Au cœur de la marche bretonne, l’ascension et le démantèlement d’une grande châtellenie, La Guerche-Pouancé (milieu xie-milieu xiiie siècle)
p. 639-684
Texte intégral
1Consacrer quelques pages aux seigneurs et à la châtellenie de La Guerche-Pouancé, c’est me souvenir qu’il y a presque vingt ans, Hubert Guillotel accepta avec le tact et l’érudition qu’on lui connaissait de me relire et conseiller pour un article consacré à certaines familles seigneuriales de la marche bretonne, dont celle de La Guerche. C’est un hommage que je souhaite lui adresser en reprenant l’étude de ce dernier lignage tout entier. L’intérêt de Hubert Guillotel allait tout particulièrement à la Bretagne du xie siècle et aux débuts des seigneuries châtelaines ; sans doute le Guillaume III de La Guerche qui sera au cœur de cette étude vécut-il plus tard, à la charnière du xiie et du xiiie siècle, mais il illustre de manière emblématique le temps des premières châtellenies et leurs difficultés d’adaptation au début du xiiie siècle, tant par son inscription dans un lignage, que par son attitude face à la religion, et plus encore par ses relations avec les nouveaux pouvoirs de son temps. Au fur et à mesure de l’étude et des découvertes de sources, il s’est révélé que ce propos initial circonscrit à un lignage, était en réalité porteur de problèmes historiques d’une plus large portée : d’abord celui posé par l’échec et l’extinction de certains lignages seigneuriaux, souvent au cours du xiiie siècle, mais aussi celui de la pénétration de l’influence française à l’est de la Bretagne, bien avant l’annexion de la province au royaume ; grande question écartée par les historiens du xixe siècle et qui n’était pas non plus indifférente à Hubert Guillotel. Chacun des chapitres en traitera peu ou prou et tentera de montrer le lien étroit qui unit les deux questions.
2Nous reprendrons tout d’abord l’histoire de la seigneurie aux xie et xiie siècles, en particulier à partir de sources extra-régionales jusque-là peu exploitées. Ce sera l’occasion d’évoquer le mystère d’un Geoffroy de La Guerche très richement possessionné en Angleterre, et surtout de révéler une figure de premier rang, celle d’un Guillaume II Templier. À la fois le plus connu et le dernier des grands de sa famille, Guillaume III sera au cœur de cette étude, dans un deuxième chapitre. Il meurt en 1223, après avoir vécu une période tempêtueuse, au cœur des conflits entre duché breton, royaume Plantagenêt et royaume de France. Son époque annonce autant la fin de la seigneurie – même s’il y aura deux Geoffroy à lui succéder- que l’amorce de temps politiques nouveaux – le duché est alors passé aux mains de Pierre de Dreux, la royauté française s’est renforcée, elle avance ses pions vers l’ouest, et quelques grands seigneurs de la marche n’y sont pas insensibles. Après Guillaume III, la tradition historiographique place un dernier seigneur du nom de Geoffroy. Dans un troisième temps, il n’était pas inutile de chercher à approfondir la réalité du personnage ; et, ô surprise, de découvrir grâce à la confrontation de sources séparées par une simple frontière de région, que ce Geoffroy en cache un autre. Ce sera aussi l’occasion de démêler l’étonnant écheveau d’intrigues politiques et matrimoniales du plus haut niveau qui présidèrent à la disparition de la seigneurie. Enfin, au travers de la figure de Guillaume III, le dernier chapitre traitera du lignage tout entier, mais sous un angle très précis, celui de son étonnant rapport à la religion.
La constitution d’une grande seigneurie bretonne et angevine (milieu xie à fin xiie siècle) (fig. 1 et 2)
3Plusieurs pages ont déjà été publiées sur le lignage. Aussi les seigneurs des xie et xiie siècles seront-ils présentés ici à grands traits1. À une exception près cependant, celle de Guillaume II, pour lequel des sources jusque-là non exploitées révèlent un destin exceptionnel et extra-régional.
Sylvestre, évêque et seigneur
4Mainguené de La Guerche, membre de la militia du duc Alain III, n’est jamais nommé seigneur de La Guerche dans les sources ; il semble avoir vécu dans le cercle le plus proche du duc2. Sylvestre, son fils, est le premier homme du lignage à arborer le titre de dominus castri de Guirchia3, entre 1068 et 1076, Sans doute le fait-il avec l’assentiment de Conan II dont il est proche, et en s’installant sur des biens fonciers d’origine épiscopale situés à Rannée, la paroisse où se trouve le château de La Guerche. Mais il faut surtout rappeler que ces deux hommes appartiennent à une véritable dynastie qui accapare la charge d’évêque de Rennes au cours du xie s. avec Thibaud, Gautier, Guérin et Triscan. Sylvestre, lui-même devient évêque en 1076, tout en restant seigneur de La Guerche. Cette accession à l’épiscopat fut probablement entachée de simonie, ce qui lui valut d’être suspendu lors d’un concile tenu à Poitiers4. Avec lui, La Guerche demeure complètement dans l’orbite rennaise et bretonne. Il eut deux fils. Le premier était Geoffroy qui participe sans doute à la conquête de l’Angleterre5, apparaît richement possessionné dans le Domesday Book6, fait des dons importants au prieuré de Kirby dans le Warwickshire – dépendance de Saint-Nicolas d’Angers – en 10777, ainsi qu’à l’abbaye Saint-Germain de Selby dans le Yorkshire8, mais disparaît corps et biens après 10939 . Ce personnage au destin étonnant mériterait à lui seul de longs développements. Retenons surtout de lui qu’il manifesta au plus haut point sa religiosité au travers de grandes fondations pieuses10. Le second fils de Sylvestre est Guillaume, qui lui succède à sa mort, en 1093. Premier dominus du lignage, Sylvestre n’a pourtant nulle part laissé son nom, ni à son château comme l’ont fait ses voisins Brient à Châteaubriant et Robert à Marcillé-Robert, ni à aucun de ses descendants, tous nommés Guillaume ou Geoffroy. La raison de ce fait, rare dans les grandes familles de l’époque, tient peut-être au mauvais souvenir laissé par son éviction momentanée de l’épiscopat, mais sans doute plus encore à ce que le vrai premier seigneur fut son fils Guillaume. On verra cependant que beaucoup de ses successeurs se placeront, comme lui l’avait fait, autant dans la sphère du château que dans celle de la religion.
Guillaume Ier de La Guerche et de Pouancé
5Sa première apparition se place en 1107 : il est seigneur de La Guerche et c’est en sa chambre que l’abbé de La Roë reçoit donation de l’église de Saint-Germain (du Pinel11). Il est l’époux d’Emma, fille de Gautier Hai, seigneur de Pouancé. La mort probable d’un des fils de ce dernier, Gautier, et l’entrée au monastère de Nioyseau du second, Geoffroy, fait que Guillaume Ier de La Guerche devient aussi seigneur de Pouancé. Ainsi se forme, et pour des siècles, une châtellenie double, mi-angevine, mi-bretonne, caractéristique de la marche. Au cours des xiie et xiiie siècles, cette situation allait placer la seigneurie au cœur des enjeux politiques et militaires opposant ou alliant le royaume de France, les Plantagenêts et le duché de Bretagne.
6On ne sait qu’assez peu de choses sur lui. En 1115, il obtient de Raoul abbé de Saint-Melaine des reliques de saint Nicolas12 pour le prieuré de La Guerche. Cependant, dès 1121, il entre en conflit avec les moines à propos de leur marché, signe de l’essor des échanges13. C’est à son époque que ses beaux-parents Gautier Hai de Pouancé et son épouse Basilie, ainsi que son épouse Emma, dotent l’abbaye de Nioyseau fondée en 1109 par l’ermite Salomon. Les sources montrent alors une seigneurie influente jusqu’aux portes de Segré, et ainsi déjà bien présente en Anjou14.
Guillaume II, le sénéchal du Temple ignoré
7Il apparaît entre 1127 et 1145, lorsque, devant la dépouille son père, il donne un nuit de vin, un jardin et le droit d’étalage aux moines de Saint-Nicolas. Il s’apprête alors à partir en pèlerinage à Saint-Jacques, expédition que ses proches l’avaient empêché à plusieurs reprises de faire pendant sa jeunesse15. À son époque, la seigneurie s’étend vers l’est dans le Segréen ; on le constate à l’occasion de donations ou approbations en faveur de l’abbaye de Nioyseau ou du chapitre cathédral d’Angers, lorsqu’Ulger crée le futur Bourg-L’Evêque (1125-1138)16. Le 9 août 1138, une notice le montre avec Guérin seigneur de Craon, donnant à La Roë ses droits sur les hommes de l’abbaye17. Vers le début des années 1150, il procède à un don de six sous en faveur de Nioyseau, dans le cloître des moines de Marmoutier à Pouancé18. Et puis en 1156, on le voit s’apprêter à prendre le chemin de Jérusalem. À cette occasion il renouvelle solennellement, et devant près de mille personnes, ses dons aux moines de Saint-Nicolas de La Guerche. L’acte est passé dans le cloître de Sainte Marie (Madeleine) de Pouancé, en présence de Maurice de Craon, Geoffroy de Châteaubriant, Guillaume abbé de Saint-Melaine, Michel abbé de La Roë19. Les formules utilisées, les exhortations qu’il adresse à ses fils pour le respect de ses donations, la présence d’une foule immense, celle des grands seigneurs et abbés de la région, tout indique la préparation planifiée et mise en scène d’un voyage envisagé sans retour. Et tout laisse à penser qu’il ne revint pas de Terre Sainte. En effet, quatre ans plus tard, il figure par deux fois dans des actes de Baudoin III, roi de Jérusalem, désigné comme commilitonum Templi senescalcus.
8Le premier de ces actes est une confirmation de donations au Saint-Sépulcre, passée à Acre, le 26 juillet 116020. Guillaume y apparaît juste après les évêques et les dignitaires religieux de Terre Sainte, au premier rang des hommes de guerre, avant tous les grands laïcs, et visiblement représentant du maître, Bertrand de Blanchefort. Le second est passé à Jérusalem le 29 novembre 1160 lorsque Baudoin remet cinquante tentes de Bédouins aux Hospitaliers, sans doute après une bataille à laquelle ont pris part les Templiers. Il apparaît cette fois derrière le maître de la milice, Bertrand de Blanchefort21. Guillaume (II) de La Guerche est donc devenu sénéchal du Temple, c’est-à-dire deuxième personnage de l’ordre, ombre du maître qu’il peut remplacer dans tous les actes et au nom du chapitre. Deux autres actes, datés d’entre 1160 et 1162, le montrent encore à la suite de Bertrand de Blanchefort, toujours désigné comme sénéchal. Dans les deux cas, il témoigne à des donations faites par son ordre au Saint-Sépulcre : cent cinquante besants, des casaux ainsi que des dîmes22. Il apparaît encore en avril 1168, comme premier témoin d’une transaction au plus haut niveau, lorsque Bertrand de Blanchefort, toujours maître, mais pour un an seulement, remet à Othon, comte palatin et futur duc de Bavière, une maison de la milice du Temple, située en Allemagne ; il est désigné « Fr. W. de guirchia », frère Guillaume de La Guerche23. Sa sixième et dernière apparition dans les sources se place le 16 mars 1169. À cette occasion, il témoigne à une concorde qui met fin à une querelle de dîmes entre l’ordre des Templiers, d’une part, et Pierre, évêque de Valénie/Baniyas et l’évêque de Tortose/Tartus, d’autre part. Ce sont là deux évêchés implantés sur l’actuelle côte syrienne non loin de Lattaquié. Dans cette région, et à cette époque de Bertrand de Blanchefort, l’ordre, qui est alors en pleine expansion, construit de puissantes forteresses d’un type très novateur, telle celles d’Athlit, Belvoir ou Tortose. On aimerait savoir si Guillaume de La Guerche y prit sa part et à quel titre. Comme l’année précédente pour la Bavière, il n’est désigné que comme frater Willelmus de Guirchia24. Est-ce à dire qu’il ne détenait plus la charge de sénéchal ? C’est probable car il vient en second rang, après frater Galterus de Berito, preceptor. Le 2 janvier de la même année Bertrand de Blanchefort, qui fut le grand organisateur de l’ordre et à qui son sort paraît lié, s’éteint. À partir de cette date, Guillaume disparaît des sources, peut-être redevenu simple frère chevalier. Il ne réapparaît pas non plus en France. Tout laisse donc à penser qu’il est mort là-bas, peut-être au combat. Parti Outre-Mer en 1156 ou peu après, entré dans l’Ordre sans doute très tôt, devenu le second de la hiérarchie, au moins en 1160, et encore frère du Temple en 1168 et 1169, il est évident qu’il n’était plus seigneur de La Guerche après 1156. De fait, il avait laissé le château à son fils Geoffroy. Il est aussi très probable que la création du Temple de La Guerche, qui deviendra une des grandes commanderies de Bretagne lors du rattachement aux Hospitaliers au début du xive siècle, lui doit beaucoup, sinon tout25. Malheureusement les archives générales du Temple ont disparu, et il n’en reste que de rares bribes à Malte, qui ne permettent pas de mieux suivre cet étonnant destin26. Il avait pris pour épouse une mystérieuse Domette, dont il eut Geoffroy et Hugues, sans doute sœur de Hugues seigneur de Craon, dont le nom n’apparaît qu’une seule et unique fois, presque effacé, sur une charte de La Roë, datée d’entre 1170 et 1180. Était-elle décédée lors du départ de Guillaume II pour Jérusalem en 1156 ? Aucune source ne permet de répondre. Il est en tout cas certain que la règle du Temple imposait le célibat pour pouvoir porter la robe blanche des frères ; marié, il aurait contrevenu à la règle de l’Ordre ce qui semble inconcevable pour un aussi haut dignitaire27. Son deuxième fils, Hugues, est marié à Marquise de Craon, fille de Hugues de Craon et sœur du futur Maurice II de Craon. Ces liens très étroits28, voire consanguins, avec une grande seigneurie limitrophe, renforcent encore le tropisme de la seigneurie de La Guerche-Pouancé vers l’Anjou. Ces mêmes liens peuvent d’ailleurs avoir participé à sa vocation et sa carrière templière : Robert de Craon, fils de Renaud le Bourguignon, n’avait-il pas été le deuxième maître du Temple ? Il n’était mort qu’en 1147. À cette date, Guillaume II était déjà adolescent, voire adulte et il ne peut qu’avoir été très marqué par le destin hors du commun de ce proche parent.
9Notons encore qu’il a un frère nommé Hamon, qui figure dans quelques actes près du duc Conan. C’est un signe de plus du poids politique de la famille. Avec Guillaume II le pouvoir, les possessions et le rayonnement de la châtellenie se renforcent, autant vers la Bretagne que vers l’Anjou, mais surtout bien au-delà, jusqu’à la Terre sainte et au sommet de l’ordre du Temple. Il aurait élu sépulture à Savigny29, mais il s’agit là d’une confusion ancienne. Plus encore que son oncle, le mystérieux Geoffroy installé en Grande-Bretagne, on peut dire aujourd’hui qu’il est une des grandes figures révélées dans la saga des La Guerche-Pouancé. À la dimension épiscopale de la famille, il a ajouté celle du moine-chevalier, réalisant l’idéal de sa lignée et de son temps, tel que saint Bernard le définissait : chevalier du Christ portant à la fois la cuirasse de la foi et la cuirasse de fer. Nul doute que ce destin n’ait été magnifié dans la mémoire de la famille et n’ait marqué le comportement de ses descendants, en particulier celui de son petit-fils Guillaume III.
Geoffroy I, seigneur dans l’ombre de son père
10On vient de voir qu’il doit succéder à Guillaume II son père, engagé dans l’ordre du Temple, dans les années 1156-1160. Dans un premier temps, son père vivant, il ne porte pas le titre de seigneur, par exemple en 1162, lorsqu’il figure près de Maurice II de Craon, son oncle30. À cette date, son père est en Terre Sainte. Mais celui-ci doit disparaître en 1172, ou peu avant, comme on l’a vu, car à cette date, dans un acte de Saint-Aubin d’Angers, Geoffroy est dit dominus castri Guirchie31. Sa position dans le lignage est assurée par une charte en faveur de La Roë, de 1170-1180 où il est dit seigneur de La Guerche, fils de Guillaume (II), époux d’Aliénor et père de Guillaume (futur n° III)32. À cette occasion il fonde un anniversaire à la mémoire de son frère Hugues et part, comme l’avait fait son père, pour Jérusalem ; une Jérusalem très chrétienne, sans doute, mais aussi très freudienne, car il ne pouvait prendre la croix sans espérer en même temps retrouver trace de son père, à la fois figure tutélaire et héros absent.
11Geoffroy Ier est présent en Anjou, il l’est aussi dans le Rennais tant pour Saint-Melaine que pour Saint-Cyr de Rennes. Selon Robert de Torigni, abbé du Mont, les héritiers du pays de La Mée et de l’Anjou, au premier rang desquels, Geoffroy de Pouancé et Bonabes de Rougé, refusèrent l’allégeance à Henri II Plantagenêt à l’époque de Conan IV. Menés par Raoul de Fougères, ils se réfugient dans les bois et ravagent les places anglo-normandes. En représailles, les mercenaires brabançons de Henri II détruisent alors le château de Quircae, La Guerche33. Longtemps seigneur « par intérim », dans l’ombre d’un père prestigieux, Geoffroy Ier semble avoir peiné à maintenir le pouvoir et le statut de la seigneurie. Ainsi, en 1184 ou 1185, on le voit chicaner pour de menus droits détenus par ses ancêtres sur le prieuré de Saint-Cyr à Rennes, allant jusqu’à faire enlever les volailles des moines et brutaliser le prieur. La querelle, qui est jugée à Rennes devant le comte Geoffroy, fils de Henri II, et devant l’évêque, Étienne de Fougères, ne contribue sans doute pas à le grandir auprès du pouvoir en place34. Il ne suit donc pas l’exemple de son puissant parent Maurice II de Craon qui joue avec habileté et sans hésitation la carte Plantagenêt, atout majeur à cette époque. Maurice devient gouverneur du Maine et de l’Anjou et part en croisade avec Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste, en 1191. Ce refus d’alliance semble avoir influé sur l’avenir de la seigneurie de La Guerche : par la suite, elle ne pourra jamais jouer un rôle de premier plan dans les conflits entre Bretagne, Angleterre et France.
