1Ni le centre ni le centrisme n’ont été invoqués comme ancrage politique ou idéologique en Grande Bretagne même si, depuis l’entre-deux-guerres, le parti libéral1 en occupe la place et si la gouvernance des grands partis, conservateur et travailliste, s’y est souvent conformée. C’est dire si la revendication par les Travaillistes du New Labour d’un « centrisme radical » comme fondation de leur projet constitue, sinon une rupture, du moins une « révolution tranquille2 » de la politique « à l’anglaise ». Quels en sont les fondements, les formes de mise en œuvre et les fonctions ?

Le centrisme radical : un projet en construction

Centrisme ou recentrage ?

2Au lendemain d’une victoire électorale historique, Tony Blair annonce le 2 mai 1997 : « la Grande Bretagne sera gouvernée au centre3 ». Mais quel centre ?

3D’abord celui qui résulte du recentrage du Labour Party lui-même. Double héritier d’une Constitution maximaliste et d’une pratique réformiste du pouvoir, ce parti s’est engagé, entre 1979 et 1983, dans une dérive gauchiste qui lui a valu échec électoral, désaffection partisane et même scission. D’où un long aggiornamento (1983-1994) qui lui a fait accepter l’économie de marché, la défense nucléaire et l’ouverture à l’Europe. Un processus doctrinal4 qui s’accompagne d’une nette démocratisation des structures partisanes. Désormais il sera possible de stigmatiser l’Old Labour étatiste, dépensier et utopiste sans risquer de briser le parti tout en attirant ses militants et électeurs modérés. À ce premier recentrage s’en ajoute un second, cette fois par rapport au conservatisme néolibéral des Tories, à l’œuvre depuis 1979. T. Blair rejette l’individualisme, le culte de l’argent et l’autoritarisme prôné par M. Tchatcher et J. Major tout en leur reconnaissant le mérite d’avoir réformé l’État, modernisé l’économie, réduit le pouvoir syndical et renforcé l’influence extérieure du pays. Face à la New Right, T. Blair devra donc investir le centre pour mieux reconquérir le pouvoir : la bataille des idées se jouera au cœur de Middle England. C’est dans cet objectif – « changer le pays en changeant sa manière de penser la politique5 » – que va s’élaborer le centrisme radical.

Le centrisme radical comme théorie

4Le projet s’énonce comme une équation : New Britain = New Labour = centrisme radical = 3^e Voie = blairisme. Le centrisme ne se situe pas par rapport à une idéologie définie – par exemple celle, classée au centre du spectre idéologique, des Libéraux-Démocrates-ni par rapport au clivage socialisme/capitalisme, ni même au rapport Travaillisme/Conservatisme mais par rapport aux marges de ces deux partis : « les solutions de la vieille gauche comme celles de la nouvelle droite ne conviennent plus. Nous avons besoin d’un centre radical au coeur de la politique moderne et l’actuel Parti travailliste – New Labour-est à la fois un parti du centre et du centre-gauche6 ». De ce fait le blairisme peut se démarquer des excès des néo-libéraux thatchériens sans s’aliéner les conservateurs modérés tout en exorcisant le spectre des dérives de la gauche militante7 sans rejeter l’électorat travailliste traditionnel8. Pour concilier les centres de chaque parti il importe donc de postuler la suprématie de l’unité : dès 1994 Blair entend faire du Labour « le parti de tout le peuple britannique9 » reprenant ici le thème cher aux Tories de One Nation (« Une seule Nation »). C’est pourquoi, dès 1995, il a obtenu de son parti à la fois qu’il renonce aux thèses maximalistes de sa Constitution, rejetant toute influence marxisante au profit d’une vision très modérée – « le parti travailliste est un parti démocrate-socialiste10 » – et qu’il adhère aux nouveaux postulats, faisant plébisciter par 95 % des militants son manifeste New Labour, New Life for Britain.

