1En matière européenne comme dans d’autres, Pierre Sudreau a des airs de Cassandre, tel que le décrivait René Rémond : un « prophète lucide et importun dont la clairvoyance sera reconnue mais les avertissements négligés1 ». Pourtant, et pour détourner la maxime de Simone de Beauvoir, il n’est pas né européen, contrairement à ce que disent d’eux-mêmes certains fédéralistes de sa génération, entraînés vers les débats sur l’Europe et les mouvements militants, que Pierre Sudreau n’a jamais fréquentés. Certes, c’est bien la Seconde Guerre mondiale qui va l’amener à s’intéresser aux problèmes européens, ce qui le rapproche d’un Henri Frenay ou d’un Eugen Kogon, eux-mêmes fruits d’une génération plus activiste, à une époque où l’urgence paraît plus forte. Mais la limite de cet intérêt est que Pierre Sudreau sera en la matière aussi libre qu’il l’a toujours été dans tous les actes de sa vie, ce qui fait qu’il est difficile de dire de lui qu’il puisse avoir été un européiste à titre permanent, encore moins un militant de l’Europe. Par nature comme par nécessité, Pierre Sudreau est d’abord et avant tout un passionné de politique, ce qui le renvoie d’abord, vu les circonstances où il s’éveille à l’action, à un cadre national et local. La vision européenne de Pierre Sudreau est donc plus floue au pire, plus souple au mieux que celle qui résulte d’une quelconque idéologie. Elle est d’abord le reflet d’un idéal qu’il croit trouver à la lecture de Saint-Exupéry, qui l’a passionné : c’est l’unité du genre humain qui prime à ses yeux2, l’idée européenne apparaissant alors trop étroite pour ses aspirations universalistes et sa croyance dans les bienfaits de la technologie libératrice et des économies d’échelle.

2Alors, que peut-on dire de l’européisme de Pierre Sudreau, qu’il ne s’agit pas pour autant de remettre en cause ? Pur opportunisme politicien ou euroréalisme en accord avec les particularités de son temps ?

Une formation empirique à l’Europe

Le levain de la Résistance

3Avant la guerre, Pierre Sudreau n’est qu’un « témoin » des relations internationales. Ses jeunes années sont marquées, d’après ses propres dires, au coin de l’insouciance. Tout juste fait-il preuve d’un certain scepticisme à l’égard du personnel diplomatique français lorsque celui-ci ne réagit pas à la remilitarisation de la Rhénanie. Son destin paraît être celui d’un « affreux grand-petit bourgeois3 », qui sera cependant brisé par la Débâcle. Différentes circonstances font qu’il ne part pas à Londres, ce qui entraîne chez lui une frustration, et peut expliquer qu’il se soit jeté dans la Résistance « à corps perdu4 ».

4Arrêté le 10 novembre 1943, il part à Buchenwald, où il arrive le 14 mai 1944. Il y portera le matricule 52.3015. Ce camp est l’un des premiers du système concentrationnaire, établi en 1937 près de Weimar. On y compte 63000 prisonniers au moment où Pierre Sudreau y est interné, et 86000 un an plus tard. L’expérience qu’il y vit ne le mène pas directement vers la pensée européenne (même s’il se dit convaincu d’avoir appris son européisme sur place), mais d’abord vers une violente prise de conscience politique à portée plus générale6, « une leçon d’idéal, d’abnégation et d’esprit civique7 ». En ce sens, l’histoire d’Henri Guillaumet, le dédicataire de Terre des Hommes (« un pas, encore un pas8 »), racontée par son cher Saint-Exupéry, a peut-être plus joué dans sa propre résistance qu’un quelconque credo9.

5Si l’on parle d’européisme, dont le premier pas serait la réconciliation franco-allemande, l’expérience du camp n’a pas non plus joué un rôle immédiat chez Sudreau, qui est loin d’un Joseph Rovan, détenu à Dachau au même moment : le pardon n’est pas aussi spontané qu’il peut l’être chez ce dernier10 ou, dans d’autres circonstances, chez Henri Frenay11. Il faut dire que sa survie à Buchenwald, assurée d’abord par une solidarité franco-française (autour de Marcel Paul12, Pierre Durand, le docteur Fresnel ou Guy Ducoloné) ne l’a pas précisément porté vers l’Autre, en le coupant des autres nationalités du camp13. Il garde même plutôt un mauvais souvenir des prisonniers allemands, qui obtiennent des responsabilités de surveillance à mesure que des gardiens partent sur le front. La fraternité n’est donc pas générale, et ne prédispose pas chez lui à des accointances « européennes »… Au contraire, Sudreau parlera même de « haine14 » à l’égard de ceux qui lui ont fait du mal, et ira jusqu’à gifler l’officier qui s’était chargé de son interrogatoire, une fois retrouvé15. Avec la conscience politique, la méfiance à l’égard des leçons de l’histoire est donc un autre héritage des camps chez Pierre Sudreau. Plus tard (1985), il avouera que quand il pense Allemagne, il pense plus Buchenwald que Bach, Beethoven ou Mozart16, ce en quoi il rejoint, même si c’est sur un bien autre ton, les propos d’un autre rescapé de Buchenwald, Jorge Semprún.

