1. Construire sa base de données
Le cas des parcours résidentiels d’une cohorte de familles sans-domicile hébergées à l’hôtel en 2009
p. 27-47
Texte intégral
1« En dix ans, le visage des sans-logis a changé1 » titrait récemment le journal Le Monde, dans un article qui se faisait l’écho des premiers résultats de la dernière enquête Sans-domicile2. Dix ans après l’enquête pionnière de 2001, c’est aussi le visage de la statistique publique portant sur les personnes privées de logement qui n’est plus tout à fait le même. Si les années 1990 ont marqué la fin d’une certaine cécité statistique longtemps pointée du doigt par les acteurs de terrain et le début de la lente gestation des enquêtes quantitatives consacrées aux sans-domicile, la décennie suivante a vu émerger, en marge des grandes enquêtes nationales, de nouveaux protocoles de collectes de données territorialisées adoptant plus volontiers un point de vue longitudinal.
2Sans rester aveugles aux parcours résidentiels et aux conditions d’accès à un hébergement, les enquêtes françaises lancées au niveau hexagonal demeurent essentiellement transversales3 et se bornent à enregistrer « la position des individus dans l’espace des conditions d’habitation à une date précise4 ». La mise en perspective longitudinale suppose, tout d’abord, l’adoption d’une vision des sans-domicile comme un ensemble d’individus inscrits dans un « continuum de positions5 » plus ou moins précaires vis-à-vis du logement6. Au-delà de la volonté, aujourd’hui partagée, de rendre compte des conditions socioéconomiques qui conduisent à cette position, l’approche longitudinale que nous proposons d’adopter accorde une attention particulière à la sortie de la situation et aux processus sociaux qui la rendent (ou non) possible. La traduction empirique d’une telle ambition scientifique, exigeait, dans le contexte de notre enquête, la mise en place d’un protocole de collecte de données hétérogènes enregistrées au sein de plusieurs fichiers de gestion municipaux. La première partie de cette contribution7 reviendra sur la genèse de cette recherche (I), ses partis pris méthodologiques et son inscription dans la jeune histoire des enquêtes longitudinales consacrées aux personnes sans-domicile (II). Lorsqu’elles bénéficient d’une « prise en charge » institutionnelle, ces personnes sont soumises à une « injonction biographique8 » et font l’objet d’une production documentaire (formulaires de demandes d’aides, évaluations sociales, nouvelles formes de contractualisation, etc.) toujours plus foisonnante. Les coulisses de l’État social9 explorées récemment par Delphine Serre regorgent de matériaux riches pour l’analyse à condition de produire, à partir de ce corpus de biographies, ce que Jean-Claude Passeron nomme une « intelligibilité longitudinale10 ». À cette fin, nous avons choisi de faire appel à la méthode d’« analyse statistique ethnographique11 » développée par Joanie Cayouette-Remblière dans le cadre d’une enquête sur les trajectoires scolaires. Cette nouvelle méthode rend pleinement heuristique le travail de reconstitution, à partir de dossiers personnels collectés sur les lieux de leur production, des parcours de vie d’une cohorte de 793 familles hébergées à l’hôtel, à Paris, en 2009 (III). Voie médiane entre une approche statistique dépourvue de raisonnement ethnographique et une approche ethnographique éloignée des analyses démographiques, la statistique ethnographique doit conjurer deux risques : celui de l’anonymisation de l’individu social générée par l’opération d’agrégation statistique de données enregistrées à deux moments différents et celui de l’appauvrissement du caractère social des individus engendré par la réduction statistique des administrés (IV). L’étude localisée des trajectoires résidentielles, au cœur de cette contribution, ouvre, selon nous, des pistes fécondes pour relever le défi, lancé par les pionniers des enquêtes sur les sans-domicile, de « dépasser une image trop instantanée de la situation des sans-domicile entièrement englués dans le présent12 ».
Du transversal au longitudinal. La lente gestation des enquêtes statistiques sur les sans-domicile
3Dès l’année 198013, le Conseil national de la statistique (CNS), reconnaissait, dans le sillage des mouvements associatifs préoccupés par l’apparition de populations affectées par le mal-logement ou l’absence de logement, que le recensement général de la population couvrait « assez mal » certaines « populations marginales ». Relancée en mai 1993, dans un contexte politique et social favorable14, la question de « l’amélioration des systèmes statistiques existants » va trouver un début de réponse avec la création en octobre 1993 d’un groupe de travail sur les « sans-abris » au sein du Conseil national de l’information statistique (Cnis), structure de concertation entre les statisticiens publics et les utilisateurs de ces statistiques (associations, administrations, syndicats patronaux et chercheurs). Dans le cadre de ce groupe, et plus particulièrement sous l’impulsion de Maryse Marpsat et de Jean-Marie Firdion, des travaux expérimentaux ont été engagés, durant l’hiver 1994, par l’Ined dans différentes zones géographiques françaises. Ils ont abouti, quelques mois plus tard, au lancement d’une enquête pilote, fortement influencée par les méthodes testées depuis plusieurs années aux États-Unis15, auprès de 591 utilisateurs des services d’hébergement et de restauration âgés de 18 ans et plus, dans Paris intra-muros.
4Au même moment, le chercheur Dennis Culhane et son équipe de l’université de Pennsylvanie, achevaient une enquête longitudinale novatrice portant sur une population de 27919 familles hébergées pour la première fois dans une structure d’hébergement public à New-York entre le 1er janvier 1988 et le 1er octobre 1993. La collecte de données fut réalisée par l’intermédiaire du New-York City Family Shelter System (base de gestion des places d’hébergement à New-York) et renseignait les processus d’entrée, de sortie et de retour en centre d’hébergement. Soutenue par le ministère du Logement américain, elle se confrontait cependant aux limites des enquêtes assises sur l’utilisation des fichiers administratifs de gestion16 : problèmes de compatibilité entre les données recueillies, difficile acceptation d’un logiciel commun qui peut alourdir les tâches de gestion, réticences au partage d’informations, etc.
