Version classiqueVersion mobile

Selfies & stars

 | 
François Hourmant
, 
Mireille Lalancette
, 
Pierre Leroux

Première partie. Renommée et célébrité de papier

1. « Vive Louise Michel ! Vive la Commune ! Vive la Sociale1 ! »

Célébrité, popularité et représentation révolutionnaire aux débuts de la IIIe République

Sidonie Verhaeghe

Texte intégral

  • 1  Le Journal des débats politiques et littéraires, « Le retour de Louise Michel », 14 novembre 1895.

1Les débuts de la IIIe République sont profondément marqués par le souvenir de la Commune de Paris. La stabilisation d’une République modérée et les désillusions au sortir de l’événement révolutionnaire alimentent la contestation au régime et les débats autour d’une République sociale. C’est dans ce contexte que se mettent en place autour de Louise Michel « les stratégies de la gloire et leurs manifestations » (Juan et Picard, 2012 : 93). Née en 1830 en Haute-Marne, Louise Michel se rend à Paris à vingt-six ans pour exercer son métier d’institutrice. Vient la Commune de Paris, à laquelle elle participe, à la fois comme cantinière, infirmière et combattante. Arrêtée après la semaine sanglante, elle est condamnée à la déportation dans une enceinte fortifiée, et est transportée en Nouvelle-Calédonie. Blanquiste avant la Commune, elle devient anarchiste pendant la déportation. En 1880, après le vote de l’amnistie plénière des communards, Louise Michel revient à Paris. Elle enchaîne les tournées de conférences, est invitée à de multiples meetings, rédige de nombreux textes littéraires, politiques, poétiques et théâtraux. Sa célébrité est grandissante : elle est très présente dans la presse (autant dans la presse politique que dans la presse généraliste à grand tirage) qui lui consacre des articles entiers. En 1883, Louise Michel prend part à une manifestation dite « des ouvriers sans travail » à l’Esplanade des Invalides, au cours de laquelle des boulangeries sont pillées. Elle est pour cela condamnée à six ans d’emprisonnement mais est libérée en janvier 1886, suite à d’importantes mobilisations en sa faveur. En mai 1890, après avoir à nouveau été emprisonnée pour appel à la violence lors des manifestations du 1er mai à Vienne, un médecin demande son internement pour cause de folie. Elle s’exile alors en Angleterre et fait moins l’actualité en France, même si ses retours à Paris sont l’occasion de rassemblements populaires et de longs articles dans les journaux. Le 9 janvier 1905, elle meurt à Marseille pendant une tournée de conférences. Son corps est rapatrié à Paris et ses obsèques ont réuni entre dix mille personnes selon les chiffres de la préfecture de police et plus de cent mille selon le compte-rendu publié dans L’Humanité.

  • 2  Les données de cet article sont tirées d’une thèse de doctorat en science politique (Verhaeghe, 20 (...)

2La popularité de Louise Michel s’inscrit donc dans un « régime de célébrité » (Juan et Picard, 2012 : 91) propre aux mouvements socialistes et ouvriers, et rend ainsi visible la conception méritocratique révolutionnaire dans le dernier tiers du xixe siècle2.

3Comprendre la célébrité de Louise Michel invitera donc d’abord à interroger les mécanismes qui l’ont amenée à devenir une membre visible, publicisée et populaire d’un groupe : les mouvements révolutionnaires, socialistes et ouvriers. La valorisation de cette personnalité relève d’un enjeu politique collectif puisque Louise Michel n’est pas la seule personnalité politique de la période à réunir les différents critères qui correspondent aux « épreuves » de la popularité révolutionnaire : combattre pendant la Commune de Paris et l’assumer devant le conseil de guerre, être condamnée et déportée, refuser la grâce individuelle, participer avec constance à des meetings et à des conférences, prendre part aux luttes et aux mouvements sociaux, défendre et produire une parole révolutionnaire.

4La popularité politique est traditionnellement pensée comme un « ressort essentiel du vote », « une curieuse alchimie entre les électeurs et un homme politique » (Lilti, 2014 : 333). Or, la mise en place de la popularité de Louise Michel dans les espaces révolutionnaires, qui ne répond pas à des exigences et à des ambitions électives, permettra ensuite de déconstruire le lien entre popularité et élections et de repenser les procédures de représentation à travers les formes de l’incarnation. Cela permet d’envisager la popularité politique comme un processus d’adhésion et de reconnaissance d’un groupe, d’une communauté politique qui se constitue par le partage de valeurs, d’engagements et d’aspirations, à un individu qui incarne ces idéaux. Les lettres adressées à Louise Michel, les poèmes ou les chansons qui lui sont dédiés, sont ainsi différentes matérialisations de cette représentation incarnée.

5Chaque régime de célébrité correspond donc à un groupe qui se dote d’institutions, de labels, d’épreuves, de règles et de critères particuliers (Chenu, 2008 : 9), qui dépendent du contexte politique et social, du positionnement du groupe relativement aux enjeux qui parcourent et divisent l’espace dans lequel il évolue. Pour autant, cela n’implique pas nécessairement une absolue homogénéité, et il peut exister des concurrences et des conflits au sein même d’un groupe sur les procédures de célébration et les individus célébrés. Mais nous verrons enfin que, malgré les divergences politiques qui existent dans l’espace de la gauche socialiste et révolutionnaire française du dernier tiers du xixe siècle, Louise Michel est une figure qui se caractérise par sa relative consensualité révolutionnaire ou, du moins, par la reconnaissance collective de son importance.

  • 3  Edward Berenson affirme que « dans le monde contemporain – depuis le xixe siècle – pour être une c (...)

6Saisir la popularité révolutionnaire de Louise Michel amène à s’intéresser aux acteurs qui la produisent et la diffusent (presse écrite, organisations politiques, personnel politique professionnel). Cela nécessite aussi de regarder du côté d’acteurs anonymes, individuels, pour « considérer la célébrité sous l’angle de la publicité » (Lilti, 2014 : 19) et mettre à jour les mécanismes de l’admiration et de l’identification des publics ouvriers, révolutionnaires et socialistes à Louise Michel : la popularité est en effet liée à la mobilisation émotionnelle3. Louise Michel est une personnalité charismatique, dans le sens où se noue entre elle et ses partisans une relation particulière d’admiration. Elle a été érigée comme un exemple (elle incarne une expérience et une existence révolutionnaire modèle et sa référence invite à l’imiter) et comme un symbole (l’évocation de sa figure renvoie à des récits et à des univers de sens éloquents pour les groupes qui s’en emparent).

Faire l’épreuve des armes : la reconnaissance d’un mérite révolutionnaire

7En 1871, la Commune est proclamée à Paris. Avec André Léo et Paule Minck, Louise Michel mène le Comité de vigilance des citoyennes de Montmartre. Combattante et ambulancière, elle est présente sur les barricades. Elle devient rapidement un exemple de l’engagement des femmes de la Commune. On la voit apparaître dans un article d’André Léo qui exhorte les femmes au combat, le 13 avril 1871 :

  • 4  Le Rappel, « Toutes avec tous », André Léo, 13 avril 1871.

« Maintenant le concours des femmes devient nécessaire. […] Louise Michel, Mme de Rochebrune, bien d’autres ont déjà donné l’exemple et font l’orgueil et l’admiration de leurs frères d’armes, dont elles doublent l’ardeur. Quand les filles, les femmes, les mères, combattront à côté de leurs fils, de leurs maris, de leurs pères, Paris n’aura plus la passion de la liberté, il en aura le délire4. »

  • 5  Le Salut, « Affaire de l’institutrice Louise Michel », 18 décembre 1871.

8Le 24 mai, Louise Michel décide de se rendre à l’armée versaillaise, en échange de la libération de sa mère arrêtée à sa place. Le 16 décembre 1871, elle comparaît devant le quatrième conseil de guerre. Le public est nombreux et « il semble que l’on s’attende dans cette foule, d’avance inquiète, à quelque chose d’imprévu, à quelque chose d’extraordinaire5 ».

Le procès de la Commune : Louise Michel, actrice de son image

  • 6  Acte d’accusation de Louise Michel, retranscrit dans L’Univers, « Tribunaux », 18 décembre 1871.
  • 7  Idem.
  • 8  L’Univers, « Tribunaux », 18 décembre 1871.

