Version classiqueVersion mobile

Les espaces de construction des inégalités éducatives

 | 
Isabelle Danic
, 
Barbara Fontar
, 
Agnès Grimault-Leprince
, 
et al.

Première partie. Le territoire comme ressource et contrainte pour l’éducation

Inégalités éducatives socio-scolaires dans les territoires ruraux camerounais. Le cas de l’arrondissement de Bot-Makak

Jacques Yomb et Barbara Fontar

Texte intégral

  • 1  Institut national de la statistique, 2007, Enquêtes camerounaises auprès des ménages.

1Le Cameroun est un pays en voie de développement où 40 % des individus vivent sous le seuil de pauvreté1 et qui, comme l’ensemble des pays d’Afrique sub-saharienne, demeure parmi ceux au monde où les taux de scolarisation sont les plus bas. Malgré les efforts pour développer l’offre scolaire, les derniers résultats de l’Enquête démographique et de santé, à indicateurs multiples (Institut national de la statistique, 2011) montrent la persistance des inégalités en matière d’éducation : ce sont 15 % des hommes de 6 ans et plus et 26 % des femmes qui n’ont aucun niveau d’instruction. Les écarts se creusent selon les milieux sociaux et les régions et en particulier entre l’espace urbain et l’espace rural. On constate par exemple que les programmes d’ajustements structurels des années 1980 ont conduit à une politique de diminution des fonds alloués à la scolarisation en milieu rural. Pour autant, on ne saurait limiter les problèmes de scolarisation en milieu rural à ce seul facteur. D’autres réalités y participent aussi fortement. Dans un espace où les conditions de vie des ruraux sont plus complexes comparées aux urbains (offre de scolarisation moindre, discrimination des parents dans l’éducation des enfants, etc.), les stratégies développées par les uns et les autres conduisent à une forte implication des enfants dans le travail au sein ou hors des ménages, ce qui a une incidence non négligeable sur leur scolarisation. Plus largement, c’est un ensemble de facteurs conjugués dans l’organisation sociale qui participe ainsi de la production progressive et permanente des enfants combinant école et travail au sein des ménages ruraux. Si cela s’observe également en milieu urbain, c’est avec une moindre importance, « le phénomène du travail des enfants est partout observable au Cameroun. Mais les effectifs doublent en milieu rural, comparé au milieu urbain » (Rapport national sur le travail des enfants au Cameroun, 2008, p. 2). Partant de ce constat, nous chercherons ici à analyser les représentations et l’incidence de ce travail sur la scolarisation non pas au Cameroun en général, mais en milieu rural en particulier. Autrement dit, il s’agit d’analyser, dans le cadre d’une approche socioéconomique, les conséquences des activités champêtres dans la scolarisation des élèves en milieu rural camerounais et plus particulièrement dans l’arrondissement de Bot-Makak. Car au regard des observations faites dans l’espace étudié, et au regard des opportunités offertes par la proximité avec le grand axe routier Douala-Yaoundé et la présence permanente d’un marché local, les enfants, en dehors du fait qu’ils doivent travailler pour le compte de leurs familles ou d’un tiers, prennent également des initiatives qui impactent durablement leur scolarisation au point où ceux qui étaient déjà en moindre réussite scolaire, voire en échec, finissent par abandonner l’école.

2Pour élaborer cette problématique sur les interactions entre le travail des élèves et leur scolarisation en milieu rural camerounais, les interrogations suivantes ont été formulées : Comment peut-on construire une scolarisation durable en milieu rural camerounais lorsque les activités agricoles se présentent comme incontournables à la socialisation et comme indispensable source de revenu pour l’éducation des écoliers et élèves ? Autrement dit, dans quelle mesure, dans un contexte marqué par la vulnérabilité, les élèves peuvent-ils se détourner des sources de revenus issus des travaux champêtres pour une scolarisation soutenue et durable ? Après avoir présenté le cadre conceptuel et méthodologique, nous verrons dans quelle mesure l’environnement scolaire en milieu rural camerounais est un espace d’inégalités sociales ; la partie suivante traitera de la scolarisation à Bot-Makak des enfants et la dernière de l’impact des travaux agricoles sur la scolarisation.

3Notre approche s’inscrit dans le cadre des travaux pluridisciplinaires, voire transdisciplinaires, en socio-économie dont les fondements se trouvent – notamment mais non exclusivement – dans les recherches en sociologie, en économie et en anthropologie (Convert et al., 2008). L’intérêt de cette approche est de montrer combien « l’économie telle qu’elle fonctionne concrètement reste encastrée dans un environnement social et politique qui en constitue toujours le soubassement et la régulation » (Convert et al., 2008, p. 2). Il est en effet des réalités où il est impossible de séparer les dimensions économiques de leur contexte social, éducatif et politique, comme c’est le cas dans la présente situation dont l’analyse montre combien le travail agricole des enfants, nécessaire à l’équilibre économique (familial et social) explique, pour partie, l’échec scolaire en milieu rural et renforce les inégalités socio-scolaires et territoriales au Cameroun.

4Un autre intérêt de cette approche est de porter toute entière son attention aux pratiques sociales et économiques concrètes et contemporaines, en s’ancrant nécessairement – et de manière revendiquée – dans une démarche empirique. Ainsi, cherchant à comprendre les conditions de vie des élèves dans les territoires ruraux camerounais ainsi que les raisons qui poussent certains d’entre eux à consacrer plus de temps aux travaux champêtres qu’à leurs études, la méthode retenue est principalement qualitative, soutenue par des données quantitatives issues d’une analyse documentaire. L’enquête est menée dans plusieurs villages camerounais de l’arrondissement de Bot-Makak dans le département du Nyong et Kellé et de la région du Centre. Outre les données documentaires issues de la commune d’arrondissement de Bot-Makak, ainsi que des délégations de l’éducation de base et des enseignements secondaires, nos sources d’information ont été les différents acteurs éducatifs (parents et enseignants notamment) et les apprenants dans l’arrondissement de Bot-Makak. Certains entretiens ont été réalisés dans les champs ou dans les espaces de vente des produits agricoles. Au total, nous avons organisé 50 entretiens individuels, répartis de la manière suivante, 30 apprenants, 10 enseignants et 10 parents d’élèves. 10 entretiens de groupes ont également été organisés.