6Peut-on donc conclure que l’expérience de déporté de Pierre Sudreau a pu étayer son européisme ? Il ne serait pas le premier et le seul à s’être « converti » pendant la Seconde Guerre mondiale, à l’occasion d’un événement personnel traumatique : on peut faire la liste de ces « élections » chez les fédéralistes, où l’expérience de l’exil ou de la détention a pu jouer un rôle décisif dans les engagements à venir17. Pour prendre le seul cas de Buchenwald, d’autres personnalités étant passées par ce camp et ayant témoigné de ses horreurs en ont tiré des conséquences européennes : Jorge Semprún18 déjà rencontré, Eugen Kogon, qui a lui-même analysé plus d’une centaine de témoignages sur les camps de concentration19 avant de s’engager dans l’activisme fédéraliste, Stéphane Hessel, qui estimera lui aussi que Buchenwald a aidé à sa vocation20, ou même Léon Blum qui y a écrit une partie d’À l’échelle humaine, où il fait la part belle à un principe jusque-là délaissé, celui de supranationalité.

7La question est cependant : y a-t-il réellement une relation de cause à effet entre le cauchemar concentrationnaire et l’européisme de Pierre Sudreau, comme celui-ci le revendique cinquante ans plus tard ? Il ne faut pas exagérer ces propos le plus souvent reconstruits : dans sa carrière, la préoccupation européenne ne vient que dans un second temps. Ce qui l’occupe dès le départ et pour un certain nombre d’années, c’est le combat à l’échelle nationale : celui de la reconstruction, puis celui de la compétition politique. À aucun moment, Pierre Sudreau ne se reconnaît dans les proclamations, trop idéalistes à son goût, des fédéralistes de l’après-guerre. Ses « amitiés » européistes ne se sont d’ailleurs pas révélées au moment de la guerre, mais bien après, au gré de ses propres tribulations politiques. Car son européisme avait besoin d’autres agents actifs pour se révéler…

Le pragmatisme comme politique

8Pierre Sudreau reste d’abord et avant tout un pragmatique. Pour ces mêmes raisons, il ne peut être un idéologue de l’Europe : celle-ci est avant tout pour lui un pis-aller vers une véritable politique moderniste à l’échelle mondiale21. Dans ses mémoires, elle n’apparaît d’ailleurs que comme une première étape22. Comme Jean Monnet, Sudreau pourrait d’abord penser que les organismes chargés de diriger la vie des hommes ne sont plus adaptés quand ils sont à l’échelle nationale : une « mutation » s’avère nécessaire pour mieux lutter contre « l’anarchie » et pour « utiliser les ressources techniques et les enseignements méthodologiques qu’aujourd’hui seule la politique […] néglige pour son action23 ». Il y a donc bien du Monnet dans cette inclination, à une différence près : le fait national n’est jamais minoré, et encore moins le fait politique. Dans cette optique, l’Europe de Pierre Sudreau n’a pas de contours idéologiques précis : elle est vue comme un moyen de modernisation, voire de redressement des nations qui la constituent, et n’est jamais envisagée comme un super-État qui pourrait remplacer l’ancien. Ce point de vue est bien celui des décideurs de son temps, partagés entre urgence de la reconstruction et misères de la politique internationale, comme l’est la IV^e République elle-même tout au long de son existence, dilemme résumé ici par Edgar Faure : « Le véritable choix n’est pas entre les idéaux. C’est le choix entre les moyens. Le mauvais choix des moyens est le seul véritable choix contre l’idéal24. » L’Europe fait indéniablement partie de ces moyens dont la France doit savoir tirer parti, sans préjuger d’un quelconque idéal, si ce n’est celui de la survie du pays.

9Pierre Sudreau est un acteur, qui s’insère dans l’action politique d’abord par ses mérites (en 1945, il est nommé sous-directeur au ministère de l’Intérieur en tenant compte de ses diplômes et de ses activités dans la Résistance). Il paraît d’ailleurs ne pas trop se préoccuper de l’Europe, en tout cas dans les années 1950, car celle-ci semble aller d’elle-même dans le bon sens, après la crise de la Communauté européenne de défense (CED), au cours de laquelle il n’a pas adopté de position particulière. Sudreau ressemble ainsi à un autre jeune politique, Jacques Duhamel, dont il sera proche, serviteur de l’État dévoué à la relance et à la modernisation du pays, qui professe peu à peu un attachement concret à la construction européenne, sans esprit de système. Ce cheminement explique tous les développements ultérieurs : il ne peut y avoir de considérations partisanes dans la reconstruction du pays, qui réclame les compétences d’experts disponibles et dévoués, le modèle étant la figure du grand commis laïc tels que pourraient l’incarner ses contemporains Paul Delouvrier, François Bloch-Lainé ou Louis Armand, avec qui il reste d’ailleurs très lié. La vision que Sudreau développe dès cette époque soutient la technique et le progrès comme vecteurs de la modernité et du rapprochement des peuples, sans se mêler d’idéologie européiste, ce qui n’est pas étonnant pour ce « polytechnicien d’honneur », tel que l’a défini, avec humour, Louis Armand25, lui-même convaincu par les vertus de l’échange pour le rapprochement des peuples26.

