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    Plan détaillé Texte intégral Ce que fait le genre à la profession politique… et à la sociologie de la profession politiqueAu-delà du genre… Les enjeux scientifiques et politiques de l’intersectionnalitéAllez les Gars ! Ou comment donner toutes ses chances à une égalité réelle en politique… Notes de bas de page Auteurs

    La politique désenchantée ?

    Ce livre est recensé par

    • Maud Navarre, Lectures, mis en ligne le 27 juin 2019. URL : https://journals.openedition.org/lectures/35543 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.35543
    • Sonny Perseil, Questions de communication, mis en ligne le 9 décembre 2021. URL : https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/26240 ; DOI : https://doi.org/10.4000/questionsdecommunication.26240
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    Table des matières

    2. Drôles de dames

    Les femmes en politique ou la fabrication d’une compétence politique spécifique

    Delphine Dulong, Sandrine Lévêque et Frédérique Matonti

    p. 35-47

    Texte intégral Ce que fait le genre à la profession politique… et à la sociologie de la profession politiqueAu-delà du genre… Les enjeux scientifiques et politiques de l’intersectionnalitéAllez les Gars ! Ou comment donner toutes ses chances à une égalité réelle en politique… Notes de bas de page Auteurs

    Texte intégral

    1Depuis la mise à l’agenda politique de dispositifs institutionnels visant à augmenter le nombre de femmes dans l’espace politique et les débats qu’ils ont suscités (Bereni, 2015), les recherches sur l’objet « femmes en politique » se sont multipliées et se sont enrichies. En France, elles ont notamment amorcé un déplacement du regard de la science politique. Au questionnement sur « le retard » des femmes en matière de participation aux activités politiques s’est ajoutée une double interrogation : quels rapports les femmes entretiennent-elles à la politique professionnelle ? Leurs pratiques et leurs engagements sont-ils spécifiques, c’est-à-dire les femmes font-elles de la politique autrement ? C’est dans cette double perspective que se sont inscrits les travaux du groupe de recherche sur « l’Invention de l’élue1 ». Outre l’intérêt d’une analyse en termes de rapports sociaux de sexe au sein de l’espace politique et de la mise en évidence des processus de relégation des femmes propres à cet espace, ils ont permis de renouveler les questionnements sur des objets classiques de la science politique : la professionnalisation politique, les logiques du recrutement politique ou encore celles de la carrière politique. En questionnant une éventuelle « spécificité féminine » en politique, ils ont contribué à mieux comprendre les processus - genrés - de constitution du métier politique et, du même coup, ils ont enrichi l’analyse des conditions de réussite (ou d’échec) en son sein. Enfin, ils ont aussi permis de mettre en évidence la plasticité du jeu politique et sa capacité à résister aux transformations formelles imposées par l’action collective, en particulier celle qui avait été engagée par les mouvements féministes et paritaires dans les années 1990. C’est pourquoi, si ces recherches s’inscrivent dans les gender studies, elles sont aussi inséparables d’une réflexion sur le changement politique et, plus fondamentalement, sur l’économie des rapports entre l’ordre politique et l’ordre social.

    2Ce sont les résultats de ces recherches que nous exposerons brièvement ici. Nous montrerons dans un premier temps comment l’étude de la mise en œuvre des dispositifs paritaires a prolongé et renouvelé les recherches sur le recrutement politique en soulignant notamment comment les logiques identifiées dès la fin des années 1970 continuent à le structurer. Dans un deuxième temps, nous analyserons comment ces recherches ont permis à la sociologie politique de revenir aux interrogations sur la représentation et sur les principes de domination au sein de l’espace politique.

    Ce que fait le genre à la profession politique… et à la sociologie de la profession politique

    3À la fin des années 1990, les débats politiques sur la parité ont tout à la fois mobilisé des arguments théoriques autour de l’universalisme républicain à la française (Scott, 1998, 2005), mais aussi et surtout des arguments plus pragmatiques, sur le divorce entre les professionnels de la politique et les citoyens (Lepinard, 2007, Bereni, 2015). Les symptômes de cette « crise de la représentation » tels qu’ils étaient alors décrits étaient l’absence de représentativité des professionnels de la politique et le décalage entre ce qu’était « réellement » la masse des citoyens composée à parité de femmes et d’hommes et les représentants politiques, qui étaient de manière écrasante des hommes. La crise de la démocratie représentative (Gaxie, 1993) pourrait ainsi être résolue si les politiques ressemblaient davantage sociologiquement à celles et ceux qu’ils étaient censés représenter. Une conception de la « représentation miroir » semblait ainsi triompher (Achin, 2001). Si la sociologie politique critique - en particulier les travaux sur la professionnalisation politique - n’a pas été en tant que telle mobilisée, les résultats qu’elle avait depuis longtemps mis en évidence à la fois sur la sous-représentation des femmes, mais aussi des classes populaires et sur la surreprésentation des classes supérieures étaient sous-jacents dans ces débats, y compris comme argument anti-paritaire, pour dénoncer le traitement particulier réservé aux femmes mais refusé aux classes populaires ou aux populations issues de la « diversité ». Même si l’étayage théorique de la parité était fragile (Fassin, 2002), les arguments ont souvent fait valoir que la différence sexuelle était la seule différence que partageaient toutes les sociétés, manière un peu maladroite de se prémunir contre l’accusation de faciliter l’introduction de quotas, notamment de « race2 ». La loi sur la parité a donc été adoptée avec l’idée que les femmes en intégrant le jeu politique allaient le réenchanter et que, « faisant de la politique autrement », elles mobiliseraient les électeurs et bien entendu, les électrices, les moins politisés - pour ne pas dire les moins compétents politiquement (Gaxie, 1978) - en usant notamment d’arguments « non politiques » pour les convaincre. On pouvait alors imaginer que la loi ferait d’une pierre deux coups : proposer un mode de représentation plus juste et convaincre les femmes de voter davantage (Mossuz-Lavau, 1993), en partant du principe qu’il existerait une forme de solidarité de classe sexuelle en matière de vote (les femmes voteraient plus facilement pour les femmes). Les stéréotypes de genre voulant que les femmes soient plus pragmatiques, plus humaines, plus proches des autres a donc servi à justifier, voire à faire accepter cette réforme. Quasi consensuelle sur le principe aujourd’hui, elle n’a cessé d’être renforcée dans l’espace politique pour pallier (en vain ?) ses défauts originels (Achin et Lévêque, 2014). Ses principes s’étendent désormais à d’autres secteurs de l’espace social, et notamment à l’entreprise mais aussi aux jurys de concours de la fonction publique. La loi sur la parité et les débats qui l’ont accompagnée ont par ailleurs finalement permis d’interroger la non représentation d’autres catégories « minoritaires », en termes de classe, de « race » et de sexualité mais sans déboucher sur une décision législative.

