8. Le nouvel ordre corporel à l’heure de la célébrité politique
p. 167-189
Texte intégral
1La culture de la célébrité ne s’est pas seulement traduite par l’hypertrophie de l’image. Elle a également œuvré à la visibilité des corps dans l’espace public (Heinich, 2012). Le champ politique n’a pas été épargné par cette injonction. À l’heure de la Life politics et de la Celebrity culture, les corps politiques s’exposent. Ils se donnent – et sont donnés – en pâture aux médias et aux lecteurs à travers des photos (parfois volées) et des confessions. Ils sont partie prenante de cette « nouvelle économie symbolique du politique » (Le Bart, 2013) qui s’est sédimentée depuis plus d’une décennie marquée par un double procès de personnalisation et d’individualisation.
2Cette dynamique vise à la fois la célébration de l’apparence et l’exigence de transparence. Invitation paradoxale car rien n’est plus susceptible de leurrer que les apparences. Rien n’est plus facilement travaillé, ciselé, façonné que les corps : vêtements, coiffures, postures, dermes et épidermes font l’objet de soins attentifs, entre correction et rectification, et permettent la construction de ces façades et « représentations frauduleuses » chères à Erwing Goffman. Rien n’est plus facilement manipulable que les images, surtout à l’heure de Photoshop.
3Cette (sur) exposition accompagne l’affirmation, à partir de la décennie 2000, d’un nouvel ordre corporel qui impose ses règles, à la fois aux compétiteurs comme aux journalistes, assurant la promotion d’une approche sensible du politique, caractérisée par l’emprise des émotions et l’empire des apparences. L’assomption d’une singularité normalisée est ainsi la traduction d’un champ politique reconfiguré.
4Ce devoir d’exposition révèle les changements advenus dans la nature et la structure des ressources les plus sollicitées. Au-delà des stratégies individuelles de présentation de soi, entre décontractions contrôlées et habillement aux audaces tempérées, ce nouvel ordre corporel est indissociable d’une grammaire qui ordonne les corps dans l’espace public et définit une police des gestes et des conduites.
5Avec l’essor des médias socio numériques, le regard panoptique emprisonne ces corps médiatisés. Entre volonté d’affichage des uns (Sarkozy) et refus des autres (Hollande), le corps des présidents et des prétendants n’est plus sanctuarisé. Se trouve parallèlement promue et systématisée par les journalistes une lecture des corps qui, sous couvert de décrire « objectivement » (comme l’atteste la prétention photographique à la documentarité et à la testimonialité1), porte en elle les risques d’une dimension fortement prescriptive.
6En s’imposant à tous les acteurs de cet écosystème, politique comme journalistique, ce nouvel ordre corporel révèle la tension inscrite au cœur des représentations et des pratiques, entre affirmation identitaire et distinctive d’une part, conformation aux normes sociales et politiques d’autre part. À la stylisation du discours politique répond une forme de stylisation des identités et des différences, tant de la part des acteurs politiques conduits à se soumettre à cet horizon d’attente par un surinvestissement des marqueurs physiques, que des journalistes enclins à reproduire les mêmes contrats de lecture indicielle des corps.
La grammaire des corps médiatiques
7À l’heure de la « peopolisation extime2 », le corps est donc érigé, par les acteurs politiques eux-mêmes ou par leurs conseillers en communication, en incomparable vecteur de sens et d’émotions. Mais si le corps est, plus encore que le discours, le lieu de l’ambiguïté, il est marqué souterrainement par une exigence de lisibilité et d’efficacité. Constructeurs privilégiés de représentations, les acteurs politiques ne peuvent plus négliger aujourd’hui les ressources offertes par le poids des apparences tout en se soumettant à un certain nombre de codes qui régissent ces apparitions.
Les corps et les logiques de séduction
8Les logiques de séduction à l’œuvre sur la scène électorale activent intensément un certain nombre de mécanismes ou de dispositifs psycho-affectifs (Braud, 1980, 1996) qui invitent à étudier le rôle et l’importance du corps dans le jeu des interactions politiques et médiatiques.
La désacralisation des corps
9L’une des mutations majeures réside dans l’affichage des corps physiques. Hédonistes, ces derniers s’exposent désormais. Dénudés, soumis aux joies des plaisirs balnéaires et de l’héliotropisme, ils ont d’abord colonisé les pages des journaux people avant de se généraliser dans les tous les médias. Dominique de Villepin à la Baule en fit un argument dans sa lutte fratricide contre Nicolas Sarkozy lors de l’université d’été de l’UMP en 2005. Ce dernier, exhibant sa plastique au côté de celle de Carla Bruni en maillot de bain sur une plage méditerranéenne au cours de l’été 2015, fit la « Une » de Paris Match ; Alain Juppé, en visite à la Réunion en janvier 2016, enfilant le maillot de bain, peaufinait sa nouvelle image de prétendant décomplexé, de la même façon que les couvertures de Marine Le Pen et de sa nièce en couverture de Closer s’inscrivaient dans cette tentative de dédiabolisation menée par le Front National3. Significativement, au cours de l’été 2016, c’est le couple Macron à la plage qui a remplacé en couverture de Paris Match le couple Sarkozy, témoignant de la popularité du nouveau prodige de la vie politique française.
10Cette incontestable mutation (qui aurait imaginé De Gaulle ou Mitterrand en maillot de bain) marque la désacralisation du corps présidentiel. Ces images, désormais familières, produisent une forme d’authenticité et de proximité ostentatoires.
11À ces corps qui attestent la diffusion d’un imaginaire social qui légitime « l’impératif hédoniste d’une exhibition bienheureuse » (Perrot, 1984), il convient d’opposer les corps souffrants, du sportif, aliéné par la servitude de l’ascèse et du dépassement de soi, notamment à l’image de Nicolas Sarkozy qui, adepte de la petite reine et des joggings médiatisés, est devenu une incarnation de cette « pastorale de la sueur » bien identifiée par Jean-Jacques Courtine dans les Stakhanovistes du narcissisme (Courtine, 1993). Suer sang et eau, pour le candidat comme pour le président, tout entier happé par la fonction, infatigable coureur de fond, c’est évidemment une manière d’afficher à la fois une bonne santé physique et mentale (détermination, dynamisme, volontarisme, discipline et contrôle de soi). L’image renvoie alors à une visée médicale et hygiéniste, celle d’un corps sain soustrait aux suspicions de la maladie qui ont entaché les présidences de Pompidou, de Mitterrand ou de Chirac (malgré la publication régulière de bilans de santé immuablement positifs4).
12Déni des marques du temps, conjuration du vieillissement, label de vigueur, cette dépense d’énergie confine à une forme de vitalisme. Pour Éric Fassin, cette esthétique sarkozyenne, bien éloignée de l’image idéalisée du corps radieux, ne vise pas tant à impressionner, réactivant une esthétique élitiste, mais bien plutôt à marquer la similitude, à instaurer une politique de la proximité. Le corps en sueur de Nicolas Sarkozy témoignerait avec éloquence d’un changement de régime : de la grandeur à « l’humanité ordinaire » (Fassin, 2007).
13Sur le plan institutionnel par ailleurs, et en rupture avec le physique hiératique de ses prédécesseurs, le corps sarkozyen, « éminemment émotionnel, suractif, omniprésent » (Mongin-Vigarello, 2008 : 31), vibrant et exultant, mobile et bondissant, trahit un fantasme ubiquitaire et livre surtout la leçon d’une formidable entreprise de désymbolisation : « Aucun piédestal, je suis comme vous, je ressens les mêmes affects, éprouve les mêmes goûts, poursuis les mêmes plaisirs » (Mongin et Vigarello, 2008 : 31).
