Du flegme à l’empathie, pour une méthodologie de l’engagement
L’historien face aux corps des bagnards du xixe siècle
p. 45-60
Texte intégral
1De l’école des Annales à la microstoria, l’histoire demeure une discipline sillonnée par des interrogations autour des thématiques ayant trait au corps. Longtemps, les historiens ont étudié cette notion et ses déclinaisons dans des acceptions symbolique et/ou socioculturelle ; les corps sociaux, les corporations, le corps du roi, le corps du Christ, les représentations artistiques des corps, etc. En effet, la discipline historique cantonne très régulièrement le corps dans une représentation technique sans que son incidence sur les comportements collectifs soit suffisamment interrogée (Corbin, 2005, p. 8). Longtemps influencés par les écrits de Karl Marx ainsi que les travaux d’Émile Durkheim et Max Weber, les historiens – notamment ceux de l’histoire des Annales – ont davantage opté pour une méthodologie visant à comprendre les organisations humaines dans leur évolution sociale, offrant ainsi une primauté au collectif sur les individus (Hobsbawm, 2008, p. 61-81). Cependant, les travaux d’Arlette Farge ou de Philippe Artières autour des archives, ceux de Carlo Ginzburg sur les procès d’inquisition ou encore ceux d’Alain Corbin sur l’histoire des sensibilités, ont favorisé une focalisation autour des postures individuelles et, mécaniquement, rehaussé l’intérêt pour la question du corps au détriment d’une approche indistincte des êtres au sein d’un corps social souvent difficile à baliser par ailleurs. De fait, la place accordée à la narration et à la sensibilité du chercheur se trouve posée avec plus d’acuité. En effet, si des approches statistiques ou sérielles permettent de se raccrocher à des méthodologies prospectives favorisant l’émergence de seuils de probabilité des faits, qu’en est-il d’une recherche qui tente d’analyser les logiques comportementales d’individualités en s’appuyant sur des récits archivistiques plus singuliers ?
2Travailler sur les bagnes, ainsi que nous le faisons ici, permet de penser cette question avec un certain discernement. D’un côté, nous nous trouvons face à des corps subissant un régime d’existence commun, marqué par la privation de liberté, l’enfermement et la mise à disposition de leur force de travail pour les besognes les plus ardues des arsenaux de marine. D’un autre côté, la surveillance dont ils sont/font l’objet et les nombreuses infractions commises au sein de l’enceinte (évasion, rixes, etc.) permettent de disposer d’une pléthore d’archives renseignant sur les attitudes, postures, sentiments… faisant ainsi jaillir les singularités des existences précaires et la diversité des attitudes et des vécus. En interrogeant la relation du chercheur à l’archive pénitentiaire, nous démontrerons tout l’intérêt qu’il y a à s’engager en faveur d’une histoire narrative qui n’occulte pas la dimension organique des réalités sociales ainsi que l’engagement de celui qui les décrit, en l’occurrence nous-même.
De chair et d’archive : quelques considérations liminaires
3L’historien des xviiie et xixe siècles se trouve confronté à des récits lacunaires et ne peut approcher les corps autrement que de manière parcellaire. En effet, les acteurs dont il tente de retracer les récits se dérobent à son regard. Il doit ainsi se re-présenter les faits en se départissant de toute approche spéculaire ; le regard porté sur les postures de l’époque étudiée pouvant être potentiellement déformée par une sensibilité anachronique du chercheur. Si l’étude du cadre historique des existences ordinaires passe par l’appréhension des formes de la reproduction conditionnée et de la logique des normes (Le Blanc, 2007, p. 37), il convient au préalable de saisir les univers politique, socioculturel et organique de l’époque étudiée. Ainsi, disposer d’une espérance de vie dépassant rarement les 40 ans ou encore mettre plusieurs semaines à se soigner d’une bronchite – comme c’est le cas des forçats ou ouvriers de marine rochefortais au xixe siècle (Beriet, 2009) – transforme radicalement la relation à l’existence en comparaison de celle des retraités du baby-boom « baignés » dans la pénicilline et les antibiotiques. De même, les ressentis physiques et psychologiques de la douleur peuvent se révéler très différents avant l’apparition de l’anesthésie et après son développement jusqu’aux formes contemporaines les plus poussées d’anesthésie locale (Le Breton, 2006).
4Aussi, dès que l’historien cherche à comprendre les réalités organiques d’un monde dont il ne demeure que vestiges et archives, il doit au préalable composer avec une démarche méthodologique soucieuse de reconstituer le contexte des possibles et des probables. Comme le souligne Françoise Gollain dans sa réflexion sur l’historicité de la notion de travail :
« Prétendre subsumer la diversité historique sous une unité formelle, c’est prendre le risque d’une pensée “hors contexte” qui souffre d’un déficit de signification ; une pensée qui n’explicite bien souvent pas la nature de l’articulation entre l’individu et le social, ou entre le descriptif et le normatif, le présent et le possible, et manque finalement de portée politique concrète »
Gollain, 2001, p. 176.
