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Sociétés inclusives et reconnaissance des diversités

 | 
Bruno Garnier
, 
Jean-Louis Derouet
, 
Régis Malet

Diversité ethnoculturelle

L’offre de scolarisation précoce en France à l’épreuve des réticences familiales

Sylvie Condette

Texte intégral

Introduction

1L’École a toujours constitué en France un enjeu politique majeur entraînant de nombreux affrontements (Prost, 2007). Si Napoléon Ier organise la centralisation administrative du territoire pour mieux le contrôler (Dupuis et al., 2004), les Républicains, au travers des lois adoptées à la fin du xixe siècle sur l’obligation scolaire et la gratuité des études, vont s’efforcer d’unifier la nation en s’appuyant sur l’école, et en particulier sur un corps d’instituteurs formés, les « hussards noirs de la République », œuvrant au déploiement de la langue française, animé par une volonté de promotion de valeurs citoyennes communes et une mission patriotique d’unification et de défense de la nation française humiliée en 1870-1871. Cette « centralisation idéologique », pour reprendre les mots de Claude Lelièvre (1991, p. 70), compte fortement sur la scolarisation de tous les enfants pour les soustraire à l’autorité de l’Église et à la tutelle familiale. Le sociologue Émile Durkheim (1922) met également en évidence, à la même époque, cette lourde responsabilité qui repose sur les enseignants, investis non seulement d’une mission socialisatrice (intégrer le jeune au groupe social), mais aussi d’une mission normalisatrice et politique (réguler les comportements pour éviter qu’ils ne viennent troubler l’ordre social établi). Ces différents points de référence semblent bien caractériser l’école française, une école qui n’instruit pas seulement les enfants, mais défend et promeut aussi les valeurs républicaines, fondements d’une nation à unifier (Kerlan et al., 2001).

2En France, si l’instruction obligatoire est fixée depuis 1882 jusqu’en 2019 à l’âge de 6 ans, les écoles maternelles sont créées en 1881, succédant aux salles d’asile qui accueillaient d’abord les enfants des familles pauvres dont les mères allaient travailler à l’extérieur du domicile familial (Luc, 1999). Les écoles maternelles regroupent depuis lors les enfants dès l’âge de 3 ans, parfois 2 ans. À la suite du baby-boom des années postérieures à 1945 et à la faveur de la croissance de l’emploi salarié féminin, l’offre de scolarisation précoce se montre particulièrement attractive, relayée par des magazines qui vantent la créativité du bambin à grands renforts d’articles scientifiques et de témoignages parentaux (Doman, 1980). Même si le modèle de la petite école est longtemps défini selon « le modèle de la grande » (Luc, 2010, p. 14), malgré les combats de l’inspectrice générale Pauline Kergomard qui veut la centrer sur la socialisation et le jeu tout en en faisant un réel lieu de mixité sociale (Plaisance, 1996), de nombreux parents sont désormais attirés par une école qui doit permettre au jeune enfant d’explorer son potentiel et de le faire croître dans un environnement structuré et socialisateur. De ce fait, l’école maternelle est alors fortement plébiscitée et connaît un essor considérable (Plaisance, 1978). Dans les années 1960-1970, « l’inscription en école maternelle des enfants de 3 ans est passée de 35 % à 90 % et de 60 % à pratiquement 100 % pour ceux de 4 ans » (West, 2016, p. 20). Le taux de scolarisation des enfants de 2 ans augmente aussi fortement entre 1970 et 2000, passant de 17,9 % à 34,3 % (DEPP, 2018). Pour autant, ce sont les familles les plus cultivées ou celles qui reconnaissent les apports positifs de la culture érudite qui profitent le plus de l’offre préscolaire (Plaisance, 1986). Comme l’analyse Jean-Noël Luc (1988, p. 115), « ce sont les familles bourgeoises, celles où la fonction maternelle s’est professionnalisée, avec un renforcement du rôle pédagogique, celles encore où la perception savante de la petite enfance et de son importance est la plus répandue, qui ont le mieux formulé et mis en œuvre cette complémentarité entre l’action de la maternelle et l’action de la mère », a contrario des réalités anciennes des salles d’asile. La réussite scolaire semble ainsi en grande partie reposer sur un habitus qui s’accompagne d’une mobilisation familiale voire d’un surinvestissement parental dans un projet scolaire où la transmission du capital culturel constitue sans conteste un atout indéniable dans la compréhension des attendus et des implicites scolaires (Perrenoud, 2013). Alors que certains enfants ne parviennent pas à s’approprier les mécanismes de décodage, de compréhension et d’adaptation aux évolutions du curriculum, aux règles du vivre ensemble et aux exigences des enseignants (Forquin, 2008 ; Joigneaux, 2009), d’autres bénéficient dès leur plus jeune âge des repères qui leur permettent, par le jeu des dispositions sociales et de l’héritage familial, de se construire des schèmes mentaux et comportementaux adaptés aux situations scolaires d’apprentissage (Lahire, 1995).

  • 1  Par commodité, et même si les termes comportent quelques nuances, nous utilisons de manière indiff (...)

3Comment dès lors élargir la scolarisation précoce1 aux familles qui n’ont pas cette connivence avec le monde scolaire ? Quels sont les stratégies et moyens institutionnels mis en place pour inciter les familles les plus éloignées de l’école à s’en rapprocher et à se saisir de cette offre ? Les études de la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) mettent en évidence un net recul de la préscolarisation où l’on est passé de 35 % au début des années 2000 à environ 12 % depuis 2012 (Abdouni, 2016, p. 1-2). Plusieurs raisons sont susceptibles d’expliquer cette forte diminution : certaines communes n’ont plus réussi à satisfaire la demande croissante de places pour les petits enfants ; l’école maternelle est encore perçue comme s’alignant trop fortement sur le fonctionnement de l’école élémentaire, ce qui dissuade les familles désireuses de promouvoir le développement et l’épanouissement individuels de l’enfant ; l’offre à destination des tout-petits s’est diversifiée et certains parents, qui optaient volontiers pour l’école, choisissent à présent d’autres modes de prise en charge : garder l’enfant à la maison, le confier aux grands-parents ou à des proches, recourir à une assistante maternelle ou encore choisir la crèche (municipale, familiale, associative), le jardin d’enfants, le jardin maternel, le jardin d’éveil (Garnier et al., 2016), se tourner vers les centres favorisant les pédagogies alternatives (comme les écoles Montessori).

  • 2  La recherche sur les freins à la préscolarisation dans le département du Nord. Une étude sur six t (...)

4Au-delà des raisons organisationnelles, fonctionnelles tout autant que personnelles qui sont ici invoquées, nous souhaitons approfondir cette thématique en essayant de mieux comprendre ce qui motive précisément cette prise de distance par rapport à l’école. Nous avons ainsi entamé une recherche extensive, le premier volet (2015-2016) portant sur les freins à la préscolarisation dans des quartiers de la politique de la ville, le deuxième (2016-2017) sur l’implication parentale dans le processus éducatif2. De manière globale, les résultats de cette étude montrent, chez la plupart des familles interrogées, une réticence voire une résistance face à la scolarisation des enfants de deux et trois ans. Nous proposons ici d’en examiner les contours et les motifs. Trois entrées thématiques alimentent notre analyse : nous examinons tout d’abord le sens et la portée des offres institutionnelles de scolarisation précoce, avant de mettre l’accent sur la réception qu’en font les familles. Nous étudions enfin les effets de cette distance voire cette méfiance vis-à-vis de l’école au regard des enjeux sociétaux de citoyenneté.

