Les parlementaires, acteurs de la vie provinciale
| , , ,Troisième partie. Les parlementaires entre intérêts privés et enjeux publics
Les magistrats du parlement de Bordeaux devant leur devoir social du Grand Siècle à la Révolution
Texte intégral
- 1 Sur cette crise, parmi les plus sévères du siècle, voir le très beau livre de M. Lachiver, Les ann (...)
- 2 Sur cette lettre, voir l’article de Caroline Le Mao « Un magistrat face à la crise : Duvigier et l (...)
1En pleine crise de subsistances, au cours de l’hiver 16931, le conseiller au Parlement Duvigier s’adressait au Premier Président Lecomte de Latresne pour lui proposer un véritable plan de lutte contre la misère2 :
- 3 AM. Bordeaux, ms. 728, fol. 632, Duvigier au Premier Président, 31 décembre 1693.
« Je commence dans chaque paroisse par faire un état des pauvres, c’est-à-dire de ceux uniquement qui n’étant pas en état de travailler et de gagner leur vie ne pourraient pas vivre sans le secours des aumônes [...] Cela supposé, je fais un état aussi de ceux qui peuvent nourrir les pauvres, et j’en affecte à qui l’un et à qui l’autre, à concurrence de leur fortune. Cela même s’est fait jusques ici du gré et du consentement de ceux qui s’en sont chargés sans que j’aie trouvé une seule opposition3. »
- 4 W. Doyle, Dupaty (1746-1788), a career in the late Enlightenment, Oxford, The Voltaire Foundation, (...)
2Le magistrat prenait ainsi une véritable posture de Procureur Général, poste auquel il devait accéder cinq ans après. Presque un siècle plus tard, le Président Dupaty, symbole du magistrat humaniste, voyait la solution de la misère dans les hôpitaux tels que les avait conçus en Toscane, le duc Pierre-Léopold qui était, pour bien des esprits éclairés, le prototype du Prince des Lumières4 :
- 5 Charles-Marguerite-Jean-Baptiste Dupaty, Lettres sur l’Italie, Paris, 1824, t. I, Lettre XXV, t. I (...)
« Il a trouvé que sa cour lui cachait son peuple : il n’a plus de cour. Il a établi des manufactures... Il a fondé des hôpitaux ; on dirait que les hôpitaux, dans la Toscane, sont les palais du grand-duc. Je les ai visités, et j’ai rencontré partout la propreté, l’ordre, les soins délicats et attentifs [...] Le grand-duc vient souvent visiter ses pauvres et ses malades, et ne néglige pas le bien qu’il a fait ; il n’a pas seulement des mouvements d’humanité : il a même une âme humaine5. »
- 6 Dupaty, op. cit., Lettre XXVI, t. I, p. 129.
3Peu importe l’idéalisation du personnage, à quatre-vingt-dix ans de distance, ces deux magistrats bordelais témoignaient d’une même sensibilité à la pauvreté, mais les remèdes qu’ils envisageaient étaient fondamentalement différents. Duvigier entendait faire face à l’urgence dans une situation de crise et plutôt qu’un impôt supplémentaire toujours mal accepté en période sensible, il en appelait aux aumônes traditionnelles en un siècle où les hôpitaux étaient censés fournir la panacée. En mobilisant les élites rurales, l’idée de Duvigier était en réalité de maintenir les pauvres à la campagne, car sa crainte était bel et bien l’afflux dans les villes de « gueux » attirés par les possibilités d’assistance. L’hôpital qui enthousiasmait Dupaty n’était plus l’hôpital général du siècle de Louis XIV, mais un établissement recommandé par les Lumières où l’hygiène, l’aérisme et les pratiques de soin se développaient traduisant un souci nouveau de la santé qui transcendait la charité : « La mendicité est une des grandes plaies, un des grands crimes des sociétés actuelles. La mendicité est une exposition des hommes » s’enflammait d’ailleurs Dupaty6.
- 7 Selon l’expression de J. Depauw, Spiritualité et pauvreté à Paris au XVIIe siècle, Paris, La Bouti (...)
4Avec deux systèmes de pensée profondément différents, les deux magistrats étaient les dignes représentants d’une institution parlementaire qui devait assumer un rôle d’administrateur de la ville et de la province et en ce sens, le soin des pauvres était pour la cour une mission primordiale. Cette action caritative peut d’abord se mesurer dans ces institutions hospitalières qui apparurent au siècle des Saints et dont Dupaty prônait la multiplication et la modernisation. Mais la charité avait aussi une forme plus traditionnelle et plus discrète, celle qui cherchait à venir en aide au pauvre de Dieu croisé à la porte du couvent ou à la sortie de l’église. Là, le testament peut se révéler un excellent indicateur qui rend possible l’analyse des différents types d’assistance et de saisir les éventuelles conséquences de l’appauvrissement des clauses de piété remarqué dans de nombreuses régions. Cependant, penser aux pauvres en rédigeant son testament, c’est les intégrer dans le grand cérémonial de la mort qui permettait d’éviter les affres du purgatoire. N’y avait-il pas aussi une piété quotidienne, plus insaisissable, encore plus diffuse, mais encore plus signifiante d’une « spiritualité active7 ».
Le magistrat au cœur du dispositif hospitalier de la cité
Fonder les hôpitaux
- 8 Ou encore du dominicain espagnol Louis de Grenade vite traduit en français et qui écrit dans le Mé (...)
- 9 Sur l’hôpital Saint-André, voir l’article de Ph. Loupès « L’hôpital Saint-André de Bordeaux au XVI (...)
- 10 AD. Gir., H, sup., Saint-André, VII A. 1.
- 11 AD. Gir. ibid.
5Pour mieux comprendre l’investissement financier consenti par certains magistrats ou par leurs épouses, il ne faut pas perdre de vue que par sa vocation même, le monde judiciaire était au service du prochain. Dans leurs remontrances, les Parlements mettaient sans cesse en avant l’intérêt commun, « l’utilité du public », que protégeaient les lois. Mais comme les édits ne pouvaient suffire à effacer la misère, il leur revenait d’organiser le secours aux pauvres. À cela s’ajoutait une forte exigence spirituelle telle que la recommandait François de Sales qui faisait de la charité un devoir du riche8. Encore fallait-il, pour fonder un hôpital, une imposante fortune et dans la plupart des cas une absence de descendance directe qui facilitait la démarche. Tel fut le cas du président à mortier Nicolas Boyer qui légua, en 1538, la totalité de ses biens à l’hôpital Saint-André9. L’hôtel-Dieu avait été créé par le chanoine Vital-Carles dès 1390, or il avait prévu qu’il soit administré par la Jurade. Mais les clauses du testament Boyer10 modifièrent cette organisation, car il désignait comme exécuteurs testamentaires MM. Saubat de Pomiès, président des enquêtes au Parlement, Auger de Lanta, conseiller, Bertrand de Lescure, procureur, et Guilhem Boyer, prêtre en Bazadais. Malgré les protestations réitérées des jurats, la cour de Justice s’immisça dans les affaires de l’hôpital et réduisit le patronage de la Jurade à un contrôle nominal. À la fin du siècle, la querelle des fondateurs tourna à l’avantage des parlementaires qui virent cette victoire consacrée par les lettres patentes de janvier 171811.