5Ainsi, percevoir les réalités matérielles, organiques, des existences n’est pas chose aisée pour l’historien lorsque ce dernier dispose d’archives nécessairement lacunaires. Cette défectuosité, ce déficit intrinsèque, des matériaux historiques ne semble pas propre aux archives. Les témoignages, entretiens ou encore observations renferment également des écueils, des biais, des trop-pleins et des vides. Cependant, le rapport aux archives a façonné, dans la méthodologie de nombreux chercheurs, une approche spécifique d’une réalité historique, dans laquelle les notions de récit et de narration s’insèrent comme des aspects méthodologiques essentiels. Si l’historien doit conjurer le risque de se métamorphoser en romancier, le conflit entre vérité et imaginaire, probable et possible, l’incline à jauger son objet d’étude en y intégrant les ressentis et les affects, y compris les siens. C’est le sens de la définition que donne Carlo Ginzburg à l’engagement de sa méthodologie d’historien. Pour lui, le choix ainsi que l’interprétation des faits ne peuvent s’affranchir de l’intuition première du chercheur qui le conduit à faire entr’apercevoir un passé en miettes :
« C’est quelque chose qui est resté en moi : cette fascination pour le roman et la narration […]. J’ai une profonde méfiance à l’égard de l’irrationalisme en tant qu’attitude devant la réalité ; mais je ne crois pas pour autant être rationaliste au sens étroit du mot. De toute façon, faire des choix c’est s’engager ; on voit ensuite, mais on s’engage. Ceci arrive à tout le monde pour toute décision importante »
Ginzburg, 2003, p. 113 et 117.
6Cette acception de la dimension rhétorique de l’histoire ne doit pas être comprise comme un aveu de faiblesse, encore moins comme l’adhésion à un relativisme absolu du passé. En soulignant l’importance de l’engagement comme préalable aux choix thématique et méthodologique de l’historien, Carlo Ginzburg invite à questionner les archives historiques au-delà de leurs classements et de leurs étiquettes.
L’histoire entre récit et faits : méthodologie de l’archive
7Intrinsèquement liée à la sociologie durkheimienne, l’histoire a considéré pendant très longtemps que les archives ne prenaient sens que par un traitement sériel, occultant de fait certaines d’entre elles jugées mineures. La microstoria ainsi que l’apparition d’une histoire des mentalités piochant volontiers dans l’anthropologie structuraliste ont permis de faire évoluer l’épistémologie de la discipline en soulignant l’importance des faits et événements mineurs :
« L’événement fut toujours ce qui semblait saisir le temps en une contraction intense donnant une tonalité nouvelle au cours de l’histoire, mais rien ne semble définitivement définir ce que l’on recouvre par “ce qui saisit le temps” […] il est des événements faibles et fragiles, sans grande ampleur, qui sont en quelque sorte les “un peu” de l’histoire »
Farge, 2002, p. 67.
8La revalorisation méthodologique des événements marginalisés doit, par analogie, nous inciter à reconsidérer ce que Philippe Artières nomme également les « archives mineures » (Artières, 2012, p. 76) et qu’il étudie dans la perspective d’expliciter les enjeux pratiques des formes de biopouvoir sur les corps exclus :
« Étant historien des marges, c’est de ce côté du périphérique, d’un en deçà de l’histoire, loin des archives d’État, des grandes enquêtes statistiques, des archives des politiques publiques, que je vais regarder […] le fond des boîtes, parfois même qui sont mises à part et soustraites à la communication parce qu’on estime leur intérêt trop limité »
Artières, 2012, p. 76.
9Arlette Farge et Philippe Artières, très proches dans leurs démarches et leurs objets d’études et tous deux influencés par les travaux de Michel Foucault, soulignent l’intérêt d’un regard porté sur des archives judiciaires, ainsi que des collections scientifiques. Ces dernières permettent de mieux comprendre la place du corps dans les sociétés passées. Plus spécifiquement, ces documents rendent observables les formes de répression s’exerçant sur les oubliés/perdants de l’histoire (marginaux, prisonniers, ouvriers, etc.) ainsi que les postures usitées par ces corps déclassés pour ne pas juste subir, mais également lutter et réagir afin de revendiquer pleinement son appartenance à une dramaturgie historique.