10Ainsi, son attachement européiste n’est pas « politique27 » au sens classique du terme, ce qui peut justifier qu’il accepte l’aventure gaulliste, même si ses propres idées ne correspondent pas en tous points avec celles du Général. C’est vrai que de Gaulle n’a pas donné de consignes précises contre les Traités de Rome, même si les députés républicains sociaux se réclamant de lui ont voté contre ; c’est vrai également que le même de Gaulle a démontré sa conversion pragmatique à la construction européenne après avoir accepté le plan Pinay-Rueff, qui prépare, du point de vue financier, l’adaptation de la France au défi communautaire. Sudreau peut donc occuper sans réticences son poste de ministre de la Construction : il entre certes à cette occasion en politique, mais d’abord en tant que « technicien » issu de la « société civile », dans une période d’état de grâce et d’ouverture28, où la construction européenne fait désormais partie de l’horizon national.

Un centriste avant tout

11Cependant, lorsque Pierre Sudreau devient ministre de l’Éducation nationale (avril 1962), l’ambiance a changé, avec un gouvernement désormais plus au pas, notamment suite à la démission des ministres MRP au mois de mai suite à l’échec du plan Fouchet. C’est le projet d’élection du président au suffrage universel qui va provoquer la rupture. Peu après sa présentation par de Gaulle, Sudreau lui fait parvenir sa lettre de démission, le 25 septembre, où il insiste sur la trahison des idéaux de 1958 que représente à ses yeux ce ferment de démocratie directe29. L’Europe n’a rien à faire dans cet acte, mais des préoccupations personnelles, ainsi que de politique intérieure, alors que le centrisme n’a jamais été aussi affaibli. La démission collective des ministres MRP de mai 1962 elle-même ne pouvait pas se limiter au choc ressenti face à la provocation gaullienne, dont l’Europe était certes le principal objet : elle était surtout le résultat de la prise de conscience, par les centristes, de l’éloignement des deux grandes familles politiques de la droite, libéraux et gaullistes, parfois capables d’alliance, mais qui, là, entérinaient un éloignement, rendu plus cruel encore par le récent raz-de-marée UNR.

12Pierre Sudreau, aussi indépendant soit-il, est en effet d’abord de la famille centriste. Celle-ci connaît alors une perte d’identité dans le camp de la droite, car le gaullisme a achevé, après 1962, d’en être le « père nourricier » (expression de De Gaulle lui-même). Celui-ci a subjugué le centre, notamment les démocrates-chrétiens, qui ont reculé dans les sondages et dans les idées face aux succès des gaullistes. Au sein de ce reflux, l’Europe se révèle d’autant plus être une « identité de substitution30 » qui console de bien des déboires nationaux. C’est bien sur ce terreau que s’affirment les convictions qui seront bientôt portées par Valéry Giscard d’Estaing, notamment avec la Fédération nationale des Républicains indépendants qu’il présente comme « centriste, libérale et pro-européenne ». En 1965, la crise de la chaise vide, qui semble avoir joué un rôle dans le ballottage de De Gaulle aux présidentielles, rappelle que l’Europe peut être le bon cheval de bataille pour résister à un gaullisme qui donne alors quelques signes de fatigue.

13Le centrisme doit se réorganiser dans l’optique de préparer l’après-de Gaulle, qui devient intellectuellement envisageable. En avril 1967 est créé le groupe Progrès et démocratie moderne (PDM) à l’Assemblée nationale, auquel adhère Sudreau, formation qui accepte un rapprochement avec le candidat Georges Pompidou31. Pour preuve, Jacques Duhamel s’accorde en direct à la radio avec lui32, le 22 mai 1969, sur un programme minimal, dont la relance de la construction européenne fait partie, alors que se profile le sommet de La Haye qui est sensé relancer le chantier européen. Une inflexion semble en effet nécessaire face à la montée de la puissance économique allemande, et aux bonnes dispositions britanniques exprimées par le très europhile Edward Heath. Du coup, l’Europe devient un moyen de reprendre l’initiative politique à condition que celle-ci soit présentée comme « réaliste ». Ce n’est pas pour déplaire à Pierre Sudreau, qui ne défend pas vraiment, on l’a vu, de modèle doctrinal particulier, mais une structure favorisant les rapprochements et si possible les synergies. C’est pourquoi l’engagement en faveur de cette Europe correspond peu ou prou à son retour en politique, peu après son élection comme député en 1967, lorsqu’il devient président du Mouvement européen-France.