La scolarisation précoce et le contexte institutionnel de son déploiement

5Depuis les années soixante-dix et l’arrivée massive d’une population scolaire de plus en plus hétérogène, les gouvernements successifs, malgré des ancrages politiques différents, prennent des mesures en faveur d’une scolarisation précoce, surtout en direction des enfants les plus défavorisés économiquement et culturellement. L’école reste en effet considérée comme un levier puissant dans la lutte contre les inégalités. La mise en œuvre de l’éducation prioritaire à partir de 1981 a renforcé ce postulat. Il s’agit ainsi de promouvoir une politique compensatoire qui parvienne à réduire les écarts entre les enfants qui bénéficient d’un environnement propice aux études et ceux qui restent éloignés de la culture scolaire.

Une politique volontariste en faveur de la scolarisation précoce

6La scolarisation précoce fait partie des propositions visant à réduire les déficits liés à la faible appropriation des codes scolaires et plus largement sociaux, et à rétablir un équilibre entre tous les élèves pour que chacun bénéficie pleinement des enseignements dispensés et s’épanouisse dans un environnement scolaire accueillant, propice aux apprentissages. Cet objectif de réussite scolaire se double, à terme, d’un objectif de réussite sociale : la politique compensatoire mise en œuvre entend faire entrer le plus rapidement possible les enfants dans le processus dynamique et complexe que constitue la socialisation (Dubar, 2010), une socialisation qui ne peut se limiter à l’univers familial dans la mesure où elle vise plus largement la connaissance de soi (Mucchielli, 2013), la découverte d’autrui et l’intégration au groupe (Leclercq, 1995). L’enjeu politique et social est donc majeur pour la structuration et la cohésion de la société.

  • 3  Program for International Student Assessment/ « Programme international pour le suivi des acquis d (...)

7Pour autant, les analyses produites en termes d’égalité des chances et de promotion de la réussite ne sont pas spécifiquement françaises. Une étude de l’OCDE (OECD, 2013) montre que la scolarisation précoce, accompagnée de méthodes pédagogiques qui prennent en compte le bien-être de l’enfant, a des effets bénéfiques, différenciés selon les pays, sur les performances de l’enfant. Cette étude explique notamment que des élèves âgés de 15 ans qui ont débuté leur scolarité dès deux ans, indépendamment de leur contexte familial, réussissent mieux les tests PISA3 que les jeunes gens qui ont commencé l’école plus tardivement. Anne West, au terme d’une analyse comparative sur le rôle de l’école maternelle (West, 2016), parvient à des conclusions similaires, montrant que la préscolarisation constitue un levier d’action pertinent pour réduire l’ensemble des inégalités.

  • 4  La loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989, dans son article 2, consacre un « droit à (...)

8D’un point de vue institutionnel, la préscolarisation fait l’objet d’un suivi attentif (Brisset, 2010). Même si un rapport du Sénat met en garde contre de possibles limites, « tous les deux ans ne sont pas scolarisables et toutes les écoles ne sont pas prêtes à les scolariser » (Papon et Martin, 2008, p. 55), la politique menée reste extrêmement favorable à une scolarisation des enfants de deux ans dans les quartiers défavorisés et à une généralisation de l’école à 3 ans pour tous les enfants4. Le rapport de l’Inspection générale dédié à la scolarité des enfants de moins de trois ans (Pétreault et Buissart, 2014) indique qu’à la rentrée 2013, les effectifs au niveau national ont augmenté et le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans est passé de 11 % en 2012 à 11,8 % en 2013, même s’il existe des différences notables entre les académies. Le rapport note une progression importante en éducation prioritaire (+ 2,9 %) où le taux s’établit à 20,4 % pour un objectif national fixé à 30 %. Cette étude propose une série de préconisations qui portent sur plusieurs domaines complémentaires : 1/ Mieux organiser les coopérations (du national au local) ; 2/ Effectuer des choix rationnels pour l’affectation des moyens ; 3/ Faire vivre localement chaque site de scolarisation des enfants de moins de trois ans ; 4/ Poursuivre l’amélioration de la qualité de l’encadrement pédagogique et de l’accompagnement de la scolarisation des enfants de moins de trois ans (Pétreault et Buissart, 2014, p. 64-66).

9La scolarisation précoce semble donc particulièrement plébiscitée par les politiques, au prix d’adaptations des conditions d’accueil et d’apprentissage, mais il reste à savoir si cette proposition, parmi d’autres offres éducatives, reçoit un avis favorable de la part des familles.

La scolarisation précoce parmi une pluralité d’offres

10Hormis les secteurs ruraux où, la plupart du temps, des regroupements sont proposés localement, les villes dans leur ensemble disposent d’une variété d’offres, allant de l’école maternelle et élémentaire aux structures relevant du secteur petite enfance et au périscolaire municipal. L’implantation de ces structures attire en effet des familles qui trouvent sur place des possibilités d’accueil et de scolarisation des enfants. Pascale Garnier et ses coauteurs (2016) mettent clairement en évidence le nombre parfois pléthorique des structures dédiées à l’accueil des petits enfants, leur éventuelle complémentarité (pour ce qui concerne par exemple les classes passerelles) mais aussi leur possible mise en concurrence (certaines structures s’appuient en effet sur des stratégies de communication qui valorisent fortement leurs propres offres tout en discréditant le travail jugé médiocre, réalisé par d’autres). Les familles sont ainsi confrontées à une pluralité d’offres qui ne fait pas toujours véritablement sens quant aux conditions requises et aux services accordés.

11Toutes ces structures dépendent du ministère de l’Éducation nationale, des services municipaux de la petite enfance ou encore d’organismes privés. Elles revêtent par conséquent une forme juridique différente, selon qu’elles appartiennent au domaine associatif, et qu’elles sont publiques ou privées. Ces offres sont gratuites ou payantes, avec des aides financières partielles ou totales selon les conventions établies, selon aussi les revenus des parents (c’est le cas par exemple pour les prises en charge accordées par la caisse d’allocations familiales). Il existe ainsi un marché de l’éducation dans lequel il n’est pas toujours aisé de se repérer. Il est alors nécessaire de déterminer les critères du « bon choix ».

12Les familles que nous avons rencontrées, malgré leurs différences sociales, économiques et culturelles, partagent toutes une ambition commune : elles veulent « ce qu’il y a de mieux pour leur enfant ». L’enfant est effectivement considéré comme « un bien précieux » et il n’est pas question de l’exposer à des difficultés qu’il ne saurait affronter. Le choix du mode éducatif le plus adapté repose en réalité sur plusieurs facteurs : les structures éducatives que l’adulte a lui-même connues ou expérimentées et dont il a conservé un agréable souvenir (ce critère sert souvent d’étalon pour mesurer la qualité des offres), la réputation des offres éducatives et préscolaires (le bouche-à-oreille ou les avis postés sur les réseaux sociaux sont considérés par les familles comme très efficaces et plutôt fiables), la quantité et la qualité des services offerts, l’éventuelle proximité par rapport au domicile. La visite des sites Internet des structures reste somme toute peu utilisée, hormis pour consulter les dates et heures où il est possible de trouver un interlocuteur. Ce sont plutôt les forums de discussion et les expériences personnelles racontées qui servent à orienter le choix. Chaque famille se réfère donc à des critères subjectifs qui sont bien souvent éloignés des considérations politiques plus générales et plus englobantes (comme le projet éducatif et son programme spécifique mis en place). La plupart des familles interrogées nous expliquent qu’elles ne comprennent de toute façon pas vraiment ce que signifie un projet d’école, avec les objectifs éducatifs visés et les compétences à acquérir.