10Prenant appui sur les collections de fragments de peaux tatoués du médecin de marine Armand Corre (1841-1908), Philippe Artières montre ainsi à quel point le tatouage constitue un marqueur social subversif pour les détenus ainsi qu’un élément de surdétermination de la médicalisation du crime et du criminel pour les pénalistes :
« Ces médecins estiment en effet que le tatouage est l’un des éléments pouvant rendre service à l’identification des criminels : “le grand nombre de tatouages donne presque toujours la mesure de la criminalité du tatoué ou tout au moins l’appréciation du nombre de ses condamnations et de son séjour dans les prisons” […] sur le ventre, au-dessous du nombril, se trouvent presque toujours des sujets lubriques, des inscriptions pornographiques telles que “Robinet d’amour, Plaisir des dames, Venez Mesdames, au robinet d’amour, Elle pense à moi” » .
Artières, 2012, p. 80
11Questionnant les travaux d’Arlette Farge à l’aune de l’utilisation des archives judiciaires, Cécile Regnard-Drouot insiste quant à elle sur les potentialités offertes par ce type de sources dans la perception d’une histoire des émotions inscrite dans une méthodologie visant à comprendre l’émergence de pratiques biopolitiques :
« Cela tient sans doute à l’aspect fascinant des sources de la justice. Comme l’a écrit Arlette Farge, elles sont une porte ouverte d’une qualité unique sur la vie des petites gens, des anonymes qui ne laissent que peu de traces. Derrière
les mots, à travers ces histoires “singulières”, c’est la vie qui palpite sous les doigts de l’historien, c’est le quotidien qui semble accessible, le langage du “peuple” qui paraît restitué dans toute sa verdeur »
Regnard-Drouot, 2017, p. 273.
12Les archives judiciaires apparaissent effectivement comme particulièrement fécondes pour traiter de la place des émotions dans la recherche historique. Les corps aux prises avec l’institution judiciaire montrent à quel point l’histoire s’incarne dans des réalités organiques :
« De même le corps est-il aussi lieu d’inscription du politique et, si l’on accepte de suivre Pierre Bourdieu dans ses Méditations pascaliennes (1997), on peut avancer que “les injonctions sociales les plus sérieuses s’adressent non à l’intellect, mais au corps” et que celles-ci sont des événements importants qui transforment et l’être et sa parole et son corps. À l’inverse (et en quittant les acceptions bourdieusiennes) le corps et la parole, dans les échappées belles de son mode d’existence et d’expression, peuvent, tel un événement, infléchir ou surprendre l’institution ou l’injonction »
Farge, 2002, p. 72.
13Avant de traiter plus spécifiquement des archives du Tribunal maritime spécial du bagne, il demeure essentiel de questionner l’expérience de la détention dans son historicité et la place que l’émotion doit revêtir pour l’historien. Cela conduit par ailleurs à ausculter le contexte de l’émergence d’un unanimisme idéologique de la solution pénitentiaire, la prison devient un fait de société et une valeur indépassable en matière de répression criminelle. Le châtiment par la réclusion suscite certes des indignations et de vifs débats, notamment sur le fait de savoir quel type d’isolement cellulaire il convient de pratiquer. Mais, pour le reste, l’incarcération se constitue en pilier idéologique de nos sociétés modernes et, en ce sens également, en fait social total.
Émotion, indignation et soumission des corps : réflexions sur les pratiques biopolitiques dans les débats pénitentiaires
14Entre la fin du xviiie siècle et le début du xixe siècle, les écrits, débats et réformes autour des questions de peines, de crimes et plus généralement de justice pénale se multiplient. Les travaux de Cesare Beccaria obtiennent un écho significatif dans les débats jalonnant l’histoire de la Révolution française. Du côté anglo-saxon, les récits de Robert Owen sur les conditions de détention ainsi que les projets utilitaristes d’un Jeremy Bentham signalent la volonté ambiguë des régimes politiques issus des sociétés industrielles de condamner d’une main l’arbitraire des conditions carcérales pour valoriser de l’autre la volonté d’ériger la peine de prison au rang de norme judiciaire en matière criminelle (Pires, 2006a ; 2006b).
