Chapitre IX. Des stratégies de (sur)vie entre terre et mer
p. 307-347
Texte intégral
1Vivre au rythme de la mer induit une rupture dans les relations familiales mais aussi une discontinuité en matière de revenus. La guerre accentue cette irrégularité, le service du roi, moins rémunérateur, primant sur toute autre forme d’activité. Malgré les avances perçues et les salaires versés en cours de voyage, la plupart des marins doivent attendre le retour à terre pour toucher leur solde, souvent longtemps après. Les revenus maritimes sont par définition irréguliers et de surcroît, difficiles à évaluer par avance : les veuves de « décédés en voyage sur mer » n’en connaissent jamais le montant exact1. Le versement se fait en liquidités auxquelles est venu parfois s’ajouter un paiement en nature : cela représente des sommes relativement élevées, résultat de plusieurs semaines voire de plusieurs mois ou années de travail à bord2. Par conséquent, les familles doivent apprendre à ne pas compter dessus et à se débrouiller autrement. Ces réponses s’apparentent à des « stratégies de survie », évoquées en ces termes par Laurence Fontaine : « Les tentatives des hommes pour maîtriser le futur face au peu de prise qu’ils ont sur leur destinée, face aux maladies et à la mort dont la menace est toujours proche. Ils démontrent ainsi leur capacité à imaginer divers scénarios pour assurer au mieux la sauvegarde de leur existence et celle de leur famille3. » Pour les hautes vallées des Alpes occidentales, elles passent par l’insertion dans des « chaînes de crédit » et par les migrations. Celles-ci créent une « culture de l’absence, du départ toujours possible et du retour jamais assuré4 », caractéristique des zones touchées par des migrations de travail à l’image de l’Auvergne ou de la Creuse5. Le parallèle avec les gens de mer est troublant et incite à s’interroger sur leurs propres stratégies de survie, en s’appuyant sur le « seuil d’indépendance » énoncé par Pierre Goubert dans son analyse de la société rurale6. Il est largement transposable au monde des gens de mer : un marin et sa famille sont indépendants, économiquement, lorsque les revenus issus de la pratique d’une ou de plusieurs activités assurent l’autosubsistance du ménage et le paiement des diverses charges dues. Dans ce groupe caractérisé par une forte hétérogénéité, des solutions, licites et illicites, sont mises en œuvre par les familles les plus fragiles, à la limite ou en dessous de ce seuil d’indépendance mais pas seulement, puisque les plus aisées ont recours à des « stratégies de vie ». En filigrane, une figure émerge, la femme de marin, pivot du couple à terre.
Des formes d’entraide ?
2Les lettres écrites par Marie-Jacquette Pignot à son mari laissent entrevoir une solitude douloureuse7 qui remet en cause le stéréotype selon lequel les marins et leurs familles seraient solidaires les uns des autres car soumis aux caprices de la mer. La question de cette entraide et sa validité au regard des gens de mer peuvent être abordées au travers de deux thèmes complémentaires : l’organisation des ménages de marins et l’endettement. Si la famille de Gilles Pignot correspond à l’archétype de la famille de marins, nucléaire ou conjugale, décrite par Alain Cabantous8, il est des exceptions à la règle, en particulier la présence de plusieurs personnes apparentées ou pas sous le même toit. Par ailleurs, les inventaires après décès dévoilent l’existence de dettes, la plupart accumulées durant le temps de l’absence ; elles différent de celles contractées chez un notaire. À la suite des travaux de Laurence Fontaine9, il importe de s’intéresser aux créanciers des gens de mer et à la nature de ces créances afin de déterminer si elles témoignent de formes d’entraide débordant du cadre familial pour s’étendre à l’échelle de la communauté.
La cohabitation : une organisation familiale originale
3La cohabitation sous-entend la co-résidence d’une « famille conjugale10 » au sens strict du terme, soit un couple et ses éventuels enfants, et d’un ou de plusieurs autres individus sans que des liens de parenté les unissent forcément. Bien que cette définition rappelle quelque peu celle de la « famille élargie11 », elle s’apparente davantage aux « partenariats » féminins appelés spinster clustering par Olwen Hufton et repérés au XVIIIe siècle à Beauvais, Lyon ou Paris mais aussi dans les villages du Velay et de Bessin12. Nancy Locklin en a retrouvé dans les villes bretonnes où des mères et filles, des tantes et nièces, des sœurs, toutes veuves ou « filles majeures », vivent ensemble pour échapper à la vie fragile13. Toutefois, les cohabitations parmi les populations navigantes s’en différencient quelque peu : l’absence impose à la femme la charge et l’entretien du foyer quand son conjoint est en mer. Aussi, lorsque la vie conjugale est marquée par des absences plus ou moins longues et fréquentes, c’est avec son ou sa cohabitant(e) que la femme passe le plus clair de son temps, au quotidien, et non avec son époux ; la cohabitation n’est d’ailleurs pas spécifique à une activité maritime précise. Ces cohabitations se révèlent au détour d’une apposition de scellés ou d’un inventaire de biens, plus rarement dans le cadre de procédures judiciaires ; un contrat peut aussi en fixer les modalités14. Pour la grande majorité, la cohabitation familiale est la règle ; beaucoup vivent avec leur mère, quelques-unes avec une sœur, leur père ou une tante, plus rarement un frère, leur grand-père, un oncle et sa femme ou leurs deux parents. Les autres demeurent avec leur belle-famille ou une personne non apparentée. Mais en général, la cohabitation se fait avec une personne seule. Ce rapprochement de solitudes est essentiellement féminin : les deux tiers des cohabitantes vivent avec une autre femme touchée par un veuvage ou un célibat prolongé. Reste à savoir comment ces ménages un peu particuliers se mettent en place. Trois cas de figures émergent au-delà des simples allusions à des cohabitations qui durent « depuis longtemps ou « depuis des années ».
4La cohabitation peut débuter dès le début de la vie conjugale à l’image du ménage formé par Mathieu Gleyo, sa femme et la mère de cette dernière qui a toujours demeuré avec eux depuis leur mariage15. Ces cohabitations sont facilitées par l’installation de l’époux chez sa femme alors qu’elle vit déjà avec quelqu’un. C’est le cas de Joseph Lhotellier qui, aux dires de sa belle-mère, « lors de son mariage avec sa fille n’avait rien apporté chez elle que ses hardes16 ». De même, avant que sa femme n’entame une procédure pour casser son mariage, Georges Dandin avait emménagé avec elle et la sœur de celle-ci « dans la même maison où ils tenaient ménage ensemble » depuis leur union17. Deuxième cas de figure : les cohabitations se mettant en place durant la vie conjugale, favorisées par les absences du conjoint. Cela commence par quelques nuits passées ailleurs18 comme l’avoue Françoise Lemonnier dont beaucoup d’effets se trouvent chez sa mère « vu qu’elle y couche plus souvent que chez elle19 ». Peu à peu, ces nuits se transforment en un emménagement définitif surtout lorsque l’absence se prolonge : Marie Dufée finit par « se retirer » chez sa mère, son mari s’étant embarqué 4 ans auparavant sans avoir donné de nouvelle depuis20. L’installation d’un parent dans un ménage déjà constitué s’apparente davantage à de la solidarité familiale. Un événement exceptionnel peut l’imposer, comme la descente des Anglais à Cancale en juin 1758 : elle oblige Nicolas Trotin, marinier, à héberger sa mère « entièrement pillée et ruinée21 ». En 1780, Françoise Robinson est obligée de déménager chez sa mère suite à la réquisition de son appartement, transformé en « caserne » pour « la quantité de soldats qui sont en cantonnement » à Cancale22. Quelques-uns de ces emménagements s’expliquent aussi par la dégradation de l’état de santé d’un parent : Joseph Bonam, ancien navigant, met en avant ses infirmités et son âge qui le rendent « hors d’état de pouvoir demeurer seul dans une maison, et d’y subsister n’ayant pas le moyen d’avoir une servante pour le soigner et servir » pour justifier son installation chez son gendre et sa fille qui accepte d’héberger son père en l’absence de son mari23. Quant à François Lefeuvre, un navigant de Cancale, il s’est vu dans l’obligation d’emménager chez sa sœur, une veuve, afin que cette dernière s’occupe durant ses voyages de sa femme « infirme et grabataire24 ». Enfin, l’installation peut se produire après la mort du conjoint. Elle apparaît alors comme une alternative à la solitude : Marie-Thérèse Rhédon déclare « que son mari est mort depuis un très long temps, qu’elle demeure depuis et a demeuré avec Marie Lemée sa mère25 ». Elle fait figure d’obligation familiale quand le décès du conjoint entraîne une dégradation des conditions d’existence. Les paroles de Jeanne Dupuy sont révélatrices : « qu’à son décès [de son mari] elle s’est trouvée réduite en cet état ce qui a obligé son père de la prendre chez lui et ses trois enfants pour ne pas les laisser mourir de faim et de misère26 ». La mort de la conjointe et non pas du mari peut donner lieu à des cohabitations masculines, plus rares mais possibles, comme le montre la situation de François Rabet dont la femme est morte alors qu’il était en mer. Son propre père vient s’installer chez eux pendant quelques mois au bout desquels il apprend la mort de son fils27. Lorsque la cohabitation n’est pas imposée au début de la vie conjugale, elle constitue une alternative à la solitude mais répond, le plus souvent, à un impératif économique obligeant les membres d’une même famille à s’entraider ; en cela, elle concerne également les marins célibataires, hors circonstances exceptionnelles. Pierre Josset, un navigant au long cours, accepte « par considération et amitié » de demeurer avec son oncle et sa femme, âgés, en se réservant la possibilité d’y installer par la suite une épouse, le tout officialisé par un acte notarié28.
5Par-delà la peur de la solitude, la cohabitation apparaît comme un moyen de compenser l’irrégularité des salaires issus de la navigation car le cohabitant représente une source de revenus complémentaire fort appréciable. Le premier degré consiste à verser un loyer pour l’occupation d’une ou de plusieurs pièces du logement d’où une vie commune fondée sur un rapport pécuniaire. Ce type de relations s’est noué entre Barbe Kerbrat, épouse de Jean Corre, parti au long cours depuis 6 ans, et une veuve avec laquelle elle a depuis « quelque temps partagé les appartements de [sa] maison » à Roscoff, contre un loyer29. Deux femmes non apparentées et seules, l’une temporairement et l’autre de façon définitive, se sont donc rapprochées, liées par un intérêt financier qui se double d’une forme de sollicitude. Barbe Kerbrat, devant la dégradation de la santé mentale de sa cohabitante, se résout à déposer une requête en justice afin d’éviter qu’elle ne mette fin à ses jours. Cette dernière a sombré dans la démence après la mort de son mari et menace de « s’aller noyer » et de « se jeter par ses fenêtres ». Incapable de faire face à ces « marques de fureur », Barbe Kerbrat finit par requérir l’enfermement de la veuve à l’hôpital général de Roscoff pour l’empêcher de nuire à son voisinage, en mettant le feu chez elle. Sa sollicitude envers cette veuve ne doit pas masquer le fait qu’elle privilégie ses intérêts financiers. Cette attitude s’apparente davantage aux relations entre un propriétaire et un locataire ce qui n’est pas le cas de toutes les cohabitations. Certaines sont officialisées par la signature d’un acte devant notaire. Elles sont établies lorsqu’une personne malade ou âgée, incapable de subvenir à ses besoins, s’installe dans un foyer tenu en général par un membre de sa famille, souvent un de ses enfants30. Bien que cet emménagement exprime une solidarité familiale, les protagonistes peuvent ressentir le besoin d’en fixer les termes par un contrat précisant les obligations de chacun. Pour celui ou celle qui sollicite la cohabitation, il s’agit de s’assurer des conditions de vie décentes autrement dit être logé, nourri et soigné, le cas échéant31. Certains en profitent pour se garantir des funérailles et une sépulture décentes et éventuellement, des messes pour le repos de leur âme tant que les anciens cohabitants seront en vie32. Cet engagement peut être réciproque : Pierre Josset, célibataire et navigant au long cours, son oncle et sa femme, s’engagent chacun à employer 15 livres « pour faire prier Dieu pour le repos de [leur] âme33 ». En échange de leur hospitalité, les hôtes reçoivent une compensation dûment notée dans l’acte ; la cohabitation, dans ce cas précis, n’est pas toujours désintéressée. Cependant, le demandeur possède en général peu de biens et est rarement aisé vu qu’il n’a pas les moyens d’engager une servante. Il s’agit plus d’une participation aux frais faute de pouvoir travailler. Cela permet en outre de clarifier la situation vis-à-vis des autres enfants quand il y en a : Jean Bonam, un marinier installé avec sa fille et son gendre, fait inventorier ses effets « afin d’entretenir la paix et l’union entre tous ses enfants34 ». Sa fille l’a accueilli « de bon cœur » vu le peu de biens possédés sans compter les dettes accumulées depuis qu’il est tombé malade. Pierre Lavigne met à disposition du couple qui le reçoit 90 livres de demi-solde par an avec la perspective de recevoir à sa mort ses affaires estimées à 100 livres35. Le service rendu peut être évalué en argent ce que fait François Lefeuvre envers sa sœur qui s’occupe de son épouse depuis 6 à 7 ans : il déclare lui devoir 275 livres et en compensation, lui vend 75 livres de meubles en s’engageant à lui rembourser le reste dans l’année ou « plus tôt s’il le peut36 ». Quant à Pierre Josset, son oncle et sa femme, il s’agit d’une association d’intérêts doublée de liens amicaux : pendant ses absences, le couple perçoit « les levées et fruits des immeubles lui appartenant pour être employés à leur commune nourriture et entretien37 ». En échange, Pierre Josset se voit octroyer une maison et une terre qui deviendront sa propriété à la mort « du dernier d’eux » ainsi que leurs effets estimés à 60 livres, plus une rente annuelle de 7 livres. L’officialisation d’une telle situation présente une sécurité pour un individu devenu dépendant en lui permettant de récupérer ses biens en cas de mauvais traitements. Ce type de cohabitation est donc caractérisé par des liens de dépendance unissant les membres du ménage, avec des intérêts financiers plus ou moins importants selon les cas.
6Une réelle solidarité économique, sans dépendance financière et fondée sur le partage des revenus et des dépenses du ménage, est néanmoins possible38 : la veuve de Louis Félix Norois déclare « demeurer ensemble et en communauté » avec sa tante au port de Roscoff39. L’attitude de Bertranne Portier est révélatrice : vivant avec sa sœur Vincente dans une maison de Saint-Ideuc, elle fait préciser dans l’inventaire après décès de son mari qu’elles ont filé toutes les deux « quatre paquets de filasse contenant cinquante poignées chaque » qui ont donné 6 livres de fil écru40. Elle ajoute que sa sœur « a aidé à gagner les espèces et meubles ci devant estimés pourquoi elle croit en justice qu’il lui revient pour ses bons services savoir l’armoire à quatre battants, le coffre de bois de chêne, et une des vaches » soit près d’un tiers du montant de l’inventaire41. Il s’agit d’une reconnaissance du travail effectué au sein du ménage, approuvée par les parents présents. Les effets recensés suggèrent toutefois que c’est Vincente qui est venue d’installer chez sa sœur et son beau-frère et non l’inverse. Dans les deux cas, le cohabitant vit souvent avec peu d’affaires, quelques hardes, éventuellement un peu de literie ou quelques meubles. Il se voit parfois accorder une pièce du logement : la femme de Jacob Griou vit chez ses beaux-parents dans une chambre au-dessus de la cuisine42. Le cohabitant, selon ses moyens, contribue aux dépenses et peut investir dans la communauté en devenant propriétaire d’animaux, de réserves de fil ou de filasse dans le cas des sœurs Portier. Cette situation se retrouve pour la femme de Jean Morvan, installée chez son grand-père, propriétaire d’une vache d’une valeur de 21 livres ou pour Marie-Thérèse Rabel, installée chez sa mère, qui a une vache et son veau estimés à 50 livres43. Si chacun(e) semble y trouver un intérêt, un déséquilibre est perceptible dans la répartition des biens. Elle induit une forme de dépendance entre les cohabitants qui ressort dans les termes de Jeanne Bocha : elle déclare demeurer « sur le ménage » de sa belle-mère44. Certaines cohabitantes connaissent de réelles difficultés économiques les obligeant à emménager chez une connaissance ou un parent. La femme d’Olivier Le Gac, vivant chez ses parents, déclare n’avoir aucun meuble et « avoir vendu les hardes et nippes de son défunt mari pour le soulager pendant sa maladie » ; il ne lui reste que quelques vêtements45. Dans ces conditions, la cohabitation est l’expression d’une solidarité familiale ou tout au moins, une forme de charité, surtout entre parents et enfants comme en témoignent les paroles de Jeanne Dupuy, obligée de revenir chez son père afin de ne pas mourir de faim. Cela rejaillit sur les rapports au sein de la maisonnée et place la cohabitante dans une position délicate car elle leur en est redevable. N’oublions pas non plus la surveillance qui en découle afin d’éviter tout risque d’adultère : en ce sens, la cohabitation participe au contrôle social exercé sur les femmes d’absents en mer.