5Ce recentrage théorique obtenu, il s’agit de le traduire en terme de stratégie. Celle-ci sera de type réformiste, sous l’habillage novateur de la 3^e Voie. Cette dernière repose sur une attitude d’esprit : « la 3^e Voie n’est pas une nouvelle voie entre les progressistes et les conservateurs. C’est une politique progressiste qui se distingue de tous les conservatismes, de droite ou de gauche11 ». Cette position quasi philosophique permet d’introduire le second concept affiché par le New Labour : le radicalisme. Le radicalisme en Grande Bretagne renvoie à deux notions. D’abord une vision politique : celle qui, de 1870 à 1950, a conduit à l’établissement de la démocratie politique, économique et sociale. Il s’agit donc pour le New Labour de se définir, selon les mots de son principal théoricien, A. Giddens, « comme un projet réformiste de centre-gauche, combinant la prospérité économique durable et la justice sociale, une social-démocratie d’avant-garde12 ». Mais le radicalisme c’est aussi une méthode : une volonté de provoquer un changement des mentalités13 et recourir à l’État pour transformer la société. Cette « révolution tranquille » n’exclut pas le pragmatisme (« Notre gouvernement sera radical. Mais notre définition du radicalisme ne s’inspirera d’aucune doctrine, de droite ou de gauche, elle sera celle de la réussite. Le New Labour est un parti d’idées et d’idéaux mais non un parti inspiré par une idéologie dépassée14 ») mais elle se veut globale voire messianique puisqu’il s’agira « d’une volonté de donner un sens réaliste au monde moderne » et, plus concrètement, de « faire du nouveau siècle, un siècle radical comme le XX^e fut un siècle conservateur15 ».

6Ainsi cerné, le centrisme radical, théorisé dans une 3^e Voie qui joint les idéaux de tous les réformismes antérieurs16 dans une rhétorique de la modernité, peut s’adapter à toutes les situations et à tous les objectifs politiques en légitimant une stratégie dynamique sans se lier les mains par un programme trop rigide dès lors que l’objectif final demeure. Ce projet s’articule autour de trois valeurs : le volontarisme réformateur, le solidarisme progressiste et le messianisme éthique17. En ce sens, le blairisme18, comme on l’a appelé, n’est rien d’autre que le centrisme radical incarné non seulement en la personne de T. Blair lui-même mais aussi au travers de la politique de son successeur à Downing Street, l’autre pilier de la 3^e Voie, G. Brown19. Comment s’est-il traduit dans les faits ?

Le centrisme radical en action (1997-2010)

7« Mon gouvernement entend gouverner pour le bien de la nation tout entière ». Rédigé par T. Blair, le Discours du Trône du 14 mai 1997, énonce les quatre axes de son projet20 :

• moderniser les institutions,
• adapter l’économie à la mondialisation,
• construire une société solidaire fondée sur le plein-emploi, l’éducation et la participation,
• promouvoir le rayonnement du Royaume-Uni à l’extérieur en lien avec l’Europe, les États-Unis et l’ONU.

8Il ne s’agit donc pas d’une simple via media mais d’une philosophie en action : qu’en a-t-il été ?

Au centre du pouvoir : l’État et les institutions

9Parce qu’il place la et le politique au cœur de son action, le blairisme a fait de l’État le symbole et le vecteur de son projet.

10Tout en rétablissant la position et le prestige de la monarchie au centre symbolique du régime, T. Blair s’est attaché au renforcement de l’autorité du Premier ministre pour mieux souder les diverses composantes du parti travailliste aussi bien au sein du gouvernement que de la majorité parlementaire. De même il a œuvré en faveur d’une plus grande représentativité et une plus grande efficacité des Communes et des Lords et d’une réduction du poids de la technocratie administrative en recourant au partenariat public/privé21 (Private Finance Initiative) et à l’externalisation des missions non-régaliennes de l’État22 sans nuire à l’idéal de l’intérêt général.

11Entre centralisation autoritaire et décentralisation fédéraliste, le blairisme a adopté la 3^e Voie de la dévolution. Un Parlement a été rétabli en Écosse, une Assemblée créée au Pays de Galles, un accord politique interconfessionnel négocié en Irlande du Nord (1998-2007), l’administration de Londres recentrée sous l’autorité d’un maire élu, quelques réformes de déconcentration entreprises en Angleterre. Le centrisme s’est traduit par le recours systématique au référendum23 et l’acceptation de gouvernements locaux de coalition en Écosse, en Galles et en Ulster voire d’opposition (Londres, Écosse depuis 2007). C’est ce même souci d’ouverture citoyenne et transpartisane qui se retrouve dans l’introduction de la proportionnelle dans le cadre de circonscriptions locales pour le scrutin européen.