15Cette prégnance de « l’idéologie carcérale » s’incarne en France à travers l’exemple de la fondation de la Société royale des prisons. Initiée par le ministre de l’Intérieur Decazes, cette société savante rencontre un vif succès dès sa fondation en 1819, comptant en son sein plus de 300 membres à cette époque (Duprat, 1980, p. 73-74). Son développement coïncide par ailleurs avec l’émergence de questionnements sociaux nouveaux, au sein desquels le crime pose des termes scientifiques et moraux à l’adresse des plus pauvres, termes relevant tout autant de la philanthropie que du châtiment inquisitorial. En effet, la bourgeoisie commence à être effrayée par les classes populaires, notamment dans les zones urbaines où l’exode rural ne cesse d’accroître leur densité. Ainsi, lorsque la France crée en 1827 le compte de la justice criminelle, elle façonne une première approche statistique des crimes et délits au sein de laquelle apparaît un phénomène jusqu’ici non quantifié : la récidive criminelle et/ou délictueuse. En faisant exister une statistique qui jusqu’ici ne constituait rien d’autre qu’une réalité tangible, mais impalpable, les ministères de l’Intérieur et de la Justice contribuent à populariser l’idée que les penchants criminels restent « attachés » à certaines classes sociales. Les élites estiment ainsi que les délits et crimes se perpétuent parce qu’ils sont inhérents aux classes populaires, idée accentuée par les différentes révoltes sociales réprimées entre la fin du xviiie siècle et la fin du xixe siècle. Parallèlement, le développement de la presse et l’attrait pour les faits divers contribuent eux aussi à façonner les représentations violentes des classes populaires et à créer une partition entre classes laborieuses d’une part et classes dangereuses d’autre part (Regnard-Drouot, 2017, p. 280). Ainsi, l’incarcération devient un élément essentiel des nouvelles formes de gouvernementalité des États industriels du xixe siècle. Nous entendons le terme de gouvernementalité dans sa double acception à savoir les « modalités d’action de l’État en général » et « les modalités nouvelles qui apparaissent au xviiie siècle » selon Michel Foucault1. Une telle conception tient au fait que les dirigeants et les élites savantes cherchent à définir les méthodes les plus rationnelles pour « civiliser » les comportements sociaux. Les chercheurs eux-mêmes, influencés par l’École des Annales, tentent également de vérifier cette idée d’un lien entre les nouvelles formes de répression des violences et l’abaissement des seuils de tolérance à la violence dans les sociétés industrielles (Regnard-Drouot, 2017, p. 281). Cependant, à l’instar de leurs prédécesseurs du xixe siècle, ils ne parviennent pas à s’extirper des schémas déterministes visant à corréler l’usage de la violence à des facteurs sociaux d’une soi-disant déviance qui s’incarnerait dans des comportements tels que l’alcoolisme, la prostitution ou la mendicité.
16Il n’en demeure pas moins que cette prégnance des représentations sociales et morales du criminel conditionne le développement de pratiques biopolitiques. Dans le cas des bagnes, le passage du système de la chaîne aux voitures cellulaires en 1836 permet un traitement plus rationnel de la force de travail que constitue la chiourme (Beriet, 2003). Par ailleurs, il renforce le poids de l’autorité sur le corps du détenu, caché du reste de la population dans un véhicule au sein duquel il est attaché, maintenu sur un siège percé pour lui permettre de faire ses besoins. Si le transport demeure moins funeste pour la santé, il favorise une prise de conscience plus vive de l’enfermement, de la sensation d’être privé de toute autonomie, y compris dans son organisme désormais assigné sur une chaise et dans une cage où il ne peut qu’entendre ses congénères (Foucault, 1976, p. 299-308).
Le corps détenu : forçats et historien : émotions, empathie et engagement
17Les archives du Tribunal maritime spécial de la marine de Rochefort ; archives du corps et éloge de la liberté.
18Dans l’histoire des bagnes métropolitains, celui de Rochefort apparaît particulièrement intéressant. En effet, ce dernier est créé au milieu du xviiie siècle2 à la demande des populations qui ne supportent plus de devoir s’atteler à l’activité de cordelle. Cette tâche consiste en effet à tracter les navires à l’aide d’immenses cordages le long du fleuve Charente afin de les mener jusqu’à l’estuaire où le vent se charge ensuite de prendre le relais. En compensation de ces travaux, les employés de l’arsenal bénéficient de soins gratuits à l’hôpital pour eux et leur famille. Mais ces avantages restent bien trop faibles au regard des risques physiques et sanitaires encourus par l’activité de cordelle et c’est la raison pour laquelle les bagnards, population criminelle, figurent comme la solution de remplacement idéal (Acerra, 1997).
19Par ailleurs, le bagne demeure une institution pénitentiaire atypique dans le contexte de l’émergence des politiques carcérales. En effet, il se présente comme une sorte de prison à ciel ouvert, reproche qui lui est adressé par nombre de pénalistes du xixe siècle qui considèrent ce système comme inefficace et trop peu coercitif, puisqu’il favorise la proximité et les risques de corruption morale entre la population libre des arsenaux et les travailleurs de force. Ces derniers sont ainsi accusés de jouir de trop de liberté, ce qui justifiera leur transportation en Guyane française. Cependant, cette mitoyenneté entre population ouvrière et bagnards participe également d’une forme de socialisation de la surveillance. Les archives démontrent l’ambiguïté des relations et des sentiments et la façon dont les autorités usent de celle-ci. En septembre 1851, alors que 200 forçats sont employés au creusement de fosses d’immersion de bois, le commissaire en chef des chiourmes de Rochefort préconise de faire participer la population de la ville à la vigilance face aux risques d’évasion de bagnards :
« Il serait peut-être bon de leur recommander de se munir de leurs fusils lorsqu’ils vont travailler dans les champs. Vous voudrez bien faire porter à la connaissance des habitants […] qu’il sera payé cent francs pour frais de capture3. »
20Les archives pénitentiaires dévoilent ainsi des représentations biaisées des forçats. Leur instrumentalisation par le pouvoir se joue sur différents registres ; exploitation de la force de travail, utilisation de la prime à l’évasion pour faire participer la population libre et ainsi favoriser l’adhésion à l’idéologie carcérale, instrumentalisation de la torture afin de susciter une peur du châtiment et inscrire le corps du forçat dans un statut d’assujettissement et de servitude complet, ainsi qu’en attestait déjà le traitement réservé à leurs ancêtres galériens :
« Sa Majesté a ordonné et ordonne qu’à l’avenir, tous les cavaliers, dragons et soldats déserteurs qui seront pris […] seront tous, à quelque nombre qu’ils soient, condamnés par le conseil de guerre à avoir le nez et les oreilles coupés, à estre marquez de deux fleurs de lis aux joues, et à estre rasez et enschainez par l’exécuteur de la haute cour de justice »
Ordonnance du 4 décembre 1684, cité par Castan et Zysberg, 2002, p. 112.