9Pendant son procès, Louise Michel est accusée d’avoir participé à la Commune de Paris pour se faire remarquer : « Quel est le mobile qui a poussé Louise Michel dans la voie fatale de la politique et de la révolution ? C’est évidemment l’orgueil6. » L’acte d’accusation affirme que Louise Michel a agi par « besoin de paraître » et que « le rôle de comparse répugne à Louise Michel ; son nom doit frapper l’attention publique et figurer en première ligne dans les proclamations et les réclames trompeuses7 ». Le collaborateur de L’Univers insiste sur ce point et déclare que, pendant la Commune, Louise Michel « prenait part au combat et venait ensuite goûter les douceurs de sa popularité, en se faisant promener en voiture au milieu de ce peuple qui l’acclamait8 ». S’il est difficile de penser que Louise Michel ait participé à la Commune de Paris par goût du paraître (affirmation qui révèle par ailleurs une représentation sexiste de l’engagement politique), elle a cependant joué un rôle dans la construction de son image de communarde. Elle entretient tout au long de sa vie cette image, par l’utilisation de techniques de représentation de soi : utilisations spécifiques du corps et de l’apparence (le noir comme signe de deuil), publication de mémoires et d’une histoire de la Commune, prises de parole répétées autour du souvenir et de la vengeance de la Commune et des communards morts (Verhaeghe, 2012).

  • 9  Interrogatoire de Louise Michel, retranscrit dans La Gazette des tribunaux, 16 décembre 1871.
  • 10  Le xixe siècle, « Fait divers », 19 décembre 1871.
  • 11  La Presse, « Conseil de guerre », 18 décembre 1871.
  • 12  Le xixe siècle, « Gazette du Palais », 18 décembre 1871.
  • 13  Le Salut, « Affaire de l’institutrice Louise Michel », 18 décembre 1871.

10Ses réponses à l’interrogatoire sont cinglantes et marquent les esprits. Elle déclare : « j’appartiens toute entière à la révolution sociale », ou « si vous n’êtes pas des lâches, tuez-moi9… » Elle refuse de se défendre et assume la responsabilité de ses actes, ce que plusieurs journaux anticommunards commentent comme la preuve d’une « excitation extraordinaire10 ». Son désir de sacrifice, son insolence face au tribunal, ses appels à la vengeance, construisent son image publique, immédiatement duale : pour les uns, les paroles prononcées par Louise Michel « ont été des plus exaltées11 » et sont celles « d’une véritable folle12 », quand pour les autres, elles sont « l’expression d’indomptable fermeté13 ».

  • 14  La Petite Presse, « Une héroïne de la Commune », 19 décembre 1871.
  • 15  L’Intransigeant, « La rentrée de Louise Michel », Henri Rochefort, 11 novembre 1880.

11Pour les révolutionnaires, le procès de la Commune ouvre la voie vers la reconnaissance du mérite militant de Louise Michel. Elle apparaît comme « le type révolutionnaire par excellence », « l’inspiration, sinon le souffle révolutionnaire14 » de la Commune. Figure irréprochable, contrairement à de nombreux autres communards qui ont renié ou minimisé leur participation à l’événement révolutionnaire, Louise Michel représente désormais la droiture révolutionnaire (Matonti et Poupeau, 2004). Le procès au lendemain de la Commune de Paris peut être considéré comme l’événement fondateur et le socle de la reconnaissance et de la popularité révolutionnaire de Louise Michel. En 1880, le pamphlétaire Henri Rochefort, ami de Louise Michel depuis leur rencontre sur le bateau qui les emmène en Nouvelle-Calédonie, écrit dans L’Intransigeant : « Le respect qu’elle inspire, la popularité qui est venue à elle et qu’elle a si peu cherchée qu’elle n’en a même pas conscience, c’est surtout et presque exclusivement à son attitude devant le conseil de guerre qu’elle les doit15. »

1880 : Le retour de Nouvelle-Calédonie et la consécration socialiste

12Après la Commune de Paris, le mouvement ouvrier et socialiste parisien peine à se reconstituer. De nombreux militants ont été arrêtés et condamnés par les conseils de guerre, exécutés pour quelques-uns d’entre eux, déportés pour la plupart. Les autres ont fui le territoire français et se sont exilés en Suisse, comme Benoît Malon, Gustave Courbet, Paule Minck ou Jules Guesde, en Belgique, comme Georges Cavalier ou Benjamin Gastineau, en Angleterre, comme Prosper-Olivier Lissagaray ou Camille Langevin.

13En 1876, les élections amènent une large majorité républicaine à la Chambre des députés et un équilibre au Sénat. Pour nombre de ces nouveaux députés, la question de l’amnistie est un thème important de leur campagne, et cette victoire en favorise la mise à l’agenda (Godineau, 2004). En janvier 1879, le Sénat devient majoritairement républicain. Mac-Mahon ne dispose plus de soutiens ni à la Chambre des députés, ni au Sénat, et démissionne le 30 janvier. Quelques heures plus tard, le républicain Jules Grévy est élu président de la République, et Léon Gambetta le remplace à la présidence de la Chambre des députés. Le 3 mars 1879 est promulguée une loi d’amnistie partielle qui instaure la grâce amnistiante : toute personne déjà graciée par le président, ou qui sera graciée dans les trois mois, bénéficie d’une amnistie (Gacon, 2003 : 56).

  • 16  Le Petit Parisien, « Louise Michel », 22 mai 1879.
  • 17  Le Petit Parisien, « Louise Michel », 31 mai 1879.
  • 18  Hardouin Céleste, La détenue de Versailles en 1871, Paris, Chez l’auteur, 1879, p. 123.

14Tant qu’aucune amnistie générale n’est votée, le seul moyen d’action des partisans de l’amnistie est donc la demande de grâces individuelles, à valeur amnistiante. En mai 1879, Le Petit Parisien publie, à une semaine d’intervalle, deux pétitions adressées au président en faveur de la grâce de Louise Michel. Ces deux pétitions sont intéressantes et symptomatiques de deux traitements, deux ensembles de représentations, qui s’élaborent autour de Louise Michel. D’un côté, une pétition qui valorise la « vaillance » et la « dignité » de Louise Michel, qui affirme « l’estime » que lui portent les signataires16. De l’autre, une pétition sur le registre de l’affectif et du pathos, dont l’instigatrice est une femme qui n’occupe pas de position publique : Céleste Hardouin17. Cette institutrice, arrêtée après la Commune et emprisonnée à la prison des Chantiers, publie la même année un témoignage sur sa détention, La détenue de Versailles en 1871, dans laquelle elle évoque Louise Michel en des termes élogieux. Comme dans la pétition, cet ouvrage construit l’image d’une Louise Michel qu’« on aime sans le vouloir, parce qu’elle aime sans compter18 ».

  • 19  Le Petit Parisien, « Échos de partout », 5 juin 1879 ; Le Rappel du 17 mai 1879 indique qu’« on si (...)
  • 20  La Marseillaise, 20 septembre 1879 ; Le Temps, 21 septembre 1879 ; Le Pays, 21 septembre 1879.
  • 21  Le Figaro, « Louise Michel », Un voyageur, 23 septembre 1879.

15Début juin, Clemenceau remet au président de la République, Jules Grévy, ces pétitions, qui ont recueilli plus de 8000 signatures de toute la France19. Louise Michel, informée de ces initiatives en sa faveur, les désavoue immédiatement. Le 25 juillet, elle adresse depuis Nouméa une lettre au président pour lui demander de ne pas les prendre en compte. Dès le 20 septembre 1871, quelques journaux impriment cette lettre20. Trois jours plus tard, Le Figaro se saisit de l’occasion pour publier un long article sur Louise Michel, écrit par « un voyageur » qui l’aurait rencontrée en Nouvelle-Calédonie. Qualifiée de « lionne du jour », le journal conservateur voit dans la lettre de Louise Michel, le témoignage « d’un cœur peu reconnaissant ». Il se targue ainsi de contrebalancer par cet article « la fine fleur des journaux rouges [qui] consacre [à Louise Michel] de longs dithyrambes21 ».

  • 22  Le Figaro, « Le Congrès ouvrier socialiste », 24 octobre 1879.

16Parallèlement aux revendications d’amnistie dans la sphère institutionnelle, le mouvement ouvrier s’organise. Au congrès ouvrier de Marseille en octobre 1879, lors d’une séance consacrée aux droits des femmes, un orateur affirme : « À Paris, une femme avait fondé, en 1869, la vraie Société des femmes, c’est Louise Michel22. » Cette phrase, indique Le Figaro est ponctuée par des « hourras et trépignements » de l’assemblée. Par la suite, Louise Michel est nommée présidente d’honneur de plusieurs réunions publiques : le 10 mars, le 15 et le 17 mai 1880, lors de conférences organisées par la Société du Droit des femmes ; le 27 mars, au Banquet des citoyens du 18e arrondissement ; le 18 septembre, à une conférence organisée par le groupe de la libre pensée du dix-septième arrondissement. Décisions symboliques, ces présidences d’honneur marquent la présence de la figure de Louise Michel dans l’univers symbolique de l’extrême gauche. À partir de 1879, les écrits révolutionnaires autour d’elle se multiplient, alimentés par son refus de quitter la Nouvelle-Calédonie tant que l’amnistie générale n’est pas votée.