Description du territoire

5L’arrondissement de Bot-Makak est limité géographiquement au sud par Matomb, à l’ouest par Ngog Mapubi et Dibang, au nord-est par Nguibassal et à l’est par Evodoula. La population locale est essentiellement constituée des « Bassa » pour une population estimée à près de 40 000 habitants répartis dans quarante-huit villages. Les principales activités économiques de cet arrondissement sont l’agriculture (manioc, macabo, maïs, plantain, cacao, gombo, arachide), le commerce (de vivres dans des échoppes, débits de boissons), l’élevage (ovins, caprins, volailles) et la pêche tournée essentiellement vers l’autoconsommation. Le milieu biophysique est composé d’un relief de plateau, d’un affleurement rocheux en pente douce et d’un climat équatorial composé de quatre saisons (deux sèches et deux pluvieuses), avec une température moyenne annuelle de 25 °C. On rencontre une présence de vastes étendues de terres, avec une forêt riche procurant des espèces médicinales, du bois de chauffe et des matériaux de construction de base. Dans ce territoire, la main-d’œuvre est qualifiée et abondante. Néanmoins, il y a une insuffisance des points d’eau potable et du réseau électrique, un manque d’entretien des pistes d’évacuation des produits agricoles, une difficulté d’écoulement des produits commerciaux dûe au mauvais état des routes. Comme infrastructures locales, il existe quatre écoles maternelles, trente-trois écoles primaires publiques, deux lycées publics, trois collèges d’enseignement secondaire (CES) publics et un collège privé, un collège d’enseignement technique industriel et commercial (CETIC), une section artisanale rurale et une section ménagère (SAR/SM), un hôpital de l’église protestante camerounaise (EPC), un centre médical d’arrondissement, trois centres de santé intégrés, deux dispensaires, une case de santé, divers commerces, quatre hangars de stockage pour les commerçants, une case d’accueil des personnalités de passage. Bref, l’arrondissement de Bot-Makak dispose d’un potentiel et de nombreuses opportunités susceptibles d’assurer son développement.

L’environnement socio-scolaire en milieu rural camerounais : un espace de discrimination sociale et sexuée

6L’une des difficultés majeures rencontrée au Cameroun, qui impacte fortement l’éducation, est l’inégale répartition de son budget d’investissement entre les territoires urbains et ruraux. En outre, les populations doivent supporter les frais d’éducation car l’État a des difficultés à assumer son devoir régalien en la matière (Mimché et al., 2006). En outre, si la pauvreté est présente dans tout le pays, son ampleur est plus remarquable en milieu rural. Cette situation est décriée depuis plusieurs années mais perdure, d’autant que la contribution de l’espace rural est presque nulle en termes de rentrées dans la trésorerie nationale. Même si des efforts sont réalisés par l’État, « les populations rurales ont rarement eu l’heure d’être associées à la définition des nombreux programmes mis en œuvre, aux fins de développement économique […] et encore moins de participer au contrôle de leur exécution ou de l’affection des résultats. Elles se trouvent toujours en proie à la précarité, à l’exclusion sociale et souvent à la misère dans un environnement menacé » (Pre, 2001, p. 18).

7À l’heure des questions de participation et de décentralisation portées par le gouvernement, les populations rurales doivent être impliquées dans la construction de leur environnement pour mettre fin aux discriminations dont elles sont victimes, comparé à l’espace urbain. Selon Ela, le « village doit être considéré dans sa totalité comme point de départ de toute problématique de transformation des conditions de vie des paysans, sinon ce déséquilibre va continuer à témoigner du peu d’importance accordé au monde rural » (Ela, 1982, p. 112).

8Dans ce contexte, la question de la scolarisation des enfants en milieu rural camerounais se pose avec acuité. Elle est un enjeu d’autant plus majeur qu’elle est confrontée à de multiples freins. D’abord, l’offre scolaire, en lien avec les politiques éducatives, n’est pas toujours suffisante en termes d’infrastructures, de personnels, de matériels et constitue un premier frein à la scolarisation des enfants ruraux notamment. Mais elle n’est pas le seul et ne constitue pas non plus la condition sine qua non à son développement (Pilon et Yaro, 2001). On ne saurait en effet réduire la question de la scolarisation à l’offre scolaire ou aux politiques éducatives et ignorer les caractéristiques socioculturelles qui influent fortement sur la scolarisation, en particulier dans le milieu rural. La demande d’éducation (Kaboré, Lairez et Pilon, 2003 ; Pilon et Yaro, 2001) liée à la forte prégnance des traditions culturelles en milieu rural constitue ainsi un second frein et joue un rôle déterminant dans le choix des communautés et des familles de scolariser ou non leurs enfants. En effet, les traditions culturelles qui alimentent le quotidien des habitants du monde rural sont particulièrement visibles dans les constructions inégalitaires en matière de choix éducatif. Il existe notamment des discriminations sexuées culturellement ancrées. Ainsi en dehors du fait que la scolarisation soit un problème global en milieu rural, une seconde difficulté émerge quant au choix à opérer par les parents : scolariser le fils ou la fille. Plus largement, la demande d’éducation est le produit de facteurs démographiques, culturels et économiques, qui viennent expliquer ces choix et les discriminations auxquelles elle peut conduire. On peut s’inspirer de Kamdem-Kamgno et Yaouba (2016) pour établir le tableau ci-dessous (tableau 1).

Tableau 1. – Freins à la scolarisation et causes de la scolarisation différenciée.