5La lourdeur et le coût induits par le développement d’un tel programme de recherche explique, peut-être, en partie, la réticence des chercheurs français à s’engager dans cette voie. D’autres raisons tiennent davantage à la « tradition statistique française17 » qui s’appuie, en priorité, sur des enquêtes nationales ou locales18 et dans, une moindre mesure, sur l’exploitation systématisée de fichiers de gestion des services comme c’est notamment le cas au Danemark depuis 199919. Elle se singularise par un faible nombre de tentatives de liaison des informations « sur l’ensemble de la chaîne, des dispositifs d’urgence aux logements sociaux20 » et le maintien d’une « verticalité du recueil d’information » entérinée par la nouvelle structure du budget de l’État21. Enfin, cette carence d’études longitudinales est aussi le fruit d’une disjonction entre l’agenda politique, l’agenda institutionnel et la temporalité de la recherche. La grande volatilité des problèmes publics au sein du champ politique et la mobilité interne des agents administratifs n’incite pas la commande publique à privilégier des approches dont les résultats ne seront pas produits à brève échéance et dont les attendus seraient susceptibles de remettre en question certaines catégories de l’action publique.
6Préconisées dès les années 1990 par certains chercheurs22, l’approche par les processus demeure donc relativement peu mobilisée dans le contexte français. Malgré les efforts accomplis par l’Ined et l’Insee pour améliorer la couverture statistique des situations de mal-logement, les enquêtes nationales menées, depuis le début des années 2000, s’appuient toujours « pour l’essentiel, sur des investigations à un moment donné23 » et laisse en suspens la question des devenirs résidentiels. Faisant droit aux trajectoires individuelles tout en ne dérivant pas vers une forme d’« utopie biographique24 » peu propice au raisonnement sociologique, notre contribution vise à développer une approche processuelle de la condition des sans-domicile appréhendée comme une étape, et non comme un seul état.
Le raisonnement longitudinal Les enquêtes statistiques sur les sans-domicile et la prise en compte du temps
7Toute volonté de saisir statistiquement les personnes sans-domicile ou ayant connu, au cours de leur vie, une période « sans logement » se heurte à un certain nombre d’obstacles liés à la précarité résidentielle qu’elles subissent : absence de base de sondage, mobilité des personnes, impératif de protection des données personnelles, etc. Pour être opérante, l’approche longitudinale implique, tout d’abord, un certain nombre de préalables méthodologiques. Elle nécessite, en premier lieu, de choisir une méthode qui va fixer les contours de la population étudiée et la période de référence de la collecte puis de déterminer la chronologie du recueil de ces données. Ces différentes étapes s’inspirent librement des méthodes développées en épidémiologie puis en démographie25 dans le cadre de suivis de cohortes.
Présentation de l’enquête
L’enquête s’inscrit dans le cadre d’une thèse financée par le biais d’une convention CIFRE signée à l’automne 2012 avec la Direction du Logement et de l’Habitat de la ville de Paris. Elle s’attache à mettre en lumière les processus socio-économiques et institutionnels qui président au devenir résidentiel des familles hébergées par les pouvoirs publics. À travers le prisme socio-démographique, nous avons souhaité aborder la question des mécanismes d’accès à un logement stable et analyser finement les parcours de vie des 1167 familles hébergées à l’hôtel, en 2009[1], par le département de Paris au titre de la protection de l’enfance (aide sociale à l’enfance). Sur le plan méthodologique, nous avons mis en place une méthode mixte mariant le raisonnement ethnographique et le raisonnement statistique. Cet article se propose de décrire la construction théorique et empirique d’une base de données biographiques à partir d’une démarche ethnographique. Cette dernière a abouti à la reconstitution des parcours de vie (migratoires, familiaux, résidentiels et professionnels) d’une cohorte de 793 familles hébergées pour la première fois à l’hôtel, à Paris, entre le 1er janvier et le 30 septembre 2009. Le dispositif d’enquête comprenait également des phases d’observation au sein des commissions de sélection/d’orientation des « demandeurs de relogement », des entretiens biographiques au domicile des familles hébergées à l’hôtel (n = 45), des entretiens collectifs avec des travailleurs sociaux et certains acteurs du champ du relogement.
[1] Au cours de l’année 2009, le Samu social de Paris (115) a également hébergé 3019 familles dans les hôtels parisiens (source : Guyavarch E., Activité du 115 de Paris et caractéristiques des personnes hébergées via le 115 et les EMA en 2009, Observatoire du Samu social, juin 2010) tandis que plusieurs centaines de familles ont bénéficié de nuitées hôtelières financées par d’autres organismes intervenant dans l’hébergement d’urgence des familles (Ordre de Malte, CAFDA, APTM, etc.).
Le temps des méthodes Trois manières de produire des données longitudinales
8Dans un chapitre dédié à la dimension temporelle des faits sociaux26, Mirna Safi rappelle qu’il existe trois façons de mener à bien des enquêtes longitudinales : l’approche rétrospective, l’approche prospective et la liaison a posteriori des données administratives enregistrées à différents moments du parcours de vie. Les années 2000 ont vu fleurir de nouveaux protocoles de collecte qui ont expérimenté ces différentes méthodes dans le but d’analyser les aspects dynamiques de la situation des personnes sans domicile27 :
Les enquêtes « à un moment donné » : choix d’entrée et questions rétrospectives
9Empruntée d’abord aux États-Unis dès le début des années 1980 et en France dans le cadre de l’enquête Ined de 1995, l’entrée par les services d’hébergement et de distribution de repas (enquêtes Sans-domicile de 2001 et 2012, enquête Samenta de 2009, ES « difficulté sociale » de la Dress) permet de collecter les histoires résidentielles des personnes qui font appel à ces services et de reconstituer, mois par mois, sur l’année précédant l’enquête, les mouvements d’entrées et de sorties entre les différentes situations de logement et de non-logement. L’entrée par le logement ordinaire (enquête Santé de 2002-2003, enquêtes Logement de 2006 et 2013) offre quant à elle l’opportunité aux enquêteurs de diversifier le recrutement du public et de poser, de manière incidente, à un échantillon restreint de ménages disposant d’un logement au moment de l’enquête, des questions spécifiques sur d’éventuelles périodes de vie sans domicile ou dans un habitat précaire28.