6La création de l’hôpital général de la Manufacture se déroula en pleine vague de dévotion post-tridentine et la « bienfaitrice » avait pour nom Anne de Tauzia, veuve du conseiller de Brezets. Le chroniqueur Jean de Gaufreteau évoque ainsi son geste :
- 12 J. de Gauffreteau, Chronique bordelaise, t. II, Bordeaux, 1878, p. 77-78.
« La demoiselle de Brezets, veuve d’un conseiller aux requêtes du palais du parlement de Bordeaux, fomente si bien le levain de richesse qu’elle avait pestri du vivant de son mary, qu’elle amasse un grand thresor, se montant à plus de six-vingt mille écus, mais, néanmoins, qui avait creu par des moyens sordides, car elle prestait à la juive, sur gages... À sa mort, estant exhortée et ne sachant à qui restituer ce qu’elle avait usuré de plusieurs, faisant son testament, elle laissa cinquante mille escus à sa niepce et elle baille soixante mille écus pour faire bastir un hospital et le fonder en revenus suffisants, duquel elle entend que monsieur le Cardinal et ses successeurs archevêques soyent les patrons12. »
- 13 AD. Gir., H sup., E1, fol. 1 à 9 ; testament d’Anne de Tauzia dressé le 9 octobre avec codicille d (...)
- 14 Voir sur le rôle exact de Lemercier, la mise au point d’A. Gady, Jacques Lemercier Architecte et i (...)
7Nous sommes ici face à un acte de contrition après l’exercice d’une pratique réprouvée par l’Église si bien que la rédemption n’était accessible que par une œuvre de miséricorde très spectaculaire. L’affaire traîna en longueur, puisque si la donation datait de 162413, ce n’est qu’en 1639 qu’il fut fait appel à l’architecte du Roi, Jacques Lemercier14. Un deuxième legs, tout aussi mirifique, celui d’Olive de Lestonnac en 1650, devait avoir un rôle décisif dans la réalisation du projet :
- 15 Testament intégralement reproduit dans C. Le Mao, D’une régence à l’autre : le Parlement de Bordea (...)
« Et lègue la somme de trente mil livres, une fois payées, aux pauvres de l’hospital des mestiers, en cas qu’il s’establisse et du revenu nourri faire apprendre les pauvres à gagner leur vie et avoir un chapelain qui sera tenu de dire messe dans la chapelle de l’hospital les dimanches et festes à perpétuité15. »
- 16 Sur cette personnalité exceptionnelle de la réforme catholique à Bordeaux voir l’article de C. Le (...)
8Le nom « d’hospital des métiers » était symptomatique de la valeur réparatrice du travail, véritable ascèse qui permettait de faire pénitence. L’hôpital avait pour cela l’aspect d’une manufacture textile puisqu’en 1658, un tapissier faisant du Bergame, fut engagé, puis l’année suivante, un second spécialisé dans le tapis de Turquie. Dans son testament, Olive de Lestonnac avait parfaitement intégré ce mélange d’éléments carcéraux, manufacturiers et conventuels qui faisait toute la spécificité des hôpitaux généraux. Grande figure de la réforme tridentine à Bordeaux, la seconde épouse du Président de Gourgues dispersa ainsi sa fortune en une multitude de fondations pieuses. Elle demanda à être ensevelie en habit de carmélite dans l’église du Carmel de Saint-Joseph et son cœur fut placé près de celui de son époux dans la chapelle du noviciat des Jésuites16.
- 17 AD. Gir., testament de L.-F. de Gombault, ouvert le 18 juin 1699, insinuation 1719, fol. 182.
9Les magistrats étaient convaincus que la structure hospitalière était la plus efficiente pour encadrer les pauvres. En 1699, Léonard François de Gombault laissa 30 000 livres pour la fondation d’un hôpital à Libourne, afin d’y nourrir les pauvres. Outre cette donation, il léguait 6 000 francs aux pauvres de l’hôpital Saint-André, à condition que MM. du Parlement emploient la somme à faire une chambre des « convalescents » au-dessus de celle de M. le Prince, « qu’il faut garnir de tous les ustensiles l’ayant trouvé nécessaire afin que les pauvres malades ne communiquent pas toujours leurs maux à ceux qui survivent17 ». On devine ici l’administrateur des hôpitaux qui tirait les leçons de son expérience de terrain.
- 18 AD. Gir., Dubos, 3 E 15344, 28 octobre 1743.
- 19 AD. Gir., C 4701.
10Quarante ans plus tard, dans un très beau testament, le conseiller Amable-Louis de Bigot invoque toute la cour céleste souhaitant finaliser « l’intention de plusieurs personnes de cette ville dans le dessein où ils sont de procurer des soins aux pauvres quand ils sont atteints de maladies incurables18 ». On mesure ici une évolution dans la conception de l’hôpital qui devait recevoir des malades en l’occurrence affligés de cancers, écrouelles, ulcères et autres maladies irréversibles. Pour cela, le conseiller Bigot donnait une pièce de terre près de la porte Saint-Julien et une somme de 4700 livres qui permettrait de lancer la construction des bâtiments. Conscient de la relative modestie de son apport, il faisait appel à « d’autres âmes charitables » et au cas où l’établissement ne sortirait pas de terre dans les trois ou quatre ans, la somme reviendrait à l’hôpital Saint-André. Il est certain que nous ne sommes pas en présence d’une donation de la même ampleur que les précédentes, mais le conseiller avait trois garçons et deux filles, ce qui limita forcément son ardeur caritative. L’hôpital fut fondé par lettres patentes du souverain, mais en 1753 ses revenus ne dépassaient pas 3000 livres et il ne pouvait accueillir que neuf pauvres19.
- 20 M. Gresset, Gens de justice à Besançon 1674-1789, Paris, Bibliothèque Nationale, 1978, t. 2, p. 63 (...)
- 21 Cl. Coulomb, Les pères de la patrie. La société parlementaire en Dauphiné au temps des Lumières, G (...)
- 22 Ibid. p. 94.
11Le monde judiciaire avait donc largement participé à la mise en place de l’équipement hospitalier bordelais, ce qui se retrouve d’ailleurs dans toutes les villes de Parlement. À Besançon, Maurice Gresset a évoqué la figure du Premier Président Jobelot qui contribua à la construction des nouveaux bâtiments de l’hôpital Saint-Jacques grâce à un legs de 100 000 livres20. Le conseiller Bouthelier de Sermange lui laissa 50 000 livres et choisit d’y mourir en 1752, ce qui était lourd de signification. Cette même année, le conseiller Favière (1680-1758), conjointement avec sa sœur, légua 100 000 livres, ce qui permit d’ouvrir une salle des incurables pour dix hommes et dix femmes qui fait écho à l’action bordelaise du conseiller Bigot. De même à Grenoble, Clarisse Coulomb a remarqué qu’en 1627, parmi les souscripteurs de l’hôpital général, les parlementaires dominaient par le nombre comme par l’importance des dons21. Un siècle et demi plus tard, 60 % des testaments comportaient encore un legs à cette institution charitable et le président Antoine de Murat écrivait que « les gens qui ont du bien ne pouvaient racheter leurs péchés que par l’aumône22 ». En fonction de ce principe, ils furent partout les chevilles ouvrières du mouvement de création hospitalière, mais leur action ne se limitait pas à l’action d’un jour, aussi généreuse fût-elle, ils furent également au quotidien les administrateurs de la pauvreté.