Tableau 1. – Freins à la scolarisation et causes de la scolarisation différenciée.

Source : Tableau adapté de Kamdem-Kamgno et Yaouba (2016), « Statut migratoire des parents et scolarisation des enfants au Cameroun ».

9Le tableau 2 ci-contre montre que la scolarisation différenciée selon le sexe de l’enfant est très prégnante dans les familles camerounaises et plus encore en milieu rural, tant ce dernier est attaché aux traditions culturelles. Cette scolarisation différenciée est en défaveur de filles. À Bot-Makak, espace de notre enquête, les dires d’un chef de ménage montrent le poids que jouent les traditions dans les inégalités d’accès à la scolarisation entre les filles et les garçons. En assurant la scolarisation du garçon, les parents, de par leurs traditions, favorisent l’intégration et la réussite sociale de ce dernier : « Moi, je n’ai pas assez d’argent pour envoyer tous mes enfants à l’école. J’ai eu un seul garçon dans ma vie, il me revient d’assurer sa scolarisation parce que c’est lui qui va me remplacer après ma mort. Quant aux filles, elles doivent apprendre à entretenir le ménage. Si elles trouvent leurs maris étant jeunes, elles pourront continuer leurs études là-bas » (parent d’élève).

10C’est dans ce contexte que la scolarisation en milieu rural demeure un enjeu de plus en plus disputé par l’ensemble des acteurs intervenant dans l’éducation en général et la scolarisation en particulier. Pour les familles rurales, la scolarisation se doit de respecter les canons de l’éducation traditionnelle. Tous « ces facteurs conjugués à une sous-information des femmes et aux pesanteurs socioculturelles représentent des contraintes à l’amélioration des conditions de vie de la femme et perpétuent la pauvreté » (Mebu Nchimi, 1996, p. 16).

11Bref, « les femmes camerounaises surtout en milieu rural souffrent encore de diverses formes de marginalisation dont les plus visibles sont, sur le plan coutumier et traditionnel, les mariages précoces, la pratique de la dot, les problèmes liés à l’héritage et à l’égalité des droits en général, les problèmes fonciers et d’accès à la terre, etc. » (PNUD, 1998, p. 26). Mais loin de faire une lecture globale des freins relatifs à la scolarisation des filles en milieu rural, nous nous focalisons ici sur les interactions entre la scolarisation et les facteurs économiques en général et le travail agricole en particulier. Dans un contexte marqué par la pauvreté, les enfants deviennent alors des acteurs majeurs des travaux agricoles en général et champêtres en particulier. Pour comprendre la scolarisation en milieu rural, la lecture doit être globale et retenir qu’elle se développe dans un environnement complexe dans lequel les conditions de vie ne sont guère favorables à l’épanouissement des apprenants.

Tableau 2. – Niveau global des indicateurs de l’éducation au Cameroun.

Tableau 2. – Niveau global des indicateurs de l’éducation au Cameroun.

Source : ECAMI 2001, INS, ECAMIII 2007, EDSIII, EDS 2011, INS 2011.

12Le tableau 2 montre que la scolarisation en milieu rural reste encore limitée, comparée au milieu urbain. On notera également que les écarts entre sexe sont très importants pour la population sans instruction où l’écart entre filles et garçons vivant en milieu rural est beaucoup plus marqué. Cette situation s’explique par les différents facteurs précédemment mentionnés tels que les conduites des familles et des acteurs éducatifs, les politiques à l’œuvre et l’organisation traditionnelle (INS, 2011). Bien que l’enquête ait été menée en 2012, la scolarisation ne s’est guère améliorée depuis, ne remettant pas fondamentalement en cause les données contenues dans le tableau au regard des observations faites sur le terrain. Même si on observe une amélioration relative des performances économiques du Cameroun, elle reste éloignée des ménages en général et ruraux en particulier. Il est observé dans le quotidien des ruraux que « l’amélioration des performances macro-économiques ne s’est pas accompagnée d’une amélioration comparable des conditions de vie des ménages » (Souaibou, 2007, p. 13). Pire, comme l’a souligné Mimche, « la crise économique qui perdure depuis le début des années 1980 et qui s’est aggravée avec les programmes d’ajustement structurel et la dévaluation du franc CFA en janvier 1994, a engendré des effets néfastes dans tous les secteurs de l’éducation » (Mimche, 2006, p. 8). Dans l’ensemble, la scolarisation se développe dans un espace où les populations rurales manquent non seulement des revenus, mais sont également dépourvues de moyens de première nécessité comme l’assainissement, l’eau potable (ECAMI, DSCN/Ex MINEFI, 2002) ou l’électricité.

La scolarisation à Bot-Makak : la problématique des enfants bi-actifs

  • 2  On trouve l’usage de ce terme dans l’ensemble des travaux portant sur les enfants scolarisés et tr (...)

13Dans un contexte marqué par la pauvreté comme dans la plupart des espaces ruraux camerounais, l’arrondissement de Bot-Makak développe une scolarisation limitée par les conséquences d’une pauvreté économique locale. Ainsi, les habitants du monde rural mettent sur pied des stratégies qui concourent à impliquer leur progéniture dans diverses activités pour améliorer à la fois le bien-être des familles, mais aussi pour garantir une certaine stabilité au sein de l’organisation sociale locale. Dans ce contexte, l’éducation entendue au sens large (non strictement scolaire) se base sur la tradition qui exige des enfants qu’ils puissent participer non seulement aux travaux ménagers, mais également à tous ceux constituant une source de revenu pour les ménages. La proportion des enfants économiquement actifs est de 51,3 % en milieu rural contre 18,4 % dans les centres urbains (RNTE, 2008). Dans la structure traditionnelle, les enfants sont considérés comme des cadets sociaux avec les femmes, et de ce fait, ils doivent participer activement aux travaux organisés par la famille au sens large et dans une division sociale du travail déterminée (Yomb, 2014). Autrement dit, en plus de leur scolarité, les enfants sont très concrètement impliqués dans des activités productives. Dans cet arrondissement, comme dans les territoires ruraux du Cameroun, la concomitance de la fréquentation scolaire et du travail des enfants est prégnante et culturellement ancrée. Ces enfants qui combinent l’école et le travail sont appelés bi-actifs2. Ces derniers, de par les mécanismes de socialisation primaire et secondaire, sont des acteurs majeurs dans le développement socio-économique local. Dans ce territoire où les crèches n’existent pas, ils accompagnent leur famille dans les champs agricoles dès leur plus jeune âge.

