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    Plan détaillé Texte intégral Les dissections humaines, en pratiqueEthnographier les affects, être affectée« Et toi, ça t’a fait quoi ? »L’engagement affectif comme participation Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    Les émotions dans la recherche en sciences humaines et sociales

    Ce livre est recensé par

    • Stéphane Marpot, Lectures, mis en ligne le 7 septembre 2021. URL : https://journals.openedition.org/lectures/51045 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.51045
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    Table des matières

    Ce que font les dissections

    (Res)sentir en laboratoire d’anatomie, des affects à la relation

    Juliette Salme

    p. 177-190

    Texte intégral Bibliographie Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Du côté des sciences sociales, il est désormais admis que tout chercheur sera, à l’un ou l’autre moment, confronté à ses propres ressentis sur le terrain. Leur intensité et leur valence, plus ou moins positive ou négative, sont soumises à de fortes variations selon les enquêtes, et il appartient à chacun de choisir de les intégrer ou non à l’analyse, et si oui, de quelle manière. Certaines ethnographies semblent toutefois être d’emblée considérées comme particulièrement intenses émotionnellement, de par les objets et les lieux qui les constituent : menée auprès d’étudiants qui dissèquent des cadavres, une recherche réalisée en laboratoire d’anatomie en fait assurément partie. Il n’est effectivement pas difficile d’imaginer que ce lieu, ces activités et cette atmosphère participent à en faire un « terrain miné » (Albera, 2001), un terrain que l’on présume « risqué » du fait des dangers symboliques qu’il pourrait éventuellement impliquer. Car si la confrontation à la mort concerne les enquêtés, et cela de manière évidente, elle concerne aussi l’anthropologue – présente sur place avec eux, et dès lors amenée à participer et à s’imprégner de ce qui s’y déroule. Par-delà les a priori sur cette activité éminemment transgressive (Le Breton, 1993), qu’implique cet engagement, physique et sensible, pour les uns comme pour l’autre ? Comment faire sens de ce qui est (res) senti, de manière partagée et parfois inattendue, dans les laboratoires d’anatomie ?

    2Cette contribution1 s’articule autour d’un terrain ethnographique réalisé au sein de deux facultés de médecine en Belgique. J’y ai principalement accompagné des étudiants de bachelier, pour la majorité en deuxième et troisième années de formation, tout au long du déroulement de leurs travaux pratiques d’anatomie. Après être revenue sur l’organisation de cet exercice et quelques-unes de ses implications, j’interrogerai de manière réflexive la façon dont cette enquête a été appréhendée. Ma posture initiale, qui allait dans le sens d’une certaine neutralisation de mes propres affects, ne fut rapidement plus tenable. Employée ici dans son acception large, la notion d’affects2 sera privilégiée à celle d’émotions car elle est plus générale et permet d’insister sur la dimension corporelle de l’expérience. À partir du constat du rôle central que possède l’olfaction lors des dissections, je chercherai, ainsi, à montrer comment l’exercice continu de qualification des odeurs, entre pairs et avec l’anthropologue, participe de l’entrée et du maintien de la relation à travers le partage d’affects. S’autoriser à être affectée, et à l’exprimer avec les informateurs, est ici envisagé comme une posture méthodologiquement féconde, qui contrebalance celle du maintien forcé d’une « bonne distance ». En proposant ainsi le (res) sentir comme modalité d’être affecté sur le terrain, je conclurai en interrogeant les conditions de l’observation participante.

