1 Olivier Nay, Le tournant social des organisations internationales : dynamiques d’ouverture et jeux de frontière

2En introduction de l’ouvrage, Olivier Nay revient sur le phénomène d’ouverture des organisations internationales. Il insiste sur l’exigence d’étudier ces dernières comme des espaces sociaux ouverts, dont l’une des caractéristiques est la forte institutionnalisation des liens entre les agences et leur environnement où gravitent des acteurs non gouvernementaux aux statuts et aux intérêts divers. Défendant une approche sociologique centrée sur les activités pratiques des acteurs, l’analyse met en question la distinction classique entre le gouvernemental et le non-gouvernemental, tout comme les conceptions ordinaires tendant à donner une vision homogène des acteurs non gouvernementaux. Pour dépasser ces écueils, Olivier Nay invite à porter l’attention sur l’« écosystème » de chaque organisation, entendu comme un espace social formé de réseaux d’individus, de professions et d’autres organisations. Enfin, il revient sur l’essor des dispositifs participatifs dans les organisations internationales, qu’il appréhende comme un ensemble d’outils standardisés visant l’intégration du secteur non gouvernemental dans la nouvelle gouvernance des institutions.

3 Olivier Nay, L’ouverture des organisations internationales : trois interprétations sociologiques

4Dans la continuité des questions posées en introduction, Olivier Nay revient dans cette contribution sur trois interprétations sociologiques permettant d’étudier le phénomène d’ouverture des organisations internationales. La sociologie des mobilisations, tout d’abord, envisage les arènes multilatérales comme de nouveaux espaces des mobilisations protestataires. Les organisations internationales sont des lieux où s’agrègent des mouvements sociaux, des ONG militantes et des réseaux de plaidoyer cherchant à faire avancer leur cause. La sociologie des organisations, ensuite, se concentre sur les structures bureaucratiques des agences. Elle met l’accent sur la capacité des agents des secrétariats internationaux à mobiliser des ressources dans l’environnement de l’organisation. La sociologie des institutions souligne la tendance des organisations à faire usage des idées et des modèles d’action qui prévalent dans leur environnement institutionnel. Elle accorde une attention particulière aux conditions de diffusion des normes qui justifient et légitiment la participation des acteurs non gouvernementaux à la construction des choix publics dans le système multilatéral.

5 Jens Steffek, Les organisations internationales et la construction politique de la société civile : le cas des « ONG parrainées »

6Dans cette contribution, Jens Steffek fait l’hypothèse que les organisations internationales disposent de ressources leur permettant de façonner la « société civile transnationale ». À rebours d’une littérature qui considère les ONG comme des acteurs indépendants, il montre comment les organisations internationales influencent en pratique la création et le développement d’ONG transnationales. L’analyse porte une attention particulière à la création du Bureau européen de l’environnement. Étudiant trois dimensions du phénomène (la fondation, le financement, l’agrégation des ONG transnationales), l’auteur mobilise deux approches théoriques permettant de comprendre les stratégies de « parrainage » (sponsoring) des ONG par les organisations internationales. La première s’appuie sur une grille de lecture en termes de besoins et de ressources. La seconde met l’accent sur la capacité des organisations internationales à forger des alliances avec des partenaires non gouvernementaux afin de tenter de structurer l’environnement dans lequel elles agissent.

7 Olivier Nay, La fabrique d’une norme d’institution : comment la Banque mondiale s’est appropriée l’idée de participation

8Cette contribution étudie les conditions d’adoption des approches participatives au sein de la Banque mondiale au cours des années 1980-1990. Centrée sur l’observation de la vie de l’organisation, Olivier Nay montre que l’institution financière est traversée, durant ces années, par des rivalités professionnelles et des luttes de savoirs internes qui ont accompagné l’émergence de l’idée de participation, puis sa transformation en norme d’institution. Dans un premier temps, l’analyse met en avant le rôle clé tenu par une équipe d’anthropologues qui ambitionnent d’importer des idées nouvelles circulant dans les milieux de l’expertise et des études rurales. Elle revient également sur l’implication d’un groupe réformateur qui, quelques années plus tard, porte une critique interne de l’orthodoxie économique de la Banque. Si le succès des approches participatives résulte pour partie de l’activisme de ces insiders, il s’explique aussi par la construction d’alliances, à l’extérieur de l’organisation, avec des acteurs venus des espaces militants et académiques. Dans un second temps, l’analyse s’intéresse à la fabrique de la norme de participation au sein de la Banque. Elle montre que les activités de problématisation y prennent la forme d’une « captation épistémique » : elles s’accompagnent de multiples opérations de traduction et de mise en forme permettant à l’organisation de s’approprier l’idée de participation en la vidant de son contenu critique, au profit d’une interprétation dominante centrée sur les impératifs de gouvernance des institutions.