Président du Mouvement européen-France

Militant de l’Europe

14Après sa démission du gouvernement en 1962, Pierre Sudreau avait continué à parler d’Europe en dehors de tout mandat politique, confessant des convictions qui le rapprochaient de certaines personnalités, notamment Louis Armand. Ce dernier avait présidé la commission de la Communauté européenne de l’énergie atomique, et c’est lui qui avait proposé à Sudreau de diriger la Fédération des industries ferroviaires (1963), alors que le projet de « train rapide » commençait à se faire connaître, avec cette idée d’inspiration saint-simonienne qu’un maillage de plus en plus dense ne pourrait que favoriser la construction de l’Europe. Sudreau avait accepté, fort des mêmes convictions33.

15Celui-ci n’est donc pas un néophyte lorsqu’il devient président du Conseil français du Mouvement européen (ME) le 6 mai 196834. Cette fonction obéit, certes à de réelles dispositions à l’ouverture qu’il a pu démontrer à l’époque de la Résistance35, mais aussi à une stratégie d’entrisme auprès de la droite plus classique qui se confirme dans l’attente du départ de De Gaulle. L’ambition est-elle européenne ? On ne doit pas oublier que les moyens de pression des mouvements pro-européens visent alors d’abord et avant tout les États, plutôt qu’un centre européen encore hypothétique36, surtout après le redressement qui suit la crise de la chaise vide, où il a été démontré que « l’État était plus obstiné qu’obsolète » (Stanley Hoffmann). Les membres du ME-France, dont le président René Mayer achève son mandat, ont d’ailleurs cette conviction que la fédération n’est pas un objectif, et que la réalité de la CEE est surtout intergouvernementale. Pierre Sudreau partage cette vision, lui qui écrira plus tard que son fédéralisme était « approximatif37 ». Ce dernier point n’est cependant pas une gêne aux yeux de ses pairs du ME, car il a exprimé son attachement pragmatique à l’Europe depuis longtemps, alors que son image de « forte tête », legs de sa démission retentissante de septembre 1962, prend un relief particulier en ce mois de mai 1968. Pour toutes ces raisons, le Bureau national du ME, constitué d’hommes tels que René Mayer, Gaston Defferre, Jean François-Poncet ou Louis Leprince-Ringuet, approuve sa nomination par cooptation le 21 mai 1968, confirmant le choix d’une personnalité centriste, « hostile à la politique européenne de l’actuelle majorité38 », et d’un rassembleur, ayant déclaré que les communistes ne lui donnent pas de complexes, et que le centrisme est un facteur de libéralisation et de dialogue39. Les idées qu’il défend alors dans la presse en font le parfait européiste, moderniste, lucide et, en creux, réticent au gaullisme. Il défend l’idée d’économie d’échelle40 et plaide pour l’achèvement de la Communauté41, assurant que la France ne peut plus se permettre une politique solitaire de grande puissance42. En ce sens, il obtient le soutien des différents réformateurs qui, autour de Jean-Jacques Servan-Schreiber, parient sur l’avenir de la coopération européenne43 et sur l’ouverture politique.

16Faisant un bilan de la construction européenne dans un texte de la fin de l’année 1968 (non daté), et qui représente peu ou prou son programme en tant que président du Mouvement européen-France, Pierre Sudreau exprime « un regret » et « un espoir44 ». Pour lui, ce bilan est « considérable » : les guerres sont maintenant vues, à l’échelle européenne, pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire des luttes « fratricides45 ». Ce bilan est cependant en même temps « décevant » : le Marché commun n’est qu’une « union douanière » (depuis le 1^er juillet 1968). Or, sans politique économique commune, on ne peut aller bien loin46 : « Il faut donc dépasser le stade du Marché commun et s’efforcer de créer un véritable esprit communautaire. » D’où le « regret » : malgré des succès indéniables (« réserves de devises importantes, taux de change réalistes, situations économiques relativement saines »), il n’y a pas de volonté politique d’aller de l’avant, singulièrement chez les Français, « et en particulier chez celui qui depuis 1958 préside aux destinées de la France47 ».

17De fait, il propose quelques mois plus tard un plan de relance de l’Europe en trois points : la réunion d’une conférence européenne pour 1970, statuant sur l’entrée de la Grande-Bretagne et sur les modalités de l’unification politique ; l’impulsion d’un renouveau de la solidarité européenne en matière monétaire (notamment grâce au plan Barre d’union économique et monétaire présenté le 12 février 1969) et technologique ; la diffusion de méthodes politiques nouvelles (des ministres de l’Europe dans chaque État, l’élection du Parlement européen au suffrage universel avec de vrais pouvoirs, un référendum concernant les grandes étapes de la construction européenne)48. Ce programme lui apparaît comme un moyen d’aboutir, grâce à l’Europe, à réformer la France : lutter contre le « nationalisme technologique » ; approfondir la démocratie, qui ne s’arrêterait pas au simple jeu électoral ; s’adapter aux réalités économiques du moment (réorienter la production agricole et industrielle en fonction du Marché commun, élaborer des programmes pluriannuels pour l’équipement, le logement) ; réformer l’enseignement en fonction des besoins techniques, surtout en ce qui concerne l’information49.