12On peut noter que dans les actes de la pratique, il est toujours nommé Geoffroy de Pouancé et non de la Guerche. Par exemple en 1177, lorsqu’il assiste et témoigne à un synode tenu sous la direction d’Étienne de Fougères à Rannée même, paroisse dans laquelle se trouve pourtant son château de La Guerche35. Ce sera aussi le cas de ses petits-fils et arrière-petits-fils Geoffroy II et Geoffroy III. La raison tient certainement au fait que ce prénom accolé à Pouancé rappelait le Geoffroy de Pouancé, fils de Gautier Hai, devenu religieux à Nioyseau, et grâce à qui, indirectement, Pouancé et La Guerche avaient été réunis. Au contraire, le prénom Guillaume est toujours associé à La Guerche où il a été porté en premier, avec le fils de Sylvestre, avant la réunion des deux seigneuries. Il faut voir là, sous une forme codifiée, un rappel affiché de la double origine du lignage et de la seigneurie, tant au plan onomastique que territorial. Geoffroy Ier meurt le 23 juillet 119536 selon du Paz.
Guillaume III de la Guerche ou la châtellenie menacée (1195-1223)
L’emprise vitréenne
13Avant cette étude, Guillaume III était le plus connu des seigneurs de ce lignage et considéré comme le plus important ; à cela deux raisons : la collégiale de la Guerche qu’il fonde en 1206 et son gisant qu’on peut voir en ce même lieu. Sa première apparition vraiment datée se place en 1184, comme témoin de la fondation de l’abbaye de Bon-Repos37. Retenons qu’à cette occasion, il rencontre l’abbé de Savigny. Il est aussi à Angers le 22 juin 1191, avec sa première épouse Isabelle, lorsque Maurice de Craon renouvelle aux chanoines de La Roë leurs droits antérieurs38. Mais dans les deux cas, il n’est pas encore désigné comme seigneur, son père Geoffroy Ier étant réputé décéder en 1195. Sa première mention comme dominus figure dans le cartulaire de Saint-Aubin d’Angers, datée de 1175, date invraisemblable et totalement incompatible avec les autres sources39. Nous retiendrons comme première mention seigneuriale sûre, le traité de 1198 qu’il passe avec André II de Vitré. Cet acte précise que, pour mettre fin à des contentieux anciens et récents, il rend hommage à André pour le fief qu’il tient de lui ; il devra pour cela le service de dix hommes de guerre, sans doute pour Retiers, de deux pour Martigné, et de dix autres pour la paix de Carcraon40. Des deux hommes, seul André de Vitré est désigné comme dominus. Cette reconnaissance de vassalité entérine l’expansion territoriale et politique des Vitré qui prend alors en tenaille les terres de La Guerche au nord et au sud ; cela ne cessera au cours du xiiie siècle. L’extension de la puissance vitréenne n’est pas ici le fruit du hasard : André II appuie l’action de la duchesse Constance dans sa lutte contre la présence du roi Richard. En contrepartie, celle-ci lui accorde des avantages importants, d’abord la reconnaissance de ce traité41, puis l’abandon des contestations ducales sur certaines terres vitréennes42. Plus tard, en 1212, le fils d’André II, futur André III épouse même Catherine de Bretagne, fille de Guy de Thouars et de Constance43. Déjà donc, en cette fin de xiie siècle, André II et la seigneurie de Vitré acquièrent un poids politique bien supérieur à La Guerche-Pouancé, traitant presque d’égal à égal avec le duché. Cette sujétion envers Vitré n’empêchera pas Guillaume III de figurer fréquemment parmi les grands seigneurs de la marche et de l’Anjou ; il le fera à l’occasion des importants conflits provoqués par l’intrusion des Plantagenêts dans la direction de la Bretagne, puis par la politique de conquête de Philippe Auguste, mais presque toujours dans une position défensive.
Richard Cœur de Lion, Bérengère de Navarre, Guillaume III de La Guerche, et Rome, ou Segré, la terre tant convoitée
14Il nous manque certainement beaucoup de sources pour comprendre cette époque très troublée sur les marches de l’Anjou et de la Bretagne. C’est spécialement le cas pour la terre de Segré qui donna lieu à une affaire aussi complexe qu’emblématique, dans la mesure où les acteurs sont deux rois et une reine d’Angleterre, deux papes, un roi de France, et Guillaume III de La Guerche. Pour O. Guillot, cette terre et ce château situés à l’extrémité est du Pouancéen, n’entrent pas dans la liste de ceux que contrôlait directement le comte d’Anjou au xie siècle. L’examen détaillé des sources montre effectivement que, depuis au moins le deuxième tiers du xie siècle, ce château est aux mains de la famille de la Jaille-Château-Gontier. Ainsi, en 1076 Rainaldus Bucce de castro qui dicitur Segredum est cité parmi plusieurs détenteurs de châteaux, témoins pour le comte Foulque le Réchin44. En 1079-1096, Renaud III de Château-Gontier, sans doute le même que le précédent, y a sa curia45 ; il y détient le ban et procède à des dons « ad pedem motae juxta aulam (meam)46 ». En avril 1086, Godefroy de Segré, devenu moine à Saint-Nicolas d’Angers autorise le don à son abbaye de la chapelle du château avec tout le fief afférent : dîmes des marchés, des fiefs, des moulins, des vignes et revenus de la chapelle. Or, ce Godefroy, qui détient ou contrôle le ban à Segré, est un fils d’Yves de la Jaille47. Cependant en 1102-1105, le comte d’Anjou, Geoffroy Martel le Jeune, a repris le contrôle direct du château et y a placé un gardien du nom de Vaslotus48. Sans doute cette reprise en main du château par le comte est-elle liée à des événements violents ; c’est ce qu’on lit en filigrane dans un acte du 27 mai 1102 où il est écrit que Yves (de la Jaille), fils de Godefroy alors décédé, qui s’était précédemment emparé de la chapelle du château, est amené à restituer celle-ci à l’abbaye Saint-Nicolas49. Cette restitution permet à la famille de reprendre possession du château car en 1121, Geoffroy, fils d’Yvon de la Jaille – sans doute le précédent – confirme le don par ses ancêtres de la chapelle du château à Saint-Nicolas50. Entre 1125 et 1138, il est mort et c’est un Ivon de la Jaille qui est maître du château51. Ce Ivon appartient à la même famille de la Jaille-Yvon que Renaud III, seigneur de Château-Gontier, ce dernier étant fils d’un Yves de la Jaille et frère d’un autre Yves52.
15Comment la famille de La Guerche-Pouancé s’est-elle insinuée dans cette région et substituée au contrôle par la famille de la Jaille ? Il se peut que sa présence remonte à la fin du xie siècle, à l’époque du très belliqueux Gautier Hay, premier seigneur de Pouancé. Voire même à une époque antérieure, puisqu’en 1066, le jeune duc de Bretagne Conan, nostalgique du temps où la Bretagne s’étendait jusqu’à la Mayenne, s’était lancé dans une étonnante chevauchée angevine : commençant par Pouancé que lui livrait Hervé de Martigné, le père de Gautier Hai, il prenait ensuite Segré, puis assiégeait Château-Gontier, et mourait empoisonné à Craon53. À cette occasion, des fidélités et un réseau encore actif sous Gautier Hai, pouvaient s’être mis en place. En tout cas, dès le premier tiers du xiie siècle, la famille de La Guerche-Pouancé est présente aux environs immédiats, à quelques kilomètres à l’ouest de Segré. Elle dispose là de terres ou de fiefs, sur une bande de vingt kilomètres, depuis la forêt de Lourzais jusqu’à l’Oudon, zone qui recouvre, plus ou moins, une entité ancienne nommée « honneur de Lourzais54 ». Elle y a favorisé l’installation d’une abbaye en 1109, c’est Nioyseau, puis elle a permis la création d’un bourg épiscopal, vingt ans plus tard, c’est Bourg-l’Evêque. Très pieuses réalisations sans doute, il apparaît aussi que ces fondations constituaient d’excellents investissements stratégiques, des sortes de chevaux de Troie, protégés par leur statut sacré, à l’abri desquels on pouvait assurer ses positions et préparer de futures annexions.
16Quand et comment la chose s’est-elle faite ? On l’ignore pour le détail, mais à la fin du xiiesiècle, la famille de La Jaille a disparu et ce sont les seigneurs de La Guerche-Pouancé qui disposent de Segré même et de son château. En effet, en 1191, selon C. Port, alors que Geoffroy Ier de Pouancé est encore seigneur, Richard Cœur de Lion lui confisque Segré pour en faire le douaire de sa femme Bérengère de Navarre. Les faits sont en réalité plus complexes : le douaire des reines anglaises était constitué de nombreuses terres anglaises et françaises, mais Bérengère ne pouvait pas en disposer avant la mort de la reine Aliénor, mère de Richard. Celui-ci avait seulement donné à son épouse les revenus de terres gasconnes. Mais lorsque Richard meurt en 1199, puis Aliénor, en 1204, Bérengère peut faire valoir ses droits auprès de Jean Sans terre. Le 8 février 1201, celui-ci lui promet par convention un revenu de 1000 marcs d’argent par an, à prendre sur Segré55. À quoi il aurait ajouté la pleine possession de deux châteaux en Anjou qui ne sont pas nommés. L’un d’eux peut être Segré. Mais Jean Sans Terre ne réalisera jamais ces promesses conservant même la part du trésor et des meubles de Richard qui revenait à sa veuve. Celle-ci entame alors des procédures qui vont s’éterniser, faisant appel à plusieurs reprises à l’arbitrage du pape Innocent III. Le 23 juin 1214, alors qu’il vient de reprendre l’Anjou, Jean Sans Terre, qui cherche des alliés locaux, restitue Segré à Guillaume III. Mais l’année suivante, il change encore de position et promet à Bérengère de lui remettre Mervent… et Segré. Pour faire valoir ses droits, celle-ci sollicite le pape, Honorius III ; mais les interventions de ce dernier restent vaines et en 1216, alors que Jean Sans Terre a tout perdu en France, Guillaume III refuse toujours de céder Segré. Certainement bien conseillé par des juristes et appuyé par « ses complices nantais, rennais et angevins » il récuse le rescrit apostolique pour vice de forme, un o manquant au mot spoliarunt. Il argue ensuite du fait que sa résidence principale de La Guerche ne relève pas de Tours où on veut le faire comparaître devant l’archevêque, et de ce que Richard a ravi et envahi le château de Segré et l’Anjou, ce qui interdit à ses héritiers de considérer ces terres comme du domaine royal. Jugeant certainement la cause de « l’infortunée Bérengère naguère reine d’Angleterre » bien difficile à défendre, l’archevêque de Tours à qui le pape demande le 17 janvier 1217 de rendre une sentence sur le litige, s’abstient de poursuivre56. Il se contente apparemment d’envoyer quelques discrets enquêteurs à Pouancé et dans le Segréen ; on le verra plus loin. En définitive, Bérengère n’obtiendra jamais gain de cause sur Segré et Philippe Auguste lui donnera la ville du Mans en douaire57. Morte en 1230, elle est inhumée à l’abbaye de L’Epau où l’on peut encore voir son beau gisant. Cette affaire dura pendant presque tout le temps où Guillaume III fut seigneur et on peut penser qu’elle ne cessa d’être au cœur de ses préoccupations et de ses actions. Talon d’Achille de la seigneurie, Segré lui est encore contesté en 1218, lorsque Guillaume des Roches dote ses filles et prévoit de donner cette terre à l’une d’elles, Jeanne58. Or, Guillaume des Roches, le puissant sénéchal d’Anjou pour Philippe Auguste, est le beau-père d’Amaury de Craon ; quand ce dernier vient attaquer les seigneurs bretons révoltés contre Pierre de Dreux en 1223 à Châteaubriant, Guillaume III se place logiquement dans le camp du duc. On le voit, l’affaire de Segré cristallise une bonne partie des conflits politiques et militaires du moment entre France, Angleterre, et accessoirement Bretagne. Elle est la clé qui permet de comprendre les louvoiements politico-féodaux et les incessants revirements d’allégeance de Guillaume III.
Carbay confisqué
17Pour comprendre plus en détail les ressorts de l’action de Guillaume III, il est nécessaire de retourner au début de sa seigneurie. Et constater qu’après Segré, Carbay, une seconde terre angevine, lui est contestée. Carbay est une petite paroisse donnée au milieu du xie siècle à Marmoutier par le comte d’Anjou ; elle formait alors un territoire tampon entre Pouancé et Châteaubriant. Cependant, depuis cette époque, elle relève bien de la châtellenie de Pouancé. Or, en 1197, Richard Cœur de Lion en dépossède Guillaume III en échangeant les droits que Marmoutier y détient contre une rente annuelle de 3000 sous, à percevoir sur le tonlieu d’Angers. On observe qu’André II de Vitré est témoin près de Robert de Turneham, sénéchal du roi Richard, dans les deux actes qui relatent cet échange. Il n’est pas interdit de penser que le seigneur de Vitré profite là d’une relation forte pour affaiblir Guillaume III59. On a vu que l’année suivante, il l’obligera à entrer dans sa vassalité.
Les errements de Guillaume III dans la tourmente
18Quelle fut la réaction de Guillaume III face à cette spoliation ? Déjà dès 21 août 1196, il avait resserré les liens avec le duc Arthur : à cette date, selon P. Le Baud, alors que la duchesse Constance venait d’être enlevée par Richard Coeur de Lion, il était déjà des notables, évêques et barons, à qui le duc avait juré de ne pas signer de paix avec son oncle60. En mai 1199, il se trouve encore dans l’entourage immédiat du duc, auprès de qui il a certainement espoir de faire valoir ses intérêts. À cette date, le souverain breton se rend à Angers où il s’arrête d’abord chez les cisterciens de Pontron. À cette occasion, il leur confirme une donation antérieure de 12 livres, à percevoir sur son tonlieu d’Angers, à la Nativité de la Vierge. L’abbé Jean est alors investi de cette aumône avec les gants (cyrotegis) de Guillaume III de La Guerche, en la chapelle des Bonshommes d’Avrillé61. Parmi les témoins les plus prestigieux, se trouvent la duchesse Constance, mère du duc, Geoffroy évêque de Nantes, Geoffroy abbé de Rennes, Geoffroy de Châteaubriant, André de Vitré, Geoffroy d’Ancenis, Brient le Boeuf… Sans doute faut-il voir dans cette liste tous ceux que le pape avait désignés comme ses complices rennais, nantais et angevins. Plaidant bien sa cause, il obtient effectivement du duc, de sa mère et de Guillaume des Roches, la donation du château de Segré62.
19Cependant, le 3 septembre 1200, à La Suze dans le Maine, Guillaume III affiche un brutal revirement en se déclarant l’homme lige du roi Jean Sans Terre. La raison en est certainement l’octroi par le souverain anglais, du fief de Carbay, en tenure directe, pour lui et ses enfants63. À cette époque le roi anglais est maître du Maine, de l’Anjou et quasiment de la Bretagne. Guillaume III a donc choisi le camp du plus puissant, certainement pour préserver ses intérêts, reprendre Carbay et sans doute Segré.
20Mais après la mort de la duchesse Constance, puis l’emprisonnement du jeune duc Arthur à Rouen par Jean Sans Terre, l’attitude des seigneurs de l’Ouest change.
21Ainsi, en 1203, Maurice III de Craon, ennemi de Jean Sans Terre, fait hommage à Philippe Auguste, pour tout le temps où Arthur sera emprisonné. Nombre de seigneurs du Maine, d’Anjou et de Bretagne font de même, et parmi eux se trouvent Guillaume III de La Guerche et son fils Geoffroy ; ils s’engagent ensemble à rester fidèles au roi de France et à ne jamais embrasser le parti du roi d’Angleterre. Leurs garants sont Robert, vicomte de Beaumont et de Creil, Guillaume de Sillé, Bernard de la Ferté, Geoffroy de Châteaubriant, G. d’Ancenis, R. vicomte de Donges, R. d’Iré, Gautier de Châteaugiron et Guillaume Richard, qui, chacun, se portent caution pour 500 livres tournois en cas de trahison. De plus Guillaume et son fils s’engagent à toujours mettre à disposition du roi de France leur château de Segré64. On voit par là comme cette terre de Segré est au cœur des préoccupations de Guillaume III. Mais on constate en même temps qu’il a une fois encore changé de camp et qu’il lie alors son sort au roi de France ; prudent et averti des revirements de Guillaume III, Philippe Auguste a cependant demandé de très fortes garanties. Que penser de cette nouvelle volte-face de Guillaume III ? On n’évoquera pas un quelconque sentiment « breton ». L’argument serait anachronique car à cette époque ce sont d’autres logiques qui prévalent, celles des fidélités personnelles et des intérêts lignagers et domaniaux. Est-ce alors opportunisme politique ou simple pragmatisme devant les forces en présence ? Sans doute, car avec la conquête du Maine, et celle de l’Anjou presque achevée, le roi de France a déjà fortement entamé la présence anglaise. Mais on a vu aussi que Guillaume III avait précédemment approché le jeune duc, de sorte qu’il pouvait ressentir la séquestration de celui-ci par Jean Sans Terre, à la fois comme une faute et comme une menace. Le fait qu’il associe son fils à son allégeance – sans doute un autre signe de la défiance du roi à son égard – peut aussi exprimer son désir d’assurer l’existence et la pérennité de sa seigneurie, menacée qu’elle était au cœur d’enjeux supra régionaux.