Administrer les hôpitaux
- 23 C. Le Mao, Chronique du Bordelais au crépuscule du Grand Siècle : le Mémorial de Savignac, Bordeau (...)
- 24 A.D. GIr., H, A.I, Hôpital Saint-Louis ou des enfants trouvés.
- 25 C. Le Mao, « Le riche et le pauvre : les magistrats du Parlement de Bordeaux et l’assistance aux p (...)
12Les lettres patentes royales qui rendaient officielle la fondation d’un hôpital général précisaient la composition du bureau de direction. Ces bureaux étaient composés des notables ecclésiastiques et laïcs qui représentaient les principaux corps de ville, mais dans les villes de Parlement, la haute robe l’emportait. Ainsi à Besançon, l’hôpital Saint-Jacques comptait, outre les quatre membres de droit (dont le Premier Président au Parlement et le procureur général), des membres élus parmi lesquels on comptait 47,61 % de gens de justice dont deux tiers d’avocats et un tiers de magistrats. Nous avons vu que les parlementaires bordelais profitèrent au XVIe siècle du legs du président Boyer pour évincer la Jurade. Au XVIIIe siècle, conformément aux statuts de 1736, le bureau composé de dix-huit personnes, comprenait l’archevêque, le Premier Président, quatre conseillers, un « de messieurs les gens du Roi », deux conseillers à la cour des aides, le chantre de la primatiale Saint-André, trois jurats et cinq bourgeois. Il y avait là trois groupes d’importance inégale où ces Messieurs en rouge et noir dominaient largement. L’administration de la Manufacture relevait des mêmes équilibres puisque sur 16 administrateurs, on notait sur le registre de 1691, 7 membres du Parlement, deux jurats, six bourgeois et un syndic. À l’hôpital Saint-Louis qui fut fondé pour les enfants trouvés en 1714 par lettres patentes de Louis XIV, qui le dotait de 8 000 livres, le bureau se tiendrait « chez M. l’Archevêque où il présiderait, et avait nommé les commissaires du Parlement pour y servir pendant trois ans, savoir M. le Premier Président, M. le Président Sabourin, M. de la Chabanne et Constantin, conseillers de la Grand-Chambre, M. Lecomte, conseiller à la première des Enquêtes, M. Leberthon, conseiller à la seconde des Enquêtes et M. le Procureur Général, laissant aux jurats d’élire deux d’entre eux pour servir au dit bureau23 ». Il s’assemblait tous les quinze jours mais à d’autres heures que ceux de la Manufacture et de l’Hôpital Saint-André afin de permettre aux « cumulards » de siéger à plusieurs endroits24. En réalité, en dépouillant les listes de présence pour les années 1691 et 1701, Caroline Le Mao a pu constater une assiduité très variable25. En 1691, les magistrats assistèrent en moyenne à treize réunions par an, tandis qu’en 1701, ce nombre s’élevait à dix-huit. En fait, il semble bien que le Premier Président avait un rôle fondamental à jouer par l’exemplarité de sa présence. Dans le premier cas, Dalon ne jouait pas son rôle car on ne le vit qu’une seule fois tandis que Lecomte de Latresne assista à 24 des 25 réunions, ce qui avait valeur d’émulation pour les autres membres.
- 26 C. Le Mao, « Le riche et le pauvre... », art. cit.
13Le bureau avait une fonction délibérative et décidait collégialement des décisions à prendre concernant la vie de l’hôpital. Il répartissait entre chacun des membres les tâches de gestion et en raison de leurs compétences, les magistrats s’occupaient plus particulièrement des procès du recouvrement des dettes et des loyers ainsi que des bâtiments et de leurs réparations26. Après avoir été nommé administrateur de Saint-André puis de la Manufacture, le conseiller Labat de Savignac nous montre que la fonction était loin d’être une sinécure. Signer les mandements pour l’achat des fagots, vérifier les comptes, contrôler le poids de l’approvisionnement en viande faisaient désormais partie de ses préoccupations quotidiennes :
- 27 C. Le Mao, Chronique du Bordelais..., op. cit., p. 342.
« J’ai fait deux confiscations à l’hôpital Saint-André, l’une d’un quart de bœuf, qu’on avait donné en surpoids du veau, et j’en ai fait donner autant par le boucher. L’autre était d’un quart et demi de veau où le boucher n’avait pas fait le poids », notait-il le 25 février 171427. »
14Le 17 septembre de la même année, il conduit l’inventaire de l’hôpital :
- 28 Ibid.
« J’ai commencé à faire faire en ma présence l’inventaire de l’hôpital Saint-André. J’y ai resté ce matin depuis huit heures jusqu’à six heures du soir que je suis venu souper, excepté le temps du dîner que je suis venu chez moi. Faux, le greffier de l’hôpital travaille avec moi28. »
15Fort de ses compétences, il glisse en 1719 à la Manufacture, où il fait partie des administrateurs les plus assidus et très soucieux de ses prérogatives, ce qui était un trait majeur de son caractère :
- 29 Ibid., p. 597.
« J’ai été à la Manufacture, où je me suis fâché de ce que, sans m’avertir, on avait enseveli dans la cave des sœurs [...] la demoiselle de Laie, pensionnaire de la Manufacture, qui, par son testament, y avait laissé 600 livres à condition qu’elle serait enterrée sous le bénitier, et qu’on ferait dire un certain nombre de messes. Elle m’avait même prié verbalement de veiller à ce que sa volonté fût exécutée29. »
- 30 Ou du moins nous ne l’avons pas retrouvé. Voir à ce sujet la mise au point de C. Le Mao en introdu (...)
- 31 AD. Gir., H.E.4 (Registre).
16Il se montre donc très désappointé que les dernières volontés de la testatrice ne soient pas respectées, mais finit par comprendre que l’église étant construite sur pilotis, tout fossoyage du soubassement entraînait une montée de l ‘ eau dans le chœur. Labat de Savignac devint vraiment un spécialiste des problèmes hospitaliers puisqu’en 1734, alors qu’il ne tenait plus son Mémorial30, il rédige une motion pour que l’on sépare les enfants atteints de scorbut et d’écrouelles des autres enfants et qu’ils soient mis à l’isolement31. Par leurs dons comme par leur investissement humain, les magistrats furent vraiment la « cheville ouvrière » du « Grand renfermement », mais cela signifiait-il pour autant que les images plus traditionnelles du « pauvre de Dieu » et que les aumônes individuelles avaient disparu ? Les testaments, dernier acte de la volonté humaine, peuvent permettre de mesurer une éventuelle évolution.
Le juge et le pauvre à l’heure du jugement dernier
17Les testaments fournissent ici un indicateur statistique commode et il est nécessaire de se demander si l’on peut noter un reflux des actions caritatives entre la fin du XVIIe siècle et la fin du XVIIIe siècle. Avaient-elles pu être emportées par ce reflux des clauses de piété que M. Vovelle discerne en Provence, mais qui a pu être fortement discuté dans d’autres régions ?