Où en est le Mouvement européen ?

18Quelle place occupe le groupe que Pierre Sudreau va désormais présider dans l’européisme militant national ? L’organisation française du Mouvement européen est une « filiale » du Mouvement européen international, constitué en 1948. Sa création fut décidée après le Congrès de l’Europe à La Haye par les différents groupements et associations pro-européens qui étaient à l’origine de cette manifestation (février 1949), en France mais aussi dans la plupart des pays occidentaux qui acceptèrent peu ou prou la même organisation, basée sur le regroupement des associations et des personnalités pro-européennes de toutes tendances, à l’exception des communistes. Les objectifs étaient de « développer dans le peuple français la prise de conscience de l’Europe [et] de regrouper les associations à vocation européenne, afin de renforcer leurs actions et de collaborer pour atteindre les objectifs communs ». Diverses personnalités assurèrent successivement la présidence de l’organisation française : Raoul Dautry (1950), René Courtin (1952) et René Mayer (1962). Le mouvement se caractérisait par une structure ramifiée touchant l’ensemble du territoire français, et utilisait les moyens habituels d’un groupe de pression : grandes manifestations publiques de soutien à la cause européenne (conventions, assises), organisation de rencontres et de conférences, institution de commissions ou d’organismes d’études, publication de documents sur le processus d’intégration. Dernier point : comme à l’échelle internationale, le ME n’a pas de position idéologique précise sur l’Europe à construire, même si, d’entrée, les positions fédéralistes ont été marginalisées dans un système mettant en avant les hommes d’État de premier plan, qui n’ont pas totalement coupé avec les fonctions politiques nationales50.

19Le ME connaît cependant un reflux important à partir de 1954 et de l’échec de la Communauté européenne de défense, subissant plus que n’imprimant le cours des événements ; de fait, il n’est plus le milieu par excellence où se concentrent le débat et l’effort européens après les traités de Rome. Dans les années 1960, on assiste à son délitement en tant que structure supranationale, au profit des conseils nationaux, qui ont l’initiative en matière financière, ce qui enlève beaucoup d’efficacité à l’action collective. En réaction à cela, un Conseil fédéral du ME se réunit à Rome les 19 et 20 janvier 1968 afin de donner un nouveau souffle à l’organisation dans son ensemble. Walter Hallstein, qui vient de quitter la présidence de la Commission européenne, est élu dans cette optique à la tête du Mouvement Européen International sur un programme de rationalisation de l’action militante européiste51. Pierre Sudreau, dès le départ, soutient cette reprise en main : il milite pour rassembler les associations européistes, fédéralistes ou non, et pour que le ME soit « un regroupement réel de toutes les tendances, et non un facteur supplémentaire de dispersion52 ». Le contexte semble donner matière à espoir de ce côté-là, même si la question des moyens constituera un problème permanent53.

Les espoirs après le départ de De Gaulle

20Au moment où Pierre Sudreau est élu, le général de Gaulle est de plus en plus considéré comme un obstacle sur la voie de l’intégration. Il y a bien eu le régime de libre-échange, le Tarif extérieur commun, le Marché commun agricole qu’il a favorisés, mais l’affaire Soames et le boycott du Conseil de l’Union de l’Europe occidentale, qui n’est pas sans rappeler la crise de la chaise vide, démontrent que la tension reste forte entre la France et ses partenaires. Une relance européenne paraît ainsi nécessaire, que le ME appelle de ses vœux. À la suite de la démission du Général, son Comité exécutif international, réuni à Bruxelles le 14 mai 1969 sous la présidence de Walter Hallstein, décide de convoquer le Comité directeur après les élections présidentielles françaises, au début du mois de juillet à Paris, « afin de tirer de la situation nouvelle les directives qui s’imposent pour l’action future54 » Avant même cette impulsion, Pierre Sudreau semble s’impliquer toujours plus auprès de tous les publics entre la fin de l’année 1968 et les premiers mois de 1969, tout en multipliant les articles de presse « en tant que président du ME-France » : à Tours, on le voit plaider pour une construction européenne plus politique devant un parterre d’étudiants55 ; à Bruxelles, il propose un « plan de relance de l’Europe56 » ; il participe à une conférence donnée avec Louis Armand à l’ESSEC sur les thèmes « technocratie et politique », « grandes écoles et universités en Europe », et « problèmes de défense en Europe » ; il se déplace à Alençon à la demande du député de l’Orne Roland Boudet, où sont invités tous les maires et conseillers municipaux du département pour discuter des options qui s’offrent à l’Europe dans l’optique de l’après-gaullisme57 ; on le voit à une conférence à l’Institut des hautes études de défense nationale, à un déjeuner de la Ligue européenne de coopération économique, à l’invitation d’Édouard Bonnefous et de Lucien de Sainte Lorette58, et à un déjeuner-débat au Centre d’étude et de documentation économique et sociale, où il dénonce les tergiversations autour de l’Europe monétaire59.