    Les dissections humaines, en pratique

    3Soit un laboratoire d’anatomie, au sous-sol d’un centre hospitalier universitaire : une fois dépassés différents sas de sécurité, on y pénètre sur autorisation uniquement et toujours vêtu d’une tenue appropriée, a minima d’un tablier. La pièce est éclairée d’une vive lumière artificielle, sous laquelle brillent les tables en acier inoxydable et toute une panoplie d’instruments chirurgicaux. Une odeur difficile à décrire – relents d’antiseptiques, de chairs en décomposition, de produits utilisés pour la conservation des corps ou encore de nettoyant citronné – mais forte, déjà, vient aux narines aussitôt les portes franchies. Elle gagnera en intensité selon les régions du corps disséquées et l’avancée dans l’exercice. Les cadavres sont là, eux aussi, dans toute la singularité de leur apparence. La couleur de la peau, allant du grisâtre au brun, les textures rigidifiées ou ramollies par endroits, les cheveux rasés, les paupières cousues et la nudité : tout tend à éloigner ces corps de ce qui les caractérise d’ordinaire – ainsi entend-on même souvent dire « qu’on ne dirait pas des vrais ». Couramment désignés comme « spécimen » par les médecins, ces corps ont été chimiquement traités pour en ralentir la putréfaction, et sont alors dits « préparés » (à l’inverse des « frais », récemment décédés). Les étudiants entrent dans la salle et se réunissent en petits groupes autour d’une quinzaine de tables de dissection. Les cadavres y sont disposés ou bien baignent dans du liquide, dans le caisson en dessous. Une fois la zone à étudier lors de la séance annoncée par les professeurs, assistants ou étudiants-moniteurs qui les encadrent, les étudiants peuvent alors entamer ce singulier exercice, non sans le commenter et l’accompagner tout du long de rictus, interjections et onomatopées. Présentées comme un exercice visant à transformer des connaissances théoriques en connaissances pratiques, les dissections consistent en l’observation in situ, sur cadavre, de structures anatomiques en trois dimensions. Si aujourd’hui encore un grand nombre de professeurs les estiment nécessaires en vue de la pratique médicale ultérieure, les avis divergent et beaucoup s’accordent à leur trouver un intérêt moins pédagogique que relevant finalement surtout d’un certain rite de passage (Godeau, 2007). Les dissections marquent pour eux l’entrée dans la discipline, elle-même marquée par une forte idéologie de « neutralité affective » (Smith et Kleinman, 1989) : dans l’exercice de leur profession, il est en effet attendu des médecins de ne pas se laisser aller à trop d’effusions émotionnelles, ces dernières devant autant que possible être contenues et maîtrisées. Dans la littérature comme dans les discours, des étudiants comme des professeurs, cet objectif apparaît nettement. Les dissections seraient, dans cette optique, un moment charnière dans la formation du « regard médical » (medical gaze) caractéristique de la profession (Delvecchio-Good et Good, 1989). Lors de ces travaux pratiques, bon nombre d’étudiants m’ont ainsi fait part de la nécessité d’envisager le corps mort comme une sorte d’objet, afin de pouvoir le disséquer « sans trop penser à la personne ». Cette manœuvre mentale, périlleuse, fait du support de leur apprentissage une entité particulièrement compliquée à appréhender. La médecine occidentale distingue l’homme de son corps et se caractérise par une vision mécaniste de ce dernier, en en faisant théoriquement un réceptacle d’organes dont on autorise le démantèlement en vue de produire de la connaissance anatomique (Le Breton, 2006). Mais en théorie uniquement, le statut ontologique du cadavre disséqué n’ayant rien de l’évidence que le dualisme cartésien serait supposé lui attribuer : « On est forcé de voir le corps un peu comme un objet… Enfin, quand tu touches, que tu sens, c’est sûr que ce n’est pas qu’un objet », me confie-t-on à plusieurs reprises. Au moment de la manipulation de ces corps morts, certaines convictions jusque-là fermement affirmées peuvent parfois être amenées à vaciller.

    4Les dissections humaines ont de tout temps éveillé les passions, l’ouverture des corps étant une pratique ancienne et qui touche au cadavre, « ce que nul ne saurait faire impunément » (Souffron, 2015). De l’enthousiasme pour certains au profond effroi pour bien d’autres, l’imaginaire qui les entoure ne s’est jamais complètement tari depuis les premières leçons d’anatomie. Malaise, dégoût, angoisse : comme tout ce qui semble (trop) naturellement aller de soi, le lien presque automatique entre les cadavres et ces catégories d’émotions mérite que l’on s’y attarde, afin d’en interroger l’évidence. En tant que membre d’une société particulière, mais aussi d’un certain groupe professionnel à l’intérieur de celle-ci, le rapport qui est entretenu avec les corps morts est le fruit d’au moins deux longues histoires croisées, et par moments intimement liées : d’une part, celle de l’anatomie et, d’autre part, celle des conceptions du corps en Occident, dans laquelle la première s’insère. Dans la société occidentale, profondément marquée par l’hygiénisme3, la construction sociale du dégoût s’articule inéluctablement à la mise en place de dispositifs techniques et institutionnels, où certaines activités sont repoussées à la marge (Jeanjean, 2011). Cette mise à l’écart n’est pas uniquement symbolique, et se donne à voir de manière très concrète par la localisation et la disposition des lieux. Les laboratoires d’anatomie, comme les morgues ou les abattoirs, font ainsi partie de ces lieux « périphériques », autant d’endroits où l’on accède que sur stricte autorisation et où le travail s’effectue à l’abri du regard des profanes (Souffron, 2015).

    5Dans ce contexte, les idées qui circulent aujourd’hui encore autour de la leçon d’anatomie n’ont donc rien de surprenant. Les a priori sur la confrontation directe à la mort se vérifient-ils toujours pour autant ? Dans les études sur la pratique des dissections, c’est principalement la toute première expérience des étudiants qui a intéressé les sciences sociales. L’angoisse, le stress et la peur sont envisagés, de prime abord, comme les états émotionnels privilégiés que cette expérience peut susciter. Son aspect fondamentalement négatif semble toutefois avoir été parfois surestimé, tant du côté des chercheurs que de celui des futurs étudiants : la focalisation sur celui-ci relèverait davantage de l’appréhension anxieuse des uns et des autres que de la réalité du terrain4. Si les mauvaises expériences, telles un malaise ou un traumatisme plus durable, existent et ne doivent pas être négligées, elles restent, en fin de compte, relativement rares. La fréquentation régulière des laboratoires d’anatomie, auprès d’étudiants disséquant plusieurs heures par semaine pendant plusieurs mois, invite à nuancer ce point de vue. En privilégiant l’observation participante, la démarche ethnographique nécessite un rapprochement au plus près des individus et de leurs activités, et favorise de ce fait la confrontation entre discours et pratiques des interlocuteurs. En l’occurrence, il n’est pas rare d’entendre des énoncés similaires au sujet de ces premières expériences formatrices. L’un d’entre eux, couramment formulé par des enseignants mais aussi par des élèves, d’une année à l’autre en début comme en fin de parcours, concerne l’habituation progressive qui se réaliserait au contact des cadavres. Si des contradictions ont pu être observées entre certains discours rodés sur la capacité à voir le cadavre comme un objet et des façons de faire marquées par un trouble tenace, j’ai souhaité pour ma part prendre au sérieux mes informateurs lorsqu’ils me communiquaient leur ressenti. Sans chercher à spéculer sur une désinvolture exagérée ou sur des états émotionnels forcément intenses, toujours est-il qu’au plus près de celles et ceux qui dissèquent, l’expérience semblerait ne jamais devenir complètement banale.