    4Quinze ans après sa première application, quel bilan peut-on dresser de cette réforme du point de vue du recrutement politique ? A-t-elle eu des effets sur celui-ci et lesquels ? Que nous dit la féminisation du recrutement politique du métier politique lui-même et des logiques de la professionnalisation politique ? Étudier la parité en politique est, en effet, un moyen détourné d’évaluer les effets d’une politique publique, - en l’occurrence institutionnelle - sur les règles du jeu politique, son recrutement et les logiques de sa professionnalisation. Dans cette perspective, il s’agit de tenir ensemble une analyse des usages que les agents engagés dans la compétition politique et l’exercice du métier politique font de leurs capitaux, individuels et collectifs, et une analyse des ressources dont dispose le personnel politique et qui conditionnent leur réussite (ou leur échec) dans la carrière. Cette double analyse inscrit les travaux engagés par le groupe de recherche « Invention de l’Élue » (Achin et al., 2007) dans la perspective classique des travaux sur la professionnalisation politique tels qu’ils ont été menés depuis par ceux de Daniel Gaxie (1973) et Michel Offerlé (1999).

    5Du point de vue du recrutement politique, le bilan de la parité est, on le sait, contrasté. Les logiques du recrutement politique (Gaxie 1980) ne semblent pas avoir été profondément bouleversées par les différentes mesures des dispositifs paritaires y compris par les plus contraignantes, même après leur renforcement au fil du temps. Le principe selon lequel plus on monte dans la hiérarchie politique, plus la sélection sociale est forte reste vrai (Achin et Lévêque, 2014). Les femmes sont plus nombreuses dans les espaces les moins valorisés de l’espace politique et moins nombreuses dans les assemblées les plus prestigieuses (Assemblée nationale, Sénat). En nombre égal ou presque aux hommes dans les Assemblées régionales, elles ont été quasi exclues des exécutifs jusqu’à ce que la loi prescrive une composition paritaire des vice-présidences, composition paritaire qui n’empêche pas que les Présidences de région soient très majoritairement détenues des hommes : 3 seulement sur 17 leur ont échappé après les élections régionales. Si les femmes sont présentes dans les conseils municipaux, elles ne sont que six à diriger une ville de plus de 100000 habitants, dont Paris. Après la réforme des conseils départementaux et l’obligation de présenter des « tickets » paritaires, une petite dizaine de femmes dirigent aujourd’hui un département (elles étaient six auparavant).

    6Plusieurs éléments permettent d’expliquer, en dépit du renforcement continu des règles paritaires, cette sous-représentation des femmes dans certains espaces politiques. Premièrement, le législateur a pris des mesures d’autant plus strictes en termes de parité qu’elles s’appliquent aux institutions les moins valorisées, parce que les moins décisionnelles. Les mesures paritaires les plus contraignantes concernent ainsi les élections à scrutin de listes, comme les régionales et les européennes, soit pour désigner les représentants de deux institutions intermédiaires dont l’une, le Parlement européen, avait déjà fait l’objet d’expérimentations paritaires de la part de certaines organisations politiques3 (Achin et Lévêque, 2006). Pour les municipales dans les villes de plus de 3500 habitants, les listes devaient être paritaires pour être déposées, lors de la première application de la loi en 2001. Cette parité s’appréciait par groupe de 6 (3 hommes/3 femmes) de manière à ne pas reléguer les femmes en queue de liste - la loi ne disait rien en revanche de la concordance entre l’ordre de la liste et l’ordre des futures délégations, ce qui avait produit de nombreuses relégations contraires aux pratiques usuelles. Deuxièmement, pour les institutions les plus valorisées - l’Assemblée nationale notamment - non seulement la loi n’est qu’incitative mais elle a été très souvent contournée par les partis politiques. Ceux qui en ont les moyens financiers ont fréquemment préféré renoncer à une partie du financement public plutôt que de présenter autant de femmes que d’hommes - et par conséquent de « sacrifier » des hommes sortants. Ils ont aussi présenté des femmes dans des circonscriptions « ingagnables ». Enfin, troisièmement, les règles ont pu être pragmatiquement contournées. Pour le Sénat, certains partis ont préféré présenter deux listes (menées l’une et l’autre par des hommes), là où il n’y en avait qu’une à l’élection précédente, ce qui permettait à ces mêmes hommes de conserver leurs sièges.

    7Du même coup, si le nombre de femmes a fortement progressé, la parité n’est pas pour autant atteinte dans la plupart des institutions soumises aux règles paritaires. On l’aura compris, elle l’est d’autant moins que l’on monte dans la hiérarchie politique, puisque les espaces les plus valorisés continuent d’être quasiment monopolisés par des hommes blancs, bourgeois, âgés de plus de 50 ans et hétérosexuels. Le Sénat et l’Assemblée nationale restent ainsi, malgré trois renouvellements pour la Chambre basse, bien en deçà des objectifs paritaires même si les progrès quantitatifs sont réels (cf. figure 1, Part des femmes dans les différentes assemblées).

    8Le gouvernement, pour sa part, n’a pas été soumis à l’obligation (ou à l’incitation) paritaire. C’est pourtant en son sein que s’est opérée la première promotion politique des femmes. Ainsi, pendant le Front populaire alors qu’elles n’étaient ni éligibles ni électrices, Léon Blum avait nommé trois femmes sous-secrétaires d’État. Sous la Ve République, Valéry Giscard d’Estaing a donné l’impulsion en nommant des femmes « techniciennes ». Mais, comme l’épisode des « Juppettes » en 19954 l’a souligné avec éclat, cette féminisation est aussi un acte de communication destiné à montrer la bonne volonté « égalitariste » des dirigeants politiques. En outre, cette stratégie de recrutement permet souvent la promotion de femmes, moins expérimentées, moins dotées en ressources partisanes et par conséquent plus dépendantes de ceux, présidents de la République et Premiers ministres, auxquels elles doivent leur poste (Gaxie, 1983). Reste à savoir néanmoins si l’instauration depuis le premier gouvernement Ayrault de mai 2012 d’une parité stricte et son maintien tout au long du quinquennat, à la différence de ce qui s’était passé pendant le mandat de Nicolas Sarkozy et les gouvernements Fillon, auront ou non un effet de cliquet. Si la parité gouvernementale semble acquise dans les partis de gauche, elle n’a été que très succinctement abordée lors de la primaire de la droite et du centre (Matonti, 2016) et serait bien difficile à atteindre si le FN devait composer un gouvernement5.

