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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Une ingénierie du tempsLa représentativité de l’échantillon : souvent invoquée, jamais définieLa correction des biais dus à la non-réponse dans l’enquête ElfeÊtre une famille Elfe Notes de bas de page Auteurs

    Comprendre le social dans la durée

    Ce livre est recensé par

    • Paul Bessey, Lectures, mis en ligne le 30 janvier 2019. URL : https://journals.openedition.org/lectures/27091 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.27091
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    Table des matières

    2. La cohorte Elfe : de quels enfants est-elle et sera-t-elle représentative ?

    Xavier Thierry, Thomas Pilorin et Jean-Louis Lanoë

    p. 49-63

    Texte intégral Une ingénierie du tempsLa représentativité de l’échantillon : souvent invoquée, jamais définieLa correction des biais dus à la non-réponse dans l’enquête ElfeÊtre une famille Elfe Notes de bas de page Auteurs

    Texte intégral

    1La statistique publique française observe peu les parcours des jeunes. L’Échantillon démographique permanent de l’Insee (EDP) (cf. encadré, p. 150-153) permet de suivre dans le temps des enfants nés les mêmes jours sur la base de leurs données d’état civil et, depuis 1968, des bulletins des recensements successifs1 concernant leur(s) famille(s). Ainsi, les caractéristiques des enfants peuvent être par exemple associées aux types de ménage dans lequel ils vivent, aux caractéristiques des personnes qui les composent. L’intégration des données du panel ayant subi divers aléas dans le temps, leur utilisation reste complexe et ne permet de mener que des analyses assez générales sur les conditions de vie des enfants. Leurs biographies ne peuvent être documentées qu’assez sommairement en se fondant sur l’analyse des trajectoires des adultes en termes de formation, d’emploi, de vie de couple, etc. Les panels de l’Éducation nationale sont quant à eux centrés sur l’observation des parcours et compétences scolaires des enfants, à l’école élémentaire ou au collège (cf. encadré « Les panels de la DEPP », p. 204-206).

    2L’EDP et les panels scolaires sont représentatifs en raison de l’automaticité du recueil des données ou de l’obligation de réponse. Comme dans toute enquête, une fraction des écoles ou des parents se soustraient à l’obligation statistique des panels scolaires, ou, dans le cas de l’EDP, des personnes vivant en France ne sont pas effectivement recensées. Mais ces imperfections sont d’ampleur limitée et les biais qui en résultent peuvent être facilement corrigés.

    3La cohorte d’enfants de l’Étude longitudinale française depuis l’enfance (Elfe) rejoint le groupe des pays ayant déjà entrepris un suivi longitudinal de vastes échantillons d’enfants depuis la naissance2. La Grande-Bretagne a été pionnière avec la National Birth Cohort de 1946, expérience rééditée trois fois depuis (en 1958, 1970 et 2000) ; les États-Unis ont lancé leur première National Longitudinal Survey of Youth en 1979 (puis répétée en 1986 et 1997), le Canada a suivi en 1994, l’Australie en 2004, le Japon en 2011. Les pays scandinaves ont également historiquement largement participé à ce mouvement.

    4Ces enquêtes ont produit et produisent des données originales, essentielles aussi bien pour la recherche que pour éclairer les décideurs : la cohorte Elfe s’inscrit ainsi dans ce mouvement international dont personne ne conteste la légitimité scientifique et méthodologique et y contribue avec une ambition scientifique rarement égalée du fait de ses objectifs pluridisciplinaires couvrant les sciences sociales, la santé et l’environnement.

    5On doit cependant se poser la question de la qualité scientifique d’enquêtes longitudinales qui reposent le plus souvent sur le volontariat des individus ciblés par des thématiques de recherche. Le dispositif d’inclusion des enfants dans la cohorte Elfe s’est fondée sur un plan de sondage des maternités et un recueil de données anonymes sur les mères ayant décliné l’invitation à en devenir membre. Ces deux conditions ont garanti la possibilité de produire, sous certaines conditions (cf. infra), des résultats représentatifs sur les enfants nés en 2011. En effet, toutes les familles sollicitées n’ont pas participé et au cours des interrogations successives certaines des familles primo-participantes finissent par abandonner. Afin de contrôler cette déperdition, il convient de relever plusieurs défis : programmer pertinemment les étapes de recueil (section 1), veiller à maintenir la représentativité de l’échantillon (section 2), proposer aux utilisateurs des solutions statistiques pour corriger la non-réponse (section 3), maximiser la fidélisation des familles participantes (section 4).

    Une ingénierie du temps

    6Les enfants Elfe ont été enrôlés lors d’une enquête dite d’inclusion réalisée dans un échantillon aléatoire stratifié de 320 maternités (soit les 2/3 des 544 maternités existantes en 2011 sur le territoire métropolitain) et sur une durée de 25 jours répartis sur 4 périodes de l’année. L’ensemble des mères ou presque (cf. infra), mettant au monde un enfant dans ces établissements durant les jours définis était invité à s’engager pour un suivi de leur enfant prévu sur une durée de 20 ans. Une perspective temporelle, enthousiasmante pour les uns, beaucoup moins pour les autres, affichée dans le slogan – « Grandir en France, le devenir de 20000 enfants » – que les parents découvraient sur les supports d’information préalablement diffusés. De fait, l’objectif n’a pas été atteint car ce sont un peu plus de 18300 enfants qui ont été recrutés : 51 % des parents sollicités ont signé le formulaire de consentement, alors que le taux de participation prévu avait été estimé à 54 %. L’enquête Elfe n’a donc pas échappé aux effets du milieu social sur l’adhésion aux enquêtes statistiques, cette proportion d’environ 1 famille participante pour 2 familles sollicitées variant selon les caractéristiques scolaires, professionnelles, migratoires des mères mais aussi selon le rang de naissance des enfants. Les mères plus jeunes ou sans activité professionnelle au moment de la grossesse étaient moins enclines à participer (respectivement une participation égale à 60 % et 72,4 %) à la différence de celles dont c’était le premier enfant qui l’étaient davantage (non-participation de 49,8 %).

    7Lors du recrutement, il a été possible de récolter des informations obstétricales figurant dans le dossier médical, informations qui confèrent à l’étude une dimension médicale et épidémiologique. Par ailleurs des descripteurs sociodémographiques figurant sur le Certificat de santé du 8e jour ont été collectés pour les mères refusant de participer à la cohorte afin de mener les opérations ultérieures de redressements de l’échantillon.

