artisanale au xviiie siècle », in Emmanuel Pedler, Jacques Cheyronnaud (dir.), Téories ordinaires, Paris, Éd. de EHESS, 2013, p. 65-84.
33 Beckmann J., Anleitung zur Technologie, op. cit.
34 Garner Guillaume, « Commerce et mobilité dans la littérature administrative en Allemagne au xviiie siècle », in Albrecht Burkardt (dir.), Commerce, voyage et expérience religieuse xvie-XVIIIe siècles, Rennes, PUR, 2007, p. 41-53, p. 41 ; id., État, économie, territoire en Allemagne. L’espace dans le caméralisme et l’économie politique, 1740-1820, Paris, Éd. de l’EHESS, 2005.
35 Guillerme J. et Sebestik J., « Les commencements de la technologie », op. cit., p. 29.
36 Garner Guillaume, « État et information économique en Allemagne à la fin du xviiie et au début du xixe siècle », in Dominique Margairaz, Philippe Minard (dir.), L’information économique xvie-XIXe siècle, Paris, CHEff, 2008, p. 291-309, p. 292-293.
37 Laborier Pascale, « Introduction : les sciences camérales, prolégomènes à toute bureaucratie future ou parades pour gibiers de potence ? », in Pascale Laborier, Frédéric Audren, Paolo Napoli, Jakob Vogel (dir.), Les sciences camérales. Activités pratiques et histoire des dispositifs publics, Paris, PUF, 2011, p. 11-29.
38 Vogel Jakob, « Les mines dans les pays germaniques et en France aux xviiie et xixe siècles. Genèse et frontières d’une expertise scientifique et administrative », in P. Laborier, F. Audren, P. Napoli, J. Vogel (dir.), Sciences camérales, op. cit., p. 399-419 ; Klein Ursula, « Savant officials in the Prussian mining administration », Annals of Science, 2012, 69/3, p. 349-374.
39 Guillerme J. et Sebestik J., « Les commencements de la technologie », op. cit., p. 38.
40 Vérin H., « La technologie : science autonome ou science intermédiaire ? », op. cit.
41 Garner G., « État et information économique », op. cit., p. 296.
42 Mertens Joost, « Analogie : principe structurant de la technologie générale, principe dynamique du transfert interindustriel », in Sophie A. de Beaune, Liliane Hilaire-Pérez, Koen Vermeir (dir.), L’analogie et les techniques, Paris, CNRS Éditions, sous presse.
43 « Bien souvent, un métier s’est trouvé amélioré et perfectionné, par la simple substitution d’un moyen, en usage jusqu’alors, par un autre, appliqué, depuis un temps immémorial, par un autre métier dans un but analogue. »
44 Hoock Jochen, « Johann Beckmann et la place du discours technologique », ce volume.
45 En ce sens très spécifique selon lequel polir du métal consiste à enlever les particules responsables de sa rugosité ; utiliser un arrosoir pour humidifier un terreau revient à séparer des filets d’eau ; sculpter un pied de table n’est rien d’autre qu’une fragmentation du bois, etc.
46 Hilaire-Pérez Liliane, « Des entreprises de quincaillerie aux institutions de la technologie. L’itinéraire de Charles-Emmanuel Gaullard-Desaudray (1740-1832) », in Jean-François Belhoste, Serge Benoît, Serge Chassagne, Philippe Mioche (dir.), Autour de l’industrie, histoire et patrimoine. Mélanges offerts à Denis Woronoff, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France (CHEff), 2004, p. 547-567.
47 Directeur du Conservatoire royal des arts et métiers, il est chargé de réorganiser l’institution, qui devient sous sa direction (et sous la supervision du duc de La Rochefoucauld-Liancourt, fondateur des écoles d’arts et métiers) une « haute école d’application des connaissances des sciences aux arts industriels » : Christian Gérard-Joseph, Vues sur le système général des opérations industrielles, ou Plan de technonomie, Paris, Huzard & Courcier, 1819.
48 Lenormand Louis-Sébastien et Francœur Louis-Benjamin, Dictionnaire technologique ou nouveau dictionnaire universel des arts et métiers, et de l’économie industrielle et commerciale, Paris, Tomine & Fortic, 1822-1835.