22Fin 1203, quand, à la suite de l’assassinat du duc Arthur, les barons et évêques bretons se réunissent à Vannes, la seigneurie de La Guerche est représentée ; pas par Guillaume, mais par son fils Geoffroy65. En 1204, l’un ou l’autre est sans doute de la troupe de Bretons qui, menée par Guy de Thouars, prend et incendie le Mont-Saint-Michel, puis ravage la région d’Avranches et Pontorson avant de rejoindre le roi Philippe Auguste à Rouen, en mai66.
23En 1205, Philippe Auguste convoque son ost. Parmi les trente-huit chevaliers bretons figurant à la montre se trouve Guillaume III de La Guerche67 ; celui-ci participe donc aux sièges et prises de villes qui s’ensuivirent, celles de Loches puis de Chinon.
24L’année suivante, le 13 mai 1206, à Chantocé, lorsque Maurice III de Craon jure fidélité à Philippe Auguste et s’engage à maintenir pour le roi les fiefs de Pierre IV de la Garnache, Guillaume III de La Guerche figure parmi les garants68.
25Huit ans se passent avant Bouvines. Si l’on en croit Ogée, il aurait été présent à cette bataille aux côtés de Philippe Auguste, en juillet 1214, avec vingt-neuf autres chevaliers bretons69 mais il s’agit encore d’une confusion ancienne, sans doute fondée sur des forgeries rédigées plus tard pour asseoir des généalogies et des ambitions70. Tout au contraire, un acte du 23 juin 1214 révèle qu’il détient le château de Segré, et pour le compte du roi Jean Sans Terre71 ! Cela n’empêche que le 6 août 1214, il soit convoqué à l’ost de Philippe Auguste, en même temps que le duc et les évêques de Bretagne avec de nombreux grands seigneurs et chevaliers bretons72. Enfin peu avant sa mort, il semble toujours appartenir au parti pro-français, et donc à celui du bailliste Pierre de Dreux, puisque les Manceaux et les Normands révoltés contre celui-ci et menés par Amauri de Craon envahissent Châteaubriant et La Guerche. La victoire de Pierre de Dreux dans les vignes de Béré à Châteaubriant en 1222 dut lui permettre de retrouver son château et sa ville73.
26Il mourut le 4 septembre 1223 selon A. du Paz74 et fut inhumé, non pas à l’abbaye de Savigny, comme il l’avait un temps envisagé, mais dans sa collégiale où l’on plaça son gisant au centre du chœur (fig. 3).
27On peut retenir de sa présence à la tête de la seigneurie de La Guerche, qu’il vécut une période particulièrement tourmentée qui lui valut d’être placé au cœur d’enjeux stratégiques et politiques supra-seigneuriaux et supra-féodaux. Il est difficile de mesurer le poids qui fut le sien dans ces grands conflits car les sources laïques sont lacunaires. Mais il ressort de la confrontation de multiples documents tant bretons, qu’angevins, anglais, français ou pontificaux, que la logique première et constante de son action tendait avant tout à la préservation de sa seigneurie et de son lignage. C’est ce qui l’amena à reconnaître la suzeraineté de Vitré, puis à louvoyer entre les souverains anglais, français, breton, pour défendre la partie angevine de sa seigneurie. Cela se fit au prix de multiples et étonnants changements d’allégeance pour ne pas dire de trahisons. Attitude certainement jugée de l’extérieur comme tortueuse et peu fiable, ce qui explique les précautions de Philippe Auguste à son endroit en 1203. On observe encore que dans tous ces conflits, il n’eut presque jamais l’initiative, subissant au contraire les événements et n’agissant jamais que sur la défensive. Si l’on ajoute à cela une politique matrimoniale plutôt dépourvue d’envergure – ou de moyens –, tant pour lui, que pour son fils Geoffroy, on ne peut que conclure à l’affaiblissement régional du lignage et de la seigneurie. À l’inverse, on voit au cours de cette période charnière de la fin xiie siècle au début du xiiie siècle, les seigneuries voisines de Craon, Châteaubriant et surtout Vitré, monter en puissance tant en se plaçant au cœur des réseaux politiques ducaux ou royaux, qu’en privilégiant les unions hypergamiques ou à plus-value territoriale75. André II de Vitré traitant presque de puissance à puissance avec Constance, ou Geoffroy (III ou IV) de Châteaubriant recevant de Guy de Thouars la charge de sénéchal de La Mée en 1201, illustrent avec éclat l’ascension de leurs châtellenies. Ils soulignent encore plus l’affaiblissement de celle de La Guerche-Pouancé. Les premières ont déjà acquis une dimension telle qu’elles sont prêtes à affronter les mutations du xiiie siècle et les progrès des administrations bretonne ou française. La dernière ne pourra que les subir.
Quand un Geoffroy de Pouancé en cache un autre. Fin annoncée et dépeçage de la châtellenie (1223-1263)
Geoffroy II de Pouancé, le seigneur oublié
28Ce Geoffroy a été ignoré des historiens. Son existence est pourtant indiscutable car dans le testament du Geoffroy de La Guerche rédigé en 1263, il est dit que ce dernier est lui-même fils d’un Geoffroy de Pouancé.76 La confirmation de cette filiation entre deux Geoffroy de La Guerche est aussi rapportée par A. Du Paz77, mais il ajoute – on verra que c’est inexact- que le deuxième Geoffroy mourut avant son père. Or au nécrologe de Saint-Pierre de Rennes, figure textuellement, Geoffroy de Pouancé, seigneur de La Guerche, fils de Guillaume (III), ce qui démontre la filiation78. La preuve définitive qu’il y eut bien deux Geoffroy seigneurs de La Guerche au xiiie siècle est donnée par un titre de la Roë inédit et jamais exploité (fig. 4) : en 1244, cette abbaye reçoit une rente de 20 sous, à percevoir sur la coutume de La Guerche, donnée par Geoffroy de Pouancé seigneur de La Guerche avant de mourir. Parmi ses quatre exécuteurs testamentaires se trouve « Frère Guillaume de La Guerche, frère de l’ordre des frères mineurs », c’est-à-dire des Cordeliers79. Ce dernier Guillaume est le fils du mourant, Geoffroy II ; c’est lui à qui, en 1229, André III de Vitré avait promis sa fille aînée Philippa80 ; mais en 1238, à la demande de André III, et pour des raisons tortueuses, Rome avait annulé la promesse de mariage, notant que Guillaume était entré dans l’Ordre des frères mineurs, et alléguant un risque de consanguinité pour les lignages81. Laquelle ? Peut-être celle qui naîtrait du mariage imminent de André III de Vitré avec Thomasse de La Guerche, la soeur de Guillaume le dominicain. Cette union aura cependant lieu en 1240. On ne peut cependant pas ne pas remarquer que dès 1239, moins d’un an après l’annulation de la promesse, André III marie sa fille Philippa à Guy VII de Laval. Union autrement intéressante en termes de territoires, de pouvoir et de prestige. De là à penser que l’entrée dans les ordres de Guillaume lui a été fortement suggérée, il n’y a qu’un pas.
29L’existence de ce Geoffroy II de Pouancé étant attestée, on peut sans erreur donner quelques jalons de sa vie : en 1196, il assiste à la donation faite aux Bonshommes de Craon par Maurice III de Craon82. C’est lui qu’on a vu en 1203, avec son père Guillaume III, faisant hommage à Philippe Auguste, puis, seul, représentant La Guerche aux états de Vannes. C’était déjà un signe de l’affaiblissement de la seigneurie. Devenu seigneur, il doit signer un traité de paix avec André III de Vitré en 1227, à propos des services armés de Retiers et de Martigné qui ont donné lieu à une prise d’otage de la part d’André83. Il a été dit plus haut qu’en 1198, son père Guillaume III avait dû en faire de même, et par là reconnaître sa vassalité envers Vitré. Pour autant, les sources montrent qu’il tient rang parmi les grands de Bretagne. Ainsi, en 1225, son nom figure en second parmi les très nombreux seigneurs qui assistent, près de Pierre de Dreux, à la fondation de Saint-Aubin-du-Cormier84. En mars 1235, avec trois grands seigneurs de la marche, Raoul de Fougères, André de Vitré et le seigneur de Châteaubriant, il est garant du duc Jean Ier Le Roux lorsque celui-ci fait hommage au roi Saint-Louis85. En bon chrétien soucieux de son salut et en digne descendant d’une lignée d’évêques, il fonde un obit de 20 s. à la cathédrale de Rennes86. On relève encore sa présence au colloque de Saint-Denis réuni par Saint-Louis en septembre de la même année pour traiter des usurpations d’ecclésiastiques87. Mais ces présences flatteuses ne sont sans doute plus que des signes de respect pour un lignage, certes prestigieux, mais en perte de vitesse. Elles n’empêchent pas l’affaiblissement de la seigneurie ; en effet, en 1240, Geoffroy II doit donner sa fille Thomasse en mariage à André III de Vitré – l’union a lieu en janvier 124188 – et surtout lui fournir une énorme dot comprenant tout ce qu’il possède à Bais, Vergeal, Domalain, et Visseiche à l’exception de Carcraon, à quoi s’ajoutent les fiefs tenus par les familles de Denée et de la Motte en Gennes, celui des Giffart en Saint-Sauveur des Landes, et celui de Ruellan en Saint-Didier. Sans compter ses droits militaires sur Retiers et surtout ses possessions dispersées dans vingt et une paroisses du sud-est du Rennais89. En fait, ce mariage aboutit pour la seigneurie à l’amputation de toutes les terres et revenus situés au nord de la Seiche, soit presque la moitié de la châtellenie primitive de La Guerche, et, ce qui n’est pas négligeable, sur des sols considérés aujourd’hui encore parmi les plus productifs de Haute-Bretagne. Cela se fait à nouveau au profit de la seigneurie de Vitré, alors que les fils de Geoffroy II, Guillaume, Hugues et Thébaud ont été mis en religion et donc écartés de la succession, et au détriment de son héritier Geoffroy, qui lui succède en 1244. Cet assèchement de la seigneurie ne peut avoir été le seul fruit du hasard ; on y lit au contraire, en filigrane, l’action continue et hégémonique des seigneurs de Vitré qui associait stratégies matrimoniales, retournements de fidélités et, sans doute, guerres privées.
Geoffroy III de Pouancé, ou la misère d’une fin de lignage
30Dernier seigneur du lignage, il nous est surtout connu par son testament rédigé le 4 mai 1263 à Martigné (-Ferchaud)90. Il y établit des rentes au profit de diverses abbayes ou églises, mais aussi d’ordres mendiants ou hospitaliers, ce qui est bien sûr une nouveauté par rapport aux donations pieuses de son grand-père. On constate surtout que sa succession est grevée d’une multitude de petites dettes. Elles atteignent un total de 3469 livres et révèlent un manque permanent de ressources tout au long de son existence. Probablement a-t-il mené un train de vie dispendieux, mais il est certain que l’énorme dot donnée à sa sœur Thomasse, lui avait fait perdre une grande partie de ses revenus. Il est frappant de constater que dans ce document, il n’est fait nulle mention de son héritier ou de son héritière, ni de son épouse, Emma de Château-Gontier, ni du devenir de la seigneurie. On peut s’étonner du lieu où est rédigé le testament : pourquoi à Martigné, où on ne connaît pas de château important au xiiie siècle, et pourquoi pas à La Guerche, ou mieux, à Pouancé doté à cette époque d’une imposante forteresse, voire à Segré ? Est-ce à dire qu’il ne contrôlait plus ses châteaux ? Est-ce aussi un hasard si le premier de ses exécuteurs testamentaires est le puissant Guy VII de Laval, son beau-frère ? La suite de l’étude va montrer qu’il n’est sans doute pas là à titre purement amical et familial, mais aussi pour défendre ses intérêts propres. La comparaison de ce testament avec ceux de deux seigneurs voisins et contemporains, André III de Vitré en 1248 et Geoffroy IV de Châteaubriant en 1262, est saisissante91 : le premier a bien des dettes mais les « rentes de sa terre » suffiront aisément à y faire face ; il constitue château et terre de Châtillon-en-Vendelais en douaire pour sa femme Thomasse, dote ses filles Aaliz et Euthaise sur ses terres de Normandie, distribue émeraudes, saphirs et joyaux, et enfin, institue sa fille aînée Philippa, épouse de Guy VII de Laval depuis 1239, son héritière92. Le second se montre peu endetté mais au contraire riche et généreux, en particulier lorsqu’il dote les Trinitaires d’une énorme rente de deux cents livres ; ses domaines sont bien gérés, spécialement ses forêts ; enfin il a un héritier mâle, Geoffroy, garant de la pérennité du lignage93. Autant les testaments de Vitré et Châteaubriant renvoient l’image de grands seigneurs munificents, puissants et soucieux de se perpétuer, autant celui de La Guerche exprime la gêne et la décadence d’un lignage.
31Le recul et l’effacement presque total du pouvoir de Geoffroy III apparaissent en filigrane dans un acte très peu connu de 1257. Il s’agit du règlement d’un conflit entre le chevalier Gohier de Champagné d’une part et Hugues et Thébaud de Pouancé, frères de Geoffroy III et chanoines de Rennes d’autre part. Le litige porte sur une terre située en Visseiche et achetée par les deux frères aux héritiers d’un nommé Guillaume Le Heaume. Quelques années plus tôt, ce Gohier, un cadet, venu du pays de Rennes, s’était brutalement installé à Visseiche, sur les terres de La Montagne qui relevaient précédemment de la seigneurie de La Guerche. Nul doute que cette intrusion ne se soit faite avec l’assentiment des souverains bretons dont les Champagné sont proches94, nul doute encore que Gohier n’ait mis à profit la désagrégation de la seigneurie de La Guerche, nul doute enfin qu’il ne se soit installé là avec l’accord des seigneurs de Vitré : en effet, lorsqu’elle avait épousé André III de Vitré en 1241, Thomasse de La Guerche avait apporté dans sa dot la terre de Visseiche. Le différend est donc logiquement porté devant le seigneur supérieur de la terre, Guy VII de Laval et sa nouvelle épouse Thomasse, veuve d’André III et sœur des plaignants. C’est pourquoi Geoffroy III ne figure pas dans le jugement, mais seulement ses deux frères, les plaignants Hugues et Thébaud, chanoines de Rennes. Humiliante et léonine, la sentence les oblige à reconnaître tenir la terre contestée de Gohier, ce dernier devant même en devenir seul détenteur à leur mort95. De cette affaire de peu d’importance et cependant symbolique, il demeure une trace bien visible, sous la forme d’un lieu-dit Le Heaulme, à seulement 0,3 kilomètre du manoir de Gohier, à 1 kilomètre de l’église de Visseiche et à 5 kilomètres seulement du château de Geoffroy III.
32Nous avons rencontré celui-ci l’année suivante, en 1258, quand avec Guy de Laval, seigneur de Vitré, et Geoffroy de Châteaugiron, il porte la chaise du nouvel évêque Gilles ier, lors de son entrée solennelle à Rennes96. Apparition purement honorifique et d’un autre temps97. De sa descendance, on connaît deux filles, Jeanne et Yolande, peut-être aussi un Pierre de La Guerche, fils de Geoffroy, lui aussi chanoine cathédral à Rennes98, peut-être encore un Pierre de Pouancé chevalier, un de ses exécuteurs testamentaires, dans lequel on ne sait si l’on peut soupçonner un bâtard99. Sans doute a-t-il aussi un lien direct avec ce frère Geoffroy de La Guerche, au prénom si pouancéen, désigné comme chanoine régulier de Rillé en 1290, par le seigneur de Fougères100. Mais pour ces hommes, les preuves de filiation font défaut. Il n’a en tout cas aucun fils en état de lui succéder, de sorte qu’à sa mort en 1263, ou peu après, la seigneurie échoit à sa fille Jeanne, alors mineure. Un tel parti ne pouvait qu’attiser les plus grandes convoitises.
33En premier lieu celles des seigneurs de Vitré. Cette seigneurie venait de connaître des événements majeurs : en 1250, André III meurt sans héritier mâle ; or, sa fille aînée, Philippa, est l’épouse de Guy de Laval depuis 1239, de sorte que celui-ci se retrouve à la tête d’une des plus puissantes seigneuries de l’Ouest, et de surcroît à la fois mi-bretonne, mi-française. Philippa meurt et Guy VII épouse alors Thomasse, la veuve d’André III, donc son ex-belle-mère, avant 1257101 : ainsi, l’alliance/dépendance de La Guerche envers Vitré est-elle scellée une seconde fois. Lorsque son père meurt, Jeanne, encore mineure, est confiée à la garde de Guy de Laval102 qui est à la fois son oncle et son grand-oncle103. On s’étonnerait aujourd’hui de ce que cette enfant n’ait pas tout naturellement été laissée à la garde de sa mère, Emme de Château-Gontier, la veuve de Geoffroy III. Mais à cette époque et surtout dans une famille seigneuriale, la personne d’un enfant ne pesait rien face aux intérêts du lignage. À l’évidence, la documentation écrite ne dit pas tout ; des événements graves ont du se produire qui expliquent cette captation d’héritière. Mieux encore, le roi Saint-Louis en personne intervient alors dans la succession : il fait savoir à Guy VII de Laval son souhait que Jeanne « fille Monseigneur Geffroy, jadis seigneur de Pouencé », épouse Jean de Beaumont. Or le père de ce dernier, Louis de Beaumont, n’est rien moins que le cousin du roi. Cette demande est révélée par une lettre du 24 avril 1265, écrite au roi par la vicomtesse Agnès de Beaumont ; celle-ci est très impliquée dans l’affaire, à la fois comme mère du promis, comme épouse de Louis de Beaumont le cousin du roi, et enfin comme nourrice de ce dernier104. Le 26 septembre 1265, le roi ratifie les conventions du mariage105 et dès avant le 1er octobre, 1265, Jeanne est tout simplement confiée par Guy VII à la garde de Louis de Beaumont et de son épouse Agnès106.