Le modelage des corps et l’injonction esthétique
14L’expressivité des corps privilégie pourtant sans surprise la dimension ennoblissante. Les entrepreneurs politiques sont devenus des performers voués à la confection d’une image valorisante par la sculpture des apparences et l’autocontrôle. Ils matérialisent le passage de l’incarnation de la fonction à une logique d’exhibition de la personne.
15Vecteur de valeurs et de qualités, le corps est devenu un indéniable instrument de séduction. Face à un champ longtemps marqué par « l’hétérospectacularisation » de la politique (Allison, 2001 : 219) s’opère la promotion d’un corps érotisé et/ou embelli. Cette évolution a d’abord touché les femmes, entérinant le passage du « corps-obstacle », gommé ou forclos, à l’assomption du « corps-atout », travaillé et stylisé » (Bard, 2012 : 9).
16La carte de la féminité et de la beauté a pu être jouée plus ou moins ouvertement par certaines femmes politiques comme Ségolène Royal, Rachida Dati ou Nathalie Kosciusko-Morizet. La mise en image de la plastique des élus constitue bien une rupture qui tend à désacraliser les corps au risque de les enfermer dans une corporéité mutilante et réductrice. Si Ségolène Royal peut être « bimboïsée » au moment même où ses détracteurs associent sa popularité à sa féminité (Mary, 2016), sa plastique est aussi encensée par une couverture de Voici titrant. « Sexy Ségo5 ».
17Cette nouvelle culture des apparences est telle que les hommes politiques n’hésitent plus à solliciter des stratégies d’embellissement. Bien qu’inavoués, ces soins du corps sont désormais au cœur des préoccupations des compétiteurs. Mais cette attraction esthétique n’est ni purement narcissique ni purement électorale. Elle est inscrite dans les codes sociaux contemporains. À travers les emprunts à la cosmétique, le triomphe de la diététique et les pratiques chirurgicales, s’opère un glissement du modelage des corps à leur modélisation (Ory, 2006).
18Déterminante est l’obligation désormais faite aux prétendants du pouvoir d’être reconnus comme individus singuliers, sur la base de caractéristiques qui doivent peu au rôle et beaucoup à son titulaire (nom, initiales mais surtout apparence corporelle, traits du visage, silhouette, voix). Avec la crise de la représentation, le déclin des identifications partisanes et des ressources institutionnelles traditionnelles, la personnalisation du jeu politique a contribué à minorer l’impact de cette rhétorique de la déploration qui a longtemps prévalu, fustigeant celles et ceux qui voteraient selon des considérations d’apparences, jugées futiles ou superficielles. Les questions de l’adéquation au rôle, et, par extension, l’importance du corps et de la beauté sont désormais au cœur des pratiques politiques et électorale.
19Pionnières, les recherches anglo-saxonnes ont depuis longtemps insisté sur la plus-value que représentait la beauté dans la vie sociale, et plus spécifiquement dans la vie politique, démontrant la pertinence du constat selon lequel une apparence séduisante optimiserait les chances de victoire dans les démocraties contemporaines6.
20Mais ici encore, ces stratégies d’embellissement ne sont pas exemptes de périls. En usant des cosmétiques, les acteurs politiques prennent le risque d’apparaître efféminés, privés de ce qui, dans le champ du pouvoir, reste un attribut essentiel, la virilité. (Corbin, Courtine et Vigarello, 2011) Par ailleurs, fards et teintures suggèrent aussi, sur un autre registre, simulacre, dissimulation voire duplicité. L’accusation n’est pas neuve : déjà au xviiie siècle, les fards sont perçus souvent comme un obstacle à la « transparence sociale » (Vigarello, 2004). Aujourd’hui les risques ne sont plus épidermiques – comme ils pouvaient l’être pour la peau avec des compositions à base d’arsenic, de cobalt, d’argent ou de blanc de bismuth (Lanoë, 2008) – mais politiques. Contre l’impératif d’authenticité et de sincérité, invariants traditionnels du discours politique, le recours aux expédients cosmétiques porte en lui un risque de dissonances aux effets potentiellement ravageurs.
21L’usage de stratagèmes n’est donc plus un monopole féminin. Compenser la stature, corriger l’embonpoint, suggérer la sveltesse, le dynamisme et l’élancement participent de ce procès de représentation. Simplement, au-delà d’une silhouette remodelée, ce sont aussi des qualités plus personnelles – notamment en termes de santé physique et de bien-être – qui sont recherchées. Nicolas Sarkozy le premier avait succombé à cette forme d’injonction avant de faire subir à ses ministres le diktat de la minceur. Le président, a peine élu, aurait ainsi perdu près de 7 kg en quelques mois7.
22Cette obsession du poids s’invita d’ailleurs dans l’élection présidentielle de 2012 lorsque François Hollande en fit un argument de campagne. Il reconnut avoir suivi un régime « non par coquetterie ou souci d’apparence » mais pour « être en harmonie » avec lui-même confia-t-il à Gala8. Au-delà de la visée narcissique, marquée du sceau de la frivolité et de la superfluité, l’amaigrissement programmé par le candidat socialiste devint l’indice d’une farouche détermination : « Je me suis préparé » répondait invariablement le candidat au changement, assurant ainsi la force de son engagement » (Salmon, 2012). Nicolas Sarkozy ne manqua pas d’ironiser sur cette performance, obtenue sans effort physique ni entraînement sportif, actualisant ainsi l’existence d’une « diète compétitive » au sommet de l’État9.
23Si l’impératif de minceur, adossé à un ensemble de valeurs – santé, bien-être, accomplissement individuel – s’est imposé comme criterium distinctif définissant la beauté dans les sociétés contemporaines « lipophobes », il renvoie aussi à la maîtrise des pulsions, des appétits ou des faiblesses (Fischler, 1987). Se soustraire au stigmate social du corps gros et affiner sa silhouette répondent à cette exigence de maîtrise de soi et confortent la crédibilité des prétendants à gouverner.
24Le régime minceur en régime de visibilité répond à cet horizon d’attente qui leste la légitimité politique d’une forme inédite de grandeur : celle d’une épopée personnelle contre l’empâtement, celle d’une victoire contre les tentations. La « commensalité dionysiaque » (Fischler, 1987 : 267) a laissé la place au primat de l’ascèse corporelle. C’est la victoire de la grâce contre la graisse, de la légèreté contre la pesanteur. La beauté physique est une conquête. Combat politique et combat esthétique relèvent d’un même imaginaire : celui de l’opiniâtreté, du labeur et de l’exploit héroïsé (Vandebroeck, 2015 ; Moreno Pestaña, 2015). En phase avec le « culte de la performance » des sociétés post-modernes (Ehrenberg, 1999), l’art de sculpter sa silhouette est également devenu l’indice prédictif d’une aptitude à façonner le monde.
Le corps et La tyrannie des émotions
25Le corps des acteurs politiques doit aussi être (ré)évalué à l’aune de la part accrue accordée aux émotions dans la vie politique contemporaine. Si « l’inhibition émotionnelle » a pu caractériser les années 1980, le dévoilement des affects est devenu « gage d’un pouvoir proche à partir des années 1990 » (Ballet, 2012 : 54). Il s’agit alors de privilégier le « soft », l’intime, la connivence plutôt que la distance altière du tribun ou du chef ; la conciliation plutôt que l’agressivité, la souplesse plus que la raideur (comme le montre la volonté d’ajustement de la posture juppéiste pour les primaires républicaines de l’automne 2016, cool et décontracté, à des lieux du Premier ministre « droit dans ses bottes ».) Cette nouvelle définition de l’excellence et du métier politiques est en phase avec la tendance à l’informalisation de la vie sociale bien identifiée par le sociologue Cas Wouters (Neveu, 2012).