49 « Technologie : La technologie est distinguée de la physique générale, en ce que, dans cette dernière, nous n’étudions les corps que pour connaître leurs propriétés et les phénomènes qu’ils nous offrent, tandis que, dans la première, c’est pour découvrir l’utilité qu’ils peuvent nous procurer, et les moyens par lesquels nous les approprions à nos besoins », Ampère André-Marie, Essai sur la philosophie des sciences, ou Exposition analytique d’une classification naturelle de toutes les connaissances humaines, Paris, Bachelier, 1834-1843, t. I, p. 97.
50 Stedman Jones Gareth, « Te genesis of the “Industrial Revolution” : Jean-Baptiste Say and the French debate on industrie », in Jean-Philippe Genet, François-Joseph Ruggiu (dir.), Les idées passent-elles la Manche ? Savoirs, représentations, pratiques (France-Angleterre, xe-XXe siècles), Paris, Presses de la Sorbonne, 2007, p. 211-233.
51 Mertens Joost, « Technology as a science ofthe industrial arts : Louis-Sébastien Lenormand (1757- 1837) and the popularization of technology », History and Technology, 18 (3), 2002, p. 203-231.
52 Cottereau Alain, « La désincorporation des métiers et leur transformation en “publics intermédiaires”. Lyon et Elbeuf, 1790-1815 », in Steven L. Kaplan, Philippe Minard (dir.), La France, malade du corporatisme ? xviiie-XXe siècles, Paris, Belin, 2004, p. 97-145.
53 Vérin Hélène, La gloire des ingénieurs. L’intelligence technique du xvi e au xviiie siècle, Paris, Albin Michel, 1993, chap. vii.
54 Des renvois entre les notions permettent de croiser les métiers, d’une part en fonction de procédés analogues – ainsi l’impression, pour la fabrication des livres, des papiers peints, des indiennes, de la faïence –, d’autre part en fonction de techniques contiguës – ainsi l’horlogerie, connectée au polissage, à la dorure, à la fabrication des ressorts, etc.
55 Encyclopédie méthodique, ou par ordre de matières, rédigée par une société de gens de lettres, de savans et d’artistes, Paris, Charles-Joseph Panckoucke, 1782-1832 ; O’Reilly R. et Barbier-Vémars Joseph-Nicolas, Annales des Arts et manufactures, Paris, Blaise jeune, 1800-1818 ; Lenormand Louis-Sébastien et De Moléon Jean-Gabriel-Victor, Annales de l’industrie nationale et étrangère, ou Mercure technologique. Recueil de mémoires sur les arts et métiers, les manufactures, le commerce, l’industrie, l’agriculture, etc., Paris, Bachelier, 1820-1826 ; Lenormand L.-S. et Francœurl.-B., Dictionnaire technologique, op. cit., ainsi que les « Manuels Roret » publiés par Nicolas Roret-Edme à partir de 1822 dans sa collection « Encyclopédie des sciences et des arts » (plus de cinq cents sont parus à sa mort en 1860).
56 Catherine Koblentz, « La Société d’Encouragement pour l’Industrie nationale et les inventeurs 1824-1844 », thèse de doctorat, EHESS, 2016, p. 198.
57 C’est ainsi qu’un certain S. P. Authenac, élève de l’École pratique et des hôpitaux de Paris, soutient en 1801 une thèse intitulée Essai sur l’idéologie, la technologie, la nosographie et la médicographie des fièvres gastriques simples. La technologie à laquelle il fait référence consiste à énumérer de nombreuses pages durant les différentes formes de fièvres gastriques qu’il lui a été donné d’observer cliniquement : le terme renvoie à ce qui serait aujourd’hui de l’ordre d’une classification, d’une nomenclature, d’une taxinomie, c’est-à-dire d’une terminologie médicale.
58 Lalanne Léon, Essai philosophique sur la technologie, Paris, Bourgogne et Martinet, 1840 ; Mertens Joost, « Le déclin de la technologie générale : Léon Lalanne et l’ascendance de la science des machines », Documents pour l’histoire des techniques, 20, 2011, p. 107-117.