    Représentation des femmes dans les différentes assemblées (2000-2018)

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    Source : Achin, Levêque (2015).

    9Ces chiffres vont de pair avec le maintien des logiques oligarchiques du métier politique. C’est le cas tout d’abord de la division sexuelle du travail politique. À la très faible part des femmes à la tête des régions, des villes et des conseils départementaux, répond une répartition genrée des tâches. Comme ailleurs dans l’espace social, ainsi que l’a montré la sociologie du travail, on observe donc un phénomène de ségrégation aussi bien verticale qu’horizontale. Les femmes sont ainsi toujours surreprésentées dans les délégations « féminines6 » des Régions ou des conseils municipaux : « éducation-enseignement », « santé », « culture »… Et elles sont toujours sous-représentées dans les délégations « masculines », comme « développement économique », « budget-finances », ou « transports-infrastructures » (Brunel, 2010 ; Koebel, 2014). En 2015, même les institutions les plus exemplaires du point de vue de la parité comme le conseil de Paris (Achin et Levêque 2015) respectent à de rares exceptions près cet ordre genré lorsqu’il s’agit de la répartition des délégations. Et si on trouve une femme à la sécurité (Myriam El Khomri puis Colombe Brossel), chargée également de la politique de la ville et de l’intégration et un homme à l’éducation, petite enfance et familles (Patrick Bloche), les transports ou le développement économique restent des délégations « masculines » tandis que les femmes s’occupent de l’égalité femmes/hommes, des discriminations ou de l’économie sociale.

    10Cette division sexuée du travail n’a donc pas radicalement changé depuis les travaux sur ces répartitions à l’Assemblée nationale, menés au début des années 1990 par Annie Collovald et Brigitte Gaïti (dans Gaxie et al., 1990). Les hommes investissent toujours des postes qui nécessitent des compétences techniques tandis que les femmes se cantonnent à des secteurs pour lesquels leurs compétences supposées naturelles sont censées être les plus efficientes. Or, ces « choix » qui, souvent, prolongent des spécialisations professionnelles ou des formations antérieures ont des effets sur la professionnalisation politique. L’ensemble des travaux au fil du temps ont, en effet, fait apparaître que les hommes font davantage « carrière » en politique que les femmes et qu’elles « sortent » plus souvent du jeu politique qu’eux, même lorsqu’elles sont dotées de ressources a priori efficaces dans l’espace politique et ont suivi la filière administrative classique (Gaxie, 1993). C’est le cas, par exemple, des députées énarquesses de la Ve République qui sont à la fois moins représentées à l’Assemblée et plus nombreuses que les hommes à quitter volontairement la vie politique. Ainsi, Frédérique Bredin ou Anne-Marie Idrac racontent dans leur biographie avoir préféré le monde des affaires moins dur, selon elles que le monde politique (Achin et Lévêque, 2007). Au Conseil de Paris, qui est pourtant un lieu de professionnalisation politique important, les femmes sont moins nombreuses que les hommes à se représenter et surtout à sortir par le haut (vers un poste de parlementaire par exemple) de leur mandat de conseillères de Paris (Achin et Lévêque, 2017). Or ces « sorties » plus nombreuses du jeu politique que celles des hommes et ces difficultés plus grandes à faire carrière s’expliquent en partie par le moindre capital partisan des femmes, moindre capital qui tient notamment aux différences genrées en matière de socialisation primaire7 et aux contraintes domestiques qui continuent à peser très majoritairement sur les femmes (Dulong et Matonti, 2007). Elles tiennent aussi aux placements peu rentables lors des premiers mandats qui contribuent à rendre les femmes peu visibles.

    11Augmenter le nombre de femmes dans l’espace politique, comme l’ont permis les dispositifs paritaires, n’a donc pas bouleversé le fonctionnement du métier politique qui, quel que soit le nombre de femmes qui l’exerce, repose sur les valeurs supposées universelles mais en réalité masculines. On peut même soutenir que la visibilité nouvelle des femmes dans l’espace public mais aussi d’une poignée de femmes à des postes ou à des rôles élevés dans la hiérarchie politique - candidate au second tour d’une présidentielle, femme première secrétaire du PS, gouvernements paritaires, femme maire de Paris - a eu, au moins dans le moment actuel, un effet de réaffirmation de l’ordre genré (Matonti, 2017). Comme nous l’avions avancé en observant les effets de la première application de la loi sur la parité, celle-ci a, en effet, contribué à faire peser sur les candidates l’obligation de se conformer aux qualités supposées naturellement féminines, comme à donner une place inédite aux « premières dames » et aux compagnes des hommes politiques, cantonnées aux rôles féminins les plus conservateurs. C’est ce que nous avions qualifié de « révolution conservatrice » (Achin et al. 2007). La campagne de Ségolène Royal ou les affrontements inédits entre femmes - Royal vs Aubry pour la conquête du PS, ou « NKM » vs Hidalgo pour celle de Paris - précipitent chez les concurrents politiques, comme chez les commentateurs - journalistes, humoristes, essayistes - la réaffirmation de l’ordre genré. Les « gaffes » de Ségolène Royal sont ainsi plus sévèrement sanctionnées que celles de Nicolas Sarkozy et renvoyées à son incompétence « naturelle ». A posteriori, sa candidature est parfois expliquée, non par des facteurs politiques mais par sa jalousie revancharde de femme trompée, comme le racontent dans leur livre à succès, La femme fatale8, deux journalistes du Monde.