21Malgré cet activisme dont le but est de préparer l’après-gaullisme, Pierre Sudreau n’est pas vraiment enthousiaste face à l’arrivée de Georges Pompidou au pouvoir, qui a pourtant inscrit l’Europe dans l’objectif 3 de son programme présidentiel60. Il a même soutenu (mais sans grande conviction) Alain Poher, contrairement à Jacques Duhamel. Dans un article de juin 1969, il avait indirectement critiqué le candidat Pompidou, alors en passe d’être élu, en s’attaquant au principe de l’élection présidentielle, qu’il souhaitait mieux encadrer61. L’ambiance paraît plus propice cependant, Pierre Sudreau lui-même semblant comprendre ce qui se cache derrière le thème de campagne pompidolien, l’« ouverture dans la continuité » : une volonté, certes, d’enracinement des institutions de la V^e République, mais également, et ce n’est pas pour lui déplaire, la soumission au principe de réalité, qui pousse aux concessions, notamment en direction du centre, dont Pompidou a pu jauger les capacités de résistance. C’est dans l’optique de cette « ouverture à petits pas » (Gilles Le Béguec), que l’Europe se présente comme l’un des sujets sur lesquels peut se faire un premier rapprochement, impossible jusque-là du fait de l’intransigeance gaullienne62. Dans cette optique, Jacques Chaban-Delmas, le nouveau Premier ministre, peut être présenté comme un européiste convaincu, ce qui est un des points qui le différencie du pur pragmatisme de Pompidou63. C’est lui qui a choisi Maurice Schumann aux Affaires étrangères, « le plus européen des gaullistes et le plus gaulliste des Européens64 », et un interlocuteur cher à Pierre Sudreau65. Le Premier ministre apporte son soutien au ME dans une perspective de réconciliation des droites (le groupe PDM vient de voter la confiance à son gouvernement et à ses projets financiers le 24 septembre 1969)66, et soigne ses contacts avec lui : de fait, Sudreau est reçu à la tête d’une délégation du ME par Jacques Chaban-Delmas à Matignon67, ce qui est une première depuis 195868. Lui-même et René Mayer en sortent ravis, après avoir remis au Premier ministre une étude sur la nouvelle société dans le cadre européen que le Premier ministre se dit très heureux de recevoir69.

Les idées à l’épreuve de la relance

Converti au militantisme ?

22Sudreau est-il devenu un européiste militant ? Certes, il multiplie les conférences70, mais il reste marqué par ses références politiques nationales. Pour lui, il y a trois catégories de politiques71 : les « néo-révolutionnaires », qui sont prêts à la révolution sanglante, les « conservateurs »« qui se cramponnent au passé », et les « réformateurs », qui sont dans tous les camps, mais qui ne savent pas s’unir. Une « hydrolyse » de ces formations politiques est de fait nécessaire, et le ME pourrait en être le réceptacle, d’autant plus que Sudreau a tendance à assimiler dans ses écrits « réformateurs » et « européistes » : il évoque à ce propos « une large ouverture politique allant des socialistes aux membres de la majorité », perspective socialo-centriste bien dans l’air du temps. Ses convictions ne lui font pas oublier les solutions qu’elles pourraient apporter dans son propre camp politique : le problème majeur pour Pierre Sudreau est que « le centre est le plus touché par l’électoralite72 », ce qui fait que les querelles de personnes l’emportent sur toute autre considération et entraînent l’impossibilité de créer « une grande union du centre », l’exposant à rester à la remorque du gaullisme.

23Les préoccupations politiciennes sont donc importantes dans l’action européiste de Pierre Sudreau, et il faut bien rappeler le croisement du contexte européen et national lors de son élection à la présidence du ME-France : il y accède en plein mois de Mai 68, alors que la crise politique ne cesse d’enfler. De fait, la construction européenne est en soi un thème de contestation, remettant en question la concentration gaullienne des pouvoirs, et réactualisant les thèses du parlementarisme libéral, désavouées en 196273.