10Ces approches partagent, outre les limites communes aux enquêtes en sciences sociales (mémoire défaillante des enquêtés, réticences à évoquer des sujets délicats, etc.), certains inconvénients qui leur sont propres : d’une part, elles ne peuvent pas prendre en compte certaines catégories de sans-domicile difficiles à joindre (par exemple, ceux qui dorment dans un lieu non-prévu pour l’habitation ou ceux qui ne font appel à aucun service enquêté) ; d’autre part, les enquêtes à un moment donné portant sur les personnes ayant été sans domicile au moins une fois au cours d’une année ont une proportion plus forte de personnes qui passent un temps relativement long dans la situation et qui présentent des caractéristiques socio-démographiques spécifiques. Enfin, ces enquêtes n’appréhendent la situation des populations d’actuels ou d’anciens sans-domicile qu’à un instant t sans jamais pouvoir suivre leur trajectoire postérieure à l’hébergement institutionnel.
Les enquêtes par « panel » : suivi de cohorte et problématique de l’attrition
11Contrairement aux approches rétrospectives, les enquêtes dites de « panel » ont vocation à suivre des cohortes. Elles impliquent de sélectionner une population et de l’interroger de façon répétée, à différents moments de son histoire (cf. encadré « Les panels de la DEPP », p. 204-206). Le chercheur ne disposant pas d’une base de sondage, en l’occurrence d’une liste exhaustive des personnes privées de logement, les enquêtes sont menées, à quelques exceptions près29, à partir d’un échantillon d’individus volontaires. Utilisée dès 198530 par une équipe de chercheurs américains à Minneapolis, la méthode des « panels » fournie une première réponse pertinente à la difficulté éprouvée dans la constitution d’une population-mère et dans l’analyse des trajectoires individuelles différenciées. Elle consiste à « réaliser une première enquête qui fournit des renseignements de type socio-démographique sur les personnes interrogées, ainsi que des éléments sur leur trajectoire jusqu’à la date de l’enquête » puis, dans un second temps à « essayer de retrouver à plusieurs reprises, chaque fois dans une fenêtre de temps précise, les personnes interrogées la première fois31 ». Cette seconde étape se révèle plus complexe du fait de l’attrition (cf. encadré) d’une population particulièrement mobile et difficile à joindre. Celle-ci peut néanmoins être réduite par certaines stratégies (raccourcissement des délais entre les deux entretiens, utilisation du réseau de connaissance des personnes enquêtées, etc.) tout en respectant le droit au consentement. Le biais le plus important demeure ici le biais de sélection, caractéristique des enquêtes bâties, pour la plupart d’entre elles, sur le volontariat. À noter enfin que ces méthodes n’ont jamais été développées au niveau national étant donné les difficultés qu’elles présentent déjà au niveau local.
L’utilisation des fichiers de gestion : périodes d’hébergement et cheminement institutionnel
12Pour tenter de dépasser les limites des enquêtes rétrospectives et contourner l’attrition propre aux enquêtes par panels, nous avons eu recours à un troisième type de méthode. L’exploitation des fichiers de gestion des services d’hébergement ou de toute autre institution mise en relation avec les personnes sans-domicile permet d’envisager la fabrication d’une base de données recensant les processus d’entrée et de sortie sinon de la situation de sans-domicile, du moins de la période d’hébergement. Par le biais des systèmes d’enregistrement et à l’aide d’un identifiant, il est possible désormais de suivre « le cheminement de chaque personne dans le système de l’hébergement des organismes participants32 ». À ce stade, deux types de collectes sont envisageables : le suivi prospectif, à l’aide de formulaires33, des nouveaux entrants dans le système d’hébergement (c’est l’option choisie par Dennis Culhane dans son enquête de 1988-1993) ou la liaison a posteriori des données administratives (qui est le principe retenu par notre étude).
Graphique 1. Trois façons de collecter des données longitudinales sur les personnes privées de logement

13Ces modèles d’enquêtes sont rarement reproduits dans le contexte français34 et ce en dépit du perfectionnement des systèmes d’information au sein des administrations. Une des principales objections soulevées à l’encontre de ce type d’approche porte sur les lacunes du mode de recrutement des individus : en effet, les ménages sans-domicile qui ne recourent pas aux institutions échappent le plus souvent à l’enquête. Cette couverture incomplète de la population est aggravée par la perte d’une partie des personnes enregistrées qui sont amenées à quitter l’aire géographique au cours de leur parcours résidentiel. De plus, ces enquêtes ne s’adressent pas directement aux sans-domicile mais à des acteurs intermédiaires (responsables des services d’aide, travailleurs sociaux, etc.) qui sont en contact avec eux et dont le rôle joué ici dans la chaîne de production des renseignements est susceptible d’introduire de nombreux biais (omission involontaire ou non, erreurs d’enregistrement, etc.) voir de rendre caduque la mise en œuvre d’un système de récupération de données35. Enfin, ce procédé exige un certain nombre de précautions méthodologiques (création d’identifiants pour éviter les doubles comptes, standardisation des renseignements recueillies, etc.) et juridiques (confidentialité des informations, proportionnalité du recueil, etc.) qui achèvent de décourager les chercheurs en sciences sociales.
Les trois temps d’une collecte de données administratives
14Dans le cadre de ce travail de recherche, nous avons retenu la liaison a posteriori des données administratives comme méthode de reconstitution des trajectoires individuelles (cf. schéma de synthèse). Trois raisons principales ont motivé ce choix : c’est, en premier lieu, la richesse des données socio-démographiques archivées portant sur près de 83 % des 793 ménages de notre cohorte. Ces données avaient été enregistrées à deux reprises au cours de leur carrière institutionnelle : lors du dépôt de leur demande de logement social (au sein d’un fichier de gestion) et lors du dépôt de leur demande de relogement (sous la forme d’un dossier papier en vue d’une instruction en commission). La combinaison de ces deux sources complémentaires36 garantissait, de surcroît, une antériorité beaucoup plus grande (entre 5 et 30 ans, selon les individus) que celle obtenue par le biais d’un suivi de panel d’individus durant 2 ans. Enfin, ce choix fut motivé par des considérations plus prosaïques : le calendrier du recueil prospectif restait difficilement compatible avec un échéancier raisonnable pour des travaux de thèse.