    12L’instauration de la parité n’a pas non plus contrarié les logiques sociales du recrutement politique, contrairement à ce qui était au moins en partie attendu. Les élues sont-elles sur-sélectionnées socialement, cette sur-sélection augmentant avec la montée dans la hiérarchie politique et plus on se rapproche du centre (Gaxie, 1980). Ainsi les conseillères de Paris, étudiées en 2008 et 2015, sont sur-sélectionnées par rapport à leurs homologues masculins élus au même moment, qu’il s’agisse d’apprécier cette sur-sélection du point de vue des ressources individuelles (diplômes ou origines sociales) que des ressources collectives et de l’engagement dans le parti (Behr et Michon, 2014 ; Achin et Lévêque, 2015). Ces résultats confirment les conclusions du Haut conseil à l’égalité femmes hommes pour l’ensemble des conseillers et conseillères municipaux (Rapport HCEfh, 2015, p. 289).

    13Néanmoins, la parité a contribué - avec les normes européennes au principe d’un droit antidiscriminatoire (Simon et Escafré-Dublet, 2009) - à une prise en compte d’autres catégories minorisées de l’espace public et, elles aussi, exclues de la représentation politique. D’un côté, le débat s’est engagé sur la place des minorités « visibles » dans l’espace social en général. Dans les médias ou dans certaines grandes entreprises, la « diversité »- terme qui s’est imposé dans le débat public français - a été constituée en enjeu (Bereni et Jaunait, 2009). D’un autre côté, dans l’espace politique, la représentation de ces minorités a pu être perçue comme une concurrence supplémentaire de la part du personnel (principalement masculin) en place. Ces mécanismes, combinés au rejet du « garçon arabe », figure repoussoir de l’intégration républicaine (Guenif-Soulaimas et Macé, 2004) ont conduit à ce que ce soit prioritairement les femmes qui représentent les « minorités » (Avanza, 2010 ; Masclet, Siblot, Coutant, Cartier 2010) et soient donc choisies, dans les élections locales ou régionales, parce qu’elles sont à la fois femmes, jeunes, racisées, et venues des quartiers défavorisées. Cette tendance se vérifie par exemple au Conseil de Paris élu en 2014 : 14 élu.e.s (soit 8,6 % de l’assemblée) appartiennent à des minorités racisées, dont 13 femmes10. Il en va de même dans les gouvernements successifs (que l’on pense à Rachida Dati, Christiane Taubira ou Najat Vallaud-Belkacem) ou dans les conseils municipaux et régionaux.

    Au-delà du genre… Les enjeux scientifiques et politiques de l’intersectionnalité

    14Les recherches sur les lois sur la parité ont ainsi permis de rouvrir un certain nombre de chantiers de la sociologie politique. Elles ont aussi conduit à réaffirmer les principes épistémologiques et les parti-pris méthodologiques qui marquent la spécificité d’une sociologie politique critique attachée au travail d’enquête sur le terrain et soucieuse d’alimenter le débat public au-delà des cercles académiques. Du point de vue de la sociologie historique du politique, elles ont montré que le métier politique et les compétences attendues pour l’exercer étaient loin d’être neutres, mais avaient été conçues par, et pour, ceux qui les ont historiquement monopolisées (Achin, Dorlin et Rennes 2008 ; Lévêque et Matonti 2014a). Relire ainsi le processus de professionnalisation politique a également permis de faire apparaître, sur des terrains contemporains, le poids de ces processus sur le recrutement des candidat.e.s et sur la légitimité à exercer ces mandats politiques. Enfin, elles ont été l’occasion de s’interroger sur l’efficacité des politiques publiques, ici les politiques publiques institutionnelles, pour changer le jeu politique et (ne pas) en modifier les règles. De plus en plus contraignantes, relativement consensuelles dans l’espace politique, et désormais en cours d’extension à d’autres secteurs de la vie sociale (les conseils d’administration des entreprises, les jurys de la fonction publique, ou les instances dirigeantes des fédérations sportives), les lois sur la parité n’ont pourtant pas (encore) bouleversé les règles implicites du jeu politique. Comme le montre par excellence le « casting » de l’élection présidentielle de 2017, et même si les assemblées se sont féminisées, le leadership masculin est pour le moment bien préservé.

    15Mais les travaux sur la parité dépassent les questionnements propres à la science politique. Ils se sont aussi inscrits dans les études de genre et ont accompagné leur institutionnalisation progressive dans l’espace académique français et plus largement dans les débats intellectuels et politiques récents. Que l’on définisse le genre comme un « système de bi-catégorisation hiérarchisée entre les hommes et les femmes et entre les valeurs et pratiques qui leur sont associées » (Bereni et al., 2012) ou comme « un élément constitutif de rapports sociaux fondés sur des différences perçues entre les sexes, et […] une façon première de signifier des rapports de pouvoir » (Scott, 1986), il s’agit notamment d’en conserver la dimension tranchante et critique (Butler, Fassin, Scott, 2007) - et de ne pas en faire un simple équivalent de la variable sociologique « sexe » ou pire de la catégorie « femmes ». En sociologie politique, la « bi-catégorisation hiérarchisée » ou la « façon première de signifier les rapports de pouvoir » sont en effet des outils stratégiques précieux pour analyser la légitimité et les stratégies de (dé)légitimation des professionnel.le.s de la politique (Dulong, 2013). Elles permettent, par exemple, d’analyser comment l’insistance sur les qualités supposées naturellement féminines revient à mettre en question la capacité d’une professionnelle de la politique à exercer des fonctions régaliennes, mais aussi comment l’insistance sur l’absence de virilité (un président qui, par exemple, ne « tient pas » sa compagne twitteuse…) est une manière de contester sa légitimité politique.

    16Cet ancrage dans les études de genre nous a conduites à travailler sur des capitaux souvent méconnus et déniés dans une carrière politique : les « capitaux corporels identitaires » (Achin, Dorlin et Rennes, 2008). Les campagnes électorales successives nous ont ainsi amenées à porter une attention croissante aux qualités corporelles socialement construites - la beauté, la minceur par exemple - ou à la sexualisation des candidat.e.s. Commentée par de nombreux professionnel. le.s de la vie politique, journalistes, acteurs et actrices de la vie politique, la sexualité des femmes et des hommes politiques est, en effet, devenue une composante de leur identité politique (Achin et Dorlin, 2008 ; Lévêque et Matonti, 2014b), ce que montrent par excellence les « affaires » (comme l’affaire Strauss-Kahn ou l’affaire Gayet) mais aussi la mise en scène par les communicants des péripéties sentimentales des politiques (Matonti, 2012, 2014, 2017). Enfin, l’instauration de la parité en politique a ouvert la voie à une représentation des minorités racisées. Impératif de diversité en entreprise, émeutes de 2005, lois mémorielles, ont précipité en effet la formulation d’une question raciale - que l’on explique les émeutes par les particularités supposées des familles (explication relevée dans Fassin et Fassin, 2009) ou que l’on soit obligé de reconnaître que l’explication par la classe comme l’explication par la « race » sont toutes les deux insuffisantes pour en rendre compte (Pap Ndiaye, 2008). L’ensemble de cette configuration discursive pèse dès lors sur la composition des listes électorales et sur celle des gouvernements au point d’être progressivement devenue « une évidence pour les partis politiques français » (Avanza, 2010b).