  • 23  La Marseillaise, « Louise Michel », Olivier Pain, 20 septembre 1879.
  • 24  La Rue, « Les hommes de combat. Louise Michel », Memor, 14 novembre 1879.
  • 25  Mayer Simon, Souvenirs d’un déporté, Paris, E. Dentu, 1880, p. 355-356.
  • 26  Le Gaulois, « Arrivée de Louise Michel », Mermeix, 10 novembre 1880.
  • 27  Anonyme, Mes sept ans de bagne, par un forçat, Paris, administration des Publications républicaine (...)

17Les journaux socialistes lui consacrent de longs articles biographiques, insistant sur « sa dignité devant ses juges, en décembre 187123 » ou sur son comportement, « celui d’une apôtre et d’une martyre24 ». Au début de l’année 1880, Simon Mayer publie dans Le Petit National, journal républicain qui tire approximativement à 47000 exemplaires, ses Souvenirs d’un déporté. Dans son chapitre consacré aux communardes, « dites pétroleuses », il évoque Louise Michel, qui est pour lui « un type d’héroïne véritablement extraordinaire » qui « se réjouirait du martyre25 ». En septembre, le journal Le Citoyen, qui compte quelque 10000 lecteurs, publie une brochure de Joseph Paysant, Louise Michel devant le sixième Conseil de guerre. Elle retranscrit le compte-rendu du procès de Louise Michel et les bénéfices sont versés au profit des amnistiés. Paysant, ancien communard, déporté en Nouvelle-Calédonie et gracié le 29 mai 1879, est ensuite invité dans plusieurs conférences et devient selon Le Gaulois le « vulgarisateur des mérites et vertus de Louise Michel26 ». Le refus de Louise Michel des démarches en sa faveur, puis de sa grâce, prononcée le 16 octobre 1879, renforce l’admiration des révolutionnaires. En 1880, Les Publications Républicaines Illustrées publient les mémoires d’un « forçat anonyme », Mes sept ans de bagne. Elle y est à nouveau évoquée en terme élogieux, comme « une fanatique admirable qui se sacrifie et qui ne pactisera jamais ». Son refus de quitter la Nouvelle-Calédonie force un « profond respect » : « On ne peut que s’incliner devant tant de cœur et de dévouement27. »

  • 28  Le Citoyen, « Retour de Louise Michel », Cipriani, 9 novembre 1880.

18Le 11 juillet 1880, Léon Gambetta, député de l’Union républicaine et président de la Chambre des députés, conduit le vote de la loi d’amnistie générale, par 312 voix contre 136. En septembre, à l’initiative de Rochefort, le groupe de la Libre-pensée du dix-septième arrondissement met en place une caisse de récolte de fonds pour envoyer une délégation de femmes accueillir Louise Michel à Brest. Le 18 septembre, le groupe organise une conférence, dont la moitié des bénéfices est reversée à la caisse. Le 9 novembre, Amilcare Cipriani, militant anarchiste, communard déporté en Nouvelle-Calédonie et rentré en France après l’amnistie, appelle les socialistes à se rendre à la gare Saint-Lazare pour accueillir Louise Michel et rendre hommage « à la vertu, au dévouement, à la bravoure et au désintéressement personnifiés dans cette femme digne d’une autre époque28 ». Laure Godineau indique que les premiers retours de communards graciés déplacent des foules importantes : presque 30000 Parisiens ont accueilli les premiers trains de déportés en 1879. L’engouement retombe rapidement et la réception est moins enthousiaste pour les arrivées du printemps 1880 qui ne sont célébrées que par quelques centaines de manifestants. Quelques grandes figures bénéficient en juillet 1880 d’un retour triomphalement accueilli, en vertu de leur célébrité, du contexte d’amnistie plénière et de fête nationale. Le retour tardif de Louise Michel, le 9 novembre 1880, s’inscrit dans une période où la curiosité et la célébration du retour des communards déportés se sont largement amoindries. La foule qui l’accueille gare Saint-Lazare est donc révélatrice de l’importance grandissante de cette figure dans les mouvements socialistes et ouvriers. « Près de trois mille personnes » selon La Presse, « cinq à six mille personnes » selon La Lanterne, dix mille selon L’Intransigeant, et jusqu’à vingt mille selon Le Figaro et La Justice, attendent Louise Michel. Le Journal illustré consacre même la Une de son numéro du 14 novembre à cet événement.

Louise Michel, la Communarde : maintenir vivant le souvenir de la Commune

19Le retour des communards amnistiés constitue un enjeu majeur pour le mouvement socialiste, en vue de renforcer « l’identification de l’insurrection avec la population ouvrière de Paris » (Godineau, 2004 : 386). À travers Louise Michel s’incarne cette cohésion du peuple parisien avec les héros et héroïnes socialistes de la Commune :

  • 29  La Justice, « L’arrivée de Louise Michel », C. L., 11 novembre 1880.

« Hier matin, le Tout-Paris des grandes journées, des grandes émotions populaires, mille fois plus intéressant et plus vivant que le Tout-Paris des premières représentations, le Paris qui, même au milieu des hontes et des apostasies de l’Empire garda, intacte sa foi à la République, le Paris pour lequel on est fier d’avoir souffert, ce Paris-là était sur pied.
On attendait Louise Michel.
Qu’est-ce que Louise, pour la foule qui en a fait son héroïne ? C’est la femme qui, sur les bancs du conseil de guerre, confessa hautement les principes de la cause vaincue, stigmatisa le vainqueur, et jeta le défi d’une âme indomptable à ses juges stupéfiés.
Pour nous, c’est plus encore. C’est la femme tendre à toutes les misères, implacable à toutes les oppressions. C’est la Parisienne du siège, celle que le poète a chantée, plus Spartiate encore, plus dure pour elle-même, plus tendre pour les autres ; celle qui, du 4 septembre au 22 janvier, ne désespéra jamais de la patrie et de la République29. »

  • 30  Le Siècle, « Nouvelles du jour », 10 novembre 1880.
  • 31  L’Intransigeant, « La rentrée de Louise Michel », Henri Rochefort, 11 novembre 1880.

20Le retour de déportation de Louise Michel, « l’ancienne fédérée30 », active son image de combattante de la Commune, d’incarnation de la lutte contre la répression bourgeoise, et de représentante du peuple ouvrier. Les commentateurs des journaux révolutionnaires insistent sur « l’élan irrésistible du peuple vers cette femme étrange qui revient des confins du monde31 ». Si la politique du gouvernement est de chercher, par le pardon et la grâce, l’oubli collectif de l’épisode révolutionnaire, le mouvement socialiste revendique au contraire son souvenir comme symbole politique :

  • 32 Idem.

« À voir l’agitation furieuse des agents de l’autorité, il semblait que M. Jules Ferry considérât les cris de Vive Louise Michel ! comme autant d’injures personnelles à lui adressées.
C’était bien ainsi qu’il devait, en effet, les prendre. Paris a jugé enfin ceux qui avaient jugé notre compagne de déportation. Ce procès a duré huit ans, mais aujourd’hui la condamnation est définitive et sans appel32. »

  • 33  Le Temps, « Paris au jour le jour », « L’anniversaire du 18 mars », 20 mars 1881.
  • 34  Le Gaulois, « L’anniversaire du 18 mars », Louis Lambert, 19 mars 1882.
  • 35  Le Gaulois, « Le 18 mars », L. F., 17 mars 1882.