    Ethnographier les affects, être affectée

    6Si l’on s’intéresse tant5 à cette activité spécifique de la formation des médecins, c’est que malgré tout elle reste considérée comme singulière. En cela, je ne fais pas exception, et l’aspect quelque peu paradoxal de ma posture de départ ne m’aura pas échappé : c’est en effet une curiosité vis-à-vis de cette rencontre obligatoire avec la mort qui m’a initialement portée vers ce terrain. Je ne me posais en revanche que très peu la question de ma propre, mais toute aussi inévitable, confrontation aux cadavres. Sans forcément en avoir conscience à ce moment-là, j’ai compris avec le recul que je cherchais à adopter une posture méthodologique que je savais pourtant illusoire : celle consistant à garder de la distance avec le terrain. De plus en plus remise en question, cette conception de la « bonne distance » est à entendre comme celle où le chercheur serait capable de se dégager de ses propres émotions, ce qui serait supposé lui garantir la démarche la plus objective possible (Halloy, 2016). Mais comment étudier les affects des individus, car c’est bien de cela dont il s’agit, tout en cherchant délibérément à se couper des siens ? Est-ce seulement envisageable, et possible, sur le terrain ? Si les uns allaient disséquer et l’autre – en tant qu’ethnographe en pleine observation participante – principalement les observer, la proximité avec les cadavres ne concernait par conséquent pas uniquement les premiers. Le degré de participation entre ici incontestablement en ligne de compte : pour des raisons manifestes, je n’ai pas moi-même manipulé les corps. Notre expérience des dissections fut donc différente, mais cela n’a pour autant pas entravé le développement d’une certaine forme d’engagement sur le terrain, dont je vais à présent proposer une interprétation.

    7Au-delà du choc, de la répugnance et de l’angoisse déjà mentionnés, il y a en laboratoire d’anatomie de multiples manières d’être affecté. Sentir, au sens même d’éprouver une sensation, est l’une d’entre elles et certainement pas la moins significative. Ceci nous permet d’insister sur les spécificités d’une démarche ethnographique qui se veut attentive au rapport sensible que les individus entretiennent avec leurs mondes et ce qui les compose – dans le cas présent, avec des spécimens cadavériques dont on suppose qu’ils ne sont pas sans effets sur ceux qui les côtoient. En dissection, la mort est tout sauf un concept abstrait : elle est rendue tangible par la présence des cadavres et leurs caractéristiques propres, physiques et sensorielles. Au contact direct d’un autre humain, décédé qui plus est, les chairs, tissus, graisses et autres fluides sont autant de matières qui laissent difficilement indifférent.

    8S’intéresser aux affects attire l’attention sur « ce qui dans l’expérience, ne se dit pas, peu ou mal, et sur ce qu’on ne peut donc saisir efficacement par l’intermédiaire du langage » (Mariani et Plancke, 2018, p. 22). Or c’est précisément en observant les interactions, ce qui était exprimé de manière non verbale et verbale parfois, que des façons conventionnelles d’être affecté et de le communiquer ont progressivement émergé du terrain6. Dans des conversations et des gestes qui paraissent anecdotiques, des manifestations affectives rythment et accompagnent constamment l’action. Elles informent sur ce qui se raconte en filigrane, car parler de ses ressentis et des moments de troubles – autrement dit, de ce que cela fait de disséquer – n’est pas aisé. Certaines gênes sont tues ou bien difficiles à expliquer, alors qu’elles se déchiffrent aisément dans une expression faciale de dégoût comme un nez froncé, ou dans une manière de détourner son corps tout entier de la table de dissection. Le langage, les postures et les expressions, faciales et corporelles, font circuler les affects (Wetherell, 2012) et permettent ainsi de les saisir.

    9Disséquer est un exercice qui implique intensément les corps de ceux qui l’effectuent et qui mobilise une organisation spécifique de perceptions. Dans cet agencement, il est généralement reconnu que les sens, et l’odorat en particulier, sont intensément sollicités. Souligné tant par l’anthropologie que par la neurobiologie (Schaal, Wathelet, Ferdenzi, 2013), le rapport intime entre les systèmes olfactif et affectif nous invite à nous attarder sur les perceptions olfactives comme participant activement, et de façon non négligeable, du ressentir de l’expérience des dissections. Nous isolons ici délibérément l’odorat des autres modalités sensorielles, bien que toutes soient étroitement liées les unes aux autres en pratique, afin d’insister sur son importance dans le partage d’affects sur le terrain. Les odeurs sont fréquemment mentionnées dans la littérature comme des désagréments certes inhérents aux dissections, mais qui leur restent secondaires. De nombreux aspects touchant au corps et aux affects sont ainsi laissés de côté, alors qu’une ethnographie prolongée et soucieuse du détail nous donne à penser que ceux-ci sont loin d’être anecdotiques dans la formation des futurs médecins. Il nous paraît dès lors inconcevable de relayer les odeurs à la marge de l’activité tant leur catégorisation, aussi imprécise soit-elle, joue un rôle central dans la capacité à communiquer collectivement sur une expérience et à se la remémorer.