Secourir les pauvres à l’époque de la réforme catholique
- 32 Reproduit de C. Le Mao, Les fortunes de Thémis. Vie des magistrats du Parlement de Bordeaux au Gra (...)
18Nous reprendrons ici les grandes conclusions de l’enquête menée par Caroline Le Mao dans sa thèse sur le Parlement de Bordeaux sous Louis XIV, pour laquelle elle a dépouillé 47 testaments32.
Institution |
Nombre d’occurrences |
Montant total |
Montant moyen |
Hôpital Saint-André |
20 |
18215 |
911 |
Manufacture |
14 |
56450 |
4033 |
Pauvres des villes |
33 |
12855 |
390 |
Pauvres des campagnes |
11 |
3216 |
292 |
Prisonniers |
9 |
1285 |
143 |
Filles à marier |
6 |
2040 |
340 |
Total |
93 |
94 061 |
1 011 |
Tableau 1. – Les legs de parlementaires en faveur des pauvres.
- 33 Deux des actes sont des testaments mutuels.
- 34 A. D. Gir., 3 E 8656, fol. 662, ouvert le 09/08/1713.
19Sur quatre-vingt-trois testaments, quarante-trois magistrats et trente-huit épouses, vingt-cinq femmes et vingt et un hommes ont manifesté un souci particulier pour les pauvres33. En se focalisant sur les donations aux pauvres, deux types de charité peuvent être distingués : l’assistance aux pauvres des paroisses et les legs aux institutions hospitalières. Ces derniers sont logiques car on était en plein essor et les hôpitaux généraux représentaient l’institution fondamentale de la politique officielle d’assistance à laquelle adhéraient les parlementaires. Mais il est très intéressant de constater que la paroisse restait un cadre privilégié de l’assistance et le curé, le père de « ses pauvres », car il avait une parfaite connaissance de la situation de ses paroissiens. Ces legs concernaient d’abord la ville, mais la campagne où de nombreuses familles possédaient un manoir seigneurial n’était pas oubliée. On note l’existence de formes particulières de legs, comme la dotation faite à des jeunes filles à marier. Là encore, Olive de Lestonnac se montra la plus généreuse, puisqu’elle prévoyait treize legs de 30 livres chacun pour marier des jeunes filles pauvres, de même que Catherine de Fages qui léguait 400 livres pour marier quatre orphelines, dont sa servante34. Si la valeur moyenne des legs est de 2000 livres, elle est nettement « tirée vers le haut » par quelques dotations attribuées aux hôpitaux dont le niveau moyen est très supérieur aux aumônes paroissiales. La charité faite dans le cadre de la paroisse mettait plutôt en jeu de petites sommes, entre 200 et 500 livres, mais elle était bien souvent le seul recours de la misère « silencieuse ».
Les pauvres dans les testaments du Siècle des Lumières
- 35 Malheureusement, le testament, passé chez le notaire Rauzan et inscrit au contrôle des actes, a di (...)
20Quand on parcourt le chroniqueur François de Lamontaigne, la première impression est celle d’une charité qui restait à un haut niveau, fondamentale dans le système d’assistance d’Ancien Régime. Le 14 janvier 1766, il note que « sur dix heures du matin, est morte à Bordeaux, sur la paroisse Saint-Siméon, Madame la présidente Léoville, veuve du feu M. Blaise Antoine-Alexandre de Gascq, président à mortier au Parlement [...] Elle était âgée de 70 ans et n’a point eu d’enfants de son mariage. Elle a laissé en mourant environ 1 500 000 livres de bien, dont 500 000 livres de mobilier. Elle a fait ses héritiers MM. de Labadie ses neveux, et a laissé une immensité de legs et surtout des legs pies très considérables35 ». L’année suivante, le 28 mars 1767, il signale le décès de Pierre-François de Lassalle de Roquefort, chevalier d’honneur au Parlement qui s’éteignit lui aussi sans enfant et à la tête d’une fortune considérable. De son testament, se dégage une très grande ferveur religieuse qui le tenait à l’écart des remises en cause des Lumières. L’invocation aurait pu être rédigée un siècle plus tôt tant elle apparaît d’une parfaite orthodoxie post-tridentine :
- 36 AD. Gir., Palotte, 3 E 15474, 2 avril 1767.
« Je recommande mon âme à Dieu le père tout-puissant, à Jésus-Christ, son cher fils notre divin sauveur et au Saint-Esprit, un seul Dieu en trois personnes, le priant de me pardonner mes péchés, priant aussi la glorieuse Vierge Marie, Saint-François mon patron, mon bon ange gardien et tous les Saints et Saintes du paradis d’intervenir pour moi auprès de Dieu pour qu’il me fasse miséricorde36. »
21La débâcle du grand cérémonial de la mort décrite par Michel Vovelle, ne concernait guère notre conseiller qui assuma avec largesse son devoir de bienfaisance. Le jour même de son décès, il fit distribuer aux pauvres de la paroisse Puy-Paulin la somme de 300 livres, puis il leur légua 2000 livres et une même somme qui fut spécifiquement allouée à la fabrique. C’est donc 4300 livres qui étaient consacrées aux bonnes œuvres, mais on ne saurait tirer trop d’enseignements d’un cas particulier. Dans notre thèse, l’étude sur les clauses testamentaires concernait l’ensemble du groupe nobiliaire entre 1770 et 1789.
- 37 M. Figeac, Destins de la noblesse bordelaise (1770-1830), Bordeaux, FHSO, 1996, t. 1, p. 218.
Tableau 2. – Legs pieux dans la noblesse bordelaise (1770-1789)37.
22Pour près de 44 % des nobles de nos testaments, il serait inconcevable de quitter le monde sans faire esprit de charité, en oubliant les pauvres de Dieu, les incurables des hôpitaux ou les enfants trouvés. À partir de là, nous avons extrait les testaments des seuls parlementaires pour préciser leur comportement par rapport aux autres nobles.
23Ce premier tableau est lumineux car on voit que ce sont incontestablement les parlementaires qui assument avec la plus grande constance leur devoir social. Pour 73 % d’entre eux, il serait inconcevable de partir du monde sans penser aux pauvres, conçus comme des médiateurs pour éviter le purgatoire, car on réclame leur présence au moment des funérailles. La confrontation avec les membres de la cour des aides et du bureau des finances est ici éclairante puisque 62 % des testaments ne comprennent pas le moindre legs et nous sommes en présence de testaments extrêmement simplifiés, où seules les clauses de dévolution des biens motivent l’acte. Les seuls à penser à leur devoir de charité, comme le trésorier de France Bouchereau de Saint-Georges, ne laissent que des sommes modestes, autour de 100 livres. Il y a là un véritable décalage entre les parlementaires et les deux autres cours dans leur recrutement, dans les revenus de leurs membres, mais aussi dans leur engagement dans les réseaux sociaux de la ville qui ne manque pas d’interroger dans la mesure où on le rencontre dans d’autres domaines.
24Le détail des legs aux hôpitaux et leur montant moyen, comparé à l’étude de Caroline Le Mao, un siècle plus tôt, réserve aussi de nombreuses surprises.