34Ce mariage n’épuise pas pour autant l’affaire guerchaise. En effet, pendant ces tractations politico-matrimoniales au plus haut niveau, la veuve de Geoffroy III, Emma de Château-Gontier, épouse très vite après son veuvage le sire de Rays, Girard (II) Chabot ; l’union a lieu entre le 4 mai 1263 et septembre 1264107. C’est à la suite de ce mariage, et avant 1266, que l’on voit Louis de Beaumont engager un procès contre ce Girard (II) Chabot ; on le sait par un acte dans lequel Saint-Louis intervient à nouveau, en faisant établir un traité entre les deux protagonistes : Girard doit acquitter les dettes de Geoffroy III sur la dot de sa femme, payer l’entretien de Jeanne, et rembourser 2000 livres prises par lui sur les bois de Pouancé ; en échange, le même Girard demande l’annulation des legs « non raisonnables » faits par Geoffroy III dans son testament108. En 1268, un autre arbitrage rendu à Angers, et à nouveau sous sceau royal, nous apprend que Jeanne est toujours mineure mais que son mariage a eu lieu, que Girard conserve la garde de la seigneurie de Pouancé-La Guerche-Segré jusqu’à la majorité de Jeanne, qu’un tiers des biens et du domaine a été donné en douaire à la veuve Emma, que les dettes de Geoffroy seront payées sur les bois et forêts, et que les biens meubles de Geoffroy III peuvent être saisis par les créanciers et les exécuteurs testamentaires109. En 1292, soit 24 ans plus tard, selon A. du Paz, on s’arrache encore quelques miettes de la seigneurie puisque Geoffroy de Châteaubriant, époux d’Ysabeau de Machecoul, rachète les droits de Jean de Beaumont et de son épouse Jeanne de La Guerche sur la forêt de Juigné pour la somme de mille livres110. C’étaient là les restes d’une co-seigneurie Pouancé-Châteaubriant sur la forêt de Juigné, plusieurs fois attestée dans A. Du Paz, symbolisée par la fondation conjointe de la Primaudière en 1207, et qui remontait sans doute à Gautier Hai111, seigneur de Pouancé à la fin du xie siècle. Dans ces trente années qui suivent la mort de Geoffroy III de La Guerche-Pouancé, on voit donc que les Vitré-Laval, sont rejoints par les Châteaubriant et les sires de Rays112 pour l’achèvement de la curée. Démembrement par les Vitré-Laval, puis plus tard par les Rais et les Châteaubriant, captation d’héritière mineure, annexion au parti français et pillage en règle de l’héritage, tel aura donc été le triste sort de cette importante seigneurie, broyée dans l’étau des grands intérêts politiques du moment et livrée aux appétits des puissants voisins de la marche. S’éteignait en même temps l’important lignage seigneurial qui, pendant deux siècles avait détenu la châtellenie de la Guerche,
Un lignage et son rapport à la religion : le cas de Guillaume III
35La confusion entre charges religieuses – épiscopales ou abbatiales – et politiques a fortement marqué le lignage de La Guerche à ses débuts. Mais c’était au xie siècle avant que ne passe la réforme grégorienne. Par la suite, la religion demeure très présente dans la vie des successeurs de Sylvestre : fin xie siècle d’abord, avec Geoffroy « l’Anglais », généreux fondateur Outre-Manche pour Monk’s Kirby et Selby, puis au xiie siècle au travers des donations, du culte des reliques (saint Nicolas) ou des pèlerinages à Saint-Jacques. Mais ce type de comportement est le fait de beaucoup de familles seigneuriales de l’époque. Avec Guillaume II, devenu sénéchal du Temple et oubliant sa châtellenie, c’est encore un pas de plus qui est franchi vers l’effacement du pouvoir laïc au profit de l’accomplissement chrétien. Mais c’est sans doute Gullaume III, au début du xiiie siècle qui paraît le mieux résumer cette impossible tentation et ce déchirement entre le siècle et Dieu.
36Effet de prisme des sources, presque toutes d’origine religieuse, religiosité profonde héritée de ses ancêtres évêques, ou simple miroir de la réalité mentale du temps, ce seigneur apparaît impliqué dans de très nombreuses donations ou fondations pieuses, en un temps où celles-ci commencent à se raréfier. Il nous a semblé intéressant de détailler la liste de celles-ci pour en rechercher les ressorts, comprendre comment elles s’inscrivaient dans l’époque et tenter d’évaluer leur nouveauté ou au contraire leur archaïsme.
37La plus importante concerne la collégiale Notre-Dame de La Guerche. Grâce à dom H. Morice, nous disposons d’un document exceptionnel, connu par un vidimus de 1360, qui détaille sa fondation en 1206 par Guillaume de La Guerche, fils de Geoffroy de Pouancé113. Cette création est d’ailleurs brièvement rappelée dans le nécrologe de Saint-Pierre de Rennes114. Un lieu de culte voué à Notre Dame existait déjà au moins depuis 1170 et alors seulement désigné comme chapelle ; Rannée étant l’église paroisssiale, Notre-Dame n’était donc qu’une simple chapelle castrale, à seulement 100 mètres du château. Mais quinze ans plus tard, dans une bulle de Lucius III, elle est comprise dans la chapellenie de La Guerche avec les autres chapelles (Trinité, Saint-Nicolas et Saint-Maimboeuf), le terme capellaniam impliquant la quasi promotion au rang d’église paroissiale115.
38Lorsqu’il transforme cette chapelle en collégiale, Guillaume III renoue alors avec une vieille pratique seigneuriale, celle qui consiste à créer un établissement indépendant de tout évêché ou de toute abbaye, et au contraire étroitement lié à son propre pouvoir et à son lignage. Les formules initiale et finale de la charte, souvent ailleurs un peu mécaniques, prennent ici tout leur sens : celle de l’introduction « pro salute anime mee, antecessorum et haeredum meorum » exprime la réelle et forte volonté d’œuvrer pour un lignage qu’il veut ancré dans le passé, le présent et le futur ; celle qui clôt la charte, ne manque pas d’associer au fondateur, son fils Geoffroy, futur seigneur de La Guerche, son épouse, Hersende de Sillé et sa fille, Elisabeth, garants pour l’avenir le plus proche.
39Le culte de Marie connaît depuis longtemps un grand succès, ainsi au xiie siècle avec les Cisterciens qui placent tous leurs établissements sous sa protection. La dédicace de la collégiale à Notre-Dame semble bien révéler une fidélité particulière de Guillaume et de ses ancêtres au culte marial : l’abbaye de La Roë en 1096 lui avait elle aussi été dédiée ; or son fondateur Robert d’Arbrissel avait été très proche de Sylvestre, ancêtre de Guillaume III ; tous ses successeurs avaient comblé cette abbaye de leurs faveurs. On remarque encore que les foires, mentionnées dans l’acte et destinées à se perpétuer pendant des siècles, avaient lieu in Assumptione beate Marie ; au même jour, le seigneur s’engage à recevoir les chanoines à sa table ; le don de dix sous sur son passage de La Guerche est fixé à la Nativité de La Vierge et le droit d’envoyer les porcs à la glandée en forêt commence à la même fête. Notons que Fontaine-Harouys, établissement fondé par Guillaume III était aussi placé sous l’invocation de Marie116. De telles collégiales séculières avaient déjà été fondées sur la marche bretonne par de grands seigneurs châtelains, Auffroy à Fougères en 1024 et Robert Ier à Vitré en 1060. La fondation de Guillaume III présente avec celles-ci plusieurs points communs : même vocable de Notre-Dame, même implantation à proximité immédiate du château et même volonté d’inscrire un lignage dans la religion et dans le temps. Est-ce un hasard si en 1209, André II de Vitré, suzerain de Guillaume III, fonde lui aussi une collégiale dans son château, dédiée celle-ci à Marie-Madeleine ? Les deux châtelains entretenaient des relations politiques et militaires directes, le premier s’étant déclaré vassal du second en 1198.
40La collégiale actuelle de La Guerche est un édifice très complexe, profondément remanié à la fin du xixe siècle par l’architecte Arthur Regnault, dans lequel il est parfois difficile de démêler l’originel du pastiche. À la base de la tour clocher on peut cependant voir une salle voûtée appuyée contre le chœur, reste d’une partie privative de la chapelle seigneuriale à la fin du xiie siècle. Quant au grand vaisseau actuel, R. Blot pense qu’il reprend pour partie un édifice antérieur au xve siècle, déjà entamé au cours du xiie siècle peut-être agrandi par Guilllaume III, et doté d’une longue nef, l’ensemble atteignant près de 40 mètres de longueur. La croissance de l’agglomération castrale de La Guerche, sensible dans les sources dès le milieu du xiie siècle, explique d’ailleurs pour partie le développement d’un tel édifice de culte, destiné à pallier l’éloignement de l’église paroissiale de Rannée. Grâce à un dessin de Alfred Ramé de 1861, on connaît pour partie l’aspect de sa haute façade du xiiie siècle : quatre contreforts à ressauts, porte en arc brisé à triple voussure et chapiteaux à crochets, surmontée de fenêtres géminées117(fig. 5). Peut-être est-elle due à Guillaume III. Sa mémoire est en tout cas très présente dans l’édifice, et pas seulement sous la forme du gisant dont on dit depuis le xviiie siècle qu’il est le sien.
41On ne sait pas précisément à quelle date Guillaume III procède à une fondation en forêt de La Guerche et de Rannée, en faveur des frères de Fontaine-Harouys ; sans doute quelques années avant la collégiale118. Ce lieu de rêve, isolé du monde, au cœur de la forêt, au centre de sa clairière circulaire, tel « un œil de lumière119 », se prêtait mieux que tout autre à la méditation et à la vie monastique (fig. 6). Depuis au moins le xviiie siècle, on le nomme L’Abbaye120 ; cependant, les trois seuls actes médiévaux qui en font état ne mentionnent ni abbé, ni abbaye, mais seulement les frères de Fonte-Haruys et leur maison (domus121). Même si ce dernier terme est souvent employé pour désigner une abbaye, on ne peut assurer que Fontaine-Harouys en fut vraiment une. En 1263, dans son testament, Geoffroy III de Pouencé, petit-fils de Guillaume III, élit sépulture en l’église du lieu, une fois encore désigné comme domus122. Cette dernière volonté montre que l’établissement vivait et semblait bien destiné à durer. Quand fut-il construit ? Les derniers restes en ont été détruits à la fin du xixe siècle Grâce à Amédée Guillotin de Corson, qui a vu la chapelle encore debout, on sait cependant, qu’elle présentait une porte ogivale à simple tore, datable du xiiie siècle123 Elle remontait donc bien à Guillaume III ou à un des deux Geoffroy ; peut-être en était-il de même des « restes de clouaistre » décrits en 1624. À cette date, Fontaine-Harouys est unie à l’abbaye de Lieu-Dieu en Jard (Deux-Sèvres) et n’est désigné que comme prieuré124. Peut-être Guillaume III avait-il ici l’intention de créer dans sa propre forêt un établissement comparable à l’abbaye de La Roë : celle-ci commença aussi dans une forêt, celle de Craon, et fut fondée par la famille de Craon, proche de celle de La Guerche. Mais c’était un siècle plus tôt, et en 1206, le temps de la réforme grégorienne qui voyait affluer les restitutions et donations pieuses était passé. Fontaine-Harouys végéta et ne rayonna guère qu’aux abords de la forêt de La Guerche.
42Le 24 mars 1205, Guillaume III participe avec les seigneurs de Craon et de Laval, à un accord d’ordre immobilier entre les abbayes de Savigny et de Fontaine-Daniel. À cette occasion, il est précisé qu’il s’est précédemment donné à l’abbaye de Savigny et qu’il y a élu sépulture125. Cette décision étonnante de la part d’un grand seigneur, est confirmée dans un acte, publié par dom H. Morice où il est dit qu’il élit la maison de Savigny pour y avoir sa sépulture et qu’il se donne à cette abbaye et à la vie et à la mort126. Rappelons que dès 1184, il avait rencontré l’abbé de Savigny lors de la fondation de Bon-Repos. On sait que la sépulture dans la chapelle Sainte-Catherine de Savigny était très recherchée par les seigneurs de la région. En revanche, la deuxième formule mérite qu’on s’y arrête : au sens premier, elle signifierait la prise d’habit ; cela ne surprendrait pas de la part de Guillaume III ; mais il semble qu’elle exprime plutôt la volonté de partager le bénéfice des prières des moines. L’acte n’est pas daté mais les témoins cités, André II de Vitré et son frère Alain de Dinan, sont compatibles avec une datation à l’extrême fin du xiie siècle.
43En 1207, un an seulement après l’importante fondation de sa collégiale, il s’associe à Geoffroy de Châteaubriant pour fonder la celle grandmontaine de La Primaudière en Juigné. Cet ordre érémitique à l’origine, et par la suite très austère, avait été fondé au début du xiie siècle par Étienne de Muret, près de Limoges. Il ne s’était implanté dans l’Ouest que discrètement et tardivement : avant 1188, c’était la maison de La Haye-des Bonshommes en Avrillé, près d’Angers, et avant 1196, les Bonshommes de Craon en Ballots, près de Craon. Guillaume n’avait pas participé à cette dernière fondation de Maurice II de Craon, seul son fils Geoffroy y avait assisté en même temps que Bonabes de Rougé127. Mais on a relevé qu’en 1200, il était probablement aux Bonshommes d’Avrillé avec le jeune duc Arthur. Observons donc que La Primaudière est une fondation tardive, une des dernières de l’ordre et la plus occidentale128. Notons aussi que comme Fontaine-Harouys, elle est installée en un lieu propice au recueillement, au milieu des bois, tout près de la forêt de Juigné, et à cheval sur l’Anjou et la Bretagne. Toutes ces observations valent pour les autres fondations de Guillaume III, homme du siècle passé et homme de la marche. Pour La Primaudière, la transcription de Dom H. Morice semble montrer qu’il donne nettement plus que le seigneur de Châteaubriant : vingt-cinq livres et quatre bourgeois à Segré, Pouancé, Martigné et La Guerche pour Guillaume, contre dix livres et un bourgeois à Châteaubriant129 pour Geoffroy. Cependant, les droits qu’il concède en forêt de Juigné devaient être trois fois moins importants que ceux accordés par Geoffroy. A. du Paz, qui a vu cet acte de fondation, décrit les sceaux qui y étaient appendus : pour Guillaume de La Guerche, c’est d’un côté un chevalier l’épée nue à la main – ce qui est fréquent pour l’époque – et de l’autre, deux léopards d’argent sur fond de gueules130 (fig. 7). On ne peut que relever l’identité presque absolue de ces armes avec celles des Plantagenêts. Faut-il y voir un signe d’allégeance de son père Geoffroy ier ou de son grand-père Guillaume II aux souverains anglais, si présents dans la région depuis le milieu du xiie siècle ? On a vu que ce ne fut pas le cas pour Geoffroy ier ; Guillaume II, avait bien un sceau131, mais il a surtout vécu outre-mer, avec le Temple, et les sources ne font pas état de ses relations avec les Plantagenêts. Ce serait donc plutôt Guillaume III qui aurait pris ces armes avec l’accord d’un souverain anglais, par exemple en 1200, lorsqu’il fait hommage à Jean-Sans-Terre. L’église qui fut alors construite à La Primaudière existe toujours, presque intacte, avec sa nef de trente-cinq mètres, haute et dépouillée, exactement conforme au modèle architectural grandmontain (fig. 8). Partout est employé le beau grès roussard local : pour les portes, les fenêtres, les nervures, l’énorme table d’autel monolithe, les contreforts à gradins du chevet. La haute voûte « plantagenêt », qui porte encore un décor peint de faux appareil et de fleurs, ainsi que les deux chapiteaux à crochets de la porte des fidèles signent une réalisation au début du xiiie s., preuve que l’acte de fondation a bien accompagné ou été immédiatement suivi de l’édification de la celle132. Dans ce paragraphe consacré à Grandmont, il est nécessaire de signaler un objet aujourd’hui perdu, mais vu et dessiné à La Guerche au xixe siècle par Alfred Ramé, sans doute à la collégiale ; il s’agit d’un beau Christ émaillé datable des années 1180-1220 et qui ornait une croix processionnelle. C’est à l’évidence un émail de Limoges (fig. 9). Or, on sait l’importance de l’ordre de Grandmont – justement fondé en Limousin – dans la diffusion de ce type d’objets133. Les relations fortes de Guillaume III avec cet ordre, permettent de supposer que ce Christ et sa croix de procession faisaient partie du trésor dont il dota sa collégiale.
44En 1209, c’est à l’abbaye cistercienne Notre-Dame de Melleray qu’il donne cinquante sous de rente à percevoir sur ses moulins de Pouancé134. L’acte est passé à Angers. En 1209 encore, l’abbaye de Fontaine-Daniel bénéficie à nouveau de ses largesses, cette fois-ci sous la forme de franchises pour ventes, achats et transports de marchandises sur toutes ses terres135. L’année suivante, l’abbaye Saint-Georges de Rennes reçoit à son tour une rente de vingt sols, sur ses moulins de Carcraon, près de La Guerche136.
45Puis, pendant presque dix ans, les sources se taisent. Il est probable que son très long procès avec la reine Bérengère pour la terre de Segré ait absorbé toute son énergie et que les enquêtes menées à cette occasion contre lui par Rome et Tours aient refroidi ses ardeurs donatrices. Ce n’est qu’en 1219, qu’on le voit confirmer un don. Il le fait au profit du prieuré Saint-Symphorien de Martigné-Ferchaud à qui il avait précédemment donné droit d’usage dans sa forêt d’Araize137, alors qu’il s’apprêtait à partir à Jérusalem. La même année, il donne confirmation à l’abbaye de La Roë de divers droits de minage, de cohuage, de panage en forêt de La Guerche et de pâturage pour aumailles dans le bois de Lourzais, au titre de la chapelle de La Trinité de La Guerche138.