    « Et toi, ça t’a fait quoi ? »

    10Le cadre des travaux pratiques d’anatomie, organisé de manière à ce que la circulation dans l’espace soit libre, est relativement détendu et invite aux échanges entre pairs. Tandis que je gardais au départ pour moi mes impressions, j’ai moi-même au fur et à mesure été invitée à prendre part aux interactions qui se déroulaient parallèlement à l’activité en cours. Il pouvait s’agir d’échanger des regards entendus, ou bien, de façon moins subtile, de m’adresser directement au détour d’une conversation des questions aussi explicites que : « Et vous, ça vous fait penser à quoi ? Moi je trouve que ça sent [ceci] » ou bien : « Au début, ça ne t’a pas trop dégoûté, toi ? ». Ce qui était effectivement (res) senti, pour eux comme pour moi, est progressivement devenu vecteur de communication et d’information sur l’expérience vécue.

    11Une fois présent sur le terrain et en s’intégrant au groupe qu’il a choisi d’étudier, c’est par son propre corps que l’anthropologue prend connaissance d’autrui et de ses états affectifs. L’observation participante repose ainsi sur l’empathie qui, sur base de processus corporels inconscients tel que l’échoïsation7, amène au cours de l’interaction à éprouver un état similaire à celui d’un autre individu. Pour l’anthropologue Arnaud Halloy (2016), l’empathie est de fait un mode de connaissance ethnographique parfaitement recevable. En s’appuyant notamment sur les sciences cognitives, il formule et défend la « pleine participation » en tant que méthodologie où l’ethnographe est, entièrement et sans retenue, disposé à être affecté par l’enquête et les personnes qu’il y rencontre. Ce mode de connaissance demande toutefois une rigueur importante, et nécessite un travail attentif d’introspection et d’analyse de ses propres ressentis du côté de l’ethnographe. L’écriture occupe dans cette perspective un rôle clef, avant et après le terrain. Suite à l’éventuelle « prise » au cours de l’enquête, pour reprendre les termes de Jeanne Favret-Saada (1990), la tenue minutieuse du carnet de terrain est essentielle. Par une mise à distance à la fois spatiale et temporelle, ce travail précis permet alors la « reprise » de l’expérience par l’anthropologue. Comme le note très justement Halloy, épistémologiquement, les données issues de l’expérience propre de l’ethnographe ne sont pas « plus dignes de confiance » car elles émanent d’un chercheur universitaire, ni « moins dignes de confiance » car produites par un étranger à la culture étudiée, à partir du moment où le vécu du chercheur a été reconnu comme « légitime » par les membres de cette culture (Halloy, 2016, p. 13). La prise ici était avant tout sensorielle, et viscéralement affective, ces dimensions étant intimement liées. Dans cette enquête, la mise en commun de certains affects avec mes informateurs a représenté un moment décisif de l’entrée dans la relation ethnographique. C’est parce que beaucoup d’étudiants se montraient constamment intéressés par ma propre expérience que j’en suis venue à échanger de plus en plus avec eux, et ainsi à tenir compte de mes affects. Tout en validant mon ressenti, ces échanges permettaient en retour à mes interlocuteurs de développer le leur.

    12J’aimerais à présent insister sur l’olfaction en tant que modalité sensorielle particulièrement intéressante dans le cadre des travaux pratiques d’anatomie, car elle permet de penser comment l’expérience qui en est faite peut affecter ceux qui y participent, et comment ils le manifestent. L’odeur des dissections a ceci de singulier qu’elle est considérée, unanimement, comme distinctive. Elle est une voie d’accès privilégiée au versant partageable de l’expérience vécue, car elle se communique, fait parler et agir, évoque et participe au souvenir de ces travaux pratiques. Particulièrement prégnante, aussi bien pendant l’activité qu’à d’autres moments lorsqu’elle se raconte ou qu’elle ressurgit, elle possède une dimension inévitable. Sur place, elle n’épargne absolument personne : ni les étudiants, y compris ceux qui sont plus en retrait de l’activité, ni les moniteurs, médecins ou prosecteurs – bien qu’on puisse supposer une certaine habituation du côté de ces deux derniers groupes professionnels (Candau et Jeanjean, 2006) – ni même l’ethnographe.