La complexité organisationnelle et ses effets déstabilisateurs

  • 5  Pour rappel, le DRE fait partie du programme de réussite éducative (PRE), piloté par le Commissari (...)

13Dès que l’on entre dans les détails de son organisation géographique, le territoire présente des difficultés qui peuvent nuire à l’objectif affirmé de cohérence. En effet, les quartiers relevant de la politique de la ville sont identifiés selon des critères qui ne coïncident pas avec ceux de l’éducation prioritaire. Ce n’est pas illogique dans la mesure où chaque politique se définit en fonction de priorités, fixées par le ministère de tutelle, et qui visent un public cible. Mais dans les faits, cela génère une complexité organisationnelle, en particulier pour ce qui concerne le dispositif de réussite éducative (DRE5) qui invite l’ensemble des acteurs d’un territoire à travailler de concert. La géographie de l’éducation prioritaire peut effectivement placer certaines écoles dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP et REP + pour les réseaux renforcés), et pourtant ces écoles ne font pas partie des quartiers de la politique de la ville et se trouvent donc écartées des dispositifs engagés. À l’inverse, une école peut très bien être localisée dans un quartier en politique de la ville tout en ne relevant pas de l’éducation prioritaire. Cette double organisation du territoire n’est pas sans créer d’interférences, ne serait-ce que pour les actions locales à mettre en place. Les professionnels eux-mêmes ont parfois du mal à s’y retrouver, incapables de dire dans quel dispositif ils s’inscrivent :

« Avant nous étions dans un quartier politique de la ville, mais la carte a été redessinée et je crois que nous n’y sommes plus… mais comme nous avions déjà engagé des actions, en fait on continue comme avant, mais j’avoue que je ne sais pas si j’en ai bien le droit… enfin, il va falloir que je me renseigne auprès de l’inspectrice »
extrait d’entretien avec un directeur d’école.

14Ce même trouble est partagé par les personnels de la commune ou encore par des associations :

« Nous, on avait déclaré notre action de prévention dans le DRE, maintenant, c’est dans le REP+ apparemment, mais on n’a pas été avertis, alors, on n’a rien changé, on a juste dupliqué la fiche projet… le problème, c’est pour les réunions, parfois je suis invité, parfois pas… »
extrait d’entretien avec un directeur d’association.

15Cette absence de concordance entre la politique de la ville et l’éducation prioritaire produit une juxtaposition des dispositifs qui nuit à la cohérence recherchée et crée des zones d’incertitude qui affectent directement les professionnels œuvrant dans le champ éducatif et, indirectement, touchent les familles. Les informations que ces professionnels leur livrent sont parfois inexactes, erronées ou contradictoires, ce qui crée beaucoup de confusions notamment dans la reconnaissance des droits et des services auxquels les familles peuvent prétendre.

16Malgré tout, les délégués du préfet exercent une mission de coordination dans le cadre du dispositif de réussite scolaire et organisent régulièrement des réunions de travail avec les inspecteurs de l’Éducation nationale (IEN), les représentants de la commune et des services sociaux et de santé. Mais les problèmes étudiés et les décisions adoptées peinent à redescendre dans les services ou le sont par des notes internes qui peuvent porter à interprétation sinon à confusion. On remarque ainsi que les relations restent complexes, parfois tendues, et la collaboration ne semble efficiente que dans des petites zones géographiques ou des villes de taille moyenne, où le nombre d’interlocuteurs est plus limité.

17En outre, le découpage territorial est évolutif et affecte par conséquent les budgets alloués. Le « nouvel ordre éducatif local » (Ben Ayed, 2009) subit les contraintes des nouvelles politiques publiques axées sur l’optimisation des moyens accordés, sur une reddition des comptes qui accroît la responsabilité des différents acteurs (Duran, 2010), mais il dépend aussi fortement des directives et des réformes successives qui, chaque fois, redessinent de nouvelles orientations politiques.

18Tout ceci génère un profond trouble chez toutes celles et ceux qui travaillent au plus près des familles et qui ont du mal à comprendre le sens des arbitrages politiques et les modifications qui sont à mettre en place rapidement. Les enseignants et travailleurs sociaux interrogés regrettent de devoir appliquer des directives nouvelles, alors même que les actions menées antérieurement n’ont pas été évaluées. Ils estiment aussi que ces changements permanents leur font perdre toute crédibilité. Comment en effet relayer des informations non stabilisées auprès des familles ? Comment attirer de futurs parents ? Les familles qui envisagent une scolarisation précoce pour leur enfant se montrent elles-mêmes inquiètes. Les témoignages recueillis indiquent que d’une année à l’autre, les parents ignorent si le nombre de places réservées aux tout-petits de 2 ans sera reconduit. Il leur est donc difficile de se projeter. Si les conditions d’accueil sont réunies, le tout-petit sera scolarisé dans l’école initialement prévue mais parfois dans une classe mixte accueillant des tout-petits et des petits (enfants de 2 et 3 ans), ou alors, parce que le nombre de places va manquer, il sera orienté vers une autre école de proximité. Ces incertitudes produisent beaucoup d’inquiétude chez les familles concernées, et certaines optent, préventivement, pour d’autres modes de garde ou préfèrent garder l’enfant à la maison.

19Un autre point vient compléter l’analyse précédente. Dans les quartiers de la politique de la ville, les intervenants et interlocuteurs des services sociaux, médicaux, petite enfance sont très nombreux et prennent différentes dénominations selon le lieu et la structure d’exercice (conseiller, chargé de mission, éducateur, accompagnant, assistant, animateur, médiateur, agent de proximité, agent de liaison, relais…). Ces noms sont en fait liés aux moyens spécifiques attribués pour apporter des solutions les plus durables possible aux problèmes localement posés. À ce foisonnement d’intervenants s’ajoute la difficulté de concilier des cultures professionnelles différentes qui parfois peinent à travailler ensemble. Le manque de concertation et de travail collaboratif que nous avons pu identifier est surtout lié aux contraintes d’emploi du temps des uns et des autres, à la faible disponibilité car c’est le travail de terrain qui reste privilégié. Les travailleurs sociaux et les personnels dédiés à la petite enfance que nous avons interrogés se disent tous épuisés par la charge de travail sans cesse croissante et la difficulté d’obtenir des résultats probants. Dans certains secteurs géographiques, les mutations et remplacements des travailleurs sociaux sont si importants que les familles qui bénéficient d’un accompagnement perdent progressivement leurs repères et en viennent à rompre la relation de confiance qui avait été si difficilement établie avec ces professionnels, et plus largement avec les représentants de l’État ou des collectivités territoriales.