7Les situations de cohabitation varient donc en fonction du niveau de revenus de chacun, des circonstances de l’installation, des relations établies entre cohabitants et de leur évolution dans le temps. Les retours à terre du conjoint créent inévitablement des perturbations au sein du foyer. Il lui est sans doute difficile de (re)trouver sa place et la « bonne distance conjugale » dans ces ménages liés par les habitudes d’autant que la plupart sont composés de femmes. Dans ce cas, ils forment le pendant féminin de l’univers masculin du navire, caractérisés tous deux par les formes de solidarités plus ou moins obligées, mises en place pour faire face à la « vie fragile » que ce soit à terre ou à bord d’un bateau.
La question de l’endettement
8Pour les familles de marins46 dont la situation financière est précaire, il est difficile de concilier les besoins de la vie quotidienne avec l’irrégularité des revenus maritimes. Les avances versées avant le départ s’épuisant vite – encore faut-il que le marin accepte d’en faire profiter sa famille – les proches doivent attendre son retour pour bénéficier de l’intégralité ou d’une partie des salaires. Les lettres de Marie-Jacquette indiquent cependant que lors d’un voyage au long cours, il reste possible d’avoir de nouveau des avances : son mari lui fait parvenir 10 écus reçus à Cadix ce dont elle le remercie47. D’autres prennent des dispositions avant leur départ pour que leur salaire soit versé à leurs proches : Sébastien Le Cléach, levé pour le service du roi, demande qu’il soit remis à sa belle-mère, sa cohabitante48. Le retour signifie donc pour l’entourage une rentrée d’argent, parfois d’un montant élevé mais qui demeure ponctuelle et tardive. En attendant, il faut bien se fournir en produits nécessaires à la vie courante. C’est là qu’intervient l’endettement qui, sans être spécifique aux gens de mer49, est plus fréquent que dans le monde de la terre. Il résulte soit d’une accumulation progressive d’impayés, soit d’un emprunt. Deux types de sources permettent de mieux appréhender ces dettes : les documents établis par les greffiers des juridictions suite au décès d’un des conjoints et les obligations signées devant notaire, en présence du créancier et du débiteur50. Ces dettes, quelle que soit leur forme, mettent en exergue les rapports d’argent établis à l’intérieur du cercle familial et de la communauté.
9Un premier indicateur est fourni par la fréquence des dettes : 30,5 % des actes de justice mentionnent explicitement des créances. Sans être généralisé, l’endettement semble être une pratique assez répandue parmi les populations navigantes ; ce chiffre sous-évalue sans doute la réalité en raison des dettes contractées oralement. Une analyse plus fine des 77 actes exploitables révèle que le poids des dettes varie d’un individu ou d’un ménage à l’autre par comparaison avec le montant de l’inventaire de leurs biens. Pour presque la moitié, l’endettement équivaut à moins d’un quart de sa valeur ce qui ne remet pas vraiment en cause l’équilibre financier du ménage tandis que dix la dépassent largement avec un endettement hors norme pour François Poulaouer, un maître de barque de Porspoder, soit 1120 % de ses biens51. Entre ces deux extrêmes, 14 sont endettés dans une fourchette allant d’un quart à la moitié de leurs biens, 10 entre la moitié et les trois-quarts et 9 entre les trois-quarts et la totalité. Il s’agit toutefois pour beaucoup d’estimations minimales car les montants déclarés au greffier sont souvent incertains à ce moment-là. Parmi les populations navigantes, on aurait pu penser que les plus nombreuses et les plus fragiles d’entre elles, les matelots, auraient davantage recours à l’endettement, or celui-ci concerne toute la hiérarchie du bord. Cela rejoint les conclusions de Laurence Fontaine à propos du surendettement structurel présent partout dans le royaume52. Le problème est que nous ignorons précisément la profession de 48 individus sur 77, les termes employés étant trop vagues. Seul le groupe des pêcheurs ne dépasse pas le seuil des 75 % d’endettement mais les données sont trop peu représentatives pour en tirer une conclusion tangible. Au-delà de l’analyse sérielle un peu décevante, faute de données plus précises, le descriptif des impayés fournit plus d’indications sur la nature des dettes et les circonstances dans lesquelles elles sont contractées. Ces impayés se classent en quatre catégories qui se démarquent quelque peu des créances spécifiques au monde paysan53.
10Tout d’abord interviennent les dépenses courantes, celles du quotidien auxquelles il est difficile d’échapper à l’instar des impôts, souvent avancés par le collecteur. De même, pour les locataires d’un logement, il faut compter l’acquittement du loyer et éventuellement la location de terres. Ces charges, présentes dans plus de la moitié des actes, occupent une part importante des créances et pour huit ménages, elles constituent même leur unique dette. Elles montent au maximum à 54 livres dans le cas d’un navigant de Paramé et descendent au plus bas à 12 livres pour un pilote de Cancale54 ; cela équivaut ici au loyer de l’année sans que l’endettement atteigne un seuil catastrophique. Plus inquiétante est l’accumulation de plusieurs années de loyer jamais payées : Mathurine Coupeau, dont le mari est détenu dans les prisons anglaises, devait au moment de son décès 2 années de loyer à raison de 82 livres par an55. Quant au ménage de François Poulaouer, évoqué plus haut, il doit régler un arrérage de 4 années soit 192 livres56. Pour les autres, la part de la location varie dans les dettes mais n’est jamais négligeable d’autant qu’elle s’ajoute aux autres créances. L’acquisition de marchandises nécessaires à la vie du ménage peut être aussi intégrée aux dépenses courantes. Les boissons, cidre et vin, et les denrées alimentaires y occupent une place essentielle. Les produits, plus ou moins élaborés, sont achetés selon les besoins : froment, seigle ou « bled57 », « mouture » ou farine, pain mais aussi beurre, viande ou lard reviennent souvent contrairement à l’achat d’une poule et d’œufs pour un pêcheur de Saint-Jacut, de morue par un lieutenant de vaisseau de Plouguerneau, de sucre et de cannelle par un matelot de Roscoff58. Ces fournitures témoignent d’un niveau de vie plus élevé pour le deuxième, et pour le dernier, d’une volonté de différenciation sociale à travers la consommation d’aliments onéreux à l’occasion de ses noces. Les quelques dettes relatives à l’achat d’étoffes, de hardes ou de chaussures varient tout autant, de 36 sols pour trois paires de sabots aux 156 livres de draps et soie dues par la veuve de Joseph Bourdé, noble et capitaine de navire marchand59. Là encore, elles montrent la volonté d’afficher sa condition sociale. Les créances portent également sur d’autres biens de consommation assez courants comme la chandelle, le savon ou plus rares, tel l’écusson acquis pour 33 livres 10 sols par Marie Toussaint Kersallec de Keruen60. En outre, plusieurs ménages ont des créances pour l’achat de combustibles, « bois à feu », fagots ou « genêt à brûler ». Enfin, les dépenses courantes incluent les salaires versés aux éventuels domestiques ou à une servante, la rémunération de divers ouvrages, « façon de toile » ou « d’habits », cuisson de pain, réparation de chaussures, journées de charroi ou de labour. La seconde catégorie regroupe les créances engagées lors des évènements jalonnant la vie familiale : mariage ou remariage, frais funéraires incluant selon les circonstances, l’achat de hardes de deuil, la fabrication du cercueil, l’enlèvement du corps et son enterrement, les offices en mémoire du mort, le salaire du sonneur de cloches et le repas à l’issue de la cérémonie61. La veuve de Vincent Lanmoal, marinier décédé à Paimboeuf, fait même ramener son corps à cheval jusqu’à Roscoff moyennant 28 livres 15 sols62. Un accident ou une maladie entraînent des dépenses imprévues. Les services d’un chirurgien et les médicaments alourdissent les créances : la femme du sieur François Petit, officier navigateur, ignore à combien s’élèvent « les fournitures faites pendant les différentes maladies du défunt et pour avoir traité ladite veuve et sa fille » et ce qu’elle doit à un apothicaire à Saint-Malo63. C’est dans cette catégorie qu’entrent les dépenses engagées lorsque l’épouse meurt durant l’absence de son mari et qu’il faut mettre les enfants en « pension ». Enfin, s’y retrouvent des impayés liés à des évènements moins dramatiques : héritages réglés partiellement, reliquats de compte de tutelle, frais engagés dans une procédure judiciaire ou liés à des formalités administratives. La troisième catégorie de créances correspond à des dépenses d’investissement qui se rapprochent des « prêts de cycle de vie64 ». Leur objectif est d’être rentables à plus ou moins long terme : pour Hamon Poyet et son épouse, il s’agit de l’achat du matériel nécessaire pour équiper un bateau de pêche dont on ignore s’il s’agit du bateau possédé à moitié par le couple ou de la chaloupe dont ils ont le quart65. Investissement également dans du fil mais aussi acquisition de graines de trèfle ou de lin destinées à être semées. Des investissements sont réalisés indirectement par le biais d’argent prêté : Guillaume Geslin, entre autres dettes, en a une de 24 livres qui lui a servi à acheter une vache66. La femme d’Olivier Langevin affirme devoir 60 livres prêtées « pour la mettre en état de faire valoir ses terres, ses fermes et [le] patrimoine dont elle jouit67 ». La dernière catégorie de créances regroupe les prêts d’argent dont la destination n’est pas spécifiée68.
11Certains cumulent des emprunts auprès de plusieurs particuliers contrairement à d’autres, ce qui peut constituer une stratégie pour obtenir davantage d’argent69. Disposer de liquidités par ce biais répond à plusieurs logiques : alléger la liste des dettes et satisfaire quelques débiteurs mécontents, procéder à des paiements qui se seraient le cas échéant transformés en dettes, faire face à des dépenses imprévues ou réaliser des dépenses d’investissement. C’est peut-être l’objectif des gros emprunts : les quatre prêts contractés par François Poulaouer sont disproportionnés par rapport à la valeur de ses biens de même que les 1 120 livres 18 sols empruntées par Jacques Malo Auguste Fabre, noble et chirurgien-major70. Avant d’accorder un prêt, certains créanciers exigent des garanties telles que la mise en gage d’objets de valeur : la femme d’un marinier de Roscoff dépose une tasse d’argent et une bague d’or pour payer les funérailles de son époux et en tire 51 livres 16 sols71. Les obligations signées chez un notaire en donnent aussi, bien que nombre de dettes demeurent pour l’essentiel non écrites. Les reconnaissances de dettes font état de prêts à long terme voire à très long terme pour la grande majorité, sur une durée d’au moins 20 ans, et concernent des sommes importantes : 18 entre 100 et 499 livres, 4 au-delà de 500 livres avec un maximum atteignant 2 700 livres. Ces obligations obéissent aux mêmes ressorts que les dettes verbales : un besoin urgent de liquidités, la contrepartie d’un service rendu, l’achat de marchandises, la reconnaissance d’argent prêté à plusieurs reprises ou bien des investissements, ce qui expliquerait l’emprunt de sommes particulièrement élevées, peut-être pour acquérir des biens immobiliers ou des parts de bateaux. L’utilisation de l’argent emprunté est rarement précisée dans ce type d’acte. Par contre, les modalités ou le délai de remboursement le sont toujours. Pour les prêts à court terme, l’échéance est fixée en général dans l’obligation ou tout au moins, la façon dont la somme pourra être perçue : un marin d’Étables autorise sa mère à recevoir les 200 livres qu’il lui doit « sur les sommes lui dues pour un voyage qu’il a fait sur la frégate du Roy L’Astrée du port de Brest72 ». Les prêts à long terme donnent lieu au versement d’une rente annuelle proportionnelle au montant de l’emprunt. Elle correspond au « denier vingt73 » : par exemple, un prêt de 24 livres induit une rente de 24 sols par an. Pour arriver au remboursement complet, il faut 20 ans, durée qui sert de référence74 sans compter les intérêts touchés par le créancier dont mention n’est jamais faite dans les actes analysés. Ces rentes figurent parfois dans la liste des impayés lors d’un inventaire et ne font que s’ajouter pour des ménages déjà endettés, aux autres créances : le sieur Jacques Delahaye et sa femme, de Cancale, doivent entre autres dettes 30 livres de « constitut de rente » sur un total de 460 livres75. Il est étonnant que de tels crédits soient accordés à des individus ou à des couples peu solvables, au vu de leurs revenus ou des impayés accumulés. Or, les créanciers ne sont ni inconscients, ni naïfs : s’ils accordent un prêt dans ces conditions, il s’agit pour eux d’une obligation ou bien ils y trouvent un intérêt quelconque, au-delà du simple aspect financier. L’analyse des créances et des obligations laisse entrevoir les liens qui se tissent entre individus, créanciers et débiteurs, au sein d’une communauté ; Laurence Fontaine les compare à une « toile d’araignée76 » dont les ressorts sont complexes. Le choix du créancier n’est pas le fait du hasard, les débiteurs savent à qui s’adresser pour obtenir un prêt ou acheter des marchandises ou un service, sans les payer de suite. De fait, chaque créancier appartient à un cercle vers lequel un individu ou un ménage peut se tourner selon ses besoins d’où le recours à des « cercles de créanciers » successifs77. Le débiteur s’appuie sur son propre réseau social en commençant par ses proches et en exploite ensuite les strates successives : il finit par s’adresser à de simples relations qu’il connaît (et qui le connaissent) à peine.
12Le premier cercle est familial ce que l’on retrouve dans les listes de dettes figurant dans les inventaires après décès ; l’imprécision des données laisse à penser que sa part est largement sous-évaluée dans les sources. La veuve de Laurent Lepetit correspond à ce profil : au moment de l’inventaire, elle vit à Cancale dans une maison appartenant à son père auquel elle doit 46 livres de loyer ; elle doit aussi à ses deux tantes 6 livres 10 sols de graines de lin à l’une et 10 livres de fagots à l’autre, ses uniques créances78. Parents, frères et sœurs des deux côtés, pour un couple, sont sollicités dans des proportions variables. Les parents avancent davantage à leurs enfants à travers l’accumulation d’arrérages de loyer, par exemple ; l’évolution du cycle familial79 explique que certains aient davantage d’argent à leur disposition, susceptible d’être prêté. Les collatéraux prêtent souvent des sommes moins élevées : Jeanne Baron, épouse d’un marin de Roscoff, a emprunté 12 livres à sa sœur80. Toutefois, le montant des créances « pour argent prêté » est à relativiser par rapport au niveau de vie du débiteur : moyen pour l’époux de Jeanne Baron dont l’inventaire ne dépasse pas les 250 livres et important pour Joseph Bourdé, noble et capitaine de navire marchand, puisqu’il emprunte 150 livres à son beau-frère mais dispose de biens équivalant à 2 558 livres81. Ces liens financiers tissés au sein de la famille et/ou de la belle-famille pourraient répondent à une logique d’entraide ou tout au moins, une solidarité entre proches. Ce n’est pas toujours le cas car la famille constitue un « créancier obligé82 ». Cette solidarité forcée est sans doute mieux acceptée lorsqu’elle est sollicitée par des familles de marins : la perspective du retour laisse espérer aux créanciers un remboursement rapide grâce au versement des salaires en numéraire. De fait, l’absence du conjoint fait figure de circonstance atténuante en conférant davantage de légitimité à une demande d’emprunt auprès d’un proche : la femme de Vincent Lanmoal se fait ainsi avancer 30 livres par sa propre sœur « durant l’absence de son mari83 ». Encore faut-il que les membres de la famille disposent de liquidités et en quantité suffisante84. Le cas échéant, il faut s’adresser à un autre cercle de créanciers en dehors de la famille mais qui demeure interne à la communauté.
13Le voisinage, en particulier les fournisseurs de denrées, est le premier sollicité. À la lecture des inventaires, quelques noms reviennent dans les listes d’impayés : une demoiselle Gentil, à Cancale, est citée à 3 ans d’intervalle pour vente d’étoffes et de marchandises. Eléonore Prigent, à Roscoff, l’est « pour fourniture de vin et autres denrées même pour argent prêté » en 1749 et comme créancière en 175185. Ces récurrences, qu’il faudrait approfondir, suscitent des interrogations relatives à la réputation de ces individus : sont-ils connus pour leur relative tolérance face aux impayés ? La question s’étend à tous ceux dont les services sont requis, artisans ou laboureurs tel Louis Cadiou, de Cancale, cité en 1730 pour la livraison d’un fagot, en 1745 pour 10 livres et en 1757 « pour travail86 ». Cette tolérance face aux impayés caractérise les prêtres ; ils se retrouvent à de nombreuses reprises parmi les créanciers à l’instar des collecteurs d’impôts comme le sieur de la Chesnaie Cornille à Cancale, cueilleur de la capitation, des fouages, du Dixième et de la dîme. Les débiteurs peuvent profiter de ces impayés pour demander des liquidités à certains de leurs créanciers. En cela, ils s’appuient sur les relations de confiance et de dépendance créées par les dettes initiales. Quelques-uns franchissent le pas alors que beaucoup optent pour un troisième cercle.