    13La discussion à propos des odeurs commence avant même l’entrée dans le laboratoire d’anatomie, lorsque certains se demandent si les cadavres vont « sentir fort » aujourd’hui. En entrant dans la salle, il n’est pas rare d’entendre des remarques sur la puanteur des lieux, ou de détecter le dégoût dans la communication non verbale : visages tordus par des rictus écœurés, réflexes quasi vomitifs pour certains, mains qui s’agitent devant le nez pour ventiler. Des stratégies d’évitement partagées existent, et consistent par exemple à s’appliquer des huiles essentielles mentholées ou du parfum sur les manches ou un foulard, ou de l’onguent herbacé sous les narines. Certains, plus rares, enfilent un masque chirurgical. Même sans user de ces tactiques de réduction des odeurs, manifester que l’on est incommodé par les effluves est plus que largement admis pendant les travaux pratiques d’anatomie. Un accord clair existe sur la gêne qu’elles occasionnent, mais aussi sur certaines de leurs caractéristiques : ces odeurs sont fortes, envahissantes, prenantes et persistantes. La sensation d’une odeur qui « reste » se retrouve ainsi chez beaucoup d’étudiants interrogés, et cela même après avoir pris une douche ou changé de vêtements. Globalement considérée comme déplaisante, elle se révèle toutefois particulièrement difficile à décrire pour les informateurs. Joël Candau et Olivier Wathelet (2011) soulignent que le langage utilisé dans la vie quotidienne pour parler des odeurs, bien qu’imprécis, est extrêmement riche. Plus que la catégorisation perceptive en tant que telle, il permet surtout l’évocation des expériences olfactives. Ces auteurs relèvent qu’une odeur est plus souvent caractérisée par l’effet que fait un odorant que par la nature même de sa substance, étant donné la confusion courante entre l’objet odorant et l’odeur, qui en est sa représentation cognitive. Entendre parler « d’odeur de mort » dans les salles de dissections est une illustration de ce phénomène. Il faut dire que le contexte de la perception importe considérablement dans la catégorisation qui en est faite, et en dissection ces effets contextuels sont nombreux. Il est ainsi perturbant de rencontrer des odeurs similaires, pestilentielles ou pas forcément, en laboratoire d’anatomie et en d’autres lieux de la vie quotidienne. L’odeur de citron chimique, par exemple, qui est très couramment vaporisée sous forme de nettoyant en spray, a souvent été qualifiée de désagréable par sa puissance et son omniprésence. Une odeur qui lui ressemble pourra pourtant être appréciée à la maison, une fois retrouvée dans des produits d’entretien ménager. Mais ce jugement peut à tout moment basculer, et la senteur incommoder, si le souvenir des dissections revient à la mémoire. Ce phénomène s’observe également pour des odeurs dont on admet, en revanche, communément la puanteur : celles des corps humains eux-mêmes. Alors que l’aspect visuel des cadavres évoque déjà couramment des produits d’alimentation, il est tout aussi récurrent d’entendre des commentaires comparables au sujet des odeurs. Les références à la viande, à la charcuterie et parfois au fromage permettent sans trop de peine de comprendre à quel point ce qui est senti là-bas et retrouvé ailleurs peut perturber. Cette ambivalence des odeurs évocatrices de nourriture peut aller jusqu’à causer des dégoûts alimentaires ; plusieurs étudiants m’ont ainsi confié être incapables de manger certains produits dans les heures suivant l’exercice, ce malaise pouvant même pour certains perdurer longtemps après.

    14Décrire une odeur est une activité bien différente de celle qui consisterait à étiqueter une réalité objective, comme le souligne Léo Mariani (2015) : cet exercice complexe se fait collectivement, et par le langage, les intensités affectives peuvent circuler, être saisies, exister en somme (Mariani et Plancke, 2018). En laboratoire d’anatomie, cette discussion collective sur et autour des odeurs est un travail qui se réalise continuellement, et qui ne se réduit pas à une simple énumération de descripteurs olfactifs. S’accorder, ensemble, sur le fait que « ça pue/ça sent fort/ça sent bizarre » – et comment, à quel point, de quelle façon, en évoquant quoi – participe à développer une communication interindividuelle, entre pairs et avec l’ethnographe.

    15On voit donc bien pourquoi la conception des pestilences comme de simples gênes lors de la réalisation de l’exercice mérite d’être nuancée. Au-delà du détail, il s’agit en réalité de l’une des principales caractéristiques de l’activité, qui par sa seule évocation est capable de restituer la singulière expérience des dissections (Godeau, 2007). La présence physique en salle d’anatomie semblerait être nécessaire pour en (re)connaître l’odeur caractéristique, inqualifiable et « collante ». Certains vont jusqu’à dire que « sans ça, ce ne serait pas vraiment les dissections », et beaucoup d’anciens étudiants reconnaissent même que « ça nous marque tous, on s’en souvient ». En éprouvant à la source la sensation « poisseuse », « tenace », « invasive » et au grand pouvoir évocateur de ces senteurs que l’on rencontre en dissection, j’ai fait pour moi-même l’expérience de ce qui m’était si souvent exprimé. Fréquemment conviée à participer à cette qualification collective des odeurs et, par là, à l’échange sur les états émotionnels suscités, j’ai pu travailler avec mes interlocuteurs à faire sens, ensemble, de la dimension corporelle d’une expérience. C’est « [qu’]à travers un acte aussi inaliénable que celui de sentir, l’individu se dévoile en effet comme membre d’une collectivité, celle qui est à même de reconnaître et de lui renvoyer l’expression de ses sensations » (Colon, 2015).