24Les retombées intérieures du débat sur l’Europe semblent ainsi plus intéresser Pierre Sudreau que ses extensions communautaires. Paul Rohr, président de la commission des Affaires étrangères du Parti libéral belge, propose ainsi à Pierre Sudreau la possibilité de former un vaste centre à l’échelle européenne, dont l’initiative reviendrait à Michel Poniatowski, et dont il ferait partie (24 avril 1971)74. La réponse de Pierre Sudreau tarde, malgré les relances sur les possibilités d’une « entente centriste européenne75 », apte à renforcer les différentes formations nationales se réclamant de celle-ci : décidément sceptique, il renvoie son interlocuteur d’abord à André Voisin, vice-président du ME, puis à Eugène Claudius-Petit, président du groupe PDM à l’Assemblée nationale76. Paul Rohr ne donnera plus de nouvelles…

Le faux espoir de La Haye

25L’espoir européiste de Pierre Sudreau semble d’abord s’inscrire dans une perspective immédiate, celle de la conférence de La Haye, qui doit rassembler les chefs d’États et de gouvernement des Six les 1^er et 2 décembre 1969. Un triptyque a été défini dès la première conférence de presse de Pompidou en tant que Président de la République, le 10 juillet 196977, tournant autour de l’achèvement budgétaire, de l’élargissement communautaire et de l’approfondissement de la CEE. Sudreau publie une déclaration le 12 novembre, en tant que président de l’Organisation française du ME, appelant à l’audace : « Les participants au sommet devraient se rendre à La Haye avec la volonté d’écrire une page d’histoire européenne. Nous cherchons des hommes d’État européens, espérons que La Haye nous les révélera78. » Cette déclaration s’insère elle-même dans une vague de prises de position qui démontre la mobilisation de la société civile autour de ce sommet79.

26Le « programme » de La Haye ne peut qu’attirer l’attention de Pierre Sudreau. Sa vision européenne est en effet marquée par une volonté moderniste, mettant en avant le « progrès foudroyant des techniques » et « l’ère de la grande dimension80 ». Parmi les dossiers évoqués, l’atome civil occupe une place de choix. Pierre Sudreau avait lui-même engagé une réflexion sur ce dernier point dans son livre best-seller, L’Enchaînement81. En octobre 1960, la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA), créée deux ans auparavant, avait mis en chantier un « Centre Commun de Recherche » qui devait compter plusieurs milliers de scientifiques, d’ingénieurs et de techniciens spécialisés, répartis dans différents établissements (projet Orgel). La mise au point par la France, dans son usine d’enrichissement de Pierrelatte, d’un réacteur qui venait concurrencer le prototype européen en voie de construction révélait cependant l’incapacité de la CEEA à dépasser les ambitions nationales des États membres et leur volonté de « juste retour82 », ainsi que le démontra la révocation de son président, Étienne Hirsch, par de Gaulle, le jugeant trop fédéraliste à son goût (20 janvier 1962).

27Il faut ajouter que la CEEA a été bien malmenée au sein même des institutions européennes suite à la fusion de 1967 au profit de la seule Commission de la CEE83. En 1968 cependant, cette dernière publiait un Livre blanc qui suggérait des pistes pour une véritable relance de la politique énergétique communautaire84. C’est sur la base de ce document que la Commission prend langue auprès de différents groupes d’intérêt, dont le ME, qui montre un réel intérêt pour l’initiative85 : une lettre de Sudreau dans Le Monde suit de près l’esprit de la proposition de Bruxelles, appelant peu avant la tenue du sommet de La Haye à « une stratégie industrielle européenne globale » (30 novembre 1969)86. Il plaide pour une CEE soudée, à même d’éviter un fiasco pour tous ses membres au bénéfice des États-Unis ou de l’URSS, s’inquiétant de la perte de terrain dans les secteurs les plus sensibles de la technologie, à l’heure du basculement de tout un système productiviste vers la révolution technique qui exige des moyens de production différents87. Le sommet de La Haye lui paraît l’occasion de trouver une solution satisfaisante à ce dilemme, sans oublier le dossier monétaire, relancé peu de temps auparavant (février 1969) par le plan du commissaire Raymond Barre, proposant une meilleure concertation budgétaire, préalable d’une union économique et monétaire, elle-même débouchant sur la création d’une monnaie commune.

28Et sa première réaction est en effet positive peu après la tenue du sommet : dans Le Monde, il juge prometteuses les orientations tracées dans les domaines de la technologie et de l’énergie, même s’il appelle à la vigilance concernant leurs réalisations88, et au fait que le ME devra militer pour la création d’un ministère chargé des affaires européennes89, seul à même de garantir une efficace continuité politique dans ce secteur

Désillusions

29Le contexte va cependant remettre en question certaines des avancées de La Haye. C’est ainsi à l’effacement rapide de la CEEA que Pierre Sudreau assiste, qui montre l’absence de concrétisation des bonnes volontés exprimées au cours de ce sommet. La question énergétique reste pourtant brûlante après le départ de De Gaulle, et est même relancée par la crise pétrolière de 1973. Pierre Sudreau réagit à celle-ci et aux conséquences qu’elle entraîne pour la solidarité européenne90, mais sa parole se perd dans les querelles qui divisent les Européens sur la meilleure façon de répondre à la crise proche-orientale. Concernant l’atome, celui-ci continue plus que jamais à être l’auxiliaire de la politique nationale, comme le montre le plan Messmer.