14Ajoutons que si le travail des enfants est observable dans les familles, il l’est également dans les structures de formation où les enfants assurent la production agricole pour leurs différents enseignants. Ces travaux se déroulent très souvent les mercredis dans l’après-midi ou les samedis matin (ces temps sociaux sont réservés au travail manuel). On observe une division sociale du travail selon le sexe de l’enfant. Ce sont les garçons qui défrichent et sarclent. Il leur incombe également de fournir du bois de chauffe à leurs différents enseignants, ce de façon officielle dans le cadre du travail manuel inscrit dans les emplois du temps. Les jeunes filles quant à elles vont semer ou assurer les récoltes en fonction des saisons, en plus des travaux d’intérieur. Dans cette situation, les apprenants se retrouvent dans l’obligation d’agencer dans leurs quotidiens les tâches relatives à leur scolarisation et les travaux exigés par leurs différents agents de socialisation. Il est donc difficile de parler dans ce contexte de la scolarisation sans intégrer les travaux champêtres, qu’ils soient marchands ou non. En milieu rural, il est normal pour tous que les enfants soient bi-actifs, car, c’est le contraire qui est perçu comme étant une conduite déviante dans la société :

« Le travail des enfants à l’école est indispensable. Notre devoir n’est pas seulement d’enseigner, de transmettre les connaissances livresques, mais aussi de faciliter l’intégration de ces enfants dans la société. Tous ne sont donc pas amenés à faire de longues études, il faut leur apprendre à cultiver aussi la terre ; elle reste tout un trésor malgré tout. Donc, ils doivent apprendre à travailler, d’ailleurs le programme est clair et ce n’est pas moi qui l’ai conçu. Comme nous respectons l’environnement, ils vont travailler au champ pour quelques heures, à la chasse et même à la cueillette. Le travail lutte donc contre la paresse dans la famille »
instituteur de l’école publique de Bot-Malak.

15Cette conception des enfants est soutenue par les parents pour lesquels le travail des enfants pour la famille est nécessaire :

« En dehors du fait qu’ils travaillent à l’école ou au lycée, ils savent qu’ils doivent également participer activement aux travaux ménagers. Ce n’est pas à moi d’aller chercher les ressources au champ, les enfants se doivent de les transporter du champ pour la maison. Ils doivent également accompagner leurs mamans au marché pour vendre, car c’est suite à la vente de ces produits qu’il faut payer leur scolarité »
père d’élève de Hegba.

16Le Rapport national sur le travail des enfants au Cameroun révèle que « au Cameroun en général, 41 % des enfants de 5 à 17 ans sont concernés par cette réalité et ce phénomène prend de l’ampleur au fur et à mesure que les enfants grandissent ». L’enquête précise que concernant les tâches ménagères exercées dans son propre ménage qui sont un volet important des activités exercées par les enfants, 91,5 % en sont concernés (RNTE, 2008). Le travail des enfants, qui est fortement lié à la pauvreté des familles rurales, n’est pas sans conséquence sur la scolarisation de ces enfants.

L’impact des travaux agricoles sur la scolarisation

Le travail agricole comme espace de socialisation central et prioritaire

17En matière de scolarisation, le milieu rural camerounais est encore limité par plusieurs facteurs, même s’il présente des opportunités. On peut constater un nombre de plus en plus limité d’apprenants par classe car beaucoup sont envoyés en ville par leurs parents ; une participation active des parents d’élèves au fonctionnement des écoles ; un environnement moins enclin au modernisme. Pour beaucoup de parents, la ville est un espace qui dénature la personnalité et désintègre l’homme dans son environnement et le départ pour la ville ne s’effectue que parce que les conditions relatives à la scolarisation sont meilleures que dans les villages. Néanmoins, des faiblesses sont coproduites au quotidien par les acteurs en présence sous l’effet de dynamiques endogènes et exogènes.

18Ainsi, la perpétuation du travail agricole commence dès la socialisation primaire et produit des discriminations envers les jeunes filles dont l’éducation est très souvent perçue comme étant un investissement nul pour la famille. Dès la naissance, la socialisation est sexuée, les parents s’occupant respectivement de leurs enfants de même sexe (la mère des filles et le père des garçons). Dans une famille monoparentale, le parent se doit de socialiser toute sa progéniture indépendamment de son sexe. Il est assisté dans cette tâche par les oncles ou les tantes dont le devoir majeur est également de participer à la réussite des enfants de la famille. C’est donc dans ce contexte que les jeunes garçons assistent très souvent leurs pères dans les plantations des cultures de rentes (cacaoculture, banane plantain, palmier à huile, etc.) et les jeunes filles s’appliquent dans les espaces réservés aux cultures de consommation ou vivrière avec leurs mères (manioc, patates, taro, arachides, etc.).