    L’engagement affectif comme participation

    16La relation qui se tisse sur le terrain autour des affects – en partie – partagés permet non seulement d’examiner ce qui est communiqué par les enquêtés (comment, à qui, dans quel contexte), mais pose aussi la question de la méthodologie et de la réflexivité de l’anthropologue vis-à-vis de ses propres ressentis. Ceci nous amène à nous interroger sur la place occupée par l’ethnographe sur le terrain. Si celle-ci peut dans une certaine mesure être négociée, elle reste en grande partie tributaire du bon vouloir des informateurs, et de ce à quoi ceux-ci acceptent de donner accès. Dans les laboratoires d’anatomie, la position que j’ai occupée fut d’une part facilitatrice d’échanges, et d’autre part reconnue comme légitime. Si, comme déjà mentionné, le cadre de cette activité est assez décontracté et favorise la discussion, il me semble en outre que ma présence a participé à encourager l’expression de ce qui peut par ailleurs être passé sous silence dans le déroulement habituel des dissections. Comme souvent en contexte médical, la formulation des émotions est de l’ordre du tabou (Smith et Kleinman, 1989 ; Vollaire, 2011). On l’a vu également, mon propre ressenti fut reconnu comme valide dans l’interaction. Mais la question de la légitimité sur le terrain concerne aussi très concrètement le fait de se déplacer sur place et d’y accompagner les enquêtés. Si, une fois explicitée, ma présence fut globalement bien reçue et comprise, elle n’est pas allée sans éveiller de la curiosité par moments : quelle étrange idée, pour mes enquêtés, que de me rendre dans un laboratoire d’anatomie sans y être obligée ! Il faut noter que la dissection est bien loin d’être l’activité favorite de la majorité des étudiants, et consiste pour beaucoup en une « corvée », obligatoire et parfois ingrate, à tout le moins bien éloignée de leur aspiration première.

    17En tant que « lieux périphériques », ces laboratoires sont donc des espaces où les spectateurs externes ne sont communément pas admis. Là où l’on n’en autorise d’ordinaire pas, la présence d’un observateur, aussi participant soit-il, interpelle. C’est ce que rapporte Catherine Rémy de sa recherche menée en abattoir (2014). Lors de son enquête, le trouble induit par le fait qu’elle assiste aux mises à mort lui vaut des remarques : sous forme de blagues, celles-ci s’avèrent finalement lui être adressées comme des sanctions quant à sa présence. Elle aussi inspirée par les textes fondateurs de Jeanne Favret-Saada, la sociologue explique dès lors à quel point ceci lui permet d’affiner son « sens des situations », c’est-à-dire un certain « sens du tact » nécessaire à la bonne réalisation de l’ethnographie. La présence du chercheur a en effet toujours un impact, qui dépend en partie de la place que lui ont attribuée ses informateurs. Il est ainsi primordial d’avoir conscience que l’on est, en permanence, impliqué d’une manière ou d’une autre sur le terrain. Quel que soit son niveau de participation à l’action, l’ethnographe n’agit jamais à l’extérieur d’une situation qu’il se contenterait d’observer de manière détachée. Il s’agit alors d’apprendre à agir en fonction, selon des règles explicites comme tacites. D’autant que ce qui s’exprime, et avec qui, permet d’en apprendre beaucoup. Dans le cas présent, ceci nous informe sur une identité professionnelle qui se forge tôt au cours d’une formation marquée par un intense travail émotionnel (Hochschild, 1983) où chacun cherche à ressentir, pour soi-même et pour les autres, en accord avec ce qui est conventionnellement attendu.

    18Au moment des dissections, le dégoût8 est précisément une émotion qui se donne à voir par la régulation qui s’effectue sur son expression. Dans le cadre de cette activité obligatoire, manifester que l’on est dégoûté est dans une certaine mesure toléré, voire encouragé. L’anatomie est effectivement loin d’être une vocation pour la majorité des étudiants rencontrés, et par son caractère transgressif et déplaisant, la tâche imposée autorise au sein du groupe à exprimer une certaine répulsion. Une tension palpable existe néanmoins entre en permettre l’expression et aspirer au contrôle des affects. L’humour y est un mode de sanction très répandu entre étudiants : des régulations s’opèrent ainsi par les plaisanteries, remarques ironiques ou regards complices. Blaguer permet de faire remarquer à ceux qui dissèquent avec plaisir et sans avoir l’air dégoûté qu’ils sont « bizarres », qu’ils aiment peut-être « un peu trop » l’exercice. Inversement, les étudiants qui craignent de faire un malaise ou qui n’osent pas trop regarder sont gentiment moqués : on leur fait remarquer qu’ils « exagèrent » et qu’ils doivent « assumer » leur choix d’études. Dans la proximité avec les cadavres, une juste mesure doit être trouvée entre trop en montrer ou pas assez, et au cours des dissections transparaît l’idéal d’un médecin professionnel qui serait capable de contrôler ses émotions et leurs manifestations. En l’éprouvant et en essayant de le maîtriser (parfois sans succès), le dégoût interroge donc sur ce que l’insertion graduelle dans une profession, normée et idéalisée comme la médecine, peut faire à l’éducation des corps. Ouvrir les cadavres, apprendre à les manipuler et à utiliser des instruments rapproche progressivement les étudiants des médecins qu’ils aspirent à devenir. Cette maîtrise n’est pas uniquement affaire de techniques, comme peut l’être le maniement du scalpel ou le perfectionnement des sutures : c’est aussi une maîtrise des affects.