Au centre de la 3^e Voie : politiques économiques et sociales

12La politique économique a été au coeur du centrisme radical puisque son « efficacité garantit la justice sociale ». Le pilotage a d’abord suivi une ligne libérale « ouverte » : quasi-indépendance de la banque centrale, refus de l’emprunt sauf pour l’investissement (« golden rule »), réduction de la fiscalité directe sur les ménages et les entreprises, recours au crédit d’impôt pour les défavorisés, réduction des déficits et de la Dette. La « croissance sans l’euro » a été un succès : hausse du PIB de 810 à 1200 milliards de livres de 1997 à 2007, inflation contenue entre 1,5 et 2,5 %/an et baisse du chômage de 7 à 4 % en termes BIT. Depuis 2007, sous l’impact brutal de la crise mondiale, le centrisme a dû s’orienter dans un sens interventionniste voire keynésien : l’État, abandonnant sa règle d’or, renfloue le système financier et investit dans l’économie, faisant remonter les prélèvements obligatoires tombés à 37 % du PIB en 2002 à 60 % en 2010 et la Dette de 36 % en 2002 à 80 % prévus pour 2014. De même le processus de privatisation, toujours défendu, connaît une pause avec la nationalisation provisoire de plusieurs banques. Le PIB chute en 2008-2009 entraînant hausse du chômage (de 4 à 10 %) et des déficits (12 % du PIB en 2010). Mais, de même que le New Labour s’était refusé à gérer un simple « thatchérisme à visage humain » dans la phase de prospérité des années 1997-2007, il récuse tout retour aux méthodes de managed economy (économie planifiée) de l’Old labour dans la crise qui a suivi. Car ce sont les logiques combinées de la market economy (économie de marché) et de la globalisation qui prévalent, l’objectif étant de maintenir le Royaume Uni au centre de la nouvelle économie mondialisée dont la City de Londres reste le symbole.

13S’il défend l’économie de marché, le blairisme, reprenant la formulant de L. Jospin, se refuse toutefois à instaurer une « société de marché ». D’où des politiques actives menées selon un double principe : encouragement aux initiatives et refus de l’assistance. Une forme de centrisme à mi-chemin du Self Help (prise en charge individuelle) victorien et du Welfare state (État-providence) universaliste du XX^e siècle dont les valeurs s’énoncent ainsi : employabilité, responsabilité, méritocratie et solidarité24. Dans le cadre du programme global Welfare to work, un grand nombre de New Deals – d’inspiration rooseveltienne-ont été développés pour l’emploi, les femmes, les jeunes, les seniors, l’aménagement urbain ou les campagnes. Des mécanismes de lutte contre la pauvreté et pour la qualification25 ont été multipliés tandis que la santé et l’éducation recevaient force investissements et créations massives d’emplois publics. Le tout dans le cadre d’un partenariat patronat/syndicats renouvelé et d’une société « inclusive » qui privilégie l’environnement, la hausse des niveaux de vie, l’épanouissement du citoyen mais aussi la loi et l’ordre26.

Le centrisme radical et la politique extérieure

14La politique extérieure27 a aussi cherché une formule de centrisme radical entre idéalisme éthique et intérêt national28 Au fond une nouvelle manière de replacer le Royaume Uni au centre des trois cercles définis par Churchill – le monde atlantique, le Commonwealth et l’Europe – auxquels on peut ajouter un quatrième, le directoire mondial29.