21Les années qui suivent l’amnistie des communards sont riches en commémorations. La presse révolutionnaire consacre, de mars à mai, des numéros entiers à l’événement révolutionnaire. En mai, les journaux socialistes L’Égalité ou Le Prolétaire impriment des numéros spéciaux sur la Semaine sanglante, encadrés de noir (Rebérioux, 1984 : 624). Des associations spécialisées dans le souvenir de la Commune sont créées : la Société de solidarité des proscrits de 1871, l’Association fraternelle des anciens combattants de la Commune, le Comité du monument aux fédérés, La Commune de Paris, association libre des anciens combattants de 1871. Elles sont à l’origine de mobilisations et de commémorations : rassemblements au Mur des Fédérés, banquets, réunions publiques. Chacun de ces événements est l’occasion de raviver la mémoire des morts, par laquelle passe la cohésion et l’identité de la gauche socialiste et révolutionnaire qui, au-delà ses différences, revendique le souvenir de la Commune. Dans cette effervescence mémorielle, Louise Michel joue un rôle central. En 1881, elle est, selon le Temps, la personnalité « qui a attiré le plus de monde33 ». Même chose l’année suivante, où elle est « la great attraction34 » de la réunion du 20e arrondissement dans la salle du café Bressaud : « Pour attirer les partisans de la Commune, les affiches portent que “la grande citoyenne Louise Michel assistera à la réunion35”. » Cette mise sur le devant de la scène mémorielle, dès 1880, ne s’appuie pas sur son rôle effectif pendant l’événement, mais sur sa capacité à incarner le souvenir.

  • 36  Ce dont témoignent également les tableaux consacrés à Louise Michel, dont je ne parle pas ici : vo (...)

22Alors que les socialistes s’organisent, la valorisation de Louise Michel s’inscrit dans la recherche de figures exemplaires et dans la constitution d’un nouveau personnel politique ouvrier. La figure de Louise Michel participe à la construction d’un militantisme ouvrier, socialiste et révolutionnaire marqué par la Commune de Paris, qui élabore son esthétique, ses références, ses modèles et sa poétique36. Mobiliser le souvenir de la Commune de Paris apporte aux socialistes un événement dont la proximité immédiate en fait une référence et une preuve que le mouvement ouvrier est acteur de son histoire et capable de mettre en place des alternatives politiques. La figure de Louise Michel s’insère immédiatement dans cet univers de sens, dont elle devient un exemple, une référence, un symbole, et même une allégorie. À ce premier ancrage symbolique et politique dans le souvenir de la Commune de Paris, qui construit et alimente la reconnaissance collective du mérite révolutionnaire, viennent s’ajouter des politiques de l’admiration qui se traduisent par des discours autour de la représentativité ouvrière et socialiste de Louise Michel.

Représenter les classes populaires : enjeux de la constitution d’un personnel politique alternatif

  • 37  La Justice, « Les Congrès Ouvriers », Charles Longuet, 24 novembre 1880.
  • 38  Ce sont des traits que l’on retrouve dans d’autres « candidatures impossibles » de représentants o (...)

23En novembre 1880, La Justice fait état d’une proposition émise lors du Congrès ouvrier du Havre par un certain citoyen Roblet, de Paris. À l’occasion d’une discussion autour de la représentation des classes populaires dans les corps élus, se pose la question de l’abstention. Pour une partie des militants ouvriers, le parlementarisme et la démocratie représentative ne sont pas des régimes favorables et propices à l’adoption de véritables réformes populaires. Certains délégués présentent des propositions qui cherchent à concilier une critique du parlementarisme et une représentativité ouvrière dans les instances de pouvoir. C’est dans ce cadre que le citoyen Roblet propose la candidature de Louise Michel « précisément parce qu’elle est inéligible et que la Chambre casserait son élection37 ». Même si cette proposition n’a pas été retenue, elle pose l’idée que Louise Michel, n’étant pas corrompue par le parlementarisme, s’oppose à une classe politique qui fait passer ses intérêts personnels avant les intérêts populaires38. Les indices du respect et de l’admiration qu’elle inspire sont le résultat d’un ralliement politique à ses idées et à ses valeurs, mais aussi celui de sa capacité à incarner une alternative politique face aux déceptions et à la défiance des classes ouvrières vis-à-vis de la nouvelle république et son incapacité à prendre en charge la question sociale. Comprendre la popularité révolutionnaire de Louise Michel amène donc à s’intéresser aux projections dont elle fait l’objet, aux expressions de l’admiration et de l’adhésion collective.

Admirateurs épistolaires

24L’attention portée aux lettres adressées à Louise Michel par certains de ses admirateurs est révélatrice de cette dynamique de ralliement derrière son nom et sa figure. Le 22 novembre 1880, Paul Gavard aîné, visiblement membre de la rédaction du journal anarchiste Ni Dieu, ni maître (comme l’indique l’enveloppe), fait de Louise Michel une cheffe de file de la cause révolutionnaire.

  • 39  Lettre de Paul Gavard aîné à Louise Michel, 22 novembre 1880. Dans Michel Louise, Je vous écris de (...)

« Citoyenne Louise Michel,
Je vous salue, héroïque citoyenne, amante du Devoir, le devoir est plus cher que la vie, la grandeur du citoyen est celle que vous avez montrée, la franche abnégation.
Honneur à vous ! Vous [?] à ceux qui veulent l’Emancipation, la Révolution, le Progrès, la Régénération sociale, l’Extinction complète des despotes, la dignité. Drapeau sans tache, nous nous rangeons autour de vous39. »

25Un mois plus tard, une autre lettre, écrite par P. Larramat, qui a assisté à la première conférence de Louise Michel à l’Elysée-Montmartre, est du même ordre :

  • 40  Lettre de P. Larramat à Louise Michel, 23 décembre 1880. Dans Michel Louise, op. cit., 1999, p. 26 (...)

« Héroïque citoyenne,
[…] Puisque vous êtes faite pour le dévouement et par conséquent pour la gloire, non plus avec ce consentement immédiat seulement, c’est-à-dire mystique en même temps que touchant, d’une Jeanne d’Arc, mais avec l’intelligence d’une citoyenne libre de notre époque, vous devez avoir à cœur de donner à la Révolution ce concours [?] et de plus efficace, et de dépenser votre admirable activité, voire votre vie, d’une façon qui soit à la hauteur du but à atteindre. […]
Tout à vos ordres40. »

26C’est l’image de la pureté militante de Louise Michel qui est mise en avant : le courage, l’abnégation, le dévouement à la cause. De nombreuses lettres lui sont adressées pour l’assurer du soutien des militants, prêts à s’engager et à se battre à ses côtés. En février 1881, un groupe de dix-neuf étudiants écrit à Louise Michel :

  • 41  Lettre de dix-neuf étudiants à Louise Michel, février 1881. Dans Michel Louise, op. cit., 1999, p. (...)

« Citoyenne, nous sommes là quelques-uns enthousiastes de ta doctrine, et nous te demandons du fond du cœur de nous associer à la Grande Œuvre que nous prétendons avoir le droit et le devoir de défendre ; aussi, nous prolétaires, nous le jurons, nous qui mettons nos noms ici, lorsqu’il s’agira de mettre nos poitrines fortes en face des canons des oppresseurs des Peuples, tous nous serons là41 !!! »

27Ces étudiants s’adressent à Louise Michel en tant que prolétaires : elle est devenue représentante d’un peuple qui souffre et qui lutte. Les déclarations sont identiques deux ans plus tard, alors que plane au-dessus de Louise Michel une menace d’internement psychiatrique. Alexis Lalique, militant anarchiste, d’après le contenu de sa lettre, exprime à Louise Michel son soutien, au nom du peuple et au nom de la « patrie Anarchiste » :

  • 42  Lettre d’Alexis Lalique à Louise Michel, 13 juin 1890. Dans Michel Louise, op. cit., 1999, p. 566- (...)

« Mais consolez-vous, chère compagne, si la bourgeoisie vous hait et cherche à vous salir, c’est parce que vous êtes dans le vrai, c’est parce que vous avez les sympathies du peuple, et qu’eux ils haïssent le peuple. […] Voilà, chère citoyenne, les quelques réflexions que m’a suggérées la mesure dont vous êtes victime, mais croyez-le bien, en vous flétrissant, c’est la patrie Anarchiste en entier qu’ils ont voulu flétrir, mais j’espère bien que le courage ne vous fera pas défaut, et que vous ne donnerez pas à nos ennemis la joie de vous abandonner au désespoir, vous vous êtes données à la Révolution et votre devoir, comme le nôtre, est de travailler à son triomphe, et en cela vous continuez à avoir l’estime de tous les hommes de cœur42. »

28Cet aperçu de la correspondance adressée à Louise Michel permet de saisir la réception de cette figure auprès d’individus vraisemblablement engagés dans la lutte politique. Elles révèlent l’admiration des militants socialistes, révolutionnaires et ouvriers.