    17Dès la défaite de la gauche au premier tour de l’élection présidentielle en 2002, la loi sur la parité comme le vote du PACS avaient été parfois considérés comme des politiques publiques destinées aux classes moyennes urbaines et contribuant par conséquent au décrochage de l’électorat ouvrier11. Il en est allé de même avec la promotion (timide) de la diversité et avec les politiques « minoritaires », comme le vote de la loi sur le « mariage pour tous ». Autour du petit groupe de la gauche populaire porté aussi par le géographe Christophe Guilly, auteur de La France périphérique, s’est structuré un discours qui oppose les classes populaires et les politiques minoritaires et voit dans celles-ci une trappe à vote FN. Un pan de la sociologie critique elle-même, par exemple autour de la revue Agone, à travers la critique des théories queer fait comme si le « genre » avait fait oublier la « classe12 ». Or, travailler sur les questions de genre, c’est aussi travailler aujourd’hui sur ce que l’on appelle communément l’« intersectionnalité », selon le terme de la juriste étatsusienne Kimberle W. Crenshaw. Dans la lignée du Black feminism dont se réclame l’auteure, le terme a été forgé pour décrire les impasses du droit étatsunien en matière de lutte contre les discriminations, mais aussi celles des politiques publiques ou des actions collectives qui ne parviennent pas à défendre les femmes racisées. S’il suscite des critiques en France, notamment parce qu’il s’applique à un droit très différent, le concept s’est imposé en ce qu’il permet de décrire des identités (de classe, de sexe, de « race », de sexualité, etc.) dont les diverses composantes sont inextricablement mêlées, et tout particulièrement lorsqu’il s’agit de personnes dominées. D’autres constructions conceptuelles, comme celle de Evelyn Nakano Glen parlant d’« intrication » (interlocking) ou celle de Danièle Kergoat préférant « coextensivité » et de « consubstantialité », permettent d’insister sur l’impossibilité de distinguer ce qui relève d’une catégorie (genre, classe ou « race ») ou d’une autre. À condition de lui conserver (comme pour l’outil qu’est le genre) son tranchant (Chauvin, Jaunait, 2015), le concept d’intersectionnalité permet ainsi de sortir des fausses polémiques et de rappeler que les gays ou les lesbiennes peuvent appartenir aux classes populaires, ou que celles-ci sont composées en partie d’hommes et des femmes, souvent eux-mêmes racisés.

    Allez les Gars ! Ou comment donner toutes ses chances à une égalité réelle en politique…

    18Le facteur décisif expliquant la moindre professionnalisation politique des femmes est sans doute leur sous-engagement dans les partis pour des raisons à la fois matérielles - liées à la division sexuelle des tâches domestiques13 et au calendrier de vie qui les conduit à privilégier maternité et éducation des enfants quand les hommes mènent leurs carrières professionnelle et partisane - et symboliques, à commencer par leur sentiment d’incompétence. Quel que soit le pays et le taux d’équipement des ménages, les femmes en couple ont moins de temps libre que leurs homologues masculins14. Or l’activité politique est chronophage et requiert une disponibilité que les femmes, surtout lorsqu’elles ont des enfants, ne peuvent (ou ne veulent) pas consacrer à une activité aussi éloignée de leur socialisation et de leurs intérêts immédiats. Dans ces conditions, et sauf à attendre hypothétiquement que se mette en place une éducation indifférenciée des filles et des garçons et qu’elle produise ses effets, la parité réelle en politique est conditionnée à l’instauration d’un véritable statut de l’élue favorisant réellement l’exercice féminin des mandats électifs. À cet égard, la loi visant à faciliter l’exercice par les élus locaux de leur mandat, adoptée en 2015, n’est pas satisfaisante même si elle constitue une avancée… pour les hommes. Outre qu’elle ne concerne que les mandats locaux, elle renforce surtout les droits des édiles15 et, dans une moindre mesure, de leurs adjoints. Cette loi gender blind risque donc de creuser encore les inégalités relatives aux conditions d’exercice des mandats locaux entre les hommes et les femmes.

    19En tout état de cause, si l’on veut inciter les femmes à s’engager dans l’exercice d’un mandat électif, il faut envisager un statut spécifique à l’éluE, i. e. qui tienne compte de la situation particulière des femmes aussi bien sur le marché des biens électifs que sur celui du travail salarié ou non. L’un des risques, en effet, serait de favoriser leur accès au champ politique au détriment de leurs carrières professionnelles, plus fragiles que celles des hommes16. Ainsi, l’augmentation du volume des crédits d’heures accordés aux salariés serait une solution peu coûteuse pour l’État afin d’inciter les femmes actives (et notamment les mères) à s’engager dans la compétition politique. Mais elle le serait sans doute davantage pour les femmes qui souffrent déjà d’être réputées moins engagées que les hommes au travail. Mieux vaut prévoir, comme cela se fait en Inde ou au Brésil, des dispositifs gratuits pour garder les enfants et élargir aux éluEs les droits à suspension de contrat de travail et à formation professionnelle, aujourd’hui réservés aux maires des villes de plus de 10000 habitants. Avec de telles mesures, l’expérience élective pourrait alors être envisagée non plus seulement sur le mode de l’engagement citoyen mais aussi comme une opportunité pour acquérir de nouvelles compétences et ressources dans l’optique d’une reconversion professionnelle à moyen terme. Et pour familiariser davantage les femmes aux règles du jeu politique, outre la consolidation et la gratuité des offres de formation en début de mandat, on pourrait envisager la mise en place d’une sorte de service civique, au moins une sensibilisation dès le lycée comparable à ce qui a commencé à se faire pour les filières et métiers masculins ; on pourrait encore recommander que les stages d’observation de troisième s’effectuent au sein des instances politiques locales.