46Sa dernière grande donation concerne le prieuré de Marmoutier à Pouancé vers 1220, ou un peu avant, ou peu après139. Celle-ci se déroule dans un contexte très particulier. En apparence, les faits sont simples et assez courants à cette époque de création de moulins à eau : Guillaume III a créé un nouvel étang au pied de son château – certainement l’actuel grand étang de Saint-Aubin – de sorte que des terres des moines ont été inondées (refusione stagnum) et que ceux-ci demandent réparation. Mais il est aussi fait état en termes voilés de « certaines autres choses » (quibusdam aliis rebus) apparemment plus graves car elles ont été rapportées au pape en personne, par trois indicateurs-espions (indicis), Geoffroy archidiacre, Fredoneus cellérier et Jean, premier conseiller et archiprêtre de Tours.
47Pourquoi le pape est-il mêlé à une si modeste affaire de prés inondés, à plus de mille cinq cents kilomètres de Rome ? Et pourquoi au travers de la métropole de Tours ? Sans doute l’abbaye mère du prieuré de Pouancé est-elle tourangelle ; mais il faut surtout rappeler qu’en 1216, la papauté avait, une fois encore, tenté d’arbitrer l’affaire de la terre de Segré – vieille de plus de dix ans – en faveur de la reine Bérengère et contre Guillaume III. Honorius III avait du finir par reconnaître les droits de ce dernier, en le regrettant cependant ouvertement, l’accusant d’avoir refusé de se rendre à Tours sous prétexte qu’il était seigneur de La Guerche et relevait donc d’un autre diocèse que Segré, de s’être montré procédurier jusque dans des détails d’orthographe, et d’avoir pour tout dire, bénéficié de complicités angevines, rennaises, et nantaises. Il est certain qu’à cette occasion des émissaires tourangeaux – ceux qui sont cités dans la charte- sont venus enquêter discrètement dans la région, plus ou moins à l’insu de Guillaume III, ce que sous-entend son choix du terme indices. On en a la preuve dans le compte rendu d’enquête de la même époque, réalisé par H., humble ministre de Marmoutier à la demande du pape : venu à Pouancé, en présence des indicis tourangeaux, il constate que Guillaume III, ou son chevalier-meunier, refuse depuis un certain temps que les moines perçoivent leurs droits de fournage sur le four du castrum. Il annonce qu’après de multiples altercations, il a été arrêté que les moines percevront en toute quiétude le vingtième pain de la cuisson140. Au plan de la seigneurie de Segré, rien ne semble avoir été retenu à charge car la décrétale de 1216 n’en fait pas état. Mais les multiples espions et envoyés de Tours sont aussi allés entendre les trois moines du prieuré de Pouancé et ils ont recueilli leurs doléances. Si dans l’affaire purement séculière de la terre de Segré, Rome ne pouvait pas vraiment arguer de son autorité religieuse, sauf à torturer les faits, en revanche, elle pouvait le faire pour ce prieuré de Pouancé, qui relevait de Tours. L’inondation de terres du prieuré ainsi que les « certaines autres choses » (=fautes = griefs), que Guillaume III tait pudiquement dans sa charte – et dont nous ne connaissons que l’affaire des droits du four – ont pu alors être saisies et brandies par l’archevêque pour attaquer sur son terrain. D’abord pour effacer l’affront fait à l’autorité religieuse dans l’affaire de Segré, ensuite pour faire la démonstration de sa capacité de rétorsion au plan du droit religieux, et certainement enfin, pour exercer un chantage à de nouvelles donations, qui amèneraient l’extinction de toute l’affaire, sans qu’aucune des deux parties ne perde la face, mais pour le plus grand profit de Marmoutier.
48C’est ce que nous pensons pouvoir affirmer, car loin de se borner à de simples dédommagements en terres, cette longue charte de Guillaume III énumère une impressionnante série de droits et de donations accordés aux moines dans leur bourg. On observe au passage que celle-ci éclaire remarquablement le contexte d’une petite ville castrale en plein essor économique, technique et humain. Celui-ci génère des revenus nouveaux tant au four qu’au moulin ; le seigneur voudrait se les réserver mais les moines les convoitent et font valoir leurs droits antérieurs. Guillaume III préserve sans doute ses propres droits de justice sur les hommes de son castrum ainsi que le contrôle des mesures. Mais les religieux reçoivent la vicaria des trois chemins de Carbay, Châteaubriant et Martigné, les dîmes du transit et du passage de Lourzais, celles du marché, le droit de justice sur leurs hommes, ainsi que sur les hôtes du mercredi soir au jeudi soir, les dîmes de la cohue, même si celle-ci est déplacée, les dîmes des moulins à blé, contrôlées grâce à la mise en place d’un coffre à double clé, des moulins à foulon ou à tan, s’il en est construit, de la pêche des anguilles, des droits en bois de chauffage ou de construction.
49En échange de ces pieuses libéralités accordées à l’abbé et aux frères de Marmoutier, il invite ceux-ci à installer un quatrième moine dans le prieuré, afin que soient célébrées vingt messes pour le salut de l’âme de son père, de la sienne et de celles de ses ancêtres. Enfin, il garantit que dans tous les cas d’incendie, de destruction grave, de famine ou de peste suscités par la désolation de la guerre, il assumera pour les moines la restauration des biens et la garantie de leurs revenus. Tant par ses formules, les précisions de ses clauses que par son contenu général, cette charte riche et inédite n’est pas sans rappeler celle de la fondation de la collégiale de La Guerche par le même Guillaume III, en 1206. Mais elle atteste, peut-être mieux que tous les autres dons, l’étonnant rapport de l’homme Guillaume à l’autorité religieuse : pugnace et retors quand celle-ci se mêle d’une affaire séculière, il se montre totalement soumis et généreux dès qu’il s’agit de fondations, de son salut, de Dieu.
50Comment expliquer une telle frénésie de créations et de fondations pieuses, spécialement dans les dix premières années du xiiie siècle ? Guillaume III espérait-il ainsi atténuer le poids des fautes que sa vie de guerrier et de politique l’avait amené à commettre : on pense à ses incessants changements de fidélité ? Voulait-il renouer avec une pratique ancestrale, celle d’une famille qui avait longtemps été mêlée à la sphère religieuse, épiscopale en particulier ? Pensait-il, plus encore que tous ses contemporains, que le prestige et la force temporelle tenaient pour beaucoup au soutien des autorités religieuses ? Agissait-il ainsi dans le seul but d’exalter son lignage, dans le même temps où il sentait celui-ci menacé ? Plus simplement, traduisait-il par là sa foi profonde ? Ou enfin, ne réalisait-il pas ainsi, mais d’une manière détournée et inconsciente, une vocation monastique ? On le soupçonne dans son attitude envers Savigny, mais aussi quand, à plusieurs reprises, il associe son fils Geoffroy à ses décisions, ou lui délègue son pouvoir, comme s’il s’apprêtait à abandonner celui-ci. Après tout, un siècle auparavant, un de ses ascendants par les femmes, Geoffroy, fils de Gautier Hay, avait bien renoncé à la seigneurie de Pouancé pour se faire religieux à Nyoiseau. Plus encore, son grand-père Guillaume II, en se rendant aux lieux saints et en se faisant frère du Temple, avait réalisé le suprême idéal de son temps, en étant à la fois moine et chevalier, guerrier mais au service de Dieu.
51Ces exemples familiaux n’ont pu que le marquer, tout comme ils marqueront sa descendance : Pierre, son fils présumé, ses petits-fils Guillaume le frère mineur, Hugues et Thébaud, chanoines et évêque, son arrière-petit-fils Geoffroy, chanoine… Au total, on perçoit dans l’attitude presque excessive de Guillaume III face à la religion, à la fois, une forte imprégnation familiale, une forme d’archaïsme ou de retour à des valeurs anciennes, en même temps qu’un refuge hors du siècle et hors du temps ; peut-être la seule forme d’action possible face à des forces et des enjeux qui le dépassaient.
52Au terme de cette étude, l’écheveau du lignage châtelain de La Guerche commence à s’éclairer, depuis les années 1060 avec Sylvestre, jusqu’à Geoffroy III en 1263. La châtellenie que ses membres ont mise en place, présente dès le début du xiie siècle la particularité de s’inscrire dans deux entités politiques, l’une bretonne avec La Guerche, l’autre angevine, avec Pouancé et Segré. Cet état politique semble bien avoir procuré de réels bénéfices à ses détenteurs au cours de la première moitié du xiie siècle, époque d’effacement politique du duché breton et du comté angevin. Au cours de ce siècle, la seigneurie atteint son apogée, tant en termes territoriaux qu’en termes de prestige ; on pense ici à Guillaume II, le Templier. Sans doute est-ce de ces acquis et de l’ambiguïté d’une situation en marche que Guillaume III, à ses débuts, tire encore pouvoir et influence. Cependant, très vite, avec les Plantagenêts puis Philippe Auguste, il se trouve confronté aux puissances supra féodales qui entrent en jeu dans la région, bouleversant les alliances et rompant l’équilibre des anciennes châtellenies.
53Au début du xiiie s, dès lors que la principauté bretonne commence à établir une autorité plus grande sur les châteaux, les atouts des La Guerche-Pouancé se révèlent bien insuffisants et les choix politiques de Guillaume III souvent sinueux et inconstants. À l’opposé, on assiste dans ce même début du xiiie siècle à l’essor d’une seigneurie d’une toute autre dimension, celle de Vitré. Celle-ci mène alors pendant un demi-siècle, une politique délibérée et continue d’affaiblissement, voire de démantèlement de La Guerche ; les stratégies matrimoniales en premier lieu, mais sans doute aussi militaires en furent les outils141. Et lorsque les héritiers mâles viennent à faire défaut aux Vitré, eux n’hésitent pas à s’allier aux Laval, ce qui leur permet d’éviter la disparition ; tout au contraire, ils créent ainsi une grande principauté, mi-bretonne, mi-française, d’une dimension bien supérieure aux châtellenies primitives et apte à peser dans le nouveau contexte géo-politique régional. L’abaissement puis l’effacement des Geoffroy de La Guerche au xiiie siècle, s’inscrivent dans ce schéma, accélérés par l’intrusion de Saint-Louis qui pousse les pions de la monarchie par le biais du mariage de la dernière héritière à un membre de la famille royale. La collusion entre les grandes seigneuries de Vitré, Rays et Châteaubriant parachèvera la besogne.
54Dans ces perspectives, la figure de Guillaume III prend un relief particulier ; n’ayant en main ni la puissance, ni la science politique ou lignagère pour peser de manière décisive dans le concert des grands de son époque, il semble bien s’être, au moins pour partie, réfugié dans la sphère religieuse. Fortement marqué par les origines ecclésiastiques et épiscopales de sa famille, certainement aussi par l’engagement au plus haut niveau de son grand-père Guillaume II dans l’ordre du Temple, il procède à des fondations nombreuses mais archaïsantes, telles la collégiale de La Guerche, Fontaine-Harouys, La Primaudière. Mais en ce début de xiiie siècle, l’acte pieux n’est plus générateur du même prestige ni de la même influence qu’un siècle auparavant. Le pouvoir laïc reprend la main, s’investit dans le siècle et, en même temps, change d’échelle. Guillaume III apparaît alors bien décalé, plus représentatif d’un lignage et de temps révolus que véritable acteur de son temps.
55Avant et pendant les recherches, la maturation et la rédaction de cette étude, nous avons longtemps pensé que son intérêt principal allait d’abord tenir dans la révélation d’un lignage et de cette figure étonnamment complexe de Guillaume III, sorte de sublimation et de chant du cygne d’une époque et de valeurs dépassées. Mais c’était en rester à une vision somme toute individuelle, monographique et micro-régionale. En revanche, il est apparu peu à peu qu’il y avait plus important du point de vue de la réflexion historique, que le simple exemple de ce personnage, aussi emblématique fût-il.
56Lorsqu’il est au pouvoir, puis lorsqu’il s’éteint en 1223, c’est le premier âge féodal qui s’achève, le temps des premières châtellenies très autonomes, même s’il est maintenant bien admis qu’il ne fut en rien le temps de l’anarchie féodale. C’était le temps des châtellenies chevauchables en une journée, des guerres privées révélées à mi-mot dans les sources, de l’exaltation seigneuriale au travers des valeurs guerrières, des armoiries naissantes, des fondations pieuses ; le temps des premiers et modestes châteaux encore peu pétrifiés mais occupés par des seigneurs résidents, omniprésents et tout puissants. Le seigneur châtelain aspirait alors à être dominus en tout. Son seul véritable contre pouvoir, plus que le pouvoir temporel du duc, était celui de l’Église qui avait su imposer par la contrainte autant que par la conviction, l’autorité divine sur terre ; mais c’était une Eglise toute proche, vécue chaque jour avec les moines des prieurés, avec les chanoines d’une collégiale, couramment avec les abbayes voisines, plus rarement avec celles de la Loire ; mais ce n’est qu’exceptionnellement – par exemple avec l’affaire de Béré pour Châteaubriant – que les sources révèlent la présence ou l’intervention d’une autorité extra-diocésaine, qu’elle soit métropolitaine ou plus encore romaine. Les pouvoirs laïcs extérieurs au duché n’apparaissent eux non plus pratiquement jamais, sinon dans le cas exceptionnel de la conquête de l’Angleterre, et encore indirectement. Non pas pour raison d’absence de contacts entre principautés mais parce que les rapports féodaux d’homme à homme imposaient une seule et unique relation verticale entre, d’une part, le château et, d’autre part, le duc ou le comte.
57Mais, avec la parenthèse anglaise des Plantagenêts, Henri II et Geoffroy, c’est une pratique des rapports de pouvoir toute nouvelle qui s’instaure en Bretagne, tout comme arrivent de nouvelles cultures ; on doit songer par exemple à la belle figure d’Étienne de Fougères, grand lettré, chapelain et ex-membre de la chancellerie du roi anglais Henri II Plantagenêt qui, devenu évêque de Rennes en 1168, se construit un « palais » et une belle église de pierre à Rannée, sur la marche.
58Avec le début du xiiie siècle, s’ouvrent alors des temps nouveaux qui voient un nouveau partage et surtout une nette concentration du pouvoir. La Bretagne bascule dans l’aire d’influence française avec l’arrivée de Pierre de Dreux lors de son mariage avec Alix, héritière en titre. Son action dans le duché est marquée par l’introduction d’un contrôle beaucoup plus étroit des châtelains, par exemple pour la transmission des fiefs, d’une administration ducale naissante et d’une surveillance militaire plus serrée. Très emblématiques de ces nouvelles pratiques proto-monarchiques ou étatiques sont les fondations de Saint-Aubin-du-Cormier et du Gâvre, implantées à l’est du duché. Le pouvoir séculier de l’Église est lui-même mis en cause, ce qui vaut à Pierre de Dreux d’être surnommé Mauclerc. Dans ce même domaine religieux, on observe aussi la plus grande fréquence des interventions extérieures, celle de Tours et celle des papes. Au cours de cette phase de renforcement et de concentration des pouvoirs, seules résistent les seigneuries aptes, comme celle de Vitré ou de Châteaubriant, à changer d’échelle, de moyens et de réseaux.
59Par sa position même et donc plus que la Bretagne occidentale, cette région de marche commence alors à s’imprégner d’influences et de pratiques françaises, soit par la guerre lorsque Philippe Auguste prend le Maine limitrophe, soit de manière plus insidieuse, mais tout aussi efficace, par la diplomatie et les alliances matrimoniales. Il n’est pas jusqu’à l’architecture qui commence à se métamorphoser en adoptant de plus en plus fréquemment la pierre et des modèles dits philippiens. Les affaires et les échanges s’accroissent aussi visiblement et en particulier dans cette zone de marche où l’on relève presque toutes les premières mentions de cohues. Au total c’est un changement d’échelle politique, économique et humaine qui se développe au contact de la France, dans la partie est de la Bretagne. Des études approfondies ont été récemment menées pour la région et les seigneurs de Fougères qui permettent de mesurer l’importance de cette seigneurie de la marche bretonne142 ; il serait souhaitable qu’il en soit de même pour Vitré, Châteaubriant et encore plus pour les marches sud au statut si complexe. On y découvrirait très probablement d’autres signes de cette porosité, de cette acculturation des élites seigneuriales de plus en plus gagnées par la cour, le pouvoir, l’armée, les modes de vie ou les architectures du royaume de France.
60Mais avant même l’extension de cette recherche, il est déjà évident que l’histoire de la Bretagne telle qu’on l’a formulée au xixe siècle, avec ses seigneurs de la marche aux noms si bretons, tels Rivallon, Mainguené, Brient, gardiens de l’intégrité du duché, avec ses forteresses hérissées de tours et sa frontière étanche telle que la décrit A. de La Borderie, mais telle qu’on la présente parfois encore au grand public, relève beaucoup plus d’une idéologie et d’un militantisme anachroniques que des réalités du Moyen Âge. À partir du xiiie siècle, les réseaux capillaires entre France et marche ne cesseront de se ramifier : au niveau des élites comme l’a montré le passage de La Guerche-Pouancé dans la famille des Beaumont, puis plus tard celle des Alençon ; mais aussi au niveau des populations qui connurent contacts et brassages incessants au travers des échanges commerciaux croissants et des multiples conflits des xive et xve siècles.