Logique compassionnelle et présidence sentimentale
26Si la politique n’a jamais été exempte d’affects, la vie politique française a pris, depuis la décennie 2000, un incontestable tournant émotionnel que la candidature sarkozyste puis son élection ont considérablement amplifié. Le corps autorise la convocation d’une riche palette d’expression des sentiments (larmes, gestes affectueux ou de recueillement, vibratos et trémolos de la voix…). Mise en scène par Hillary Clinton lors de la primaire démocrate en 2008 ou par Barack Obama lors de la présentation de son plan contre les armes à feu10, l’exposition lacrymale appartient au répertoire compassionnel qui s’est progressivement installé dans le paysage politique américain et qui n’a pas épargné la France (Le Bart, 2018).
27Si cette instrumentalisation des larmes n’est pas neuve (Fureix, 2009), elle est toujours périlleuse même si elle peut servir parfois les ambitions politiques. La trajectoire de Christine Boutin, comme le rappelle son livre Les Larmes de la République (Boutin, 1999), est indissociable de pleurs et des fleurs, celles qu’elle versa dans l’hémicycle et celles qu’elle reçut le soir du débat de la part d’une éminente personnalité politique dont l’anonymat fut préservé, alimentant alors de nombreuses supputations11. Elle reste toutefois potentiellement contre-productive pour les femmes, tant elle risque de conforter les stéréotypes de genre et révéler une faiblesse incompatible avec l’exercice des responsabilités politiques. Les larmes de Martine Aubry au soir des législatives de 2002 après la perte de son fief lillois ou celles de Ségolène Royal lors de sa défaite le 9 octobre 2011 pour les primaires socialistes ont fait le tour de médias, amplifiant l’écho médiatique de l’échec politique. Si le cruel verdict refermait ses rêves présidentiels, Ségolène Royal a entrepris rapidement de retourner ce stigmate sexué12 affirmant en souriant : « Je m’en remettrai parce que je suis forte », conjurant ainsi le spectre du sentimentalisme ou de la sensiblerie, symptômes d’une faiblesse rédhibitoire et écueil auquel les hommes politiques sont également confrontés.
28Car la scène politique a longtemps été marquée par une injonction à la maîtrise masculine des émotions profanes, le deuil constituant alors l’horizon d’exception pour l’expression légitime des affects. Depuis une vingtaine d’années le verrou s’est desserré. Le champ des possibles lacrymaux s’est étendu. Cette évolution, repérée aux États-Unis par Éric Fassin, marque l’émergence d’une « nouvelle masculinité politique » qui a d’abord été mise en scène avec Bill Clinton et Al Gore dans les années 1990 : « On les disait touchy-feely : contre la raideur virile, ils affichaient une sentimentalité moderne13. »
29Les larmes affichées – de joie, de tristesse, de colère ou de dépit – ne sont pas étrangères aux sensibilités nouvelles, à l’économie psychique des démocraties contemporaines et à la « société des affects » (Lordon, 2013). La logique compassionnelle accompagne les mutations du jeu politique, à la fois quant à la place croissante jouée par la mise en scène de l’intime dans la sphère publique et quant à l’impératif de proximité et de sincérité qui s’est systématisé.
30Ici encore la campagne présidentielle de 2007 offrit un spectacle éloquent de cette logique compassionnelle que Nicolas Sarkozy porta à incandescence une fois élu, même s’il n’en eut pas le monopole (Revaut d’Allones, 2007). Alors que Ségolène Royale, la « candidate évangélique14 » proclamait à Charléty « Aimons-nous les uns les autres » ou posait sa main sur l’épaule d’un handicapé devant plusieurs millions de téléspectateurs, Nicolas Sarkozy déclarait au Zénith : « Réapprendre à aimer, c’est le plus grand défi auquel se trouve confrontée la civilisation moderne. » Sur le théâtre politique des émotions, le palmarès de la sensibilité revenait incontestablement à ce dernier, transgressant les stéréotypes convenus de genre et la frontière public/privé.
31Mais la présidence sentimentale que Nicolas Sarkozy installe à l’Élysée excède, une fois encore, sa personne. Sans doute son « hyper-réactivité compassionnelle » (Revaut d’Allones, 2007 : 151) est-elle sa marque indiscutable de fabrique : elle a constitué une modalité de conquête du pouvoir avant de devenir un ressort décisif de son exercice15. Le corps exprime aussi ce mimétisme affectif qu’évoquait le candidat Sarkozy lors de son discours d’investiture devant l’UMP, le 14 janvier 2007 : « On ne peut pas partager la souffrance de celui qui connaît un échec professionnel ou une déchirure personnelle si l’on n’a pas souffert soi-même. J’ai connu l’échec, j’ai dû le surmonter. » Cette politique émotionnelle s’incarne donc de façon privilégiée dans le corps sarkozyen, qui éprouve et qui souffre, permettant éventuellement de faire l’économie du discours mais court-circuitant surtout les logiques argumentatives et rationnelles. L’album médiatique de l’Élysée abonde de ces séquences où se mêlent gestes d’empathie et d’attention, contacts physiques qui expriment proximité et affection : de la main rapide passée sur la joue de François Fillon aux journées de l’UMP à Strasbourg à la bise à Angela Merckel.
Le chassé-croisé des virilités corporelles
32La question de la virilité, associée à celle de la masculinité, est au centre des représentations traditionnelles du pouvoir politique (Braudy, 2003). L’élection présidentielle au suffrage universel a entériné ce « patriarcat institutionnel » (Achin-Dorlin, 2008). Pourtant, sur le registre de l’affichage de la virilité, la configuration a quelque peu évolué depuis une dizaine d’années, brouillant la clarté des clivages.
33Analysant la virilité des présidents de la Ve République, Catherine Achin et Elsa Dorlin ont ainsi distingué la « virilité privilège » et la « virilité ressource » (Achin et Dorlin, 2008, 24-27). La première se caractériserait par un ethos bourgeois reposant sur un ensemble de valeurs comme la tempérance, la droiture, la responsabilité, la justice, le sens de l’État, l’autorité, la culture lettrée, un style corporel ni trop ni trop peu investi. La seconde – la « virilité ressource » – apparue au cours des années 1960-1970, serait l’apanage des partis populistes et viendrait soutenir un discours autoritaire. Dépouillé de ses scories idéologiques, ce nouvel idéal-type serait aussi devenu une ressource convoitée.
34Ici encore Nicolas Sarkozy a brisé l’ethnotype présidentiel traditionnel, exprimant, dans le contexte paritaire hexagonal, le passage d’un mode à l’autre, en jouant la carte d’une masculinité populaire et décomplexée, adossée à l’exhibition des capitaux corporels visant à imposer une identité hétérosexuelle, blanche et virile (Achin, Dorlin et Rennes, 2008). Mais Nicolas Sarkozy est aussi le représentant d’une nouvelle génération, celle des enfants de la télé qui « sans renoncer à la virilité machiste du Karcher, face aux pêcheurs, […] assortit cette virilité musclée d’une virilité émue16 ».
35Si la virilité semble bien chevillée au corps du pouvoir, elle constitue alors un angle pour disqualifier l’adversaire. François Bayrou a été, à plus d’une reprise, attaqué sur le registre de la métaphore sexuelle de l’impuissance. Cet imaginaire sexué, amplifié par le positionnement politique centriste, se retrouve dans l’expression du « mou indécis » évoqué par Ségolène Royal, après d’autres. Évoquant la négociation ratée de l’entre-deux tours avec le leader du Modem, cette dernière souligne qu’au dernier moment François Bayrou refuse « de me recevoir. Comme l’amoureux qui craint la panne ou un adultère risqué17 ».