20La question de la confiance apparaît ici comme étant fondamentale dans la mesure où c’est bien elle qui facilite la relation à autrui et établit les bases d’une collaboration féconde (Kherroubi, 2008). Pour autant, lorsque la confiance est mise à mal, pour des motifs organisationnels ou fonctionnels, elle laisse très vite place à des comportements durables de défiance et de retrait.

L’objectif de scolarisation face à la diversité des problématiques familiales

21Ne pas scolariser l’enfant n’est pas toujours un acte délibéré, savamment orchestré pour échapper à l’école. La réalité est bien plus complexe. Ce qui est perçu du côté institutionnel comme étant des réticences ou des refus de la part des familles nécessite sans doute d’être revisité en incorporant à l’analyse d’autres déterminants.

Trouver le mode de garde le plus adapté

22La scolarisation des petits enfants renvoie à des programmes particulièrement élaborés qui visent, en tenant compte de la maturité que l’enfant va progressivement acquérir, la socialisation, le développement du langage, de la motricité et des capacités cognitives. L’enfant va ainsi expérimenter différentes situations scolaires à sa portée et en tirer profit. Mais, en réalité, les autres espaces d’accueil (crèche, halte-garderie, assistante maternelle…) insistent également sur leur offre éducative et les bénéfices que celle-ci apporte aux enfants. Ces structures mettent surtout l’accent sur le faible effectif et donc sur une individualisation possible des relations et une plus grande attention portée à l’enfant. Les projets éducatifs sont ambitieux tant du point de vue des contenus (travail sur le langage, la motricité, éveil à la curiosité, connaissance de soi et des autres, partage et coopération) que des méthodes (essentiellement axées sur le jeu). Des formations sont régulièrement proposées aux personnels dédiés à la petite enfance. Elles le sont également pour les assistantes maternelles dans le cadre des Relais assistantes maternelles (RAM) qui permettent de rompre l’isolement et de contribuer à leur professionnalisation.

23Comment le choix des familles s’opère-t-il ? Le premier facteur qui penche plutôt en faveur de l’école maternelle est la gratuité. Les autres services ont en effet un coût et certaines familles considèrent que le prix est élevé même si généralement il est fixé en fonction des revenus. Pour autant, ce critère n’est pas le plus important. Tout dépend en effet de l’activité professionnelle des parents. Pour ceux qui exercent une activité salariée bien rémunérée, ils optent souvent pour une assistante maternelle. Les horaires sont plus souples et l’enfant peut être gardé plus longtemps, même en cas de maladie (ce qui n’est pas possible en crèche, à la halte-garderie ou à l’école). Lorsque les parents ont plusieurs enfants en bas âge, ils combinent souvent plusieurs modes de garde (école et assistante maternelle par exemple) ; cela limite un peu les frais et permet aussi de la souplesse. Il en va de même pour les familles monoparentales si elles n’ont pas de parents proches qui peuvent les relayer. Les aspects financiers et organisationnels semblent ici primer sur la qualité du service éducatif.

24La question du quartier d’habitation est aussi une dimension particulièrement importante. Des familles nous confient ne pas hésiter à choisir une structure éloignée, du moment qu’elle se situe dans un « bon quartier ». Tout en étant salariées, elles n’ont pas les moyens suffisants pour déménager, et, en conséquence, elles disent « subir leur quartier » mais essayer autant que possible de « ne pas s’y soumettre ». Comme l’école publique reste sectorisée, le seul recours (hormis l’obtention d’une dérogation) est de se diriger vers une structure privée. D’ailleurs, certaines offres privées proposent dans le même espace la crèche, l’école maternelle et l’école élémentaire, puis, à proximité, le collège et le lycée, ce qui facilite l’intégration de l’enfant et garantit son suivi jusqu’à la fin de son cursus.

25La maternelle publique, on le comprend ici, n’est pas la priorité retenue, pour des motifs qui ne sont d’ailleurs pas liés à la qualité des prestations offertes. L’école reste selon ces familles un possible ascenseur social. Mais ces parents qui travaillent et qui vivent dans des quartiers défavorisés, peu attractifs, élaborent à la fois des stratégies de réussite et d’organisation personnelle. Même si la vie quotidienne est difficile, ils gardent quand même foi en l’école et ses apports et ont de l’ambition pour leurs enfants et pour eux-mêmes. Ce qui pourrait être interprété comme réticences vis-à-vis de l’école est en réalité d’un autre ordre. Il s’agit en effet de préserver l’enfant en essayant de lui garantir une qualité de vie qu’eux-mêmes n’ont peut-être jamais connue.

26Pour les parents sans emploi, les choses sont quelque peu différentes, en termes d’organisation familiale, d’appréhension du quartier et sans doute aussi pour certains, d’utilité sociale. La scolarisation précoce ne constitue pas une priorité, sachant que la maman peut être présente pour s’occuper de l’enfant.

L’école comme facteur de perturbation familiale

27L’enfant est non seulement considéré comme un « bien précieux », mais il est aussi l’élément structurant de la famille. L’école, de ce point de vue, ne peut qu’interférer dans la sphère familiale qui, le plus souvent, s’est construite autour de l’enfant, de son bien-être et son développement. Cette attitude de protection ne signifie pas pour autant que toutes les familles sont en capacité d’assumer correctement les soins à apporter à l’enfant mais toutes estiment faire du mieux possible, en fonction de leurs connaissances, de leurs ressources et du contexte de vie. Protéger l’enfant reste, quoi qu’il en soit, la priorité partagée. Cette protection se traduit par différents comportements que nous avons pu observer et questionner lors d’entretiens. La plupart des mamans insistent beaucoup sur l’instinct maternel qui va nécessairement pouvoir les guider dans l’éducation du jeune enfant ; elles affirment « savoir naturellement ce qu’il faut faire ». Certaines ont déjà l’expérience d’avoir plusieurs enfants ou d’être issues d’une fratrie nombreuse. Elles ont aussi des idées assez précises sur les atouts et les risques que comporte la scolarisation et considèrent, à l’instar de Bianka Zazzo, que l’entrée à l’école est une épreuve qui génère un grand déséquilibre (Zazzo, 1984). Cette épreuve peut d’ailleurs être difficilement vécue, non seulement par les mamans mais aussi par les enfants : « L’école, ce n’est pas pour lui, il n’est pas prêt, il n’est pas propre. » Derrière cette phrase entendue maintes fois, on comprend que si la propreté est le sésame qui ouvre les portes de l’école maternelle, elle peut aussi devenir la formule magique qui retarde la scolarisation. Ainsi, nous confie la directrice d’une halte-garderie, quand certains enfants ne se sentent pas bien à l’école, « ils perdent leur propreté » pour retourner à la garderie ou à la maison. Le petit enfant témoigne ici de sa capacité à résister à une situation non souhaitée ou non souhaitable. Nos investigations ne permettent pas, à ce niveau, de déterminer s’il s’agit d’une réaction toute personnelle de l’enfant face à un environnement qui lui paraît hostile – le petit enfant mobiliserait alors des ressources (Sirota et Bluebond-Langner, 2013) qui l’amèneraient à construire sa propre expérience sociale (Sirota, 2005) – ou si ce dernier, ressentant l’inquiétude et la tristesse de sa maman, les incorpore et se rallie aux émotions maternelles, adoptant alors un comportement de mécontentement quelque peu guidé. En tout état de cause, l’enfant, à sa façon, exprime lui aussi son refus en montrant que l’école n’est pas encore faite pour lui. Ce refus vient d’ailleurs corroborer ce que bon nombre de médecins dénoncent, à savoir que l’enfant de deux ans n’a pas acquis la maturité suffisante pour entrer à l’école et en accepter les règles et les contraintes (Brisset et Golse, 2006). Le rapport de l’Union nationale des associations familiales va dans le même sens : « L’enfant entretient une relation privilégiée avec sa mère. Pour se sentir en sécurité et se développer, il a besoin de sa mère ou d’un substitut maternel » (UNAF, 2013, p. 7). Or, même si elle est appelée « maternelle », l’école n’est pas un substitut maternel, ne serait-ce que dans son organisation, les objectifs qu’elle poursuit, et dans les effectifs accueillis par classe.