61Guillaume III s’éteint en 1223, en un temps où s’achève le premier âge féodal et la même année où meurt Philippe Auguste, le véritable fondateur de la royauté française ; la France est alors dans l’antichambre de la Bretagne. Un lignage s’efface, celui de La Guerche-Pouancé, balayé par les réalités. Aussi, un demi-siècle plus tard, en 1280, lorsque Thébaud de Pouancé, le petit-fils de Guillaume III, accède à l’évêché de Dol, la boucle est-elle bouclée. Le lignage retourne à la sphère religieuse, là où il a commencé, entre la terre et Dieu, mitre en tête et crosse à la main.
62J’adresse mes remerciements à tous les collègues et amis à qui j’ai soumis textes et idées en cours d’accouchement, tout au long de ce passionnant travail, et qui ont proposé ou suscité inflexions ou réflexions nouvelles : Joëlle Quaghebeur, Roger Blot, Nicolas Faucherre, Philippe Guigon, Michael Jones, Jocelyn Martineau et Daniel Pichot,
63Pour leurs contributions particulières, à Monique Chauvin-Lechaptois et Chantal Reydellet qui m’ont aimablement donné accès à leur édition en cours du cartulaire de Saint-Melaine, à Chantal Reydellet pour l’édition d’un acte du chartrier de La Roë, à Christian Davy pour son diagnostic de la croix émaillée de La Guerche, à Pierre Le Don pour la datation précise du sceau d’un Geoffroy,
64Et tout particulièrement à Danielle mon épouse, pour son aide à la lecture des chartes et à Franck Tessier pour son concours précieux dans la détection de sources médiévales exotiques, via Internet.
Notes de bas de page
1 Meuret J.-C., « Le poids des familles seigneuriales aux confins de l’Anjou et de la Bretagne : Martigné, Pouancé, La Guerche », Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne (MSHAB), t. 70, 1993, p. 89-129.
2 Brand’honneur M., Manoirs et châteaux dans le comté de Rennes. Habitat à motte et société chevaleresque (xie-xiie siècles), Rennes, 2002, p. 102-104.
3 Cartulaire de l’abbaye Saint-Serge et Saint-Bach d’Angers (xie et xiie siècles) publié par Chauvin Y., Angers, 1997, vol. I, 107, p. 94 : « Hec convenentia facta est in oppido quod Wirchia nuncupatur, annuente Silvestro ipsius castri domino… ».
4 Bienvenu J.-M., L’étonnant fondateur de Fontevraud, Robert d’Arbrissel, Paris, 1981, p. 21.
5 Delisle L., « Liste des compagnons de Guillaume le Conquérant à la conquête de l’Angleterre en 1066 », Société Française d’Archéologie. Bulletin monumental publié sous les auspices de la Société française pour la conservation et la description des monuments historiques, 1862, série 3, tome 8, volume 28, p. 475 Geoffroy de La Guierche y est cité, mais sans preuve décisive à l’appui.
6 Jones M., « Notes sur quelques familles bretonnes en Angleterre après la conquête normande », MSHAB, 1981, t. 58, p. 73-97. Selon M. Jones, la disparition de ce Geoffroy et la dispersion de ses biens sont quelque chose de mystérieux. Il ajoute qu’aucune pièce ne fournit la preuve de sa présence effective à Hastings, d’autres continentaux pouvant être venus après 1066.
7 Dugdale W., Monasticon Anglicanum, éd. révisée par Caley J., Ellis H. et Bandinel B., 6 t. en 8 volumes, Londres, 1817-1830, réimprimé en 1846. vol. 6, part. 2, p. 995-996 (Num. I, Carta Gosfredi de Wirchia), in Monasticon Anglicanum : History of the Abbies and other Monasteries, Hospitals, Frieries, and Cathedrals and Collegiate Churches, with their Dependencies, in England and Wales, London, Longman, Hurst, Orme and Brown, 1817-1830. La charte ne fait mention d’aucun enfant de Gosfredus de Wirchia. Il donne une villa, une église, deux prêtres, une terre à froment, et des dîmes diverses en sept endroits différents, ainsi que des hommes. Parmi ses proches, on relève un Raginaldus de Campania, certainement de la famille des Champagné du Rennais, dont on verra un membre nommé Gohier s’installer à Visseiche en 1257. La donation est ensuite confirmée par Rogerius de Mulbraio (Num. II, Carta Rogeri de Mulbraio).
On doit à Keats-Rohan K.S.B. l’étude la plus récente et la plus approfondie sur ce Geoffroy de La Guerche et ses possessions anglaises. Suivant en cela les premiers historiens anglais, l’auteur montre qu’il épousa une nommée Algytha, fille d’un des détenteurs précédents de ses terres de l’Oxfordshire (Keats-Rohan K.S.B., Domesday people. A prosopography of persons occuring in English Documents 1066-1166, t. I, Domesday Book, Woodbridge, 1999, p. 226. On doit cependant noter que l’épouse de ce Gosfredus de Wirchia est nommée dans un cas Alueva. Or, ce prénom évoque de très près un autre prénom porté à la même époque en haute Bretagne : dans la famille de Martigné, (près de La Guerche) vers 1060-1080, le père de Hervé se nomme Alvevus, tout comme un de ses fils (Meuret J.-C., « Le poids des familles seigneuriales… », op. cit., p. 125) ; on le connaît aussi dans la famille même de La Guerche, dont un ancêtre des années 1000, archidiacre de Nantes se nommait Alveus (Morice H. dom, Preuves, I, 353). Avant de traverser la Manche, Geoffroy de La Guerche avait-il déjà épousé une bretonne dont le prénom aurait ensuite été saxonnisé ? Aucun acte ne le prouve mais la coïncidence est étrange.
8 En 1154 le roi d’Angleterre, Étienne de Blois, confirme l’abbaye de Selby dans ses possessions ; parmi celles-ci : … Stanford cum pertinentiis ejus in [vicecomitat]u Hametonie quas eis dederunt Galfr (idus) de la Wirche et Wydo de Rainelcur… Regesta Regis Stephani ac Mathildis Imperatricis ac Gaufridi et Henrici ducum normannorum 1135-1154, Regesta Regum Anglo-Normannorum 1066-1154, vol. III, n° 817, Cronne H. A. and Davis R.H.C. (ed.), Oxford, 1968.
9 Ses dernières apparitions se placent à la fin du xie siècle ; d’abord dans une notice relative à Saint-Nicolas de La Guerche datée d’entre 1081 et 1093, où il y est cité avec Guillaume comme un des deux fils de Sylvestre (Morice H. dom, Preuves, I, col. 529). Il peut avoir eu un fils nommé Hervé (Ibidem, 530) ; et surtout dans une donation faite à Sainte-Croix de Vitré par Hervé, fils de Goranton en 1093 (Ibid., 481-482).
10 The heads of religious houses, England and Wales, 940-1216, Knolles, Dom David et al. (ed.), Cambridge, 1972, p. 106 : p. 106 pour Monk’sKirby et p. 69 pour Selby.
11 Cartulaire de L’abbaye Notre-Dame de La Roë, édité par Hamon-Jugnet M. (éd.)…, acte 259… Guirchie in camera domni Guillelmi…
12 Morice H. dom, Preuves, op. cit., I, col.529.
13 Ibidem, col. 530.
14 Traduction française du cartulaire latin de Nyoiseau, p. 68-69.
15 Morice H. dom, Preuves, op. cit., col. 530.
16 Traduction française du cartulaire latin de Nyoiseau, p. 68-71 : Don de Guillaume de La Guerche de l’herbage, de terres et bois. Les donations de Guillaume, encouragé par sa mère Emma concernent les secteurs des actuelles communes de Grugé-l’Hôpital, Renazé et la Chapelle-Hullin dans le Maine-et-Loire.
Cartulaire noir de la cathédrale d’Angers, reconstitué et publié par le chanoine Urseau, Angers, 1908, p. 217, n°cxxx. Le futur Bourg-l’Evêque est une création au nord de la forêt d’Ombrée, prise pour partie sur la paroisse de Bouillé-Ménard, ce qui marque encore l’extension de la seigneurie de Pouancé vers Segré.
17 Cartulaire de L’abbaye Notre-Dame de La Roë, Hamon-Jugnet M. (éd.), thèse de l’École des Chartes, 1971, acte 50.
18 Traduction française du cartulaire de Nioyseau, mairie de Nyoiseau (49), p. 114-115. La donation concerne le prieuré d’Anguillers en Martigné. Les témoins – Téhel de Terron, Maurice II de Craon, Robert de Saint-Michel –, ainsi que l’abbesse Adélaïde, sont compatibles avec cette datation.
19 Morice H. dom, Preuves, I, col. 624-625.
20 Claverie P.-V., L’ordre du Temple en Terre Sainte et à Chypre au xiiie siècle, Sources et études de l’Histoire de Chypre, Paris, 2005, t. III, p. 237, pièce 269. L’original est perdu et donc seulement connu par des copies.
21 Cartulaire général de l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem : 1100-1310, 4 vol., Paris, 1894-1905 (reprint München, 1980), vol., 296 (29 nov. 1160). Claverie P.-V., L’ordre du Temple…, op. cit., t. III, p. 237-238, pièce 270. Cette pièce est conservée en original à Malte : Privilegium de L tentoriis Beduinorum quos Balduinus, rex Jerusalem quartus, dedit Hospitali (Archives de l’ordre, division I, vol. II, n° 19).
22 Claverie P.-V., L’ordre du Temple…, op. cit., t. III, p. 50-51, pièce 6 et p. 51-52, pièce 7. Dans cette dernière, les dîmes portent sur des productions agricoles exotiques et uniques dans notre corpus de sources guerchaises : huile, pois chiches, lentilles, sésame, riz et mil !
23 Raumer F. Von, “Geschiste der Hohenstauffen und ihrer beit”, Geschichte and Jarbücher der Literatur, par Mathäus von Collin et Friedrisch von Gentz, Art. ii, 1827, oct., nov., dec., p. 123. Bertrandus militiae templi magister remet à Othoni comiti palatini et à ses héritiers Othmarshart et Luichenthal maiori la domus templi militum avec familia, pertinentiis et juris. La vente a été faite par le frère Bonefacius lombardie préceptor. Et la remise est faite en la main et garde de Friderici palatini comitis, frère de Othon, à la condition qu’il serve fidèlement celui-ci. Une première liste de témoins, tous frères du Temple, correspond aux membres du chapitre qui ont donné leur accord à la transaction ; au premier rang figure Guillaume de La Guerche. Une deuxième très longue liste énumère près de cinquante témoins allemands après le duc Welpho de Rabensperch. L’acte est daté d’avril 1168, la troisième année du règne d’Amauri, roi latin de Jérusalem. L’acte a donc sans doute été passé dans la ville sainte.
24 Delavillele Roulx J., Documents concernant les Templiers extraits des archives de Malte, Paris, 1882 : Episcopus Valeniensis et fratres Templi, conventione interposita, controversias suas terminant. V, p. 15 (Archives de Malte, div. I, val. 2, pièce 47). Une convention identique entre les mêmes parties avait déjà été passée le 6 août 1163, mais Guillaume de La Guerche n’y témoigne pas (Claverie P.-V., L’ordre du Temple…, op. cit., t. III, p. 52, pièce 8).
25 A. Guillotin de Corson n’avait pas entre les mains les pièces capitales datées de 1160 et 1169, prouvant l’implication de Guillaume II au plus haut niveau de l’Ordre. Mais c’est à juste titre qu’il le soupçonnait d’être à l’origine du Temple de La Guerche mentionné sous le nom de La Creuhit dans la charte apocryphe de 1182 (Guillotin de Corson A., Les Templiers et les hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, dits chevaliers de Malte en Bretagne, Nantes, 1902, p. 123-124).
26 En cours d’étude, nous avions repéré trois actes où figure Guillaume de La Guerche sénéchal du Temple. N. Faucherre nous a signalé l’existence de l’importante thèse de P.-V. Claverie qui recense les trois autres. Qu’il en soit remercié.
27 Deux auteurs la citent. C’est d’une part Guillotin de CorsonA. (Les grandes seigneuries de Haute-Bretagne, Rennes, 1897-1899, ii, p. 208) mais il ne donne pas sa source. D’autre part, Bertrand de BroussillonA., La maison de Craon, étude historique accompagnée du cartulaire de Craon, Paris, 1893, I, p. 109, qui dit la tenir de la p. 489 de la copie Marchegay du cartulaire de La Roë. Nous avons consulté à Angers, une copie du cartulaire de La Roë par Marchegay (61H1). Or, celle-ci ne comporte que 245 numéros portés au verso de chaque page du cahier et correspondant à autant d’actes. Mais aucune pagination réelle et pas de p. 487. Est-ce bien la même copie dont parle Broussillon, ou est-ce une erreur de sa part ?
Allant à l’original sur parchemin qui se trouve dans le fonds de La Roë pour La Trinité de La Guerche (AD 53, H 193/15), nous avons pu lire en haut à droite : Gaufridus filius Guillelmi et Dom… . et dominus Guirchie. Dom est presque effacé mais lisible. Coordonné à filius Guillelmi, il ne peut que désigner le nom de la mère. La place existe pour la fin du mot, mais elle a complètement disparu : en raison simplement de la pliure et de l’usure ?… ou d’un effacement volontaire ? a-t-on alors voulu faire disparaître, a posteriori, une femme gênante pour un frère du Temple à qui la règle imposait le célibat ? Ne cédons pas à la paranoïa templière, ni au syndrome du « Nom de la rose ». Tenons-nous en aux faits : Paul Marchegay, chartiste et paléographe incontesté, a certainement lu ce nom au xixe siècle, mais il est à peine visible aujourd’hui ; c’est sans doute pourquoi Mme Hamon-Jugnet, dans son édition du cartulaire, un siècle plus tard, ne l’a pas vu ou n’a pas cru bon de le reporter (acte 277).
Quoi qu’il en soit, cela entraîne une double conclusion : que d’abord une Domette existe bel et bien, épouse de Guillaume II de La Guerche et mère de Geoffroy Ier de Pouancé ; et qu’ensuite, elle est la sœur de Hugues de Craon, le père de Maurice II, et donc bien de la maison de Craon car de nombreux actes désignent Maurice II de Craon comme le neveu de Guillaume de La Guerche.
28 Nombre d’actes en fournissent la preuve (Bertrand de Broussillon A., La maison de Craon…, op. cit., t. I, p. 65).
29 Ogée, Dictionnaire historique et géographique de la Bretagne, nouvelle édition augmentée par Marteville A. et Varin P., Rennes, 1845, rééd., Mayenne, 1993, t. I, p. 420. Il s’agit manifestement d’une confusion avec Guillaume III (cf infra).
30 Morice H. dom, Preuves, op. cit., I, col. 646-647.
31 Cartulaire de Saint-Aubin publié par de Broussillon B., Paris, 1903, t. II, 658, p. 149,
32 AD Mayenne, H 193 : Gaufridus filius Guillelmi et dominus de Guirchie… Alienor uxor mea et Guillelmus filius meo. L’acte est passé à La Guerche, in aula. Acte 277 de Hamon-JugnetM., op. cit.
33 Chronique de Robert de Torigni, abbé du Mont-Saint-Michel, publiée par Delisle L., Rouen, 1873, t. II, p. 45-46.
34 Morice H. dom, Preuves, op. cit., t. I, col. 699-700. Le jugement précise qu’il a deux frères, P. et J.
35 Cartulaire de Saint-Melaine…, op. cit., 128, 1177, jeudi 12 août. Il s’agit d’un accord à propos d’une contestation de dîme par les fils de Geoffroy Tehel. L’acte est passé apud Raeniam (Rannée). Tous les doyens des environs sont présents, ce qui amène les éditrices à conclure à un synode. Dans ce cas, celui-ci ne pouvait que se tenir à l’église et au « somptueux » manoir épiscopal de Rannée qu’Étienne venait de reconstruire en pierre, après un incendie (Morice H. dom, Preuves, I, col. 673). Le premier de la longue liste des témoins est Gaufridus de Poenceyo.
36 Du Paz A., Histoire généalogique de plusieurs maisons illustres de Bretagne, Paris, 1619, p. 55. L’auteur cite le nécrologe de Saint-Pierre de Rennes. La lecture de celui-ci, en novembre 2008, ne donne cependant que le mois et le jour, pas l’année. (Archives historiques diocésaines de Rennes, A1, (vieux martyrologe de l’église de Rennes), 26r° : Obiit Gaufridus de Poenceio pater Guillelmi de Guirchia qui fecit prebendas apud Guirch. et propter hoc dedit episcopo redon. usuagium furno suo in foresta de Chalun et unam quercum singulis annis). On ne sait d’où A. du Paz tient celle-ci. MénageG., Histoire de Sablé, t. I, p. 143, puis Guillotin de Corson A. la reprennent sans la justifier. Elle paraît cependant vraisemblable par rapport à toutes les sources où apparaît son fils (cf infra)
37 Morice H. dom, Preuves, I, col. 697.
38 Cartulaire de L’abbaye Notre-Dame de La Roë, Hamon-Jugnet M. (éd.)…, acte 285 : « … teste quoque Guillermo de Guirchia et Isabel uxore ejus… ».
39 Cartulaire de Saint-Aubin…, op. cit., t. II, DLV, 1175. Il s’agit d’une donation faite à Oudon par un miles nommé Philippus de Ramefort. Parmi les témoins, Guillelmus dominus de Guirchia. Les proches de celui-ci sont Robert Billon et Guillaume Chevé. Pour dater cet acte de Broussillon B. s’appuie sur le fait que le sacriste de Saint-Aubin porté dans l’acte se nomme Gaufridus Billon (sans doute un Guerchais) et qu’il sera abbé de Saint-Aubin en 1191. Il ajoute de manière surprenante et sans aucun argument, qu’il lui faut donc retirer à peu près quinze ans pour dater l’acte !!!
