Introduction à la deuxième partie
p. 105-106
Texte intégral
1Depuis le début des années 1990 et les premières actions des mouvements anti-sweatshop aux États-Unis, la plupart des entreprises ont répondu aux interpellations dont elles faisaient l’objet. En 1997, Alan Rolnick, un avocat américain passé maître dans l’art de conseiller les entreprises, écrivait à propos des codes de conduite : « bien que ces démarches ne garantissent nullement que vous ne serez pas attaqués par les chiens de garde (watchdogs), elles devraient vous assurer que les morsures que vous aurez ne seront que des égratignures et non des grosses entailles qui nécessitent des piqûres antirabiques1 ». Rolnick indiquait que les codes de conduite étaient un bon moyen de « museler les chiens de garde ». En réalité, comme l’a souligné la journaliste engagée Naomi Klein (2000, p. 502), « au lieu de “museler” qui que ce soit, pareils documents n’ont servi qu’à soulever d’autres questions ». Et pour se prémunir contre les attaques, les entreprises devaient constamment adapter leur comportement à la réaction des molosses. Dès que ceux-ci commençaient à montrer les dents, il fallait trouver un nouveau moyen de les apaiser. Ainsi, c’est pour répondre à la contestation de la dimension strictement déclarative des codes de conduite qu’un certain nombre d’entreprises ont accepté de mettre en place des clauses sociales et des audits ; c’est pour s’adapter aux reproches sur leur faible investissement dans l’accompagnement des fournisseurs qu’elles ont fait valoir leur intervention dans les actions correctives. Elles ont également adapté le contenu de leurs codes de conduite et les modalités de réalisation des audits sociaux au gré des critiques qui leur étaient adressées.
2Le système d’audit social est la solution qui s’est finalement imposée à la fin des années 1990. Il consiste, pour les donneurs d’ordre, à adopter un code de conduite, à faire évaluer la conformité sociale des usines auprès desquelles ils s’approvisionnent et à gérer leur parc de fournisseurs en conséquence. Souvent, ces systèmes d’audit social sont mutualisés par un groupe d’entreprises. L’objectif de cette seconde partie est de saisir le fonctionnement d’un système d’audit social dans sa totalité. Pour cela, nous nous appuierons sur une étude de cas, celle d’une méthodologie d’audit mise en place en 2004 par un groupe d’entreprises réunies au sein d’un consortium d’entreprises appelé Business Social Compliance Initiative (BSCI)2, et de son usage par l’un de ses membres, l’entreprise Textik. La partie sera organisée en trois temps. Tout d’abord, nous étudierons l’instrumentation des audits (chapitre iv), puis leur mise en œuvre et utilisation par les donneurs d’ordre (chapitre v), et enfin leur mise en cause par les militants de la Clean Clothes Campaign (chapitre vi).
Notes de bas de page
1 Alan rolnick, 1997, « Muzzling the Offshore Watchdogs », Bobbin, février, p. 72 ; cité par Gillen (2000, p. 1068), Bartley (2005, p. 224) et Klein (2000), traduction personnelle.
2 Ce sont les contraintes d’accès au terrain qui ont guidé notre enquête vers le BSCI plutôt que vers l’ICS, prolongement logique de notre enquête sur le Collectif de l’Éthique sur l’étiquette. Mais le BSCI est, en quelque sorte, l’équivalent européen de l’ICS, de même que la Clean Clothes Campaign est l’équivalent européen du Collectif De l’Éthique sur l’étiquette.
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