    19Toutes proportions gardées, cette manière d’affiner son savoir-faire et son savoir-être rappelle le propre travail de l’anthropologue qui, de terrain en terrain, s’emploie à adapter son « sens du tact » en fonction des situations. Ceci n’est pas sans évoquer une autre forme de « tact9 », par lequel les psychanalystes préconisent de chercher à « sentir avec » le patient. Cette reconnaissance de l’empathie comme outil de travail réduit la distance entre les individus en présence, met en confiance et favorise de ce fait l’échange à propos des états émotionnels (Pechberty, 2017). Or, en cherchant au départ à prendre de la distance avec mon ressenti, quand bien même était-ce inconsciemment, n’étais-je pas en train de me rapprocher des informateurs qui répétaient sans cesse la nécessité de neutraliser leurs émotions, quelles qu’elles soient ? Celles-ci restent, manifestement, encore souvent considérées comme une contamination à la bonne réalisation du travail. Pourtant, si les émotions peuvent bien entendu perturber la raison, les neurosciences contemporaines reconnaissent désormais leur caractère indissociable : leur rôle est même fondamental dans les processus cognitifs et dans la prise de décision (Damasio, 1995). On comprend donc à quel point chercher à maintenir une distance qui serait garante d’objectivité est non seulement ardu, mais aussi peu judicieux. S’autoriser à être affecté consiste dès lors, aussi, à interroger les conditions de l’observation participante. Les individus, informateurs comme ethnographe, sont effectivement sans cesse et à tout moment des individus affectés, ce qu’attestent les neurosciences (Vincent, 2003) aussi bien que l’anthropologie (Favret-Saada, 1990 ; Halloy, 2016). La question ici est moins de reconnaître cet état de fait que d’en souligner la portée, à condition cependant que l’on s’autorise à faire de ses propres ressentis, et de leur partage avec les enquêtés, une ressource pour l’enquête.

    20Être affectée fut pour moi fructueux : ce fut à la fois l’élément déclencheur de l’entrée en relation, et par-là la condition d’une véritable rencontre ethnographique : (res) sentir, l’accepter et m’autoriser à l’exprimer a permis de saisir ce que les informateurs souhaitaient communiquer. Si la place qui m’était attribuée ne m’a pas forcément permis une participation au plus haut degré, comme cela aurait pu être le cas si j’avais moi-même manipulé les instruments chirurgicaux et disséqué, elle n’en a pas moins représenté un engagement affectif. Rarement présenté comme tel, voire passé sous silence dans les écrits finaux, il me semble qu’il s’agit là de l’une des modalités essentielles de la relation ethnographique. Cet engagement se situe donc cœur de la production de connaissance de l’anthropologue, dont l’observation est de ce point de vue pleinement participante. Participer consiste aussi à prendre part à la situation sociale, lorsqu’ensemble, les individus présents sentent, ressentent et s’expriment. Similairement à ce qui a été proposé au sujet de l’olfaction, ces aspects sont centraux et ne se résument pas à des détails périphériques. Il s’agit d’autant de possibilités pour l’ethnographe de trouver sa place, dès lors qu’il ou elle s’autorise à « résonner » avec ses enquêtés. Sentir l’odeur et ressentir le trouble m’a amené à découvrir ce qui était difficile à expliquer, et à éprouver des affects qui ne sont pas nécessairement ceux attendus : par exemple, en faisant l’expérience de la puissance évocatrice de l’odeur particulière des dissections, qui ressurgit ailleurs et même longtemps après, ou encore en constatant même chez moi l’habituation progressive à la fréquentation des cadavres dont on m’avait tant parlée. En déplaçant le curseur vers l’engagement affectif, la participation comme méthode et manière de faire de la recherche permet de donner corps à une expérience et à saisir les manifestations affectives là où elles émergent.

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    Notes de bas de page

    1  Celle-ci a initialement fait l’objet d’une communication lors de la Biennale d’ethnographie de l’EHESS (octobre 2018), pour laquelle je tiens à remercier Julien Bernard, Thomas Bonnet et Amandine Rochedy pour leur invitation, discussion et commentaires. Merci également à Stéphane Héas et Omar Zanna pour leurs remarques pertinentes sur la version développée de ce texte.

    2  Les affects renvoient ainsi à tout ce qui arrive au corps et est ressenti dans l’interaction avec le monde, y compris les perceptions et sensations (Héritier et Xanthakou, 2006). L’émotion est alors envisagée comme une évolution possible de l’affect, à laquelle une signification conventionnelle est attribuée (Massumi, 1995).

    3  Voir notamment les travaux d’Alain Corbin, de Norbert Elias et d’Edgar Morin à ce propos.

    4  Voir par exemple Leboulanger N., 2011. « First cadaver dissection : Stress, preparation, and emotional Experience », European Annals of Otorhinolaryngology, Head and Neck Diseases, 128, p. 175-183.

    5  « On » recouvre ici quantité d’individus, et pas seulement du côté des anthropologues, sociologues et historiens s’étant penchés sur la question : au quotidien, nombreux en effet sont ceux qui possèdent des anecdotes personnelles ou entendues à partager, ou bien des questions à poser par curiosité dès que le sujet des dissections anatomiques est évoqué au détour d’une conversation.

    6  Pour un développement détaillé des données reprises ici, voir Salme J., 2018, « Des étudiants et des cadavres : dégoût(s) en dissection », in Mariani L. et Plancke C. (dir.), (D) écrire les affects. Perspectives et enjeux anthropologiques, Paris, Petra, p. 269-297.

    7  L’échoïsation corporelle consiste, au cours d’une interaction, à adopter « en miroir » et synchroniquement les postures ou mimiques de l’interlocuteur, induisant de ce fait un état affectif similaire à celui d’autrui (Cosnier, 1998).