14Ils s’adressent dans ce cas aux individus connus pour accorder des prêts d’argent, en premier lieu la fabrique de la paroisse : cela explique les petites sommes dues au prêtre ou à un trésorier de la paroisse, et les plus grosses, de l’ordre d’une centaine de livres, figurant dans des obligations. Là encore, des noms reviennent, toujours associés à des prêts d’argent dont ils semblent s’être faits une spécialité : le sieur Mathieu Pottier, de Cancale, qui prête successivement à trois ménages de marins 15, 48 et 100 livres. Il se pourrait bien qu’il soit le Mathieu Pottier, poissonnier et marchand voiturier, qui avance en 1764 2 700 livres à un marchand et ancien navigant87. Alain Armez, sieur de Villepierre, noble et négociant de Plounez, prête de l’argent à plusieurs reprises88. Ces individus sont manifestement des notables influents dans la communauté et des éventuels fournisseurs de travail ce qui est probable pour le sieur de Villepierre89. S’adresser à son employeur constitue en effet une solution pour obtenir de l’argent : dans les matricules des Classes, les commissaires notent les sommes avancées aux matelots lors des levées. En 1776, il est écrit pour le sous-quartier de Roscoff qu’Olivier Marie Hamon doit 32 livres de la levée de 1775 et Jean-Marie Cosic, « redoit » 24 livres90. Les gens de mer ont aussi la possibilité de recourir aux Invalides de la Marine : Jean Perrot, un maître de barque de Porspoder, a contracté une dette auprès des Invalides de Brest91. Le réseau social est donc mis à contribution : les débiteurs requièrent plus facilement de l’argent auprès de gens qu’ils connaissent. Au-delà de ce cercle, il est difficile de se voir accorder un emprunt sans recommandation : Marie-Jacquette ne cesse de demander à son mari qu’il parle au sieur Lehain, à Cadix, afin que ce dernier écrive à son frère, à Saint-Malo, pour l’enjoindre à lui prêter davantage d’argent92.
15Les débiteurs très endettés combinent les différents cercles de créanciers : ces derniers dessinent des auréoles concentriques autour de l’emprunteur. En ce sens, l’inventaire après décès de Jean Perrot, le maître de barque de Porspoder, est révélateur bien que la nature des impayés ne soit pas précisée93. Il cumule 1003 livres 18 sols de dettes soit 114,2 % de la valeur de ses biens, réparties entre 23 créanciers caractérisés par une grande amplitude géographique. Lui et sa femme doivent 180 livres au frère de celle-ci qui vit avec eux (18 % des dettes). Deuxième auréole : les deux prêteurs de leur village, pour environ 8 %. Troisième auréole : dix créanciers de leur paroisse entre autres les « messieurs du clergé » de Porspoder et le recteur qui « a arrêté un compte » avec la femme de Perrot (31 %). Au-delà : les créanciers de paroisses plus ou moins proches, à proximité, Landunvez et Larret, puis Landéda, Saint-Renan, Brest et Recouvrance (38 %). Ces deux cercles sont les plus sollicités : ils représentent près de 70 % des dettes. Le dernier cercle est extra-provincial puisque le créancier vit à Bordeaux (environ 5 %). Comment se fait-il que des dettes aient été contractées alors que Jean Perrot n’était de toute évidence pas solvable ? Même s’il possède le seizième d’une barque, cela ne suffit pas à les couvrir. En fait, les créanciers n’ont pas forcément un besoin immédiat de l’argent avancé : ils peuvent le prêter mais pas le perdre. Ils cherchent donc des garanties. Ils peuvent espérer obtenir un remboursement grâce aux salaires versés au retour. Quelques débiteurs possèdent également des biens dont certains sont affermés, moyennant une rente touchée, en théorie, chaque année. Entre aussi en jeu le niveau de vie du débiteur autrement dit ses facultés et sa réputation : les membres de l’état-major se voient prêter plus facilement des sommes élevées. A contrario, il est certainement plus difficile pour les familles situées en dessous ou à la limite du seuil d’indépendance d’emprunter, faute de réseau social développé et diversifié. De plus, prêter ou laisser courir des impayés induit une situation de dépendance entre le débiteur et son créancier qui se crée ainsi une main-d’œuvre obligée. Le débiteur ne peut que se sentir redevable : cela participe à l’entretien d’une forme de clientélisme surtout lorsque le prêteur est un notable de la paroisse. D’un autre côté, s’adresser à plusieurs prêteurs constitue un moyen pour le débiteur de diluer sa dépendance94. Dans ses relations d’argent, la confiance est essentielle et le cas échéant, la signature d’une obligation est exigée lorsque l’emprunteur est étranger à la paroisse : Jean Maillard, maître de bateau de La Hougue, en signe une en faveur d’une veuve de Cancale afin qu’il puisse compléter sa cargaison95. Ainsi, une reconnaissance de dettes établit la confiance : le débiteur prouve sa bonne volonté en acceptant de la signer et le créancier obtient l’officialisation de l’emprunt, plus des modalités de remboursement assurant une rente versée chaque année. Mieux vaut être remboursé petit à petit sur 20 ans ou en partie, avec de petites sommes, que pas du tout. Les créanciers se montrent pragmatiques d’autant que les emprunteurs s’engagent sur leurs biens ; en cas d’absence de paiement, ceux-ci peuvent être saisis. Cela n’arrive quasiment jamais et malgré les retards de paiement, les créanciers attendent souvent la mort de leur(s) mauvais payeur(s) pour se manifester sans pouvoir obtenir forcément un remboursement total des dettes, même si le conjoint renonce à la communauté et que les biens sont vendus aux enchères.
16Les listes de dettes et les obligations montrent que les gens de mer sont des paroissiens avant tout : ils s’insèrent dans la « toile d’araignée » du crédit qui repose sur les liens tissés entre créanciers et débiteurs au sein de la communauté. En ce sens, ils ne se différencient pas de « ceux qui ne fréquentent pas la mer » car le crédit est une solution diffuse pour vivre ou survivre au quotidien. Cependant, les marins s’en démarquent quelque peu car l’absence apparaît comme une circonstance atténuante, le versement des salaires maritimes laissant espérer un remboursement rapide. Ces spécificités leur ouvrent davantage l’accès au crédit mais contribuent à les fragiliser en les rendant encore plus dépendants de l’activité maritime. Assimiler la cohabitation et l’endettement à des formes d’entraide est réducteur : l’impératif économique prime car il faut faire face au manque de revenus pendant une période qui peut être longue. La solidarité n’en est pas forcément absente mais dans bien des cas, il s’agit d’une solidarité obligée qui crée des relations de dépendance.
Les pluriactivités du littoral
17La pluriactivité, autrement dit l’exercice concomitant de plusieurs activités génératrices de revenus à un moment donné de la vie, est une solution viable pour pallier l’irrégularité des salaires maritimes. Elle contribue à diversifier les sources de revenus. Or, le littoral offre de larges possibilités d’activités liées à sa position d’interface entre la terre et la mer. Celles-ci gagnent en efficacité et en complexité lorsqu’elles sont étendues et combinées à l’échelle du ménage. Prendre pour objet d’étude la famille ou tout au moins le couple permet d’appréhender les formes que revêt la pluriactivité ainsi que l’articulation entre les activités terrestres et maritimes dans les paroisses littorales du nord de la Bretagne96. Cette pluriactivité est-elle symptomatique d’une économie de subsistance ou bien résulte-t-elle de stratégies plus élaborées ? En filigrane, le rôle dévolu à l’épouse est essentiel bien qu’il ait été largement sous-évalué tant par les contemporains que par les historiens97.
Une pluriactivité de subsistance ?
18Les paroles prononcées par Jeanne Patru en 1753 alors que son fils vient d’être roué de coups frappent par leur dureté : « Que depuis douze ans qu’elle est restée veuve son mari lui laissa quatre enfants mineurs sans pour ainsi dire aucuns biens mobiliers ni réels pour la subsistance desquels elle a sué sang et eau, ne les ayant élevés et nourris que du travail de ses bras, elle se flattait avoir récompense de ses travaux lorsqu’ils seraient en âge, elle s’en voit par malheur pour elle bientôt privée de Mathieu Rouillaud qui commençait d’arriver à un âge de lui aider98. » Cri de colère et de désespoir au regard des efforts déployés pour faire vivre sa famille depuis la mort de son époux, et sans doute avant. Or, Jeanne Patru n’a officiellement aucune profession bien qu’elle évoque dans sa plainte le « travail de ses bras ». Cela illustre la difficulté à cerner le travail féminin, plus généralement la pluriactivité à l’échelle du couple. Il faut opter pour un large corpus de documents et ne pas se focaliser sur la recherche de la profession, trop irrégulièrement précisée, encore moins pour les femmes. D’autant que du point de vue d’un pluriactif, il est tentant de choisir une activité plus valorisante qu’une autre, d’indiquer celle qui est pratiquée à ce moment-là ou de la considérer comme une évidence et omettre de la citer. Certains jouent sur les mots au besoin99. S’il est possible de rencontrer des pluriactifs par ce biais, il faut trouver d’autres indices, par exemple dans les archives judiciaires au détour d’une plainte ou d’un témoignage comme celui de Jeanne Patru. Le caractère aléatoire des données requiert de se pencher sur d’autres documents qui, sans éviter l’écueil de la profession, permettent d’en approfondir les modalités : les actes établis après un décès ou avant un remariage, appositions de scellés ou inventaires. En croisant ces différentes sources, il est possible de déterminer des degrés de pluriactivité, établis selon la régularité de l’activité complémentaire et sa reconnaissance au sein du couple et de la société.
19Loin d’être propre aux marins, entre deux embarquements, la saisie d’opportunités de travail est également le fait de leurs épouses. En cela, elles se rapprochent de Jeanne Patru dont on suppose qu’elle a vécu en effectuant de petits travaux ponctuels rémunérés à la journée ou à la tâche. Ils sont d’autant plus accessibles qu’ils ne nécessitent pas une grande qualification mais contribuent à l’amélioration de l’ordinaire. Ce caractère ponctuel les rend difficiles à saisir puisque ces femmes, en général, ne déclarent aucune profession alors qu’elles participent à la mesure de leurs moyens, à la vie de la famille. Elles ne figurent donc pas dans les sources fiscales, d’état-civil ou notariées car beaucoup ne considèrent pas ces tâches comme une activité à part entière. Seules les archives judiciaires en donnent un aperçu, partiel, au travers de deux procédures qui se sont déroulées à Cancale à quelques années d’intervalle, l’une dans la partie plus rurale de la paroisse et l’autre à la Houle. La première est provoquée par la découverte des restes d’un nouveau-né100. L’identité de la mère est vite découverte : il s’agit de Louise Amiot, la femme d’un soldat d’un régiment de Saintonge « parti avec sa troupe » depuis plus d’un an. Les témoignages recueillis émanent pour beaucoup de ses anciens employeurs, entre autres la veuve d’un avocat et ancien sénéchal, celle d’un capitaine de navires marchands, la femme d’un officier marinier sur les vaisseaux du roi ou l’épouse d’un « couvreur en pierre et marchand ». Tous reconnaissent lui avoir fourni du travail « à sa journée », « différentes fois et à différents travaux ». Au cours de ses vacations, Louise Amiot côtoie d’autres femmes pour la plupart filles, épouses ou veuves de marins. Elle se retrouve en juillet à ramasser du goémon avec une veuve de navigant matelot qui, sensible à son « incommodité », l’engage à ne pas porter de « faix de goémon » et juste à le couper. En août, elle bat du froment comme Jeanne Rouillaud, fille majeure d’un marinier. En septembre, sa présence est attestée chez deux employeurs. À la fin du mois, elle ramasse du bled noir avec une veuve d’officier marinier et en octobre, elle en « scie » avec une autre puis « serre des pommes ». Fin novembre, elle « fait du bled » avec une veuve de matelot avec qui elle a déjà travaillé. En décembre, elle « fait du bled à sa journée », participe à la « façon du froment » aux côtés de deux veuves de marins, ramasse des pommes avec Jeanne Rouillaud et la femme d’un jardinier puis s’occupe des veaux chez la veuve de l’ancien sénéchal. Les témoignages offrent la possibilité de reconstituer son parcours et de cerner les opportunités d’emploi s’offrant à des femmes seules la plupart du temps, et dans le besoin. Elles constituent une main-d’œuvre d’appoint bien utile durant les temps forts du calendrier agricole. Louise Amiot, bien qu’étrangère à la paroisse et femme de soldat, n’a pas éprouvé de difficultés à trouver du travail en dépit de sa mauvaise réputation croissante. Elle a intégré un réseau informel dans lequel circulent les offres de travail à la journée. Ce réseau fonctionne à l’échelle de la paroisse et regroupe en majorité des femmes issues du milieu des gens de mer, employeurs ou employées. Exprime-t-il une solidarité entre femmes, plus encore entre femmes de marins ? Il est difficile de l’affirmer mais la sociabilité féminine constitue un moyen d’intégrer ce type de réseau d’autant que Louise Amiot noue facilement des contacts, en particulier pendant ses journées de travail : côtoyer les mêmes personnes encourage les conversations, suscitées aussi par la curiosité vis-à-vis de sa « grosseur » et par son besoin de la camoufler. Aussi, la saisie de ces opportunités agricoles se place dans une logique de pluriactivité : de menus travaux sont effectués faute de mieux et en l’absence de moyens permettant de pratiquer une activité mieux reconnue par la société. Ils apportent un complément de revenus, en liquidités ou en nature, qui s’ajoute au salaire du conjoint. Toutefois, jamais les femmes interrogées n’emploient le terme « journalière » pour se qualifier. À cela, elles préfèrent citer la profession de leur époux ou de leur père, vivant ou décédé, par auto-dévalorisation ou par peur du déclassement social car le journalier renvoie à la strate inférieure de la hiérarchie sociale du monde rural, celle des dépendants voire des démunis. Si la pluriactivité n’est pas exclusive au milieu des gens de mer, beaucoup de femmes, filles et veuves de marins la pratiquent du fait de leur importance numérique dans les paroisses littorales101. La seconde procédure se déroule à la Houle quelques années après. Le 9 août 1766, plusieurs contrevenants à la pêche des huîtres, très règlementée, sont interrogés, en particulier des femmes accusées d’en avoir ramassé durant la période prohibée102. On distingue d’un côté cinq employeurs, un couvreur et des marchandes d’huîtres et de l’autre, huit femmes engagées à la journée pour ramasser, parquer et garder les crustacés. Parmi elles, six femmes ou veuves de matelots dont quatre se qualifient de « journalières » : Marie Michelot, sa sœur journalière, une femme de matelot et journalière, gagées par Jeanne Cléreaux, femme de matelot. Le terme « journalière » semble avoir perdu ici toute connotation négative : à la Houle, il s’applique à des tâches valorisées dans ce petit port de pêche, déconnectées des activités agricoles. Ces femmes saisissent des opportunités de travail non plus agricoles mais liées ici à l’exploitation de l’estran. Les occasions de travail varient donc en fonction de l’économie locale et à une échelle plus restreinte, en fonction du domicile et du voisinage immédiat ; tout est affaire de réseaux de relations car la majorité de ces femmes habitent la Houle. À l’échelle de Cancale se juxtaposent donc deux configurations différentes, l’une tournée vers l’exploitation de la terre et l’autre vers l’exploitation des ressources de l’estran, mais chacune fournit du travail, ponctuel, à des femmes, des filles ou des veuves dont la situation financière est précaire, voire préoccupante. Beaucoup appartiennent au milieu des gens de mer et pour elles, saisir ces opportunités signifie un complément de ressources, irrégulier, qui vient s’ajouter aux revenus maritimes, irréguliers eux aussi. Le contraste est frappant avec certains employeurs parmi lesquels se trouvent également des femmes de marins, bien plus à l’aise.
20Ce modèle est transposable dans son versant agricole sur les côtes nord de la Bretagne puisque l’horizon terrestre y est largement favorisé aux dépens de la mer. Les menus travaux effectués au gré du calendrier agricole sont a priori présents partout dans les paroisses rurales et littorales. Pour l’exploitation de l’estran et de la mer, tout dépend des ressources locales. Dans quelle mesure les femmes qui embarquent dans les navires pour ramasser du goémon ou pêcher des huîtres, des moules et du maquereau, citées par Le Masson du Parc, ne sont-elles pas gagées à l’instar des « personniers » de Plougasnou103 ? Peut-être s’agit-il plus d’une participation à l’activité principale de la famille que de la saisie d’une opportunité de travail complémentaire à celle-ci. En ce qui concerne les paroisses urbaines, les occasions de travailler sont tout aussi présentes pour des femmes dans le besoin : à Saint-Malo ou ses environs, elles peuvent par exemple écailler les huîtres ou prendre des enfants en nourrice. Marie Gaubert et sa sœur, deux cohabitantes de Saint-Coulomb, ne déclarent officiellement pas de profession mais accueillent deux nourrissons en échange de 40 livres par an qui s’ajoutent au salaire de Georges Dandin, matelot au long cours104. Servir de « petite main » pour la contrebande de tabac rapporte aussi un salaire : la femme d’un capitaine de navire, parti à Cayenne, se fait surprendre avec un petit garçon, un ballot de tabac chacun105.
