1 Cf. Périer P., Les nouveaux enseignants du second degré sortis des IUFM en 1993, Les dossiers d’éducation et formations, Vanves, ministère de l’Éducation nationale-DEP, n ° 71, 1996.

2 On peut, en outre, nuancer les contrastes en ZEP en soulignant que les enseignants les plus expérimentés dans ces collèges ont probablement un profil particulier puisqu’ils se maintiennent sur des postes que la logique du déroulement de carrière conduit la plupart d’entre eux à déserter.

3 Exemple tiré d’un stage de formation continue sur ce thème réunissant des enseignants du secondaire et à qui j’avais demandé préalablement d’indiquer ce que recouvrait pour eux le terme de « violences » en milieu scolaire.

4 Événements qui, précisons-le, concernent principalement les élèves et qui se concentrent dans un noyau « dur » d’établissements avec, selon les statistiques produites sur la base du logiciel SIGNA du Ministère de l’éducation nationale, 10 % des établissements en 2003-2004 signalant 50 % des incidents recensés.

5 Bernard Charlot écrit ainsi que « cette expression [violence] renvoie à des phénomènes hétérogènes, difficiles à délimiter et à ordonner, et étroitement liés à la position et aux représentations de celui qui l’utilise », in Charlot B, Emin J. -C., Violences à l’école. L’état des savoirs, Paris, A. Colin, 1997, p. 8.

6 D’après l’enquête effectuée auprès des professeurs sortis d’IUFM, 61 % de ceux en poste en ZEP déclarent souvent improviser pour des motifs liés principalement à des problèmes de compréhension des élèves, à des questions posées par les élèves et à la nécessité de donner des exemples pour illustrer le cours. Cf. Périer P., Les nouveaux enseignants…, op. cit.

7 Cette continuité de la famille sous d’autres formes et figures à l’école, en matière d’autorité notamment (du père à l’instituteur), a conforté l’ordre social et symbolique de « l’agencement Ferry » (Queiroz de, 1995).

8 L’analyse porte bien sur les pratiques et non sur les sentiments partagés que suscite parfois l’enseignement (peur, ennui, solitude…), ces non-dits identifiés par Philippe Perrenoud in Enseigner : agir dans l’urgence, décider dans l’incertitude, Paris, ESF, 1996.

9 Selon la belle expression de Philippe Perrenoud.

10 Dans une typologie des enseignants de collège en ZEP construite sous l’angle des problèmes d’indiscipline et de violence, il est ainsi apparu que le groupe minoritaire (12 %) des professeurs confrontés à un rapport dit « très difficile » aux élèves comptait la plus forte proportion à se déclarer « isolés » face à ces difficultés (à hauteur de 28 % contre, par exemple, 6 % de ceux ayant un rapport « très peu difficile » aux élèves). Cf. Périer P., Enseigner dans les collèges en ZEP, Les Dossiers, Vanves, ministère de l’Éducation nationale-DPD, n ° 109, 1999.

11 À ce titre, elle est proche de ce qu’Agnès van Zanten a pu observer pour les carrières en collège « difficile » où les enseignants, jeunes et moins jeunes, usent de techniques disciplinaires comme le charisme, l’humour, le rapprochement affectif ou encore l’effet de surprise. Cependant, une différence importante consiste en la reconnaissance ou non de ces techniques pouvant être intégrées dans les pratiques professionnelles. Une autre différence porte sur la possibilité de s’appuyer sur l’équipe pédagogique et par conséquent de réguler le recours à ces pratiques aux effets incertains. Cf. van Zanten A., « Les carrières enseignantes dans les collèges difficiles », in Bourdon J., Thélot C., Éducation et formation, Paris, CNRS Éditions, 1999, p. 99-121.

12 De ce point de vue, le chercheur n’est sans doute jamais assez attentif à l’incidence du moment où se déroule une enquête et à ses effets sur le type de résultats recueillis. Ce n’est sans doute pas un hasard si ces pratiques « à la marge » ont été dévoilées par des professeurs stagiaires en fin d’année scolaire, c’est-à-dire à l’issue d’une première expérience examinée sous la forme d’un bilan personnel et professionnel alors qu’ils se savaient titularisés.

13 Des pratiques émergentes comme l’usage de forums de discussion sur Internet et, plus simplement, des échanges électroniques entre collègues (s’écrivant le soir après leur journée en établissement, comme pour se soulager mutuellement) semblent se développer.

14 Le concept de « sale boulot » a été développé par la sociologie interactionniste et plus particulièrement dans le texte fondateur de E. -C. Hughes (1996), « Le travail et le soi », in Le regard sociologique, Paris, EHESS, p. 74-85. Il oppose les tâches respectables à celles que certains, mieux placés dans la hiérarchie, refusent d’effectuer afin de préserver leur dignité personnelle et prestige professionnel. Avec une structure plus horizontale des positions hiérarchiques à l’instar, par exemple, des rapports entre professeurs et conseillers principaux d’éducation, les luttes symboliques pour la délégation du « sale boulot » prennent un tour plus problématique.