Destinataire du legs |
Nombre d’occurences |
Montant total (livres tournois) |
Montant moyen (livres tournois) |
Rappel du montant moyen dans l’étude de C. Le Mao |
Pauvres des villes |
12 |
5400 |
450 |
390 |
Pauvres des campagnes |
22 |
10650 |
484 |
292 |
Hopitaux |
||||
Indéterminé |
1 |
1000 |
||
Saint-André |
3 |
1600 |
911 |
|
Incurables |
4 |
1200 |
||
Manufacture |
3 |
1600 |
||
Enfants trouvés |
5 |
1200 |
4032 |
|
Total hôpitaux |
16 |
7600 |
475 |
|
Non chiffrable |
2 |
Tableau 4. – Les legs des parlementaires en faveur des pauvres (1770-1789).
- 38 M. Vovelle, Piété baroque et déchristianisation en Provence au XVIIIe siècle, Paris, Plon, 1973, p (...)
25Au début du siècle, les généreux donateurs préféraient diriger leurs dons vers les institutions hospitalières qui se limitaient à l’époque à la Manufacture et à l’Hôtel-Dieu, mais il ne faut pas vraiment s’en étonner dans la mesure où la monarchie avait fait porter son effort dessus et les élites étaient alors persuadées d’y trouver la solution à la misère. Un siècle plus tard, les dons, tant quantitativement que qualitativement, semblent connaître un total effondrement, même si les enfants trouvés et les incurables, qui sont les deux dernières fondations, retiennent l’attention de certains nobles. On est, en tout cas, aux antipodes du schéma provençal décrit par Michel Vovelle, selon lequel l’hôpital aurait supplanté le don direct aux pauvres38. À Bordeaux, le pauvre honteux n’avait pas éclipsé le pauvre de Dieu et ce dernier restait l’un des bénéficiaires privilégiés de la bienfaisance. Pour ne pas en rester à un échantillon statistiquement limité, nous avons cherché à repérer les legs hospitaliers dans la série H. Là encore, les sources sont lacunaires et elles privilégient les donations les plus spectaculaires, ce qui entraîne une démarche quantitative. Il n’empêche que l’effondrement généralisé du nombre de bienfaiteurs se trouve pleinement confirmé.
Valeurs en livres |
1650-1700 |
1700-1750 |
1751-1789 |
Plus de 19 200 |
1 |
1 |
1 |
9600-19189 |
1 |
1 |
1 |
4800-9599 |
0 |
2 |
0 |
2400-4799 |
0 |
2 |
1 |
1600-2399 |
1 |
4 |
0 |
800-1599 |
2 |
3 |
1 |
400-799 |
1 |
2 |
0 |
200-399 |
1 |
3 |
0 |
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3 |
1 |
0 |
0-99 |
0 |
0 |
0 |
Tableau 5. – Dons de parlementaires aux hôpitaux repérés dans les séries hospitalières.
- 39 AD. Gir., Série H, VII. E. 2, 1766.
- 40 AD. Gir, Série H, VII, E. 6, État des revenus, 1787-1789.
26Il reste encore quelques legs très importants comme celui, signalé par Lamontaigne, de la présidente de Léoville qui laissa 10 000 livres à l’hôpital Saint-André, à charge pour les pauvres d’écouter un De profundis pendant dix ans, une fois par mois39 ! En revanche, tous les legs moyens semblaient s’être évanouis et on comprend mieux les difficultés financières que traversaient les structures hospitalières, dans la mesure où de généreux bienfaiteurs étaient nécessaires à leur équilibre financier. En 1788, l’hôpital Saint-André présenta ainsi 89 000 livres de recettes pour 106 000 livres de dépenses, parmi lesquelles les achats de viande atteignaient 28 000 livres. Le déficit était donc cette année là de 17 000 livres40.
- 41 AD. Gir., Duprat, 3 E 5594, le 14 septembre 1778.
- 42 AD. Gir., Duprat, 3 E 5594, le 9 septembre 1778.
27La deuxième constatation essentielle est la confirmation que le cadre paroissial restait primordial en termes de secours aux pauvres. Le curé, qui était celui qui connaissant le mieux les misères tant matérielles que morales, restait le principal dispensateur des aumônes distribuées aux plus humbles de ses pauvres. Il n’est d’ailleurs pas exclu que le haut niveau du clergé paroissial après la Réforme catholique ait pu jouer dans les rapports de confiance qui s’établissaient avec le seigneur. À ce titre, on voit que la seigneurie rurale était loin d’être oubliée puisque les legs moyens étaient même en très forte augmentation depuis la fin du XVIIe siècle (+ 39,6 %). Cela confirme que les parlementaires entretenaient des liens très forts avec leurs seigneuries viticoles du Médoc, du Sauternais ou de l’Entre-deux-Mers. Cette influence foncière et sociale sur le plat pays n’avait d’ailleurs fait que se développer et les legs en sont ici le parfait reflet. Jean-François de Filhot laisse par exemple « 100 livres aux pauvres de la paroisse de Sauternes distribués selon les besoins et par priorité aux gens travaillant avec lui41 ». Le conseiller Gabriel Barthélémy de Basterot se montre encore plus généreux avec ses gens des paroisses mi-viticoles, mi-marécageuses du Bas-Médoc. Les pauvres de Jau, Loirac et Vignac profitent de la somme de 1000 livres, ceux de Talais, Valeyrac et Saint-Vivien 100 livres à chacune et ceux de Saint-Estèphe 1000 livres. Les variations s’expliquaient bien sûr par les différences de superficie dans chacune d’entre elles42.
28Néanmoins, en constatant l’appauvrissement assez généralisé des clauses pieuses dans les testaments, l’historien doit faire la part des choses et s’interroger sur l’évolution de la source, plutôt que de conclure systématiquement, comme cela a été trop souvent fait, à une déchristianisation.
Le testament une source fiable pour mesurer la charité individuelle ?
- 43 AD. Gir., Troupenat, le 22 janvier 1789.
- 44 AD. Gir., Banchereau, 3 E 26 620, le 13 juillet 1787.
29Ce recul des dons, certes limité chez les parlementaires qui avaient une haute conscience de leur devoir social, mais généralisé dans d’autres milieux, questionne quand même sur l’évolution de la pratique testamentaire. C’est ainsi que le conseiller Pierre de Lajaunye recommande à sa veuve de « répandre soudain après son décès des aumônes abondantes dans le sein des pauvres », or nous n’en avons qu’un très faible écho dans les clauses prévues à cet effet43. À l’évidence, la confiance à l’égard des proches, que cela soit le conjoint ou les enfants, s’est développée et l’on éprouve beaucoup moins la nécessité de spécifier avec une minutie de détail, les clauses dans ce domaine. De toute façon, la charité ne saurait se réduire au testament, car elle était souvent la pratique de toute une vie et le testateur n’attendait pas cet acte ultime, à l’image du conseiller de Biré qui vendit, en 1787, une maison d’une valeur de 10 000 livres en faveur de l’hôpital Saint-Joseph de la Grave44.