28Parallèlement, certaines mamans, pour des motifs très subjectifs, ne sont pas prêtes non plus à laisser leur enfant à l’école. C’est le cas de celles qui façonnent toute leur vie de femme à partir de la naissance du premier enfant. L’arrivée du bébé leur procure un véritable statut social et elles n’envisagent pas d’en être démises trop rapidement. L’enfant contribue à donner du sens à la vie quotidienne lorsque la maman n’exerce pas d’activité salariée ; sa journée est alors rythmée en fonction des besoins de l’enfant. Dans certaines familles, le choix de retarder le plus possible l’entrée à l’école revêt aussi une dimension culturelle où le rôle de la femme est d’être d’abord une « bonne fille » pour ses parents, puis « une bonne épouse » pour son mari, et une « bonne mère » pour ses enfants. La femme s’accomplit alors dans ces étapes successives ; et elle prend conseil auprès de sa propre mère qui elle-même détient l’histoire familiale et garantit la filiation et la transmission patrimoniale dans le respect de ses valeurs. Nous avons également observé que cette question de l’existence sociale à travers l’enfant se posait avec une acuité particulière lors des grossesses précoces chez de très jeunes filles : souvent, elles n’ont pas réussi leurs études secondaires mais elles ne veulent pas être considérées comme étant en décrochage scolaire « parce que c’est trop humiliant » ; alors avoir un enfant (même sans la présence ensuite du papa) permet de se raccrocher à du positif et d’entrer de manière digne dans la vie adulte. Le sentiment de disqualification sociale (Paugam, 2013) trouve ici en partie son remède.

29Un autre facteur mérite l’attention. L’école maternelle symbolise, de fait, la séparation ; elle « s’introduit en rupture d’un équilibre familial et social » (Papon et Martin, 2008, p. 56). Il est vrai qu’une fois entré à l’école, l’enfant échappe à la maman et certaines vivent cette rupture physique comme « un arrachement ». En outre, l’enfant va « apprendre son métier » pour progressivement devenir un élève (Chamboredon et Prévot, 1973) ; il évolue non seulement dans un autre espace de vie mais il grandit dans un collectif d’enfants et d’adultes qui, là aussi, reste inconnu de la famille. Or, au fil du temps, l’enfant peut changer, modifier son comportement au contact des autres, au contact aussi des savoirs (Lahire, 1995). Cette acculturation peut se montrer particulièrement anxiogène et pousser certaines familles, craignant de perdre l’influence qu’elles réussissaient jusqu’alors à maintenir, à éviter le plus longtemps possible la scolarisation.

La misère silencieuse

30L’expression « La misère silencieuse » est employée par un travailleur social qui intervient dans des quartiers très défavorisés auprès de personnes en grande précarité.

31Certaines familles sont tellement submergées par les problèmes du quotidien (bénéficier d’un logement décent, disposer de ressources suffisantes pour subvenir aux besoins de chacun…) qu’elles ne se manifestent pas et ont même tendance à cacher leurs difficultés. Il a été particulièrement compliqué d’obtenir des entretiens avec des familles qui ne scolarisent pas leur enfant et qui, parallèlement, vivent dans des situations de grande précarité, car elles ne souhaitent pas faire état de ce qu’elles subissent, ont perdu l’espoir d’un avenir meilleur ; en outre, elles craignent aussi que, du fait de leur pauvreté, on leur enlève leur enfant. Elles se tiennent donc à l’écart « des services sociaux » et des institutions en général.

32La maîtrise de la langue constitue un obstacle de taille, à la fois pour les familles issues de l’immigration qui n’ont pas appris la langue française et pour les familles qui ont toujours résidé en France mais ont progressivement désappris après une scolarité souvent chaotique. Certaines personnes rencontrées sont tellement refermées sur elles-mêmes et leurs proches depuis longtemps qu’elles ont adopté des modes spécifiques de communication, qui passent par un nombre de mots très restreint, qui s’appuient aussi sur une sorte de code non verbal uniquement partagé par les membres de la famille. Le processus de désapprentissage qui caractérise l’illettrisme (Lahire, 1999) provoque, nous l’avons constaté, de graves troubles dans la vie personnelle et sociale à la fois en termes de communication, de lecture et d’écriture (beaucoup de documents ou de panneaux indicateurs se comprennent via la lecture et le décryptage de phrases) et en termes de représentation et d’estime de soi. Il faut alors trouver le moyen de compenser (solliciter un proche en capacité d’apporter une aide), s’accommoder du manque (en s’isolant), ou faire semblant en essayant d’échapper au discrédit. L’objectif pour ces familles particulièrement démunies est bien d’éviter de devoir exposer leurs difficultés pour obtenir l’aide de professionnels ou d’autres personnes extérieures (Monceau, 2014).

33La précarité renforce le sentiment d’insécurité par rapport à l’école : l’écart culturel entre les familles et les enseignants est si important qu’il produit de grandes angoisses (Dubet, 1997) : l’angoisse de ne pas comprendre ce que l’enseignant va dire, l’inquiétude aussi lorsque l’enseignant a des demandes particulières (remplir tel document, transmettre des réponses écrites), la crainte d’être jugé (le fait d’être pauvre signifierait que l’on n’est pas « un bon parent »). Cette dernière crainte s’accompagne de la peur d’un signalement aux autorités académiques ou aux services sociaux, avec l’éventualité que la garde de l’enfant leur soit retirée. On est bien loin ici de l’idéal souhaité d’une coéducation fructueuse au service de l’enfant (Rayna et al., 2010).

34Et puis, l’enfant lui-même, en grandissant et au contact des autres enfants, va commencer à poser des questions à la maison et il faudra lui répondre. Les enfants éprouvent eux aussi les stigmates de la précarité familiale, le décalage avec les attentes scolaires, et les travailleurs sociaux interrogés mettent fortement l’accent sur les conflits de loyauté qui se manifestent dès la fin de l’école primaire. Dans ces conditions, avouer sa faiblesse et ses manques à ses enfants est très mal vécu par certains parents qui, malgré les difficultés, s’efforcent, dans un souci de dignité, de cacher ou d’atténuer leur misère et leur souffrance.