36L’hexis corporelle de François Hollande, ses manières de se vêtir ou de se tenir, servirent souvent pour asseoir le procès en dévirilisation orchestré par ses adversaires, tant à gauche qu’à droite, afin de délégitimer le candidat puis le président : « Flamby »« capitaine de pédalo », « gauche molle », « guimauve le conquérant » égrenèrent Jean-Luc Mélenchon, Laurent Fabius ou Martine Aubry lors de la primaire socialiste. Le tweet de Valérie Trierweiler, soutenant Olivier Falorni contre la candidature de Ségolène Royal, autorisa la reprise du procès à travers les nombreux de commentaires portant sur l’incapacité de François Hollande à « tenir ses femmes » comme le suggérait le titre de L’Express, « Qui est le chef18 ? », alimentant « l’émasculation symbolique » (Matonti, 2014 : 140) qui avait alors cours. Enfin, l’évocation de l’opération de la prostate subie par le président en février 2011, et révélée par France Info en décembre 2013, marquait l’irruption d’informations relevant à la fois du secret médical mais aussi de la sexualité et du corps masculin, ces dernières devenant par ailleurs un « registre légitime d’évaluation des professionnels de la politique » (Matonti, 2014 : 133).
37Nicolas Sarkozy n’hésita pas à se moquer de la plastique de son successeur, insistant sur la teinture capillaire afin de féminiser son rival : « Tu l’as vu, ce petit gros ridicule qui se teint les cheveux. T’en connais, toi, des hommes qui se teignent les cheveux ? » claironnait-il, lui-même n’échappant pourtant pas à la même accusation de dissimulation19. Le président sortant ne fut pas épargné par des commentaires comparables, attaqué sur sa taille ou sur ses talonnettes (Coullomb-Gully, 2013).
38Dans un univers concurrentiel et conflictuel comme peut l’être le champ politique, les femmes sont quant à elles confrontées à un dilemme (à la fois social et politique) qui les oblige idéalement à être combatives sans être agressives. Si la combativité est reconnue comme une qualité, l’agressivité est en général le trait de l’adversaire. La frontière de l’une à l’autre est évidemment ténue mais suffit à faire basculer les représentations.
39Obligées de cheminer sur cette ligne de crête en jouant d’une féminité conquérante et triomphante, NKM et Rachida Dati n’hésitèrent pas à multiplier les coups politiques et médiatiques afin d’affirmer leur présence. En présentant NKM comme une « amazone en stilettos20 », L’Express convoquera un jeu d’associations convenues (l’amazone) ou féminité rime avec combativité. Dans la bataille pour les municipales, la candidate de l’UMP était un apparent oxymore : en tant qu’amazone, elle réconciliait la féminité (avec tous les clichés associés) et la virilité (traditionnellement liée à la masculinité). Mais l’accouplement de l’amazone et des stilettos introduit un élément distinctif supplémentaire. Il féconde une nouvelle incarnation de femmes politiques apte à concilier le glamour et la pugnacité, l’élégance et l’endurance. Même si la part belliqueuse était d’ailleurs immédiatement adoucie par le commentaire qui précisait que « la paire de stilettos avec laquelle elle monte chaque semaine les marches de l’Élysée pour se rendre au conseil des ministres » est un « élégant symbole de son ambition21 ». Habillée de talons vertigineux, l’ambition politique se fait socialement plus acceptable et expulse l’arrivisme du champ du pensable. L’élégance comme forme d’immunité politique.
40Pour Valérie Domain, NKM apparait également comme une « guerrière à talons hauts qui miserait tout sur les chaussures22 ». Affirmation de la combativité en cultivant l’imaginaire de la domination : « Elle joue la belle enjôleuse, la miss stilettos haut perchée, mais il estime, lui, Sarkozy, qu’il n’y a pas plus virile que NKM dans le personnel politique, hommes et femmes confondus23. » Quant à son associée-rivale Rachida Dati, les journalistes convoquent souvent ce répertoire : « Star en guerre24 », « Rachida Dati a réenfilé, avec joie, sa panoplie de guerrière sur stilettos25 ».
41Sans surprise le talon aiguille sert alors à multiplier les variations journalistiques sur ce registre guerrier. Le champ lexical use et abuse de ces « coups de talons » et « bottes secrètes » qui mêlent la force et la ruse. Dans la querelle qui l’oppose à François Fillon pour la circonscription du 7e arrondissement, Rachida Dati, adepte de la Haute Couture, est une « indignée en Chanel », une « flingueuse en talons aiguilles maniant la langue de vipère26 ». Le journaliste de Libération narre l’opiniâtreté de Rachida Dati, prête à se défendre à « coups de talons aiguilles s’il le faut. On a vu des testicules plus en sécurité27 ».
42Plus qu’un épiphénomène, les talons hauts symbolisent bien la féminisation de la vie politique, tant sur le plan du recrutement du personnel politique et la place des femmes dans la représentation nationale sous l’aiguillon de la loi sur la parité, que sur le plan de l’apparence, notamment en termes de vestiaire et de comportement. Ils témoignent de l’évolution des représentations et des imaginaires (entre le masculin et le féminin, sur la question de la virilité) et indexent un nouveau partage du pouvoir au moment même où s’opèrent des mutations sociétales majeures marquées notamment par le mariage pour tous, la redéfinition de la famille traditionnelle et donc celle des rôles sociaux et domestiques.
43Si la norme masculine à dominante hétérosexuelle n’a pas disparu, des inflexions décisives se sont opérées. Perceptibles lors de l’élection présidentielle de 2012, celles-ci portent d’abord sur l’acceptation du modèle de « l’hyperféminité », modèle qui, en progression chez les femmes politiques, ne semble plus contradictoire avec l’exercice du pouvoir : la féminité séductrice ne serait plus antinomique de la compétence politique (Paoletti, 2013).
Panoptisme numérique et (sur) exposition médiatique des corps
44Avec la généralisation du panoptisme numérique, des smartphones et des réseaux sociaux, l’apparence fait désormais l’objet d’une vigilance accrue. Ces « perquisitions médiatiques » (Le Grignou et Neveu, 1993 : 961) soulèvent la question de l’autocontrainte, devenue prégnante. Soumises à ce nouveau régime de transparence, les enveloppes corporelles, surexposées médiatiquement, sont offertes à la voracité des paparazzis et au voyeurisme des électeurs. La « tyrannie du détail anatomique » impose conjointement « une intensification des contrôles » (Courtine, 1993 : 245). Tout écart, verbal et/ou comportemental, peut alors devenir stigmate, entachant durablement son auteur comme put l’éprouver Nicolas Sarkozy après une visite tumultueuse au salon de l’agriculture.
Les corps politiques au miroir de la presse people
45La presse people s’est de longue date focalisée sur l’apparence physique par la publication de photos posées ou volées. Ces dernières exercent une fonction épiphanique identifiée par Patrick Chareaudau (1997 : 220). Traditionnellement associée au titre chargé d’annoncer la nouvelle, celle-ci est ici remplacée par l’image elle-même qui impose l’apparente évidence des corps. L’hexis corporelle peut alors devenir le support essentiel d’une mise en intrigue et conditionner des formes différenciées de narrativités28.