15À l’instar de l’enquête new-yorkaise évoquée plus haut, les entrées et les sorties de la période d’hébergement institutionnel ont été consignées. Néanmoins, ces deux enquêtes comparées présentent des différences notables tant du point de vue de la diversité de données recueillies que de l’amplitude de la collecte :
16D’une part, les fichiers de gestion de la ville de Paris contenaient des données socio-économiques un peu plus abondantes que celles disponibles au sein du New-York City Family Shelter System. Nous avions accès aux ressources déclarées (revenus d’activité et revenus de transfert), à la situation professionnelle (PCS, secteur d’activité, code postal du lieu de travail, type de contrat, etc.) et locative (statut d’occupation, adresse du logement, date de signature du bail, montant du loyer, état de la demande de logement social, etc.) de chacun des membres du ménage. D’autre part, notre recueil n’était pas circonscrit au parcours dans le système d’hébergement institutionnel mais embrassait une période de référence plus grande37 (cf. schéma ci-dessous).
17Ce travail de reconstitution s’est déroulé en plusieurs étapes et a été précédé par la constitution d’un échantillon de 793 ménages arrivés à l’hôtel, entre le 1er janvier et le 30 septembre 2009. Nous avons, dans un premier temps, obtenu par extraction une liste de trois identifiants (le nom, le prénom et la date de naissance) issus d’un premier fichier de gestion nommé PIAF38 qui recense les ménages titulaires d’une aide à l’hébergement délivrée par le département de Paris dans le cadre de la protection de l’enfance. Ces ménages hébergés étant invités, par leurs travailleurs sociaux référents, à s’enregistrer parallèlement sur la base des demandeurs de logement (la base AIDA39), nous avions bon espoir de les retrouver puis de renseigner, dans le respect des exigences posées par la Cnil, l’ensemble des variables identifiées par Culhane40 au cours de son enquête (voir le tableau reproduit ci-dessous).
Tableau 1. Deux types de collectes reposant sur l’utilisation des fichiers de gestion

Graphique 2. L’hébergement institutionnel Une séquence parmi d’autres

18Une fois l’étape de constitution de l’échantillon achevée, nous avons donc cherché à identifier, par le biais de requêtes informatiques répétées et le plus souvent manuelles41, les chefs de ménages inscrits dans le second fichier de gestion afin d’extraire des données archivées entre 2009 et 2013 puis actualisées, pour certains d’entre eux seulement, au 31 décembre 2014. Cette hétérogénéité des situations ne faisait pas obstacle au renseignement des principales variables pour une large majorité des ménages de notre cohorte dont le devenir résidentiel pouvait être documenté mais elle grevait, toutefois, l’entreprise de reconstitution de l’ensemble des séquences résidentielles. De surcroît, la prise en compte de la première formulation d’une demande de logement social comme point de départ de l’analyse sociologique ne nous paraissait pas satisfaisante. Nous avons donc souhaité combler les lacunes du recueil et dépasser le calendrier administratif qui s’imposait à nous en partant à la quête d’autres données longitudinales plus éclairantes sur l’« inscription des itinéraires individuels dans la topographie et les calendriers institutionnels42 ».
Tableau 2. Tableau recensant les données élémentaires collectées lors de l’enquête de Dennis Culhane (1988-1993) et au cours de notre enquête (2013-2014)

Données extraites de la base PIAF
Données extraites de la base AIDA
L’« injonction biographique » aux sources de l’investigation sociologique. Enrichir une base de données longitudinales à partir des dossiers personnels
19Enjointes par l’administration des « affaires sociales » à produire un récit biographique, les personnes accompagnées dans leurs démarches d’accession au logement social sont engagées, selon Isabelle Astier, dans un « processus d’individualisation à l’œuvre dans les formes contemporaines de l’intervention sociale43 ». Recueillis et consignés sous sa forme la plus traditionnelle, ces récits font l’objet d’un examen lors des diverses commissions d’orientation des demandeurs de relogement puis sont archivés et enfin détruits dans un délai de cinq ans. Bien que fragmentaires et incomplets, ces matériaux biographiques constituent une source de renseignements tout autant sur les administrés que sur le travail de l’administration. Face au foisonnement des biographies d’institutions, le sociologue doit reprendre, à nouveaux frais et au plus près du terrain, sa réflexion sur les conditions préalables à l’objectivation du monde social.
Explorer les archives administratives Vers une « analyse statistique ethnographique »
20L’exploitation scientifique des dossiers personnels (scolaires44, médicaux45 ou sociaux46) est devenue, depuis le début des années 2000, une méthode éprouvée par les chercheurs que ce soit dans le cadre d’approches purement qualitatives ou dans le cadre d’enquêtes à visée statistique. Une étude47 financée par la DREES a par exemple tenté, en 2007, de reconstituer les trajectoires de prises en charge institutionnelle d’une cohorte d’enfants à partir des dossiers administratifs archivés par l’Aide sociale à l’enfance et les tribunaux pour enfants. Dans une perspective analogue, nous avons recherché les traces documentaires laissées par les enquêtés au sein de deux fonds d’archives municipales où elles étaient conservées. Malgré leur dispersion ou leur simple disparition (n = 62), nous avons recensé, collecté et exploité in situ 410 dossiers personnels (cf. dossier-type ci-dessous) déposés par les familles candidates48 auprès de deux dispositifs de relogement (Louez-solidaire49 et ACD50) entre le mois de janvier 2009 et le mois de décembre 2014.