19Par ailleurs, depuis la société traditionnelle et relativement jusqu’à nos jours, l’école n’est pas perçue dans l’imaginaire collectif rural comme étant une garantie de réussite et d’intégration sociale. Tous les parents n’adhèrent pas à « l’idéologie de la scolarisation » (Henaff, Lange et Martin, 2009), bien au contraire, avec la crise économique des années 1980, le sentiment d’une école « pour rien », « qui ne sert à rien » a renforcé la vision traditionnelle selon laquelle le travail agricole était la seule garantie de réussite. Ce point de vue est conforté par les jeunes diplômés revenus au village pour développer une activité économique agricole, de transport ou autre :

« L’école n’est plus une sécurité de nos jours. Les enfants des pauvres ne peuvent pas réussir dans un espace où tout est corruption. Mais avec le travail agricole, ils peuvent gagner leur pain quotidien. Celui qui ne sait pas travailler est perdu sur cette terre. Donc mon devoir est d’apprendre à mes enfants le travail agricole, même mort, ils continueront à entretenir la famille »
parent d’élève de Seppe, village de l’arrondissement.

« J’ai partagé ma plantation en deux. Une partie est concédée à mon fils, car c’est mieux. Il poursuit ses études au lycée de Bot-Makak c’est vrai, mais je lui ai demandé de mettre plus du cœur dans celle-ci qu’ailleurs »
parent d’élève de Bot-Makak.

  • 3  Il faut entendre éducation au sens scolaire du terme notamment.

20Enfin, au-delà la famille, les autres instances de socialisation comme l’école mais aussi les associations, l’église, sont également des acteurs qui participent de ce modèle de production des élèves bi-actifs en les faisant travailler pour leur compte. Dans un cadre comme dans un autre, la socialisation par le travail agricole vise à inculquer à l’individu ces premières leçons pour une réussite sociale, considérant que des retombées de celle-ci dépendent non seulement les traditions locales mais aussi la stabilité de l’ensemble du système socioéconomique. On voit combien ces considérations ancrées dans la tradition culturelle s’opposent à l’idée que « le développement de l’éducation3 est l’une des conditions de la sortie de la pauvreté, à travers la croissance comme par ses effets émancipateurs » (Henaff, Lange et Martin, 2009).

La dynamique des temps sociaux

21Dans la mesure où « les espaces et les temps sont construits localement, vécus, perçus et appréhendés par les collectifs eux-mêmes » (Ekomo, Tefe et Yomb, 2015, p. 272), l’implication des élèves dans les travaux agricoles en milieu rural camerounais a un impact majeur dans la gestion des temps sociaux et dans la construction des identités. Que ce soient des travaux rémunérés ou pas, la gestion des temps académiques se trouve émiettée au profit du temps domestique et du temps de travail (travaux agricoles et activités commerciales). Cette situation est encore plus prépondérante pendant les périodes de récolte et les week-ends puisqu’il faut parcourir des kilomètres vers le centre-ville de Bot-Makak pour se rendre au marché permanent. Dans certains villages de l’arrondissement, le marché est en effet périodique, il faut alors acheminer les vivres des champs vers les espaces de vente. De plus, les champs sont de plus en plus éloignés des villages à cause des changements climatiques. Le temps imparti aux études est ainsi empiété par les travaux agricoles en général et champêtres en particulier, d’autant que le temps passé à la tâche fait partie des attentes liées à la norme travail. En outre, les élèves s’inscrivent dans des activités parallèles liées au travail, comme se rendre jusqu’au marché, dont la durée ne peut être maîtrisée et impacte également significativement le temps de scolarisation.

« Lorsque je vais vendre au marché, je ne sais pas à quelle heure je vais rentrer. Tout dépend de la vente de la marchandise. Je peux commencer à 18 heures et rentrer un peu tard dans la nuit. Si j’ai la chance de finir aussi tôt, je rentre à la maison. Il en est de même pour les travaux champêtres pour lesquels les heures ne sont jamais déterminées en avance. Si je rentre tôt, mes parents seront contre, et vont me traiter de paresseux, donc je suis obligé de travailler, ce d’autant plus que ce sont des activités qui assurent ma scolarisation »
élève de CE2 interviewé au marché central de Bot-Makak.

22Ces différentes conduites ont des conséquences sur les résultats scolaires des apprenants quelque soit leur niveau d’études. Une lecture dynamique, étayée par la conception des temps de Hall (1984), nous a conduit à la production du tableau 3 (avec Ekomo et Tefe).

23Les temps sociaux en milieu rural en général et dans les espaces de notre recherche en particulier sont élastiques et donc dynamiques. Les temps domestiques et de travail sont non institués et évoluent en fonction de l’activité et des objectifs fixés par ceux qui sont censés contrôler le déroulement du travail. Cette élasticité du temps a pour conséquence immédiate les retards observés des élèves dans leurs institutions respectives avec le risque d’être puni. Lorsque c’est le cas, les apprenants sont renvoyés soit pour le transport des vivres, soit pour le transport du bois de chauffe. Des observations faites sur le terrain, il ressort que les apprenants accordent plus souvent du temps aux activités agricoles en dépit des exigences académiques. Cette situation est encore plus alarmante en période de récolte quand il faut transporter les produits récoltés pour les points de vente ou pour la maison. En dehors de cette tâche presque quotidienne, les apprenants doivent également chaque jour approvisionner le ménage en eau potable pour l’ensemble des travaux ménagers. Ils doivent parcourir des kilomètres du lever du jour et au retour des classes ou après le retour des champs. La construction du parcours académique devient complexe quand il faut articuler tous ces temps : « Parfois, je n’ai même pas le temps d’apprendre ! Il faut aller puiser de l’eau chaque matin avant d’aller en classe. Il faut parfois faire plusieurs tours au forage ou au puits. Quand je rentre de là, il faut laver les assiettes et d’autres travaux à la maison. Difficile de réviser mes leçons avant d’aller en classe » (entretien au marché central de Bot-Makak avec un élève de CM1).

Tableau 3. – Formes et caractéristiques des temps sociaux.

Tableau 3. – Formes et caractéristiques des temps sociaux.

Source : Ekomo, Tefe et Yomb (2015), « La dynamique des temps sociaux dans les marchés alternatifs urbains au Cameroun ».

Les déperditions scolaires par l’implication des enfants dans l’activité socio-économique

  • 4  Mareyeurs (des femmes le plus souvent) qui achètent des vivres en gros et les vendent au détail ou (...)