Poèmes et chansons : la mise en musique de l’admiration révolutionnaire

29Des formes d’admiration similaires se retrouvent dans les poésies et les chansons révolutionnaires, socialistes et anarchistes, écrites en hommage à Louise Michel. Ces textes sont d’abord destinés à un public de militants, publiés dans les journaux révolutionnaires ou imprimés à petit tirage dans des imprimeries ouvrières et socialistes, dont les bénéfices servent à récolter des fonds pour financer des luttes, des groupes et des grèves. Ils n’ont pas pour objectif premier de faire connaître largement la figure de Louise Michel mais de glorifier ses engagements et son action, de la présenter comme un modèle et un exemple à suivre pour les militants. Cette culture chansonnière est très présente dans les sphères socialistes et « la chanson fournit une sorte d’instantané des sentiments qui traversent les militants » (Manfredonia, 2004 : 43). L’étude des chansons produites en hommage à Louise Michel est donc un bon révélateur des représentations collectives au sein des mouvements révolutionnaires autour de cette figure.

  • 43  Gonon Jean-François, « La Vierge des opprimés (Louise Michel) », 1890 ; Hugues Clovis, « Sérénade (...)

30Les neuf poésies et chansons récoltées abondent dans ce sens43. Les auteurs sont des militants actifs ou des poètes et chansonniers connus dans les milieux socialistes. Parmi eux, quatre sont des participants de la Commune : Clovis Hugues a participé à la Commune de Marseille, Achille Le Roy, Constant Marie et Paul Verlaine ont pris part à celle de Paris. Quatre sont membres d’un groupe socialiste ou d’un parti ouvrier : Clovis Hugues est le premier député du Parti Ouvrier Français, à tendance guesdiste, Jules Jouy et Achille Le Roy sont militants au parti possibiliste, la Fédération des Travailleurs socialistes de France, et E.J. Villemejane est militant « naturien » et membre actif d’une communauté libertaire. Quatre participent à des groupes de chansonniers révolutionnaires : Jean-François Gonon crée plusieurs goguettes populaires à Saint-Étienne, Jules Jouy se produit au Chat Noir à Montmartre, Achille Le Roy et Constant Marie sont membres du groupe des poètes et chansonniers révolutionnaires (qui devient en 1907 le groupe de la Muse Rouge). On trouve dans ces poèmes consacrés et dédiés à Louise Michel les principales thématiques de la poésie socialiste du dernier tiers du xixe siècle : le souvenir de la Commune de Paris, la criminalisation de la bourgeoisie, la glorification des ouvriers, l’exhortation au combat politique et révolutionnaire. Cette littérature socialiste est pensée comme une « contre-esthétique », opposée à l’art bourgeois, et qui développe une esthétique et une rhétorique d’un prolétariat tourné vers l’action et la lutte émancipatrice (Angenot, 2010 : 30).

  • 44  Ibid., p. 63.

31La figure de Louise Michel est porte-drapeau du souvenir de la Commune. En cela, les poèmes nourrissent la dynamique générale d’héroïsation de la communarde Louise Michel. La « Sérénade à Louise Michel » de Clovis Hugues est entièrement consacrée à la Commune, à la glorification des combattants martyrs et héroïques, et est un appel à la vengeance et à l’union du peuple. La référence à la figure de Louise Michel est un moyen de dresser le peuple contre la bourgeoisie criminelle, versaillaise d’abord, exploiteuse ensuite. On trouve chez Jehan de l’Ours ces rhétoriques de la construction de l’ennemi bourgeois. Il présente le tableau d’une société clivée entre des bourgeois profiteurs et exploiteurs et des ouvriers pauvres, malheureux, méprisés. Cette opposition entre le peuple et les bourgeois se traduit par une « poésie-réquisitoire44 » qui prédit la révolution prochaine. Louise Michel représente ce qui effraie la bourgeoisie : par sa bonté, par son engagement, par ses combats, elle incarne ce que le peuple qui lutte, le prolétariat conscient et organisé, peut engendrer comme résistance. Le refrain de la chanson de Jean-François Gonon appelle au « Respect à la SINISTRE FOLLE, / Terreur des bourgeois affamés ; / LA ROUGE VIERGE DU PÉTROLE, bis / C’est la Vierge des opprimés ! ». De même, Constant Marie termine sa « Muse Rouge » par la prédiction d’une destruction de la bourgeoisie et de l’exploitation du peuple, puisque Louise Michel représente la révolution en marche : « Enfin le vieux monde succombe / Les penseurs torturés jadis / Sur son universelle tombe / Font de la terre un Paradis. »

32Pour lutter contre la bourgeoisie, ces poésies viennent donc encenser Louise Michel et rappeler les glorieuses actions de celle qui a su tenir tête aux oppresseurs, qui a choisi de sacrifier sa vie pour, affirme Jules Jouy, « l’amour de l’humanité ». Louise Michel est hissée en exemple, en modèle, en héroïne de l’émancipation collective. Jehan de l’Ours se demande « Que faire, si ce n’est de suivre de Louise / Les conseils », puisque « Louise, c’est le vrai clairon de nos batailles, / Clairon vengeur, sonnant les justes représailles ». De même, Achille Le Roy affirme que « Les travailleurs conservent la mémoire / Des fiers martyrs qui succombent pour eux. / Ils gravent au fronton de l’Histoire / Son nom si pur, parmi les plus fameux. » Il écrit son poème en 1885, alors que Louise Michel est emprisonnée suite à la manifestation de l’Esplanade des Invalides, et, face à cette injustice, il appelle les prolétaires à être « le vengeur de Louise Michel ».

  • 45  Ainsi, Marc Angenot n’évoque qu’à demi-mot la « gauloiserie » de certaines chansons de son corpus, (...)

33Ces chansons et poésies révèlent enfin un dernier aspect des représentations qui s’élaborent autour de Louise Michel : celles qui renvoient à ce qui est attendu et valorisé chez une femme. L’étude de la poésie socialiste omet généralement cet aspect de la production révolutionnaire, préférant insister sur la rhétorique émancipatrice plutôt que sur les représentations contraignantes pour les femmes45. Sans approfondir les enjeux et les modalités d’expression des thématiques sexuées dans la production de la figure de Louise Michel, les différents textes du corpus permettent d’en dégager les principaux aspects : l’accent mis sur la bonté et sur son « cœur » (Jehan de l’Ours affirme que « Les tortures n’ont pas soufflé sur cette flamme / Qui sort du brasier de son cœur »), les évocations de ses « souffrances », la valorisation de son « amour » des autres (Paul Verlaine la présente comme celle qui « aime le Pauvre âpre et franc »), l’affirmation de son dévouement (Jules Jouy voit en Louise Michel « l’impersonnelle / Image du renoncement ») et l’image de la vierge (Paul Verlaine et Jean-François Gonon la comparent à Jeanne d’Arc).

34L’analyse de la correspondance et de la poésie révolutionnaire révèle donc une admiration partagée pour Louise Michel, une valorisation de cette figure sur une période longue (les poésies s’échelonnent de 1882 à 1904) et la reconnaissance de la capacité de Louise Michel à représenter et incarner les luttes sociales. La popularité de Louise Michel dans l’espace socialiste et ouvrier de la période est partie prenante de son processus de célébrité : sa visibilité constante dans l’espace politique n’est permise que par la réception enthousiaste du public auquel elle s’adresse. Louise Michel apparaît comme une personnalité centrale au sein de la gauche socialiste et révolutionnaire qui valorise son nom afin de légitimer des revendications politiques, qui reconnaît en elle une représentante et une porte-parole des luttes.

35Son positionnement au cœur des espaces révolutionnaires permet de dégager les lignes de rencontre entre les différents groupes socialistes en dépit de leurs clivages : le souvenir de la Commune, la recherche d’une représentation politique différente du personnel institué, l’espoir d’une république sociale, l’exacerbation d’un discours de classe. Louise Michel, qui porte en elle la mémoire communarde, qui est exclue de fait de la démocratie représentative, qui exhorte les militants à l’action, et qui donne prise à l’allégorisation par son statut de femme, se révèle être une figure qui incarne « un sujet collectif révolutionnaire » (Hayat, 2014 : 887). Pour autant, l’unanimité derrière Louise Michel n’est qu’apparente, et certaines critiques s’élèvent contre cette personnalité et ses méthodes.

Louise Michel, figure socialiste unanime ?

  • 46  D’où la nécessaire distance critique à adopter vis-à-vis notamment des archives policières (Berliè (...)

36L’important ressort symbolique dont est dotée la figure de Louise Michel ne doit pas faire oublier l’existence de dissensions et d’oppositions. Les rapports de police ou les journaux opposants font état de ces divergences. Sans négliger l’aspect stratégique inhérent aux interprétations de la désunion de l’ennemi politique qui « p[euvent] être davantage motivées par le bénéfice qu’elles leur procurent que par une réelle volonté analytique » (Braconnier, 1999 : 110)46, ces discours révèlent la possibilité de désaccords autour de la figure de Louise Michel.