9 Marieke Louis et Coline Ruwet, La représentativité contestée : une analyse comparée de l’Organisation internationale du travail et de l’Organisation internationale de normalisation

10À partir d’une comparaison de la représentation des organisations non gouvernementales à l’Organisation internationale du travail (OIT) et à l’Organisation internationale de normalisation (ISO), Marieke Louis et Coline Ruwet montrent comment des organisations internationales construisent, imposent et renégocient en permanence leur représentativité au contact d’acteurs non gouvernementaux variés, comme les syndicats, les instituts de normalisation, les entreprises ou les coopératives. Si la présence de ces acteurs légitime la prétention des organisations internationales à intervenir dans l’établissement de normes en matière économique et sociale, le caractère contrôlé et sélectif de la représentation dans les organisations internationales suscite des contestations de la part d’autres organisations de la « société civile » qui souhaitent à leur tour prendre part à la négociation internationale et aux processus décisionnels.

11 Frédérique Channac et Audrey Charbonnier, L’ouverture du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés à la participation des organisations non gouvernementales

12Frédérique Channac et Audrey Charbonnier étudient le développement des échanges entre le HCR et le réseau d’ONG actives dans le régime international de l’asile et des réfugiés. Elles proposent une analyse des stratégies de participation des ONG au sein de deux enceintes du HCR : le comité exécutif et les consultations annuelles HCR/ONG. Bien qu’ayant des règles institutionnelles contraignantes, le HCR s’est ouvert aux ONG, en leur offrant des possibilités de participation dans son enceinte de décision et en créant des forums ad hoc visant à mobiliser et fédérer les acteurs non gouvernementaux œuvrant pour les réfugiés. Frédérique Channac et Audrey Charbonnier mettent en évidence des transformations qui accompagnent le processus d’ouverture du HCR, insistant sur la capacité des ONG à investir les enceintes internationales qui leur paraissent les plus à même de promouvoir les causes qu’elles défendent.

13 Hélène Baillot, Pratiques militantes aux sommets annuels des institutions financières internationales : le cas de la campagne anti-dette Jubilee 2000

14Prenant appui sur Jubilee 2000, première campagne transnationale en faveur de l’annulation de la dette des pays pauvres, Hélène Baillot étudie la relation entre organisations internationales et mouvements militants transnationaux à partir de l’étude des sommets annuels de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Cette contribution analyse d’abord le Forum de la société civile et le système d’accréditation, deux dispositifs de participation qui témoignent du caractère sélectif de l’ouverture des institutions financières internationales aux acteurs non gouvernementaux. Il étudie ensuite, sous un angle ethnographique, les différentes formes de plaidoyer développées par les militants lors de ces sommets. Hélène Baillot montre ainsi que l’accès différencié des acteurs sociaux aux arènes de pouvoir internationales contribue à renforcer le phénomène de division du travail militant au sein même de l’espace des institutions multilatérales.

15 Delphine Thivet, De la confrontation à la participation. La Vía Campesina à l’Organisation mondiale du commerce et à l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation

16Centrée sur les mobilisations du mouvement paysan international, La Vía Campesina (LVC), ayant pour cadre l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), Delphine Thivet interroge les différentes manières dont les mouvements sociaux cherchent à investir l’espace des organisations internationales pour mondialiser leur cause. Elle revient tout d’abord sur les stratégies de confrontation engagées par LVC dans le cadre de l’OMC depuis la fin des années 1990. Elle étudie ensuite l’entrée progressive de LVC dans les instances de la FAO, suite à la réforme du Comité de sécurité alimentaire en 2009. Ce choix de la négociation et du compromis entraîne une reconfiguration des pratiques militantes et interroge les conditions de possibilité sociales et institutionnelles de la participation des délégués de LVC au Comité. À travers les contraintes fortes et les risques de cooptation qui pèsent sur l’activité participative de ces derniers au Comité, Delphine Thivet montre un processus de légitimation croisée, non exempt de tensions, entre mouvements sociaux et organisations internationales.

17 Marame N’Dour, L’OMS et la formation de coalitions de plaidoyer dans le domaine de la santé mondiale : l’exemple des « médicaments essentiels »

18Dans cette contribution, Marame N’Dour analyse les processus et les effets inattendus de la mobilisation du concept des « médicaments essentiels » de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) par des acteurs issus de la société civile dans les années 2000. Elle montre que l’OMS offre à ces acteurs des opportunités politiques et des espaces de sociabilité qui, en retour, renforcent la position de l’organisation dans l’environnement international. L’auteure montre ainsi qu’une organisation internationale est un espace de construction de problèmes publics auquel participent activement certains acteurs non gouvernementaux intervenant sur les questions de santé mondiale. Elle établit également que les dynamiques d’échange entre l’organisation et ces acteurs ont des effets structurants sur la mobilisation internationale.

19 Delphine Lagrange , Espaces ouverts, pouvoir clos : une approche sociologique des organisations internationales

20S’appuyant sur les études de cas rassemblées dans cet ouvrage, Delphine Lagrange propose de rendre compte des relations de conflit et de coopération qui s’instaurent aujourd’hui entre les organisations multilatérales et les acteurs sociaux intervenant à l’échelle internationale. Elle interroge les opportunités d’intervention des acteurs sociaux dans les arènes multilatérales, ainsi que leurs stratégies d’homologation. Elle étudie également les modalités de sélection et de contrôle des acteurs sociaux par les organisations internationales. Dans ce cadre, l’auteure analyse les liens entre représentation et représentativité, entre perméabilité des espaces et intégration des acteurs, et entre action contestataire et socialisation.