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Le pouvoir et la foi au Moyen Âge

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Sylvain Soleil
, 
Joëlle Quaghebeur

Introduction

Olivier Guillot

Texte intégral

1Le présent volume de Mélanges, par le nombre et la diversité des contributions qu’il rassemble, est à la mesure de l’historien dont il honore la mémoire et de l’estime, venue de tant de côtés, qu’il s’est acquise : par sa manière de vivre, par ses fidélités et par sa foi, et, de pair avec cette discipline de vie, par les vertus de son œuvre, tournée principalement vers l’histoire de cette Bretagne à laquelle il était si fortement attaché.

2J’ai connu Hubert Guillotel dès les années d’avant 1968, quand nous étions tous deux, au milieu de quelques autres charmants camarades, assistants de ce maître si exemplaire à nos yeux qu’était Jean-François Lemarignier.

3Hubert Guillotel avait tout pour se sentir proche du maître et pour se former à ses côtés. L’abbaye de la Vieuville, le berceau des siens, était proche du « Fief Noir », ce coin un peu sauvage du Cotentin où le « patron », dès qu’il le pouvait, venait depuis Paris respirer. Entre le Breton et le Normand, l’un et l’autre épris de vraie tradition, il y eut certainement une complicité particulière. Le temps de l’assistanat de Hubert Guillotel auprès de Jean-François Lemarignier a été pour le premier un moment très heureux de sa vie, et, en même temps, l’occasion de se forger une certaine idée du métier d’historien, à la fois très personnelle et indépendante, inspirée par la passion de ce même métier qui habitait le maître.

4Quant à moi, sans être ni Breton, ni Normand, cette charge d’assistant, aux côtés de Hubert Guillotel, a été aussi un moment extrêmement heureux et formateur. À tous les deux, pour ce travail de masse qu’était pour lors, à la faculté de droit de Paris, l’encadrement des étudiants en droit de 1re année dans les travaux dirigés d’Histoire du droit, nous avions fait, sous la houlette du « patron » et grâce aux sources qu’il nous apportait, un recueil de textes. Nous étions déjà amis et proches dans notre engagement dans le métier. À voir comme, dans la suite de sa carrière, Hubert Guillotel est resté extraordinairement fidèle à un certain sens de la recherche et du métier, il est clair que c’est de ce moment qu’il a acquis ce sens de la critique des sources qui a dirigé toute son œuvre. Même si, en cela, il a toujours agi, en fait de recherche, d’une manière très personnelle, il est évident que, par bien des côtés, sa voie a été proche de celle que suivait avec une ténacité comparable Jean-François Lemarignier lui-même.

5On sait qu’en 1970, lors de l’éclatement de l’Université de Paris en plusieurs universités, alors que les historiens du droit optaient par ailleurs la plupart pour l’université de Paris 2, et d’autres, pour celle de Paris 1, Jean-François Lemarignier a préféré aller retrouver les médiévistes de l’Institut d’Histoire que l’on créait à l’université de Paris 4 : tout naturellement, en faisant ce choix audacieux, le « patron » emmena à ses côtés son assistant Hubert Guillotel. Certains, qui ont critiqué le fait que par là, à leurs yeux, le maître n’ait pas donné priorité à l’histoire du droit, mais bien plutôt à l’histoire du Moyen Âge, ont pu réprouver en même temps l’option faite par son élève. L’affaire va laisser des traces, et, en dépit de toute logique profonde, elle posera longtemps un problème de carrière à Hubert Guillotel.

6Il faut bien dire ici que, pourtant, le chantier de recherche, centré sur la Bretagne, que commençait à fouler Hubert Guillotel ne pouvait que profiter à l’histoire des institutions de la Bretagne, et donc à l’histoire du droit. Avec une rigueur de méthode et d’analyse qui était chez lui un trait de comportement, aussi constant que la politesse, travaillant principalement sur des actes de la pratique, des documents ecclésiastiques et des sources narratives, il a quasiment mis sa marque sur tous ses travaux : c’est bien le témoignage direct de la vie et de la société du temps qu’il a commencé à tirer de ces sources, une fois qu’il les avait fait passer au crible d’une critique d’authenticité en large part nouvelle.