30Il y a à l’évidence une marge entre la pratique quotidienne et un acte souvent rédigé dans les derniers jours d’une vie et cela même s’il a fait l’objet d’une réflexion préalable approfondie. Cet écart est d’ailleurs mesurable quand on connaît bien les actes et la personnalité de celui qui dicte ses dernières volontés, comme c’est le cas avec le Premier Président du Parlement de Bordeaux, André-François Leberthon. Les clauses de son testament, ouvert le 11 août 1766, se présentaient ainsi pour l’assistance aux pauvres :
- 45 AD. Gir., 3 E 17582, Perrens, ouvert le 11 août 1766.
« Je donne aux dames de la charité de Saint-Éloy trois cents livres pour être employées aux besoins des pauvres de la dite paroisse ainsi qu’elles le jugeront à propos.
Je lègue pareille somme de trois cents livres à chacun des hôpitaux de la manufacture et de Saint-Louis, priant les pauvres qui seront alors dans les dites deux maisons de se souvenir de moi dans leurs prières.
Je donne cent cinquante livres aux pauvres de Virelade pour être employées aux besoins les plus urgents des plus nécessiteux soit pour leur subsistance, soit pour leur habillement ainsi que M. le curé aura la bonté de régler ; je fais un legs semblable aux pauvres de Podensac et la même prière à Monsieur le curé de la dite paroisse.
Je veux que dans l’année de ma mort, il soit fait distribué aux pauvres de chacune des paroisses de Saint-Philippe d’Aiguilhe et de Saint-Genès, dix boisseaux de méture mesure de Castillon, priant les curés des dites paroisses de faire cette distribution de concert avec celui qui régira ma maison d’Aiguilhe et terre de Castillon et je veux que la même aumône soit continuée dans les dites deux paroisses l’année d’après mon décès45. »
- 46 BM. de Bordeaux, B. 3910/3, Éloge d’André-François Benoît Leberthon par M. l’abbé Roy, 1767 et B. (...)
31Les pauvres de la paroisse, les pauvres des hôpitaux et ceux des différentes seigneuries... La médiation des dames de la Charité en ville, des administrateurs des hôpitaux et des curés pour organiser les distributions à ceux qui étaient dans le besoin. Les pauvres intercesseurs du défunt par leurs prières... Ici tout est dit, tout est résumé. Et pourtant, la somme globale atteint 1150 livres sans compter les boisseaux de méture alors que dans le même temps les odes et les discours prononcés à sa mort par l’avocat Garren ou par l’abbé Roy vantaient sa générosité et sa grandeur d’âme46. Faut-il tout réduire à l’acte d’un jour et n’y aurait-il pas une pratique quotidienne de la charité, celle que le testament ne saurait restituer, d’autant plus qu’il semble bien que l’acte avait commencé à évoluer dans sa nature, évolution que la Révolution allait précipiter ?
La charité au quotidien : un acte insaisissable ?
Les leçons du Mémorial de M. de Savignac
32Le souci des pauvres était donc particulièrement présent dans les dernières heures de la vie, mais les legs testamentaires ne constituaient pas la seule implication auprès des humbles. La charité au quotidien reste, bien sûr, impossible à quantifier, mais les ego-documents peuvent néanmoins permettre d’en mesurer l’importance et au moins de saisir les moments favorables. Une fois de plus, le Mémorial de Labat de Savignac met en évidence les temps forts de l ‘ assistance aux pauvres pour un conseiller ordinaire de la Cour. Les grandes fêtes religieuses étaient évidemment une manne pour le déshérité, notamment la semaine pascale :
- 47 Mémorial de Savignac, op. cit., le 30 mars 1709, p. 41.
« Le jour des Rameaux, on va à l’offrande au plat aussi bien qu’à celui des marguillers. Le jour du Jeudi Saint, on donne à l’offrande, aux marguillers et aux quêteuses ; le Vendredi Saint, à l’adoration de la Croix seulement, on donne au plat pour le curé. Le Samedi Saint, on ne va ni à l’offrande, ni on ne donne aux marguillers et le Jour de Pâques, on va à l’offrande et l’on donne aux marguillers47. »
33Les périodes de crise activaient la solidarité des élites, à l’image du grand hiver 1709, où la Cour montre l’exemple :
- 48 Ibid., le 15 février 1709, p. 74.
« Il fut donné un arrêt par lequel il était enjoint aux jurats de renfermer tous les pauvres dans l’hôpital de la Ladrerie et de taxer pour cet effet les manants et habitants de la ville, et il fut résolu que la cour, pour donner l’exemple, se cotiserait elle-même et que pour quatre mois, cela irait à 8 écus par tête48. »
34Le parlementaire secourait les miséreux de sa paroisse urbaine mais, comme nous l’avons vu dans les testaments, il accordait un égal intérêt à la paroisse rurale, car il s’agissait d’éviter que les pauvres ne se précipitassent dans la grande ville :
- 49 Mémorial de Savignac, op. cit., le 1er janvier 709, p. 110.
« Ma mère a reçu des lettres de Savignac par lesquelles on lui mande que l’on a fait une assemblée pour se cotiser, qu’il y a bien des gens qui n’ont voulu rien donner et que M. le curé dudit lieu, qui est celui qui écrit s’est chargé de dix familles de pauvres et l’en a chargée d’autant49. »
- 50 C. Le Mao, « Le riche et le pauvre... », art. cit., p. 294-295.
35À la campagne, le curé apparaissait réellement comme le rouage essentiel de la charité et comme le régulateur des aumônes. La difficulté des temps était bien ici le ressort de l’action charitable et la mère du conseiller de Savignac n’oubliait jamais les gens de son domaine dans ces circonstances. « Il apparaît donc qu’en période de crise, les institutions hospitalières ne suffisaient pas, et que le maintien des diverses formes de charité assure, bien plus qu’une concurrence, une indispensable complémentarité », souligne, en conséquence, Caroline Le Mao50. Ceci dit, ces aumônes n’étaient pas seulement le fait des temps de crise et l’on surprend notre conseiller laisser dix livres au moment d’une quête d’avril 1718, acte gratuit et anonyme dont le plus précis des livres de compte ne saurait conserver la mémoire. Ces gestes de bienfaisance correspondaient à une action quotidienne de la part du seigneur et ils pouvaient prendre des formes variées. Usant de son influence, il n’hésitait pas à faire jouer ses appuis dans la capitale de la province, ce qui permettait de secourir les plus déshérités par des allègements fiscaux précieux en temps de crise :
- 51 Mémorial de Savignac, op. cit., le 13 juin 1709, p. 112. 51. Ibid., le 30 juin 1718, p. 560.
« 13 juin 1709 : Je fus aujourd’hui voir le sieur intendant qui m’a promis de rabaisser la taille de la paroisse de Savignac et même de leur faire donner une portion des aumônes que le roi donne pour la province51. »
- 52 Talleyrand, Mémoires, 1754-1815, Paris, Plon, 1982, p. 36-38. C’est l’un des plus beaux textes sur (...)