24En devenant un acteur socio-économique majeur du travail agricole en milieu rural camerounais et en consacrant moins de temps aux études, certains élèves finissent par abandonner l’école pour se consacrer exclusivement aux activités rapportant un revenu. Cette situation est très souvent encouragée par l’entourage lorsque les résultats académiques ne vont pas dans le sens de la réussite scolaire. Néanmoins, pour les acteurs eux-mêmes, l’échec scolaire n’est pas toujours imputable au seul travail agricole. La proximité avec l’axe routier lourd (la nationale no 1, Douala-Yaoundé) motive les uns et les autres à asseoir des stratégies de débrouillardise et à s’impliquer dans l’économie rurale informelle et à construire et entretenir des réseaux avec les « Bayam Sellam4 ». Les observations faites sur l’axe routier Douala-Yaoundé et les entretiens menés montrent ainsi que certains enquêtés affirment avoir abandonné l’école parce qu’ils n’avaient pas de résultats académiques encourageants sans évoquer pour autant un lien avec l’investissement dans le travail agricole. L’abandon est également justifié par le rapport dialectique entre les difficultés d’apprentissages et la quête d’autonomie financière, renvoyant par là même à l’idée que l’école ne favorise pas nécessairement la réussite sociale.

« Moi j’ai abandonné l’école parce que je ne pouvais plus apprendre. Aussi, en venant vendre au nom de la famille, je gagne parfois mon propre argent, ce qui me rend autonome »
enfant en situation d’abandon scolaire interviewé au marché central de Bot-Makak.

25Ainsi les facteurs socio-économiques s’ajoutent le plus souvent aux facteurs socio-scolaires connus de l’échec scolaire (les retards scolaires accumulés, les difficultés d’apprentissage et d’adaptation, le temps consacré au travail scolaire, la participation aux activités parascolaires, l’absentéisme, etc.) et aux caractéristiques et attitudes personnelles des élèves (l’estime de soi, la motivation aux études, les attentes et les aspirations scolaires, le réseau social, la toxicomanie, la délinquance, la dépression, l’anxiété, etc.) (Nguéhan, 2007).

26Qu’ils soient filles ou garçons, un lien existe entre le travail et la scolarisation des enfants (Kobiane, 2002), plus particulièrement encore dans les familles les plus démunies qui sont les plus enclines à faire travailler leurs enfants quel que soit le type de travail. Dans ces conditions, les enfants sont souvent obligés de développer des stratégies afin de concilier école et travail. La mise au travail des enfants participe au déséquilibre social, c’est-à-dire à une construction institutionnelle permanente des inégalités entre les enfants (Lange, 1996 ; Yacouba, 2001 ; Schlemmer, 1996). Dans les ménages ruraux où le nombre d’enfants est important et dont les parents ne sont pas toujours capables d’assurer aisément la scolarisation de tou·te·s, l’implication des aînés dans le travail agricole précipite très souvent leur abandon scolaire. La socialisation des enfants pour les travaux agricoles agit sur les conduites des apprenants et cette situation est amplifiée lorsque ceux-ci participent aux activités générant de l’argent. Constatant qu’ils devenaient des acteurs majeurs dans l’entretien de la famille, ils décident très souvent de décrocher avec pour raison majeure de prendre la relève dans l’éducation des plus jeunes ou lorsque les parents sont pauvres, fatigués, maladifs ou décédés :

« Lorsque mon père était encore valide, je l’aidais juste dans ses plantations. Mais depuis qu’il a fait une chute libre sur un palmier à huile, il est dans l’incapacité de faire quoi que ce soit. J’ai décidé d’arrêter les études et de prendre la relève. Il faut que je m’occupe de la famille, j’ai au moins eu le temps d’apprendre le travail de la terre »
élève du CE2 ayant décroché, interviewé au marché central de Bot-Makak.

27Cette situation contrevient à la convention relative aux droits de l’enfant, signée par le Cameroun, qui stipule que « l’enfant a le droit d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social » (Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, 1989, p. 5). Dans la réalité, lorsque les enfants sont considérés comme contributeurs économiques dans leurs familles, les risques augmentent d’être moins scolarisés et d’abandonner l’école.

Des réussites socioéconomiques dans un contexte difficile

28Malgré ces nombreuses difficultés rencontrées par les apprenants en milieu rural camerounais en général et dans l’espace étudié en particulier, il n’en demeure pas moins que des réussites sont observées. Les acteurs du monde rural, de par les différentes interactions produites, s’adaptent aux réalités locales et participent ainsi à l’amélioration des conditions de vie future. Même si les opportunités sont moindres comparées au monde urbain, les enfants issus de la scolarisation en milieu rural intègrent de plus en plus les grandes écoles de formation. Cet état de choses s’observe de plus en plus également par la présence pendant les vacances des jeunes étudiants venus participer à la production au sein des différents ménages auxquels ils appartiennent.

« Ce n’est pas facile pour nous autres qui venons du monde rural. Il faut réapprendre à vivre autrement, car tout est marchand et coûte énormément cher. Je dois parcourir des kilomètres pour participer aux différents cours à l’université. Il est difficile de chercher une chambre aux environs du campus car, non seulement elles sont hors de portée par rapport à nos moyens, il faut payer la caution aux bailleurs »
étudiant du village Manguenda 2.

29Il y a dans les villages étudiés des élites intellectuelles et économiques importantes qui renforcent ainsi la notoriété de leurs espaces d’origine :

« Je suis un jeune cadre dans la fonction publique camerounaise. J’ai fait toutes mes études ici au village. Certes, c’est difficile, mais indispensable dans la formation de l’Homme dans ses différentes dimensions. Comparé à ceux qui vivent en ville, je connais au moins la tradition et le mode de vie propre à celui-ci. Même si je n’étais pas fonctionnaire, je serais à même capable de faire le travail de la terre comme mes parents »
jeune fonctionnaire, originaire du village Manguenda 2.