    8Pour ce qui concerne les mères qui ont participé, les données socio-économiques collectées par les enquêteurs embauchés pour l’enquête, relevaient de nomenclatures sensiblement plus précises. Outre le consentement, il était évidemment indispensable de recueillir les coordonnées des parents afin de pouvoir les recontacter ensuite. Enfin, le temps que passe une mère en maternité étant en moyenne de 2 à 3 jours, l’étape de recrutement devait donc être aussi convaincante que rapide. Ce court délai de réflexion explique pour partie que certaines familles se soient rétractées lorsqu’elles ont été recontactées quelques mois plus tard.

    9Le suivi des enfants a débuté avec une enquête téléphonique aux deux mois de l’enfant, un questionnaire étant proposé à la mère, un autre au père. La plupart des mères étant en congé de maternité, elles étaient a priori plus disponibles que les pères pour répondre au questionnaire le plus approfondi sur la famille et l’enfant, durant en moyenne 75 minutes. Il n’en demeure pas moins que l’apport du point de vue masculin est, avec son caractère pluridisciplinaire, l’une des originalités de l’étude Elfe. Il est particulièrement précieux pour les études de perception de genre de croiser le regard des deux sexes. On a par exemple demandé à chacun de déclarer sa participation aux activités domestiques, les soins qu’il prodigue à l’enfant, ses premières pratiques éducatives, ses aspirations sur l’avenir de l’enfant ou sa perception du climat conjugal3.

    10Une force des études longitudinales est, de par leur recueil en temps continu, de limiter les biais de mémoire des répondants. Pendant la petite enfance, les familles ont ainsi été sollicitées cinq fois. Le rythme des interrogations a été annuel jusqu’à l’âge de 2 ans (enquêtes à 2 mois, 1 an et 2 ans), un peu plus espacé ensuite (enquêtes à 3,5 ans et 5,5 ans) (figure 1).

    11Cette cadence soutenue résulte d’une très forte demande des équipes scientifiques, au nombre de près de 80. Les premiers âges de la vie sont des moments fondamentaux du développement de la personne humaine dont on souhaite étudier au plus près les transformations. Chaque enquête offre donc l’opportunité, d’une part de répéter les mêmes questions afin de saisir finement les changements familiaux et professionnels, d’autre part d’introduire de nouvelles thématiques pour être en phase avec les problématiques spécifiques à l’avancée en âge des enfants. Ces approfondissements ont porté par exemple sur les pratiques culturelles et le réseau social des parents (à 2 ans), l’entrée à l’école maternelle, les pratiques des repas en famille (à 3.5 ans), les troubles du comportement de l’enfant et les sociabilités enfantines (à 5.5 ans). Au prix d’arbitrages par l’équipe-projet veillant à l’équilibre des différentes disciplines scientifiques dans une entreprise de recherche multifactorielle, la durée des entretiens a toutefois pu être raccourcie au fil des enquêtes, les deux dernières étant d’un peu moins de 60 minutes par répondant.

    Figure 1. Les premières étapes du suivi

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    12Néanmoins la participation se réduit au fil des enquêtes téléphoniques. Le taux de réponse d’un parent référent – on entend par parent référent celui qui choisit de répondre au questionnaire le plus approfondi – s’établit à 90 % à 2 mois et 80 % à 1 an sur le total des familles recrutées en maternité. Il faiblit encore par la suite avec 74 % de participants à 2 ans et 64 % à 3,5 ans. Au total, on dispose d’une information longitudinale complète pour trois familles sur cinq, à savoir au moins un questionnaire référent pour chacune de ces quatre enquêtes, éventuellement complété par les réponses au questionnaire posé à l’autre parent (tableau 1). Ce degré de complétude ne doit pas inquiéter outre mesure car les besoins en données de la plupart des projets de recherche n’impliquent pas de disposer d’un longitudinal parfait. L’utilisation de deux points de collecte peut souvent suffire pour produire de nouvelles connaissances4.

    13L’effet de la charge des enquêtes répétées proposées aux familles sur leur propension à accepter d’y répondre est controversé. Si le niveau de leur participation est inversement proportionnel au temps consacré, faut-il privilégier des enquêtes plus fréquentes et moins longues ou au contraire moins rapprochées et plus approfondies ? Si au contraire l’espacement des temps d’enquête est de nature à démotiver les familles, faut-il adopter une stratégie visant à varier les modalités d’enquête, alternant interrogations par téléphone ou en face-à-face, par auto-questionnaire postal ou internet ? La réponse à ces questions diffère sans doute selon les catégories sociales. La perception du temps alloué à l’enquête n’est pas étroitement liée au temps objectivement disponible dans la vie quotidienne. Les mères sans emploi, donc a priori plus faciles à joindre en journée, peuvent considérer l’enquête comme une perte de temps au détriment de la recherche d’une activité professionnelle, tandis que celles ayant un emploi du temps plus contraint peuvent se sentir gratifiées en témoignant de leur expérience parentale. Par ailleurs, faire état des problèmes de santé de son enfant, de son développement psychomoteur ou langagier ou de sa sociabilité à la garderie ou à l’école peut induire chez certains parents un sentiment de contrôle social.

    Tableau 1 : Participation des familles aux différentes enquêtes téléphoniques

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    14Même si l’équipe coordinatrice a été attentive à ce que le contenu des questions ne véhicule pas de normes de bonne parentalité, être observé nourrit immanquablement une réflexion sur ses conditions d’existence et ses pratiques quotidiennes. Dans le domaine de la santé et de la prévention, il faut prendre soin de ne pas culpabiliser les parents ni influer sur leurs comportements spontanés pour ne pas biaiser la « normalité » des observations. De même pour les sciences sociales, les questions sur la foi religieuse ou le positionnement politique sont sensibles et ne nécessitent pas d’être réitérées étant des variables assez stables dans le temps. Les pratiques culturelles et les styles éducatifs fortement empreints de désirabilité sociale, par exemple les temporalités dans la vie de l’enfant (durée d’utilisation des écrans, horaires habituels de coucher, âges aux premières responsabilités…), sont posés au parent le plus à même d’apporter une réponse fidèle (le référent). Lorsque le moment sera venu d’interroger directement les enfants, se posera la question de leur expression sincère, par exemple sur leurs relations avec leurs parents et leur fratrie, leur épanouissement dans l’espace vécu du logement et du quartier5.