    20De telles mesures ne suffiraient cependant pas sans un appel plus déterminé aux candidatures féminines. Pour cela, l’obligation paritaire devrait être élargie aux mandats nationaux les plus prestigieux et le cumul des mandats dans le temps limité17 afin de favoriser le turn over. Mais surtout, afin de limiter les contournements de la loi par les partis et empêcher que les « terres de missions » soient confiées prioritairement aux candidates, la distribution des investitures devrait être contrôlée par des commissions elles-mêmes paritaires. Enfin, pour limiter l’actuelle distribution genrée des délégations et commissions, bien plus propice à l’accumulation de capitaux pour les hommes que pour les femmes, deux solutions peuvent être envisagées : la première consisterait à interdire aux élus sortants de siéger dans les mêmes commissions que lors de leur précédent mandat ; la seconde, plus radicale, consisterait à mettre en place un système de tirage au sort. Ces réformes - et d’autres sans doute qui devraient travailler à une représentation plus « diverse »- pourraient être contrôlées ainsi que leur exécution par une instance ad hoc comme le Haut conseil à l’égalité. Ce dernier pourrait voir son statut modifié : il deviendrait une Autorité administrative indépendante compétente pour toute question relative aux discriminations envers les femmes élues, y compris celles commises par les médias.

    Notes de bas de page

    1  Menée par une quinzaine de chercheurs de six laboratoires, les travaux de ce groupe ont commencé par une enquête collective menée sur huit sites - Paris et Île-de-France, Alpes-Maritimes, Aquitaine, Ille-et-Vilaine, Maine-et-Loire, Bourgogne, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Rhône et Guyane - et pour la période de cinq années qui a suivi les élections municipales de 2001, première application de la parité. D’autres équipes ont prolongé ces analyses notamment pour les élections municipales à Paris en 2008 et 2014, et pour les présidentielles de 2007 et de 2012.

    2  Par convention en France, l’usage des guillemets au terme « race » souligne qu’il s’agit du résultat d’une construction et d’un processus de racialisation.

    3  Les Verts ont été la première organisation politique à présenter une liste fondée sur le principe de la parité dès les élections européennes de 1989. Ils ont été suivis par le PS, le PCF et le Mouvement des citoyens en 1994, (Achin et Lévêque, 2006, p. 66).

    4  En 1995, le Premier ministre Alain Juppé nomme quatre femmes ministres (la première est au 15e rang protocolaire) et huit secrétaires d’État. Ce geste, construit comme tel par les médias et la communication du Premier ministre, entend montrer l’engagement d’Alain Juppé et de son gouvernement pour la cause des femmes. Six mois plus tard, huit d’entre-elles quittent le gouvernement à l’occasion d’un remaniement. Cet épisode passe comme un des symboles de l’instrumentalisation de la féminisation du personnel politique et Alain Juppé a dû s’en expliquer au moment de sa campagne pour les primaires de la droite et du centre.

    5  Bien que le FN présente, conformément à la loi, des listes paritaires, y compris pour les législatives mais pour de strictes raisons financières, l’expérience des élections européennes montre qu’il n’hésite pas à faire démissionner des femmes pour faire remonter les hommes élus. Par ailleurs, l’un de ses handicaps est pour le moment l’absence de personnel politique expérimenté, a fortiori féminin, les deux femmes héritières de Jean-Marie Le Pen masquant imparfaitement par leur omniprésence médiatique et leurs mandats cette absence.

    6  C’est-à-dire supposées naturellement accordées à leurs inclinations et compétences.

    7  En raison de cette socialisation différente et, à niveau égal de diplôme, et même de responsabilité politique, les femmes y compris les plus dotées en capitaux politiques se disent toujours moins compétentes politiquement que les hommes. Ce sentiment d’incompétence a déjà été relevé dans l’ouvrage de Gaxie (1978) à propos de la participation politique des « profanes ».

    8  Bacqué et Chemin, 2007.

    9  Ce rapport est disponible ici : [http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hce_rapport_2015-02-26-par-015vf.pdf] (consulté le 15 mars 2017).

    10  Ce type de catégorisation est toujours délicat et arbitraire, mais demeure nécessaire pour tenter de mesurer la progression de la représentation des minorités racisées et l’usage (ou le non usage) de certains capitaux individuels (ici l’origine ethno-raciale non blanche) comme ressource politique. Nous avons croisé plusieurs types d’informations : le nom de famille, la couleur de peau, le lieu de naissance et la présentation de soi sur les documents de campagne (lorsque l’argument de l’origine est mobilisé pour la construction d’une identité politique stratégique). Les 14 élu.e.s « divers » sont Marie Attalah, Yamina Benguigui, Rachida Dati, Leïla Diri, Myriam El Khomri, Nathalie Fanfan, Afaf Gabelotaud, Halima Jemni, Olga Johnson, Fatoumata Koné, Fadila Mehal, Nawel Oumer et Buon-Huon Tan.

    11  Pour une critique de cette position, voir par exemple, Vacarme, no 20, été 2002.

    12  « Comment le genre trouble la classe », Agone, no 43, 2010.

    13  Au sein de l’UE, en 2010, 41 % des femmes en moyenne consacraient au moins une heure par jour à s’occuper ou à éduquer leurs enfants et/ou petits-enfants, contre 25 % des hommes. Dans tous les États membres, ce sont très majoritairement les femmes qui font la cuisine et accomplissent les tâches domestiques - 77 % des femmes en moyenne dans l’UE consacraient au moins une heure quotidienne à ces tâches, contre seulement 24 % des hommes en 2010.

    14  En 2010, selon l’Insee, les salariés disposaient dans une journée de 4 h 11 de temps libre (au sens de l’Insee, c’est-à-dire comprenant les loisirs et la sociabilité hors repas) contre 3 h 33 pour les salariées et respectivement 3 h 20 contre 3 h 08 chez les indépendants et indépendantes.

    15  Ainsi, le congé électif, de droit pour tous les salariés candidats dans des communes de 3500 habitants, sera désormais accordé dès 1000 habitants, ce qui représente quelque 7000 communes de plus. Une fois élus, les maires de villes de + de 10000 habitants pourront faire valoir leur droit à la suspension du contrat de travail - pour réintégrer leur entreprise ensuite - et au congé de formation professionnelle, alors que le seuil était jusqu’à présent fixé à 20000 habitants. Dans les petites communes (moins de 1000 habitants), les édiles recevront une indemnité automatique, fixée selon un barème et il ne sera donc plus nécessaire que le conseil municipal se prononce sur cette indemnité du maire. Enfin, à la sortie, tous les maires de villes de plus de 1000 habitants - et les adjoints dans les villes moyennes - toucheront leur allocation de fin de mandat pendant non plus six mois mais un an. De plus, ils pourront bénéficier d’une validation des acquis de l’expérience acquise durant leur mandat, comme par exemple « gérer une équipe, organiser des réunions, prendre des décisions ».