59 Hilaire-Pérez Liliane, L’Invention technique au siècle des Lumières, Paris, Albin Michel (L’Évolution de l’Humanité), 2000 ; Galvez-Behar Gabriel, La République des inventeurs. Propriété et organisation de l’innovation en France (1791-1922), Rennes, PUR (Carnot), 2008 ; Jérôme Baudry, « Une histoire de la propriété intellectuelle. Les brevets d’invention en France, 1791-1844 : acteurs, catégories, pratiques », thèse de doctorat, EHESS, 2014.
60 Fressoz Jean-Baptiste, L’Apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique, Paris, Le Seuil, 2012, p. 153-156.
61 Lanoë Catherine, « Corps et techniques, techniques du corps », in Guillaume Carnino, Liliane Hilaire-Pérez, Aleksandra Kobiljski (dir.), Histoire des techniques. Mondes, sociétés, cultures xvie-xviiie siècles, Paris, PUF (Nouvelle Clio), 2016, p. 415-433 ; Sibum Otto H., « Les gestes de la mesure. Joule, les pratiques de la brasserie et la science », Annales. Histoire, Sciences sociales, 4-5, 1998, p. 745-774.
62 Sabel Charles F., Zeitlin Jonathan (dir.), World of possibilities : flexibility and Mass Production in Western Industrialization, Paris/Cambridge, MSH/CUP, 1997.
63 Marx Karl, Le Capital. Critique de l’économie politique, Livre premier. Le procès de production du capital (1867), 4e édition allemande (1890), édition établie sous la direction de Jean-Paul Lefebvre, Paris, PUF (Quadrige), 1993 [1983], p. 546.
64 Ibid., p. 43.
65 Baudry J., « Une histoire de la propriété intellectuelle », op. cit.
66 Tribe Keith, « De l’atelier au procès de travail : Marx, les machines et la technologie », in François Jarrige (dir.), Dompter Prométhée. Technologies et socialismes à l’âge romantique (1820-1870), Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2016, p. 229-250.
67 Berg Maxine, Te Machinery Question and the Making of Political Economy 1815-1848, Cambridge, Cambridge University Press, 1980 ; Zimmerman Andrew, « Te ideology of the machine and the spirit of the factory : Remark on Babbage and Ure », Cultural critique, 37, 1997, p. 5-29 ; Jarrige François, Au temps des « tueuses de bras ». Les bris de machines à l’aube de l’ère industrielle, Rennes, PUR, 2009.
68 Ure Andrew, Philosophie des manufactures ou économie industrielle de la fabrication du coton, de la laine, du lin et de la soie, avec la description des diverses machines employées dans les ateliers anglais, Paris, Mathias, 1836.
69 Guillerme J. et Sebestik J., « Les commencements de la technologie », op. cit., p. 111.
70 Sebestik Jan, « Les commencements de la technologie. Postface/préface », Documents pour l’histoire des techniques, 14, 2007, p. 123-133, p. 128.
71 Mertens Joost, « Te mere handicrafts : Ure’s Dictionary (1839-1853) compared with the Dictionnaire technologique (1822-1835) », in Patrice Bret, Irina Gouzévitch, Liliane Hilaire-Pérez (dir.), Les techniques et la technologie entre France et Grande-Bretagne (XVIe-XIXe siècles), Documents pour l’histoire des techniques, 19, 2010, p. 269-277.
72 Edwards Steve, « Factory and fantasy in Andrew Ure », Journal of Design History, 14, 2001, p. 17-33.
73 Mertens J., « Te mere handicrafts… », op. cit.
74 Anderson Robert G. W., « “What is technology ?” : education through museums in the mid-nineteenth century », BJHS, 1992, XXXV, p. 169-184 ; George Wilson, What is technology ? An inaugural lecture delivered in the University of Edinburgh on November 7, 1855, Edinburgh, Sutherland & Knox, et Londres, Simpkin, Marshall & Co., 1855.
75 Macleod Christine, Heroes of invention. Technology, Liberalism and British Identity 1750-1914, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, chap. 9, « Debating the patent system ». George Wilson, Regius professeur de technologie à l’université d’Édinburgh, est partisan d’une vision héroïque de l’invention.