    15La cohorte Elfe est initialement, compte tenu des pondérations et redressements appliquées aux familles recrutées, représentative de la population des enfants nés en 2011. Cette représentativité s’altère avec l’attrition sélective au fil du temps, les ajustements statistiques post-collecte s’avérant de moins en moins fiables, avec des poids de pondération très élevés pour certaines catégories de familles se raréfiant. L’attrition résulte soit d’une demande des familles de ne plus être contactées, soit d’une décision de l’équipe de coordination de retrait des familles n’ayant répondu à aucune ou quasiment aucune enquête après le consentement en maternité, ce qui a été fait à partir de l’enquête à 2 ans. Au total 10,9 % des familles recrutées en maternité n’ont pas été contactées à l’enquête à 3,5 ans (tableau 1). Cinq ans après son lancement, 11,7 % des familles ont demandé par écrit à ne plus être contactées ou, cas le plus fréquent, ont été radiées sur décision de l’équipe en raison d’une participation trop faible aux différentes enquêtes proposées.

    16La diversité sociale des familles actives permet de poursuivre l’objectif d’une recherche des enchainements biographiques, des interactions entre facteurs et de validation de certaines hypothèses causales. Ce programme de recherche n’a pas vocation à se substituer aux outils de la statistique publique conçus pour la description sociodémographique structurelle et l’établissement de séries temporelles relatives à la fréquence de comportements ou d’attitudes. Toute démarche explicative ne portera ses fruits qu’avec une profondeur longitudinale suffisante. La mise à disposition des données Elfe prend environ deux ans et demi après la fin d’une étape de collecte. Les publications scientifiques devraient donc s’accélérer afin de justifier les financements investis par les pouvoirs publics. Les enjeux de cette ingénierie du temps sont donc d’obtenir le financement de la cohorte pendant l’adolescence, de limiter son attrition, d’augmenter la notoriété du projet en stimulant des projets collaboratifs internationaux, de faciliter l’accès aux données en réduisant les temps de mise à disposition.

    La représentativité de l’échantillon : souvent invoquée, jamais définie

    17Une enquête statistique par sondage aléatoire permet de constituer un échantillon représentatif d’une population particulière, appelée la population cible. La population cible Elfe est représentée par l’ensemble des nourrissons vivants, nés en 2011 en maternité métropolitaine, issus d’un accouchement au plus gémellaire, hors grands prématurés, sous critère d’éligibilité6. Affirmer que la cohorte Elfe est représentative de la population cible signifie que tous les résultats trouvés avec cet échantillon sont valables (on dira aussi extrapolables ou généralisables) pour l’ensemble de la population cible. C’est bien ce que l’on attend d’une enquête par sondage : connaître une population en n’en sondant qu’une partie moyennant une incertitude mesurable (la marge d’erreur ou l’intervalle de confiance).

    18Pourtant ce raisonnement connait des limites. Par exemple, il ne viendrait pas à l’idée de vouloir mieux connaître une population difficile à joindre comme les sans domicile fixe à partir d’un échantillon dit représentatif de la population française. De même les valeurs extrêmes ou rares, comme les plus hauts revenus, sont des paramètres de l’échantillon que l’on n’extrapolera pas à la population. Toute information déduite d’un échantillon dit représentatif n’est pas généralisable à la population7.

    19Ces quelques exemples révèlent l’usage abusif de la notion de représentativité appliquée à un échantillon quelconque. Pourtant l’extrapolation (appelée aussi raisonnement d’inférence), qui consiste à induire les caractéristiques d’un échantillon sur une population, repose sur de solides théories mathématiques. En enquêtant exhaustivement tous les individus de la population cible, on pourrait mesurer un certain nombre de paramètres. Ceux-ci peuvent être de différentes natures comme un total (le nombre d’enfant handicapés), une moyenne (la durée moyenne à jouer dehors ou passée sur les écrans), un ratio (le pourcentage d’enfant en garde alternée), ou un paramètre analytique comme un coefficient de corrélation, une distance du χ2, un odds-ratio, les paramètres d’un modèle, etc. En pratique, on n’enquêtera qu’une partie de la population pour produire les valeurs estimées de ces paramètres ; leurs valeurs véritables dans la population totale restant inconnues. Ainsi seront produites des estimations et c’est l’utilisation des probabilités qui assurera que les estimations produites ne s’éloignent pas trop des valeurs vraies.

    20Dans une approche statistique basée sur le plan de sondage, on encadre l’estimation par un intervalle de confiance que l’on déduit du plan de sondage8. L’enquête Elfe permet par exemple d’affirmer, au seuil de confiance de 95 %, que parmi les femmes ayant accouché en 2011 en France métropolitaine, entre 10,0 % et 11,3 % souffraient d’obésité. Cette affirmation est réalisée sous l’hypothèse d’une absence de biais de l’estimateur et la notion de représentativité repose finalement sur le caractère raisonnable de cette hypothèse. L’utilisateur souhaitant inférer l’estimation d’un paramètre à la population cible doit donc pouvoir contrôler les biais de l’estimateur du paramètre. On comprend alors la difficulté qu’il y a à définir la représentativité au niveau d’un échantillon alors que celle-ci dépend de l’estimateur du paramètre que l’on considère. Pour une enquête donnée, connaissant les paramètres que l’on souhaite inférer et la précision que l’on souhaite obtenir sur ces paramètres, l’échantillon sera parfois qualifié de représentatif, par abus de langage, tout simplement s’il remplit ses objectifs de recherche. Dans une enquête à large spectre d’observation comme Elfe, il est nécessaire que l’utilisateur des données ait la possibilité de contrôler les biais de chaque paramètre qu’il souhaite inférer à la population cible.