30Dans certains villages, ces jeunes diplômés participent à l’encadrement des jeunes en offrant des fournitures scolaires de première nécessité, des bourses scolaires aux écoliers et élèves les plus méritants. Nos observations témoignent que les différentes personnes originaires des espaces ruraux et de ces cultures ayant réussi socialement estiment que cette socialisation est indispensable pour la stabilité du monde rural. Elle permet au monde rural de garder une certaine authenticité culturelle, une certaine identité et cohérence dans les différentes interactions développées. Car au regard du développement du monde actuel et sur la base des principes de la mondialisation, le monde rural perd de plus en plus ses valeurs au profit d’une culture universelle pas toujours en phase avec les savoirs vivre et les savoir-faire du monde rural (Yomb, 2012).

Conclusion

31Dans un contexte marqué par les traditions culturelles et une situation économique défavorable comparativement au milieu urbain, le travail des élèves reste quasi quotidien au Cameroun. Cette situation est entretenue par l’échec de l’école qui, de nos jours, ne garantit plus un emploi comme au lendemain de l’indépendance du Cameroun : les différents programmes scolaires ne garantissent pas la réussite et l’intégration sociale de l’apprenant. À cette réalité, il faut également ajouter les traditions culturelles qui déterminent et discriminent fortement la scolarisation en milieu rural camerounais. En accord avec une vision traditionnelle, l’enfant est toujours considéré comme un acteur socioéconomique du développement local. Pour ce faire, son implication dans les activités agricoles par les différentes instances de socialisation est perçue comme devant participer à son éducation, c’est-à-dire à faciliter son intégration sociale et économique. Son implication dans les travaux domestiques et agricoles remet en cause sa scolarisation puisque les temps agricoles et domestiques prennent le pas sur le temps académique. Ces différentes constructions sociales conduisent très souvent à l’abandon scolaire et remettent ainsi en cause l’éducation de l’enfant, où il est entendu que les valeurs contenues dans cette notion se construisent essentiellement dans les pratiques culturelles (respect des parents, maîtrise du travail de la terre, strict respect de la division traditionnelle du travail, etc.) et non sur celle de la modernité universelle des droits de l’homme. Cette situation est encore plus alarmante lorsque les parents sont dans des situations d’indigence ou lorsque leur niveau d’étude est relativement précaire. Il n’en demeure pas moins que même dans ces situations, aussi complexes soient-elles, certains enfants ont des parcours scolaires favorables, intégrant de plus en plus les grandes institutions, même si leur présence est relative, comparés à ceux des autres espaces géographiques. Reste qu’il est observé qu’au Cameroun en général, selon l’Enquête démographique et de santé de l’Institut national de la statistique de 2011 :

« Plus le niveau économique augmente, plus l’enfant a de chances d’être scolarisé et moins il court le risque de travailler. Par exemple, les enfants des ménages les plus pauvres sont relativement moins scolarisés que ceux des ménages les plus riches (56 contre 93) et travaillent plus fréquemment (57 contre 23). Le travail des enfants bi-actifs est encore est plus important en milieu rural, soit 56 contre seulement 33 en milieu urbain »
EDS-MICS, 2011, p. 14.

32Quel que soit l’espace d’étude, les travaux agricoles ont une incidence sur le développement global des enfants avec un impact sur le développement d’un pays tel que le Cameroun. Pourtant, il apparaît de plus en plus que « le niveau d’éducation atteint par les individus qui composent une économie constitue un déterminant majeur de son succès sur l’échiquier économique national, mondial et, partant, du niveau de vie de ses citoyens » (Joanis, 2002, p. 1). C’est pour cette raison que « toute politique susceptible d’aider à faire baisser les taux d’abandon sera un moyen efficace d’améliorer la situation des jeunes sur le marché du travail » (Développement des ressources humaines Canada, 1999, p. 15).

Bibliographie

Bibliographie

Convert Bernard et al., 2008, « Éditorial. Prouver le mouvement en marchant. Contexte, enjeux et ambitions de la RFSE », Revue française de socio-économie, p. 3-7.

Développement des ressources humaines Canada, 1999, Direction générale de la recherche appliquée, Politique stratégique, Abandon scolaire et travail pendant les études, bulletin de recherche appliquée, vol. 5, no 1.

ECAMI, DSNA/MINEFI, 2002, « Living Conditions and Poverty Profile in Cameroon in 2001 », Main report on the second Cameroon Household survey, August, Yaounde.

Ekomo Engolo Camille, Tefe Tagne Robert et Yomb Jacques, 2015, « La dynamique des temps sociaux dans les marchés alternatifs urbains au Cameroun », in MUTIBE, la revue pluridisciplinaire et semestrielle de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’université de Douala, no 6, p. 268-298.

Ela Jean-Marc, 1982, L’Afrique des villages, Paris, Karthala.

Fouedjio Franky, 2008, Travail des enfants de 5-14 ans et rendement scolaire au Cameroun, Ydé, ISEA.

Hall Edward T., 1984, La danse de la vie. Temps culturel, temps vécu, Paris, Le Seuil.

Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de lhomme, 1989, Rapport.

Henaff Nolwenn et al., 2009, « Revisiter les relations entre pauvreté et éducation », Revue française de socio-économie, 2009/1, no 3, p. 187-194.

Institut national de la Statistique, 2011, Enquête démographique et de santé à indicateurs multiples de 2011.

Joanis Marcelin, 2002, « L’économie de l’éducation : méthodologies, constats et leçons », CIRANO, Série Scientifique, juillet 2002, Montréal.

Kabore Idrissa, Lairez Thierry et Pilon Marc, 2003, « Genre et scolarisation au Burkina Faso : enseignements d’une approche statistique », in Maria Cosio, Richard Marcoux, Marc Pilon et André Quesnel (dir.), Éducation, famille et dynamiques démographiques, Paris, CICRED, p. 221-246.