76 « Tis word in this sense, is not familiar to an English ear. »
77 Macleod C., Heroes of invention, op. cit., p. 360 (« a clumsy circumlocution for art or practice »).
78 Espinas Alfred, Les origines de la technologie : étude sociologique, Paris, Alcan, 1897.
79 Laboulaye Charles, Dictionnaire des arts et manufactures. Paris, 1873 (3e éd.).
80 Guillerme J. et Sebestik J., « Les commencements de la technologie », op. cit., p. 51.
81 Paul Harry W., From Knowledge to Power. Te Rise of the science empire in France, 1860-1939, Cambridge, Cambridge University Press, 1985.
82 Carnino Guillaume, L’Invention de la science. La nouvelle religion de l’âge industriel, Paris, Le Seuil (L’Univers historique), 2015.
83 Cunningham Andrew, Williams Perry, « De-centring the “big picture” : the origins of modern science and the modern origins of science », Journal for the History of Science, déc. 1993, p. 407-433.
84 Carnino Guillaume, « Les transformations de la technologie : du discours sur les techniques à la techno-science », Romantisme, 150 (4), p. 75-84.
85 With Émile, Manuel aide-mémoire du constructeur de travaux publics et de machines comprenant le formulaire et les données de l’expérience de la construction, accompagné de recherches et d’entretiens sur les progrès constatés, ainsi que sur ceux à faire dans le domaine de la technologie, Paris, Dupont, 1858, p. 248.
86 Salvetat Alphonse, Cours de technologie chimique, Paris, Dejey et Cie, 1874.
87 Fallot B., Le laboratoire de technologie et d’œnologie à l’École d’agriculture de Montpellier, Montpellier, Hamelin, 1886.
88 Citons arbitrairement : Salvetat Alphonse, Leçons de céramique, ou technologie céramique, comprenant les notions de chimie, de technologie et de pyrotechnie, applicables à la synthèse, à l’analyse et à la décoration des poteries, Paris, Mallet-Bachelier, 1857 ; Van den Corput Bernard, De la fabrication du papier au point de vue de la technologie chimique et des perfectionnements successifs apportés à cette industrie, Paris, Lacroix, 1861 ; Ansiaux Lucien, Nouveau manuel de technologie physique et chimique, Paris, Roret, 1863 ; Legros V., Préambule commun à diverses recherches d’art et de technologie militaire, Paris, Tanera, 1880 ; Saintpierre Camille, La Tonnellerie et la foudrerie. Fragments d’une leçon du cours de technologie, Montpellier, Coulet, 1881 ; Boppe Lucien, Cours de technologie forestière, Paris, Berger-Levrault et Cie, 1887 ; Lacroixeugène, Technologie générale. Grand dictionnaire à l’usage de tout le monde, Paris, Lacroix, 1889 ; Guettier André, Technologie professionnelle des arts et métiers. Le fondeur en métaux, Paris, Bernard et Cie, 1890. Précisons en première approximation que pour le xxe siècle, une simple liste des ouvrages en langue française dont le titre comporte le terme « technologie » prendrait très certainement au moins la place du présent projet…
89 Eric Schatzberg défend ainsi une thèse similaire pour le terme de technology en langue anglaise : « Tere was no “technology” in 19th Century », Schatzberg Eric, Te Concept of Technology : A Critical History, chap. 2, à paraître, communication personnelle de l’auteur ; id., « From art to applied science », Isis, 103, 2012, p. 555-563.
90 Sans restreindre la mécanisation ni même le gigantisme industriel à la période contemporaine et sans sous-entendre de linéarité entre les modes de production, mais en considérant leur imbrication croissante en même temps que leur concurrence, et la valorisation de l’entreprise concentrée comme haut-lieu de l’innovation et du progrès – technique, économique, social – effaçant aussi ce qu’elle doit aux techniques artisanales, encore au xxe siècle.
91 Étymologiquement, le nomos de l’oikos renvoie à la bonne tenue de la maisonnée, structure première de l’activité en Grèce ancienne.
92 Laborier P., « Introduction », op. cit.
93 Schabas Margaret, A World Ruled by Number. William Stanley Jevons and the Rise of Mathematical Economics, Princeton, Princeton University Press, 1990.