    21Les sources potentielles de biais apparaissent sous forme d’erreurs à toutes les étapes du processus d’enquête. On distingue :

    22– les erreurs de couverture qui proviennent d’une différence entre la base de sondage sur laquelle on s’appuie pour sélectionner l’échantillon et la population cible. Il s’agit par exemple dans le cas de Elfe des femmes qui accouchent à domicile. L’utilisateur des données doit avoir conscience de ces limites inhérentes à toute enquête et de l’influence qu’elles peuvent avoir sur le paramètre qu’il cherche à estimer. Dans le cas de l’enquête Elfe, ce défaut est partiellement connu et corrigé à travers la pondération ;

    23– les erreurs d’échantillonnage, qui découlent du fait que l’on n’a pas interrogé toute la population mais seulement un échantillon. Dans le cas d’une enquête probabiliste, cette erreur peut être estimée. Elle dépend du taux de sondage, de la variabilité de la caractéristique étudiée dans la population et du plan de sondage. Les poids de sondage initialement choisis servent de base aux pondérations. Pour l’enquête Elfe, les maternités de grandes tailles ayant été préférentiellement sélectionnées, cette distorsion est parfaitement connue et corrigée par l’inverse des poids de sondage, à la différence des jours d’enquête sélectionnés, eux aussi parfaitement connus mais non-corrigés ;

    24– les erreurs de non-réponse, qui proviennent de la différence entre la valeur du paramètre estimé sur l’échantillon des répondants et celui que l’on aurait estimé sur l’ensemble de l’échantillon sélectionné par le plan de sondage. Cette erreur fait l’objet d’une correction par ajustement des poids de sondage (redressement) ;

    25– les erreurs d’observation qui résultent de la qualité des données recueillies, par exemple des erreurs instrumentales pour les dosages biologiques dans Elfe, ou encore des déclarations erronées aux questions sensibles, bien connues des sociologues. Elles ne sont pas systématiquement signalées par les concepteurs d’enquête mais doivent évidemment être prises en compte dans les analyses.

    26Connaissant ces sources de biais, l’utilisateur des données d’enquête évalue leur possible influence sur le paramètre étudié. L’erreur due au phénomène de non-réponse mérite une attention particulière. En pratique l’utilisateur des données identifie l’influence de la non-réponse sur son paramètre en choisissant parmi trois hypothèses :

    27Missing At Random (MAR) : la non-réponse est aléatoire et ne dépend que de variables observées. Pour éviter une mauvaise interprétation du terme aléatoire, on pourra dire qu’elle est aléatoire conditionnellement à ces variables. Il est alors possible sous cette hypothèse de corriger ce biais, en utilisant par exemple un estimateur pondéré.

    28Missing Completly At Random (MCAR) : est un cas particulier du MAR, où la non-réponse est aléatoire et ne dépend d’aucune variable observée ou non-observée, on la dit alors ignorable. Du point de vue de ce paramètre, l’échantillon des répondants est un tirage au sort de l’échantillon sélectionné. Aucun biais n’est introduit sur l’estimateur par la non-réponse. Il est équivalent d’utiliser un estimateur pondéré ou non-pondéré. On peut faire cette hypothèse pour de nombreux paramètres analytiques et certains paramètres descriptifs en considérant qu’ils présentent la même distribution chez les répondants et non-répondants. Cela revient à supposer que le paramètre est indépendant de toutes les causes (inconnues) de non-réponse.

    29Missing Not At Random (MNAR) : la non-réponse est aléatoire mais dépend de variables qui n’ont pas été observées, elle est dite non-ignorable. Il n’est alors pas possible de corriger simplement ce biais, et l’estimateur même pondéré reste biaisé.

    La correction des biais dus à la non-réponse dans l’enquête Elfe

    30Les pondérations fournies avec l’enquête Elfe sont issues d’un ajustement des poids de sondage en vue de corriger la non-réponse9. Pour cela, on mobilise une information disponible conjointement chez les répondants et non-répondants que l’on a collectée en maternité. Cette information montre que les plus jeunes mères, les ouvrières, les sans-professions, les étudiantes, les mères sans activité au moment de la grossesse, les mères qui ne vivent pas en couple, nées à l’étranger… ont moins fréquemment participé. Des groupes d’individus dits homogènes sont créés suivant un modèle de régression et les non-répondants sont « compensés » par des répondants d’un groupe identique en augmentant le poids de ces derniers. L’hypothèse est alors qu’au sein de chaque groupe le phénomène de non-réponse est homogène, c’est-à-dire ignorable (MCAR). En utilisant l’estimateur pondéré, l’hypothèse de l’absence de biais de l’estimateur d’un paramètre MAR devient faible. Une deuxième étape d’ajustement des poids est réalisée dans l’enquête Elfe ; il s’agit d’un calage sur des marges des statistiques de l’État civil et de l’Enquête nationale périnatale. Les marges choisies concernent l’âge, la région, l’état matrimonial, le statut immigré, le niveau d’étude et la primiparité. Le calage vise à améliorer la précision des estimateurs et leur cohérence entre ces différentes sources.

    31Concrètement, une estimation non-pondérée du revenu moyen à partir de l’enquête Elfe revient à faire l’hypothèse que le revenu est indépendant de la non-réponse et du plan de sondage. Les répondants et non-répondants auraient la même distribution de revenu, ce qui apparaît être une hypothèse forte et peu vraisemblable. Une estimation pondérée reposerait quant à elle sur une hypothèse différente. Considérant les variables observées et utilisées pour la repondération, on pourrait la formuler ainsi : pour une CSP et un âge donnés (et les autres variables du modèle), le revenu est indépendant de la non-réponse. Cette hypothèse apparaît d’autant plus raisonnable que la non-réponse et/ou le paramètre sont bien expliqués par le modèle de régression. Dans le cas contraire, c’est-à-dire quand cette hypothèse est trop audacieuse parce que l’on sait qu’il existe un lien fort entre la non-réponse et le paramètre, un lien relativement indépendant des variables du modèle de correction de la non-réponse, alors la non-réponse n’est pas ignorable et l’estimateur est biaisé.

    32Si certaines des mesures descriptives apparaîtront probablement biaisées, il n’en sera pas forcément de même pour un paramètre de liaison analytique comme un coefficient de corrélation. L’hypothèse selon laquelle le lien (une distance du χ2 par exemple) entre revenu et pratique culturelle n’est pas biaisé par la non-réponse, apparaîtrait tout à fait raisonnable. En effet, on peut penser que de ce point de vue, les répondants et les non-répondants présentent une distribution de ce lien équivalente.