36Cette figure du seigneur bienveillant s’exprimait tout aussi bien quand il décida d’envoyer le jeune enfant d’un de ses tenanciers se soigner de la teigne à l’hôpital Saint-André. Les formes traditionnelles de la charité perduraient en ce début du XVIIIe siècle et si malheureusement, nous n’avons pas un document équivalent pour la fin du siècle, les réactions de nombreux paysans protégeant leur seigneur ou ses biens durant la Révolution, semblent prouver qu’elles avaient persisté dans nombre d’endroits et que la grand-mère de Talleyrand n’était pas la seule à pratiquer le paternalisme seigneurial52.
L’encadrement des pauvres dans la ville : une tâche de proximité pour les femmes de magistrats
- 53 V. Darnat, Un curé bordelais à la fin de l’Ancien Régime, Jean-Baptiste Barberet, vicaire perpétue (...)
- 54 AD. Gir., G 24-03, 10, paroisse Saint-Christoly.
- 55 Ibid.
37Là encore Savignac nous met sur la voie en consignant les mille et un faits de sa vie quotidienne. Il indique à plusieurs reprises que les associations de dames de la charité, qui pratiquaient l’assistance à domicile, étaient la plupart du temps sous la responsabilité des épouses de parlementaires. À Sainte-Eulalie, la supérieure du groupe était l’épouse du conseiller de Pontac et, en 1718, Madame de Savignac remplace Madame Leberthon à la tête des dames de la charité de la paroisse Saint-Éloi. Cette action de proximité serait aisée à vérifier si nous avions conservé les documents dans les archives paroissiales de la série G, ce qui n’est malheureusement pas le cas, à l’exception de quelques documents lacunaires dans la paroisse Saint-Christoly, au cœur de la ville, au temps où le curé Barberet exerçait son ministère53. À l’occasion du renouvellement de ses statuts en 1783, la société de Saint-Christoly divise les tâches entre d’une part « les Dames recommandables par leur naissance et leurs vertus », qui constituent le bureau, et d’autre part, les « dames subsidiaires ou dames adjointes, qui seront prises dans la classe honnête, mais inférieure et qui seront préposées pour remplir les différents objets auxquels les dames du bureau ne pourront pas vaquer elles-mêmes54 ». « Elles visiteront les pauvres et les malades dans les quartiers qui leur seront désignés pour rendre compte ensuite de leur situation et de leur détresse à la dame trésorière55. » La liste des personnes choisies confirme bien que la noblesse était absente de cette tâche de terrain et qu’elle se contentait de donner des directives au niveau du bureau. Il y a là une évolution, car les femmes de magistrats s’impliquaient directement au Grand Siècle. Faute d’autres sources paroissiales, on ne peut pas cependant tirer de conclusions définitives de ce seul exemple. Ceci dit, le quadrillage rue par rue était d’une parfaite efficacité et permettait de distribuer des aumônes en argent, des faissonnats, du bouillon, du pain, de la viande et des remèdes. Le pain, qui représentait la moitié de la dépense était destiné aux pauvres valides tandis que la viande était réservée aux malades. Les remèdes ne coûtaient pas très cher (1/5 des dépenses), car les dames avaient su s’attacher les services du Frère Placide, apothicaire chez les Carmes, dont le talent était connu de toute la ville. Une lettre de 1790 adressée au district par le curé de la paroisse et la trésorière symbolise dès les débuts de la Révolution le démantèlement de tout le système d’assistance :
- 56 AD. Gir., G 2403, paroisse Saint-Christoly.
« Le frère Placide apothicaire du couvent des petits Carmes de cette ville et depuis plus de vingt ans des pauvres, par le décret de suppression des ordres religieux est à la veille de ne pouvoir plus servir nos pauvres et leur procurer tous les remèdes dans leurs maladies qu’il leur a fournis jusqu’à ce jour à notre satisfaction à un tiers moins qu’on ne les paye partout56. »
- 57 Sur lequel on pourra lire le livre d’A. Forrest, La Révolution française et les pauvres, Paris, Pe (...)
38Le but était de lui permettre de poursuivre son activité dans son laboratoire, mais ce fut en pure perte. La même année, l’Assemblée supprimait les parlements, il faudrait réinventer tout un système57.
39Soit en aidant les plus pauvres de leurs compatriotes, soit en mettant leurs compétences administratives et juridiques au service des institutions d’assistance, soit en prenant des arrêts pour lutter contre la misère et la famine, les magistrats eurent d’un bout à l’autre la conviction d’assumer leurs responsabilités à l’égard des membres les plus défavorisés de la communauté chrétienne. Certes, par le caractère spectaculaire des fondations, par l’investissement humain auprès des pauvres, le Grand Siècle avait atteint son acmé dans le domaine de la charité privée, mais il y a là trois raisons à l’origine de ces hautes eaux pour l’aide apportée aux plus humbles. La force de la piété tridentine est visible partout dans la ville et elle fait de la lutte contre la pauvreté un de ses combats quotidiens. Par ailleurs, l’ampleur des crises de famine, la présence de la maladie et de la mort sensibilisent les élites à leur devoir social. Enfin, on croit saisir dans les hôpitaux généraux une panacée, ce qui explique l’abondance des dons dont ils bénéficient de la part de pieux fidèles. Au siècle des Lumières, le pauvre reste très présent dans les préoccupations des élites judiciaires qui, à la différence d’autres catégories, continuent à assurer leur devoir social. Certes, les dons aux hôpitaux marquent un recul très sensible, mais relier cela à une éventuelle déchristianisation ne serait pas une bonne problématique. À la veille de la Révolution, le « pauvre de Dieu » est encore très présent, car pour les plus croyants, il reste un intercesseur majeur et pour les plus sceptiques la philanthropie a pris le relais de la charité traditionnelle. En revanche, il faut quand même s’interroger sur la nature même du testament avec lequel on essaie de saisir les actes de charité. On trouve encore chez quelques individualités ces beaux testaments baroques en forme de profession de foi, mais ne sont-ils pas autant de butte-témoins d’une manière de vivre sa foi qui a changé, car les temps ont changé ?
Notes
1 Sur cette crise, parmi les plus sévères du siècle, voir le très beau livre de M. Lachiver, Les années de misère. La famine au temps du Grand Roi, (1680-1720), Paris, Fayard, 1991.
2 Sur cette lettre, voir l’article de Caroline Le Mao « Un magistrat face à la crise : Duvigier et la “gestion de la pauvreté” en Bordelais en 1693 », à paraître dans les Mélanges Ch. Lamarre, Université de Bourgogne, courant 2012.
3 AM. Bordeaux, ms. 728, fol. 632, Duvigier au Premier Président, 31 décembre 1693.
4 W. Doyle, Dupaty (1746-1788), a career in the late Enlightenment, Oxford, The Voltaire Foundation, 1985, p. 82 et suiv.. Sur Les lettres sur l’Italie, voir notre article « Promenade italienne en forme de réflexion politique : Les Lettres sur l’Italie du Président Dupaty » Pouvoirs, contestations et comportements dans l’Europe moderne, Mélanges Y.-M. Bercé, PUPS, 2005, p. 841-859, p. 857.
5 Charles-Marguerite-Jean-Baptiste Dupaty, Lettres sur l’Italie, Paris, 1824, t. I, Lettre XXV, t. I, p. 99-100.
6 Dupaty, op. cit., Lettre XXVI, t. I, p. 129.
7 Selon l’expression de J. Depauw, Spiritualité et pauvreté à Paris au XVIIe siècle, Paris, La Boutique de l’Histoire, 1999, p. 71 sq.