30Pierre Sudreau avait également appelé à créer une monnaie unique pour mieux lutter contre le détachement du dollar et le début des cours flottants91. Il avait soutenu la dévaluation du 8 août 1969, décidée par Georges Pompidou en réaction à la faiblesse du franc, et qui montrait plus que toute autre chose le pragmatisme du Président, osant faire ce que son prédécesseur avait refusé de cautionner quelques mois plus tôt, signe du primat désormais accordé à l’économie et à la monnaie sur la diplomatie et la politique de prestige92. C’est d’ailleurs cette dévaluation, jugée positivement à Bonn, qui entraîne peu après une réévaluation du deutschemark que de Gaulle avait vainement demandée l’année précédente. Cependant, les concessions s’arrêtent là, comme le démontrera la faible place qu’a prise le dossier monétaire dès les discussions de La Haye : malgré le soutien des plans Barre et Werner par Jacques Chaban-Delmas, Valéry Giscard d’Estaing et Maurice Schumann, c’est Georges Pompidou qui tranchera en sa défaveur (décembre 1970), car il veut que l’État conserve la maîtrise de sa monnaie, l’intégration monétaire entraînant à ses yeux l’intégration politique. Dans cette matière, il n’y a pas de déviance par rapport à l’orthodoxie gaulliste, qui souhaite tout juste la solidarité financière, mais sans transfert de souveraineté. La dernière décision du président est d’ailleurs de retirer le franc du Serpent monétaire européen (24 janvier 1974).

31Quant à la défense des idéaux européens au sein du paysage politique français, elle apparaît sérieusement affaiblie, aux yeux de Sudreau, avec la signature du Programme commun entre les radicaux de gauche, le PS et le PCF le 27 juin 1972, éloignant la réalisation du vieux rêve de rapprochement entre socialistes modérés et centristes que l’Europe paraissait rendre possible. Ce rêve avait déjà été écorné par l’attitude des socialistes lors du référendum sur l’élargissement qui s’était tenu le 23 avril, où ils avaient appelé à s’abstenir plutôt que de cautionner une politique pompidolienne : en matière européenne comme dans d’autres, on n’échappe décidément pas à la bipolarisation.

Conclusion

32Pierre Sudreau a ainsi beaucoup écrit sur l’Europe, et peu obtenu. On reconnaît trois dossiers prioritaires dans la masse des articles qu’il a écrits sur ce thème : l’énergie, la lutte contre le chômage et l’innovation technologique – trois dossiers menacés par la crise et, ce que Pierre Sudreau craignait le plus, par l’indécision et les querelles politiques. Dans tous ces domaines, il fait lui-même un constat d’échec93, et c’est l’agacement qui l’emporte, l’éloignant dès le début des années 1970 de son combat pour l’Europe, qui au fond aura été d’une grande brièveté en ne représentant que trois ans et demi d’engagement réel de sa part. Une lettre du 11 février 1972 adressée à Richard Coudenhove-Kalergi semble révéler une certaine amertume : en réponse aux sollicitations de ce dernier, il dit qu’« ayant trop de travail », il a « demandé à être déchargé des fonctions de Président de l’organisation française du Mouvement européen ». Cela dit, il ne s’éloignera pas totalement du combat européiste, restant membre du Bureau national et du comité directeur du ME, et reconnaissant qu’« il ne [lui] est pas possible de [s]e désintéresser de l’action menée par ce mouvement94 », comme par exemple dans le cadre de la campagne pour l’élection du Parlement européen au suffrage universel95. Mais c’est à peu près tout.

33Au fond, Pierre Sudreau ne peut s’empêcher de regretter les évolutions d’une CEE aux « préoccupations mercantiles », devenue « Communauté “protozoaire”96 », une « Europe du bricolage97 », dont il estime qu’elle est « informe », car sans volonté politique. Pour lui, la nécessité de l’Europe s’explique d’abord par des considérations mondiales, qui prennent de plus en plus d’importance dans sa vie : déclin démographique, agressivité économique du Japon, théorie des grands ensembles, problème du désarmement98. À ses yeux, l’Europe doit « avoir un rôle mondial », capable de concilier Est et Ouest, Nord et Sud, « éclairant l’avenir avec les Droits de l’Homme et prônant la démocratie99 ». Ses tribunes représentent de véritables coups de gueule contre une CEE qui lui paraît s’éloigner de cet objectif, mais pour laquelle il continuera jusqu’au bout à se battre100.

34Pierre Sudreau n’est peut-être pas le plus engagé des européistes, mais sûrement un de nos hommes politiques les plus constants dans ses préoccupations pour l’Europe à construire : une nouvelle illustration de sa façon de s’impliquer, sans se départir de lui-même.