15 Citons entre autres, celles proposées par Hirschhorn (1993), Périer (2003), van Zanten (1999) ou encore la synthèse de C. Maroy, op. cit.

16 Bien qu’en progression constante, les aspects « gestionnaires » et de comptes rendus de l’activité ne représentent pas, à notre sens, une figure distincte du métier mais un ensemblede tâches, d’ampleur inégale, qui traverse les différents modes d’accomplissement de la fonction.

17 Un tel rôle n’a pas de caractère continu mais il s’insère ponctuellement dans l’activité des enseignants. Exemple, ce professeur d’anglais rencontré dans un collège ZEP de banlieue, qui devait apprendre, après plusieurs jours, que l’une de ses élèves en classe de cinquième dont elle avait constaté les assoupissements, n’avait pour tout domicile que la voiture où elle passait ses nuits avec les membres de sa fratrie, suite à leur expulsion du logement familial.

18 Interprétation développée dans l’ouvrage de Hirschhorn M., L’ère des enseignants, Paris, PUF, 1993.

19 On peut préciser que cette posture rejoint un puissant courant anti-pédagogiste prônant notamment, selon les catégories usitées, l’autorité culturelle des savoirs contre les pédagogies de l’intérêt, la clôture symbolique de l’école contre l’ouverture à des partenaires externes, la transmission descendante contre la « communication ».

20 Les professeurs des disciplines littéraires et de langues vivantes adoptent plus nettement cette posture, à la différence de professeurs des disciplines technologiques, d’arts plastiques, de musique ou d’EPS. On peut reprendre l’hypothèse que Jean-Michel Chapoulie formulait déjà à propos d’enseignants confrontés à la nécessité d’adapter leurs pratiques pédagogiques aux nouveaux publics d’élèves, principalement d’origine populaire, apparus au lycée dans le milieu des années 1970. Il estimait alors que le caractère plus ou moins expérimental voire concret des objets de l’enseignement agit favorablement sur la qualité perçue des rapports pédagogiques (Chapoulie, 1987). On peut également avancer qu’un niveau d’exigences plus élevé en termes de résultats ou de programme à réaliser se traduit par une évaluation plus sévère des capacités des élèves. Cf. Périer P., « Rapport au métier et rapport au statut chez les professeurs débutants. Quelques éléments d’une analyse comparative avec leurs aînés dans la profession », in Ramé S., Insertions et évolutions professionnelles dans le milieu enseignant, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 247-261.

21 On peut souligner à cet égard que s’il existe toujours des enseignants dont le choix du métier se réclame de la vocation, ils constituent un groupe minoritaire où sont surreprésentées les femmes, dans les disciplines de lettres et de langues, et dans la tranche d’âge de 50 ans et plus (Périer, 2004a).

22 Le constat de difficultés accentuées en ZEP doit être nuancé afin de saisir le sens vécu de cette expérience. L’enquête effectuée auprès d ‘ un panel de professeurs titulaires débutants interrogés à trois reprises entre 1993 et 1995 a montré qu’une très large majorité des enseignants en ZEP (88 %) estime qu’il s’agit d’une « bonne expérience pédagogique » et une majorité (55 %) se dessine encore pour considérer que débuter dans ces contextes n’est pas nécessairement un « handicap ». En revanche, ceux n’ayant pas exercé dans ce type d’établissement expriment un avis sensiblement plus nuancé (l’intérêt pédagogique tombe à 51 %, et 58 % préconisent d’éviter l’affectation sur un poste en ZEP). Ainsi, c’est la représentation de l’enseignement en ZEP plus que le métier « réel » qui construit les opinions inquiètes sur ce type d’établissements, alors que l’expérience vécue peut être jugée certes « difficile », mais d’un intérêt professionnel et de formation élevé. Cf. Périer P., Les nouveaux enseignants du second degré sortis d’IUFM en, 1993, Les Dossiers d’Éducation et formations, Vanves, ministère de l’Éducation nationale-DEP, n ° 71, 1996.

23 Ainsi, par exemple, 42 % des professeurs en ZEP s’estiment plutôt reconnus contre 54 % hors ZEP.

24 On note ainsi que pour 55 % des enseignants en collège ZEP, l’exercice du métier comporte une double contrainte pédagogique, en forme de double bind, avec le sentiment de ne pas pouvoir aider suffisamment les élèves plus « faibles » tout en pénalisant les « meilleurs ». Par ailleurs, nous avions observé d’après cette même enquête que 41 % des professeurs adhéraient à l’idée que le système éducatif accentuait les inégalités sociales (contre 13 % à partager l’opinion inverse). Cf. Périer P., Enseigner dans les collèges en ZEP, op. cit.

25 On peut d’ailleurs raisonnablement penser – même si les recherches manquent sur ce point – qu’après les premières années dans les établissements de banlieue, les jeunes professeurs exportent des pratiques pédagogiques et un mode d’exercice du métier dans des contextes scolaires plus « ordinaires » mais moins innovants (Rochex, 1995b).