    33La correction des biais dus à la non-réponse repose sur une analyse du mécanisme de non-réponse. Plus il est possible d’intégrer des informations concernant les répondants et les non-répondants, meilleure sera la modélisation du mécanisme, et meilleure sera la correction du biais. Mais plus le modèle collera aux données, plus les probabilités de réponses estimées par le modèle seront dispersées et conduiront à des poids eux aussi dispersés. On est donc confronté à un nécessaire arbitrage entre le biais et la variance puisque la correction du biais implique une augmentation de la variance des poids. Celle-ci rend les estimateurs pondérés instables et nuit in fine à la cohérence longitudinale des poids. Ainsi, la correction des biais dus à la non-réponse implique de choisir le meilleur compromis possible entre correction du biais et dispersion des poids.

    34L’enquête Elfe est une cohorte et subit un phénomène d’attrition de l’échantillon correspondant aux inévitables abandons et pertes de vue des participants au fil du temps. Cette attrition est un phénomène de non-réponse différentielle qui voit s’amoindrir certaines catégories de la population plus rapidement que les autres. Si l’échantillon évolue dans le temps, la population cible restera quant à elle identique. En l’absence de nouveaux entrants dans la cohorte, la différence sera compensée par une pondération toujours plus hétérogène impliquant des poids très élevés pour certaines catégories de répondants. Lors des traitements statistiques mobilisant spécifiquement ces catégories, il sera utile d’indiquer le nombre de répondants réellement mobilisés et les poids moyens des classes construites. Les analyses mises en jeu révéleront ainsi les éventuelles contorsions nécessaires sur lesquelles elles reposent. Ceci afin de pouvoir apprécier la vraisemblance de l’hypothèse d’absence de biais nécessaire à l’extrapolation.