Kamdem Kamgno Hélène et Yaouba Astadjam, 2016, « Statut migratoire des parents et scolarisation des enfants au Cameroun », African Population Studies, vol. 30, no 2.

Kobiane Jean-François, 2002, Ménages et scolarisation des enfants au Burkina Faso : À la recherche des déterminants de la demande scolaire au Burkina Faso, thèse de doctorat, université catholique de Louvain, Institut de démographie.

Lange Marie-France, 1996, « Une force de travail disputée : la main-d’œuvre enfantine en milieu rural togolais », in Bernard Schlemmer, L’enfant exploité. Oppression, mise au travail, prolétarisation, Paris, Éditions Karthala-ORSTOM, p. 407-418.

Mebu Nchimi Jeanne-Claire, 1996, « Le genre au Cameroun, diagnostic, politiques et stratégies de valorisation du potentiel féminin », GTZ/BC, Yaoundé.

Mimche Honoré et al., 2006, « À propos des représentations du masculin et du féminin dans les manuels scolaires au Cameroun, Penser le développement durable par une éducation de qualité », Revue internationale des sciences humaines et sociales, Sciences sociales et développement, Yaoundé, vol. 1, no 1, p. 1-30.

Nguehan Siméon Boris, 2007, Environnement social précaire, décrochage scolaire et stratégies de réussite : une étude exploratoire du phénomène au quartier New-Bell de Douala, mémoire de master II, université de Douala.

OECD, 2003, « Child Labour in Africa », OECD Social Employment and Migration Working Papers, no 4, OECD Publishing.

Pilon Marc et Yaro Yacouba, 2001, La demande d’éducation en Afrique. État des connaissances et perspectives de recherche, Dakar, UEPA/UAPS.

PNUD, 1998, Rapport sur le développement humain : La pauvreté au Cameroun, Yaoundé.

P Michèle, 2001, « Développement rural et lutte contre la pauvreté », Équinoxe, bulletin d’information du service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France au Cameroun, no 21, p. 41-45.

Rapport national sur le travail des enfants au Cameroun de 2008, avec la collaboration de l’Institut national de la statistique (INS) et de la troisième Enquête camerounaise auprès des ménages (ECAM).

Schlemmer Bernard, 1996, « L’enfant exploité. Oppression, mise au travail, prolétarisation », Paris, Éditions Karthala-ORSTOM.

Souaibou Moussa, 2007, Pauvreté et différences de scolarisation au Cameroun, mémoire de DESSD en démographie, IFORD, Yaoundé.

Tiotsop François, Guillotreau Patrice et Rouchier Juliette, 2014, « Le rôle de la confiance dans les relations d’échange : le cas du marché de poisson de Kribi », Revue française de socio-économie, 2014/2, no 14, p. 189-220.

Yacouba Diallo, 2001, Les déterminants du travail des enfants en Côte d’Ivoire, Centre d’Économie du développement, université de Montesquieu, Bordeaux IV.

Yomb Jacques, 2012, La participation des collectifs dans le développement rural : Cas de Pouma et de Yassoukou, thèse de doctorat/Ph. D, FLSH, université de Douala.

Yomb Jacques, 2014, « Conduites socioéconomiques et choix éducatifs du genre en milieu rural camerounais », Colloque international sur quelles trajectoires vers une émergence à visage humain de l’Afrique, organisé par l’Instruit université catholique Saint Jérôme de Douala du 8 au 10 janvier 2014.

Notes

1  Institut national de la statistique, 2007, Enquêtes camerounaises auprès des ménages.

2  On trouve l’usage de ce terme dans l’ensemble des travaux portant sur les enfants scolarisés et travailleurs : cf. par exemple, OECD (2003) ; Fouedjio (2008).

3  Il faut entendre éducation au sens scolaire du terme notamment.

4  Mareyeurs (des femmes le plus souvent) qui achètent des vivres en gros et les vendent au détail ou Bayam Sellem, expression autochtone dérivée de l’anglais buyer-seller. Catégorie professionnelle aux fonctions diverses : achat des produits de pêche, conditionnement, transport, allotissement, distribution et vente en demi-gros ou au détail à d’autres revendeurs ou à des particuliers sur les marchés (Tiotsop, Guillotreau et Rouchier, 2014).

Table des illustrations

Titre Tableau 1. – Freins à la scolarisation et causes de la scolarisation différenciée.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/150747/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 107k
Crédits Source : Tableau adapté de Kamdem-Kamgno et Yaouba (2016), « Statut migratoire des parents et scolarisation des enfants au Cameroun ».
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/150747/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 66k
Titre Tableau 2. – Niveau global des indicateurs de l’éducation au Cameroun.
Crédits Source : ECAMI 2001, INS, ECAMIII 2007, EDSIII, EDS 2011, INS 2011.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/150747/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 59k
Titre Tableau 3. – Formes et caractéristiques des temps sociaux.
Crédits Source : Ekomo, Tefe et Yomb (2015), « La dynamique des temps sociaux dans les marchés alternatifs urbains au Cameroun ».
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/150747/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 60k

Auteurs

Enseignant-chercheur en sociologie à l’université de Douala-Cameroun. Il est titulaire d’un doctorat/Ph.D en sociologie économique et chargé de cours au département de sociologie. Ses recherches portent sur les questions de développement d’une part, la socio-économie locale d’autre part. Ses terrains couvrent la ruralité, l’urbanité, la pauvreté, les engagements associatifs et les innovations sociales, les migrations et les langues.
Maîtresse de conférences en sciences de l’éducation à l’université de Rennes, membre du Centre de recherche sur l’éducation, les apprentissages et la didactique (CREAD) et du GIS Marsouin. Ses recherches portent sur les pratiques médiatiques des enfants et des adolescents et leurs enjeux socio-éducatifs.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search