La visibilité des corps et la peopolisation
46En faisant des acteurs politiques une nouvelle cible privilégiée – et rentable – à partir des années 2000, la presse people a dès lors contribué à la banalisation de la visibilité de leurs corps dans l’espace public. À cet égard, l’écriture photographique de cette presse dévoile une stylisation qui met en scène les corps sur deux registres antagoniques et qui renvoient à deux contrats de lecture bien distincts : « Voici abaisse la personnalité au rang de la lectrice tandis que Gala hisse la lectrice au rang de la star. » (Darras, 2008 : 87)
47Le premier registre vise à « décélébrer les stars » en favorisant alors la « proximisation par ressemblance ». Le second est celui de la « célébration euphorique » ; il joue sur la « proximisation par le rêve » (il s’agit alors le plus souvent de photos négociées ou concédées) (Marion, 2009). À chacune de ces formes correspond une esthétique singulière. Les photos négociées ou concédées sont caractérisées par « l’absence de bruit sémiotique » (cadrage soigné, photo léchée et posée, intégration du décor, regard de face…) alors que les photos volées ou usurpées portent les stigmates de leur captation (flou, bougé, plongée, obstacles, personnages parasites, occultation partielle de la personnalité visée…). La logique ultime de ces deux formes d’écriture est de convoquer soit le « paradis mondain », qui exalte un univers féérique et enchanté, soit « l’effet bourrelet » qui, par la loupe du téléobjectif, se complait dans l’exposition des disgrâces29. Si cet effet se traduit parfois par une forme d’humanisation favorisant l’identification (à l’instar de la rubrique photographique « Ils sont comme nous » de Public), il peut aussi être négatif en termes d’image comme le confirment deux polémiques hexagonales affectant les présidents Sarkozy et Hollande.
48L’analyse comparée des clichés de Nicolas Sarkozy et de François Hollande en maillot de bain illustre bien cette double dimension. En 2007, la rédaction de Paris Match publia des photos, volontairement retouchées par ses soins, du président Sarkozy faisant du canoë à Wolfeboro, libéré de ses bourrelets disgracieux. Révélée par L’Express, l’affaire devint bientôt le symbole de l’autocensure des médias et le révélateur des relations incestueuses entre sphère politique et médiatique, Nicolas Sarkozy entretenant des relations d’amitiés avec Arnaud Lagardère30.
49François Hollande n’eut pas droit à tant d’égards. Les photos volées du président en vacances firent la couverture de Voici le 15 août 2014 et suscitèrent les protestations de l’Élysée31 et nombre de commentaires. Rue 89 estima ainsi que François Hollande « restera le premier président que la presse people humilie comme une Britney Spears devenue trop grosse32 ». Et Carl Meeus, rédacteur en chef du Figaro magazine de s’indigner sur Twitter : « Les photos de @Voici sont horribles pour le chef de l’État ! Quel autre président a été ou est traité de cette façon33 ? »
50Jusqu’alors relativement préservée, l’apparence physique des acteurs politiques n’échappe plus à l’effet loupe de la presse people et à sa propension complaisante à surligner les imperfections. Le cadrage avilissant auquel se trouvaient soumises les stars du cinéma ou de la chanson s’étend désormais aux acteurs politiques eux-mêmes. Il y a là une extension du travail de déconstruction des apparences du monde du show business à celui du politique34. Par ailleurs, en publiant les photos de François Hollande, Voici s’aligne sur les pratiques trash de la presse people britannique comme celle du Sun britannique (Grevisse, 2009).
Les corps politiques : de la transgression à la scandalisation
51Si la presse people a oscillé jusqu’au début du quinquennat de François Hollande à l’égard des acteurs politiques, entre bienveillance, empathie et « scandalisation en mode mineur » (Grevisse, 2009 : 185), une rupture s’est imposée au début de l’année 2014 avec la révélation de la liaison du président Hollande avec l’actrice Julie Gayet. Surpris casqué, à l’heure du laitier, au bas de chez sa maitresse sur son scooter, dans une scène de vaudeville digne d’une pièce de Feydeau, François Hollande est saisi dans le cliché de l’adultère bourgeois. Cette parution marque bien la « fin d’un tabou présidentiel » selon l’Est Républicain, celui de la vie privée du président au point de parasiter sa rentrée politique35. Elle s’émancipe du cadrage échotier traditionnel de la presse people hexagonale.
52Désormais dépossédés de toute forme d’immunité médiatique, les acteurs politiques ne peuvent plus compter sur le silence complaisant des journalistes informés, comme à l’époque de François Mitterrand et de sa fille cachée Mazarine. Ils deviennent au contraire une cible privilégiée tant les retombées médiatiques et financières peuvent être élevées. Grâce aux photos du président en scooter, Closer réussit à doubler ses ventes, à plus de 600000 exemplaires contre 330000 en moyenne, incitant potentiellement les autres médias – people ou généralistes – à poursuivre dans cette voie36.
53Cette révélation est alors lourde de conséquences. Elle rend inévitable la séparation de François Hollande avec Valérie Trierweiler. Le corps est au cœur du scandale, comme vecteur et comme moteur. Et c’est encore sur la question du corps que Valérie Trierweiler cible une partie significative de ses attaques visant son ancien compagnon, accusé d’ironiser cyniquement sur les « sans dents ». (Merci pour ce moment) Cette parution entraîne aussi la presse généraliste dans son sillage. Difficile d’ignorer l’affaire comme l’attestent tous les articles consacrés à cette question. Elle s’invite à la conférence de presse donnée par le chef de l’État et « fait exploser l’audience télé37 ».
54En offrant, sur un mode transgressif, le corps du président en pâture, Voici ne se contente pas de se conformer au contrat traditionnel de lecture de la presse people. À l’image de la caricature qui tend à grossir certains traits physiques, le journal fait entrer le corps présidentiel dans le registre de la dérision. Et la presse people devient alors un adjuvant du combat politique. Des rumeurs ont en effet couru sur la responsabilité jouée par Nicolas Sarkozy dans cette affaire du fait de la proximité de l’ancien président avec l’auteur présumé des fameux clichés volés, Sébastien Valente, photographe des people, réputé proche de Carla Bruni dont il avait photographié les vacances du couple au Cap Nègre en 2013 comme celles de 2015 pour Paris Match38. Enfin, au-delà de la logique sensationnaliste du scoop journalistique, l’affaire Closer incite à diagnostiquer une généralisation de cette lecture médiatique des corps, nul organe de presse n’échappant plus à l’emprise de ce tropisme corporel.
La lecture médiatique des corps
55La question du corps est devenue centrale dans tous les supports de presse et notamment dans les journaux généralistes. Ces derniers ont été progressivement gagnés par la logique de la peopolisation politique au point que le people est bien devenu « une catégorie autonome transmédiatique ». (Dakhlia, 2005 : 75) Cette porosité, décelable dans l’acclimatation et la circulation des schèmes échotiers (ruptures et liaisons sentimentales, logiques narratives du conte de fées et éloge de la famille, exotisme géographique et social, promesse d’évasion) et l’esthétique qui la caractérise (les corps exposés et mis en intrigues), a fini par engendrer une « culture people » dont l’expansion serait comparable à celle de la « culture tabloid » caractéristique du paysage médiatique américain. (Dakhlia, 2005 : 78)
Le cadrage corporel
56Ce sont d’abord par leurs sites internet que les journaux traditionnels ont relayé ce type d’information, ainsi celui du Nouvel Observateur confirmant en exclusivité le divorce du couple Sarkozy. Puis la sortie de Nicolas Sarkozy à Disneyland Paris, en compagnie de Carla Bruni le 15 décembre 2007, a suscité une incroyable spirale médiatique. Et c’est L’Express qui, dès le lendemain dimanche, publiera sur son site les photos, avec l’accord de Carla Bruni, marquant l’existence d’une forme de co-production de l’information entre journalistes et politiques. Frileux parfois à l’égard de ce qui peut être jugé comme une dérive « peopolitique », certains quotidiens ont abordé la question de façon métadiscursive. Les révélations de la presse people autorisaient alors des excursus fondés sur leurs reprises interprétatives et critiques. Elles permettaient ainsi de cumuler les profits du divertissement et ceux du sérieux journalistique. (Dakhlia, 2008 : 80) Enfin, la révélation de la liaison de François Hollande avec Julie Gayet a suscité une vague éditoriale qui n’a épargné aucun support, parachevant en quelque sorte la mue « peopolitique » déjà bien amorcée au sein du champ médiatique français39.