21Ces deux derniers exemples illustrent par ailleurs le caractère biaisé de l’archive, interrogeant ainsi une aptitude à l’empathie chez l’historien. En effet, si l’objectivation des données apparaît comme une évidence méthodologique, on tend souvent à négliger l’importance résidant dans le fait d’extérioriser ses propres émotions pour mieux appréhender celles drainées par les acteurs de l’époque. Les archives du bagne montrent ainsi comment les documents constituent le réceptacle des caricatures des acteurs qui le produisent et ainsi façonnent des représentations altérées des intentions de ceux qui les subissent.
22Dans le cas d’une histoire des forçats cherchant à appréhender la réalité organique du vécu de la détention, cette dimension émotive de la méthodologie archivistique demeure centrale. En effet, les archives ne parviennent pas à restituer le son, les plaintes et les voix, qui constituent les « premiers éléments » donnant leur « chance à celles et ceux qui vivent prioritairement dans la rue » (Farge, 2009, p. 199). Néanmoins, certains documents produits par l’administration maritime et notamment ceux ayant trait aux sanctions du Tribunal maritime spécial permettent de mieux saisir la complexité des sentiments et des réalités qui jalonnent le quotidien du bagne. Les archives se révèlent à la fois frustrantes, parce qu’elles occultent volontairement la légitimité des plaintes et des souffrances des forçats, mais dans le même temps elles nous informent – sans le vouloir – sur les postures des détenus face aux différentes injonctions, facilitant le travail de l’historien dans la compréhension de la complexité des sentiments et des parcours menant ces hommes vers les travaux forcés. Cette perspective permet par exemple de regarder avec plus de discernement les effets de l’encellulement individuel sur la santé mentale des détenus. En effet, à partir des années 1830-1840, les châtiments corporels tendent à décliner sensiblement au bagne au profit de sanctions plus compatibles avec l’idéologie carcérale, à savoir la mise en cellule individuelle ou, comme on le dit plus encore dans le bagne du xixe siècle, le « cachot ». Cette technique se révèle symptomatique d’une prise de conscience de l’inefficience des coups sur les détenus les plus réfractaires à l’autorité, à l’instar du forçat Lelong à Rochefort qui reçoit plus de 600 coups de corde entre 1830 et 1846, au point de devenir presque insensible à la douleur comme en atteste l’un de ses nombreux examens médicaux :
« de violentes contusions sur le dos, la poitrine et le genou gauche qui était fort douloureux […] trois plaies à lambeau sur les parties supérieures et latérales droites du crâne pénétrant jusqu’à l’os qui ne paraissait pas lésé […]. Cet homme fortement constitué a peu de sensibilité, il ne se plaint pas de ses blessures, dit même que ce n’est rien en comparaison de celles qu’il a déjà reçues lors de nombreuses bastonnades auxquelles il s’est exposé4 ».