    L’attrition, talon d’Achille de l’observation longitudinale
    Xavier Thierry
    L’attrition, dans une enquête longitudinale, désigne le fait que certaines informations qu’il a été prévu de recueillir ne peuvent l’être du fait que des personnes cessent de répondre à l’enquête. On peut distinguer trois facteurs d’attrition. Le premier concerne les individus ne remplissant plus l’un des critères requis pour être enquêtés et se trouvant de facto hors champ (ils sont décédés, ont déménagé hors de la zone couverte ou encore sont entrés en institution alors même que le protocole ne prévoit pas ce lieu d’enquête). Le deuxième facteur concerne les personnes injoignables (coordonnées postales ou téléphoniques caduques, injoignables du fait d’une absence de longue durée ou d’une incapacité, etc.). La troisième source d’attrition correspond aux individus refusant de continuer de répondre aux enquêtes, par lassitude, méfiance, réticence ou sensation de harcèlement. L’attrition peut être définitive lorsque le lien avec la personne est irrémédiablement rompu, mais une forme atténuée existe lorsque la personne n’a pas participé à certaines phases de collecte.
    La part respective de ces trois facteurs est variable d’une enquête à l’autre. La fréquence des personnes sortant du champ de l’enquête ou injoignables est d’autant plus élevée que la population est âgée et donc sujette à des incapacités à répondre ou au risque de décès, ou bien jeune et alors plus mobile géographiquement. Les refus de répondre dépendent à la fois de l’intérêt que suscite le thème de l’enquête, de la confiance des personnes sondées vis-à-vis de l’institution porteuse du projet, des arguments des enquêteurs en cas de refus de répondre, argumentation plus ou moins aisée à faire valoir selon le mode d’interrogation (entretien en face-à-face, par téléphone ou auto-questionnaire sur support papier ou internet).
    Des solutions existent pour limiter les pertes dues aux personnes injoignables : recueil lors de la première phase de collecte, de multiples coordonnées postales et téléphoniques, possibilité pour un panéliste d’informer spontanément sur ses nouvelles coordonnées, recours à une personne relai pouvant renseigner sur la nouvelle adresse, mise à jour manuelle des coordonnées dans des annuaires ou, si possible, en interrogeant des bases de données externes[1]. Afin de réduire les refus de répondre, il convient de sensibiliser l’ensemble des participants aux buts et résultats de l’enquête, éventuellement d’accorder des gratifications monétaires ou non, et pour les personnes les plus réticentes, de mettre en œuvre des solutions proactives : envoi de courrier de relance, confier les prises de contacts les plus délicates à des enquêteurs aguerris, proposer des modes de réponse alternatifs à la méthode de recueil adoptée, etc. Il est parfois possible de recourir à une personne du ménage pour se substituer au non-répondant. Dans l’étude longitudinale française depuis l’enfance (Elfe), le second parent peut devenir le principal informateur sur l’enfant et son milieu socioéconomique. Cette option est possible seulement si les informations recherchées ne sont pas exclusivement attachées à la personne répondante.
    Dans un sens plus large, l’attrition se manifeste également dans le cas de suivis longitudinaux reposant sur une observation dite passive de la situation des personnes au travers de sources administratives. L’attrition découle dans ce cas plutôt d’imperfections de la couverture des systèmes d’information : par exemple l’abolition de l’universalité du recensement de population a impacté l’Échantillon démographique permanent de l’Insee (cf. encadré), doublement alimenté par les bulletins statistiques d’état civil et les recensements. Il arrive également que le suivi se heurte à la discontinuité des identifiants, tels que ceux des élèves d’un cycle d’enseignement à l’autre.
    La non-réponse dans les enquêtes à passages répétés est susceptible de déformer la structure de l’échantillon et de nuire à sa représentativité initiale. Si les caractéristiques spécifiques des personnes non répondantes ne sont pas liées au sujet étudié, l’estimation produite à partir des seuls individus répondants n’est pas biaisée. C’est le cas lorsque les sorties d’observation sont celles d’individus ne répondant plus aux critères d’éligibilité. Mais, le plus souvent, les non répondants ont des caractéristiques qui les distinguent des répondants et il est difficile de savoir dans quelle mesure ces caractéristiques sont liées à chacune des variables d’intérêt, nombreuses dans une enquête généraliste. Ces individus sont susceptibles de présenter un profil social particulier et dont la disparition est de nature à biaiser sensiblement les résultats. Il s’agit en règle générale des personnes les plus démunies en ressources de toutes sortes. Faute de contact possible avec les individus perdus de vue, on ignore si leur non-réponse est involontaire ou masque un refus déguisé. Les responsables de l’enquête peuvent donc les conserver dans la population enquêtable lors des interrogations ultérieures ou bien procéder à leur radiation seulement après un certain délai. Pour l’enquête de l’Insee sur les revenus et les conditions de vie des ménages en France (SRCV) et la cohorte Elfe, l’absence de participation pendant deux étapes de collecte s’est soldée par leur retrait d’office[2]. L’attrition est un phénomène cumulatif croissant avec la durée du suivi, mais elle peut toutefois se ralentir au fil du temps, les catégories dont la participation est la plus fragile s’étant retirées. Certaines enquêtes longitudinales comme SRCV et l’Enquête Emploi se proposent de résoudre la perte de représentativité qui découle de l’attrition, en faisant entrer de nouveaux individus dans l’échantillon, choisis parce qu’ils possèdent les caractéristiques de ceux qui ne sont plus enquêtés. Cette solution du panel rotatif remédie à court terme aux inconvénients de l’attrition mais parmi ces personnes nouvellement introduites, le phénomène d’attrition se reproduira dans le temps et sans doute selon les mêmes causalités.
    La qualité des données longitudinales dépend donc, outre l’ampleur de cette attrition, des caractéristiques spécifiques des individus non-répondants et de la possibilité de pouvoir corriger de façon satisfaisante la déformation de l’échantillon. Ici intervient le calcul de poids de pondération résultat d’une modélisation statistique de la non-réponse, puis la vérification in fine que la distribution de la population enquêtée sur certains critères sociodémographiques simples (sexe, âge, niveau d’étude, zone de résidence…) est semblable à celle de la population de référence[3]. Afin que ce soit le cas il est d’usage d’opérer un redressement de l’échantillon selon la méthode du calage sur marges à partir de statistiques connues par ailleurs. Ces valeurs de pondérations deviennent partie intégrante du jeu de données pour les utilisateurs.
    Le taux d’attrition est mesuré soit en divisant le nombre de personnes définitivement sorties d’observation depuis le début du suivi par l’effectif initial de l’échantillon, soit en calculant un taux instantané spécifique à une étape de collecte, en effectuant le rapport du nombre de sorties entre deux dates d’enquête à l’effectif des personnes contactées à la première. Dans SRCV, l’attrition totale s’établit à environ 60 % au terme de 9 années de suivi annuel, alors que dans l’enquête sur les relations familiales et intergénérationnelles (Erfi), le taux d’attrition est de 43 % sur 6 ans, ponctuées de trois enquêtes[4].
    Il n’existe pas de seuil au-delà duquel le niveau cumulé de l’attrition condamnerait la poursuite du suivi pour inférer valablement à une population cible. La réduction des effectifs affecte graduellement la précision statistique des résultats. Autre préjudice : lorsque les pertes sont très importantes pour certains segments de l’échantillon, la pondération aboutit à conférer à des individus rares des poids extrêmement élevés. Il est possible d’anticiper cette attrition sélective en surreprésentant certaines catégories d’individus au moment du tirage de l’échantillon. L’intérêt scientifique de données longitudinales soulève des défis nouveaux en termes de communication et d’organisation pratique d’enquête, moins prégnants dans les recueils de données transversaux ou rétrospectifs.
    Pour en savoir plus
    Burricand C. et Lorgnett J.-P., « L’attrition dans SRCV : déterminants et effets sur la mesure des variables monétaires », Économie et statistique, no 469-470, 2014, p. 19-35.
    Davezies L. et d’Haultfoeuille X., « Faut-il pondérer ? Ou l’éternelle question de l’économètre confronté à des données d’enquête », Document de travail de l’INSEE, no G2009/06, 28 p.
    Régnier-Loilier A. et Guisse N., « Attrition et déformation de l’échantillon au fil des vagues de l’enquête Erfi », in Régnier-Loilier A. (dir.), Parcours de familles. Collection « Grandes Enquêtes », Paris, Ined, 2016, p. 53-86.
    Laurie H., « Minimizing panel attrition », in Menard S. (dir.), Longitudinal research. Design, Measurement and Analysis, Amsterdam, Elsevier, 2008, p. 167-184.
    [1] Laurie H., « Minimizing panel attrition », in Menard S. (dir.), Longitudinal research. Design, Measurement and Analysis, Amsterdam, Elsevier, 2008, p. 167-184.
    [2] Burricand C. et Lorgnett J.-P., « L’attrition dans SRCV : déterminants et effets sur la mesure des variables monétaires », Économie et statistique, no 469-470, 2014, p. 19-35.
    [3] Davezies L. et d’Haultfoeuille X., « Faut-il pondérer ? Ou l’éternelle question de l’économètre confronté à des données d’enquête », Document de travail de l’INSEE, no G2009/06, 28 p.
    [4] Régnier-Loilier A. et Guisse N., « Attrition et déformation de l’échantillon au fil des vagues de l’enquête Erfi », in Régnier-Loilier A. (dir.), Parcours de familles, coll. « Grandes Enquêtes », Paris, Ined, 2016, p. 53-86.

    Être une famille Elfe

    35Derrière chaque enfant, il y a le plus souvent une mère et un père. Or force est de constater que ce dernier est moins investi. À partir de l’enquête à 1 an, il était possible que ce dernier devienne le parent référent, c’est-à-dire celui qui répond au questionnaire le plus approfondi. À 3,5 ans, le protocole prévoyait d’interroger par téléphone un seul des deux parents, l’invitation était ainsi plus explicite pour que le père se substitue à la mère pour répondre. Le nombre de pères devenus référent reste cependant marginal.

    36Lorsque l’enfant vit avec ses deux parents et que la mère a répondu à une enquête, les pères sont non-répondants dans environ 20 % des cas. Lorsque les parents sont séparés et que l’enfant vit par exemple avec sa mère, la proportion s’accroît énormément : les pères manquent à l’appel dans près de 80 % des cas. Il s’agit certes le plus souvent de couples qui se sont séparés rapidement après la naissance de l’enfant, dans lesquels les rôles paternels sont encore fragiles. Un tiers des enfants vivant seuls avec leur mère à 1 an ne voit plus leur père. Les séparations ultérieures auront sans doute un impact moins marqué sur la continuité de la participation du couple parental, mais elles peuvent aussi devenir un point de discorde. En cas de recomposition familiale, le nouveau conjoint pourrait être sollicité dès lors qu’il assume un rôle éducatif mais l’accord préalable du père, détenteur de l’autorité parentale, sera nécessaire.