35Le monde scolaire est ainsi tenu à distance le plus longtemps possible, et le meilleur moyen de ne pas s’y trouver confronté est de ne pas scolariser l’enfant.

La scolarisation précoce, levier possible dune citoyenneté intégrative ?

36La scolarisation précoce est d’un côté promue par les politiques et d’un autre côté inégalement mobilisée par les familles. Nous avons vu que les réticences comportaient des motifs variés, liés au contexte institutionnel local dont l’organisation peut se montrer pesante et anxiogène, liés aussi aux conditions personnelles d’existence où les projets d’avenir, quand ils se dessinent, semblent très vite compromis. À travers la question de la scolarisation des jeunes enfants se pose le problème de la disqualification et même de la relégation sociale, avec des tentatives de réponse individuelles et collectives.

Enrayer la tentation de l’éloignement et du repli

37Si l’on ne peut compter sur la solidarité familiale ou amicale pour compenser les difficultés rencontrées, la tentation est grande de se replier sur soi. Le repli permet, du moins pour un temps, d’échapper au contrôle et à l’intervention des institutions qui, et c’est une crainte répandue, porteront forcément un jugement négatif sur les situations douloureusement vécues et prendront en conséquence les mesures qui s’imposent. Le repli favorise aussi un entre-soi quelque peu rassurant qui se structure contre tout ce qui est extérieur, considéré comme possiblement dangereux. Il s’agit d’un retrait plus ou moins assumé qui se protège d’un monde environnant particulièrement toxique. Lorsque les personnes vivent ainsi de manière quasi recluse, on observe que la méfiance s’amplifie jusqu’à atteindre un rejet de l’autre. Celui qui est inconnu est « forcément étranger » (pour reprendre les paroles d’une maman). Certaines familles rencontrées tiennent d’ailleurs des propos très durs sur cette question de « l’étranger », perçu comme une menace potentielle dont il est besoin de se prémunir. Elles se nourrissent des informations recueillies auprès de tiers, voisins ou amis, directement ou via les réseaux sociaux, et suivent avec une grande assiduité les journaux télévisés (parfois plusieurs chaînes en mode simultané sur leur écran de télévision), sans compter les alertes qui arrivent directement sur leurs téléphones portables. Ces journaux, parce qu’ils tiennent l’antenne en continu et semblent créer l’événement, génèrent un sentiment d’insécurité permanent chez ces personnes qui regardent et commentent, par écran interposé, le monde qui les entoure.

38L’entre-soi entraîne la plupart du temps une limitation des déplacements. Ainsi, certaines familles n’ont jamais quitté leur quartier (parfois même leur côté de rue). Cet ancrage infraterritorial agit sur d’autres formes de mobilité et de mobilisation, comme par exemple accepter de se rendre dans une structure associative (pourtant parfois à quelques centaines de mètres de leur domicile) ou dans un service d’aide sociale ou de médecine préventive. Ce sont les travailleurs sociaux qui vont à la rencontre des habitants et s’efforcent d’établir un premier contact, puis essaient d’installer progressivement un climat de confiance propice à une collaboration effective. Mais c’est un travail de longue haleine tant la méfiance est solidement ancrée. Cela implique, nous l’avons indiqué, que ces professionnels occupent un poste stable et suffisamment attractif pour éviter qu’ils ne partent.

39Pour ce qui concerne l’école, la proximité des écoles maternelles et primaires facilite en principe la venue des parents. Mais certains restent très en retrait de peur de rencontrer l’enseignant (ils ne passent jamais le portail de l’école, sollicitant une tierce personne pour accompagner l’enfant dans la classe) ; d’autres au contraire viennent régulièrement solliciter l’enseignant, surtout lorsqu’il exerce dans la même école depuis longtemps et qu’il est connu, reconnu et apprécié. Dans ce cas précis, il fait véritablement figure d’autorité et certaines familles réclament d’ailleurs cette autorité-conseil. La réputation est ici primordiale et permet de lever bien des obstacles.

40C’est donc par un travail de proximité, réalisé quotidiennement que les relations peuvent évoluer positivement. La scolarisation des enfants peut alors devenir un point d’appui utile pour recréer une autre forme de lien social, basé non plus sur le rejet d’autrui mais sur la réconciliation avec les autres habitants et avec les services de l’État.

41Pour autant, l’entre-soi, s’il s’installe durablement et s’il n’est pas freiné ou contrecarré par l’action publique, risque de s’enliser dans différentes formes de communautarisme, l’infra-territoire s’accompagnant alors d’un infra-droit.

La concurrence des modèles éducatifs

42Dans ces quartiers dits prioritaires, différents modèles de socialisation sont à l’œuvre. « L’abstraction des identités locales dans le tout national entre en tension avec la revendication de valeurs et d’intérêts propres aux communautés humaines qui vivent sur les territoires de la République » (Garnier, 2014, p. 131). Cette revendication peut aller très loin. Si l’école et les autres services de l’État ne parviennent pas à gagner la confiance des habitants, ceux-ci se tournent vers d’autres possibilités ou sont démarchés par des offres parallèles qui imposent leurs propres règles, sur fond de bien-être communautaire. L’instruction à la maison assurée par des tiers (Guigue et Sirmons, 2015), « l’école après l’école » (c’est-à-dire les cours supplémentaires en dehors des horaires scolaires, pris en charge par des représentants religieux ou encore par des groupes sectaires) se développent et viennent, de manière assez dissimulée, contrarier les savoirs et les valeurs enseignés à l’école de la République. Ces modes alternatifs d’éducation insinuent aussi le doute dans l’esprit des parents qui, perdant leurs repères, s’orientent vers un prêt-à-penser qui rassure à la fois par sa rigueur éducative et par son rôle préventif et protecteur. Il est vrai que la vie de ces quartiers est si difficile qu’il est tentant de se tourner vers un modèle qui semble salvateur.