21Au-delà de ces opportunités de travail, temporaires et peu valorisées, se pose la question des activités qui s’effectuent à domicile dans un cadre familial ; leur définition stricto sensu se limite à la tenue du ménage au sens large et à l’éducation des enfants. Des femmes de marins se trouvent parmi celles, nombreuses, qui se rendent sur l’estran afin de ramasser ou pêcher coquillages, crustacés et autres poissons de rocaille. Certaines posent ou traînent des filets sur l’estran. Les femmes de pêcheurs fournissent des appâts pour le maquereau et la sardine. Elles embarquent elles aussi pour pêcher du maquereau106 et participent à la confection et au raccommodage des filets à l’image des femmes de pêcheurs du plateau Cauchois107 : des filets et un « rouet à filets » figurent dans l’inventaire après décès d’un marin de Roscoff effectué en présence de sa veuve108. Mais ces occupations se situent dans la prolongation de l’activité du conjoint, elles témoignent plus d’une polyvalence maritime que de pluriactivité en tant que telle. Or, d’autres pratiques attestent bien de l’exercice de plusieurs activités différentes dans une logique de diversification des revenus, à l’échelle de la famille.
22Les baux en fournissent un premier indice via la profession du ou des preneurs et la nature des biens loués : 22 actes désignent comme locataires des gens de mer dans plusieurs paroisses situées le long des côtes nord de la Bretagne109. Ce nombre est largement sous-évalué étant donné le caractère quasi exceptionnel de la mention d’une profession dans les actes notariés. Sur ces 22 biens affermés, la moitié constitue des unités d’exploitation agricoles à part entière car ils sont composés d’au moins une habitation, de bâtiments annexes et de terres. La durée des baux s’échelonne entre 5 et 9 ans. À titre d’exemple, un marinier de Ploubazlanec et sa femme louent pour 7 ans une maison avec une cour, deux étables à galerie, deux autres étables et écuries, un « auvent à charrette », une « maison à four », un puits, un jardin, un courtil et une pâture110. Ces baux comportent les clauses classiques de mise en valeur des terres et d’entretien des biens : « ne rien innover, démolir ou détériorer », labourer et pâturer les terres, réparer les fossés, couper les bois piquants et émondables, « relaisser à sa sortie » des réserves de grain et de paille. L’inscription des populations navigantes dans les activités agricoles va encore plus loin dans le cas de deux métairies situées à Cancale, louées pour 7 ans chacune111. La description des biens et les charges imposées aux preneurs laisse à penser que de telles exploitations nécessitent une présence constante et par conséquent, sont peu adaptées à un marin. Cela n’empêche pas Louis Poidevin, un navigant, et sa femme, d’en reprendre une en 1770 : ils la louent au moins depuis 1764 avec succès puisque la ferme est reconduite. Durant les absences de Louis Poidevin, sa mise en valeur repose sur sa femme et peut-être sur une main-d’œuvre d’appoint. L’exploitation de l’autre repose sur une solution originale : une association entre les preneurs avec d’un côté, Pierre Gaultier, navigant, et sa femme Marie Guilbert, et de l’autre, Alain Guilbert, laboureur. La similitude des noms suggère qu’ils sont apparentés d’autant qu’ils succèdent à la mère de Marie Guilbert. Les absences de Pierre Gaultier sont palliées par la présence constante de sa femme et d’Alain Guilbert. Dans ces deux cas, l’activité maritime fait figure d’appoint à l’activité principale qui est l’exploitation de la terre ; les salaires maritimes sont sans doute réinvestis dans la métairie. Encore faudrait-il connaître la nature exacte des activités de Louis Poidevin et de Pierre Gaultier afin de déterminer leurs implications sur la gestion de l’exploitation. Les deux activités dégagent suffisamment de revenus pour payer au moins le prix de la ferme. Ce type d’association se retrouve pour des biens moins importants, une maison à Pordic avec cour, courtil et cinq parcelles de terre, affermée en 1780 par Joseph Ferchat et Pierre Letouze, tous deux mariniers et laboureurs112. Le fait que les deux preneurs soient célibataires amène une question : comment arrivent-ils à concilier leur activité maritime avec la mise en valeur des terres ? Peut-être s’arrangent-ils pour sous-affermer les biens ce qui permettrait de compenser les effets de l’absence. Néanmoins, l’exercice d’une activité maritime ne paraît pas rédhibitoire aux yeux des bailleurs. Ils n’émettent pas de réserves bien que quelques actes soient signés uniquement par les épouses, en l’absence des conjoints : Gillette Chevalier loue une maison, un jardin et plusieurs pièces de terre à Ploubalay, son mari étant « en mer sur les vaisseaux de la Compagnie des Indes113 ». Le pari est plus poussé dans le cas des afféagements puisqu’ils reposent sur l’obligation de mettre en valeur un terrain « vague » ou tout au moins l’améliorer, contre une rente modique. Cinq afféagements sont confiés à des gens de mer dans notre corpus. Parmi eux se trouvent un capitaine de navires et sa femme, nobles, qui afféagent un « grand espace de terrain en vallons et roches » de 5 journaux à Cancale114 ; vu leur statut social, ils ont vraisemblablement confié le travail à d’autres, rémunérés pour cela. Il s’agit donc d’un investissement. Un autre afféagement est le fait d’un maître de barque de Porspoder ou plutôt de sa femme, car il est absent « à mer » : ils s’engagent à clore 60 cordes de landes et les défricher, un travail non négligeable115. Le couple se sent donc capable de faire face à ces obligations en dépit de l’absence du mari. Un afféagement concerne aussi « un grand espace de terrain vagues partie en jonc et autre partie en mielles et sables » de 6 journaux et demi, à Cancale116 : intervient ici une organisation originale, une association qui comprend une veuve a priori apparentée au sieur Louis Renard et sa femme, plus un autre couple. Or, les deux hommes, lors de la conclusion de l’acte, sont « absents en voyage sur mer » ; ce sont les épouses qui signent, dûment autorisées par leurs époux. Le travail revient aux trois femmes qui elles, restent à terre en permanence et assurent, de fait, la continuité de la mise en valeur agricole du terrain. Ainsi, activités maritimes et agricoles peuvent être exercées de façon simultanée au sein d’un ménage avec à la clé, une diversification des revenus et la commercialisation éventuelle des productions agricoles.
23Les actes décrivant les biens mobiliers des individus tels que les inventaires après décès apportent un éclairage complémentaire : ils signalent à travers plusieurs indices la pratique d’une autre activité au sein du foyer117. Une charrue, des outils agricoles, des stocks de semences, des animaux ainsi que des « levées » de terres ensemencées, de clos, de verger ou de jardin signalent une activité agricole. Quant au textile, fortement implanté en Bretagne, en particulier dans les évêchés de Tréguier, de Saint-Brieuc et plus largement le Léon118, il est repérable à des outils particuliers, des stocks de fil et de filasse. L’artisanat et le commerce sont discernables par des outils et des meubles spécifiques, des stocks importants, alimentaires et/ou d’objets de consommation. Plus des trois-quarts des 275 actes du corpus font état d’au moins une pratique complémentaire à l’activité maritime et ce, de manière diffuse sur les côtes nord de la Bretagne119. Il faut bien sûr nuancer ces résultats en précisant que la présence d’outils cités seuls n’induit pas forcément leur usage ; toutefois, elle peut attester d’une utilisation ancienne. D’autre part, des gerbes de chanvre ou de lin « à brayer » mais sans mention d’une braye ou d’un rouet, relèvent-elles d’une activité agricole ou textile ? Comme elles se placent dans la prolongation du travail agricole, sans signe d’activité textile, elles sont caractéristiques d’un profil pluriactif davantage tourné vers l’agriculture. Certains indices sont plus significatifs que d’autres : une « levée de terres ensemencée » montre une réelle activité agricole contrairement à la mention d’une bêche ; des animaux constituent un marqueur plus pertinent que quelques outils de jardin de même que des réserves de fibres, de filasse ou de fil, associées à un rouet ou à un travouil. Ces associations donnent plus de certitude quant à la pluriactivité du ménage. Les activités agricoles et textiles sont particulièrement prisées par les gens de mer des paroisses rurales du littoral : plus de la moitié possèdent au moins un rouet et près de la moitié ont au moins une vache. Il est donc courant d’associer une activité maritime à une seule activité terrienne : 40,2 % des ménages optent de préférence pour le textile. Plusieurs facteurs l’expliquent : le coût réduit de l’investissement initial, un accès facilité à la matière première, la faible qualification requise et le peu de place occupée par les outils. L’agriculture nécessite d’avoir des terres, au moins un jardin, et implique des frais supplémentaires compensés en partie par la vente des produits ou des animaux issus de l’exploitation. L’artisanat suppose une formation menée parallèlement à l’activité maritime et l’acquisition d’outils dont certains servent aussi bien à terre qu’en mer dans le cas des tonneliers ou des charpentiers navigants. Pour pratiquer le commerce, il faut avoir une boutique au moins un étal ou un meuble de présentation, et surtout des stocks : la femme marchande d’un navigant officier marinier de Cancale dispose de 30 livres de beurre, de figues, de pruneaux, de sel, de sucre, de gruau, d’huile d’olive, de bled noir et de deux barriques de cidre120. Une marchande d’huîtres, épouse d’un maître de bateau pêcheur de Cancale, possède 50 livres d’huîtres dans un « étalage121 ». Même un commerce illégal, comme celui du faux-tabac, nécessite au moins une râpe, une balance et des carottes de tabac122. Dans ces conditions, les gens de mer penchent plutôt pour le textile, surtout le filage, présent partout, en particulier à Roscoff où il est souvent la seule activité complémentaire123. Mais l’originalité de ces ménages pluriactifs réside dans le fait que la majorité cumule, en plus des revenus maritimes, deux voire trois activités : 56,6 % exercent deux activités supplémentaires et parmi eux, 9 ménages sur 10 combinent agriculture et textile, quasiment partout. Un matelot navigant de Saint-Père et sa femme les associent : le textile apparaît comme une prolongation de l’activité agricole, de la culture du chanvre jusqu’à sa transformation en fil. Ils possèdent un quart de graines de chanvre, des gerbes de chanvre non broyées, une braye, sept paquets de filasse de chanvre non « habillés », un rouet à filasse et un travouil en plus d’une vache, de deux vergers et d’un jardin124. Plus rares sont les ménages qui combinent agriculture, textile et artisanat ou commerce (3,2 %)125. La pluriactivité est généralisée du commandement jusqu’aux matelots sans qu’une césure symbolisant la hiérarchie du bord soit perceptible. Même les pêcheurs de Saint-Jacut sont pluriactifs. Les différences sont à considérer en termes de degrés d’investissement personnel et familial dans une ou plusieurs activités : tout dépend du nombre de marqueurs, de leur rareté et de leur degré de perfectionnement et/ou de qualité. Le textile en fournit une bonne illustration. Un marin du Conquet et sa femme possèdent un dévidoir dont on ignore s’ils s’en servent quand un matelot de Pleudihen a deux brayes et un métier à tisser126. Un marinier matelot de Cancale et sa femme disposent d’un rouet et de 6 livres de filasse de « gros » alors qu’un navigant de Saint-Suliac et sa femme ont un rouet, deux travouils, 61 livres de filasse et 21 livres de fil127. La différence est encore plus nette avec un navigant de Saint-Servan : il a deux « rouets à laine », 1 livre et demie de « coton d’Inde en poil » et 3 livres et demi de « coton de Marseille128 ». Enfin, le sieur Isaac Mathurin Hamon, noble et officier navigant de Cancale, a accumulé un rouet et trois canettes, 21 livres de coton ou laine, 14 livres de fil de brin, 55 livres de filasse, 1 livre de coton filé, 2 livres de « laine blanche et bleue » et 1 livre de « laine d’Angleterre non filée129 ». Ce procédé est applicable à l’agriculture avec au plus bas degré, quelques outils formant une panoplie minimale, ou un, voire deux animaux, souvent une vache. Le degré supérieur consiste à se spécialiser dans l’une ou l’autre branche ou à pratiquer la culture des terres et l’élevage, avec davantage d’outils. Au-dessus, l’élevage se diversifie et des levées de terres, de clos, de jardin ou de verger s’y adjoignent avec éventuellement une charrue. Au-delà, cela devient une véritable exploitation agricole130. Ces degrés déterminent la place des activités terriennes par rapport à l’activité maritime : un simple appoint, un complément non négligeable ou une activité à parts égales. Dans ce dernier cas, la plupart des marins privilégient au moment d’indiquer leur profession l’activité maritime au détriment de leur activité terrienne à une exception près, Alexis Guillaume Bion, de Roscoff, « marin et ménager » selon son épouse131. Se sentent-ils plus marins que terriens auquel cas c’est une question d’identité ? Il se peut qu’ils jouent sur les mots au gré des circonstances. Autre hypothèse : la situation leur paraît tellement évidente, dans une paroisse rurale, qu’ils ne ressentent pas le besoin de l’expliciter. Ces actes suggèrent un fort ancrage rural des populations navigantes et soulèvent la question de la continuité des activités à terre, une fois le conjoint embarqué. Pour les marins célibataires, la pluriactivité n’est envisageable dans le domaine agricole qu’au moyen d’une association voire d’une cohabitation. Au sein du couple, la femme en constitue le pivot soit en s’attelant elle-même aux travaux, soit en les faisant effectuer contre rémunération. L’absence induit par la force des choses une division sexuée du travail dans le couple : l’homme se tourne vers l’extérieur, l’horizon maritime, et la femme, ancrée à terre, assure l’activité complémentaire, ce qu’a observé Dominique Guillemet dans les îles132. Sur le continent a fortiori les côtes nord de la Bretagne, ce schéma peut être nuancé en fonction de l’activité maritime du conjoint impliquant une absence plus ou moins longue. Dans le cas par exemple des pêcheurs et des terre-neuvas, la division des tâches est temporaire, le temps de quelques semaines ou mois. Pour les marins absents plus longtemps, elle est durable et confère davantage d’autonomie à la femme qui n’hésite pas à conclure des actes devant notaire, sans son conjoint. Le retour, dans ce contexte, nécessite un long temps d’adaptation, s’accompagnant d’une renégociation des tâches et des rapports de pouvoir dans le ménage. Si les rôles dans l’agriculture sont interchangeables au moins pendant l’absence, certaines activités sont plus sexuées que d’autres : le filage reste l’apanage des femmes tandis que l’artisanat est plutôt celui des hommes. Il reste difficile de distinguer dans le travail effectué par les femmes, chez elles, ce qui relève des tâches domestiques et des activités professionnelles, souvent imbriquées, à une exception près : des « ménagères », mariées à des marins dans quelques paroisses du Goëlo et à Trévou-Tréguignec133. Certes, le mot est ambigu mais le contexte laisse à penser qu’il revêt un sens proche de « ménager » autrement dit un « tout petit propriétaire » ou « un petit fermier134 ». Sa transposition au féminin pourrait signifier une reconnaissance du travail agricole effectué par la femme mais aussi une prise de conscience de son rôle économique dans les paroisses rurales et littorales. Au-delà, le fait d’indiquer une profession dans un acte officiel pour une femme est significatif et dans le cadre de la pluriactivité des gens de mer, cela peut être considéré comme la revendication d’un métier à soi faisant part égale avec l’activité maritime du conjoint.
24Ces couples ouvertement pluriactifs sont repérables par la mention explicite de la profession de chacun. Un sondage dans les archives judiciaires analysées en donne un aperçu, un peu biaisé par une surreprésentation du pays malouin et des citadins. La pluriactivité des gens de mer en milieu urbain mériterait à elle seule une analyse approfondie d’autant que les études démographiques des années 1960-1970 l’omettent totalement. L’intérêt ne réside pas ici dans le nombre de ménages pluriactifs, peu représentatif, mais dans les associations d’activités sachant que la ville offre une large palette de petits métiers. Les femmes de marins s’en saisissent car elles ne peuvent pas forcément compter sur la présence d’un jardin ou de terres pour assurer l’auto-suffisance de la famille. Le petit commerce et l’artisanat dominent ce qui concorde avec les conclusions d’Alain Cabantous et de Gérard Le Bouëdec135. L’activité maritime se conjugue souvent aux métiers de l’alimentation, de la boisson et de l’hébergement. Les marchandes ou les revendeuses, les « marchandes revendeuses », arrivent en tête ce qui renvoie aux « regratières » malouines évoquées par André Lespagnol dont une « bonne partie » sont femmes de matelots ou d’officiers mariniers136. Certaines se spécialisent dans la vente d’un produit. Viennent ensuite les cabaretières, débitantes et aubergistes ainsi que les boulangères et les fournières. Le travail du textile est bien présent mais sous des formes plus variées qu’à la campagne, incluant la confection et l’entretien du linge. Certaines professions découlent de l’activité portuaire telles les « couturières en voile » ou les « cordelières journalières ». La pluriactivité déclarée revêt donc des formes diverses mais reste pour beaucoup à la limite du seuil d’indépendance comme le montre le cumul des activités pratiquées par une femme de batelier de Saint-Servan : elle se déclare « fileuse de coton et porteuse d’eau et de bois137 ». Ces différentes associations reflètent-elles la hiérarchie du bord ? Il est difficile d’y répondre quand la profession du conjoint est désignée par un terme générique. Pour les autres, les données indiquent une forte proportion de matelots mais aucun métier ne semble rattaché à une activité maritime en particulier : une revendeuse peut être associée à un maître canonnier, un navigant ou un matelot. À une exception près : la combinaison maître de barque ou de navire-marchande, à Saint-Servan et au Conquet138. L’un fournit sans doute l’autre en marchandises. Cependant, cette association n’est pas systématique car à Saint-Servan, un maître de navire est marié avec une « clapeuse de linge139 ». La césure se situe plutôt entre les femmes de capitaines et les autres, autrement dit entre celles qui ne sont pas obligées de travailler et celles qui travaillent pour survivre.