Médisances socialistes

37On trouve dans les archives de la préfecture de police de Paris les rapports de mouchards, délégués lors des réunions socialistes, qui font état de discussions au sujet de Louise Michel. On y aperçoit des militants socialistes, y compris des leaders du mouvement ouvrier, critiquer les actions ou le comportement de Louise Michel, déplorer son attitude, et même en faire une ennemie de la cause révolutionnaire.

  • 47  Rapport de Droz relatif au congrès de Zurich, 20 janvier 1881. Archives de la préfecture de police (...)
  • 48  Le Journal, « La Bonne Louise », Lucien Descaves, 27 mars 1904.

38Le 20 janvier 1881, un rapport relatif au congrès ouvrier de Zurich affirme que « d’après Paul Brousse, Louise Michel serait un instrument dans les mains de gens qui la conduisent à la perte de la révolution47 » : c’est-à-dire les anarchistes, avec lesquels Brousse a pris ses distances depuis la fin des années 1870 (Stafford, 1971 ; Vuilleumier, 1965). Cette idée selon laquelle « on » (qui désigne des individus différents selon les auteurs) tirerait profit de la naïveté et de la générosité de Louise Michel est en réalité assez répandue. À la veille de sa mort, en 1904, le libertaire et antimilitariste Lucien Descaves affirme : « Pure, elle était naturellement crédule. Cette ennemie des exploiteurs fut souvent exploitée48. » Dans ses mémoires publiées pour la première fois en 1930, l’anarchiste Jean Grave écrit :

« Tout a été dit sur son désintéressement, sa générosité qui allait – il faut nommer les choses par leur nom – jusqu’à la bêtise, car elle était exploitée par un tas de ruffians qui spéculaient sur son bon cœur. Elle se dépouillait […] pour des escrocs qui exploitaient sa bonté et son dévouement pour la propagande. […] Cette pauvre Louise ! ce qu’elle fut pressurée, exploitée sous prétexte de propagande, par les aigrefins de l’anarchie ! Janvion et un de ses associés, Ernest Girault, entre autres, l’ayant entraînée dans une tournée de conférences à travers la France, la surmenèrent, à un tel point qu’elle tomba malade en cours de route ; ils l’abandonnèrent, sans le sou, dans une ville de province, tellement malade qu’elle en mourut. » (Grave, 2009 : 494)

  • 49  Voir aussi (Salmon, 1959).

39Témoignages de la « dispersion des tendances » (Maitron, 1975 : 343) qui caractérise le mouvement anarchiste des débuts de la IIIe République49, ces critiques donnent à voir les conflits individuels et les oppositions sur les conceptions théoriques et les moyens d’action.

  • 50  Se jouent ici les désaccords entre les anarchistes de tendance communaliste et la jeune génération (...)
  • 51  Le Temps, « Bulletin du jour », 20 mars 1887.
  • 52  Pour quelques exemples des représentations des femmes et du traitement des revendications féminist (...)
  • 53  « Licheuse » est un adjectif péjoratif qui sous-entend que Louise Michel aime boire et manger. L’« (...)

40En 1887, ce sont de jeunes anarchistes qui accusent Louise Michel, lors d’un anniversaire du 18 mars, de traître et de « vendue ». Alors qu’elle prend la défense de ses anciens compagnons de la Commune face aux critiques acerbes adressées contre le communalisme50, Le Temps raconte comment « Louise Michel [est] devenue réactionnaire à son tour51 ». Cette méfiance à son encontre, parfois profondément teintée de sexisme52, semble perdurer jusqu’à sa mort. Un rapport en date du 21 mai 1904 affirme qu’elle « est bien déchue dans l’estime de beaucoup. Ceux qui la connaissent personnellement comme Faure, Malato, Janvion savent qu’elle est “licheuse” (c’est le mot employé, hier, par plusieurs assistants). En compagnie de Charlotte, avec qui elle se dispute comme une chiffonnière, elle cultive la bouteille, la paresse et l’estampage53 ».

  • 54  Compte-rendu de la conférence salle Favié, 23 janvier 1881. Archives de la préfecture de police de (...)
  • 55  Rapport de 50, 12 février 1881. Archives de la préfecture de police de Paris, carton BA1184.
  • 56  Rapport de Denis, 19 février 1881. Archives de la préfecture de police de Paris, carton BA1184.
  • 57  Rapport de Hilaire, 4 juin 1882. Archives de la préfecture de police de Paris, carton BA1184.
  • 58  « La représentation donnée à la salle de Flore a été, pour ses promoteurs, un échec formidable. Le (...)
  • 59  Rapport de Horre, 28 septembre 1882. Archives de la préfecture de police de Paris, carton BA1184.

41Sa prétendue crédulité ne rend pas Louise Michel sympathique aux yeux de tous les cadres et militants ouvriers, et certains semblent voir en elle un péril pour la cause. Alors que les groupes et les mouvements se réorganisent après le retour des amnistiés de la Commune, les divisions entre les différentes tendances commencent elles aussi à se spécifier et se structurer. Dès 1878, des congrès ouvriers français et internationaux sont organisés. Les divergences se révèlent profondes, mais c’est en mai 1881 que le congrès régional du Centre à Paris voit le retrait définitif des anarchistes. Quelques mois plus tôt, en janvier 1881, un compte-rendu d’une conférence socialiste salle Favié évoque un orateur qui estime que Louise Michel « avait la folie de faire parler d’elle, mais que, comme à Charenton, elle causait un tort considérable au parti révolutionnaire et qu’il faudrait laisser cette “exagérée” de côté54 ». En février, on peut lire que « Louise Michel a su se faire des ennemis de tous ceux qui auraient pu contribuer au succès de sa cause55 », et qu’« on commence à dire même dans l’entourage de Louise Michel qu’elle a le cerveau détraqué56 ». Le 4 juin 1882, un rapport dévoile qu’au détour d’une conversation sur Louise Michel, « J.B. Clément a dit qu’il détestait cette femme parce qu’elle joue à la prophétesse57 ». Le 28 septembre, après une conférence mouvementée à Versailles58, un mouchard affirme que les radicaux, « et principalement ceux qui la connaissent », s’amusent des mésaventures de Louise Michel. Il n’y aurait, en effet, « aucun d’eux qui ne la regarde comme une folle et qui ne soit enchanté chaque fois qu’il lui arrive quelque chose de désagréable59 ».

La Lanterne : une opposition socialiste à l’anarchisme

  • 60  La Lanterne, « Les élections municipales », 28 décembre 1880.
  • 61  La Lanterne, « Louise Michel à Montpellier », 1er juillet 1882.
  • 62  La Lanterne, « Le meeting de l’esplanade des Invalides », 11 mars 1883.
  • 63  La Lanterne, « Un acte de justice », 12 décembre 1884.
  • 64  La Lanterne, « La vierge folle », 18 février 1886.
  • 65  La Lanterne, « Tous inconscients », 25 juin 1883.

42La Lanterne, journal populaire et radical, se montre particulièrement critique à l’égard de Louise Michel. Fondé par Henri Rochefort, qui en est le seul rédacteur entre 1868 et 1869, le titre est ensuite suspendu jusqu’en 1874, date à laquelle Rochefort, en exil, tente sans succès de le relancer. En 1877, Paul Genay rachète le journal et en prend la gérance : républicain libre-penseur, il s’oppose aux théories anarchistes. Dès décembre 1880, alors que Louise Michel propose pour les élections municipales des « candidatures mortes » pour célébrer et honorer les martyrs et les héros révolutionnaires, La Lanterne appelle à se « méfier » de Louise Michel, comme il faut se méfier « des thuriféraires qui ne cherchent qu’à exploiter le fanatisme des autres à leur profit60 ». Dans ce journal, les discours de Louise Michel sont « des divagations61 », ses actions sont des « excentricités62 » et le résultat d’« une surexcitation de tout son être63 », ses écrits regorgent de « choses superbes et [de] choses bêtes64 ». Pendant son procès suite à la manifestation de l’Esplanade des Invalides, La Lanterne affirme que Louise Michel est « folle avec des circonstances atténuantes, touchantes même, qui méritent, sinon le respect, au moins l’indulgence et la pitié65 », donc doit être internée à Charenton plutôt qu’incarcérée en prison.

  • 66  La Lanterne, « Aux Batignolles », 21 mai 1888.
  • 67  Idem.
  • 68  La Lanterne, « Où sont les coupables ? », 11 mars 1883.