    16  En dépit des indéniables progrès réalisés en termes de formation et d’emploi, les femmes ont moins de chances que les hommes d’être sur le marché du travail et, dans l’ensemble des États membres de l’UE, celles qui occupent un emploi travaillent moins d’heures et passent en général moins d’années dans la vie active que les hommes. En 2010, la durée de la vie professionnelle s’étendait ainsi à 32 années en moyenne dans l’UE pour les femmes contre 37 années pour les hommes. De même, l’augmentation du taux d’activité des femmes ne s’est pas accompagnée d’une forte diversification du travail féminin, dont l’une des caractéristiques demeure la très forte concentration. En France, par exemple, près de la moitié des femmes dans l’emploi se concentre sur une dizaine de métiers (sur un total de 86), alors que les 10 professions qui concentrent le plus d’hommes n’emploient que 31 % d’entre eux (DARES 2013), concentration qui limitent leurs opportunités.

    17  Cette proposition a été avancée par François Hollande lors de son discours de Wagram en septembre 2016. Elle a été reprise notamment par Benoît Hamon.

    Auteurs

    Delphine Dulong

    Maîtresse de conférences (HDR) en Science politique à l’université Paris 1 - Panthéon Sorbonne (CESSP).

    Sandrine Lévêque

    Professeure de Science politique à l’université de Lyon 2 (Triangle).

    Frédérique Matonti

    Professeure de Science politique à l’université Paris 1 - Panthéon Sorbonne (CESSP).

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    Table des matières

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    Aux frontières de l'expertise

    Dialogues entre savoirs et pouvoirs

    Yann Bérard et Renaud Crespin (dir.)

    2010

    De l'état social à l'état des droits de l'homme ?

    De l'état social à l'état des droits de l'homme ?

    Colette Bec

    2011

    Réinventer la ville

    Réinventer la ville

    Artistes, minorités ethniques et militants au service des politiques de développement urbain. Une comparaison franco-britannique

    Lionel Arnaud

    2012

    Militer pour la planète

    Militer pour la planète

    Sociologie des écologistes

    Sylvie Ollitrault

    2008

    La figure de «l'habitant»

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    Sociologie politique de la «demande sociale»

    Virginie Anquetin et Audrey Freyermuth (dir.)

    2009

    Politiques de jeunesse

    Politiques de jeunesse

    Les défis majeurs de l'intégration

    Patricia Loncle

    2010

    Journalistes engagés

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    Sandrine Lévêque et Denis Ruellan (dir.)

    2010

    La fabrique interdisciplinaire

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    Histoire et science politique

    Michel Offerlé et Henry Rousso (dir.)

    2008

    Mobilisations de victimes

    Mobilisations de victimes

    Sandrine Lefranc et Lilian Mathieu (dir.)

    2009

    Les libertariens aux États-Unis

    Les libertariens aux États-Unis

    Sociologie d'un mouvement asocial

    Sébastien Caré

    2010

    Le choix rationnel en science politique

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    Débats critiques

    Mathias Delori, Delphine Deschaux-Beaume et Sabine Saurugger (dir.)

    2009

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    Conclusions

    Delphine Dulong

    Introduction

    Sandrine Lévêque

    1. Femmes, féministes et journalistes : genre et engagement comme ressources professionnelles : le cas des rédactrices de La Fronde

    Sandrine Lévêque

    3. Le Premier ministre en actes et en coulisses

    L’histoire comme outil et objet d’analyse sociologique des institutions

    Delphine Dulong

    Débats : le capital médiatique en question

    Delphine Dulong, Dominique Marchetti, Erik Neveu et al.

    9. La fabrique du Programme commun

    Frédérique Matonti

    6. Histoire sociale des idées politiques, crises politiques et catégories de perception

    Frédérique Matonti

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    Delphine Dulong

    Débats : le capital médiatique en question

    Delphine Dulong, Dominique Marchetti, Erik Neveu et al.

    9. La fabrique du Programme commun

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    6. Histoire sociale des idées politiques, crises politiques et catégories de perception

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    1  Menée par une quinzaine de chercheurs de six laboratoires, les travaux de ce groupe ont commencé par une enquête collective menée sur huit sites - Paris et Île-de-France, Alpes-Maritimes, Aquitaine, Ille-et-Vilaine, Maine-et-Loire, Bourgogne, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Rhône et Guyane - et pour la période de cinq années qui a suivi les élections municipales de 2001, première application de la parité. D’autres équipes ont prolongé ces analyses notamment pour les élections municipales à Paris en 2008 et 2014, et pour les présidentielles de 2007 et de 2012.

    2  Par convention en France, l’usage des guillemets au terme « race » souligne qu’il s’agit du résultat d’une construction et d’un processus de racialisation.

    3  Les Verts ont été la première organisation politique à présenter une liste fondée sur le principe de la parité dès les élections européennes de 1989. Ils ont été suivis par le PS, le PCF et le Mouvement des citoyens en 1994, (Achin et Lévêque, 2006, p. 66).

    4  En 1995, le Premier ministre Alain Juppé nomme quatre femmes ministres (la première est au 15e rang protocolaire) et huit secrétaires d’État. Ce geste, construit comme tel par les médias et la communication du Premier ministre, entend montrer l’engagement d’Alain Juppé et de son gouvernement pour la cause des femmes. Six mois plus tard, huit d’entre-elles quittent le gouvernement à l’occasion d’un remaniement. Cet épisode passe comme un des symboles de l’instrumentalisation de la féminisation du personnel politique et Alain Juppé a dû s’en expliquer au moment de sa campagne pour les primaires de la droite et du centre.

    5  Bien que le FN présente, conformément à la loi, des listes paritaires, y compris pour les législatives mais pour de strictes raisons financières, l’expérience des élections européennes montre qu’il n’hésite pas à faire démissionner des femmes pour faire remonter les hommes élus. Par ailleurs, l’un de ses handicaps est pour le moment l’absence de personnel politique expérimenté, a fortiori féminin, les deux femmes héritières de Jean-Marie Le Pen masquant imparfaitement par leur omniprésence médiatique et leurs mandats cette absence.