7Au milieu de la quarantaine ou presque, d’articles qu’il a laissés, il y a quelques jalons qu’il faut bien citer comme autant de pierres blanches posées tant pour son œuvre propre que pour celle des autres. Avant tout sa thèse soutenue à l’université de Paris 2 en 1973, ce recueil intitulé Les Actes des ducs de Bretagne (944-1148) qui, dès sa soutenance, apportait déjà aux historiens de la Bretagne médiévale un encadrement politique précieux, depuis sans cesse renforcé par son auteur, que la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne s’apprête à publier. Mais aussi, dès 1974, dans un style d’exposition aisé, précis et ramassé, cet étonnant article sur « La pratique du cens épiscopal dans l’évêché de Nantes. Un aspect de la réforme ecclésiastique en Bretagne dans la seconde moitié du xie siècle », paru dans la revue Le Moyen Âge, ouvrant tout grand sur l’envoi en cette cité par Léon IX d’un prélat chargé de mener rudement la réforme des églises. Dix ans plus tard, est paru ce très beau livre, La Bretagne des saints et des rois ve-xe siècle, dont André Chédeville a illustré les quatre premiers siècles et Hubert Guillotel les deux derniers. Sur cette période des ixe-xe siècles, l’apport de Hubert Guillotel est d’une nouveauté et d’une pertinence extrêmes et permet, tout spécialement, de comprendre tout le jeu des relations qui se sont établies entre la Bretagne et, plus à l’est, le roi de France, ses agents et certains princes territoriaux. Enfin, la perle des travaux de Hubert Guillotel : en collaboration avec André Chédeville et Bernard Tanguy, leur présentation de l’édition en fac-similé du cartulaire manuscrit de Saint-Sauveur de Redon, en 1998. Toute l’analyse critique, paléographique et diplomatique, enfin chronologique y a été faite de main de maître par Hubert Guillotel.

8D’autres pourront mieux que l’auteur de ces lignes préciser plus en détail les apports de cette œuvre de recherche si fournie. Lui, en tout cas, sait gré à son ami d’avoir situé les institutions et les hommes de sa chère province dans une perspective qui, toujours, les plaçait dans leur rapport et dans leur correspondance avec le royaume de France.

9Le paradoxe dans le cas d’Hubert Guillotel est que, une fois sa thèse soutenue en 1973, ç’ait été avant tout, aux yeux de beaucoup d’historiens du droit des années 1980, cette orientation vers la priorité donnée à la critique des sources, tenue pour étrangère à l’histoire du droit, qui ait obéré pour lors sa carrière. Hubert Guillotel, comme maître de conférences, a eu sa longue marche. Celle-ci s’est un peu allégée quand, étant en poste à la faculté de droit de l’université de Paris 2, Hubert Guillotel s’est rendu compte du plaisir qu’il éprouvait et de l’expérience pédagogique qu’il tirait grâce au cours d’histoire du droit qu’il avait à faire aux étudiants de première année dans l’établissement de Melun, satellite de sa Faculté. Puis, enfin, en 1996, il a acquis le grade de professeur des universités, et, surtout, en 1999, il a été élu professeur à la faculté de droit et de science politique de l’université de Rennes 1, dirigée pour lors par le Doyen Christiane Plessix-Buisset. Cette élection a apporté à Hubert Guillotel une joie, un réconfort et un stimulant immenses. D’emblée, avec le plein encouragement de ses collègues historiens du droit, Hubert Guillotel s’est enfin senti pleinement heureux en son métier, pleinement épanoui : fort aimé des étudiants, s’attirant très vite des élèves, traduisant en termes pédagogiques sa belle expérience de recherche, il a pu passionnément savourer l’accomplissement de son métier, avec ce surcroît de bonheur qui tenait au fait qu’il pouvait, en cela, chaque soir, retrouver sa chère abbaye de la Vieuville.

10Beaucoup savent comment, en cette lancée de son existence de professeur pleinement heureux, il a été assailli par la maladie. Alors, d’une manière inouïe, il a continué malgré tout, jusqu’à ses dernières forces, à accomplir ce métier qu’il aimait tant, à s’entretenir avec ses collègues, et, surtout, ses élèves. Le souvenir qu’il a laissé en sa Faculté a rejoint l’extraordinaire estime que beaucoup d’historiens – notamment anglais – et d’historiens du droit éprouvaient à son endroit depuis longtemps.

11Ce volume de Mélanges, dû à l’initiative heureuse menée par Bernard Merdrignac et Joëlle Quaghebeur, en charge successivement de la vice-présidence du CIRDoMoC, est parrainé également par la faculté de droit et de science politique de Rennes 1. Qu’il soit l’écho de la vie et de l’œuvre de celui qu’il entend honorer.

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