43Le discours de La Lanterne est un bon révélateur des divisions idéologiques qui existent dans le dernier tiers du xixe siècle, et notamment celles qui séparent les anarchistes et les socialistes révolutionnaires d’un côté, la gauche radicale et socialiste parlementaire de l’autre. Cette opposition de gauche aux anarchistes s’appuie sur trois arguments principaux (Angenot, 2002). Le premier est d’envisager l’anarchisme comme une maladie, une folie, une démence. On retrouve cet argument à l’encontre de Louise Michel dans La Lanterne, qui la présente comme « cette démente […] [qui] en est venue à se dire qu’un cataclysme peut seul permettre de reconstruire la société sur des bases véritablement équitables66 ». Le deuxième argument consiste à affirmer que les doctrines anarchistes sont des « utopies », non scientifiques et non réalisables. En ce sens, dans son compte-rendu de la représentation du Coq Rouge, La Lanterne qualifie les idées de Louise Michel de « généreuse utopie qui ne se rend pas compte de l’œuvre qu’elle poursuit67 ». Plus encore, cette utopie qui se pourvoit de moyens violents pour s’accomplir, serait profondément dangereuse pour le peuple et pour le socialisme. Le troisième argument considère ainsi que les anarchistes jouent le rôle attendu par la bourgeoisie pour réprimer le mouvement ouvrier, ce qui en fait des complices de la réaction. À nouveau, on trouve cet argument sous la plume d’un collaborateur de La Lanterne, à l’occasion de la manifestation des Invalides, où « Louise Michel a été la complice du Figaro68 ».

44Ces querelles qui s’expriment parfois au sujet de Louise Michel sont néanmoins gommées par la mobilisation constante de cette personnalité et de sa figure parmi les différentes mouvances du socialisme. La mémoire partagée de la Commune de Paris que Louise Michel ne cesse d’incarner, sa participation à de très nombreuses conférences aux comités organisateurs divers (même si certains disent qu’elle n’est invitée que pour le potentiel de recettes qu’elle représente), l’entretien de ses relations avec des leaders, chefs de file et personnalités importantes, participent à en faire une personnalité centrale de l’espace politique socialiste. La désignation de Louise Michel comme représentante, qui ici ne s’articule pas à l’élection mais à la symbolisation, est un facteur d’union et de resserrement du groupe politique qu’elle représente. Les divergences que nous avons pu identifier révèlent que l’apparent consensus qui s’élabore au sein de l’extrême-gauche n’a de réalité qu’à travers l’appareil de désignation de Louise Michel comme symbole et exemple du groupe. Louise Michel est une figure populaire des mouvements socialistes et ouvriers de la période parce que de nombreux militants se reconnaissent en elle, mais aussi parce qu’à travers elle la communauté politique révolutionnaire se met politiquement en scène, rend visible ce qui le caractérise, et réaffirme ses valeurs et ses revendications.

Bibliographie

Bibliographie

Angenot Marc, 2002, Anarchistes et socialistes, 1880-1914. Trente-cinq ans de dialogue de sourds, Montréal, Presses de l’université McGill, coll. « Discours social », vol. 14.

Angenot Marc, 2010, La poésie socialiste au temps de la Deuxième Internationale, Montréal, Presses de l’université McGill, coll. « Discours social », vol. 33.

Bantman Constance, 2014, « “Anarchistes de la bombe, anarchistes de l’idée” : les anarchistes français à Londres, 1880-1895 », Le Mouvement social, no 246, p. 47-61.

Berenson Edward, 2012, « Célébrité, renommée et charisme. Entretien avec le professeur Edward Berenson (New York University) », Hypothèses, no 15, p. 157-161.

Berlière Jean-Marc, 2008, « Histoire de la police. Quelques réflexions sur l’historiographie française », Criminocorpus.

Braconnier Cécile, 1999, « Braconnages sur terres d’État. Les inscriptions politiques séditieuses de l’après-Commune (1872-1885) », Genèses, no 1, vol. 35, p. 103-130.

Chenu Alain, 2008, « Des sentiers de la gloire aux boulevards de la célébrité. Sociologie des couvertures de Paris Match, 1949-2005 », Revue française de sociologie, vol. 49, p. 3-52.

Gacon Stéphane, 2003, « L’amnistie de la Commune (1871-1880) », Lignes, no 10, p. 45-64.

Enckell Marianne, 2007, « Note de lecture sur V. Bouhey, Les Anarchistes contre la République, 2008, et C. Bantman, Anarchismes et anarchistes en France et en Grande-Bretagne (1880-1914) », Le Mouvement Social.

Godineau Laure, 2004, « Paris attendu, Paris retrouvé. Les exilés communards et le peuple de Paris, de la nostalgie aux retrouvailles », in Claude Gauvard et Jean-Louis Robert (dir.), Être parisien, Paris, Paris et Île-de-France Mémoires, p. 379-390.

Godineau Laure, 2014, « Après la Commune », in Michel Pigenet et Danielle Tartakowsky (dir.), Histoire des mouvements sociaux en France, Paris, La Découverte, p. 196-206.

Grave Jean, 2009, Mémoires d’un anarchiste, Paris, Éditions du Sextant.

Harden Chenut Helen, 2012, « L’esprit antiféministe et la campagne pour le suffrage en France, 1880-1914 », Recherches féministes, no 1, vol. 25, p. 37-53.

Hayat Samuel, 2014, « Se présenter pour protester. La candidature impossible de François-Vincent Raspail en décembre 1848 », Revue française de science politique, no 5, vol. 64, p. 869-903.

Juan Myriam et Picard Nicolas, 2012, « Célébrité, gloire, renommée. Introduction à l’étude historique du fait d’“être connu de ceux que l’on ne connaît pas” », Hypothèses, no 15, p. 87-96.

Lilti Antoine, 2014, Figures publiques. L’invention de la célébrité 1750-1850, Paris, Fayard.

Maitron Jean, 1975, Le mouvement anarchiste en France. I. Des origines à 1914, Paris, François Maspero.

Manfredonia Gaetano, 2004, « De l’usage de la chanson politique : la production anarchiste d’avant 1914 », Cités, no 19, p. 43-53.

Manfredonia Gaetano, 2007, Anarchisme et changement social. Insurrectionnalisme – syndicalisme – éducationnisme-réalisateur, Lyon, Atelier de création libertaire.

Matonti Frédérique et Poupeau Franck, 2004, « Le capital militant. Essai de définition », Actes de la recherche en sciences sociales, no 155, p. 4-11.

Pariente René, 2009, Le socialisme utopique ; antiféminisme et antisémitisme, Paris, L’Harmattan.

Reberioux Madeleine, 1984, « Le mur des Fédérés. Rouge, “sang craché” », in Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, vol. 1, p. 619-649.

Riot-Sarcey Michèle, 2005, « Les femmes et la gauche en France : entre discours émancipateurs et pratiques de domination », in Jean-Jacques Becker et Gilles Candar (dir.), Histoire des gauches en France, Paris, La Découverte, p. 362-378.

Salmon André, 1959, « Une crise de l’anarchie », in André Salmon (dir.), La Terreur noire. Chronique de l’action anarchiste, Paris, Jean-Jacques Pauvert, p. 409-426.

Sowerine Charles, 1978, Les femmes et le socialisme, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques.

Stafford David, 1971, From Anarchism to Reformism, a study of the political activities of Paul Brousse, 1870-1890, Londres, Weidenfeld & Nicolson.

Verhaeghe Sidonie, 2012, « “Les victimes furent sans nom et sans nombre.” Louise Michel et la mémoire des morts de la Commune de Paris », Mots. Les langages du politique, no 100, p. 31-42.

Verhaeghe Sidonie, 2016, De la Commune de Paris au Panthéon (1871-2013) : célébrité, postérité et mémoires de Louise Michel. Sociologie historique de la circulation d’une figure politique, thèse de doctorat en science politique, université Lille 2.

Vuilleumier Marc, 1965, « Paul Brousse et son passage de l’anarchisme au socialisme », Cahiers Vilfredo Pareto, t. 3, no 7-8, p. 63-80.

Notes

1  Le Journal des débats politiques et littéraires, « Le retour de Louise Michel », 14 novembre 1895.

2  Les données de cet article sont tirées d’une thèse de doctorat en science politique (Verhaeghe, 2016).

3  Edward Berenson affirme que « dans le monde contemporain – depuis le xixe siècle – pour être une célébrité, il faut figurer dans les médias, mais y figurer d’une certaine manière. Il faut que les émotions des lecteurs ou des téléspectateurs soient engagées. Je pense que la célébrité vient surtout d’une relation émotionnelle entre un personnage et un public » (Berenson, 2012 : 158).