43On ne peut en effet occulter le sentiment de relégation et d’abandon qu’éprouvent la plupart des habitants, face à des micro-quartiers qui sont devenus, selon les résidents, « des zones de non droit », « des lieux où tout est permis », « là où règne la loi du plus fort ». Le territoire est à « reconquérir » mais cela prend du temps, à la fois pour éradiquer la violence et les trafics et pour restaurer la confiance. Au quotidien, des familles dénoncent le bruit incessant des quads, les rodéos des voitures en pleine nuit en bas des immeubles, et même dans la journée quand les enfants jouent dehors. Les services de police patrouillent mais pas en permanence, et dès qu’ils quittent les lieux, les problèmes recommencent, parfois en s’amplifiant. Certaines familles rencontrées lors de notre enquête subissent cette situation et restent volontairement en retrait de la vie sociale pour passer inaperçues. Quelques habitants nous confient qu’ils aimeraient fuir le quartier pour résider dans un endroit plus calme, plus respectueux des lois et des règles minimales du vivre ensemble, et ils regrettent de ne pas être assez riches ou encore de n’être pas bien stabilisés dans un emploi pour se permettre un déménagement dans un autre quartier. Alors, ils s’accommodent des difficultés, pour eux-mêmes et pour leurs enfants. D’autres, loin de se résigner, résistent et s’organisent pour faire face à ce climat d’incertitude et de violence. Cette organisation prend plusieurs formes : garder les petits enfants à la maison ; surveiller étroitement les plus grands, quitte à ce qu’ils restent enfermés lorsqu’ils n’ont pas école (mais rester enfermé pose aussi des difficultés, notamment pour trouver de quoi occuper les enfants – le recours aux écrans apparaît ici comme un moyen de divertissement mais surtout de mise en sécurité) ; accompagner systématiquement les enfants dès qu’ils sortent. Ainsi, une maman explique que, chaque matin et soir, elle escorte sa fille de 15 ans jusqu’à l’arrêt de bus pour éviter qu’elle ne fasse de mauvaises rencontres et ne soit importunée. Elle conduit elle-même ensuite les plus petits à l’école (environ 300 mètres à pied) et les reprend en fin de journée. S’il fait beau et qu’un des enfants veut jouer dehors, elle l’accompagne et reste à ses côtés. Elle revendique son rôle de « gardienne », de « protectrice » ; elle dit avoir déjà connu plusieurs altercations avec les habituels perturbateurs mais elle ne leur cède rien. En même temps, elle se demande comment une telle situation peut perdurer : réussira-t-elle elle-même à tenir ? Ses enfants ne seront-ils pas un jour malmenés ou encore attirés par « ces voyous qui rôdent sans cesse » et qui, de manière ostentatoire, affichent les nouvelles acquisitions d’une économie parallèle, narguant les plus jeunes en leur montrant d’autres voies de réussite que celle prônée par les parents ? C’est une grande inquiétude dont les familles du même voisinage discutent souvent. L’école, à leurs yeux, reste sacralisée dans la mesure où elle représente un bastion contre la délinquance. Mais l’institution scolaire est aussi décevante car elle reste frileuse et ne prend pas assez en compte le contexte extrêmement difficile qui place certaines familles dans des situations intenables. L’alternative proposée par d’autres structures qui se revendiquent également comme étant éducatives et qui, de plus, promettent la sécurité, peut alors devenir un refuge.

Restauration de l’action publique et promotion de l’empowerment6

  • 6  Nous privilégions ici le terme anglo-saxon « empowerment », suivant ainsi la définition de Rappapo (...)

44Une action publique volontariste et concertée est indispensable pour rétablir, dans les quartiers, le droit commun et développer la citoyenneté. Cet objectif de réappropriation du quartier est aussi un objectif de réappropriation de soi. Car les personnes qui vivent dans la précarité et dans la peur d’autrui sont également privées de ce droit à agir et deviennent dépendantes des autres.

45De ce point de vue, l’analyse de Jean-Louis Derouet, formulée en 2005, semble toujours de la plus grande actualité : « La société demande à l’école de développer une dimension patrimoniale. Plus encore que des savoirs et des compétences, l’école devrait inculquer aux futurs citoyens les valeurs qui les rassemblent et promouvoir la constitution d’un espace public où les différences sont à la fois respectées et mises en débat » (Derouet, 2005, p. 36). Ces projets ambitieux, qui interrogent finalement la société que nous voulons, passent sans doute par une politique des petits pas qui a besoin d’être adaptée au plus près de chaque situation locale, d’être promue auprès de ses habitants, et de bénéficier d’un suivi régulier et d’une évaluation pour savoir si elle produit des résultats probants.

46Deux types d’initiatives nous paraissent particulièrement prometteuses : l’institutionnalisation de la proximité, notamment (et dans un premier temps) par la pratique du porte-à-porte ; la médiation par les pairs aidants.

47Même si cela peut paraître assez rudimentaire, le porte-à-porte produit des résultats tout à fait intéressants. Nous avons d’abord pu observer ce travail de fourmi réalisé par un centre social dans lequel le directeur nouvellement nommé souhaitait faire connaissance avec les habitants du quartier. Avec son équipe, il s’est donc employé à rendre visite à tous les résidents, chaque année à partir du mois d’avril. Si, comme il l’indique, « au début, certains lâchaient les chiens », il a réussi progressivement à se faire accepter et à présent, il est même chaleureusement accueilli. Cette initiative a permis de fabriquer du lien social qui se concrétise aujourd’hui par différentes manifestations : la fête des voisins, des challenges sportifs, des temps culturels. Les autres structures municipales et scolaires sont venues alimenter les événements proposés. Un comité de quartier composé des résidents relaie les besoins et demandes des habitants. En plusieurs années, ce quartier a trouvé un second souffle et la rénovation urbaine récente est venue l’embellir. De nombreuses actions sont menées. Dans le domaine éducatif, des classes passerelles ont été mises en place pour faciliter la transition entre la crèche et l’entrée à l’école, des ateliers lecture sont proposés de manière à ce que enfants et parents puissent partager le goût des livres, des activités intergénérationnelles avec notamment un jardin potager et des ateliers cuisine sont également offertes. Les habitants ne craignent plus de sortir de chez eux et apportent volontiers leur contribution. Comme le note Pierre Périer (2012, p. 88), la participation des familles à la scolarité de l’enfant « emprunte des voies ténues, peu visibles, au risque de n’être jamais reconnues pour ce qu’elles sont ou signifient ». A contrario, dans le cas présent, la participation familiale se met en œuvre dans différents domaines (accompagnement des sorties de classe, préparation de goûters, organisation de fêtes…) qui, pour chacun d’eux, trouvent des modalités égales de valorisation. Chaque participant est invité à placer ses compétences au service du collectif et est reconnu et remercié pour la contribution apportée.

48Dans le même esprit, un directeur d’école, devant le très faible nombre d’enfants de deux ans inscrits dans son école, a pris l’initiative, dès son arrivée, d’aller à la rencontre des familles du quartier. Cette démarche proactive a rapidement donné des résultats positifs dans la mesure où, en l’espace de trois ans, le nombre d’enfants de deux ans scolarisé est passé de 4 à 24. Les parents sont accueillis dans l’école, participent aux activités, ont un espace pour se retrouver. En complément des temps informels pendant lesquels le directeur se rend disponible pour répondre aux questions, des ateliers thématiques sont organisés, par exemple sur la question de l’attachement, sur l’importance du doudou, sur le sommeil, la propreté, ou encore l’alimentation. Les parents les plus expérimentés apportent leur témoignage et des conseils. Un livret de préparation de la rentrée a été élaboré collectivement et le travail mené conduit chaque année à une évaluation en vue de futures améliorations.

49Dans un autre quartier, cette démarche participative a également été initiée par la directrice d’école mais elle a été rapidement investie par les familles elles-mêmes. Ce sont majoritairement des mamans sans activité salariée ou qui travaillent en horaires décalés qui ont pris les choses en main. Elles ont commencé par « rattraper dans la rue » les parents qui ne passaient jamais le portail d’entrée de l’école maternelle, puis elles ont discuté en chemin, et enfin proposé de pénétrer dans l’école et de prendre ensemble un café ou un thé. Cette technique visant l’instauration d’une convivialité a eu du mal à fonctionner à ses débuts car la méfiance est parfois si profondément installée qu’il faut du temps pour la voir s’amenuiser et disparaître. Au bout de deux années, là encore les résultats sont encourageants et des familles réticentes face à la scolarisation de leurs enfants ont accepté de l’expérimenter. Cette médiation par des pairs aidants possède en réalité plusieurs atouts : elle élimine l’asymétrie des rapports qui existent de fait avec les professionnels de l’école (ou des services sociaux), elle donne aussi à chaque participant l’envie d’agir et de concevoir des projets en favorisant la prise de responsabilités dans un espace somme toute protégé et bienveillant ; elle construit, par comparaison et par ouverture culturelle, de l’ambition pour les enfants et pour les adultes, une meilleure estime de soi ; enfin, elle tend à revitaliser le sentiment d’appartenance à une communauté de partage qui, cette fois, vise l’émancipation et non plus l’enfermement.