23La bastonnade rend le corps improductif ou granitique ce qui, dans les deux cas, ne satisfait pas l’autorité maritime à l’heure où les réflexions sur l’utilité de la peine vantent tout à la fois l’idéologie de la réforme morale et la valeur travail. L’isolement cellulaire, en revanche, produit des effets psychiques qui peuvent se révéler bénéfiques pour contraindre un détenu à obéir. Le 3 mars 1848, ce même forçat Lelong est convoqué par le Tribunal maritime spécial pour coups et blessures à l’encontre d’un garde et d’un forçat à l’aide d’un couteau. Lors du premier interrogatoire, il adopte une posture de refus systématique face aux sollicitations du commissaire et de son greffier :
« Que l’on me fasse passer en jugement, je répondrai devant mes juges mais avant ce moment je ne veux rien vous dire5. »
24Après neuf jours d’isolement cellulaire complet, le forçat se montre nettement plus docile lors de son deuxième interrogatoire allant même jusqu’à s’excuser dès la première question :
« Je regrette de m’être exprimé vis-à-vis de vous ainsi que je l’ai fait et je suis très disposé aujourd’hui à répondre à vos questions6. »
25Certes, il nous faut nous prémunir de penser que les propos des détenus lors des interrogatoires constituent des enregistrements fiables de leurs dires. En effet, ces derniers sont transformés par l’autorité du greffier et du commissaire rapporteur chargés de les restituer. Néanmoins, dans ces documents archivistiques, l’historien se voit saisi d’émotions subjectives le déterminant à assumer une posture scientifique où l’indignation et l’engagement se doivent d’être assumés. L’émotion face aux sorts de ces hommes se manifeste à travers le dégoût que l’institution pénitentiaire façonne et les débats sur la réforme morale des criminels apparaissent comme des querelles bourgeoises d’intellectuels forts cyniques lorsqu’on les met en perspective avec les effets de la détention sur des criminels souvent condamnés à plus de vingt ans de travaux forcés pour de simples vols avec effraction. Les propos du forçat Guérin, accusé de tentative de meurtre sur un garde-chiourme, sonnent ici comme un réquisitoire contre les travaux forcés. Interrogé par le commissaire du bagne sur les motivations de son crime au sein de l’enceinte, il lui aurait répondu :
« Qu’il ne connaissait pas le garde Reynaud, qu’il n’avait jamais eu à se plaindre de lui, mais qu’il était fatigué de la vie par les privations de toute nature qu’il avait éprouvées depuis sa première condamnation qui remonte au premier décembre 1832 ; qu’il était du reste content du crime qu’il venait de commettre […] et que s’il n’était que condamné à vie, il commettrait un nouveau crime dans le but de se faire condamner à mort7. »
26Les archives judiciaires du bagne de Rochefort conduisent également à réfléchir aux poids des représentations sociales sur les conduites d’acteurs. Ainsi, la violence et la lubricité des forçats peuvent servir de justification en faveur de politiques plus répressives ou encore à couvrir des violences abusives vis-à-vis des forçats. Comme lors de la révolte d’Auguste Myard et François Picon. D’après ce que celui-ci raconte, ces deux forçats auraient voulu s’entretenir avec lui, ce qui leur aurait été refusé8. La suite « officielle », le forçat Clémens9 la décrit dans son ouvrage :
« Auguste et Picon étant entrés dans la salle, le premier court à son banc et se saisit d’un carlet emmanché10 […] qu’il avait préparé à l’avance […], s’élance comme un furieux sur les gardes pour les frapper ; M. Liden, sous-adjudant, se présente à lui le pistolet au poing, mais Auguste […], se saisit du bras de son chef, en arrache le pistolet qui va le frapper, et le tournant alors contre son adversaire fait feu sur lui. Par un hasard de la providence cette arme fait long feu. Reconnaissant l’inutilité des remontrances […] un des rondiers […] frappe ce misérable et malheureux forçat d’un coup de sabre dans l’estomac »
Clémens, 1992, p. 78.
27Cette version a été lue par le commissaire du bagne, qui a choisi de valider la représentation animalisée de forçats furieux, que pas un garde ne pouvait calmer et qu’il fallait donc éliminer. Cependant, cette vision complètement sauvage de la rébellion des deux forçats n’a pas la même évidence lorsqu’on se penche sur les correspondances officielles contenues dans les archives du Service historique de la défense de Rochefort. Ainsi, le 4 mai 1838, le commissaire écrit au sujet de la blessure d’Auguste :
« Le même condamné ayant mordu le garde Coupry à l’oreille, a reçu un coup de sabre qui, sans être grave, a nécessité son envoi à l’hôpital11. »
28Ce n’est donc plus l’usage d’un pistolet mais une morsure à l’oreille qui a eu pour conséquence le coup d’épée. De plus, sa blessure est jugée bénigne par le commissaire le jour même avant que ce dernier ne change de ton :
« Le forçat Myard no 12165 ayant frappé et mordu un autre à l’oreille a été atteint d’un coup de pointe de sabre dont il est mort à huit heures du soir12. »
29Un pistolet qui n’existe pas dans la correspondance officielle, une blessure sans gravité qui apparaît mortelle le lendemain, les archives nous inclinent à regarder la violence des institutions pénitentiaires comme une modalité de gestion des détenus. Toutefois, il ne faudrait pas conclure à l’incapacité totale des forçats de braver et parfois gagner face à l’autorité pénitentiaire. Les procès du tribunal maritime montrent également que l’usage de la parole et la force de conviction constituent de précieux alliés dans la capacité à se défendre face à une justice inique du point de vue de ces procédures. En effet, les forçats n’ont bien souvent que les autres forçats pour se défendre et leur parole reste d’emblée suspecte puisqu’il s’agit de criminels. En 1824, Rostan Christophe, prévenu de vol d’argent avec effraction par escalade dans le magasin de matelasserie, est déclaré innocent par le Tribunal maritime spécial. Le commissaire du roi a pourtant tout tenté pour le confondre. Interrogé une première fois le 6 décembre 1823, il nie tout, rejette les accusations portées contre lui par certains forçats. Du coup, afin de le déstabiliser, le commissaire rapporteur lui remémore son passé de voleur au bagne :
« Question. — Au mois d’octobre 1821, n’avez-vous pas été mis aux menottes pour vol de boulon de cuivre ?