21Artisanale par bien des aspects (dossiers exclusivement disponibles sous format papier, simple base Excel pour les agréger), cette collecte de données standardisée demeurait la seule façon de produire des connaissances sur les profils socio-démographiques (nationalité, situation familiale, âges, etc.), socio-économiques (revenus mensuels actuels, nature des prestations, etc.) et sur les conditions de logement des enquêtés. Les écrits sociaux renfermaient également bon nombre d’éléments biographiques sur les parcours migratoires (pays d’origine, date et conditions de migration, parcours de régularisation, etc.), les périodes d’hébergement à l’extérieur du système public (conditions de logement, emplacement, nature de l’hébergeant, etc.) et les trajectoires professionnelles (formation initiale, statuts et situations d’emploi, etc.) précieux pour mettre au jour le « modelage social des biographies51 » entendu comme le processus de « fabrication » des trajectoires par l’action des institutions, des normes et des représentations.
Figure 1. Dossier personnel-type collecté lors de l’enquête

22Cette profusion de données longitudinales ne doit néanmoins pas faire oublier la perfectibilité d’un travail de reconstitution des trajectoires soumis à de nombreux aléas.
L’enquêteur face aux périls de l’approche longitudinale
23La rareté des enquêtes longitudinales consacrées aux personnes sans-domicile, dont les principaux ressorts ont été analysés dans la première partie de cette contribution, s’explique aussi par la présence de plusieurs pierres d’achoppement qui viennent affecter le travail de reconstitution :
La question de la grande mobilité et de la faible visibilité des personnes concernées
24Si la liaison a posteriori de données administratives archivées permet d’échapper aux défauts reconnus des enquêtes rétrospectives52 (cf. encadré sur les récits de vie, p. 95-98), elle ne résout pas pour autant la problématique de l’attrition. Notre collecte de données s’est révélée beaucoup plus incertaine pour les familles qui n’avaient pas été relogées par les pouvoirs publics et dont le dossier de demandeur de logement avait été archivé. Le schéma de synthèse reproduit ci-dessous donne à voir le bilan de la collecte de dossiers personnels et la distribution des devenirs résidentiels en fonction des voies institutionnelles empruntées. Il met ainsi en évidence le poids de la désinscription (13 % des ménages) comme obstacle sérieux au suivi. Cette dernière, riche pour l’analyse du processus de sélection des personnes hébergées représente, pour le chercheur, un défi méthodologique de taille : celui de collecter des données sur les 144 ménages dont la trace a été perdue après la sortie de leur hébergement à l’hôtel. Une petite partie d’entre eux (n = 37) a été « retrouvée » par le biais d’autres fichiers de gestion de la demande de logement social (en l’occurrence le SN53 et le SYPLO54) tandis que le devenir résidentiel de la plupart de ces ménages (n = 107) demeure inconnu55 à ce jour.
Graphique 3. Schéma de synthèse, bilan de la collecte des données administratives

Des données biographiques incomplètes et fragmentaires
25Les données collectées au sein des services administratifs demeurent souvent incomplètes et fragmentaires compte tenu de leur nature institutionnelle (il y a, par exemple, une forte réticence chez les travailleurs sociaux à enregistrer des données sociales au sein d’une base de gestion centralisée) et de leur finalité (ce sont des outils de gestion). La collecte fut restreinte, dans un premier temps, à trois identifiants (nom, prénom, date de naissance). Ces informations ont rendu possible l’identification des ménages dans une seconde base plus généreuse en données sociodémographiques et l’extraction de certaines datations d’événements (la base recense la date du relogement dans le parc social ou celle d’un déménagement vers le parc privé) mises en perspective, dans un troisième temps, avec les informations (naissances, déménagements, changement d’emploi, etc.) renseignées au sein des dossiers personnels.
Les contraintes relatives à la protection des données personnelles
26Enfin, sans certaines précautions, les enjeux relatifs à la sécurité de l’extraction et à la protection de l’anonymat des données à caractère personnel étaient de nature à bloquer le projet de reconstitution. Il paraissait tout d’abord indispensable d’obtenir la confiance de nos divers interlocuteurs présents dans chacune des trois directions productrices de données (la DLH, le CASVP et la DASES). Plusieurs réunions ont été organisées afin d’exposer les objectifs scientifiques et les modalités pratiques d’une mise en relation de données extraites de deux fichiers de gestion autonomes. Le Correspondant Informatique et Libertés de la Ville de Paris et les agents des systèmes d’informations des deux Directions ont accompagné la mise en place du protocole de collecte en veillant à ce qu’il offre toutes les garanties en termes de protection des données personnelles. L’appariement systématisé et permanent des données entre les deux fichiers de gestion n’étant pas envisageable, les acteurs ont convenu de la nécessité de recourir à une collecte d’identifiants puis, dans un second temps, à une collecte de données opérée par un « tiers de confiance » responsable des requêtes informatisées56.
27Au-delà de ces trois points de vigilance, l’approche longitudinale est confrontée à d’autres écueils potentiellement plus invalidants. Une analyse des devenirs qui se réduirait à une simple « analyse des flux sociaux57 » perdrait également une part importante de sa pertinence sociologique.
« Croiser les regards » pour ne pas perdre de vue l’individu social et singulier
28Le passage d’une « juxtaposition d’états » à « une perspective de parcours de vie58 » requière un certain nombre de conditions. Le chercheur en sciences sociales doit tout d’abord s’assurer que l’opération d’agrégation et d’anonymisation des individus statistiques ne conduise pas, corrélativement, à l’anonymisation de l’individu social. Enfin, il doit veiller à conjurer le risque d’appauvrissement de la nature sociale des individus saisis par les catégories administratives.
Conjurer le risque de l’anonymat de l’individu social Le passage d’une « analyse catégorielle des flux » à une analyse séquentielle des trajectoires
29Nous savons depuis les travaux de Jean-Claude Passeron que les enquêtes qui recourent à l’analyse des flux négligent la plupart du temps la singularité des biographies individuelles en les « dissolvant dans l’anonymat agrégatif des biographies de catégories sociales ». Par le biais de la métaphore schumpetérienne de l’autobus59, l’épistémologue fustige « l’anonymisation » des individus « traités comme de simples unités statistiques et pensés comme les agents interchangeables d’une structure de changement ». Plusieurs solutions pouvaient être apportées afin de résoudre cette équation :
30Nous avons procédé au suivi d’un échantillon représentatif60 de la population de l’enquête sous la forme d’un suivi de cohorte fixe. Pour reprendre la métaphore de Schumpeter, les voyageurs du bus restaient les mêmes tout au long du trajet et n’étaient pas interchangeables. Les coupes synchroniques successives ne portaient pas sur deux groupes de ménages anonymes porteurs des mêmes propriétés mais sur un groupe de ménages présents au début du trajet.