En fait, les deux témoins sont connus comme hommes de Guillaume III de La Guerche, mais dans des actes postérieurs, Robert Billon et Guillaume Chevé, alors sénéchal de Guillaume III entre 1191 et 1212 (AD 53 : H193 et Hamon-Jugnet, 293) et Robertus Billon seul en 1206 (Morice H. dom, Preuves, I, col. 806). Soit l’acte de Saint-Aubin est un faux, soit il est incomplet.
40 Morice H. dom, Preuves, I, col. 729.
41 Idem, Preuves, i, col.730-731. L’accord est confirmé par la duchesse Constance dans un acte passé à Blain et daté du 28 juin 1198 (The charters of duchess Constance of Brittany and her family, 1171-1221, Everard J. et Jones M. (ed.), Woodbridge, 1999, p. 69, C40).
42 Morice H. dom, Preuves, i, col. 731. La Borderie A. de, Recueils d’actes inédits des ducs et princes de Bretagne, 1888, université de Harvard, n° liv, 379. The charters of duchess Constance…, op. cit., C33.
43 À cette occasion, Guy de Thouars reçoit l’hommage de André III de Vitré et donne en dot à sa fille une partie de sa forêt de Rennes, c’est-à-dire les mêmes terres qui avaient été précédemment confirmées à Vitré (. The charters of duchess Constance…, op. cit., Gu25 et 26, p. 160 et 161).
44 Le premier cartulaire de Saint-Nicolas d’Angers (xie-xiie siècle). Essai de restitution précédé d’une étude historique, Labande-Mailfert Y. (éd.), thèse de l’École nationale des Chartes, janvier 1931, Copie dactylographiée déposée aux Archives de Maine-et-Loire, relue et corrigée par l’auteur en 1980, CLX.
45 Guillot O., Le comte d’Anjou et son entourage au xie siècle, Paris, 1972, t. I, p. 294 : « in curia domini Raginaldi de Castro Gunterii ad Segreium ».
46 Brossay M. du, Cartulaire d’Azé et du Généteil, Société Historique de la Province du Maine, 1902-1903, p. 51-52, acte II : Renaud (III) fait don à Saint-Nicolas d’Angers d’un four dans le castrum de Segré, d’un bourgeois, des dîmes du marché et du commerce fluvial du vin, et il promet de construire une église. L’acte est passé au pied de la motte près de son aula.
47 Le premier cartulaire de Saint-Nicolas…, op. cit., XCIX.
48 Guillot O., Le comte d’Anjou…, op. cit., p. 294 : « Vaslotus quem Goffridus filius comitis posuerat custodem ipsius castri ».
49 Le premier cartulaire de Saint-Nicolas…, op. cit., cote C.
50 Ibidem, cote CCLII.
51 Entre 1125 et 1138, Robert Ivon de la famille de La Jaille, donne au chapitre Saint-Maurice une église en ruine nommée Saint-Vincent, près de Segré. Une clause précise que l’évêque devra deux hommes pour le service du château de Segré (ad custodiendum castrum Segreii) lié aux terres concédées (Cartulaire noir de la cathédrale d’Angers Urseau C. (éd.), Angers, 1908, actes CXXXII et CCXII). C. Port est plus précis et donne la date de 1121 (port C., Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine et Loire, 1878, t. III, art. Segré, p. 312)
52 Angot A., Baronnie de Château-Gontier, Bulletin de la Commission Historique et Archéologique de la Mayenne, 1915, t. 31, pour Segré : p. 21 à 29.
53 Meuret J.-C., Peuplement, pouvoir et paysage sur la marche Anjou-Bretagne, des origines au Moyen Âge, Laval, Société d’Archéologie et d’Histoire de la Mayenne, 1993, p. 309.
54 Idem, « Du pouvoir carolingien à la seigneurie châtelaine : l’honneur perdu de Lourzais », La Mayenne, Archéologie, Histoire, 1992, 15, p. 37-49.
55 Rymer T., Foedera conventiones, litterae et cujuscunque generis acta publica inter reges Angliae et alios quosvis imperatores, reges, pontifices, principes, vel communitates, ab ingressu Guillelmi I. in Angliam, A.D. 1066, ad nostra usque tempora habita aut tractat, éd. originale, 20 t., Londres, 1704-1735, édition révisée par Sanderson et alii, 4 t. en 7 parties, Londres, 1816-1869, A.D. 1201, 1.1.40.
56 X 2.22.11 et X 2.2.15 (Décrétales de Grégoire IX, livre II, titre XII chapitre XI du 18 oct. 1216 et titre II, chapitre XV, de fév. 1217). Guillaume III y est dit nobilem virum detentorem castri Segrey. Voir aussi Hauréau B., Gallia Christiana, Paris, 1866, t. 14, col. 102.
57 Sur cette affaire, voir l’étude de Henri Chardon consacrée à l’histoire de la reine Bérengère. L’auteur prend souvent parti pour la reine, contre Jean Sans Terre bien sûr, mais aussi contre Guillaume de « La Guierche », qu’il décrit comme peu respectueux du droit des femmes et spécialement procédurier. L’étude présente cependant l’intérêt de s’appuyer sur de nombreuses sources pontificales et anglaises jusque-là inexploitées (Chardon H., « Histoire de la reine Bérengère, femme de Richard-Cœur de Lion et dame douairière du Mans, d’après des documents inédits sur son séjour en France », Bulletin de la Société d’Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe, IIe série, t. X, Le Mans, 1865, p. 376-465, et en particulier pour cette affaire de Segré, p. 399-416). Voir aussi un court article récent qui apporte quelques précisions nouvelles au dossier (Cloulas I., « Le douaire de Bérengère de Navarre, veuve de Richard Coeur de Lion, et sa retraite au Mans », Aurell M. (éd.), La cour Plantagenêt (1154-1204), Actes du colloque tenu à Thouars du 30 avril au 2 mai 1999, Poitiers, 2000, p. 89-94.
58 Bertrand de Broussillon A., La maison de Craon…, op. cit., t. I, p. 145.
59 Marchegay P., Cartae de Carbaio, Archives d’Anjou, t. II, Angers, 1883, p. 13-14.
60 Le Baud P., Histoire de Bretagne avec les chroniques des maisons de Vitré et de Laval, Paris, 1638, p. 202 ; The charters of duchess Constance…, op. cit., A2, p. 117.
61 Gallia Christiana…, op. cit., t. 14, instrumenta ecclesiae andegavensis, XVIII : Praeceptum Arturi ducis pro monachis Pontis Otranni. (traduction dans Marchegay C., Archives d’Anjou, op. cit., t. II, p. 153. On sait l’importance de certains objets dans les rites d’investiture au Moyen Âge, bâton, couteau, éperons dorés, gants. L’usage s’en conserva sous l’Ancien Régime : à Saint-Georges-de-Chesné, en 1546, les vassaux du « fief des gants » en devaient une paire chaque année (AD 35, E 25). À Vitré, en 1676, c’étaient les nouveaux mariés (AD 35, E 1), Ce sont, entre autres, des symboles de vassalité. Tout comme on pouvait parfois se prêter un sceau d’un seigneur à l’autre, Arthur semble ici avoir utilisé les gants d’un vassal, Guillaume III. Celui-ci n’est pas cité dans la liste des témoins, mais on comprendrait mal qu’il fût absent.
Pour cette visite du duc Arthur à Angers, voir : Chroniques des églises d’Anjou recueillies et publiées par Marchegay P. et Mabille E., Paris, 1869, p. 50 : MCXCIX Die Paschae postea, receptus fuit Arturus apud Andegavim a burgensibus ejusdem civitatis.
62 The charters of duchess Constance…, op. cit., p. 121 : A8. L’original est perdu et n’est connu que par BN, ms fr. 22337, f. 128, XVII. Qui en donne l’analyse.
63 Dubois G., « Recherches sur la vie de Guillaume des Roches, sénéchal d’Anjou, du Maine et de Touraine », Bibliothèque de l’École des Chartes, XXXIV, 1871, XXXII, p. 110.
64 Idem, « Recherches sur la vie de Guillaume des Roches », Bibliothèque de l’École des Chartes, 1873, XXXIV, p. 526-527.
65 Le Baud P., Histoire de la Bretagne, op. cit., p. 209-210 cité par Lemoyne de La Borderie A., Histoire de Bretagne, op. cit., III, p. 292. Du Paz A. (Histoire généalogique…, p. 55) affirme que Guillaume était présent, mais sans citer de sources. Seul dom Morice H. donne une liste et nomme Geoffroy (Histoire, I, p. 132).
66 Le Breton G., La Philippide, lib. VIII, v. 40-45 et 100-150, Collection des mémoires relatifs à l’histoire de France, Paris, 1825 (p. 217-218), cité par Lemoyne de La Borderie A., Histoire de Bretagne, op. cit., III, p. 293.
67 Morice H. dom, Histoire, op. cit., I, p. 134.
68 Delisle L., Catalogue des actes de Philippe Auguste, Paris, 1856, acte n° 994, p. 228 ; Bertrand de Broussillon A., La maison de Craon…, op. cit., t. I, p. 123.
69 Ogée, Dictionnaire historique et géographique de la Bretagne, nouvelle édition augmentée par Marteville A. et Varin P., Rennes, 1845, rééd., Mayenne, 1993, p. 127. Possible confusion avec un seigneur de La Guerche – mais pas en Bretagne- effectivement présent à Bouvines, Geoffroy V de Chateaudun.
70 Effectivement, Guillaume de La Guerche est bien cité par La Rocque au xviie siècle dans une liste de trente-huit chevaliers bretons présents à Bouvines (La Rocque de G.-A., Traité du ban et arrière-ban. De son origine, et de ses convocations anciennes et nouvelles, Paris, 1676. 1 vol.). Celui-ci disait s’appuyer sur des rôles anciens de ban et arrière-ban, et il a été repris à mainte et mainte reprise. On doit suspecter cette liste d’être au mieux un rôle d’ost manipulé et interpolé pour l’intérêt de quelque famille, tel celui des Rohan qui aspiraient à la royauté sous l’Ancien Régime. Ce pourrait être par exemple un rôle de chevaliers convoqués à l’ost par Philippe Auguste pour la conquête de la Normandie en 1204. Ce qui expliquerait la présence dans la liste de chevaliers morts avant Bouvines (Voir sur le site Internet Noblesse bretonne les intéressantes réponses de J.-C. de Vaugirard, Y. Airiau et A.-Y. Bourgès). Au pire, il s’agit d’un faux.
71 Rotuli Chartarum, Duffus Hardy T. (éd.), Londres, 1837, p. 199. Cité par Jones M., « La vie quotidienne de trois nobles bretons au treizième siècle d’après leurs testaments », MSHAB, t. 60, 1983, p. 29.
72 Cité par Morvan F., Bulletin et Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie du pays de Fougères, t. XLIII, 2005, p. 1-19.
73 Morice H. Dom, Histoire, op. cit., p. 150-151.
74 Guilllotin de Corson A., Pouillé, op. cit., iii, p. 8 dit tirer cette date d’A. Du Paz et du nécrologe de Saint-Pierre de Rennes. Vérification faite dans le premier et le deuxième nécrologe (Archives historiques diocésaines de Rennes, A1 et A2), l’obit de Guillaume (III) n’y figure pas, mais seulement ceux de son père et de son fils. Sauf disparition de la mention – aucun feuillet ne semble avoir été retiré, mais on observe l’usage très dommageable de révélateurs chimiques qui ont laissé des taches sombres et grasses et, au mieux, des passages illisibles- il semble que A. Guillotin de Corson tire cette source de Du Paz A., Histoire généalogique…, op. cit., p. 56 : his verbis, secundo nonas septembris obiit Guillermus de Guirchia. On ne sait donc où du Paz a pris cette mention. Pour ce qui est de l’année 1223, il l’a sans doute déduite de deux actes de l’abbaye de Montfort qu’il dit avoir vus et où Geoffroy -et non plus Guillaume- est seigneur de La Guerche à cette année (ibidem, p. 57). Cependant, même si un doute peut subsister sur son exactitude absolue, elle demeure tout à fait vraisemblable par rapport aux sources connues.
75 Pour les Craon, voir le mariage de Maurice II avec Isabelle veuve de Geoffroy IV de Mayenne en 1170, l’adhésion de Maurice III à la politique de Philippe Auguste, enfin l’union d’Amaury Ier avec Jeanne, fille aînée du sénéchal Guillaume des Roches, en 1212 et son accession à la charge de sénéchal d’Anjou en 1222.
Pour les Châteaubriant, une alliance importante du point de vue territorial avec l’héritière de Candé, et le mariage de Brient, fils de Geoffroy (II ?) avec Jeanne, fille d’Alphonse roi d’Aragon. Il faut surtout insister pour cette époque sur le poids politique de ces châtelains, Geoffroy II qui fut sénéchal de la Mée et proche de la duchesse Constance, et Geoffroy III souvent très proche de Pierre de Dreux.
Pour les Vitré, les mariages de André II avec Mathilde de Mayenne puis avec la fille du comte de Léon, l’union d’André III avec Catherine de Thouars, fille de la duchesse Constance en 1212 et surtout l’union en 1239, de sa fille aînée et héritière Philippa, à Guy VII de Laval.
76 Cartulaire des sires de Rays, publié par Blanchard R., Archives historiques du Poitou, Poitiers, 1899, t. XXVIII, acte XLV : « … Preterea volo et precipio quod testamentum nobilis viri Gaufridi de Pouenceio, patris mei, Hugonem et Theobaldum de Poencé, fratres meos »…
77 Du Paz A., Histoire généalogique…, op. cit., p. 58. Geoffroy de Pouancé et Geoffroy de La Guerche fondent une chapellenie de Saint Martin à Saint-Pierre de Rennes. A. du Paz semble ici crédible car il dit citer un titre qu’il a vu à l’abbaye de Montfort.
78 Archives historiques diocésaines de Rennes, A1 (vieux martyrologe), 30r° : Obiit Gaufridus de Poenceio dominus de Guirch. filius domini W… .et A2 (deuxième martyrologe), XLVI r° : id.
79 AD Mayenne, H 193. Fief de La Trinité de La Guerche, n° 9. Pièce originale sur parchemin. Et n° 10, 12 et 13, trois copies de 1655, 1680 et 1696.
80 Du Paz A., Histoire généalogique…, op. cit., p. 57. Confirmation dans Bertrand de Broussillon A., et Farcy P. de, La maison de Laval, 1020-1605. Étude historique accompagnée du cartulaire de Laval et de Vitré, Paris, 1903, t. I, acte 366 bis, et t. II, p. 6.
81 Idem, ibidem, t. i, acte 411 et Martin H. dans Martin H. et Leguay J.-P., Fastes et malheurs de la Bretagne ducale, 1213-1532, Rennes, 1982, p. 64. Auvray L., Les registres de Grégoire IX, t. II, années IX à XII (1235-1239), Paris, 1907, p. 1186-1189 : le mandement émanant du Latran, le 15 déc. 1238, relève André III de sa promesse irréfléchie (temererario) de marier sa fille aînée à Guillaume, fils de Geoffroy de La Guerche, Guillaume étant entré dans l’Ordre Mineur, pour des raisons de consanguinité, et permet que Philippa se marie.
82 Cartulaire de La Haye des Bonshommes de Craon, publié par Farcy P. de, Bulletin de la Commission Historique et Archéologique de la Mayenne, 1905-1906, acte I, p. 169.
83 Morice H. dom, Preuves, op. cit., t. I, col. 859-860.
84 Idem, ibidem, i, 853-855. Dom Morice énumère 62 noms, mais des copies du temps de Jean V et Pierre II montrent qu’ils sont encore plus nombreux (AD 44, E 157/3-4). Nous remercions M. Jones pour cette précision.
85 Layettes du Trésor des chartes, de l’année 1214 à 1248 par Teulet A., 1866, 425b ; Morice H. dom, Preuves, op. cit., t. I, 1608 à 1613.
86 Cf au chapitre Guillaume III, note relative à Geoffroy fils de W.
87 Layettes…, op. cit., 298a.
88 Bertrand de Broussillon A. et Farcy P. de, La maison de Laval…, op. cit., t. I, p. 303.
89 Morice H. dom, Preuves, op. cit., t. I, col. 918. Original aux ADIV (1 F 1527/17). On note au passage que dom Morice a commis quelques erreurs de transcription des noms de lieux : Bail pour Bays (Bais), Cesson pour Sesson (Cesson)), Béric pour Bérié (Béré). Un lieu nommé Cons n’est pas identifiable : s’agit-il de Coismes (Coësmes). Le fief de Guillaume de Denée s’étendait sur Gennes où existait une motte au lieu-dit Denay. Ce Guillaume de Denée est fils de Hervé de Denée et sans doute petit-fils de Bernard Busson, un important chevalier proche de Guillaume II de La Guerche (Cartulaire de L’abbaye Notre-Dame de La Roë, Hamon-Jugnet M. (éd.)…, acte 120). Le fief de Jean de la Motte se trouvait peut-être aussi à Gennes où existe encore le lieu nommé La Motte mentionné dans l’acte de fondation de la collégiale en 1206 et où se voit encore une belle plate-forme carrée de maison-forte. Celui de Robert Giffart s’étendait au nord de la forêt de Teillay en Saint-Sulpice-des-Landes et Tréboeuf ; son siège était à La Roche-Giffard ; ces Giffart sont présents dans le cartulaire de Saint-Melaine en 1218 avec Alain Gifart, et en 1247 avec Guillaume Giffart chevalier, son père Geoffroy Bufelin et son fils Robert, celui de la donation à André III (Cartulaire de Saint-Melaine, en cours d’édition, par Chauvin-Lechaptois M. et Reydellet C., dossier 3, acte 182 et dossier 4, acte 285).
90 Cartulaire des sires de Rays publié par Blanchard R., Archives historiques du Poitou, Poitiers, t. XXVIII, XLV, p. 110-117 : Le testament de messire Geffroy de Pouencé, par copie. 4 mai 1263.