Des stratégies pluriactives ?
25La tradition historiographique considère la pluriactivité soit comme une conséquence de la misère provoquée par des conditions naturelles et sociales défavorables, accompagnées ou non d’une forte pression démographique, soit comme un vecteur d’ascension sociale140. Cela ne laisse guère de place à la nuance. Or, la pluriactivité peut résulter de réelles stratégies économiques141.
26Marie-Jacquette Pignot fait référence dans ses lettres aux compléments offerts par la navigation. Gilles Pignot a embarqué des marchandises pour le compte d’au moins deux Malouins, Monsieur de la Blondinnière et Madame Joly, des « pacotilles » qu’il est chargé de vendre à Cadix. Ce système est toléré sur les navires et bénéficie d’une exemption de fret ; il est même institutionnalisé sur les vaisseaux de la Compagnie des Indes142. Un marin peut donc profiter d’un voyage pour embarquer des marchandises et les vendre à son compte ou pour des membres de son réseau de relations. Madame Joly est une connaissance des Pignot mais d’un statut social supérieur : elle est l’épouse d’un armateur malouin, employeur potentiel de Gilles et de ses fils143. La présence de pacotilles est révélée à l’occasion des inventaires réalisés après la mort ou la désertion d’un marin. Les biens retrouvés sont vendus à bord ou ramenés au greffe de l’amirauté. C’est à ce moment-là que les « pacotilleurs », en attente de leurs gains, se manifestent car se procurer des marchandises a nécessité un investissement, bouleversé par le décès du vendeur. Afin de récupérer leur dû, ils adressent une requête auprès de l’amirauté, accompagnée de justificatifs. Le décès, le 30 août 1774, du sieur Leral des Costies, maître d’hôtel sur Le Saint-Prest, amène le sieur Duchemin, receveur du bureau des droits patrimoniaux de Saint-Malo, à réclamer « un habit veste et deux culottes de droguet de soye à petits bouquets à la mosaïque144 ». Comme les vêtements figurent dans les effets remis au greffe, il désire les récupérer au moyen d’une facture faisant état de marchandises d’une valeur de 80 livres. Elle se présente sous la forme d’un contrat rédigé en deux exemplaires, conservés par chacune des parties : le sieur Leral s’engageait à vendre le tout « le plus avantageusement » possible à Cayenne et à « en employer le montant de la vente en marchandises les plus profitables », la moitié des profits étant partagée au retour du navire, moins l’investissement initial du sieur Duchemin. C’est l’usage : Marie-Jacquette y fait allusion en reprochant à son époux d’avoir cédé les pacotilles de Madame Joly pour le tiers de leur valeur145. Le gain peut être reconverti en bijoux ou en marchandises destinées à être revendues pendant le voyage ou au retour : Marie-Jacquette enjoint Gilles à en reprendre à Cadix pour les vendre en Amérique. Si ces arrangements constituent une source de profit pour un navigant, quel que soit son rang à bord, ils comportent une part de risque du point de vue du pacotilleur : celui-ci n’est jamais à l’abri d’un vol des marchandises, d’un détournement des gains ou du décès du vendeur. Même si une facture valide la transaction, elle ne garantit rien. La confiance réciproque joue donc un rôle essentiel et épouse la géographie des liens sociaux. La circulation des informations également : de part et d’autre, il faut savoir à qui s’adresser, marin ou pacotilleur. La liste des « créanciers pacotilleurs » du sieur Leral donne de maigres indices : y sont mentionnés une demoiselle veuve aubergiste, une veuve marchande, un homme et deux veuves, deux marchands et une marchande mariée à un navigant. Cette dernière se place dans une logique pluriactive car son ménage cumule les revenus de la navigation, du commerce et des pacotilles. S’il est logique que des marchands participent à ce type de commerce, nous ignorons qui sont les autres individus. Les marins se retrouvent donc du côté des investisseurs à l’image d’Augustin Pointel, un navigant de Saint-Ideuc. Plusieurs factures, au nom de sa femme, en témoignent, avec des marchandises confiées à six individus entre 1711 et 1715, de 13 à 150 livres146. Ce type d’opération est donc accessible à de petits budgets : rien n’empêche de confier à un marin une jolie chemise pour qu’il la vende à un bon prix147. Au-delà des « Messieurs de Saint-Malo », ce commerce de pacotilles atteste de la participation d’individus plus modestes aux « emplettes pour Cadix » et ailleurs148. Cependant, il crée des obligations pour l’épouse, placée au contact régulier des investisseurs qui guettent la moindre nouvelle. Ainsi, Marie-Jacquette ne cesse de croiser Madame Joly et ne sait quoi lui répondre quand elle lui demande des comptes. Celle-ci joue des lettres de recommandation pour asseoir son influence et faire pression sur les Pignot : elle propose d’en écrire une pour leur fils aîné et une autre à ses frères, à Cadix, pour le père149. Dans ce cas, les relations issues du commerce de pacotilles s’apparentent à celles liant un débiteur à son créancier : un échange de services créant des liens de dépendance et des obligations réciproques. Les liens sont peut-être plus équilibrés car si le pacotilleur fournit les marchandises, il a besoin d’un intermédiaire, le navigant, pour les vendre. Tout dépend de l’activité maritime des individus : le cabotage à dimension européenne ou le long cours sont davantage prisés pour ces petits à-côtés. Néanmoins, une requête de 1771 au sujet d’un terre-neuvas malouin atteste qu’il est possible d’acheter sur place de la morue pour la vendre une fois de retour en France150.
27Ce commerce de pacotilles, dont il est difficile de mesurer l’ampleur, nécessite donc un réseau de relations étendu et un capital, même petit, pour un retour sur investissement à court ou moyen terme. Une logique d’investissement à long terme peut aussi prévaloir chez les gens de mer, parfois combinée à ces à-côtés de la navigation. Elle répond à des stratégies développées sur des échéances plus longues, perceptibles au travers des archives notariées et des inventaires après décès. Ces derniers révèlent la présence de crédit actif : les salaires maritimes perçus ou à percevoir et surtout l’argent prêté151. Les archives notariées fournissent des informations sur les créanciers mais aussi sur les ventes, les acquisitions et les mises en location effectuées par les populations navigantes152 : cela confirme l’insertion des gens de mer dans le marché de la terre et de l’argent. Ils en sont des acteurs à part entière qui vendent et achètent des biens, les afferment et prêtent de l’argent ce qui les place parfois en position de force dans leur paroisse. Plusieurs opérations effectuées par une même personne ou par sa femme en son absence témoignent également de « stratégies d’accumulation153 ». En ce sens, les marins se comportent comme les autres paroissiens car ils conservent un fort ancrage dans l’horizon terrestre. Eux aussi sont amenés à signer des contrats devant un notaire, pas uniquement avec des navigants ce qui concerne d’ailleurs une minorité d’actes. Leurs relations foncières et de crédit s’étendent bien au-delà : à terre, l’appartenance au monde de la mer ne prime pas dans les affaires mais vient se superposer au réseau social de chaque individu.
28Dans les transactions, les transferts de propriété dominent et concernent principalement des maisons accompagnées ou pas de terres et/ou de bâtiments d’exploitation. Le montant des transactions varie selon la nature et la valeur des biens : de 10 livres pour une « souche et emplacement d’un pignon » à Pleurtuit, vendue en 1730 par la femme d’un absent en mer et le maximum avec l’achat en 1769, pour 16 200 livres, d’une métairie à Langrolay par un ancien chirurgien-major de la Compagnie des Indes ainsi que la cession de deux maisons avec leurs terres, par un capitaine de navire et sa femme, de Saint-Jouan-des-Guérets, pour 3 000 livres et 6 000 livres de meubles154. Toutefois, 83 % de ces transferts de propriété sont d’un montant inférieur à 599 livres et près de la moitié se place en dessous des 199 livres155. Parmi ces acquisitions et ces cessions, une infime minorité concerne un bien en lien direct avec la mer. Trois valident l’acquisition d’un bateau en entier ou en parts : à Langrolay, en 1733, Nicolas Noël acquiert le seizième d’une barque pour 130 livres alors que 3 ans plus tôt, Yves Josselin se portait acquéreur d’un bateau « garni de ses ustensiles » pour 145 livres acquittées en 2 ans et demi156. Ce résultat est nuancé par l’analyse des inventaires après décès qui révèle un investissement plus marqué dans des parts de bateau sans que ces acquisitions soient exclusives aux gens de mer. De nombreuses transactions se font sans doute sous seing privé et non devant un notaire d’où leur faible présence dans les archives notariées, les 22 actes retrouvés émanant d’études installées dans des places portuaires de petite ou de moyenne envergure, pratiquant la pêche et/ou le cabotage157. Rares sont les marins propriétaires d’un bâtiment en entier : les parts dans des chaloupes, des barques ou des bateaux prévalent, d’un trente-deuxième à la moitié. Tout dépend du tonnage et de la valeur du navire dont l’usage est rarement spécifié : un maître de barque de Saint-Briac possède sept trente-deuxièmes du Malegasse d’une valeur de 875 livres quand un matelot de Roscoff détient un quart de chaloupe évalué à 7 livres158. Pour 14 marins, l’investissement se situe en dessous de 200 livres ce qui place ces possessions au même niveau que la moitié des transferts de propriété effectués chez les notaires ; certains cumulent des parts dans des bateaux différents. Ce type d’acquisitions demeure l’apanage des maîtres de barque, la moitié des investisseurs, au détriment des matelots ou des pêcheurs. Les capitaines de navires se tournent davantage vers la terre. Julien Herbert, officier major sur les vaisseaux marchands, devenu capitaine par la suite, fait figure d’exception en investissant dans l’estran : il achète en 1777 une pêcherie à Cancale pour 600 livres159. En 1782, il en possède au moins une autre affermée contre 300 livres par an ainsi qu’un « clos et pièce de terre » acquis pour 600 livres. Le fait de s’embarquer ne s’accompagne donc pas d’une désaffection pour la terre mais constitue au contraire, une voie pour accéder au marché foncier. En effet, la majorité des acquéreurs payent comptant leur achat. Outre l’épargne, cette possibilité est offerte par le mode de versement des salaires maritimes : il permet de disposer d’une somme assez élevée pouvant être investie de suite, en totalité ou en partie. Dans le cas contraire, moins fréquent, les acheteurs payent en versant un acompte lors de la signature de l’acte et s’engagent à donner le reste dans un délai à court ou moyen terme et/ou à le rembourser par une rente annuelle160. L’argent peut aussi provenir d’un prêt effectué auprès d’un créancier d’où la présence, dans les archives notariées, de reconnaissances de dettes. La femme d’un terre-neuvas achète le 12 août 1771 une maison à Saint-Coulomb pour 500 livres qu’elle finance par une obligation signée le même jour chez le même notaire161. La vente d’un bien fournit aussi des liquidités d’autant que des vendeurs sont bénéficiaires d’héritages dont la vente rapporte de l’argent162. Néanmoins, toutes les cessions ne se font pas dans la perspective d’un investissement. De même, une situation financière difficile peut contraindre à la vente : un marinier d’Étables se sépare d’une terre pour 500 livres « pour acquitter les dettes [que] son épouse avait contractées pendant qu’il était détenu aux prisons d’Angletaire163 ». Dans d’autres cas, vendre relève d’une stratégie visant à se garantir une fin de vie dans des conditions matérielles correctes : les biens sont considérés comme un capital dont la cession permet de s’alléger de leur mise en valeur en s’assurant une rente annuelle, tout au moins des soins, un logement et de la nourriture, autrement dit des « mesures de sécurité-vieillesse164 ». Un pêcheur de Cherrueix se jugeant « hors d’état de faire aucuns ouvrages lucratifs », cède deux quantités de terre labourables contre 300 livres qu’il laisse aux mains de l’acquéreur, un journalier, en échange de son entretien165. Si Louis Tortin et sa femme se séparent pour 9 000 livres de leurs biens, c’est à condition que leur acquéreur en devienne le propriétaire « lors du deuil du dernier mourant » et qu’il leur verse une rente annuelle de 400 livres « jusqu’au dernier mourant166 ».
29Après une acquisition, deux possibilités s’offrent au propriétaire. La première consiste à occuper et/ou exploiter directement les biens achetés auquel cas il devient pluriactif. Deuxième possibilité : considérer ces biens comme un investissement à faire valoir en les confiant à un preneur. C’est sous cet angle que se placent les baux contractés par des marins, en position de bailleurs167. L’un est significatif : un bail à cheptel signé en 1746 par la femme de François Hamon, absent en mer. Elle confie à un meunier de Pleurtuit douze brebis et un mouton, estimés à 52 livres afin de les « garder ou faire garder pacager et nourrir en bon père de famille » pendant un an168. Il est ensuite prévu un partage des agneaux, la laine revenant au preneur. Cette femme cherche à faire fructifier son capital de départ, à court terme, avec une faible prise de risque. Cela relève d’une forme de spéculation à petite échelle rendue accessible par la mise de départ. Certains biens immobiliers sont achetés dans la même optique : en 1743, un ancien capitaine de vaisseau de Cancale acquiert pour 1700 livres une « maison et étable » avec des pièces de terre. Un bail à ferme de 1755 montre qu’il a affermé le tout pour 90 livres annuelles169. Quel que soit le bien affermé, un bailleur s’assure un revenu annuel payé en argent, en nature ou les deux. Peu de marins s’investissent dans des baux à moitié, la préférence va aux baux à ferme impliquant une rente annuelle qui varie selon la nature et la valeur des lieux : les 3 livres que touche un capitaine de vaisseaux de Plouzané pour 8 sillons de « terres chaudes en labeur » lui rapportent bien peu en comparaison des 650 livres dues à ancien capitaine de vaisseau de Cancale pour la métairie de la Garde170. Les trois quarts des fermes en argent se situent toutefois en dessous de 50 livres. Peu fréquents, les loyers en nature sont évalués en boisseaux de froment ; dans cinq actes, un versement mixte est demandé incluant des boisseaux de froment, du lin peigné, du beurre ou des poulets171. Ces rentes se classent dans le crédit actif de la communauté et se retrouvent souvent combinées avec d’autres revenus issus de la vente de productions agricoles, textiles ou de marchandises.
30Devenir un créancier constitue une autre forme d’investissement. Là encore, le mode de versement des salaires maritimes est déterminant en plus de l’argent issu de l’épargne, d’un héritage ou de la vente d’un bien, plus globalement du patrimoine familial. Les reconnaissances de dettes laissent entrevoir différents types de créances172 : le prêt pour dépanner à court terme, à l’image des 30 livres octroyées par un navigant de Cancale à un fermier laboureur173 et le prêt accordé pour faire fructifier un capital sur le long terme. Les sommes en jeu ne sont pas négligeables : plus de la moitié des reconnaissances portent sur des prêts de 100 à 300 livres, deux atteignent 500 livres. Les débiteurs s’engagent à verser chaque année une rente garantie sur leurs biens, entre 5 et 25 livres par an, sans que la fin du prêt ne soit stipulée dans l’acte ni les intérêts. Du point de vue du créancier, prêter de l’argent est à un placement à long terme qui rapporte tous les ans tout en créant des liens de dépendance entre lui et son obligé.