31Ce suivi prit également la forme d’un suivi séquentiel. Les coupes synchroniques successives (ici les enregistrements successifs des données au sein de la base AIDA) correspondaient à un changement d’état résidentiel (l’hébergement à l’hôtel, départ de l’hôtel et arrivée dans une nouvelle structure, relogement dans le parc social, etc.). Reliée entre elles, ces données permettaient de connaître, pour chaque année, durant la période de l’enquête, la situation résidentielle du ménage et de reconstituer les trajectoires sous la forme de séquences.
32Enfin, pour terminer le suivi fut individualisé. La lecture qualitative (« en ligne ») de la base de données, dont l’intérêt a été démontré par Joanie Cayouette-Remblière, nous conduit à suivre chaque histoire résidentielle à partir de fragments textuels tirés des dossiers personnels. Elle se révèle complémentaire de la lecture dite « en colonne » qui dissout la singularité des individus « pour laisser place aux tendances et au raisonnement probabiliste61 ».
33L’attention portée à la singularité lors d’un suivi de cohorte n’empêche en rien la montée en généralité. La mesure des effets de sélection62 et la production de typologies de trajectoires à partir d’un découpage individuel et séquentiel sont susceptibles de nourrir nos analyses et de suggérer de nouvelles pistes. Néanmoins, ces garde-fous méthodologiques destinés à conjurer le risque de l’effacement du singulier ne permettent pas, à eux-seuls, de préserver la richesse du social.
Conjurer le risque de l’appauvrissement du social. Étude de cas et entretiens semi-directifs.
34Dans son invitation à la construction d’une statistique ethnographique, Joanie Cayouette-Remblière rappelle l’objection d’Alain Degenne qui voyait, dans la réduction statistique de l’individu, « un appauvrissement volontaire de son caractère social63 ». Fruit d’une présence régulière et prolongée sur le terrain d’enquête, cette approche implique la mise en place d’une collecte de données au plus près du terrain dans le cadre d’une démarche inductive. L’analyse statistique ethnographique qu’elle propose, repose sur « un double mouvement » : la standardisation du recueil de données pour « soumettre les agents à un traitement formellement identique » et la création de variables textuelles pour « revenir aux personnes sociales et aux histoires propres que l’analyse statistique conduit à évincer ». Autre grief soulevé, cette fois-ci, par Alain Desrosières dans ses réflexions sur la dualité des sources statistiques64 : les registres administratifs demeurent insuffisant pour explorer l’état de la société ; ils ne refléteraient en effet que « les objets que l’administration voit et la façon dont elle les voit, parce qu’elle agit déjà sur eux ». À la lecture qualitative du jeu de données, doivent donc être combinées d’autres formes d’investigations empiriques. L’enquête peut s’enrichir, par exemple, de notes d’observation et d’entretiens biographiques avec les individus porteurs des mêmes propriétés et partageant les mêmes conditions matérielles d’existence (dans notre cas, la vie quotidienne dans une chambre d’hôtel meublé parisien). Quant à l’action des institutions, déjà au cœur de notre investigation statistique, elle peut être interrogée à l’aide d’entretiens semi-directifs, individuels et collectifs, répétés dans le temps, avec l’ensemble des acteurs qui participent au traitement bureaucratique du mal-logement.
35Mener à bien une opération d’objectivation par agrégation requière du temps et une méthode permettant d’en faire bon usage. Le chercheur qui tente de produire une intelligibilité longitudinale à partir d’un corpus fragmenté de récits ne peut faire, dans un premier temps, l’économie d’une réflexion sur les conditions de production des biographies institutionnelles qu’il exploite. Le sujet de la méthode biographique étant, selon Jean Peneff, « toujours un collectif », il est en effet « souhaitable de mieux connaître le mode d’agrégation mi-calculé, mi-spontané de cet échantillon65 ». Elle oblige également le chercheur à construire méthodiquement sa propre enquête tout en veillant scrupuleusement au respect des règles juridiques garantes du caractère éthique de la collecte d’informations. Enfin, il doit s’assurer, et c’est là un enjeu essentiel, que l’individu statistique produit à partir des catégories administratives ne se substitue pas à l’individu de départ. Occupé à construire sa base de données, le chercheur ne peut se contenter d’appréhender la trajectoire résidentielle exclusivement à travers le prisme durkheimien et doit l’envisager dans toute sa complexité : à la fois comme « un effet des structurations longitudinales » et comme « le produit agrégé que l’action sociale des individus inscrit, en aval, dans le maintien ou la transformation de ces structures longitudinales66 ».
Notes de bas de page
1 « En dix ans, le visage des sans-logis a changé », Le Monde, 2 juillet 2013.
2 L’hébergement des sans-domicile en 2012, Insee première, no 1455, juillet 2013.
3 L’enquête Logement de 2013 fait, à ce jour, figure d’exception puisqu’elle consacre un module aux logements précédents et recense la mobilité résidentielle des répondants sur une période de quatre ans.
4 Brousse C., « Définir et compter les sans-abri en Europe : enjeux et controverses », Genèses, no 58, 2005, p. 48-71.
5 L’expression « continuum de positions » recouvre deux acceptions qui seront combinées ici. Elle s’entend tout d’abord comme un panel de situations et permet de réintégrer la population sans-domicile « dans un ensemble plus vaste, celui des fractions les plus dominées des classes populaires, dont elle provient le plus souvent » (Soulié). Elle ne renvoie pas à une série d’étapes obligées dans l’histoire résidentielle mais suggère également un « continuum de situations », autrement dit, la présence de régularités dans certaines trajectoires, entendues comme succession de positions occupées dans une « structure de reproduction » (Passeron). Notre enquête ne vise pas à proposer une « étiologie psychologisante du phénomène » critiquée par Charles Soulié mais à analyser la construction par les institutions.