91 La mise en parallèle de trois testaments bretons des années 1360, ceux de Geoffroy III de La Guerche, Geoffroy IV de Châteaubriant et Geoffroy Tournemine, a été faite par Michael Jones. (Jones M., « La vie quotidienne de trois nobles bretons du treizième siècle d’après leurs testaments », op. cit., p. 19-33).
92 Bertrand de Broussillon A. de et Farcy P. de, La Maison de Laval…, acte 431 du cartulaire, p. 243-247.
93 Morice H. dom, Preuves, op. cit., i, col. 985-986.
94 Cartulaire de Saint-Melaine…, op. cit., dossier 4, acte 134-1239 (n. st.) vend. 11 février. Rennes : Guoherius de Champenneio, avec Pierre de Verrières, sénéchal du duc, en présence de plusieurs chevaliers, appose son sceau en même temps que celui du duc, sur une charte concernant deux terres en Melesse. C’est l’acte du cartulaire qui montre le mieux la proximité immédiate de cette famille de Champagné avec la cour ducale.
95 D’Hozier de Sérigny A.-M., Généalogie de la maison de Champagné, en Bretagne et en Anjou, vers 1780 (tiré à part destiné à être intégrée dans le registre VII de la Noblesse de France, t. XI), p. 50, Titres du treizième siècle relatifs à la maison de Champagné, n° 1er du mois d’octobre 1257 :
« Universis prefentes litteras infpecturis vel audituris Guido de Lavalle dominus Vit- & Thomafia ejus uxor, quondam uxor Nobilis viri Andr- bone memorie quondam Domini Vitr-, falutem in domino. Cum contentio verteretur inter Goherium de Champaneio Militem, ex una parte, & Hugonem & Theob de Poenceio fratres, Canonicos Remenffes, ex altera, fuper terra Guilli- le Heaume quam dicti fratres emerant ab heredibus dicti Guilli-, tandam ducti bono confilio coram nobis ad formam compofitionis devenerunt in hunc modum, videlicet quod dicta terra dicti Guilli- le Heaume fita inPAROCHIA DE VISECHE, IN DOMINIO DICTIGOHERIi, remanet dictis Canonicis vita comite poffidendam dum infimul vixerint… » Le contexte invite à corriger remensses (rémois) en redonenses (rennais). Pour plus de détails historiques et archéologiques sur l’installation de cette famille de Champagné à La Montagne en Visseiche et sur l’aspect du manoir primitif partiellement fouillé en 2003, voir Meuret J.-C., « Visseiche, vingt-cinq siècles d’aristocratie. De l’archéologie à l’écrit », MSHAB, LXXXIV, 2006, p. 148-180.
96 Bertrand de Broussillon A. et Farcy P. de, La Maison de Laval…, op. cit., t. V, acte 3255 et Guillotin de Corson A., Pouillé..., op. cit., i, p. 66.
97 Sur les entrées solennelles des évêques de Rennes à partir des xie et xiie siècle, voir Guillotin de Corson A., ibidem, i, p. 106-108.
98 Guillotin de Corson A., Pouillé..., op. cit., iii, p. 8. L’auteur cite le nécrologe de Rennes : November, Non, Obiit Petrus puer, filius Gaufridi de Guirchia, canonicus noster. Là encore, comme pour Guillaume III, cette mention ne figure pas aux nécrologes de Saint-Pierre, et A. Guillotin de Corson la tire Du Paz A., Histoire généalogique…, op. cit., p. 58. Quoi qu’il en soit, l’absence de précision d’année empêche de savoir de quel Geoffroy ce Pierre était le fils.
99 Cartulaire des sires de Rays…, op. cit., p. 116 et 117. Ce Pierre de Pouancé est désigné à la fois comme chevalier et comme dominus de Pouancé, ce qui est plus intriguant. Il dispose d’ailleurs d’un sceau. Il apparaît 14 ans plus tard dans un acte de 1275, lorsqu’il achète à Gefray Coudray un maneu o toutes ses appartenances… /… sises en la paroisse de Saint-Aubin de Poence ou fe o prior de Poence le quel lou est appele la Bretonnaie. Il est nommé Noble home monsour Pierre de Poencé chevalier (AD 49 - 43H1/9).
100 Guillotin de Corson A., Pouillé…, op. cit., II, p. 631.
101 Ce mariage est daté d’avant 1257 par l’acte donné par D’Hozier de Sérigny (cf supra) où elle est dite épouse de Guy de Laval, seigneur de Vitré.
102 Bertrand de Broussillon A. et Farcy P. de, La Maison de Laval…, op. cit., acte 478 du cartulaire, p. 20.
103 Thomasse, belle-mère puis épouse de Guy VII était sœur de Geoffroy de Pouancé. Tandis que Emmette de Château-Gontier, sœur de Guy VII était la mère de Jeanne. (Ibidem, p. 17, note 2).
104 Ibid., acte 469 du cartulaire, p. 17-18.
105 Ibid., acte 477 du cartulaire, p. 27-29.
106 Ibid., acte 478 du cartulaire, p. 29.
107 Cartulaire des sires de Rais…, op. cit., p. LXXXVI.
108 Table analytique des chartes du cartulaire des sires de Rays par Marchegay P., Revue des Provinces de l’Ouest, Bretagne, Poitou, 1855, p. 446, acte 46, 18 nov. 1266. Cette table a été publiée après la découverte du cartulaire au château de Serrant. Lorsqu’il publiera le cartulaire en 1899, Blanchard, ne fera malheureusement pas état de certaines chartes, comme celle-ci, sans doute parce qu’elles n’émanaient pas directement des sires de Rays.
109 Table analytique…, op. cit., p. 559, fév. 1268, à Angers. P. Marchegay donne Louis de Beaumont comme mari de Jeanne de Pouancé. Toutes les autres pièces étudiées concordent pour voir là une erreur. Le mari est Jean de Beaumont, fils de Louis.
110 Du Paz A., Histoire généalogique…, op. cit., p. 20.
111 Vers 1095, Gautier Hai, dit avoir conquis la terre de la Primaudière au prix de son sang et grâce au fer de sa propre lance : Cartulaire de l’abbaye Saint-Sauveur de Redon, AHID (éd.), 1998, fol. 182 v°. Cartulaire de l’abbaye de Redon en Bretagne publié par Courson A. de, Paris, 1863, p. 336, 380, (vers 1095).
112 Dans la seconde moitié du xiiie siècle, de nombreux liens matrimoniaux ou seigneuriaux se tissent entre les familles de Vitré et de Machecoul (Eustachie de Vitré, fille de André III, épouse Olivier de Machecoul en 1269), et entre celles de Machecoul et de Châteaubriant (Isabelle de Machecoul, fille du précédent mariage épouse un Châteaubriant) ; en 1262, Girard Chabot est exécuteur testamentaire de Geoffroy de Châteaubriant… : voir Blanchard dans son introduction du Cartulaire des sires de Rays…, op. cit., p. 135-137. De façon assez révélatrice, A. du Paz, qui a pourtant vu beaucoup d’archives, celles de Châteaubriant en premier lieu, ne pipe pas mot de la fin de la terre de La Guerche-Pouancé. On comprend mieux quand on sait qu’il était généalogiste appointé des seigneurs de Châteaubriant eux-mêmes.
113 Morice H. dom, Preuves, op. cit., t. I, col. 804-807 ; Du Paz A. (Histoire généalogique…, op. cit., p 55-56) confirme cette fondation, il n’en a pas pris copie et le regrette : L’an 1206, il (Guillaume de La Guerche) fonda les chanoines de la Magdelaine (corriger : Notre-Dame) en sa ville de La Guerche. La lettre de fondation est es archives de Chasteaubrient et me repens que ie n’en pris la copie. Car ie l’eusse insérée en cest endroit.
114 Archives historiques diocésaines de Rennes, A 1, (vieux martyrologe de l’église de Rennes), 30r° : Augustus III Kal. Obit Gaufridus de Poenceio dominus Guirch. Filius domini W. qui instituit prebendas in ecclesia Beate Marie de Guirch. qui Gaufridus dedit ecclesia Sancti Petri redon. XX s annuatim redditus in costuma cohue de Guirch. ad suum anniversarium faciendum.
115 Pour les sources, voir les développements de Hubert Guillotel p. 41 et 42, Guillotel H. et Meuret J.-C., « Chartrel et Carcraon : les enjeux d’une mise en valeur dans la vallée de la Seiche entre Moutiers et Visseiche, au xiie siècle », Bulletin et Mémoires de la Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine, t. XCVII, 1995.
116 Morice H. dom, Preuves, op. cit., I, col. 908.
117 Pour une analyse récente et approfondie de l’édifice, voir Blot R. « Église Notre-Dame de La Guerche », Eglise en Ille-et-Vilaine, Diocèse de Rennes, Dol et Saint-Malo, 2006, nos 86 à 94. Merci à Roger Blot de m’avoir fait partager ses recherches sur cette église, comme sur de nombreuses autres.
118 Morice H. dom, Preuves, op. cit., I, col. 907-908. Hamon de La Bellière et Guillaume chapelain sont notés dans l’acte. Ils sont également présents lors de la fondation de la collégiale en 1206, le premier comme primicier, le second comme doyen.
119 En Roumanie, la forme la plus courante de défrichement/déboisement fut la clairière. Or, pour désigner celle-ci, les Roumains emploient une splendide métaphore : ochi de lumina, l’oeil de lumière ou lumina tout court ! (Tanase M., « Défrichements et toponymie en Transylvanie », Toponymie et défrichements médiévaux et modernes en Europe occidentale et centrale, Flaran 8, 1986, p. 166).
120 Sur le plan de la forêt dressé par Forestier le Jeune daté du 28 juillet 1755, la clairière est nommée L’Abbeÿe (Archives Nationales, N I, Ille-et-Vilaine, 1).
121 Le second est daté de 1238 (Morice H. dom, Preuves, op. cit., I, col. 908). C’est une donation faite par Geoffroy fils de Guillaume III. Le troisième est le testament de Geoffroy III, petit-fils de Guillaume III (Cartulaire des sires de Rays…, op. cit., 45, p. 117).
122 La transcription de ce testament, souvent fautive pour les noms propres, indique « Fontem Char… » qu’il faut corriger en Fontaine-Harouys ; la suite et le contexte ne laissent planer aucun doute. (Ibidem, p. 112 : Volo insuper et eligo sepulturam meam apud Fontem Char…, in ecclesia dicte domus.)
123 Guillotin de Corson A., Pouillé…, op. cit., t. II, p. 749.
124 Ibidem, t. I, p. 747-748.
125 Cartulaire de l’abbaye cistercienne de Fontaine-Daniel, publié et traduit par Grosse-Duperron A. et Gouvrion E., Mayenne, 1896, supplément, IV, p. 13-14.
126 Morice H. dom, Preuves, op. cit., I, col. 717. André II de Vitré et Alain seigneur de Dinan sont bien frères ; ce dernier meurt entre 1197 et 1199.
127 Cartulaire de La Haye des Bonshommes de Craon suivi de l’obituaire des Bonshommes de Craon…, op. cit., p. 169, I.
128 Sur 144 celles grandmontaines, 16 seulement furent fondées après 1207.
129 Morice H. dom, Preuves, op. cit., t I, col. 809.
130 Du Paz A., Histoire généalogique de plusieurs maisons illustres de Bretagne…, op. cit., p. 11 à 14.
En 1233, le seigneur de Châteaubriant dispose de trois parts de droits en forêt de Juigné quand celui de La Guerche ne dispose que d’une, tant pour les forges, que pour le panage, la fauche, et autres revenus.
Dom H. Morice donne un sceau identique à celui que décrit A. du Paz, mais pour « Geoffroy de Pouencé » (pl. XII, CXXXV), et en précisant qu’il est seigneur de La Guerche en 1220. Or, à cette date, Guillaume III est encore vivant. À quel Geoffroy doit-on alors attribuer ce sceau ? Nous avons soumis la question à P. Le Don, doctorant qui travaille sur l’armement médiéval en Bretagne. Selon lui, la taille et la forme du bouclier sont postérieures à 1230. Le heaume semble posséder un couvre-nuque assez développé, une forme simple, un timbre plat, ce qui permet de le dater entre 1230 et 1260 environ, date à laquelle le timbre devient conique. On en observe de semblables sur des manuscrits comme la Bible de Maciejowski (v. 1250), des sculptures (cathédrale de Wells), quelques pièces de fouilles. L’apparition des éperons à molette est souvent située fin xiiie-début xive siècles, mais il en existe effectivement plus tôt au cours du xiiie siècle. On en voit sur un vitrail de la cathédrale de Tours (1236-1270), sur un manuscrit daté de 1232-1261. Par ailleurs, Geoffroy de Pouancé semble porter des cuissots gamboisés, protection rembourrée des cuisses qui est utilisée de 1230 environ jusqu’au xive siècle. Enfin, l’étrier est similaire à de nombreuses représentations du xiiie siècle.
Tout ces éléments amènent Pierre Le Don à dater le sceau dans la fourchette large 1230-1260, voire plus étroitement entre 1240 et 1260. Ajoutons que ces détails d’armement sont proches de ceux du sceau de Jean Ier en 1237 (Morice H. dom, Preuves, op. cit., i, sceau 77).
Ce n’est donc pas celui de Geoffroy Ier, mais peut-être celui de Geoffroy II (1223 à 1244) ou, plus vraisemblablement, celui de Geoffroy III (1244 à 1263).
131 Morice H. dom, Preuves, op. cit., I, col. 624, 1156 : … et proprio sigillo munivit…
132 Bresson G., Monastères de Grandmont. Guide d’histoire et de visite, Le Château d’Olonne, 2000, p. 92-93 ; Meuret J.-C., « Le grès roussard au nord du Nantais, dans son contexte régional : matériau privilégié et marqueur privilégié dans les édifices médiévaux ? », BSAHNLA, 2008, t. 143, p. 97-160.
133 Nous adressons nos remerciements à C. Davy, chercheur à l’Inventaire des Pays de la Loire, qui propose la datation de ce Christ, et pour qui la diffusion des émaux de Limoges doit, avant tout, être mise en rapport avec l’ordre de Grandmont, plus encore qu’avec la présence des Plantagenêts.
134 Archives départementales de Loire-Atlantique, H 75, n° 12.
135 Cartulaire de l’abbaye cistercienne de Fontaine-Daniel…, op. cit., XLVI, p. 75.
136 Cartulaire de l’abbaye Saint-Georges de Rennes, La Bigne Villeneuve P. de (éd.), BMSAIV, 1876, p. 208, XVII.
137 AD Ille-et-Vilaine, 1 H 3 n° 10. : « … ego dedi et concessi monachis Sancti Simphoriani de Martigneio usagium in foresta de Aresi quod eis, iter arripiens Jerosolinam dederam et concesseram pro salute anime mee et antecessorum meorum et successorum »…
138 AD Mayenne, H 193, volume des titres de propriété de La Trinité de La Guerche.
139 AD Maine-et-Loire, 43 H 1 n° 6. Le parchemin est daté au dos « vers 1220 », d’une écriture du xixe siècle. Elle est compatible avec un des trois témoins Philippus de Nova Villa. Mais cela n’ajoute aucune précision chronologique. On connaît Johannes de la Faye, archevêque de Tours ordonné en 1209 et mort en 1228 (Gallia Christiana, …, op. cit., XIV, p. 100-103, mais pas le Joannes premier conseiller et archiprêtre.
140 AD Maine-et-Loire, 43 H 1 n° 8. Ce parchemin porte lui aussi au dos « 1220 env. », d’une même main du xixe siècle, sans doute celle de P. Marchegay. Le contenu montre que l’acte est antérieur au précédent. Il y est fait mention du détenteur du four du castrum, un G. mulnarium militem. Si ce G. est Guillaume III de La Guerche, on doit noter qu’il n’est pas désigné comme dominus. Ce qui montrerait que les enquêteurs contestent sa seigneurie. Mais il semble plutôt que G. désigne un chevalier qui aurait reçu les revenus du moulin et du four. Quoi qu’il en soit, cet acte ne se comprend que dans le cadre de l’enquête diligentée par Tours à la demande du pape, pour l’affaire du douaire de Bérengère.
141 Pour évaluer la position et le déclassement de La Guerche-Pouancé au sein des autres seigneuries de Bretagne, il aurait été intéressant de mesurer l’évolution de sa contribution à l’ost ducal. Malheureusement il n’existe pour cette période qu’un seul état global donné par le Livre des ostz en 1294 (Morvan F., « Le Livre des Ostz (1294). Un éclairage sur les rapports du duc avec la noblesse bretonne à la fin du xiiie siècle », Kerhervé J. (dir.) Noblesses de Bretagne du Moyen Âge à nos jours, Rennes, 1999, p. 37-88)). On peut seulement y constater le rang secondaire tenu par La Guerche à la fin du xiiie siècle, avec deux chevaliers dus par Jean de Beaumont, tandis que Vitré en doit cinq et Châteaubriant sept. Un siècle avant, le traité de 1198 entre André II de Vitré et Guillaume III de La Guerche évoque un subtil accord sur l’ost, dans lequel La Guerche semble devoir quatorze hommes à Vitré. Mais il s’agit d’un accord hiérarchique entre deux seigneuries, qui ne peut être rapporté à l’ost ducal (cf début du chap. II). De plus, ces données ne prennent pas en compte les devoirs d’ost de la terre angevine de Pouancé-Segré.
142 Brand’honneur M., Seigneurs et réseaux de chevaliers du Nord-Est du Rennais sous Henri II Plantagenet, Aurell M. (dir.), Noblesses de l’espace Plantagenêt (1154-1224), Actes de la table ronde tenue à Poitiers le 13 mai 2000, CESCM, Poitiers, 2001, 216 p.
Morvan F., Les seigneurs de Fougères du milieu du xiie au milieu du xive siècle, Bulletin et Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie du Pays de Fougères, t. XLI, 2003, p. 1-51.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008