31Prises isolément, ces rentes, issues de créances ou d’un faire-valoir-indirect, présentent un intérêt financier qui s’avère plus rentable si elles sont multipliées. Un lieutenant des vaisseaux du roi, résidant à Brest, signe 6 baux à ferme entre 1740 et 1749 pour des biens situés près de Roscoff et de Plouescat, qui lui assurent une rente de 274 livres par an174. Certains optent pour une combinaison de rentes tel Gilles Helvant, capitaine de vaisseaux de Cancale : à sa mort, il cumule au moins 1272 livres de crédit actif – un tiers de la valeur de son inventaire – tant en créances (80 %) qu’en fermes, sentences judiciaires et marchandises non acquittées175. Quelques marins se distinguent par leur volonté de constituer un patrimoine foncier à la mesure de leurs moyens. Julien Herbert, l’officier major devenu capitaine, l’a fait quitte à s’endetter pour 45,5 % de la valeur de ses biens176. L’accès à la propriété est rendu possible pour un matelot en s’associant avec d’autres acheteurs177 ou en achetant seul tel Julien Eon, « garçon » marinier calfat de Pleurtuit, qui devient propriétaire en 3 semaines de trois pièces de terre et un « aplacement de maison et étable » pour 1 078 livres payées comptant178. Pense-t-il renoncer à la mer ou à exercer les deux activités de front ? Ces acquisitions, dans tous les cas, répondent à des stratégies mûrement réfléchies comme le montrent les achats de Jean Roussel, marinier de la même paroisse, qui achète en 12 ans sept pièces de terre contiguës d’un « grand clos », pour 908 livres179. En ce qui concerne l’état-major, il s’agit davantage de consolider le patrimoine initial en saisissant les opportunités d’achat : Claude Dominique Avice, capitaine de vaisseau de Cancale, noble, accumule les possessions de 1766 à 1783, année de sa mort. Durant ces 17 ans, il a affermé trois métairies contre 960 livres par an et a acquis quatre pièces de terre à Cancale pour 1066 livres180. Il met en œuvre une stratégie d’accumulation visant à acheter des biens pour les exploiter en faire-valoir indirect. Pendant toutes ces années, Avice ne vend rien et agrandit son patrimoine ce que les revenus issus de la course ont dû largement faciliter. Un autre capitaine de vaisseau de Cancale, Claude Helvant, noble lui aussi, se distingue : il passe 14 fois chez le même notaire entre 1770 et 1778 pour acheter des biens ou officialiser un prêt d’argent. Au total, il dépense 2 506 livres et prête 1 370 livres. Les sources ne donnent qu’un aperçu des investissements de ces deux capitaines mais ils sont représentatifs de cette volonté d’accumuler ou tout au moins, de diversifier les sources de revenus chez les gens de mer, quelles que soient leurs ressources. Elle rejoint les stratégies déployées par les terriens en fonction du cycle de vie : « Il y a un âge pour acheter et un autre pour vendre, comme il y a un âge pour épargner ou pour prêter181. » Les gens de mer, en dehors des grandes places portuaires, suivent ce modèle quand ils se tournent vers le marché de la terre et des créances. Les opérations passées devant notaire correspondent à la deuxième phase de ce cycle durant laquelle un individu dispose éventuellement d’héritages, d’une faculté d’emprunt plus importante et surtout de liquidités liées à l’expérience maritime acquise au fil des voyages, induisant un salaire plus élevé. L’objectif poursuivi reste identique à celui des terriens : accumuler pour « préparer l’installation des enfants au moment du mariage » et disposer d’un « fonds de réserve pour les vieux jours182 ». Cela explique le comportement de ces deux capitaines qui, en fin de carrière, assurent l’avenir de leurs enfants. Quant aux époux Tortin, ils essaient de préserver leur fin de vie en vendant tous leurs biens, peut-être en l’absence d’héritier. Encore faut-il disposer d’un capital de départ ou au moins d’un ancrage foncier pour investir. Chacun opère selon ses moyens et dans le cas des gens de mer, cela dépend aussi des choix de navigation : certaines activités maritimes sont plus lucratives que d’autres. Le déroulement de la carrière maritime importe également : une ascension rapide dans la hiérarchie du bord accélère l’accès au marché foncier. Les officiers mariniers et non mariniers et au-delà, les membres de l’état-major intègrent plus facilement le marché de la terre et des créances face aux matelots qui disposent de moyens inférieurs. La carrière maritime reste néanmoins soumise à des aléas susceptibles de l’interrompre brutalement, de façon temporaire ou définitive. Ces choix d’investissements à terre visent sans doute aussi à anticiper ce risque.
32L’autre spécificité des gens de mer réside dans l’absence de plus d’un tiers des signataires lors de la conclusion de l’acte chez le notaire, pour cause de « voyage sur mer ». Les navigants mariés désignent en général leur épouse comme procuratrice et gestionnaire des biens de la communauté. Cela explique que dans quelques actes, des femmes de marins se retrouvent seules, entre procuratrices, avec le notaire. Quand, en théorie, un maître charpentier navigant de Pleurtuit achète en 1746 une terre pour 250 livres à un maître calfat de Lorient, ce sont leurs épouses qui concluent la vente car les deux conjoints sont « absents en voyage sur mer183 ». Les femmes apparaissent comme des contractantes à part entière, certes « autorisées », mais qui bénéficient de l’autonomie conférée par la procuration184. Quand certaines se contentent d’administrer les biens de leur couple, d’autres en profitent pour prendre des initiatives. Ainsi, François Perrigault félicite sa femme pour un achat déjà conclu, verbalement, sur son initiative à elle, mais pas encore officialisé : « Je vous dirré que je suis très contan de ce que vous aveze ajeté [acheté] les dex meson [deux maisons] de jean fiche si vous pouve faire le contrat je laprouve et vous donne plein pouvoir je conssent a tout ce que vous ferre [ferez]185. » Effectivement, elle signe avec un marin de Saint-Quay l’achat de deux maisons pour un montant, non négligeable, de 850 livres. Se porter candidat pour mettre en valeur un terrain « vague » engage la communauté surtout lorsqu’il s’agit de 6 journaux et demi186. Là encore, la prise d’initiative en revient à plusieurs femmes, une veuve et deux épouses d’absents en mer qui s’associent dans le cadre d’un afféagement. Elles appartiennent au même réseau de relations et comptent s’occuper elles-mêmes des travaux avec l’aide ponctuelle des hommes, entre deux embarquements. Dans certains cas, ces femmes s’apparentent à des partenaires pour leur époux qui les associe à ses affaires. Ainsi, sur les 14 actes notariés contractés par Claude Helvant, la moitié sont signés par son épouse, Geneviève Baudouin, pendant ses campagnes à Terre-Neuve. Elle conclut seule quatre acquisitions et trois reconnaissances de dettes pour un total de 1990 livres187. La gestion d’une telle somme, même fractionnée, ne peut que reposer sur de solides liens de confiance entre époux. Mais quelle est la part d’initiative revenant à Geneviève Baudouin : se contente-t-elle d’appliquer des directives laissées par son mari ou dispose-elle d’une réelle autonomie dans la gestion des biens de sa communauté ? Ce n’est pas sans rappeler la situation de ces « femmes négociantes » à Nantes, aux Sables d’Olonnes et à Saint-Malo aux XVIIe et XVIIIe siècles188. Ces « armatrices » s’illustrent en intégrant l’activité d’armement de navires d’ordinaire dévolue aux hommes car toutes ont repris les affaires de leur défunt mari, armateur et négociant. Encore faut-il qu’elles disposent des compétences nécessaires pour exercer de telles fonctions : elles les ont acquises en étant impliquées dans la gestion des affaires du vivant de leur époux en tant qu’« auxiliaire privilégiée » d’autant que toutes ont grandi dans un « fond de culture marchande » tourné vers la mer189. Un parallèle s’esquisse avec Geneviève Baudouin qui, sans être mariée à un négociant, est associée aux affaires de son mari, ce que ses absences répétées rendent inévitable en raison de leur fréquence et de leur durée. Cette plus grande liberté, temporaire et incomplète – elles restent soumises au regard de la communauté et aux normes sociales – leur confère un statut intermédiaire, entre la femme mariée à un terrien sédentaire, placée constamment sous son autorité, et la femme, un peu plus indépendante, celle qui n’est pas mariée ou qui ne l’est plus, qu’elles risquent de devenir.
33Au-delà du débat sur la pluriactivité, il est une évidence : presque toutes les familles de marins pratiquent plusieurs activités, entre terre et mer. L’exercice de la pluriactivité repose essentiellement sur les femmes du fait de leur présence continue à terre. Sans arriver à la situation de « chef de famille » comme à Ouessant190, l’engagement de l’épouse dans une activité complémentaire est déterminant dans une logique de diversification des revenus. Ainsi, la pluriactivité revêt des formes variées sur le littoral selon les moyens dont disposent les ménages. Elle s’analyse en termes de choix et de nombre d’activité(s) mais aussi de degrés d’investissement dans chacune d’elles. Cette notion se révèle complexe à appréhender parce qu’elle est une norme à l’époque, pratiquée par presque toutes les catégories sociales. C’est pourquoi il est difficile de la qualifier de pluriactivité de subsistance même si elle joue un rôle essentiel pour les plus fragiles en leur permettant d’échapper à une plus grande précarité.
Des pratiques illégales
34Une impression de découragement se dégage des paroles du procureur du roi de l’amirauté de Saint-Malo lorsqu’il écrit, en 1775, que « presque journellement il se commet des vols d’ustensiles, cordages et autres effets dans le port et sur les quais de cette ville, sans qu’on ait pu jusqu’à présent en découvrir les auteurs et complices191 ». Ces larcins révèlent une autre facette des villes portuaires, une réalité endémique que la justice paraît bien impuissante à juguler. En effet, rien ne se perd et tout ce paraît abandonné est susceptible d’être récupéré. Sur le littoral, cette forme d’appropriation s’étend à ce qui est entreposé ou laissé par les hommes sur l’estran ou à ses abords, sans surveillance. Même des « couapeaux de bois », tombés sur le sable, n’y restent pas longtemps192. Mais la limite est ténue entre la récupération et le vol. Il est fort tentant de basculer vers l’illégalité pour des riverains de la mer dans le besoin a fortiori des marins dans une situation précaire. Certains d’entre eux participent déjà à la fraude de tabac. La même ambiguïté se retrouve à l’égard des passages procurés à des fugitifs voulant à tout prix quitter le royaume. Il est difficile de refuser ces passagers clandestins qui proposent de l’argent, parfois des sommes élevées. Il importe d’étudier les ressorts et les modalités de ces pratiques afin de déterminer comment s’opère le basculement vers ces activités illégales spécifiques au littoral. Dans cette perspective, la parole des contrevenants est essentielle d’où le recours aux archives judiciaires. Elles laissent entrevoir un pan de cette économie parallèle et informelle, dynamique dans les places portuaires193 sans disparaître en dehors, dans les paroisses plus rurales du littoral.
Chaparder
35Les occasions de chaparder ne manquent pas dans les places portuaires. Tout d’abord, sur les quais : un navire suscite un important va-et-vient d’hommes mais aussi de matériel et de marchandises qui sont posés par terre, juste débarqués ou en attente d’un embarquement. En pleine journée, le fourmillement des quais permet d’en subtiliser sans se faire remarquer : une cruche d’huile destinée à « brayer » l’entrepont de La Revanche disparaît de cette façon en mai 1775. Dans les chantiers de construction navale, tous les matériaux entreposés sur l’estran sont exposés à ces vols, ce que déplore en 1718 l’un des directeurs de la « Compagnie des Indes de Saint-Malo194 ». Les chapardeurs n’hésitent pas non plus à commettre des vols à bord des bateaux. La plupart opèrent de nuit, « courent la nuit dans le port et autour des navires et même dedans195 », malgré la présence de gardiens, ils s’emparent de hardes, de ferrailles, d’ustensiles de navires, de câbles, de manœuvres et du gréement. Les bâtiments situés sur le rivage ou à proximité immédiate constituent également des cibles de choix : à Roscoff, les magasins où sont stockées les marchandises sont régulièrement cambriolés pour voler des « graines de lin du nord », de l’eau-de-vie ou des sacs de thé196. Ces larcins ciblent des objets facilement transportables : la discrétion est essentielle afin d’éviter une arrestation en flagrant délit. Mais il est toujours possible de croiser un quidam : dans ce cas les voleurs oscillent entre l’indifférence, les menaces et les tentatives de conciliation197. Les larcins se font souvent en bande, plus ou moins organisée, reposant sur une division des tâches : Guillaume Gire, accusé d’avoir volé des hardes et du filain, raconte que ses deux comparses étaient chargés de distraire le gardien pendant que lui s’introduisait dans le bateau198. Le vol de la cruche de bray témoigne de la réactivité des voleurs face à une cible dès qu’elle est repérée : subtilisée par l’un, il la donne à un autre qui l’apporte à un troisième larron. Celui-ci la transporte ensuite dans l’intra-muros où tous se rejoignent pour « faire marché » avec un invalide marchand fripier pour 13 sols199. En effet, la plupart des marchandises volées sont destinées à la revente grâce aux réseaux dont disposent ces bandes : Guillaume Gire et ses complices se rendent à 4 heures du matin chez deux femmes qui achètent tout sans rechigner. Une autre affaire montre que les cordages trouvent facilement preneurs200 : deux faiseuses d’étoupe de Saint-Servan les revendent à des gens de leur connaissance, des laboureurs pour la plupart, fermiers de métairies des environs. Ils en achètent volontiers en raison du prix proposé, sans poser de questions. Les voleurs d’eau-de-vie et de thé, à Roscoff, en confient l’écoulement à un voiturier de la paroisse contre une commission201. Son rôle est de trouver des relais d’où la présence de l’eau-de-vie et du thé volés jusqu’à Saint-Pol-de-Léon et même Morlaix. Dans cette affaire, les bénéfices engrangés ont dû être assez intéressants vu le peu de difficultés à les écouler. Néanmoins, la plupart des larcins génèrent un maigre butin. Les gains obtenus grâce à la cruche de bray sont dérisoires après le partage : 3 sols chacun sauf pour l’initiateur du vol qui prend 4 sols202.
36Or, les quatre protagonistes de ce vol n’ont pas de situation professionnelle stable. Gautier se dit journalier et vend des pommes, Buquet a déjà travaillé dans les corderies de Saint-Malo et se dit « pêcheur de poisson frais ». Boisseleau, à Saint-Malo depuis 10 mois, travaille « quand il trouve à s’occuper » après 8 mois passés dans la garde bourgeoise. Enfin, le « Rouennais » est un mousse originaire de Rouen203. Lui et Boisseleau dorment sur les quais. L’interrogatoire de Guillaume Gire, évoqué plus haut, montre les conditions de vie difficiles de ces jeunes gens, des Malouins ou des migrants, souvent sans attaches et désœuvrés. Chassé par son père, 3 semaines auparavant, à 17 ans, il se déclare « navigant » – sans avoir encore navigué – et « travaille de ses bras quand il en trouve l’occasion », par exemple pour une marchande d’huîtres qui « l’a fait travailler à porter des huîtres à la poissonnerie, et des écailles à la grève près le château, pourquoi elle lui payait un sol par tour, en sorte qu’il en a fait jusqu’à trente ou quarante par jour, et qu’entre cela, elle lui payait quelques fois quinze sols par nuit pour garder des chargements d’huîtres204 ». Il a pu ainsi coucher pendant une semaine chez une veuve et depuis, dort sur le ravelin ; il mange chez un invalide « à l’exception du souper, pour lequel il [prend] un morceau de pain pour aller coucher ». L’un de ses complices, de Tréguier, a fait trois campagnes de pêche, il est « couvert de haillons » et sans domicile. Un autre se dit fils d’un tailleur malouin et affirme « fouiller dans les immondices jetées dans dedans les navires différentes petites choses ». Son comparse, lui aussi de Saint-Malo, n’a d’« autre profession que d’aller dans le port ramasser de petits bouts de corde abandonnés qu’il vend aux femmes faiseuses d’étoupe » ; il se qualifie de « ramasseur d’effets maritimes » en plus d’être, à l’occasion, gardien de navires avec son frère. Ces jeunes gens vivent d’expédients et de chapardages entre deux voyages ou de façon permanente : le caractère illicite de ces stratégies de survie importe peu car la priorité est de manger et de trouver un abri ; toute opportunité est saisie, légale ou illégale. Leurs déclarations font écho avec celles de Joseph Poitry, « journalier dos blanc », originaire de Saint-Suliac où il se rend l’été pour faire les bleds205. Il dort un temps dans les bateaux qu’il garde puis là où il le peut quitte à s’introduire dans une gabarre. À 18 ans, il déclare « qu’il ne prenait nulle part ses repas, qu’il achetait seulement du pain qu’il mangeait au premier endroit où il se trouvait ». Pour de jeunes migrants, les villes portuaires font figure « d’Eldorado206 » malgré des déconvenues rapides. L’histoire de Guillaume Picot, un jeune matelot, l’illustre207. Sa mère, « rebutée de son pays de Cherbourg où elle demeurait par la grande cherté des bleds qui y fut en l’an 1709 vint avec [lui] et son autre frère depuis décédé en la mer s’habituer en la paroisse de Saint-Servan ». Ils vivent dans un logement avec de la paille au sol, 30 sols de meubles dont une vieille couverture de laine et des écuelles de bois. Accusé de vol, il exprime tous ses espoirs, déçus, dans une requête adressée aux officiers de l’amirauté de Saint-Malo : « Il n’a que dix-sept à dix huit ans, il n’a encore fait qu’un voyage au long cours et il n’a pas encore acquis de grands biens mais il prenait le chemin d’en gagner et il avait espérance de vivre un siècle lorsqu’il serait en même temps privé de tous ses biens pour le présent et pour l’avenir. » À l’opposé, d’autres individus ont une situation plus stable comme les cambrioleurs de Roscoff : un fournier, un maréchal et un poissonnier208 motivés par l’appât du gain et la volonté d’améliorer leur situation. Le cerveau de la bande reproche d’ailleurs à l’un d’eux « qu’il serait toujours pauvre par sa faute et qu’il avait grand tort de ne pas saisir l’occasion de gagner beaucoup d’argent209 ». Tous disposent d’un logement, de biens et de relations sociales, un profil bien différent des jeunes gens désœuvrés de Saint-Malo qui naviguent entre terre et mer sans identité professionnelle bien définie.