    8  Il n’y a pas qu’autour des perceptions olfactives que s’articule le dégoût : sans avoir l’occasion de le développer davantage ici, nous pouvons noter que c’est également le cas d’éléments évocateurs de la personne (les zones du visage ou des mains, par exemple) ou encore de facteurs susceptibles de l’inspirer, telles les substances corporelles. La graisse, notamment, réunit plusieurs des caractéristiques que le philosophe Aurel Kolnai détaille dans son étude phénoménologique du dégoût ; elle rappelle le vivant dans la mort, l’organique et sa vitalité débordante (Kolnai, 1997 [1929]).

    9  Suite aux travaux de Ferenczi, 2014 (1932), Journal clinique, Paris, Payot.

    Auteur

    • Juliette Salme
      Doctorante boursière FRESH (FNRS) au sein de la faculté de sciences sociales de l’université de Liège, où elle est membre du Laboratoire d’anthropologie sociale et culturelle (LASC) et de l’Institut de recherche en sciences sociales (IRSS). Des laboratoires d’anatomie à ceux de fabrication de biomatériaux, elle s’intéresse aux rapports qu’entretiennent les humains avec les (non-) humains animés ou inanimés qu’ils manipulent, dans le contexte scientifique des sociétés occidentales contemporaines et en prêtant une attention particulière à l’expérience sensible.
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    1  Celle-ci a initialement fait l’objet d’une communication lors de la Biennale d’ethnographie de l’EHESS (octobre 2018), pour laquelle je tiens à remercier Julien Bernard, Thomas Bonnet et Amandine Rochedy pour leur invitation, discussion et commentaires. Merci également à Stéphane Héas et Omar Zanna pour leurs remarques pertinentes sur la version développée de ce texte.

    2  Les affects renvoient ainsi à tout ce qui arrive au corps et est ressenti dans l’interaction avec le monde, y compris les perceptions et sensations (Héritier et Xanthakou, 2006). L’émotion est alors envisagée comme une évolution possible de l’affect, à laquelle une signification conventionnelle est attribuée (Massumi, 1995).

    3  Voir notamment les travaux d’Alain Corbin, de Norbert Elias et d’Edgar Morin à ce propos.

    4  Voir par exemple Leboulanger N., 2011. « First cadaver dissection : Stress, preparation, and emotional Experience », European Annals of Otorhinolaryngology, Head and Neck Diseases, 128, p. 175-183.

    5  « On » recouvre ici quantité d’individus, et pas seulement du côté des anthropologues, sociologues et historiens s’étant penchés sur la question : au quotidien, nombreux en effet sont ceux qui possèdent des anecdotes personnelles ou entendues à partager, ou bien des questions à poser par curiosité dès que le sujet des dissections anatomiques est évoqué au détour d’une conversation.

    6  Pour un développement détaillé des données reprises ici, voir Salme J., 2018, « Des étudiants et des cadavres : dégoût(s) en dissection », in Mariani L. et Plancke C. (dir.), (D) écrire les affects. Perspectives et enjeux anthropologiques, Paris, Petra, p. 269-297.

    7  L’échoïsation corporelle consiste, au cours d’une interaction, à adopter « en miroir » et synchroniquement les postures ou mimiques de l’interlocuteur, induisant de ce fait un état affectif similaire à celui d’autrui (Cosnier, 1998).

    8  Il n’y a pas qu’autour des perceptions olfactives que s’articule le dégoût : sans avoir l’occasion de le développer davantage ici, nous pouvons noter que c’est également le cas d’éléments évocateurs de la personne (les zones du visage ou des mains, par exemple) ou encore de facteurs susceptibles de l’inspirer, telles les substances corporelles. La graisse, notamment, réunit plusieurs des caractéristiques que le philosophe Aurel Kolnai détaille dans son étude phénoménologique du dégoût ; elle rappelle le vivant dans la mort, l’organique et sa vitalité débordante (Kolnai, 1997 [1929]).

    9  Suite aux travaux de Ferenczi, 2014 (1932), Journal clinique, Paris, Payot.

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    Ce livre est cité par

    • (2023) La peur chez les Grecs. DOI: 10.4000/books.pur.191025
    • Neys, Oumaya Hidri. (2022) The survey narrative (1/2) The gains of reflexivity in sport social sciences / Le récit d’enquête (1/2) Les gains de la réflexivité en sciences sociales du sport. Loisir et Société / Society and Leisure, 45. DOI: 10.1080/07053436.2022.2090733

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    Salme, J. (2021). Ce que font les dissections. In S. Héas & O. Zanna (éds.), Les émotions dans la recherche en sciences humaines et sociales (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.150337
    Salme, Juliette. « Ce que font les dissections ». In Les émotions dans la recherche en sciences humaines et sociales, édité par Stéphane Héas et Omar Zanna. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2021. https://doi.org/10.4000/books.pur.150337.
    Salme, Juliette. « Ce que font les dissections ». Les émotions dans la recherche en sciences humaines et sociales, édité par Stéphane Héas et Omar Zanna, Presses universitaires de Rennes, 2021, https://doi.org/10.4000/books.pur.150337.

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    Héas, S., & Zanna, O. (éds.). (2021). Les émotions dans la recherche en sciences humaines et sociales (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.150197
    Héas, Stéphane, et Omar Zanna, éd. Les émotions dans la recherche en sciences humaines et sociales. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2021. https://doi.org/10.4000/books.pur.150197.
    Héas, Stéphane, et Omar Zanna, éditeurs. Les émotions dans la recherche en sciences humaines et sociales. Presses universitaires de Rennes, 2021, https://doi.org/10.4000/books.pur.150197.
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