Conclusion

50La France a fait le choix depuis quelques années d’encourager la préscolarisation dès l’âge de deux ans, tout particulièrement en direction des familles les plus défavorisées. Les bienfaits supposés de cette scolarisation précoce, encore relevés lors des Assises de la Maternelle, en mars 2018, ont conduit le gouvernement et son ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, à proposer une mesure fixant le début de l’instruction obligatoire à trois ans, pour tous les enfants, à partir de la rentrée 2019. On voit ici que la volonté politique, au départ centrée sur les familles les plus précaires, s’élargit à l’ensemble des enfants. L’objectif est certes de favoriser la mixité sociale dès le plus jeune âge, mais aussi d’agir très tôt sur les inégalités.

51Pourtant, si l’on essaie de penser l’articulation entre le global et le local, dans une recherche harmonieuse de glocalisation (Condette, 2015), on s’aperçoit que les politiques publiques peinent encore à se décliner dans des pratiques locales qui produisent du sens pour les habitants, en partie par manque de lisibilité mais surtout parce que les politiques restent surplombantes, éloignées des préoccupations locales particulièrement diverses et complexes, et de l’hétérogénéité des besoins. La recherche que nous avons menée et qui prend appui sur six territoires classés en politique de la ville met effectivement en évidence la grande dissemblance des quartiers (et même des micro-quartiers) enquêtés. Les problématiques familiales sont également très spécifiques et mettent en jeu des réalités où les éléments de déstabilisation peuvent être nombreux et tenaces. Si certaines familles s’accommodent tant bien que mal de leur situation en essayant sans cesse d’échapper aux services de l’État, d’autres acceptent d’être accompagnées quitte parfois, dans un dernier renoncement, à perdre toute capacité d’autonomie. La misère et la précarité représentent aussi un marché potentiel pour des groupes organisés, qui, sous couvert de promettre une vie meilleure, créent une emprise dont il est ensuite difficile de se défaire. Pourtant, et c’est aussi ce que montre notre recherche, un certain nombre de personnes, considérées socialement comme des « acteurs faibles » (Payet et al., 2008), réussissent à dépasser cette mainmise et cette disqualification. Elles parviennent progressivement à reconquérir leur vie en lui donnant un nouveau souffle, sous l’impulsion et les encouragements de professionnels de terrain qui, par les initiatives de proximité qu’ils mettent en place, par leur foi aussi en leur mission éducative, génèrent de l’espoir, créent une relation de confiance et permettent de surmonter les obstacles.

52La scolarisation précoce apparaît ici comme un analyseur original des politiques publiques et des modalités de leur mise en œuvre, au plus près des actions locales. On constate qu’elle repose sur la mobilisation des acteurs, et sur un travail de proximité porteur d’espoir et confiant en la capacité de chacun à faire œuvre commune. En cela, la scolarisation précoce des enfants interroge la citoyenneté dans sa dimension intégrative et dans les valeurs qu’elle porte ; mais elle la met également en tension avec des modèles concurrents qui donnent l’illusion d’un projet collectif alors qu’ils s’emploient inlassablement à l’affaiblir.

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Notes

1  Par commodité, et même si les termes comportent quelques nuances, nous utilisons de manière indifférenciée les termes préscolarisation et scolarisation précoce pour signifier l’accueil à l’école des enfants de 2 à 3 ans.

2  La recherche sur les freins à la préscolarisation dans le département du Nord. Une étude sur six territoires (issus des quartiers de la politique de la ville (PRESCOL 2015-2016), portée par le laboratoire CIREL et financée par l’Acsé-Préfecture du Nord, a réuni une équipe d’enseignants-chercheurs et de praticiens de l’école (Michaël Bailleul et Sylvain Obajtek de l’ESPE Lille-Nord-de-France, Francine Nyambek Kanga de l’ESPE Paris Est/Créteil, Catherine Ruffin-Beck et Sylvie Condette de l’université de Lille, Benoît Maréchaux et Sylvie Monin de l’Inspection académique du Nord). La sociologie qualitative, dans une démarche compréhensive, a été privilégiée ; au cours de l’année 2015-2016, nous avons réalisé 23 jours d’observation, et mené 139 entretiens semi-directifs (individuels et collectifs) : 44 avec des familles ou soutiens parentaux, 95 avec des professionnels de l’Éducation nationale, de la préfecture, des services petite enfance, des travailleurs sociaux, des cadres et agents municipaux ; les données recueillies ont été approfondies durant l’année 2017 où nous avons conduit 109 entretiens complémentaires (dont 100 auprès de familles) et réalisé de nouvelles observations in situ (projet : « L’implication parentale dans le processus éducatif », soutenu financièrement par l’ESPE Lille-Nord-de-France).

3  Program for International Student Assessment/ « Programme international pour le suivi des acquis des élèves ».

4  La loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989, dans son article 2, consacre un « droit à la scolarisation pour tout enfant dès l’âge de trois ans, principe qui est étendu prioritairement aux enfants de deux ans vivant dans un milieu social défavorisé ». Le programme de l’école maternelle est régulièrement revu pour mieux s’adapter au jeune public accueilli (citons des nouveaux programmes en 1986, 1995, 2002, 2007, 2008, 2015). L’instruction obligatoire à 3 ans (au lieu de 6 ans jusqu’alors), dans le cadre de la loi « pour une école de la confiance », a été adoptée par l’Assemblée nationale le 13 février 2019, pour une mise en application dès la rentrée scolaire de septembre 2019.

5  Pour rappel, le DRE fait partie du programme de réussite éducative (PRE), piloté par le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET). Il mobilise actuellement plus de 70 millions d’euros de crédits de l’État en zone prioritaire.

6  Nous privilégions ici le terme anglo-saxon « empowerment », suivant ainsi la définition de Rappaport (1984) qui allie l’octroi du pouvoir d’agir au processus qui confère à l’individu la capacité effective de savoir agir.

Auteur

Maîtresse de conférences en sciences de l’éducation à l’université de Lille, membre du laboratoire CIREL (EA 4354) et chercheure associée au LACES (EA 7437) – université de Bordeaux. Ses travaux portent sur les modalités d’engagement des différents acteurs de la communauté éducative dans la vie de l’établissement et la vie de la Cité. Parmi ses publications, notons : Sylvie Condette-Castelain et Corinne Hue-Nonin, La médiation par les élèves. Enjeux et perspectives pour la vie scolaire, Dijon, Éditions du Canopé, 2014 ; Yolande Maury, Susan Kovacs et Sylvie Condette (dir.), Bibliothèques en mouvement. Innover, fonder, pratiquer de nouveaux espaces de savoir, Presses universitaires du Septentrion, 2018.

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