6 Soulié C., « Le dualisme du réseau d’hébergement pour personnes sans abri à Paris », in La rue et le foyer.
Une recherche sur les sans-domicile et les mal logés dans les années 90, Cahier de l’INED, PUF, no 144, 2000.
7 Cette contribution a bénéficié de la relecture patiente, attentive et critique de Catherine Bonvalet, Pascale Dietrich-Ragon, Joanie Cayouette-Remblière, Bertrand Geay, Patrick Lehingue et Maryse Marpsat. Qu’ils en soient ici remerciés.
8 Duvoux N., « L’injonction biographique dans les politiques sociales. Spécificité et exemplarité de l’insertion », Informations sociales, no 156, 2009, p. 114-122.
9 Serre D., Les coulisses de l’État social. Enquête sur les signalements d’enfants en danger, Paris, Raison d’agir, coll. « Cours et Travaux », 2009, p 229.
10 Passeron J.-C., « Le scénario et le corpus. Biographies, flux, itinéraires, trajectoires », in Le raisonnement sociologique, Paris, Nathan, 1991, p. 312.
11 Cayouette-Rembliere J., « Reconstituer une cohorte d’élèves à partir de dossiers scolaires. La construction d’une statistique ethnographique », Genèses, no 85, 2011, p. 115-133.
12 Firdion J.-M., Marpsat M. et Bozon M., « Est-il légitime de mener des enquêtes statistiques auprès des sans-domicile ? », in La rue et le foyer. Une recherche sur les sans-domicile et les mal logés dans les années 90, Cahier de l’INED, PUF, no 144, 2000.
13 Ibid.
14 Lancement d’une campagne et d’un manifeste par l’Abbé Pierre autour des morts dans la rue pendant l’hiver 1993, publication d’un rapport du Conseil économique et social (Niol J. [dir.], « L’approche quantitative et qualitative des besoins en logement et de la solvabilité de la demande », Journal officiel de la République française. Avis et rapports du Conseil économique et social, no 13, juillet 1993, 159 p.), création du Samu social, fondation du Comité des sans-logis, etc. Pour aller plus loin : Marpsat M. et Yaouancq F., « Avant-propos. L’enquête Sans-Domicile 2012 : histoire et place en Europe », Économie et statistiques, no 488-489, 2016.
15 Wong Y. I., « Patterns of Homelessness : a review of longitudinal studies », in Culhane D. P et Horburg S. (ed.), Understanding Homelessness : New Policy and research Perspectives, 1997, p. 135-164.
16 Firdion J.-M. et Marpsat M., op. cit., p. 90.
17 Brousse C., « Définir et compter les sans-abri en Europe : enjeux et controverses », op. cit.
18 Ces enquêtes sont menées ponctuellement auprès des utilisateurs des services d’aide (d’accueil, d’hébergement, de distribution de repas, etc.).
19 Marpsat M., « Mesure statistique, mesure politique. Le cas des personnes sans-abri », Bulletin de Méthodologie Sociologique, no 115, juillet 2012, p. 21-44.
20 Chambaud L., La coordination de l’observation statistique des personnes sans abri, Rapport de l’IGAS, octobre 2007, 165 p.
21 Réforme initiée par la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2001 qui répartit les crédits du budget général par missions, programmes et actions.
22 Firdion J.-M. et Marpsat M., op. cit.
23 Marpsat M., Explorer les frontières. Recherches sur des catégories « en marge », mémoire d’habilitation à diriger des recherches en sociologie, Paris, INED, document de travail, no 145, 2007.
24 Passeron J.-C., « Le scénario et le corpus », op. cit.
25 Voir notamment : Lelievre E., « L’approche biographique des trajectoires individuelles », in Droesbeke J.-J. et Saporta G. (dir.), Analyse statistique des données longitudinales, Paris, Technip, 2010.
26 Safi M., « La dimension temporelle des faits sociaux : l’enquête longitudinale », in Paugam S. (dir.), L’enquête sociologique, Paris, PUF, 2010, p. 311-322.
27 Arduin P., Frechon I. et Marpsat M., Aspects dynamiques de la situation des personnes sans domicile, rapport final pour le PUCA, Ined, janvier 2002.
28 Ibid.
29 Voir par exemple l’enquête de Pascale Dietrich-Ragon auprès des mal-logés parisiens (Dietrich-Ragon P., Le logement intolérable. Habitants et pouvoirs publics face à l’insalubrité, Paris, PUF, coll. « lien social », 2011, 316 p.).
30 Sosin M., Pilaving I. et Westerfelt H., « Toward a longitudinal analysis of Homelessness », Journal of Social Issues, 1990, 46 (4), p. 157-174.
31 Arduin P., Frechon I. et Marpsat M., Aspects dynamiques de la situation des personnes sans domicile, op. cit.
32 Ibid., p. 11.
33 Le système ANCHOR développé sous la conduite de Dennis Culhane et grâce au soutien du HUS (équivalent du ministère du Logement), repose sur l’appariement de données collectées au sein d’un réseau d’organismes venant en aide aux sans-domicile (voir : ibid.).
34 L’Observatoire régional de la santé et des affaires sociales de Lorraine (ORSAS-Lorraine) est l’un des rares à avoir expérimenté, au début des années 2000, un dispositif permanent d’observation des personnes hébergées dans les 72 centres d’hébergement de compétence DDASS des quatre départements lorrains.
35 Ces enquêtes se heurtent souvent au manque de personnel qualifié pour accomplir les tâches d’enregistrement et aux réticences des professionnels (responsables de structures d’hébergement, des travailleurs sociaux, etc.) à se voir imposer un logiciel unique qui risquerait d’accentuer la méfiance des usagers rétifs à l’enregistrement et de dégrader les relations tissées avec certains d’entre eux.
36 La première source permettait une reconstitution des trajectoires résidentielles sur la période 2009-2014 tandis que la seconde fournissait de nombreux éléments sur les parcours résidentiels antérieurs à l’entrée à l’hôtel (nous avons pu remonter jusqu’au premier logement occupé pour 380 des 793 ménages).