57Si la photographie reste le vecteur privilégié de l’exposition des corps dans la presse people (même si on ne doit pas exclure le fait que textes et hypertextes – titres exclamatifs, phylactères, etc. – peuvent aussi concourir à cette mise en jeu – normative – des corps, sur un mode ludique ou ironique), c’est par la médiation du récit que les corps politiques apparaissent dans la presse généraliste. Les pages politiques des journaux témoignent de cette évolution. Significativement, le cadrage qui, médiatiquement, enfermait les femmes dans la corporéité, s’est désormais étendu aux hommes, opérant une forme d’égalisation des conditions.
58À la différence du corps masculin, pendant longtemps occulté, le corps féminin a souvent été scruté et décodé. Analysant les représentations des femmes politiques dans les élections de 2002, Cécile Sourd a pointé cette asymétrie, la presse française accordant une attention particulière aux caractéristiques physiques (chevelure, vêtements, silhouette) des candidates. (Sourd, 2005 : 67) Cette focalisation sur l’apparence a nourri des représentations stéréotypées associant les femmes à la séduction. L’attention portée à l’hexis et aux vêtements est devenue un invariant dans la représentation journalistique des femmes. (Dulong et Matonti, 2005)
59De braconnière, longtemps cantonnée à la presse people, la lecture des corps s’est donc progressivement systématisée dans les médias, n’épargnant plus les hommes politiques. Des formats inédits comme les portraits, « genre total » mobilisant toute une gamme de compétences associant le vécu du reportage à la précision de la peinture psychologique, la reconstruction des trajectoires à la connaissance « des secrets indigènes », se sont alors vulgarisés. (Neveu, 1993 : 25) Ils ont impulsé des nouvelles modalités d’écritures, privilégiant le détail pittoresque ou l’expression des émotions ; ils se sont focalisés sur l’observation des stratégies d’affrontements et la personnalisation du jeu politique, notamment à travers la description de personnages hauts en couleurs. Par son ancienneté, le portrait de Libération, apparu à l’occasion du lancement du Libé 3 à l’automne 1995, préfigure ce tournant corporel qui va ultérieurement caractériser la presse généraliste dans son traitement des acteurs politiques. Cette rubrique, surnommée par ses rédacteurs « La queue du paon » parce qu’elle se veut la vitrine du quotidien, épouse une certaine forme de standardisation d’écriture (Legavre, 2002) : « Un peu de rencontres, un peu de description physique, un peu de papa-maman, un peu d’itinéraire, un peu d’étude de caractère40. » Le genre s’est ensuite généralisé dans les grands quotidiens et hebdomadaires français : rubrique « Gros plan » dans Le Monde, « Personnages » dans Le Figaro, « Profil », « Gens » ou « People » dans L’Express, « Ces gens-là » dans Le Point.
60Parti-pris intimiste et registre oscillant entre répertoire sociologique et psychologique, volonté de révéler la « personnalité » de l’acteur derrière le poids des masques et des paravents, mise en scène de la rencontre : tous ces éléments constitutifs du pacte d’écriture invitent le journaliste à prendre en compte l’apparence de la personnalité choisie. Décrire le corps des biographés correspond alors aux différentes logiques qui sous-tendent le « portrait » : narrative dans le respect des codes propres à ce « genre » littéraire (présenter des personnages à la fois sur le plan moral et physique) ; testimoniale ou attestataire à travers l’interaction mise en scène et en récit (entre le journaliste et son sujet) ; herméneutique dans l’ambition affichée (dévoiler des caractères, montrer la « vraie » nature du personnage à travers cette lecture indicielle des corps). On retrouve ici, dans cette volonté de décrire les coulisses et de déconstruire les apparences, un objectif commun affiché avec la presse people qui, à travers les photos volées et l’exhibition des corps dégradés, entend aussi donner à voir l’envers du décor en jouant de la « preuve par l’image ».
61Cette nouvelle posture journalistique, apparue à partir des années 1990, a été marquée par une volonté de distanciation à l’égard du champ politique et de ses acteurs, incitant les journalistes à se définir comme des « observateurs posés en surplomb du “zoo politique” ». (Kaciaf, 2014 : 15) Après avoir privilégié dans les années 1970 les luttes internes, les journalistes se sont, à partir de la décennie suivante, efforcés de décrypter les stratégies d’images et de communication du personnel politique. Sans surprise, le tournant people des années 2000 a contribué à infléchir les conceptions du travail journalistique, favorisant l’essor du portrait politique dont le contrat de lecture postule une nécessaire personnification (analyses explicitement psychologiques, volonté d’humanisation) qui contrebalance les lectures jugées trop politiciennes de l’activité politique. (Kaciaf, 2013 : 185-202).
Une lecture indicielle et métonymique des corps politiques
62Cette volonté de « rendre la politique moins austère » (Kaciaf, 2013) s’est cristallisée au moment même où la peopolisation politiques commençait à s’institutionnaliser comme le suggère la volonté affichée par Serge July, alors directeur de Libération, de « faire du people » en dernière page, « un Voici intellectuel » selon les expressions d’un journaliste (Legavre, 2002 : 343). Le double procès de personnalisation et d’individualisation opéré par la presse people est aussi constitutif de ces portraits. En attirant l’attention sur une attitude, un trait distinctif ou une caractéristique physique, presse people et portraitistes célèbrent la pulsion scopique et anatomique du détail. Tous les signes physiques ou vestimentaires, ces « taches de couleurs » sur les photographies (Norris, 1997), sont désormais censés livrer la « vérité » du personnage : les robes de Rachida Dati et ses stillettos, rouge, jaune ou vert, disent la fascination pour le glamour et la superfluité ; les tailleurs fuchsia et les crocs de Roselyne Bachelot, l’excentricité assumée. La lecture tend alors à associer l’être au paraître à l’instar encore d’une Roselyne Bachelot décrite par Marianne comme ayant « un franc-parler à l’image de ses tailleurs de couleurs vives41 ».
63Les corps font désormais l’objet de lectures sémiotiques sauvages de la part des journalistes, herméneutes improvisés qui traquent les indices foisonnant de ce nouvel empire des signes, glosant sur la barbe de trois jours de Nicolas Sarkozy, « style bad-boy homo » (Roselyne Bachelot) ou sur celle d’Emmanuel Macron. Cette dernière a suscité une avalanche de commentaires dans le champ politique, les médias et sur les réseaux sociaux : « La nouvelle barde de Macron affole la toile » titre L’Obs.42. « Coup de com » réussi pour Marylise Lebranchu, signe de sa « radicalisation » pour un Bernard Cazeneuve ironique, ministre « à rebroussepoil » pour Bruno Le Roux, le « nouveau look » du ministre de l’Economie43 a « fait sensation44 ». « Hipster Macron45 » a occupé l’agenda médiatique de la rentrée politique 2016, suscitant métaphores filées à satiété46. Pour Anne Fulda, de façon définitive, « avec sa barde, son smartphone, Macron c’est l’homme politique 2.047 ». L’épiphénomène a presque réussi à éclipser le débat sur la déchéance de nationalité comme le note Maurice Szafran48. Il a surtout alimenté les rumeurs sur les visées du jeune ministre, les uns multipliant les références aux propos de Nicolas Sarkozy sur son obsession présidentielle et son ambition décomplexée, les autres brodant sur la « fashion politique » et ses logiques distinctives, entre « virilité et liberté49 ».