Transporter des passagers clandestins
37Le 10 avril 1790, Yves Le Calvez, un laboureur de Lanvellec, est arrêté par les employés des Fermes sur l’Ile Tomé, au large de Perros-Guirec. Il avait pris la fuite après avoir causé accidentellement la mort d’un enfant qu’il était en train d’épouiller210 : « La peur d’être arrêté [l’avait] fait se réfugier dans cette isle […] dans l’intention de travailler, et dans l’intention d’aller encore de l’autre côté où un appelé Yves Le Gallic avait promis de le conduire pour de l’argent. » En attendant d’être emmené « aux premiers vents en engleterre », il travaillait dans la métairie de l’île. Pour ce terrien de l’Argoat, le littoral, qu’il n’avait peut-être jamais vu jusque-là, symbolise la possibilité de se soustraire aux conséquences de son acte et l’espoir d’un nouveau départ rendu possible par la complicité d’un maître de bateau, moyennant finances : 72 livres d’économies et les hardes du fugitif. Yves Le Gallic ne paraît pas avoir été inquiété par la justice. Cette affaire illustre l’exploitation peu scrupuleuse de la détresse et du besoin impératif de fuir éprouvé par des criminels mais aussi des protestants dès la révocation de l’Édit de Nantes. Les côtes nord de la Bretagne sont bien placées pour favoriser leur passage clandestin hors de France par la voie maritime211 : Saint-Malo et ses environs constituent une plaque-tournante pour la diaspora huguenote à cause de sa proximité avec le « Refuge » britannique via Jersey et Guernesey212. Dès la promulgation de l’édit de Fontainebleau, les candidats à l’émigration issus de l’ouest du royaume affluent dans le pays malouin malgré l’interdiction formelle qui leur est faite de partir et les mesures prévues à leur encontre, en cas de capture. Le mouvement se poursuit jusqu’au début du XVIIIe siècle puis devient sporadique sans cesser d’exister ; quelques traces subsistent dans les archives de l’amirauté de Saint-Malo, la plupart des fugitifs ayant été arrêtés sur l’estran ou à bord de navires. D’autres affaires font état de passagers clandestins sans que la religion des fugitifs ne soit ouvertement évoquée car ils n’ont pas été arrêtés (annexe VI).
38La suspicion est forte à l’encontre d’un couple qui demande, en mars 1766, à l’équipage du Gilles de Cancale de les emmener à Granville pour y recueillir la succession de leur père. Interrogés quelque temps après, les quatre navigants et pêcheurs mis en cause racontent, en toute innocence, qu’ils appareillèrent pour Granville et que les conditions météorologiques les forcèrent à relâcher aux îles Chausey où accostait le lendemain matin, comme par hasard, un bateau venant des îles anglo-normandes213. L’aubergiste qui logeait le couple, aurait joué l’intermédiaire en envoyant chercher les navigants pour conclure le marché chez lui. Pour éviter une condamnation, les pêcheurs jouent sur plusieurs tableaux : ils plaident l’ignorance quant aux règlements214 renvoyant au passage dos à dos le syndic des Classes et le greffier de l’amirauté, et s’appuient sur l’habitude de transporter des passagers sans passeports, en plus de la pêche. L’un d’eux avoue « que ce même bateau et presque tous ceux de Cancale sont dans l’usage de faire très fréquemment ces voyages pour y porter les particuliers qui se présentent ». Quelques mois auparavant, deux bateliers du passage Saint-Malo-Dinard avaient été impliqués dans « l’évasion » de deux « Noirs » à Jersey ou Guernesey contre 6 livres ; emprisonnés, eux aussi plaidèrent l’ignorance215. Pour arrêter ces abus et prévenir les passeurs des peines encourues, les officiers de l’amirauté promulguent le 26 avril 1766 un arrêt rappelant leurs obligations aux maîtres de bateaux de leur ressort216. Il reste lettre morte car dès juillet 1767, un maître de la Houle est condamné pour avoir accordé un passage à Granville à un autre couple de jeunes gens217. L’année suivante, un pêcheur de Saint-Suliac est soupçonné d’avoir embarqué « un particulier ayant une croix de Saint-Louis avec un noir son domestique au dessein de le passer aux îles de Jersey ou Guernesey218 ». Il nie avoir voulu les porter là-bas, la destination étant Saint-Malo. Affirmations démenties par son journalier batelier qui avoue avoir exploité le mauvais temps et l’ignorance de leurs passagers en matière de navigation pour les tromper. L’information permet de reconstituer les préparatifs de l’opération. Les témoignages mettent en avant un intermédiaire local auquel les fugitifs s’adressent à Saint-Servan. Il les fait venir à Châteauneuf et organise le transport de leurs affaires avec la complicité d’un charretier de Saint-Servan. Une fois sur place, hébergés par le maître des postes, le jeune homme les retrouve plusieurs fois pour mettre au point des derniers détails de la fuite, prévue depuis le Port Saint-Jean. À cet effet, leurs affaires sont transportées jusqu’au bateau par un fermier de Châteauneuf contre 3 livres. La tentative échoue malgré un départ durant la nuit et les mensonges proférés aux aubergistes. Le chevalier de Saint-Louis se retrouve délesté des 200 livres données aux bateliers et abandonné par son domestique. Il décide néanmoins de retourner à Châteauneuf, avec son domestique revenu entre-temps et repart définitivement, ses affaires convoyées par un fermier des environs. Un mois après, le fameux jeune homme est arrêté et interrogé219 : boucher âgé de 18 ans, il avoue avoir servi de relais contre 24 livres dont il n’a reçu que le quart. Le reste de l’interrogatoire confirme l’existence d’un réseau à petite échelle, le choix de Châteauneuf s’expliquant par les attaches familiales du jeune homme. Il connaît en effet des bateliers susceptibles d’accepter des passagers clandestins et sait à qui s’adresser pour transporter leurs effets. Cette affaire suggère la présence de micro-filières mettant en relation informateurs, organisateurs, transporteurs et bateliers dans un but lucratif, tous recevant un salaire plus ou moins élevé pour les services rendus et leur discrétion : les 200 livres proposées aux bateliers sont une somme élevée mais à la hauteur des risques encourus par ces derniers en cas d’arrestation. Avoir accès à ces micro-filières d’émigration nécessite de s’adresser aux bonnes personnes, rôle joué le plus souvent par les aubergistes220. La discrétion est vitale pour les passagers sous peine de dénonciation. Or, de telles allées-et-venues ne passent pas inaperçues d’autant que tous les témoins ont remarqué la croix de Saint-Louis et le « noir221 ». Finalement, le jeune homme et les bateliers sont condamnés chacun à 60 livres d’amende avec confiscation du bateau, des peines relativement sévères dont la valeur d’exemple est annulée par une grâce de l’Amiral222. En 1769, un navigateur est de nouveau interrogé pour avoir passé sans permission deux particuliers à Jersey, cette fois contre 30 livres223.
39Ces quelques affaires attestent donc de la présence de filières d’émigration plus ou moins élaborées, reposant sur des complicités locales. Elles mettent en évidence l’ambiguïté des populations riveraines de la mer qui oscillent entre complicité et délation : des navigants prennent le risque d’accepter des fugitifs à leur bord mais sont susceptibles d’être dénoncés par jalousie ou appât du gain : si la justice en est venue à s’intéresser à eux, c’est parce que l’un des officiers a eu vent de leurs agissements. Ces navigants acceptent des missions à leur portée puisqu’au pire, ils doivent aller jusqu’à Jersey ou Guernesey, trajet qui mobilise durant peu de temps hommes et bateau en échange d’une forte somme, utile pour améliorer l’ordinaire. Même si les peines prononcées à leur encontre sont lourdes, ils ont espoir d’obtenir une grâce d’où la faible portée des règlements de l’amirauté de Saint-Malo. Quant aux autres membres du réseau, ils témoignent en toute impunité contre leurs complices, les organisateurs étant rarement arrêtés. Cette activité complémentaire et illégale se retrouve sans doute dans les amirautés de Saint-Brieuc, Morlaix et Brest dont le quadrillage du territoire est plus lâche encore, laissant la voie libre à des navigants prêts à enfreindre la loi.
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40Face à l’irrégularité et au caractère précaire des salaires maritimes, les marins du littoral nord de la Bretagne font preuve d’inventivité et de pragmatisme via une multiplicité de solutions plus ou moins élaborées afin de diversifier leurs sources de revenus. L’une, originale et diffuse, est directement impliquée par l’absence : la cohabitation sous le même toit d’une famille nucléaire avec une personne apparentée ou non, souvent une autre femme. L’endettement en est une autre, plus classique : sans être généralisé, il est assez répandu lui aussi et permet de faire face aux dépenses courantes en sollicitant des cercles de créanciers successifs peut-être plus enclins à prêter aux gens de mer. Néanmoins, la pluriactivité en incarne l’expression la plus aboutie : généralisée sur les côtes nord de la Bretagne, elle se décline sous diverses formes associant horizons terrestre et maritime. La femme de marin en constitue bien souvent le pivot à terre. Cela leur confère une large autonomie acquise durant les absences du conjoint. Ces pluriactivités se doublent de stratégies d’investissement, réfléchies et rémunératrices : la pacotille, opération à court terme, et à long terme, l’insertion dans le marché des créances et surtout dans le marché foncier qui répondent à la volonté d’acquérir et d’accumuler des biens, selon les mêmes logiques observées chez les terriens. Stratégies de survie pour les uns, ceux qui se situent au niveau ou en dessous du seuil d’indépendance, logique de consolidation voire vecteur d’ascension sociale pour les autres, les plus aisés, les gens de mer exploitent ce panel d’activités offert par le littoral, entre terre et mer, quitte à franchir la limite de l’illicite.
Notes de bas de page
1 ADIV, 4B1018, inv. ap. déc., 8 mai 1769.
2 À titre d’exemple, la veuve d’un enseigne sur un navire corsaire déclare avoir reçu 1070 livres ; ibid., 4B5291, inv. ap. déc., 22 mai 1758.
3 Fontaine L., Pouvoir…, op. cit., p. 26 et « Solidarités familiales et logiques migratoires en pays de montagne à l’époque moderne », Annales ESC, nov.-déc. 1990, no 6, p. 1433-1450.
4 Ibid., p. 103.
5 Poitrineau A., Remues d’hommes. Les migrations montagnardes en France, 17e-18e siècles, Paris, Aubin, 1983, 325 p. et « Aspects de l’émigration temporaire et saisonnière en Auvergne à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle », RHMC, 1962, p. 6-50 ; Moulin A., Les maçons de la Creuse : les origines du mouvement, Le Poiré-sur-Vie, Publications de l’Institut d’études du Massif central, 1986 rééd. 1994, 564 p.
6 Goubert P. et Roche D., op. cit., p. 88-96.
7 Henwood P., op. cit., lettre, 20 juin 1746.
8 Les familles élargies représentent moins de 5 % des populations maritimes entre Dunkerque et Le Havre ; Cabantous A., Dix mille…, op. cit., p. 346.
9 Fontaine L., L’économie morale : pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle, Gallimard, Paris, 2008, 437 p.
10 « Couples mariés avec ou sans enfants, veufs ou veuves avec enfants » ; Lebrun F., La vie conjugale sous l’Ancien Régime, Paris, Armand Colin, 1993, 179 p., p. 59.
11 Des « familles conjugales augmentées de membres apparentés autres que les enfants eux-mêmes » ; ibid.
12 Hufton O., « Women without men : widows and spinsters in Britain and France in the eighteenth century », Journal of Family History, déc. 1984, no 9, p. 355-376.
13 Locklin N., Women’s work and identity in eighteenth-century Brittany, Chipenham, Ashgate Publishing, 2007, 162 p.
14 Au total, 35 mentions (27 app. de scellés ou des inv. ap. déc., 3 procédures judiciaires, 4 décl., une rec. de dettes). Seuls 3 cas concernent des hommes, deux célibataires et un veuf.
15 ADCA, B556, inv. ap. déc., 19 mai 1789.
16 Ibid., inv. ap. déc., 16 juin 1789.
17 ADIV, 4B1058, pl., 14 fév. 1765.
18 « C’est souvent au début de la vie commune que les départs engendrent le sentiment de solitude le plus vif, au point que plusieurs femmes, dans les premières années qui ont suivi leur mariage, passaient chez leur mère leurs premières nuits solitaires » ; Guichard-Claudic Y., op. cit., p. 205.
19 ADIV, 4B1027, inv. ap. déc., 10 avril 1732.
20 Ibid., 4B5321, inv. ap. déc., 5 mai 1789.
21 Ibid., 4E1505, décl., 12 juin 1764.
22 Ibid., 4E4694, décl., 11 sept. 1780.
23 Ibid., 4E1509, décl., 12 oct. 1770.
24 Ibid., 4E1504, décl., 14 mars 1761.
25 ADCA, B968, app. de scellés, 16 déc. 1775.
26 ADIV, 4B3447, app. de scellés, 4 fév. 1781.
27 Ibid., app. de scellés, 17 oct. 1774.
28 ADCA, 3E2 100, décl., 26 oct. 1764.
29 ADF, 23B478, req., 6 déc. 1775.
30 5 cas, le ménage cohabitant pris en compte étant composé d’au moins un navigant actif.
31 ADIV, 4E11552, décl., 20 fév. 1750.
32 « Après son décès ils le feraient enterrer et lui feraient célébrer ses services de sépulture septième et trentième et anniversaire » ; ibid.
33 ADCA, 3E2 100, décl., 26 oct. 1764.
34 ADIV, 4E1509, décl., 12 oct. 1770.
35 Ibid., 4E11552, décl., 20 fév. 1750.
36 Ibid., 4E1504, décl., 14 mars 1761.
37 Le couple évoque « l’amitié réciproque » qu’ils lui portent et « les services qu’il leur a déjà rendus » ; ADCA, 3E2 100, décl., 26 oct. 1764.
38 N. Dufournaud en donne un exemple à Nantes à la fin du XVIIe siècle ; « Les femmes au travail dans les villes de Bretagne aux XVIe et XVIIe siècles : approches méthodologiques », ABPO, no 114-3, 2007, p. 43-66, p. 53-54.
39 ADF, 23B305, inv. ap. déc., 23 oct. 1747.
40 ADIV, 4B3443, inv. ap. déc., 20 fév. 1739.
41 Soit 48 livres sur 146 livres 18 sols 7 deniers ; ibid.
42 ADF, 11B76, app. de scellés, 24 mai 1738.
43 ADCA, B554, inv. ap. déc., 25 janv. 1751 et B556, inv. ap. déc., 19 mai 1789.
44 Ibid., B556, inv. ap. déc., 1er janv. 1785.
45 ADF, 23B308, inv. ap. déc., 30 sept. 1777.
46 Pour les marins ayant une famille ou des proches qui dépendent d’eux avec lesquels ils n’ont pas coupé tout lien.
47 Henwood P., op. cit., lettres, 11 juill. et 2 oct. 1746.
48 SHM, 6P3 20, 1776-1787, Kerlouan.
49 « L’endettement des ruraux comme celui des citadins est le trait omniprésent de toutes les études sur les populations de l’ancienne Europe » ; Fontaine L., L’économie…, op. cit., p. 31.
50 84 actes de justice dont 79 inv. ap. déc., 2 inv. de comm., 2 app. de scellés et une vente publique sur un total de 275 documents ; 24 rec. de dettes.
51 ADF, 23B162, inv. ap. déc., 15 juin 1773.
52 Fontaine L., L’économie…, op. cit., p. 59-60.
53 Ibid., p. 51-52.
54 ADIV, 4B3445, inv. ap. déc., 4 déc. 1758 et 4B1032, inv. ap. déc., 26 janv. 1760.
55 Ibid., 4B1010, inv. ap. déc., 16 août 1759.
56 ADF, 23B162, inv. ap. déc., 15 juin 1773.
57 Qui permettent de payer des rentes seigneuriales en nature ou servent de semences.
58 ADCA, B1022, inv. ap. déc., 7 fév. 1776, ADF, 16B13, inv. ap. déc., 1er avril 1766 et 23B308, inv. ap. déc., 12 sept. 1771.
59 ADF, 23B308, inv. ap. déc., 12 sept. 1771 et ADIV, 4B1018, inv. ap. déc., 20 juin 1769.
60 ADF, 16B13, inv. ap. déc., 1er avril 1766.
61 La veuve de Hamon Poyet doit 3 livres pour le cercueil, 3 livres pour l’ensevelissement et les cloches, 22 livres 15 sols pour l’enterrement et deux offices pour son mari, sa première femme et un autre membre de la famille, 9 livres 1 sol pour « allumage à l’église de Roscoff » en leur mémoire. Ibid., 23B308, inv. ap. déc., 12 sept. 1771.
62 Ibid., 23B306, inv. ap. déc., 3 janv. 1752.
63 ADIV, 4B3347, inv. ap. déc., 17 sept. 1776.
64 Fontaine L., L’économie…, op. cit., p. 51-52.
65 ADF, 23B308, inv. ap. déc., 12 sept. 1771.
66 ADIV, 4B3444, inv. ap. déc., 7 fév. 1742.
67 Ibid., 4B5321, inv. ap. déc., 30 déc. 1782.
68 25 mentions de créances pour « argent prêté » sur les 84 actes étudiés.
69 Jacques Delahaye doit 129 livres, 72 livres, 33 livres, 16 et 15 livres à plusieurs créanciers. Thomas Lancelin doit 48 livres à un seul individu. ADIV, 4B1027, inv. ap. déc., 24 mai 1757 ; 4B1008, inv. ap. déc., 20 juill. 1757.