37 Les données sont enregistrées au moment de leur première inscription en tant que demandeur de logement (près de la moitié des ménages étaient inscrits depuis plus d’un an au moment de leur entrée à l’hôtel) puis actualisées par le ménage en fonction de l’évolution (ou non) de sa situation.
38 Paris informatisation des aides facultatives (PIAF) est la base de gestion des aides sociales facultatives dont celle de l’aide à l’hébergement.
39 Accueil et information des demandes et attributions de logement (AIDA) est la base d’enregistrement et de gestion des dossiers déposés par les demandeurs de logement à Paris.
40 Wong Y.-L I., Culhane D. et Kuhn R., « Predictors of Exit and Reentry among Family Shelter Users in New York City », Social Service Review, vol. 71, no 3, 1997.
41 L’exercice s’est révélé laborieux du fait des traditionnelles erreurs de saisies, de dates de naissance erronées ou encore de la présence de nombreux homonymes.
42 Selon Jean-Claude Passeron, « l’objet de cette sociologie du longitudinal n’est autre chose que l’institution biographique » entendue comme l’ensemble des « pré-structurations inégalement cristallisées qui dessinent la géographie, historiquement mobile, dans laquelle les individus doivent nécessairement inscrire leurs parcours individuels ».
43 Astier I., « Du récit privé au récit civil : la construction d’une nouvelle dignité ? », Lien social et Politiques, no 34, 1995, p. 121-130.
44 Cayouette-Rembliere J., « Reconstituer une cohorte d’élèves à partir de dossiers scolaires », op. cit.
45 Beliard A. et Biland E., « Enquêter à partir de dossiers personnels. Une ethnographie des relations entre institutions et individus », Genèses, no 70, 2008, p. 106-119.
46 Serre D., « La “judiciarisation” en actes », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 136-137, mars 2001, p. 70-82.
47 Frechon I. et Robette N., « Les trajectoires de prise en charge par l’aide sociale à l’enfance de jeunes ayant vécu un placement », Revue française des affaires sociales, no 1-2, 2013, p. 122-143.
48 Les ménages de notre cohorte n’étaient pas tous titulaires d’un dossier personnel : 284 ménages n’avaient pas déposé de dossier de candidature aux deux dispositifs de relogement recensés.
49 Expérimenté depuis 2007 par la ville de Paris, ce dispositif de logement temporaire vise à mobiliser le parc privé pour tenter de combler le déficit de logements sociaux et de logements temporaires familiaux. Ce dispositif accueille aujourd’hui environ 900 ménages pour une durée théorique de 18 mois.
50 L’Accord collectif département est une procédure par l’intermédiaire de laquelle l’État, la ville de Paris et les bailleurs signataires s’engagent à réserver sur leurs contingents respectifs 1200 logements sociaux, par an, pour le relogement des personnes défavorisées cumulant des difficultés économiques, sociales et locatives.
51 Passeron J.-C., « Le scénario et le corpus », op. cit.
52 Riandey B., « Pourquoi existe-t-il peu d’enquêtes longitudinales en France ? », Politiques sociales et familiales, no 110, 2012.
53 Système informatique national d’enregistrement des demandes de logement locatif.
54 Système priorité Logement (outil informatique exploité par les préfets de département pour gérer le contingent réservé de l’État).
55 Ces ménages peuvent être à tout le moins caractérisés socialement à l’aide des données archivées dans les fichiers de gestions.
56 La collecte a été affinée, dans un deuxième temps, à l’aide de requêtes ponctuelles portant sur les dossiers homonymes, les dossiers concernés par des erreurs de saisie et les situations de changements de chef de ménage inscrits dans le fichier de gestion (dus à une séparation, à l’arrivée d’un conjoint ou tout simplement à une substitution au sein du même ménage).
57 Jean-Claude Passeron précise que « l’analyse des flux sociaux est une analyse des mouvements de propriétés dans une population, qui ne porte qu’en apparence sur les individus qui la composent, puisque les individus identifiés par quelques variables pertinentes ou un ensemble, même très nombreux de variables pertinentes, restent pour l’analyse interchangeables dès lors que les mêmes variables peuvent être identifiées à l’occasion de coupes synchroniques successives, fût-ce dans une population différente ».
58 Lelievre E., « Le cheminement long en démographie », intervention à la table ronde du 4 juin 2009, XVIe journées d’étude sur les données longitudinales dans l’analyse du marché du travail, les 4 et 5 juin 2009.
59 Dans son ouvrage intitulé « Impérialisme et classes sociales » (1919), J. Schumpeter comparaît les classes sociales à « un hôtel ou un autobus toujours rempli, mais rempli toujours par des gens différents ». L’économiste « n’admettait pas, selon Passeron, que l’on pût liquider l’existence collective des classes et leur histoire par le constat qu’il y a de la mobilité sociale » (Passeron., « Le scénario et le corpus », op. cit.).
60 Soit précisément 68 % des ménages hébergées à l’hôtel par le département de Paris durant l’année 2009 (n = 1167). Le recrutement des ménages a été opéré à partir d’un critère d’inclusion commun : l’entrée à l’hôtel entre le 1er et le 30 septembre 2009.
61 Cayouette-Rembliere J., « Reconstituer une cohorte d’élèves à partir de dossiers scolaires », op. cit.
62 Dans notre cas d’espèce, ceux qui sont amenés à demeurer à l’hôtel ou à accéder au parc privé ne partagent pas les mêmes propriétés que ceux qui ont été relogés au sein du parc social.
63 Degenne A., « Une méthodologie “douce” en sociologie », L’année sociologique, vol. 31, 1981, p. 97-124.
64 Desrosieres A., « Enquêtes versus registres administratifs : réflexions sur la dualité des sources statistiques », Courrier des Statistiques, no 111, septembre 2004.
65 Peneff J., « Les grandes tendances de l’usage des biographies dans la sociologie française », Politix, vol. 7, no 27, 1994, p. 25-31.
66 Ibid., p. 323.
Auteur
-
Pierre Antoine Chauvin
Doctorant en sociologie à l’Institut national d’études démographiques (INED) et à l’université Paris 10 Nanterre.
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