64Ces lectures renouvellent la perception de la politique (le jeu plus que les enjeux). Elles mettent en évidence la tension irrésolue entre surface et profondeur, apparence et transparence. Les correspondances recherchées (et souvent explicitées) sont censées dire la vérité du personnage. Ainsi décryptés, ces corps politiques révèlent les identités et les psychologies, dévoilent le jeu des ambitions et des frustrations, les réussites comme les échecs. Deux vignettes de Libération concernant Dominique de Villepin illustrent cet usage. Les mutations corporelles condensent le chemin de croix parcouru, son passage de « l’état de demi-dieu à la condition d’universel réprouvé ». (Abélès, 2006 : 151) En septembre 2005, à l’université des jeunes de l’UMP sur la plage, le chef du gouvernement débarque en short avec l’un de ses fils pour une longue séance de footing suivie d’un bain de mer. Devant les objectifs, Dominique de Villepin sort de l’eau « conquérant, silhouette impeccable et bronzée. À quelques mètres, lunettes noires sur le nez, Sarkozy poireaute à la terrasse du café50 ». Six mois plus tard, en avril 2006, lors d’une conférence de presse du Premier ministre, « vidé. Silhouette amaigri, voix plus éteinte qu’à l’accoutumée, Dominique de Villepin fait un pas de plus dans son abandon du CPE51 ».
65Plus qu’un marqueur de classe, le corps est ici le révélateur de la psyché, dévoilant les traits de caractères qui définissent alors les personnalités52. En insistant sur la psychologie de l’acteur et en méconnaissant le poids du socius dans la construction des corps, l’exégèse journalistique est en phase avec les logiques dominantes du champ politique lui-même et, plus largement de la société toute entière, maquée aujourd’hui par la généralisation d’une « culture psychologique de masse », elle-même caractérisée par « la prépondérance des codes individualisants comme grille d’interprétation de la réalité » (Castel et Lecerf, 1980).
66Ces lectures témoignent de l’accord qui s’est effectué entre champ politique et champ médiatique mais trouvent aussi un éclairage singulier à l’ombre des théories de l’individualisme contemporain. L’étude des contenus people valorise les thématiques axées sur le Moi et les logiques de l’action individuelles, privilégiant ainsi, le mode de vie (32 %), les relations sociales (12 %), la vie sentimentale (11 %), l’apparence physique (8 %). (Dubied, 2009). Elle n’est pas sans affinité ici, une fois encore, avec les pratiques de cadrage et d’écriture qui ont progressivement colonisé les journaux.
67Pour ces derniers en effet, le corps des acteurs politiques est un embrayeur, une « pâte à récit » (Dubied, 2009) susceptible de dessiner, sur un mode métonymique, le portraituré, d’impulser une narration et d’entretenir une logique feuilletonnesque tout en captant durablement l’attention (affaire Hollande/Gayet par exemple et ses rebondissements). Le personnage people est un « organisateur textuel » selon l’expression de Marc Lits, qui appelle des scénarios convenus (naissances heureuses, amours multiples et séparations douloureuses, séjours balnéaires) et permet de tenir en haleine le lecteur. (Lits, 2009) Les récits de vie abondent dans les médias classiques, opérant une mise en intrigue de la politique et le dévoilement des coulisses, sur un mode comparable à celui de la presse people, entre divertissement et logique feuilletonnesque. (Leroux et Riutort, 2013).
68L’analyse des corps des acteurs politiques témoigne enfin de cette confusion grandissante des genres journalistiques, érodant ou brouillant les frontières. Les règles qui régissent désormais l’apparence des personnalités politiques ne sont plus spécifiques au monde politique mais empruntent beaucoup à cette culture de la célébrité qui s’est généralisée, à ses attentes et à ses exigences. Les normes de la peopolisation, voire celles de la téléréalité, infusent désormais la sphère politique, marquant le transfert des valeurs et des comportements d’un champ à un autre et consacrant le passage du mimétisme politique (« je suis comme vous ») au mimétisme médiatique (« ils sont comme nous »).
69La question du corps ouvre donc une réflexion sur l’individualisme démocratique et la modernité politique. Derrière l’écran des apparences se jouent les mutations des représentations et des pratiques, les nouvelles ritualisations du jeu politique. Ce nouvel ordre corporel s’est donc imposé depuis la décennie 2000, et la presse people en fut un agent d’influence actif. Dans ce processus d’exposition des épidermes, aucune surface, ou presque, ne se trouve plus soustraite au regard. Les pratiques de tatouage et de piercing, longtemps associées à la marginalité ou à la déviance (marins, prisonniers) se généralisent dans les sociétés contemporaines (Le Breton, 2002 ; Zbinden, 1997) Partie des États-Unis, cette vogue s’affiche déjà de façon plus ostentatoire sur la scène politique : le Premier ministre québécois Justin Trudeau n’hésite pas à poser avec un biceps tatoué53 et des rumeurs, colportées par le tatoueur des stars Tin-Tin, affirmant avoir tatoué un président de la Ve République, prêtent à Nicolas Sarkozy un passage à l’acte lors d’un séjour américain.
70Cette nouvelle corporéité témoigne enfin du processus d’égalisation croissante au sein du champ politique. Si les femmes politiques furent pendant longtemps appréhendées – et souvent jugées – sur et à partir de leur apparence physique, les journalistes n’hésitent plus à commenter la plastique des compétiteurs ou leur vestiaire à l’image de la rubrique de M le Magazine, le supplément du Monde. « Féminisation » des pratiques corporelles masculine et « masculinisation » des pratiques féminines accompagnent ces mutations. Les curseurs de l’émotion et la virilité se sont déplacés : à la « virilité émue » (Fassin, 2007) des acteurs politiques il convient d’évoquer la virilité assumée de prétendantes en stilettos. Réciproquement, le registre émotionnel longtemps associé aux femmes au point de les stigmatiser, s’est étendu aux hommes politiques, parachevant en quelque une sorte le grand roque de l’extimité assumée.
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Notes de bas de page
1 Dans son étude sur la photo people, Philippe Marion souligne bien de quelle façon le cliché photographique est souvent perçu comme « caution d’un réel indubitablement capté par la machine ». Il exerce alors une double fonction d’authentification documentaire et d’enregistrement du réel. (Marion, 2009).
2 Selon l’expression de Frau-Meigs D., la peopolisation extime est dominée par le Web 2.0 et « conduit vers un processus de vedettisation des personnes ordinaires sur les réseaux sociaux » (Lhérault et Dakhlia, 2008 : 202).
3 Cf. supra, Dakhlia J., « Le diable s’habille en people. Les liens entre la « dédiabolisation » du Front National et la vedettisation de ses dirigeants dans Closer ».
4 Pratique répandue en France comme aux États-Unis. Voir à propos de François Mitterrand, le livre du Dr Gubler (1996), Le Grand secret. Dans cet ouvrage, le médecin du président socialiste révèle les bilans de santé mensongers qu’il signa alors que François Mitterrand était atteint d’un cancer de la prostate, diagnostiqué peu après son élection en 1981.
5 Voici, « Sexy Ségo : elle refait sa vie avec André », Voici, 16 mai 2009, no 1123, couverture. Et Delaître J., « L’amour la rend sexy », Voici, 16 mai 2009.
6 Sur ce sujet, et parmi une littéature abondante : Todorov, Manidsodza, Goren et Hall, 2005 ; Lenz, Lawson, Baker et Myers, 2010 ; King et Leigh, 2009 : 579- 593 ; McDermott, 1997.
7 Le Parisien, « Des ministres au régime », 6 octobre 2009.
8 Cité par Hugues B., « La République de l’apparence (ou le nouveau diktat de la minceur en politique) », lefigaro.fr, 17 mars 2011.