15Cette diplomatie ambitieuse s’articule sur « la stratégie du pont » qui cherche à faire du Royaume Uni le point de passage entre les États-Unis et l’Europe30, entre l’Europe et le Tiers Monde, entre l’Occident et les pays émergents. D’où les politiques en faveur des droits de l’homme, du droit d’ingérence, du développement durable et les tentatives récurrentes pour faire du centrisme radical blairiste la philosophie de référence de la social-démocratie et du réformisme modernisateur aussi bien en Europe que dans le reste du monde31. D’où, aussi, au nom de ses valeurs morales, les politiques de soutien à l’OTAN, de maintien de l’ordre (Afrique de l’Ouest, ex-Yougoslavie) et les interventions au Kosovo, en Afghanistan et en Irak. C’est cette vision « centriste32 » qui s’est manifestée en Europe où la Grande Bretagne accepte les traités d’approfondissement (Amsterdam, Nice, Lisbonne) comme compensation de l’élargissement, au nom d’une stratégie sélective de l’intégration refusant tout fédéralisme et n’admettant qu’une simple « fédération d’états-nations souverains33 ».

16Telle quelle, la mise en œuvre du centrisme radical semble avoir répondu à sa finalité initiale. Mais, précisément, les ajustements que le projet connaît depuis 2007 amènent à s’interroger sur ses fonctions, ses limites et son sens.

Le centrisme radical en perspective : fonctions, limites et portée

Une machine à gagner les élections et à garder le pouvoir34

17Le centrisme radical a d’abord permis au tandem Blair-Brown de réaliser un triple objectif : refaire l’unité de leur parti, offrir à l’électorat un programme crédible et marginaliser leurs rivaux35. D’où la victoire électorale du 1^er mai 1997 qui donne au New Labour 419 sièges sur 659 contre 165 aux Tories, 46 aux Lib-Dem (les Libéraux-Démocrates) et 28 aux autres partis. Même si le total des voix travaillistes reste moyen – 43,2 % – l’ensemble du vote « centriste » (travailliste et libéral) représente une « majorité d’idées » avec 60 % de l’électorat.

18Dominant la première législature par sa rhétorique et ses réformes, T. Blair avance la date des élections, offrant au pays un nouveau pacte social, « Ambitions for Britain », qu’il place au cœur du projet du Millénaire36. D’où un nouveau triomphe pour le New Labour au scrutin du 7 juin 2001. Alors que les Tories stagnent à 166 sièges, les élus blairistes restent à un haut niveau – 413 élus –, les Lib-Dem progressant à 52 sièges, laissant seulement 27 sièges aux autres partis. Certes les voix travaillistes ont baissé – à 40,7 % – mais le vote centriste se maintient à 59 %.

19Si la crise irakienne ralentit la politique de réformes en profondeur promise (delivery, réalisation des objectifs) et provoque tensions dans le Labour comme dans l’opinion, le centrisme radical reste à l’ordre du jour de la seconde législature sur la base d’un « nouveau consensus progressiste » derechef ratifié, le 5 mai 2005, par l’électorat qui donne 356 sièges (sur 646) au Labour, 197 aux Tories, 62 aux Lib-Dem et 27 aux autres partis. Sans doute plus à gauche que précédemment, le consensus centriste se maintient à 59 % et sera poursuivi après le départ de Blair en juin 1997 par G. Brown37, qui se réclame du centre-gauche38 pour mieux résister à la crise39. En 2010, c’est donc sur une base convergente que se noue la bataille électorale, le « conservatisme compassionnel » des Tories40 n’offrant qu’une variante des thèses du New Labour : désormais, le centrisme radical est devenu le cœur, revendiqué ou subliminal, du spectre idéologique britannique41.

Le centrisme radical : masque opportuniste ou enjeu idéologique caché ?