94 Jean-Claude Perrot, « Équilibre économique et déterminisme au xviiie siècle. Étude de cas », id., Une histoire intellectuelle de l’économie politique (XVIIe-XVIIIe siècle), Paris, Éd. de l’EHESS (Civilisations et sociétés, 85), 1992, p. 237-255.
95 A. de Beaune Sophie, « Le musée comme lieu d’administration de la preuve. Genèse et destin de deux collections du xixe siècle », Gradhiva, 18 (2), 2013, p. 166-199.
96 Charpy Manuel, « Les “techniques archaïques” : produits d’un autre temps et produits artisanaux dans les expositions universelles », in Anne-Laure Carré, Marie-Sophie Corcy, Christiane Demeulenaere-Douyère, Liliane Hilaire-Pérez (dir.), Les expositions universelles en France au xixe siècle. Techniques, publics, patrimoines, Paris, CNRS Éditions, 2012, p. 279-299.
97 Riviale Pascal, « Entre exotisme et pragmatisme : l’Amérique latine dans les premières expositions universelles en France, 1855-1899 », in Christiane Demeulenaere-Douyère (dir.), Les expositions universelles et les cultures extra-européennes, France, 1855-1937, Paris, Somogy/Archives nationales, 2010, p. 64-75.
98 Barron Géraldine, « Entre tradition et innovation : itinéraire d’un marin, Edmond Pâris (1806- 1893) », thèse de l’université Paris Diderot-Paris 7, 2015, p. 546.
99 Corcy Marie-Sophie, « La muséification des galeries du Conservatoire des arts et métiers : le cas de l’Exposition rétrospective du Travail et des Sciences anthropologiques de l’exposition universelle de 1889 », in Christiane Demeulenaere-Douyère, Liliane Hilaire-Pérez (dir.), Les expositions universelles. Les identités au défi de la modernité, Rennes, PUR, 2014, p. 59-76.
100 Dufaux Lionel, « L’Amphithéâtre, la galerie et le rail. Le Conservatoire des arts et métiers, ses collections et le chemin de fer : diffusion des connaissances techniques et de l’innovation au xixe siècle », thèse de l’EHESS, 2015.
101 Schlanger Nathan, « Le fait technique total. La raison pratique et les raisons de la pratique dans l’œuvre de Marcel Mauss », Terrain, 16, 1991, p. 114-130.
102 Sigaut F., « Préface. Haudricourt et la technologie », op. cit., p. 24. Dans un travail ultérieur, François Sigaut distingue quatre courants de la technologie : rationalisation, description (sur le modèle de l’histoire naturelle), théorisation, modélisation (dont la cybernétique) : Sigaut François, « Les points de vue constitutifs d’uen science des techniques. Essai de tableau comparatif », in Jacques Perrin (dir.), Construire une science des techniques, Limonest, L’Interdisciplianire, 1991, p. 31-45 (le tableau à quatre entrées est reproduit dans Le Roux Ronan, « Présentation », in Ronan Le Roux, Vincent Bontems, Paul Braffort [dir.], Les machines. Objets de connaissance, Revue de Synthèse, t. 130-1, 2000, p. 1-4, p. 2).
103 Leroi-Gourhan André, L’Homme et la matière, Paris, Albin Michel, 1943.
104 Schlanger Nathan, « Une technologie engagée : Marcel Mauss et l’étude des techniques dans les sciences sociales », préface à Marcel Mauss, Techniques, technologie et civilisation, Paris, PUF, 2012, p. 17-134 ; Haudricourt A.-G., La Technologie, science humaine, op. cit. ; Vatin François, « Mauss et la technologie », Revue du MAUSS, 23, 2004, 418-433.
105 Sigaut François, Comment Homo devint faber, Paris, CNRS Éditions, 2012.
106 Jarrige F. (dir.), Dompter Prométhée, op. cit
107 Guchet Xavier, « Simondon, la technologie et les sciences sociales », Cahiers Simondon, 1, 2009, p. 5-23 [p. 22].
108 Hilaire-Pérez Liliane, « Postface. “Sauver l’objet technique” : une utopie socialiste ? », in F. Jarrige (dir.), Dompter Prométhée, op. cit., p. 251-274.