70 ADF, 23B162, inv. ap. déc., 15 juin 1773 et ADIV, 4B1329, inv. ap. déc., 16 juin 1781.
71 ADF, 23B305, inv. ap. déc., 9 mai 1747.
72 ADCA, 3E34 12, obl., 2 mai 1782.
73 Un vingtième du montant emprunté ce qui est classique à l’époque.
74 La norme est de 10 ans dans les vallées des Alpes occidentales ; Fontaine L., Pouvoir…, op. cit., p. 51.
75 ADIV, 4B1027, inv. ap. déc., 24 mai 1757.
76 Fontaine L., Pouvoir…, op. cit., p. 61.
77 Ibid., L’économie…, op. cit., p. 51 et suiv.
78 ADIV, 4B1008, inv. ap. déc., 30 déc. 1758.
79 « la mesure des changements qui interviennent dans la famille au fur et à mesure qu’elle avance d’une étape à une autre en tant qu’unité collective » ; Fontaine L., Pouvoir…, op. cit., p. 16.
80 ADF, 23B308, inv. ap. déc., 1er sept. 1783.
81 ADIV, 4B1018, inv. ap. déc., 20 juin 1769.
82 Fontaine L., L’économie…, op. cit., p. 52.
83 ADF, 23B306, inv. ap. déc., 3 janv. 1752.
84 Fontaine L., L’économie…, op. cit., p. 38.
85 ADIV, 4B1017, inv. de comm., 25 nov. 1766 et 4B1018, inv. ap. déc., 8 mai 1769 ; ADF, 23B305, inv. ap. déc., 7 août 1749 et 23B306, inv. ap. déc., 20 fév. 1751.
86 ADIV, 4B991, inv. ap. déc., 26 mai 1730, 4B1000, inv. ap. déc., 12 avril 1745 et 4B1027, inv. ap. déc., 24 mai 1757.
87 Ibid., 4B1008, inv. ap. déc., 19 et 20 juill. 1757, 5 avril 1758 ; ibid., 4E1505, obl., 1er oct. 1764.
88 ADCA, 3E27/85, obl., 3 août 1772.
89 Il procède à des paiements de salaires pour un négociant de Saint-Malo pour voyages faits sur les vaisseaux de la Compagnie des Indes. Ibid., 3E27/84, décl., 9 avril 1768.
90 SHM, 6P3 20, 1776-1787.
91 ADF, 23B162, inv. ap. déc., 13 oct. 1724.
92 Henwood P., « Marie-Jacquette… », op. cit.
93 ADF, 23B162, inv. ap. déc., 13 oct. 1724.
94 Fontaine L., L’économie…, op. cit., p. 69.
95 ADIV, 4E4695, obl., 19 sept. 1782.
96 Le Bouëdec G., « La pluriactivité… », op. cit.
97 Antoine A. et Cocaud M., « La pluriactivité dans les sociétés rurales. Approche historiographique » dans Le Bouëdec G. et alii (dir.), Entre terre…, p. 25-30 et Wunder H., « Travailler, faire valoir, tenir la maison : relations entre hommes et femmes dans une société rurale en mutation, XVIIIe et XIXe siècles » dans Béaur G. et alii, Les sociétés rurales…, op. cit., p. 157-174.
98 ADIV, 4B1057, pl., 2 juill. 1753.
99 Vandroy M.-A., « Quand la pluriactivité… », op. cit., p. 194 et Fontaine L., « Présentation de soi et portraits de groupe : les identités sociales des marchands colporteurs », Cahiers de la Méditerranée, vol. 66, 2003 [en ligne : http://cdlm.revues.org/document107.html].
100 ADIV, 4B1057, pl., 1er avril 1761, inf., 20 avril 1761.
101 D’après ses doléances, Cherrueix « se trouve surchargée de quantité de veuves et d’enfants dont les maris et les pères sont morts pendant la guerre » ; ibid., 2Mi30.
102 Ibid., 9B319, intg., 9 août 1766.
103 AN, C5/26, 1731.
104 ADIV 4B1058, pl., 14 fév. 1765.
105 Ibid., 7B27, PV, 13 fév. 1774.
106 AN, C5/20, 1726, Pleubian.
107 Cabantous A., Dix mille…, op. cit., p. 291.
108 ADF, 23B308, inv. ap. déc., 19 fév. 1782.
109 Dont 20 bx. à f. et 2 à titre de domaine congéable. Ont été retenus les actes concernant soit des terres seules, soit une habitation avec un jardin et/ou des pièces de terre et/ou un ou plusieurs bâtiments destinés à l’élevage.
110 ADCA, E27 84, b. à f., 13 juill. 1765.
111 ADIV, 4E1509, b. à f., 22 fév. 1770 et 4E1507, b. à f., 7 janv. 1766.
112 ADCA, 3E34 11, b. à f., 10 fév. 1780.
113 ADIV, 4E11553, b. à f., 20 oct. 1758.
114 Ibid., 4E4692, affgt., 6 nov. 1773.
115 ADF, 4E167 10, affgt., 21 nov. 1746.
116 ADIV, 4E1508, affgt., 29 juill. 1768.
117 Abraham B., La charrue et le rouet : pluriactifs et pluriactivté dans la vallée de la Vilaine au XVIIIe siècle, mémoire de maîtrise, A. Antoine (dir.), université Rennes 2, 2004, 139 p.
118 Tanguy J., op. cit.
119 Au total 204 inv. ap. déc., 61 app. de scellés, 5 inv. de comm., 2 PV de biens et 3 ventes publiques.
120 ADIV, 4B1010, inv. ap. déc., 8 mars 1759.
121 Ibid., 4B1018, inv. ap. déc., 17 avril 1769.
122 Découverts par les employés des Fermes dans le logement d’une femme d’absent en mer : au-dessus d’un lit, une trappe donne dans un grenier où sont cachés les outils et le tabac. Ibid., 7B28, PV, 11 mars 1777.
123 Port d’importation des graines de lin et de chanvre issues des pays de la Baltique et partie prenante de la principale zone de production du lin ; Tanguy J., op. cit., p. 28-34.
124 ADIV, 4B1007, inv. ap. déc., 6 nov. 1756.
125 Ibid., 4B5308, inv. ap. déc., 3 juin 1780.
126 ADF, 11B77, inv. ap. déc., 5 nov. 1777 et ADIV, 4B1319, inv. ap. déc., 11 mars 1768.
127 ADIV, 4B1009, inv. ap. déc., 12 nov. 1759 et 4B1318, inv. ap. déc., 16 mai 1767.
128 Ibid., 4B1317, inv. ap. déc., 28 sept. 1765.
129 Ibid., 4B5320, inv. ap. déc., 13 fév. 1769.
130 ADF, 16B13, inv. ap. déc., 1er avril 1766.
131 Ibid., 23B308, inv. ap. déc., 25 juin 1783.
132 Guillemet D., Les îles…, op. cit., p. 81-83.
133 Au total, 10 mentions dans les archives notariées et 4 dans les archives judiciaires.
134 Lachiver M., op. cit., p. 1116.
135 Cabantous A., Dix mille…, op. cit., p. 290-292 et Le Bouedec G., « La pluriactivité… », op. cit., p. 64-65.
136 Lespagnol A., « Femmes négociantes sous Louis XIV : les conditions complexes d’une promotion provisoire » dans Croix A. et alii (dir.), Populations et cultures, études réunies en l’honneur de François Lebrun, Rennes, 1989, Amis de François Lebrun, p. 463-470.
137 ADIV, 9B321, intg., 8 août 1768.
138 Ibid., 4B1350, inf., 2 sept. 1723 et ADF, 11B88, inf., 21 juin 1732.
139 ADIV, 9B251, inf., 18 déc. 1715.
140 Antoine A. et Cocaud M., « La pluriactivité… », op. cit. et Ploux F., « Déterminisme ou stratégies ? Deux approches de la pluriactivité dans les sociétés rurales » dans Le Bouëdec G. et alii (dir.), Entre terre et mer…, p. 35-40.
141 Fontaine L., Pouvoirs…, op. cit., p. 158 et suiv.
142 Haudrère P., La Compagnie…, op. cit., p. 557-559.
143 Henwood P., op. cit., lettre, 11 juill. 1746.
144 ADIV, 9B331, req., 20 juill. 1775.
145 Henwood P., op. cit., lettre, 12 sept. 1746.
146 ADIV, 4B3441, inv. ap. déc., 15 août 1715.
147 Dans les pacotilles confiées au sieur Galant, la valeur des marchandises oscille de 12 livres (une chemise de Flandre de toile garnie) à 498 livres (7 pièces « mouchoir mazuli-palant » et des souliers) ; ibid., 9B328-2, rapport du capitaine de La Marie-Josèphe, 12 juin 1772.
148 Lespagnol A., Messieurs…, op. cit., p. 457.
149 Henwood P., op. cit., lettres, 26 nov. 1745 et 24 janv. 1746.
150 ADIV, 9B325, req., 31 janv. 1771, vente, 28 déc. 1770.
151 Mentionnés dans 13 actes.
152 Au total, 321 actes dont 232 contrats de vente, 66 baux et 17 rec. de dettes, 3 contrats d’échange et 3 décl.
153 Béaur G., « Le marché foncier. Conjoncture des transferts de propriété et stratégies d’accumulation (France, XVIIIe siècle) » dans Béaur G. et alii, Les sociétés rurales…, op. cit., p. 213-229.
154 ADIV, 4E11550, vente, 20 juin 1730, 4E11 558, vente, 19 mai 1769 et 4E11 559, vente, 2 juin 1775.
155 Les échanges de biens au Croisic et au Pouliguen « ne portent que sur des petites valeurs » ; Saupin G., op. cit., p. 500.
156 ADIV, 4E11 550, ventes, 24 sept. 1733 et 9 nov. 1730.
157 Cancale, Saint-Briac, Saint-Enogat, Saint-Jacut, Binic, Roscoff, Porspoder et Le Conquet.
158 ADIV, 4B4623, inv. de comm., 10 sept. 1790 et ADF, 23B308, inv. ap. déc., 12 sept. 1771.
159 ADIV, 4B1024, inv. ap. déc., 24 nov. 1788, 4E4693, vente, 2 juin 1777, 4E4695, vente, 29 déc. 1781, b. à f. du 23 fév. 1782.
160 Un capitaine combine le tout pour acheter une terre (400 livres) : 48 livres d’acompte, 152 livres versées lors de la prise de possession et le reste par une rente annuelle de 18 livres ; ibid., 4E1503, vente, 31 janv. 1758.
161 Ibid., 4E1510, vente et rec. de dettes, 12 août 1771.
162 ADCA, 3E47 118, vente, 24 avril 1769.
163 Ibid., 3E47 118, vente, 9 déc. 1768.
164 Vigneron, S., « La sphère des relations foncières des ruraux, l’exemple du Cambrésis (1681-1791) », HSR, no 20, 2003, p. 53-77, p. 72.
165 ADIV, 4E18 14, vente, 9 janv. 1770.
166 Ibid., 4E11 559, vente, 2 juin 1775.
167 Au total 66 bx.
168 ADIV, 4E11 552, b. à cheptel, 14 nov. 1746.
169 Ibid, 4E11551, vente, 25 mai 1743, et 4E11553, b. à f., 2 juill. 1755.
170 ADF, 3E15 36, b. à f., 18 oct. 1787 et ADIV, 4E4695, b. à f., 25 sept. 1781.
171 ADF, 4E12 717, b. à f., 23 sept. 1748 et ADIV, 4E4692, b. à f., 24 déc. 1772.
172 17 rec. de dettes.
173 ADIV, 4E4694, rec. de dettes, 22 mai 1778.
174 ADF, 4E136 147, bx. à f., 23 mars 1740, 27 mars 1741, 4 mai 1741, 4E136 154, b. à f., 29 fév. 1748, 4E136 155, b. à f., 14 janv. 1749.
175 ADIV, 4B1000, inv. ap. déc., 27 juill. 1745.
176 Ibid., 4B1024, inv. ap. déc., 24 nov. 1788.
177 Ibid., 4E4692, vente, 13 janv. 1773.
178 Ibid., 4E11551, ventes, 22 et 28 juin, 1er et 15 juill. 1743.
179 Ibid., 4E11550, ventes, 31 mars, 26 mai, 26 août 1730, 19 avril 1732, 20 juill. 1733, 9 juin 1738, 4E11551, vente, 15 fév. 1742.
180 Ibid., 4E1507, vente, 19 juill. 1766, b. à f., 22 nov. 1766, vente, 23 déc. 1771 ; 4E4692, ventes, 15 fév. 1772, 5 fév. 1773 ; 4E4695, b. à f., 29 mars 1781, 24 mai 1783.
181 Vigneron S., « Les relations… », op. cit. ; voir Béaur G., « Investissement foncier, épargne et cycle de vie dans le pays chartrain au XVIIIe siècle », Histoire et mesure, vol. VI, 1991, p. 275-288 et « Le marché foncier… », op. cit. ; Boudjaaba F., Des paysans attachés à la terre ? Familles, marchés et patrimoines dans la région de Vernon (1750-1830), Paris, PUPS, 524 p., voir p. 149-158.
182 Vigneron S., « Les relations… », op. cit., p. 72.
183 ADIV, 4E11552, vente, 16 juill. 1746.
184 Voir Ferland C. et Grenier B., « Les procuratrices à Québec au XVIIIe siècle : résultats préliminaires d’une enquête sur le pouvoir des femmes en Nouvelle-France » dans Ferland C. et Grenier B., Femmes, culture et pouvoir. Relectures de l’histoire au féminin XVe-XXe siècle, Québec, PUL, 2010, p. 127-145.
185 ADCA, 3E34 11, vente, 16 fév. 1780.
186 ADIV, 4E1508, affgt., 29 juill. 1768.
187 Ibid., 4E1510, rec. de dettes, 1er mai 1771, vente, 22 juill. 1771, 4E4692, ventes, 2 janv. 1772, 6 juill. 1773, 14 oct. 1773 et 4E4693, rec. de dettes, 11 juin 1776.
188 Dufournaud N. et Michon B., « Les femmes et le commerce… », op. cit. et « Les femmes et l’armement morutier : l’exemple des Sables d’Olonnes pendant la première moitié du XVIIIe siècle », ABPO, t. 110, no 1, 2003, p. 93-113 ; Lespagnol A., « Femmes… », op. cit.
189 Lespagnol A., op. cit., p. 468-469.
190 Guillemet D., Les îles…, op. cit., p. 261.
191 ADIV, 9B331, pl., 7 mai 1775.
192 Ibid., 9B271, inf., 11 nov. 1723.
193 Vary M., « Les multiples… », op. cit.
194 ADIV, 9B257, pl., 24 mai 1718.
195 Ibid., 9B322, intg., 17 mars 1768.
196 ADF, 23B437, intg., 30 mars 1752 et 23B439, PV, 23 sept. 1768.
197 Ibid., 23B439, inf., 21 oct. 1768.
198 ADIV, 9B322, intg., 17 mars 1768.
199 Ibid., 9B331, intg., 24 mai 1775.
200 Ibid., 9B327, inf., 31 déc. 1770.
201 ADF, 23B439, inf., 21 oct. 1768 et 23B443, intg., nov. et déc. 1768.
202 ADIV, 9B331, intg., 8-9 mai 1775 et 16 mars 1776.
203 Ibid., inf., 8 mai 1775, intg., 8-9 mai 1775 et 16 mars 1776.
204 Ibid., 9B322, intg., 17 mars 1768.
205 Ibid., 9B331, intg., 8 et 25 nov. 1775.
206 Vary M., « Les multiples… », op. cit., p. 78.
207 ADIV, 9B251, req., 23 fév. 1715 et 9B252, enq., 4 mai 1715.
208 Le terme désigne le pêcheur et le marchand de poisson. À Cancale, la distinction est claire mais pas à Roscoff.
209 ADF, 23B443, intg., nov. et déc. 1768.
210 Mort attestée par un témoin ; ADCA, B3567, billet, 10 avril 1790 et intg., 14 avril 1790.
211 Duval, M., « Fugitifs protestants à Saint-Malo sur le chemin de l’exil (1685-1701) », ASHAASM, 1988, p. 115-127.
212 Chamayou F., « Le Refuge des îles britanniques » dans Birnstiel E. (dir.), La Diaspora des Huguenots. Les réfugiés protestants de France et leur dispersion dans le monde (XVIe-XVIIIe siècle), Paris, Honoré Champion, 2001, p. 41-62.
213 ADIV, 9B319, intg., 22 mars 1766.
214 Pour le transport de passagers, il faut demander un « congé ordinaire » et déclarer le nom des individus.
215 ADIV, 9B318, intg., 28 déc. 1765 et req., 7 janv. 1766.
216 Ibid., 9B319, règl., 26 avril 1766.
217 Ibid., 9B320, sentence, 26 sept. 1767.
218 Ibid., 9B321, intg., 5 sept. 1768, inf., 12 sept. 1768.
219 Ibid., intg., 11 nov. 1768.
220 Ibid., 9B320, inf., 25 août 1767.
221 Dont la présence aux environs de Saint-Malo n’est pas exceptionnelle sans être non plus très courante ; Noel E., « Noirs et gens de couleur dans les villes de l’ouest de la France au XVIIIe siècle » dans Saupin G. (dir.), Villes atlantiques dans l’Europe occidentale du Moyen Âge jusqu’au XXe siècle, Rennes, PUR, 2000, p. 217-226.
222 ADIV, 9B320, ordre de remise, n. d.
223 Ibid., intg., 15 déc. 1769.
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