Réponse. — J’ai été mis pendant vingt-quatre heures, à cette époque-là, aux menottes, mais j’étais innocent13. »
30Réinterrogé le 9 janvier 1824, le commissaire tente, sur la base certains témoignages, de le confondre au sujet d’un appel de salle qu’il aurait manqué mais celui-ci continue de nier obstinément sans craquer dans ses réponses :
« Question. — Pourquoi soutenez-vous une chose qui est démentie par les déclarations de Roger […] et encore d’une manière plus positive par la feuille de destination, arrêtée et signée chaque jour par le sous-adjudant en service ?
Réponse. — Je le soutiens parce que c’est la vérité et parce que j’étais dans la salle.
Question. — Mais enfin, il résulte des déclarations de Roger […] que vous étiez absent au premier appel et plus particulièrement de la déclaration de Blion que vous étiez en dehors de la salle le samedi 22 novembre puisqu’il affirme vous avoir vu rentrer ?
Réponse. — Je soutiens que j’étais dans la salle14. »
31Traquer dans le monticule de papiers produits par l’administration pénitentiaire, les traces infimes des paroles sourdes et galvaudées des détenus peut apparaître comme une quête vaine et peu scientifique. Cependant, les archives prennent corps et se chargent de sens si le chercheur dispose d’une volonté de tenter de reconstituer les fils des récits vécus par ces populations, afin de ne pas les regarder exclusivement restent comme les acteurs passifs de leur propre sort. L’écriture permet ici d’offrir une vie à des actions et des discours passés, si ce n’est totalement disparus. Tout scientifique qu’il soit, l’historien ne doit pas occulter la dimension narrative de sa démarche et l’importance de l’engagement face à cette dernière. Comme le rappelle très justement le médecin romancier Martin Winckler :
« L’écriture est un traitement symptomatique ; elle ne traite pas la cause, elle ne guérit pas, mais elle permet de ne pas crever. »
Winckler, 2001, p. 242.
32Dans le cas des forçats, l’historien peut faire en sorte, tout du moins, qu’ils ne soient pas « crevés » puis totalement oubliés.
L’historien face à l’immoralité de la morale pénale ou la nécessaire indignation du chercheur
33L’étude des archives historiques démontre à quel point la prison s’inscrit au cœur d’un questionnement social plus large, notamment sur la nature des pratiques biopolitiques des sociétés occidentales et ce qu’elles dégagent en termes de propagande moralisatrice. À mesure que les débats pénitentiaires soulignent l’importance de l’isolement cellulaire, condition propice à la réforme morale du détenu, les dispositifs carcéraux émergent comme des mesures intangibles s’insinuant dans l’ensemble de la société et ceci malgré les injustices flagrantes qu’ils drainent avec eux :
« La prison est, plus profondément, insupportable en ce qu’elle cristallise une vision simpliste et dépassée du monde social. Cette vision selon laquelle il y aurait d’un côté, le bien, la majorité silencieuse, les bons bourgeois, les intellectuels révérencieux et les braves ouvriers parfois chômeurs, braves tant qu’ils restent docilement soumis à l’ordre dominant, et, de l’autre côté, une minorité de citoyens du monde plus ou moins désaffiliés des réseaux de sociabilité ordinaire, de marginaux, de mal pensants, qui font autant de “boucs émissaires facilement sacrifiables à l’égoïsme collectif”, pourrait-on dire, en adaptant quelque peu l’expression de Paul Fauconnet. »
Combessie, 2008, p. 18.
34Les bagnes eux-mêmes s’inspirent très largement des prisons dans leurs évolutions architecturale et logistique. Par ailleurs, la mise en place des bagnes coloniaux en 1852 et des peines de relégation et transportation doivent être comprises comme une solution politique aux problèmes de la criminalité ainsi qu’à l’impossibilité de créer des cellules individuelles pour chaque détenu15 (Beriet, 2003). Parallèlement, les phénomènes de paupérisation des classes populaires issus des crises cycliques de la production industrielle, contribuent à entretenir l’ubiquité de la relation sociale à l’illégalité, ainsi qu’en attestent les travaux de Regnard-Drouot ou Montel concernant Marseille :
« Le pic de criminalité violente dont les ouvriers marseillais se rendent responsables à la fin du xixe siècle trouve donc sa source dans des conditions sociales et économiques particulièrement tendues. De fait, bon nombre d’ouvriers frayent à cette époque avec une activité criminelle lucrative leur permettant de gagner leur pain. »
Regnard-Drouot, 2017, p. 285.