109 Tresch John, « Les moteurs divins des saint-simoniens : technologie, socialisme, panthéisme », in F. Jarrige (dir.), Dompter Prométhée, op. cit., p. 79-102.
110 Ibid.
111 Barthélémy Jean-Hugues, Simondon, Paris, Les Belles Lettres, 2014.
112 Lafitte Jacques, Réflexions sur la science des machines, Paris, Bloud & Gay, 1932.
113 Sigaut F., « Préface. Haudricourt et la technologie », op. cit., p. 28 ; Carrozzini Giovanni, « Gilbert Simondon et Jacques Lafitte : les deux discours de la “culture technique” », Cahiers Simondon, 1, 2009, p. 25-45.
114 Le Roux R., « Présentation », op. cit., p. 3.
115 Le Roux Ronan, « L’impossible constitution d’une théorie générale des machines ? La cybernétique dans la France des années 1950 », in R. Le Roux, V. Bontems, P. Braffort (dir.), Les machines, op. cit., p. 5-36 [p. 9] ; id., « Pierre Ducassé et la revue Structure et Évolution des Techniques (1948- 1964) », Documents pour l’histoire des techniques, 20, 2011, p. 119-134.
116 Bontems Vincent, « Actualité d’une philosophie des machines. Gilbert Simondon, les hadrons et les nanotechnologies », in R. Le Roux, V. Bontems, P. Braffort (dir.), Les machines, op. cit., p. 37-66.
117 Carrozzini Giovanni, « Gilbert Simondon et Jacques Lafitte : les deux discours de la “culture technique” », Cahiers Simondon, 1, 2009, p. 25-45 [p. 29].
118 Barthélémy J.-H., Simondon, op. cit.
119 Vincent Bontemps rappelle que Simondon emploie « technologie » dans des acceptions variées et notamment, comme « universalisation analogique des opérations techniques qui mettent en relation différents ordres de grandeur ». Il cite le cours inédit de Simondon « Sur la naissance de la technologie » (1969-1970) : « Dans une machine, il existe un enchaînement d’opérations d’outils agissant les uns sur les autres, ce qui fait que dans cette chaîne transductive chacun des outils élémentaires est à la fois opéré et opérant, nature-objet et sujet-opérant. Le logos de la technologie est cet enchaînement (différent du regard jeté par le sujet connaissant sur la nature connue), le métrion de la relation transductive. » Le logos de la technologie ne se confond donc pas avec une discipline académique ; il est le logos produit par la technique. Voir : Bontems Vincent, Duhem Ludovic, Loeve Sacha, « La “technologie” chez Simondon ? », dans le cadre de séances du séminaire « L’Atelier Simondon » organisées par Sacha Loeve, « Technologie et sciences humaines chez Simondon », CEA, 3 avril et 9 octobre 2012 ; Bontems Vincent, « Le cycle de la technologie chez Simondon », Cahiers Simondon, n° 6, 2015, p. 7-20 ; Bontems Vincent (dir.), Gilbert Simondon ou l’invention du futur, Paris, Klincksiek, 2016.
120 On y retrouve André Leroi-Gourhan et Gilbert Simondon, mais aussi Louis Leprince-Ringuet (professeur de physique au Collège de France), Fernand Picard (directeur des études et recherches à la Régie nationale des usines Renault), Louis Bastian (inspecteur général de l’enseignement technique), etc.
121 Bontems Vincent, « Esclaves et machines, même combat ! L’aliénation selon Marx et Simondon », Cahiers Simondon, 5, 2013, p. 9-24 [p. 9].
122 Barthélémy J.-H., Simondon, op. cit., p. 96 ; Andrea Bardin, « De l’homme à la matière : pour une “ontologie difficile”. Marx avec Simondon », Cahiers Simondon, 5, 2013, p. 25-43.
123 Ellul Jacques, Le bluff technologique, Paris, Hachette, 1988, p. 175.
124 Salomon Jean-Jacques, Le destin technologique, Paris, Gallimard, 1992, p. 85.
125 C’était le sens de la journée d’étude « La technologie, science humaine (Europe et États-Unis, xixe-xxie siècles) : rencontre et ignorance » (EHESS, 5 juin 2015).
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