    6  C’est-à-dire supposées naturellement accordées à leurs inclinations et compétences.

    7  En raison de cette socialisation différente et, à niveau égal de diplôme, et même de responsabilité politique, les femmes y compris les plus dotées en capitaux politiques se disent toujours moins compétentes politiquement que les hommes. Ce sentiment d’incompétence a déjà été relevé dans l’ouvrage de Gaxie (1978) à propos de la participation politique des « profanes ».

    8  Bacqué et Chemin, 2007.

    9  Ce rapport est disponible ici : [http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hce_rapport_2015-02-26-par-015vf.pdf] (consulté le 15 mars 2017).

    10  Ce type de catégorisation est toujours délicat et arbitraire, mais demeure nécessaire pour tenter de mesurer la progression de la représentation des minorités racisées et l’usage (ou le non usage) de certains capitaux individuels (ici l’origine ethno-raciale non blanche) comme ressource politique. Nous avons croisé plusieurs types d’informations : le nom de famille, la couleur de peau, le lieu de naissance et la présentation de soi sur les documents de campagne (lorsque l’argument de l’origine est mobilisé pour la construction d’une identité politique stratégique). Les 14 élu.e.s « divers » sont Marie Attalah, Yamina Benguigui, Rachida Dati, Leïla Diri, Myriam El Khomri, Nathalie Fanfan, Afaf Gabelotaud, Halima Jemni, Olga Johnson, Fatoumata Koné, Fadila Mehal, Nawel Oumer et Buon-Huon Tan.

    11  Pour une critique de cette position, voir par exemple, Vacarme, no 20, été 2002.

    12  « Comment le genre trouble la classe », Agone, no 43, 2010.

    13  Au sein de l’UE, en 2010, 41 % des femmes en moyenne consacraient au moins une heure par jour à s’occuper ou à éduquer leurs enfants et/ou petits-enfants, contre 25 % des hommes. Dans tous les États membres, ce sont très majoritairement les femmes qui font la cuisine et accomplissent les tâches domestiques - 77 % des femmes en moyenne dans l’UE consacraient au moins une heure quotidienne à ces tâches, contre seulement 24 % des hommes en 2010.

    14  En 2010, selon l’Insee, les salariés disposaient dans une journée de 4 h 11 de temps libre (au sens de l’Insee, c’est-à-dire comprenant les loisirs et la sociabilité hors repas) contre 3 h 33 pour les salariées et respectivement 3 h 20 contre 3 h 08 chez les indépendants et indépendantes.

    15  Ainsi, le congé électif, de droit pour tous les salariés candidats dans des communes de 3500 habitants, sera désormais accordé dès 1000 habitants, ce qui représente quelque 7000 communes de plus. Une fois élus, les maires de villes de + de 10000 habitants pourront faire valoir leur droit à la suspension du contrat de travail - pour réintégrer leur entreprise ensuite - et au congé de formation professionnelle, alors que le seuil était jusqu’à présent fixé à 20000 habitants. Dans les petites communes (moins de 1000 habitants), les édiles recevront une indemnité automatique, fixée selon un barème et il ne sera donc plus nécessaire que le conseil municipal se prononce sur cette indemnité du maire. Enfin, à la sortie, tous les maires de villes de plus de 1000 habitants - et les adjoints dans les villes moyennes - toucheront leur allocation de fin de mandat pendant non plus six mois mais un an. De plus, ils pourront bénéficier d’une validation des acquis de l’expérience acquise durant leur mandat, comme par exemple « gérer une équipe, organiser des réunions, prendre des décisions ».

    16  En dépit des indéniables progrès réalisés en termes de formation et d’emploi, les femmes ont moins de chances que les hommes d’être sur le marché du travail et, dans l’ensemble des États membres de l’UE, celles qui occupent un emploi travaillent moins d’heures et passent en général moins d’années dans la vie active que les hommes. En 2010, la durée de la vie professionnelle s’étendait ainsi à 32 années en moyenne dans l’UE pour les femmes contre 37 années pour les hommes. De même, l’augmentation du taux d’activité des femmes ne s’est pas accompagnée d’une forte diversification du travail féminin, dont l’une des caractéristiques demeure la très forte concentration. En France, par exemple, près de la moitié des femmes dans l’emploi se concentre sur une dizaine de métiers (sur un total de 86), alors que les 10 professions qui concentrent le plus d’hommes n’emploient que 31 % d’entre eux (DARES 2013), concentration qui limitent leurs opportunités.

    17  Cette proposition a été avancée par François Hollande lors de son discours de Wagram en septembre 2016. Elle a été reprise notamment par Benoît Hamon.

    La politique désenchantée ?

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    La politique désenchantée ?

    Ce livre est cité par

    • Frau, Caroline. Taiclet, Anne-France. (2022) Dans les marges de l’action publique. Gouvernement et action publique, VOL. 10. DOI: 10.3917/gap.214.0009

    La politique désenchantée ?

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    Dulong, D., Lévêque, S., & Matonti, F. (2019). 2. Drôles de dames. In L. Barrault-Stella, B. Gaïti, & P. Lehingue (éds.), La politique désenchantée ? (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.147027
    Dulong, Delphine, Sandrine Lévêque, et Frédérique Matonti. « 2. Drôles de dames ». In La politique désenchantée ?, édité par Lorenzo Barrault-Stella, Brigitte Gaïti, et Patrick Lehingue. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2019. https://doi.org/10.4000/books.pur.147027.
    Dulong, Delphine, et al. « 2. Drôles de dames ». La politique désenchantée ?, édité par Lorenzo Barrault-Stella et al., Presses universitaires de Rennes, 2019, https://doi.org/10.4000/books.pur.147027.

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    Barrault-Stella, L., Gaïti, B., & Lehingue, P. (éds.). (2019). La politique désenchantée ? (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.146977
    Barrault-Stella, Lorenzo, Brigitte Gaïti, et Patrick Lehingue, éd. La politique désenchantée ?. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2019. https://doi.org/10.4000/books.pur.146977.
    Barrault-Stella, Lorenzo, et al., éditeurs. La politique désenchantée ?. Presses universitaires de Rennes, 2019, https://doi.org/10.4000/books.pur.146977.
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