35Dès lors, étudier le vécu des bagnards au xixe siècle suggère une imprégnation des contextes socioculturel et politico-économique de l’époque, mais également une réflexion quant à l’attention portée par le chercheur aux « ressorts émotionnels de la vie sociale ou mentale (quand bien même celle-ci n’est) pas toujours considérée comme légitime scientifiquement » (Jodelet, 2008, p. 279). C’est en ayant à cœur d’assumer notre propre subjectivation des archives et des acteurs qui l’incarnent, que notre analyse tente de définir ce que peuvent apporter la bienveillance et l’empathie dans la compréhension historique du vécu organique des individus condamnés aux travaux forcés.
Conclusion
36L’étude historique des bagnes permet d’interroger la réalité de ce que Fassin et Memmi définissent comme le gouvernement des corps, à savoir :
« Ces situations [qui] ont en commun de mettre en œuvre les multiples et changeantes modalités d’une relation à soi et aux autres dans un cadre défini par des codes et des règlements, des normes et des valeurs, des rapports d’autorité et de légitimité, des interactions avec l’État et avec la loi. »
Fassin et Memmi, 2015, p. 4.
37Approcher les réalités vécues par les bagnards, comprendre ce qu’est un corps en détention, enchaîné, mis en situation de travaux forcés, dans le contexte industriel du xixe siècle, suppose d’être en capacité de prendre le pouls d’une époque, de sortir des écueils de l’anecdotique et de l’empathie identitaire également. En effet, le sort vécu par ces hommes, l’iniquité de leurs peines, tend à nous donner envie d’en faire des êtres mus uniquement par la déshérence physique et la détresse psychologique. Si cette réalité reste patente, l’analyse des interrogatoires du Tribunal maritime spécial montre également que le (corps du) forçat est à la fois résilient et résistant. La mort par exécution peut être ainsi désirée, comme une ultime protestation face à l’autorité pénitentiaire, une manière de reprendre le contrôle de sa mort parce que l’État vous a dépossédé de celui de votre vie. Par ailleurs, si les processus d’identification ou de compassion sont à éviter pour le chercheur plongé dans les archives, il convient tout de même de ne pas réprimer ses émotions. Travailler sur le sort réservé aux marginaux, aux délaissés de la société capitaliste naissante, ne peut se faire sans questionner notre propre part d’engagement à écrire quelque chose du présent par le biais d’une interprétation de faits historiques. C’est aussi cela que les boîtes d’archives nous donnent à comprendre de l’organique. Dans le cas des forçats, à l’instar de ce qu’écrit Arlette Farge, il s’agit de s’inscrire dans « une histoire de la personne » venant « déranger les certitudes acquises sur l’ensemble des phénomènes dits collectifs » tout en l’envisageant « en interaction avec des groupes sociaux » (Farge, 1997, p. 111-112). Le coût d’une émotion objectivement assumée reste à ce prix.
Archives
38Service historique de la défense de Rochefort, série 1. O (Institutions de répression) ; série 3. O (Tribunal maritime spécial)
Bibliographie
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Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Cité par Metzger (2016, p. 118).
2 En 1766, après ceux des arsenaux de Brest et Toulon.
3 Correspondance du commissaire, 12 septembre 1851, commissaire général, Service historique de la défense de Rochefort, série 1. O, vol. 23.
4 Tribunal maritime spécial (TMS), jugement du 3 mars 1848, SHDR, série 3.0, vol. 622.
5 Ibid.
6 Ibid.
7 TMS, jugement du 4 avril 1842, SHDR, série 3.0, vol. 618.
8 C. Com, 4 mai 1838, P.M., SHDR, série 1.0, vol. 21.
9 Écrivain public au bagne de Rochefort, proche de l’administration pour laquelle il a probablement joué également les indicateurs, il a rédigé un ouvrage avec planches sur la vie au bagne de Rochefort.
10 Poignard.
11 C. Com, 4 mai 1838, P.M., SHDR, série 1.0, vol. 21.
12 C. Com, 5 mai 1838, au major général, SHDR, série 1.0, vol. 21.
13 TMS, jgt du 20 janvier 1824, SHDR, série 1.0, vol. 603.
14 TMS, jugement du 20 janvier 1824, SHDR, série 3.0, vol. 603.
15 D’autres facteurs, conjoncturels notamment, entrent aussi en ligne de compte comme l’abolition de l’esclavage et la nécessité pour l’État français de remplacer la main-d’œuvre dans la colonie guyanaise notamment.
Auteur
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