9 L’expression de « competitive dieting » est empruntée à René Girard (1996).
10 Le Figaro.fr, « Clinton au bord des larmes », 8 janvier 2008 ; Le Monde, « Les larmes d’Obama lors de la présentation de son plan contre les armes à feu », 6 janvier 2016.
11 Van Renterghem M., « Les drôles de larmes de dame Boutin », Le Monde, 13 novembre 1999.
12 Revaut d’Allones D. et Van Reterghem M., « Après les larmes », Le Monde, 15 décembre 2011.
13 Fassin E., « Avec Sarkozy, le cœur devient une valeur de droite », entretien avec Cécile Daumas, Libération, 24 novembre 2007.
14 Idem.
15 Sur le plan discursif aussi, le registre compassionnel de Nicolas Sarkozy constitue bien une rupture avec ses prédécesseurs comme le note Damon Mayaffre (2012 : 288-303).
16 Fassin E., « Avec Sarkozy, le cœur devient une valeur de droite », entretien avec Cécile Daumas, Libération, 24 novembre 2007.
17 Cité par Clément Aroubourou, « De la masculinité de François Bayrou. Une analyse en creux des conditions d’efficacité d’un registre identitaire controversé », Genre, sexualité et société, hors-série no 2, 2013, note 11, p. 13.
18 L’Express, 20-26 juin 2012.
19 « Nicolas Sarkozy raille la teinture de François Hollande, et pourtant… », 20 minutes, 2 juillet 2013.
20 L’Express.fr, « Nathalie Koscuisko-Morizet, une amazone en stilettos », 20 février 2012.
21 Ibid.
22 Citée par Gersende Rambourg, « Ce que la garde-robe des femmes politique reflète du pouvoir », AFP, 11 juin 2010.
23 Le Télégramme, « Les carnets d’Anne Cabana », 18 mai 2013.
24 Cabana A., « Rachida Dati, une star en guerre », Le Point, 15 novembre 2011.
25 Guichoux M. et Quinio P., « Femme libérée, trop libérale… », Libération, 10 janvier 2009.
26 La Charente Libre, « C’est beau la famille ! », Éditorial, 15 décembre 2011.
27 Launet E., « Calamity gêne », Libération, 30 novembre 2011.
28 Focalisée sur les états physiques et/ou psychiques, la micro-narrativité tend à épouser une rhétorique du secret et du dévoilement. La macro-narrativité induit un traitement feuilletonesque qui s’égrène au fil des numéros et s’inscrit dans une logique diachronique. (Dakhlia, 2005 : 81).
29 Marion, 2009. Certaines photos préméditées peuvent évidemment utiliser délibérément tous les indices de la photo volée pour entretenir une stratégie de communication qui ne s’avoue pas comme telle.
30 L’Express, 23 août 2007. Interrogé par L’Express, Paris Match a affirmé que « la position sur le bateau exagérait cette protubérance » et qu’en « allégeant les ombres, la correction a été exagérée en photogravure. »
31 Dans une interview donnée au Monde, François Hollande est revenu sur cet épisode : « Je ne vous dirai pas ce que j’éprouve. Vous pouvez l’imaginer. Au-delà de ma personne, c’est la fonction présidentielle qui doit être respectée. Chacun devrait le comprendre, quels que soient les arguments commerciaux. »
32 Rue89, « François Hollande traité “comme Britney Spears” par Voici », [http://rue89.nouvelobs.com/], 19 août 2014.
33 Twitter, @CarlMeeus, 17 août 2014.
34 Sur cette question des contrats de lecture de Voici et de Closer, (Dakhlia, 2013 : 183).
35 L’Est Républicain, « Vie privée du président : un tabou tombe. », 11 janvier 2014.
36 Le Figaro, « Hollande-Gayet : la presse people a touché le jackpot », 20 février 2014. En se fondant sur les chiffres fournis par Presstalis qui distribue 75 % des journaux et des magazines en France, la révélation de la liaison de François Hollande et Julie Gayet aurait fait gagner 2 millions à la presse people. Le premier bénéficiaire reste Closer, dont le numéro spécial du 10 janvier 2014 « l’amour secret du président » se serait arraché à près de 610000 exemplaires. Mais c’est globalement toute la presse qui a pu bénéficier des retombées de l’affaire, autorisant une hausse moyenne des ventes de 16 % et jusqu’à 27 % pour L’Express. Selon Jamil Dakhlia, les magazines people auraient vu leur diffusion croitre de 20 à 30 % sur l’année 2007 grâce à cette inflexion « peopolitique ». (Dakhlia, 2013 : 179).
37 Selon Médiamétrie, la conférence de presse de François Hollande aurait rassemblé 4, 282 millions de téléspectateurs, soit plus de double de la précédente conférence de presse. La Tribune, « L’affaire Gayet fait exploser l’audience télé de la conférence de presse de Hollande », 18 janvier 2014.
38 Rochat S., « Sarkozy et Hollande à la plage : derrière les clichés (Canard) », [http://www.arretsurimages.net], 28 août 2015.
39 La base de données Europresse recense ainsi 5316 occurrences pour une recherche portant sur « Hollande & Gayet & Closer » et 10548 résultats pour « Hollande & Gayet ».
40 Luc Le Vaillant (cité par Legavre, 2002 : 338).
41 Marianne, 27 mai 2002. Cité par Cécile Sourd, article cité, p. 68.
42 Moullnet M., « La nouvelle barbe de Macron affole la toile », L’Obs, 4 janvier 2016.
43 Bourmaud F. X., « La rentrée new look d’Emmanuel Macron », LeFigaro.fr, 4 janvier 2018.
44 Le Point.fr, « La barbe d’Emmanuel Macront fait sensation », 5 janvier 2018.
45 Perrin O., « Les nouveaux looks qui font jaser », Le Temps, 8 janvier 2016.
46 Aujourd’hui en France, « Macron, la barbe ! », 5 janvier 2016 ; Le Parisien, « Chacun cherche sa barbe », 18 janvier 2016 ; L’Express, « Rentrée du gouvernement : Cazeneuve Colombo, Macron avec une barbe de trois jours », 4 janvier 2016 ; Le Télégramme, « Poils à gratter », 10 janvier 2016 ; L’Opinion, « C’est la barbe », 4 janvier 2016.
47 Fulda A., « Avec sa barbe, son smartphone, Macron c’est l’homme politique 2.0 », LeFigaro.fr, 8 janvier 2016.
48 Szafran M., « Le stupide et terrifiant débat sur le look d’Emmanuel Macron », Challenges, 8 janvier 2016.
49 Galy-Ramounot M., « Les politiques sont-ils devenus des bêtes de mode ? », Madame Figaro, 11 janvier 2016 ; Bosseler Julien, « La barbe de trois jours laisse pousser virilité et liberté », Le Soir, 12 janvier 2016.
50 Libération, 5 septembre 2005.
51 Libération, 7 avril 2006.
52 Une logique comparable est à l’œuvre dans les livres des journalistes politiques qui se focalisent sur le dévoilement de la « personnalité », cultivant la rhétorique d’un mystère à élucider, jouant sur les ressorts du psychologisme, stylisant les identités au point de verser dans une forme de peopolisation politique en considérant les acteurs politiques comme des stars du cinéma ou de la téléréalité. (Le Bart, Leroux et Ringoot, 2014 : 5-16).
53 Son tatouage fait d’ailleurs couler beaucoup d’encre. Voir par exemple, Le Huffington Post, « Voici le sens du fameux tatouage de Justin Trudeau », 31 mars 2017 ; Ouest France, « Justin Trudeau trahit l’esprit de son tatouage », 18 novembre 2016 ; Le Monde diplomatique, « Justin Trudeau, l’envers d’une icône », février 2017.
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