20« Tout est nouveau. » Ce cri de guerre, lancé par T. Blair en 1997, a permis de faire du néo-travaillisme une stratégie de modernisation sur la base de l’adaptation, de l’expérimentation et de l’innovation. De ce fait le centrisme radical permet de tout justifier et de tout légitimer. D’abord les inflexions « idéologiques » : en 1999, T. Blair lance avec le chancelier allemand G. Schröder un manifeste « social-libéral » (New Labour-Neue Mitte, New Labour-Nouveau Centre) avant de proclamer dès 2003 que « la 3^e Voie c’est la social-démocratie moderne », position que G. Brown reprend à son compte après 200742. Ensuite les échecs, aussi bien électoraux lors des scrutins locaux et du vote européen (1999, 2004, 2009) présentés comme de simples accidents de parcours, que celui de la guerre d’Irak, toujours justifiée au nom des principes43. Enfin les limites des réformes où la présidentialisation l’emporte sur la démocratisation, où la dévolution, réussie dans les franges celtiques, a échoué en Angleterre, où la désindustrialisation prolonge le North/South divide (le clivage Nord-Sud), où les inégalités demeurent ou s’aggravent, où le social-libéralisme rend le pays plus vulnérable que dominateur dans la compétition mondiale, où la place réelle du Royaume Uni sur la scène internationale reste moins forte qu’escomptée, où les fractures sociales persistent malgré les efforts pour réaliser la stakeholder society (société de participation) rêvée par T. Blair.

21Sans minimiser ses responsabilités, le New Labour peut assumer ce bilan mitigé en plaidant l’impact des facteurs exogènes (terrorisme, guerres, crises), la difficulté à changer les mentalités mais aussi l’absence d’alternative idéologique crédible. Il n’y aurait donc ni médiocrité du bilan ni trahison des valeurs ni encore moins échec du projet puisque celui-ci place ses finalités dans l’avenir et dans l’adaptabilité.

22C’est paradoxalement là que se trouvent l’ambiguïté et la force du centrisme radical. Sa force parce qu’il offre simultanément un socle idéologique consensuel au développement démocratique et une méthode pragmatique de gestion adaptable à tous les systèmes comme à toutes les circonstances politiques (« ce qui compte c’est ce qui marche » comme le martèle Blair). Mais c’est là aussi que réside son ambiguïté. En effet, en se révélant comme un discours et une pratique incrémentalistes, le centrisme radical ne masque-t-il pas, sans doute involontairement, un retour au passé plus qu’une démarche d’avenir ? En rejetant les ruptures de la New Right et de l’Old Labour ne se place-t-il de fait dans la ligne du Libéralisme de la fin du XIX^e et du début du XX^e siècle, celle d’un Gladstone ou d’un Lloyd George44 ? Ce faisant le centrisme radical n’aurait-il pas pour « fonction objective », sinon consciente, d’enjamber « le siècle du socialisme » pour renouer avec les problématiques du bipartisme Conservateur/Libéral d’avant 190045 ? Il se placerait ainsi dans la logique élitaire et élitiste qui a dominé l’histoire du Royaume-Uni depuis la Glorieuse Révolution46. C’est aussi ce qui expliquerait son audience auprès des partis réformistes, de gauche comme de droite, en Grande Bretagne comme en Europe. De ce fait, sur fond de rhétorique à propos de la « fin des idéologies » – qui est en elle-même une idéologie – deux questions se posent : le centrisme radical n’appartient-il qu’au seul Labour ? et n’est-il pas, finalement, un simple mode de gestion de la démocratie pluraliste capitaliste, un élément du patrimoine politique de la Grande Bretagne et, au-delà, de tout l’Occident contemporain ?

23Les résultats du 6 mai 2010, en donnant respectivement aux Conservateurs, au Labour et aux Libéraux-Démocrates 306, 258 et 57 élus sur un total de 650, semblent confirmer cette analyse. En élisant un hung Parliament (Parlement sans majorité) les électeurs ont forcé les trois grands partis à se situer au centre du spectre idéologique. En éliminant les Travaillistes, ils ont transmis aux Tories et aux Lib-Dem le soin de trouver une nouvelle synthèse centriste. En donnant à cette inédite coalition (363 sièges et 59 % des voix) mission de redresser le pays et de définir un nouveau pacte institutionnel, ils lui imposent simultanément d’inventer un nouveau radicalisme. Ne faut-il pas voir dans cette situation paradoxale la preuve que le centrisme radical n’appartient à aucun parti mais forme bien – et peut être cela a-t-il été le cas depuis la Glorieuse Révolution – le vecteur essentiel de l’accomodement entre tradition et changement, entre élites et nation, qui est au cœur du « modèle britannique » ?