    37Ces changements de situation familiale nous rappellent que l’engagement des parents à la maternité est révocable à tout moment et qu’il n’engage pas des tierces personnes. Le recueil des données s’effectue pour l’essentiel à l’aide de questionnaires posés au téléphone, le coût plus élevé des enquêtes à domicile obligeant à les réserver pour des besoins de collecte spécifiques, notamment quand un contact direct avec l’enfant est nécessaire. À moindres frais, ces recueils peuvent être complétés par la récupération de données administratives. C’est le cas notamment des informations de l’Assurance maladie pour lesquels un consentement parental est juridiquement nécessaire. Il a été obtenu pour 95 % des enfants lors de l’enquête en maternité. Ce mode de suivi, passif, permet d’alléger les questionnaires et de disposer d’informations plus fiables et plus précises que les données auto-déclarées. Certains des chercheurs en sciences sociales souhaiteraient disposer d’un équivalent des données de santé à apparier aux réponses aux enquêtes, par exemple sur la scolarité des enfants à partir de fichiers de l’Éducation nationale. Mais Base-Elèves est pauvre et son accès est limité aux services statistiques ministériels tandis que la récupération des résultats individuels aux évaluations nationales à l’école primaire, lorsqu’elles existent, est entravée par l’anonymisation à la source.

    38Une alternative à ces appariements est de s’en remettre à des professionnels qui sont en contact avec l’enfant et donc susceptibles de collecter des informations à son propos. Cela a été fait avec le médecin traitant de l’enfant à l’âge de 2 ans et avec son enseignant de maternelle à l’âge de 5 ans. Ce mode de recueil est une source d’information sans doute plus objective ou mieux informée que celle qui consiste à interroger les parents mais il reste subordonné à leur accord. Il a été décidé pour ces deux enquêtes, non pas d’obtenir de ces derniers un accord de principe pour que l’équipe de coordination sollicite directement ces professionnels, mais que les parents demandent eux-mêmes au médecin ou à l’enseignant s’il accepte de remplir un questionnaire ou de faire réaliser des tests à l’enfant. Cette démarche parentale est peu exigeante - elle peut être faite à l’occasion d’une consultation médicale ou lorsque les parents rencontrent l’enseignant concerné. Elle ne sélectionne donc pas les participants sur le temps qu’ils veulent bien consacrer à l’étude. Cependant d’autres freins à la participation peuvent en être la conséquence : telle que la réticence à révéler que son enfant fait partie de la cohorte, à ce qu’il soit évalué par une tierce personne au-delà de ce que prescrivent les obligations sanitaires et scolaires. Ces freins sont réels car ces deux collectes ont été effectives pour seulement la moitié des enfants.

    39En dépit de tous les efforts faits pour fidéliser les familles (réponse personnalisée à leurs courriers, envoi de cadeau d’anniversaire à l’enfant, de cartes de vœux, de lettre d’information aux parents, invitation à poser des questions aux chercheurs lors de conférence web, etc.), une fraction d’entre elles se démotive. La liste des actions de communication, déjà longue, devra donc continuer à s’étoffer, notamment en recherchant l’adhésion des enfants eux-mêmes.

    40Les actions de communication en direction des familles ont été jusqu’ici indifférenciées : celles-ci reçoivent toutes les mêmes lettres-avis pour annoncer qu’elles seront contactées pour une nouvelle enquête, les mêmes messages de relance pour celles n’y ayant pas répondu après un certain laps de temps, les mêmes communiqués sur les premiers résultats de recherche présentés dans une newsletter. La continuité de l’engagement des familles au projet peut passer par une relation plus individualisée, en modulant le contenu des messages aux caractéristiques des familles ou à leur degré de participation afin de renforcer l’intérêt et l’adhésion (voire la mauvaise conscience !). Les réseaux sociaux internet (par exemple l’ouverture d’un compte Elfe sur Facebook) de nature à développer un esprit de communauté n’ont jusqu’ici pas été utilisés de crainte de perdre la maîtrise de la communication ou de générer des prises de conscience sélectives susceptibles d’altérer les réponses. Une espace web réservé aux familles Elfe existe déjà pour diffuser des informations sur un mode uniquement descendant mais, en l’absence de forum, les familles ne peuvent interagir entre elles. Cette précaution découle du principe sous-jacent de la préservation de leur anonymat à l’appartenance à l’étude Elfe, bien entendu dans les données non identifiantes transmises aux chercheurs en vertu du secret statistique, mais aussi simplement sur leur statut de membre vis-à-vis de tiers. On peut aussi imaginer que les résultats de recherche soient adressés aux familles sous la forme de retours personnalisés, positionnant leur enfant par rapport à une situation moyenne. C’est une démarche innovante, testée pour l’enquête aux 5 ans et demi des enfants, qui, dans la mesure des moyens, mérite d’être envisagée pour renforcer l’identité et le sentiment d’être une famille Elfe.

    Notes de bas de page

    1  Robert-Bobée I., « Étudier la fécondité en France à l’aide de l’échantillon démographique permanent », Courrier des statistiques, no 117-119, 2006, p. 15-20.

    2  Pirus C., Leridon H., « Les grandes cohortes d’enfants dans le monde », Population, no 4, vol. 65, 2010, p. 671-730.

    3  Berton F., « Deux mois après une naissance : quelle conciliation travail-famille en France dans les années 2010 ? », Revue Interventions Économiques, no 53, septembre 2015.

    4  Panico L., Tô M. et Thévenon O., « La fréquence des naissances de petit poids : quelle influence a le niveau d’instruction des mères ? », Population et Sociétés, no 523, 2015 ; Wagner S., Kersuzan C., Gojard S., Tichit C., Nicklaus S., Geay B., Thierry X. et al., « Durée de l’allaitement en France selon les caractéristiques des parents et de la naissance. Résultats de l’étude longitudinale française Elfe, 2011 », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, no 29, septembre 2015, p. 522-532.

    5  Pirus C., « Réflexions sur les apports et les limites de la cohorte pluridisciplinaire Elfe dans la connaissance des lieux de vie des enfants », Revue française des affaires sociales, no 1-2, 2013, p. 144-163.