4  Le Rappel, « Toutes avec tous », André Léo, 13 avril 1871.

5  Le Salut, « Affaire de l’institutrice Louise Michel », 18 décembre 1871.

6  Acte d’accusation de Louise Michel, retranscrit dans L’Univers, « Tribunaux », 18 décembre 1871.

7  Idem.

8  L’Univers, « Tribunaux », 18 décembre 1871.

9  Interrogatoire de Louise Michel, retranscrit dans La Gazette des tribunaux, 16 décembre 1871.

10  Le xixe siècle, « Fait divers », 19 décembre 1871.

11  La Presse, « Conseil de guerre », 18 décembre 1871.

12  Le xixe siècle, « Gazette du Palais », 18 décembre 1871.

13  Le Salut, « Affaire de l’institutrice Louise Michel », 18 décembre 1871.

14  La Petite Presse, « Une héroïne de la Commune », 19 décembre 1871.

15  L’Intransigeant, « La rentrée de Louise Michel », Henri Rochefort, 11 novembre 1880.

16  Le Petit Parisien, « Louise Michel », 22 mai 1879.

17  Le Petit Parisien, « Louise Michel », 31 mai 1879.

18  Hardouin Céleste, La détenue de Versailles en 1871, Paris, Chez l’auteur, 1879, p. 123.

19  Le Petit Parisien, « Échos de partout », 5 juin 1879 ; Le Rappel du 17 mai 1879 indique qu’« on signe à Marseille comme à Paris la pétition qui demande la mise en liberté de la citoyenne Louise Michel ».

20  La Marseillaise, 20 septembre 1879 ; Le Temps, 21 septembre 1879 ; Le Pays, 21 septembre 1879.

21  Le Figaro, « Louise Michel », Un voyageur, 23 septembre 1879.

22  Le Figaro, « Le Congrès ouvrier socialiste », 24 octobre 1879.

23  La Marseillaise, « Louise Michel », Olivier Pain, 20 septembre 1879.

24  La Rue, « Les hommes de combat. Louise Michel », Memor, 14 novembre 1879.

25  Mayer Simon, Souvenirs d’un déporté, Paris, E. Dentu, 1880, p. 355-356.

26  Le Gaulois, « Arrivée de Louise Michel », Mermeix, 10 novembre 1880.

27  Anonyme, Mes sept ans de bagne, par un forçat, Paris, administration des Publications républicaines, 1880, p. 218-220.

28  Le Citoyen, « Retour de Louise Michel », Cipriani, 9 novembre 1880.

29  La Justice, « L’arrivée de Louise Michel », C. L., 11 novembre 1880.

30  Le Siècle, « Nouvelles du jour », 10 novembre 1880.

31  L’Intransigeant, « La rentrée de Louise Michel », Henri Rochefort, 11 novembre 1880.

32 Idem.

33  Le Temps, « Paris au jour le jour », « L’anniversaire du 18 mars », 20 mars 1881.

34  Le Gaulois, « L’anniversaire du 18 mars », Louis Lambert, 19 mars 1882.

35  Le Gaulois, « Le 18 mars », L. F., 17 mars 1882.

36  Ce dont témoignent également les tableaux consacrés à Louise Michel, dont je ne parle pas ici : voir par exemple les deux tableaux d’Émile Girardet réalisés entre 1871 et 1880, L’Arrestation de Louise Michel et Louise Michel à Satory, ou le tableau de Théophile-Alexandre Steinlen, La Commune. Louise Michel sur les barricades, peint vers 1885.

37  La Justice, « Les Congrès Ouvriers », Charles Longuet, 24 novembre 1880.

38  Ce sont des traits que l’on retrouve dans d’autres « candidatures impossibles » de représentants ouvriers ou socialistes, comme le montre Samuel Hayat avec la candidature de François-Vincent Raspail en 1848 (Hayat, 2014).

39  Lettre de Paul Gavard aîné à Louise Michel, 22 novembre 1880. Dans Michel Louise, Je vous écris de ma nuit. Correspondance générale – 1850-1914, Paris, Les Éditions de Paris, 1999, p. 265.

40  Lettre de P. Larramat à Louise Michel, 23 décembre 1880. Dans Michel Louise, op. cit., 1999, p. 269-270.
Rien n’indique dans son courrier s’il s’agit d’un militant d’un groupe révolutionnaire, ou d’un individu familier des théories et de l’action révolutionnaire. Il précise néanmoins que sa femme a connu Louise Michel pendant la Commune.

41  Lettre de dix-neuf étudiants à Louise Michel, février 1881. Dans Michel Louise, op. cit., 1999, p. 278-279.

42  Lettre d’Alexis Lalique à Louise Michel, 13 juin 1890. Dans Michel Louise, op. cit., 1999, p. 566-567.

43  Gonon Jean-François, « La Vierge des opprimés (Louise Michel) », 1890 ; Hugues Clovis, « Sérénade à Louise Michel », 1882 ; Hugues Clovis, « La petite muse », 1883 ; Jouy Jules, « Louise Michel », 1889 ; Le Roy Achille, « Louise Michel et le drapeau noir », 1885 ; Marie Constant, « La Muse Rouge », 1893 ; Ours Jehan de l’« Marianne. Dédié à Louise Michel par un soldat obscur de l’armée révolutionnaire », 1886 ; Verlaine Paul, « Ballade en l’honneur de Louise Michel », 1886 ; Villemejane E. J., « Pour Louise Michel », 1904.

44  Ibid., p. 63.

45  Ainsi, Marc Angenot n’évoque qu’à demi-mot la « gauloiserie » de certaines chansons de son corpus, alors que plusieurs extraits reproduits révèlent la persistance d’un sexisme explicite (Angenot, 2010).

46  D’où la nécessaire distance critique à adopter vis-à-vis notamment des archives policières (Berlière, 2008 ; Enckell, 2007).

47  Rapport de Droz relatif au congrès de Zurich, 20 janvier 1881. Archives de la préfecture de police de Paris, carton BA1184.

48  Le Journal, « La Bonne Louise », Lucien Descaves, 27 mars 1904.

49  Voir aussi (Salmon, 1959).

50  Se jouent ici les désaccords entre les anarchistes de tendance communaliste et la jeune génération individualiste (Bantman, 2014 ; Manfredonia, 2007).

51  Le Temps, « Bulletin du jour », 20 mars 1887.

52  Pour quelques exemples des représentations des femmes et du traitement des revendications féministes au sein des milieux socialistes et anarchistes, voir Harden Chenut (2012) ; Pariente (2009) ; Riot-Sarcey (2005) ; Sowerine (1978).

53  « Licheuse » est un adjectif péjoratif qui sous-entend que Louise Michel aime boire et manger. L’« estampage » signifie en argot la tromperie, la duperie. Rapport de Foureur, 21 mai 1904. Archives de la préfecture de police de Paris, carton BA1186.

54  Compte-rendu de la conférence salle Favié, 23 janvier 1881. Archives de la préfecture de police de Paris, carton BA1184.

55  Rapport de 50, 12 février 1881. Archives de la préfecture de police de Paris, carton BA1184.

56  Rapport de Denis, 19 février 1881. Archives de la préfecture de police de Paris, carton BA1184.

57  Rapport de Hilaire, 4 juin 1882. Archives de la préfecture de police de Paris, carton BA1184.

58  « La représentation donnée à la salle de Flore a été, pour ses promoteurs, un échec formidable. Les collectivistes ont été littéralement conspués, et la grande citoyenne elle-même a été, malgré son sexe et son auréole, abominablement huée. Les invectives les plus cruelles ne lui ont pas été épargnées ; ce qui prouve, une fois de plus, que même pour les sommités du parti anarchiste, la roche Tarpéienne est près du Capitole » (Le Temps, « Bulletin du jour », 26 septembre 1882)

59  Rapport de Horre, 28 septembre 1882. Archives de la préfecture de police de Paris, carton BA1184.

60  La Lanterne, « Les élections municipales », 28 décembre 1880.

61  La Lanterne, « Louise Michel à Montpellier », 1er juillet 1882.

62  La Lanterne, « Le meeting de l’esplanade des Invalides », 11 mars 1883.

63  La Lanterne, « Un acte de justice », 12 décembre 1884.

64  La Lanterne, « La vierge folle », 18 février 1886.

65  La Lanterne, « Tous inconscients », 25 juin 1883.

66  La Lanterne, « Aux Batignolles », 21 mai 1888.

67  Idem.

68  La Lanterne, « Où sont les coupables ? », 11 mars 1883.

Auteur

Maîtresse de conférences en science politique, chercheure associée à l’université de Lille, Ceraps (CNRS UMR 8026).

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search