8 Ou encore du dominicain espagnol Louis de Grenade vite traduit en français et qui écrit dans le Mémorial de la vie chrétienne, Œuvres complètes, Paris, 1628, Col. 1585 : « L’homme de bien embrasse de grande dévotion toute occasion qui lui est offerte d’avoir Dieu présent en ses créatures pour lui faire honneur et service et tient à grande grâce et heureuse providence d’avoir des pauvres autour de soy puisque Dieu est en eux et que par leur moyen, la voye lui est ouverte de pouvoir servir et recevoir en sa maison celuy qui peut despartir toutes sortes de biens. »
9 Sur l’hôpital Saint-André, voir l’article de Ph. Loupès « L’hôpital Saint-André de Bordeaux au XVIIIe siècle », Revue Historique de Bordeaux, 1972, p. 79-111.
10 AD. Gir., H, sup., Saint-André, VII A. 1.
11 AD. Gir. ibid.
12 J. de Gauffreteau, Chronique bordelaise, t. II, Bordeaux, 1878, p. 77-78.
13 AD. Gir., H sup., E1, fol. 1 à 9 ; testament d’Anne de Tauzia dressé le 9 octobre avec codicille des 26 janvier 1620 et 18 février 1624.
14 Voir sur le rôle exact de Lemercier, la mise au point d’A. Gady, Jacques Lemercier Architecte et ingénieur du Roi, Paris, Éditions de la MSH, 2005, p. 439.
15 Testament intégralement reproduit dans C. Le Mao, D’une régence à l’autre : le Parlement de Bordeaux et ses magistrats au temps de Louis XIV (1643-1723), Thèse dactyl., Université de Bordeaux 3, octobre 2005, t. III, Annexes, p. 440. Voir l’original aux AD. Gir., H 2765, 30 mars 1650.
16 Sur cette personnalité exceptionnelle de la réforme catholique à Bordeaux voir l’article de C. Le Mao, « Une redoutable femme d’affaires : la première présidente Olive de Lestonnac (1572-1652) », Annales du Midi, 2006, vol. 118, p. 11-29.
17 AD. Gir., testament de L.-F. de Gombault, ouvert le 18 juin 1699, insinuation 1719, fol. 182.
18 AD. Gir., Dubos, 3 E 15344, 28 octobre 1743.
19 AD. Gir., C 4701.
20 M. Gresset, Gens de justice à Besançon 1674-1789, Paris, Bibliothèque Nationale, 1978, t. 2, p. 631.
21 Cl. Coulomb, Les pères de la patrie. La société parlementaire en Dauphiné au temps des Lumières, Grenoble, PUG, 2006, p. 92-95.
22 Ibid. p. 94.
23 C. Le Mao, Chronique du Bordelais au crépuscule du Grand Siècle : le Mémorial de Savignac, Bordeaux, PUB et Société des Bibliophiles de Guyenne, Pessac, 2004, p. 363.
24 A.D. GIr., H, A.I, Hôpital Saint-Louis ou des enfants trouvés.
25 C. Le Mao, « Le riche et le pauvre : les magistrats du Parlement de Bordeaux et l’assistance aux pauvres au siècle de Louis XIV », Les espaces locaux de la protection sociale, Études offertes au Professeur Pierre Guillaume, Paris, Comité d’Histoire de la Sécurité Sociale, 2004, p. 279-301.
26 C. Le Mao, « Le riche et le pauvre... », art. cit.
27 C. Le Mao, Chronique du Bordelais..., op. cit., p. 342.
28 Ibid.
29 Ibid., p. 597.
30 Ou du moins nous ne l’avons pas retrouvé. Voir à ce sujet la mise au point de C. Le Mao en introduction de la publication du Mémorial, op. cit., p. 24.
31 AD. Gir., H.E.4 (Registre).
32 Reproduit de C. Le Mao, Les fortunes de Thémis. Vie des magistrats du Parlement de Bordeaux au Grand Siècle, Pessac, FHSO, 2006, p. 322.
33 Deux des actes sont des testaments mutuels.
34 A. D. Gir., 3 E 8656, fol. 662, ouvert le 09/08/1713.
35 Malheureusement, le testament, passé chez le notaire Rauzan et inscrit au contrôle des actes, a disparu du minutier. F. de Lamontaigne, Chronique bordelaise, Bordeaux, Gounouilhou, 1926, p. 102.
36 AD. Gir., Palotte, 3 E 15474, 2 avril 1767.
37 M. Figeac, Destins de la noblesse bordelaise (1770-1830), Bordeaux, FHSO, 1996, t. 1, p. 218.
38 M. Vovelle, Piété baroque et déchristianisation en Provence au XVIIIe siècle, Paris, Plon, 1973, p. 357-360.
39 AD. Gir., Série H, VII. E. 2, 1766.
40 AD. Gir, Série H, VII, E. 6, État des revenus, 1787-1789.
41 AD. Gir., Duprat, 3 E 5594, le 14 septembre 1778.
42 AD. Gir., Duprat, 3 E 5594, le 9 septembre 1778.
43 AD. Gir., Troupenat, le 22 janvier 1789.
44 AD. Gir., Banchereau, 3 E 26 620, le 13 juillet 1787.
45 AD. Gir., 3 E 17582, Perrens, ouvert le 11 août 1766.
46 BM. de Bordeaux, B. 3910/3, Éloge d’André-François Benoît Leberthon par M. l’abbé Roy, 1767 et B. 1179/11, Lettre Monsieur *** à Monsieur Garren, avocat, au sujet de l’épitaphe de Monsieur Leberthon, Premier Président au Parlement de Guyenne et d’un Discours à son ombre par M. Sicard de la Morere (1766).
47 Mémorial de Savignac, op. cit., le 30 mars 1709, p. 41.
48 Ibid., le 15 février 1709, p. 74.
49 Mémorial de Savignac, op. cit., le 1er janvier 709, p. 110.
50 C. Le Mao, « Le riche et le pauvre... », art. cit., p. 294-295.
51 Mémorial de Savignac, op. cit., le 13 juin 1709, p. 112. 51. Ibid., le 30 juin 1718, p. 560.
52 Talleyrand, Mémoires, 1754-1815, Paris, Plon, 1982, p. 36-38. C’est l’un des plus beaux textes sur le maintien de la charité traditionnelle dans le cadre de la seigneurie.
53 V. Darnat, Un curé bordelais à la fin de l’Ancien Régime, Jean-Baptiste Barberet, vicaire perpétuel de Saint-Christoly (1766-1791), TER, Université de Bordeaux III, 1995, 2 vol.
54 AD. Gir., G 24-03, 10, paroisse Saint-Christoly.
55 Ibid.
56 AD. Gir., G 2403, paroisse Saint-Christoly.
57 Sur lequel on pourra lire le livre d’A. Forrest, La Révolution française et les pauvres, Paris, Perrin, 1981.
Table des illustrations
Légende | Tableau 2. – Legs pieux dans la noblesse bordelaise (1770-1789)37. |
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Légende | Tableau 3. – Les legs des parlementaires et des membres des autres cours. |
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