    6  Ayant une mère majeure, en mesure de donner un consentement éclairé notamment dans l’une des langues proposées (français, anglais, arabe ou turc) et dont les parents ne résidaient pas temporairement en métropole.

    7  Dans l’enquête Elfe, un utilisateur souhaitant travailler sur les signes astrologiques se trouvera devant une distribution tronquée du fait du plan de sondage n’ayant sélectionné que 4 périodes de naissance. Les enfants de l’échantillon sont Bélier, Cancer, Balance ou Sagittaire. C’est ici un choix assumé des concepteurs, l’analyse des signes astrologiques et de leurs éventuels effets n’étant pas un objectif de l’enquête : certains le regretteront !

    8  Juillard H., « Estimation de la variance pour l’enquête Elfe – Rapport méthodologique pour l’utilisateur », Document de travail de l’Ined, no 226, 2016, 20 pages.

    9  Juillard H., Thierry X., Razafindratsima N., Bringé A. et Lanoë J.-L., Pondérations de l’enquête Elfe en maternité. Rapport technique, 2013, [https://pandora.vjf.inserm.fr/public/].

    Auteurs

    • Xavier Thierry
      Démographe, chargé de recherche à l’Institut national d’études démographiques (INED).
    • Thomas Pilorin
      Ingénieur agronome, statisticien à l’Institut national d’études démographiques (INED)
    • Jean-Louis Lanoë
      Économiste, chargé d’étude, INED.
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    1  Robert-Bobée I., « Étudier la fécondité en France à l’aide de l’échantillon démographique permanent », Courrier des statistiques, no 117-119, 2006, p. 15-20.

    2  Pirus C., Leridon H., « Les grandes cohortes d’enfants dans le monde », Population, no 4, vol. 65, 2010, p. 671-730.

    3  Berton F., « Deux mois après une naissance : quelle conciliation travail-famille en France dans les années 2010 ? », Revue Interventions Économiques, no 53, septembre 2015.

    4  Panico L., Tô M. et Thévenon O., « La fréquence des naissances de petit poids : quelle influence a le niveau d’instruction des mères ? », Population et Sociétés, no 523, 2015 ; Wagner S., Kersuzan C., Gojard S., Tichit C., Nicklaus S., Geay B., Thierry X. et al., « Durée de l’allaitement en France selon les caractéristiques des parents et de la naissance. Résultats de l’étude longitudinale française Elfe, 2011 », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, no 29, septembre 2015, p. 522-532.

    5  Pirus C., « Réflexions sur les apports et les limites de la cohorte pluridisciplinaire Elfe dans la connaissance des lieux de vie des enfants », Revue française des affaires sociales, no 1-2, 2013, p. 144-163.

    6  Ayant une mère majeure, en mesure de donner un consentement éclairé notamment dans l’une des langues proposées (français, anglais, arabe ou turc) et dont les parents ne résidaient pas temporairement en métropole.

    7  Dans l’enquête Elfe, un utilisateur souhaitant travailler sur les signes astrologiques se trouvera devant une distribution tronquée du fait du plan de sondage n’ayant sélectionné que 4 périodes de naissance. Les enfants de l’échantillon sont Bélier, Cancer, Balance ou Sagittaire. C’est ici un choix assumé des concepteurs, l’analyse des signes astrologiques et de leurs éventuels effets n’étant pas un objectif de l’enquête : certains le regretteront !

    8  Juillard H., « Estimation de la variance pour l’enquête Elfe – Rapport méthodologique pour l’utilisateur », Document de travail de l’Ined, no 226, 2016, 20 pages.

    9  Juillard H., Thierry X., Razafindratsima N., Bringé A. et Lanoë J.-L., Pondérations de l’enquête Elfe en maternité. Rapport technique, 2013, [https://pandora.vjf.inserm.fr/public/].

    Comprendre le social dans la durée

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    Ce livre est cité par

    • (2019) Culture et Société La différenciation sociale des enfants. DOI: 10.3917/puv.depoi.2019.01.0365
    • Gauthier, Yannick. (2019) « Devenir quelqu’un ». (Re)valorisation de l’identité sociale par les bénéfices symboliques de l’engagement participatif. Participations, N° 24. DOI: 10.3917/parti.024.0111

    Ce chapitre est cité par

    • Berger, Lawrence M.. Panico, Lidia. Solaz, Anne. (2021) The Impact of Center-Based Childcare Attendance on Early Child Development: Evidence From the French Elfe Cohort. Demography, 58. DOI: 10.1215/00703370-8977274
    • Gurgand, Lilas. Lamarque, Loïa. Havron, Naomi. Bernard, Jonathan Y.. Ramus, Franck. Peyre, Hugo. (2023) The influence of sibship composition on language development at 2 years of age in the ELFE birth cohort study. Developmental Science, 26. DOI: 10.1111/desc.13356

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    Thierry, X., Pilorin, T., & Lanoë, J.-L. (2018). 2. La cohorte Elfe : de quels enfants est-elle et sera-t-elle représentative ?. In J. Cayouette-Remblière, B. Geay, & P. Lehingue (éds.), Comprendre le social dans la durée (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.145492
    Thierry, Xavier, Thomas Pilorin, et Jean-Louis Lanoë. « 2. La cohorte Elfe : de quels enfants est-elle et sera-t-elle représentative ? ». In Comprendre le social dans la durée, édité par Joanie Cayouette-Remblière, Bertrand Geay, et Patrick Lehingue. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2018. https://doi.org/10.4000/books.pur.145492.
    Thierry, Xavier, et al. « 2. La cohorte Elfe : de quels enfants est-elle et sera-t-elle représentative ? ». Comprendre le social dans la durée, édité par Joanie Cayouette-Remblière et al., Presses universitaires de Rennes, 2018, https://doi.org/10.4000/books.pur.145492.

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    Cayouette-Remblière, J., Geay, B., & Lehingue, P. (éds.). (2018). Comprendre le social dans la durée (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.145417
    Cayouette-Remblière, Joanie, Bertrand Geay, et Patrick Lehingue, éd. Comprendre le social dans la durée. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2018. https://doi.org/10.4000/books.pur.145417.
    Cayouette-Remblière, Joanie, et al., éditeurs. Comprendre le social dans la durée. Presses universitaires de Rennes, 2018, https://doi.org/10.4000/books.pur.145417.
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